Très réussie, la couverture résume assez bien à elle seule le personnage de Gérard de Nerval et la fantaisie de l’album. La BD historique ou biographique recourant plus souvent à un style de dessin académique (généralement très réaliste), il est toujours agréable de découvrir une œuvre sortant des canons habituels, et c’est complètement le cas ici. On pense plus aux Pieds Nickelés voire à certains moments aux caricatures de Daumier (contemporain de Nerval, né également en 1808 !), et d’emblée, on peut être déconcerté par le décalage entre le graphisme « cartoon » et le personnage évoqué : un auteur du mouvement romantique du XIXe, sujet au spleen et qui ne prêtait guère au burlesque. Et contre toute attente, on finit pas adhérer très vite. On découvre que Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval, était un être fantasque, nerveux, toujours « intranquille » et aux abois, ce qui colle assez bien au trait enlevé et imprécis. Et que finalement, son côté lunaire en fait un parfait personnage de BD…
La narration bénéficie d’un rythme enlevé. Les scènes sans paroles, souvent oniriques, constituent des respirations poétiques bienvenues alternant avec les passages textuels plus ordinaires. Chaque scène est introduite par des citations ou extraits épistolaires de Nerval ou de ses proches (son grand ami Théophile Gautier principalement). On suit donc avec intérêt la biographie de cet auteur, certes méconnu, mais qui se révèle attachant dans ses tourments existentiels – accrus par une grosse déception amoureuse avec la chanteuse Jenny Colon - auxquels il ne semblait y avoir aucun remède, aucune consolation… sauf peut-être celle, pour le moins étrange, de se suspendre par le cou aux poignées de porte afin d’atteindre l’ivresse sexuelle.
« Nerval l’inconsolé » dégage un charme certain, avec une restitution historique crédible malgré la fantaisie qui parcourt l’histoire. Le lecteur ne peut qu’être séduit devant la magnifique évocation des voyages en Méditerranée de notre Gérard. Daniel Casanave semble décidément à l’aise dans les biographies de romanciers (Flaubert, Baudelaire, Verlaine…) ou adaptations de leurs œuvres (Shakespeare, Alfred Jarry). Ce n’est pas la première fois qu’il travaille avec le scénariste David Vandermeulen (Shelley, Chamisso (L'Homme qui a perdu son ombre)), et au vu de ce bel ouvrage, on ne peut qu’espérer une longue et fructueuse collaboration. Un des meilleurs albums de l’année sans aucun doute.
- Le bureau de Gaston doit être par là, capitaine. Mais vraiment, je ne suis pas sûr que cela vaille la peine de le déranger.
- C'est une question de principe, Tintin. Nous allons juste lui demander comment il fait pour être classé dans le top des Immanquables de Bdthèque... BOUM !!
- Capitaine ! Vous ne vous êtes pas fait mal, j'espère.
- Mille sabords ! Sur quoi ai-je donc glissé ? Sniff, sniff...Sacrebleu, c'est du guano ! Comment du gua... ça vous fait ricaner Tintin ?
- Oh, ce n'est pas moi Capitaine. On dirait plutôt que c'est ce chat avec son air narquois. Ha, Gaston est là. Regardez comme il a l'air heureux en dormant.
- Mr Tintin, Capitaine Haddock ?! Quel bon vent vous amène ?
- Bonjour Mr Prunelle, nous venons voir Mr Lagaffe mais nous n'osons pas le réveiller.
- Grrmbl... il va bien falloir pourtant. Mr DeMesmaeker attend ses contrats et Mlle Jeanne m'a dit que Gaston les a... euh Capitaine, puis-je voir les papiers avec lesquels vous essuyez votre semelle ?... ROGNTUDJUU !!!
….
….
- Sapajou ! Moule à gauffres ! Gaffophone de musette !
- Capitaine, vous pouvez arrêter . Il ne vous entend plus.
- Tonnerre de Brest ! Pourquoi m'avez-vous empêcher de lui coller une prune à ce Prunelle ?
- En parlant de prune, regardez notre pare-brise Capitaine ! Nous aurions dû « nourrir l'affreux bouffre-fric » comme nous l'avait conseillé ce jeune homme en face.
- M'enfin Tintin, M'enfin !
Même si cette série est classée en Humour, ne vous attendez pas en la lisant à pleurer de rire ! C’est plutôt la tristesse et la rage qui risquent de vous arracher des larmes.
En effet, le sujet est des plus glauques, porte en lui un vent de révolte contre toute vision rigoriste de la société, et en particulier contre la morale et l’action castratrice de l’Eglise, surtout l’Eglise catholique espagnole (des années 1920 à la fin du régime de Franco en 1975).
De nombreux scandales ont depuis éclaté à propos de la violence de cette Eglise (enfants volés à leur mère par des institutions religieuses…), sans bien sûr que personne ne soit renvoyé devant les tribunaux…
La force des albums de Gimenez – qui se met en scène, car ayant lui-même vécu ce calvaire – est de ne pas faire d’attaque brutale, frontale. Bien au contraire, les petites historiettes (deux pages généralement chacune) sont toutes en nuance, usant d’une douceur froide, d’un réalisme glacial, d’une ironie mordante, avec des chutes à la fois simples et terribles. Qui peuvent parfois ressembler à de l’humour, certes. Mais un humour noir, tranchant, un rire jaune. Toutes ces histoires sont en tout cas émouvantes, prenantes.
Le dessin de Gimenez est très bon, le Noir et Blanc convient parfaitement à ce qui s’apparente souvent à une chronique de la haine ordinaire, les institutions religieuses/orphelinats/pensionnats (il est vrai au cœur d’une société franquiste fasciste et castratrice par essence) ressemblant pas mal à des camps de concentration pour gamins. Quelle horreur ! (au nom de l’ordre, de Dieu ou de je ne sais quoi de bien-pensant évidemment).
Un autre auteur de chez Fluide Glacial a aussi décrit, dans une vision finalement presque aussi noire, même s’il y a des différences (un peu plus de « vrai » humour), cet univers affreux des pensionnats catholiques : n’hésitez pas à lire L'Institution de Binet, pour compléter avec un exemple français le témoignage espagnol de Gimenez. Edifiant.
Note réelle 4,5/5.
C'est toujours avec un certain plaisir que je suis les oeuvres d'un des auteurs les plus doués de sa génération. Encore une fois, c'est une réussite totale. Pourtant, les thèmes sont assez classiques et ont été maintes fois exploités dans la bd. Toutefois, c'est réalisé avec un certain brio. En effet, la qualité du dessin est remarquable avec cette pureté des traits.
S'il n'y avait que cela, on ne crierais pas au chef d'oeuvre. Il y a également le récit qui est basé sur les moments clefs de l'adolescence mêlés de sentiment de peur, de solitude mais également de rire. Tout sonne vrai dans cette initiation à l'amour de vacances à la sexualité. Il y a une certaine sensibilité du trait et du scénario que j'aime bien. La retranscription est parfaite. On se reconnaît dans Antoine et Hélène si on pouvait remonter le temps. Qui n'a jamais vécu un premier baiser ou étreinte amoureuse avant de se terminer dans une séparation non voulue ?
Un mot pour dire qu'il ne faut jamais emmené les cartes Pokémon sur une plage : ce n'est pas le lieu.
En conclusion, une bouffée de jeunesse qui fait du bien au-delà de la banalité.
J'avoue, le nom de Jeanne Hébuterne ne m'évoquait pas grand-chose, pour ne pas dire rien du tout. En faire le titre d'une BD était un pari risqué, mais les Editions Tartamudo ont eu l'audace de le faire. Du coup j'ai tenté la lecture, et ce fut une bonne découverte.
Jeanne Hébuterne, elle-même élève en peinture, fut l'un de smodèles, mais surtout la muse et la compagne d'Amedeo Modigliani, pendant les années qu'il passa en France à la suite de la première guerre mondiale. Une époque où les arts explosèrent à Paris, autour de Modigliani et quelques autres. Une période aussi où la folie prit certains de ces artistes, dans des voyages sans retour. Jeanne et Amedeo se sont retrouvés en plein dans cette tourmente, lui aux prises avec les démons de l'alcool, elle en plein questionnement artistique et existentiel.
Nadine Van Der Straeten, qui a dû travailler plusieurs années sur ce projet, a parfaitement retranscrit cette ambiance, ces alternances de fulgurances artistiques, d'amour inconditionnel, de violence domestique et de delirium tremens. Elle illustre son récit par son trait élégant, raffiné, bien qu'il y ait quelques pétouilles anatomiques parfois. C'est du noir et blanc profond, doté d'une belle puissance, d'expressions très travaillées, ce qui rend le récit encore plus dense. A la sortie, on ne sait pas si on doit avoir pitié de ces deux artistes maudits, ou les détester, malgré leur fin tragique.
A noter en fin d'album une note de l'autrice sur son travail, ainsi qu'une abondante bibliographie qui lui a permis de restituer avec rigueur cette histoire si particulière.
Anecdote drôle, mais pour moi seulement : le couple maudit a vécu à quelques mètres de mon premier appartement parisien.
C’est le premier album de Koren Shadmi que je lis, et pour une première, ça cogne fort ! Ça me donne envie d’aller creuser du côté de ce qu’il a produit antérieurement.
Avec « Le voyageur », l’auteur nous propose un album sombre et prenant, où l’ambiance pesante vous serre la gorge du début à la fin. Envie d’une bonne poilade ? Passez de suite à autre chose ! Là, il est question d’un personnage étrange et solitaire qui parcourt les Etats Unis en stop, tout autant d’un point de vue spatial que temporel. Les clés et les motivations de celui-ci nous sont distillées au compte-goutte, au fil de ses rencontres et des situations plus ou moins dramatiques qu’il traverse.
Avec cet album Koren Shadmi envoie du lourd et nous renvoie à notre condition humaine et notre place sur cette planète qu’il nous plait tant de piétiner. C’est relativement subtil, pas moralisateur, mais à travers l’histoire de ce personnage un peu perdu, il nous brandit une sorte de miroir qui nous fait mettre sans complaisance le nez dans notre caca. Son dessin sobre et la colorisation à dominante pastel enfoncent le clou de cette ambiance pesante et donne une sacrez prestance à l’ensemble.
A lire !
Une troupe de saltimbanques parisiens du début du siècle dernier est contactée par le professeur Pipolet afin de remplir des missions d’investigations de haute volée.
Supers justiciers revisités. Mais attention ici, pas de super pouvoir. On est à la mode des gadgets, des costumes, des masques, des armures, … qui fonctionnent plus ou moins ! Le tout créé par un savant docteur Pipolet doucement allumé et à la mémoire courte.
Ce qui marque d’abord à la lecture des deux tomes déjà parus, c’est l’objet : Le livre est beau et la couverture, avec ses effets de matières, est une invitation pour la suite.
Graphiquement, Arnaud Poitevin maitrise ses personnages, avec un style dynamique, tant par son sens du cadre que par la mise en scène de ses cases. Les personnages pourraient presque sortir des meilleurs Tex Avery tant par leurs expressivités parfois exagérées, que par leurs mises en actions, qui nous posent rapidement un sourire sur les lèvres.
Sourire que Régis Hautière entretient tout au long de ses histoires en alliant finesse et rocambolesque dans les situations auxquelles seront confrontées nos apprentis justiciers. Un humour qui fait mouche. Les –mes-aventures de nos Spectaculaires sont enlevées, pleines de rebondissement et forces de suspens pour nous amener au dénouement final. Le tout avec un second degrés affiché auquel j’adhère totalement.
Envie d’aventures, de grands spectacles et de rebondissements ? Les spectaculaires sont là pour vous servir.
Camargue rouge, de Faure et Vilane, racontait la rencontre entre des cavaliers de Camargue et les indiens du Wild West Show de Buffalo Bill. Les Gueules rouges, lui, parle du même type de rencontre mais cette fois par des mineurs de fond du Nord.
On y suit le jeune Gervais, élève appliqué qui aimerait bien faire des études mais que son père va forcer à venir travailler avec lui dans la mine. Alors pour s'évader, il va aller voir en cachette le spectacle américain de Buffalo Bill et y rencontrera des peaux-rouges qui, par la force des choses, vont se retrouver obligés de côtoyer les fameuses Gueules noires. Malgré les circonstances compliquées de cette situation, les échanges entre les représentants de ces deux peuples si différents vont montrer tout ce qui les rapproche et permettre au jeune héros de se forger une vision nouvelle du monde et de ses ambitions.
J'ai beaucoup aimé cette lecture car elle permet avant tout de découvrir de l'intérieur le monde des mineurs du Nord, ceux des corons, en 1905. C'est bien fait et ça présente les choses sous un aspect très humain, sans manichéisme. On y voit des mineurs fiers de leur métier malgré sa difficulté et ses dangers, et d'autres qui se plaignent et militent pour plus de droits ou sont plus radicalement anarchistes. Ce n'est pas du Germinal car l'ensemble reste vu par les yeux d'un garçon qui vient d'avoir son certificat d'études.
Et en même temps donc elle nous permet de découvrir la magie et l'exotisme apporté par le Wild West Show de Buffalo Bill, faisant entrer l'univers de l'ouest sauvage américain dans la France du début du siècle. Et de constater aussi que les participants de ce show n'étaient pas des sauvages incapables de communiquer et de raisonner mais bien des hommes aux parcours variés permettant des échanges intéressants entre des mondes bien différents.
Quant au dessin, s'il ne me charme pas totalement sur le plan esthétique, il est efficace et je lui trouve une agréable personnalité, notamment au niveau de ses couleurs directes à l'encre ou aquarelle.
C'est une lecture dont je suis ressorti très satisfait car je l'ai trouvée intéressante, dense, bien menée et dotée d'une conclusion qui m'a agréablement convaincu.
Ben moi, j'ai bien aimé ! C'est une trame relativement classique qui est proposée, mais bien exploitée. La fameuse possibilité de refaire sa vie en mieux, d'essayer d'atteindre la perfection, c'est un sujet qui est tentant. Mais finalement, est-ce une bénédiction ?
Ce que j'ai apprécié, c'est notamment la façon dont cela se conclut, tout comme la façon dont l'auteur joue sur le personnage principal. Personnage que j'ai beaucoup apprécié d'ailleurs, avec un grand réalisme. On s'attache à lui, et les différents choix qu'il doit mener.
Le dessin de Cyril Bonin est très bon, il a une façon de représenter les choses qui donne une belle émotion (même si parfois j'ai l'impression que les personnages passent souvent le temps avec la tête baissée). Impression renforcée par la colorisation d'ailleurs, faite tout en douceur.
Un auteur que je vais suivre de plus près, voila qu'il commence à m'intéresser grandement. C'est une belle BD, qui fait plaisir à lire !
Rien n'est aussi simple qu'il y parait dans ce bas-monde, et la grande distribution n'échappe pas à la règle. On la conspue, on la critique, on la dénonce, mais ce n'est pas aussi tranché que ça.
Et c'est ce que j'ai aimé dans cette BD, qui fait un état de cet hypermarché, véritable temple de la consommation qui est devenu une habitude et un lieu de vie.
C'est justement ça qui est fascinant : la façon dont ces lieux se sont inscrits dans nos vies, au point qu'on y reste si longtemps. Qu'ils deviennent le point de chute d'une sortie hebdomadaire.
Mais en même temps, par l'intervention des différentes personnes, on comprend que la réalité des choses est complexe : on ne peut en vouloir aveuglément à l'industrie qu'ils représentent, malgré les nombreux défauts que la BD pointe du doigt. C'est complexe, de tels sujets qui touchent à tant de choses.
Les auteurs arrivent bien à transmettre cette tendance double à travers le dessin, qui fait dans la simplicité et la lisibilité, peu de couleurs utilisées de manière très efficace, avec des planches parfois bien tournées sur le comparatif. C'est bien mené, et on en ressort avec pas mal d'interrogations sur ce qu'il faut en penser. Rien n'est évident, c'est sur, et les auteurs arrivent bien à retransmettre tout ce problème.
D'ailleurs, l'insertion du cahier d'explications à la fin est très intéressant (même si l'on n'a aucun doute sur l'enseigne caricaturée), renforçant l'avis des auteurs qu'on sent à travers la BD, même s'ils ont tenté d'avoir une certaine neutralité.
Bref, une BD bien faite, qui met en lumière tout ce que comporte une enseigne aussi grande, et tout ce qui est en jeu autour : la mort d'une ville, l'emploi, l'accessibilité de tout bien de consommation ... Une BD fortement instructive, qui laisse songeur.
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Nerval l'inconsolé
Très réussie, la couverture résume assez bien à elle seule le personnage de Gérard de Nerval et la fantaisie de l’album. La BD historique ou biographique recourant plus souvent à un style de dessin académique (généralement très réaliste), il est toujours agréable de découvrir une œuvre sortant des canons habituels, et c’est complètement le cas ici. On pense plus aux Pieds Nickelés voire à certains moments aux caricatures de Daumier (contemporain de Nerval, né également en 1808 !), et d’emblée, on peut être déconcerté par le décalage entre le graphisme « cartoon » et le personnage évoqué : un auteur du mouvement romantique du XIXe, sujet au spleen et qui ne prêtait guère au burlesque. Et contre toute attente, on finit pas adhérer très vite. On découvre que Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval, était un être fantasque, nerveux, toujours « intranquille » et aux abois, ce qui colle assez bien au trait enlevé et imprécis. Et que finalement, son côté lunaire en fait un parfait personnage de BD… La narration bénéficie d’un rythme enlevé. Les scènes sans paroles, souvent oniriques, constituent des respirations poétiques bienvenues alternant avec les passages textuels plus ordinaires. Chaque scène est introduite par des citations ou extraits épistolaires de Nerval ou de ses proches (son grand ami Théophile Gautier principalement). On suit donc avec intérêt la biographie de cet auteur, certes méconnu, mais qui se révèle attachant dans ses tourments existentiels – accrus par une grosse déception amoureuse avec la chanteuse Jenny Colon - auxquels il ne semblait y avoir aucun remède, aucune consolation… sauf peut-être celle, pour le moins étrange, de se suspendre par le cou aux poignées de porte afin d’atteindre l’ivresse sexuelle. « Nerval l’inconsolé » dégage un charme certain, avec une restitution historique crédible malgré la fantaisie qui parcourt l’histoire. Le lecteur ne peut qu’être séduit devant la magnifique évocation des voyages en Méditerranée de notre Gérard. Daniel Casanave semble décidément à l’aise dans les biographies de romanciers (Flaubert, Baudelaire, Verlaine…) ou adaptations de leurs œuvres (Shakespeare, Alfred Jarry). Ce n’est pas la première fois qu’il travaille avec le scénariste David Vandermeulen (Shelley, Chamisso (L'Homme qui a perdu son ombre)), et au vu de ce bel ouvrage, on ne peut qu’espérer une longue et fructueuse collaboration. Un des meilleurs albums de l’année sans aucun doute.
Gaston Lagaffe
- Le bureau de Gaston doit être par là, capitaine. Mais vraiment, je ne suis pas sûr que cela vaille la peine de le déranger. - C'est une question de principe, Tintin. Nous allons juste lui demander comment il fait pour être classé dans le top des Immanquables de Bdthèque... BOUM !! - Capitaine ! Vous ne vous êtes pas fait mal, j'espère. - Mille sabords ! Sur quoi ai-je donc glissé ? Sniff, sniff...Sacrebleu, c'est du guano ! Comment du gua... ça vous fait ricaner Tintin ? - Oh, ce n'est pas moi Capitaine. On dirait plutôt que c'est ce chat avec son air narquois. Ha, Gaston est là. Regardez comme il a l'air heureux en dormant. - Mr Tintin, Capitaine Haddock ?! Quel bon vent vous amène ? - Bonjour Mr Prunelle, nous venons voir Mr Lagaffe mais nous n'osons pas le réveiller. - Grrmbl... il va bien falloir pourtant. Mr DeMesmaeker attend ses contrats et Mlle Jeanne m'a dit que Gaston les a... euh Capitaine, puis-je voir les papiers avec lesquels vous essuyez votre semelle ?... ROGNTUDJUU !!! …. …. - Sapajou ! Moule à gauffres ! Gaffophone de musette ! - Capitaine, vous pouvez arrêter . Il ne vous entend plus. - Tonnerre de Brest ! Pourquoi m'avez-vous empêcher de lui coller une prune à ce Prunelle ? - En parlant de prune, regardez notre pare-brise Capitaine ! Nous aurions dû « nourrir l'affreux bouffre-fric » comme nous l'avait conseillé ce jeune homme en face. - M'enfin Tintin, M'enfin !
Paracuellos
Même si cette série est classée en Humour, ne vous attendez pas en la lisant à pleurer de rire ! C’est plutôt la tristesse et la rage qui risquent de vous arracher des larmes. En effet, le sujet est des plus glauques, porte en lui un vent de révolte contre toute vision rigoriste de la société, et en particulier contre la morale et l’action castratrice de l’Eglise, surtout l’Eglise catholique espagnole (des années 1920 à la fin du régime de Franco en 1975). De nombreux scandales ont depuis éclaté à propos de la violence de cette Eglise (enfants volés à leur mère par des institutions religieuses…), sans bien sûr que personne ne soit renvoyé devant les tribunaux… La force des albums de Gimenez – qui se met en scène, car ayant lui-même vécu ce calvaire – est de ne pas faire d’attaque brutale, frontale. Bien au contraire, les petites historiettes (deux pages généralement chacune) sont toutes en nuance, usant d’une douceur froide, d’un réalisme glacial, d’une ironie mordante, avec des chutes à la fois simples et terribles. Qui peuvent parfois ressembler à de l’humour, certes. Mais un humour noir, tranchant, un rire jaune. Toutes ces histoires sont en tout cas émouvantes, prenantes. Le dessin de Gimenez est très bon, le Noir et Blanc convient parfaitement à ce qui s’apparente souvent à une chronique de la haine ordinaire, les institutions religieuses/orphelinats/pensionnats (il est vrai au cœur d’une société franquiste fasciste et castratrice par essence) ressemblant pas mal à des camps de concentration pour gamins. Quelle horreur ! (au nom de l’ordre, de Dieu ou de je ne sais quoi de bien-pensant évidemment). Un autre auteur de chez Fluide Glacial a aussi décrit, dans une vision finalement presque aussi noire, même s’il y a des différences (un peu plus de « vrai » humour), cet univers affreux des pensionnats catholiques : n’hésitez pas à lire L'Institution de Binet, pour compléter avec un exemple français le témoignage espagnol de Gimenez. Edifiant. Note réelle 4,5/5.
Une Soeur
C'est toujours avec un certain plaisir que je suis les oeuvres d'un des auteurs les plus doués de sa génération. Encore une fois, c'est une réussite totale. Pourtant, les thèmes sont assez classiques et ont été maintes fois exploités dans la bd. Toutefois, c'est réalisé avec un certain brio. En effet, la qualité du dessin est remarquable avec cette pureté des traits. S'il n'y avait que cela, on ne crierais pas au chef d'oeuvre. Il y a également le récit qui est basé sur les moments clefs de l'adolescence mêlés de sentiment de peur, de solitude mais également de rire. Tout sonne vrai dans cette initiation à l'amour de vacances à la sexualité. Il y a une certaine sensibilité du trait et du scénario que j'aime bien. La retranscription est parfaite. On se reconnaît dans Antoine et Hélène si on pouvait remonter le temps. Qui n'a jamais vécu un premier baiser ou étreinte amoureuse avant de se terminer dans une séparation non voulue ? Un mot pour dire qu'il ne faut jamais emmené les cartes Pokémon sur une plage : ce n'est pas le lieu. En conclusion, une bouffée de jeunesse qui fait du bien au-delà de la banalité.
Jeanne Hébuterne
J'avoue, le nom de Jeanne Hébuterne ne m'évoquait pas grand-chose, pour ne pas dire rien du tout. En faire le titre d'une BD était un pari risqué, mais les Editions Tartamudo ont eu l'audace de le faire. Du coup j'ai tenté la lecture, et ce fut une bonne découverte. Jeanne Hébuterne, elle-même élève en peinture, fut l'un de smodèles, mais surtout la muse et la compagne d'Amedeo Modigliani, pendant les années qu'il passa en France à la suite de la première guerre mondiale. Une époque où les arts explosèrent à Paris, autour de Modigliani et quelques autres. Une période aussi où la folie prit certains de ces artistes, dans des voyages sans retour. Jeanne et Amedeo se sont retrouvés en plein dans cette tourmente, lui aux prises avec les démons de l'alcool, elle en plein questionnement artistique et existentiel. Nadine Van Der Straeten, qui a dû travailler plusieurs années sur ce projet, a parfaitement retranscrit cette ambiance, ces alternances de fulgurances artistiques, d'amour inconditionnel, de violence domestique et de delirium tremens. Elle illustre son récit par son trait élégant, raffiné, bien qu'il y ait quelques pétouilles anatomiques parfois. C'est du noir et blanc profond, doté d'une belle puissance, d'expressions très travaillées, ce qui rend le récit encore plus dense. A la sortie, on ne sait pas si on doit avoir pitié de ces deux artistes maudits, ou les détester, malgré leur fin tragique. A noter en fin d'album une note de l'autrice sur son travail, ainsi qu'une abondante bibliographie qui lui a permis de restituer avec rigueur cette histoire si particulière. Anecdote drôle, mais pour moi seulement : le couple maudit a vécu à quelques mètres de mon premier appartement parisien.
Le Voyageur
C’est le premier album de Koren Shadmi que je lis, et pour une première, ça cogne fort ! Ça me donne envie d’aller creuser du côté de ce qu’il a produit antérieurement. Avec « Le voyageur », l’auteur nous propose un album sombre et prenant, où l’ambiance pesante vous serre la gorge du début à la fin. Envie d’une bonne poilade ? Passez de suite à autre chose ! Là, il est question d’un personnage étrange et solitaire qui parcourt les Etats Unis en stop, tout autant d’un point de vue spatial que temporel. Les clés et les motivations de celui-ci nous sont distillées au compte-goutte, au fil de ses rencontres et des situations plus ou moins dramatiques qu’il traverse. Avec cet album Koren Shadmi envoie du lourd et nous renvoie à notre condition humaine et notre place sur cette planète qu’il nous plait tant de piétiner. C’est relativement subtil, pas moralisateur, mais à travers l’histoire de ce personnage un peu perdu, il nous brandit une sorte de miroir qui nous fait mettre sans complaisance le nez dans notre caca. Son dessin sobre et la colorisation à dominante pastel enfoncent le clou de cette ambiance pesante et donne une sacrez prestance à l’ensemble. A lire !
Les Spectaculaires
Une troupe de saltimbanques parisiens du début du siècle dernier est contactée par le professeur Pipolet afin de remplir des missions d’investigations de haute volée. Supers justiciers revisités. Mais attention ici, pas de super pouvoir. On est à la mode des gadgets, des costumes, des masques, des armures, … qui fonctionnent plus ou moins ! Le tout créé par un savant docteur Pipolet doucement allumé et à la mémoire courte. Ce qui marque d’abord à la lecture des deux tomes déjà parus, c’est l’objet : Le livre est beau et la couverture, avec ses effets de matières, est une invitation pour la suite. Graphiquement, Arnaud Poitevin maitrise ses personnages, avec un style dynamique, tant par son sens du cadre que par la mise en scène de ses cases. Les personnages pourraient presque sortir des meilleurs Tex Avery tant par leurs expressivités parfois exagérées, que par leurs mises en actions, qui nous posent rapidement un sourire sur les lèvres. Sourire que Régis Hautière entretient tout au long de ses histoires en alliant finesse et rocambolesque dans les situations auxquelles seront confrontées nos apprentis justiciers. Un humour qui fait mouche. Les –mes-aventures de nos Spectaculaires sont enlevées, pleines de rebondissement et forces de suspens pour nous amener au dénouement final. Le tout avec un second degrés affiché auquel j’adhère totalement. Envie d’aventures, de grands spectacles et de rebondissements ? Les spectaculaires sont là pour vous servir.
Les Gueules rouges
Camargue rouge, de Faure et Vilane, racontait la rencontre entre des cavaliers de Camargue et les indiens du Wild West Show de Buffalo Bill. Les Gueules rouges, lui, parle du même type de rencontre mais cette fois par des mineurs de fond du Nord. On y suit le jeune Gervais, élève appliqué qui aimerait bien faire des études mais que son père va forcer à venir travailler avec lui dans la mine. Alors pour s'évader, il va aller voir en cachette le spectacle américain de Buffalo Bill et y rencontrera des peaux-rouges qui, par la force des choses, vont se retrouver obligés de côtoyer les fameuses Gueules noires. Malgré les circonstances compliquées de cette situation, les échanges entre les représentants de ces deux peuples si différents vont montrer tout ce qui les rapproche et permettre au jeune héros de se forger une vision nouvelle du monde et de ses ambitions. J'ai beaucoup aimé cette lecture car elle permet avant tout de découvrir de l'intérieur le monde des mineurs du Nord, ceux des corons, en 1905. C'est bien fait et ça présente les choses sous un aspect très humain, sans manichéisme. On y voit des mineurs fiers de leur métier malgré sa difficulté et ses dangers, et d'autres qui se plaignent et militent pour plus de droits ou sont plus radicalement anarchistes. Ce n'est pas du Germinal car l'ensemble reste vu par les yeux d'un garçon qui vient d'avoir son certificat d'études. Et en même temps donc elle nous permet de découvrir la magie et l'exotisme apporté par le Wild West Show de Buffalo Bill, faisant entrer l'univers de l'ouest sauvage américain dans la France du début du siècle. Et de constater aussi que les participants de ce show n'étaient pas des sauvages incapables de communiquer et de raisonner mais bien des hommes aux parcours variés permettant des échanges intéressants entre des mondes bien différents. Quant au dessin, s'il ne me charme pas totalement sur le plan esthétique, il est efficace et je lui trouve une agréable personnalité, notamment au niveau de ses couleurs directes à l'encre ou aquarelle. C'est une lecture dont je suis ressorti très satisfait car je l'ai trouvée intéressante, dense, bien menée et dotée d'une conclusion qui m'a agréablement convaincu.
The Time Before
Ben moi, j'ai bien aimé ! C'est une trame relativement classique qui est proposée, mais bien exploitée. La fameuse possibilité de refaire sa vie en mieux, d'essayer d'atteindre la perfection, c'est un sujet qui est tentant. Mais finalement, est-ce une bénédiction ? Ce que j'ai apprécié, c'est notamment la façon dont cela se conclut, tout comme la façon dont l'auteur joue sur le personnage principal. Personnage que j'ai beaucoup apprécié d'ailleurs, avec un grand réalisme. On s'attache à lui, et les différents choix qu'il doit mener. Le dessin de Cyril Bonin est très bon, il a une façon de représenter les choses qui donne une belle émotion (même si parfois j'ai l'impression que les personnages passent souvent le temps avec la tête baissée). Impression renforcée par la colorisation d'ailleurs, faite tout en douceur. Un auteur que je vais suivre de plus près, voila qu'il commence à m'intéresser grandement. C'est une belle BD, qui fait plaisir à lire !
Le grand A
Rien n'est aussi simple qu'il y parait dans ce bas-monde, et la grande distribution n'échappe pas à la règle. On la conspue, on la critique, on la dénonce, mais ce n'est pas aussi tranché que ça. Et c'est ce que j'ai aimé dans cette BD, qui fait un état de cet hypermarché, véritable temple de la consommation qui est devenu une habitude et un lieu de vie. C'est justement ça qui est fascinant : la façon dont ces lieux se sont inscrits dans nos vies, au point qu'on y reste si longtemps. Qu'ils deviennent le point de chute d'une sortie hebdomadaire. Mais en même temps, par l'intervention des différentes personnes, on comprend que la réalité des choses est complexe : on ne peut en vouloir aveuglément à l'industrie qu'ils représentent, malgré les nombreux défauts que la BD pointe du doigt. C'est complexe, de tels sujets qui touchent à tant de choses. Les auteurs arrivent bien à transmettre cette tendance double à travers le dessin, qui fait dans la simplicité et la lisibilité, peu de couleurs utilisées de manière très efficace, avec des planches parfois bien tournées sur le comparatif. C'est bien mené, et on en ressort avec pas mal d'interrogations sur ce qu'il faut en penser. Rien n'est évident, c'est sur, et les auteurs arrivent bien à retransmettre tout ce problème. D'ailleurs, l'insertion du cahier d'explications à la fin est très intéressant (même si l'on n'a aucun doute sur l'enseigne caricaturée), renforçant l'avis des auteurs qu'on sent à travers la BD, même s'ils ont tenté d'avoir une certaine neutralité. Bref, une BD bien faite, qui met en lumière tout ce que comporte une enseigne aussi grande, et tout ce qui est en jeu autour : la mort d'une ville, l'emploi, l'accessibilité de tout bien de consommation ... Une BD fortement instructive, qui laisse songeur.