Les derniers avis (38669 avis)

Par Blue Boy
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série L'Homme gribouillé
L'Homme gribouillé

Résultat d’une collaboration entre deux pointures de la bande dessinée, ce beau pavé inaugure à merveille cette année 2018. D’emblée, le lecteur est captivé par cette histoire à l’atmosphère très particulière, quasi apocalyptique, qui voit Paris littéralement noyé sous les eaux, alors que la pluie tombe en permanence. Grâce à son formidable coup de crayon et son sens du cadrage, Frederik Peeters sait parfaitement distiller le mystère dès le début, accentuant l’aspect fantastique du récit par un gros plan sur une gargouille de Notre-Dame, sur un crapaud égaré sur un trottoir, ou sur le chat noir peu amène confié à Betty par ses voisins… Peeters fait preuve ici d’une grande virtuosité tant dans le dessin - magnifique, ces paysages de montagne dans la brume, avec un beau rendu à l’aquarelle - que dans la mise en page, très dynamique, tandis que le choix du noir et blanc est tout à fait adapté au climat menaçant de ce conte moderne. Le dessinateur genevois fait ainsi honneur au scénario de Serge Lehman, très maîtrisé de bout en bout et ne souffrant d’aucun temps mort. Pour ce faire, Lehman a puisé dans la mythologie juive et la littérature fantastique française du début du XXe siècle, en organisant une rencontre explosive entre le légendaire golem et une sorte de cousin du Fantôme de l’Opéra prénommé Max Corbeau, avec en toile de fond un antique secret lié à la sorcellerie. Comme il le dit lui-même, l’auteur cherche par son travail à redonner au fantastique français la place qu’il a perdue au profit des Américains, en raison notamment de l’état d’esprit trop cartésien qui règne dans l’Hexagone. Et on se rend compte en effet que ce thriller terrifiant, qui ne se contente pas de singer les comics d’outre-Atlantique, n’a absolument rien à leur envier, bien au contraire ! Outre l’aspect fantastique du récit, les personnages ne sont pas négligés pour autant. Qu’ils soient principaux ou secondaires, ils sont tous bien campés, qu’il s’agisse des héroïnes, très attachantes, ou à l’inverse de Max Corbeau, créature vicieuse et cauchemardesque sortie tout droit d’un tableau de Jérôme Bosch. C’est bien ce qui rend cet ouvrage tout à fait unique, comme si le genre fantastique avait fait alliance avec le récit psychologique à la française. Car la quête à laquelle se livre Betty est finalement un peu celle de tout un chacun : remonter à ses origines pour comprendre qui l’on est, chasser ses vieux démons pour, peut-être, enfin trouver l’apaisement… Entre roman graphique, légende urbaine et conte immémorial, « L’Homme gribouillé » s’impose déjà comme un classique du genre. La synergie entre les deux auteurs semble avoir fonctionné à plein, et laisse véritablement espérer qu’ils n’en resteront pas là.

14/01/2018 (modifier)
Couverture de la série La Licorne
La Licorne

D’habitude je ne relis jamais les histoires que je ne recommande pas. Mais avec ce dessin ciselé d’Anthony Jean que je trouvais déjà magnifique dans mon premier avis, avec ces visages taillés à coups de serpes, les formes anguleuses, la place laissée au contemplatif, le trait hyper fouillé qui démontre un talent certain, de même que ces extraordinaires couleurs soignées, et puis surtout l’imagination qu’il déploie pour dépeindre ces créatures mythologiques, j’ai envie de reprendre les mots de l’auteur : « Les chimères de l'antiquité sont aujourd'hui devenues des puzzles anatomiques, assemblages écorchés de muscles, d'os et de tendons totalement improbables ! » ; Bref, j’ai eu la soudaine envie d’accorder une seconde chance à cette série. En lisant mon commentaire j’ai constaté après relecture avoir buté sur les mêmes écueils, à savoir les révélations et retournements de situation qui s’enchaînent dans l’ultime épisode et qui sont comme une avalanche d’informations dont j’ai de la peine à tout digérer. J’ai également accroché sur les mêmes points qui sont entre autres le dessin et la densité d’intrigue des trois premiers albums qui ne sont pas si tarabiscotés pour peu qu’on ne lise pas en diagonale. Même le scénariste Mathieu Gabella prévient que La Licorne est une œuvre pas spécialement ardue mais elle demande un minimum d’attention de la part du lecteur. Cela tombe à pique, j’aime les histoires qui laissent songeur et me donnent du grain à moudre. Peut-être est-ce la raison pour laquelle j’étais passé au travers la première fois à cause d’une lecture en quatrième vitesse. J’ai mieux pris conscience de l’ambition de son scénariste : la réconciliation de l’Histoire, des Sciences et des récits de l’imaginaire. Et malgré certains défauts, à mon sens, sur lesquels je conclurai, force est de reconnaître que l’alchimie fusionne à merveille, la joute est remportée haut la main. Il y a eu pas mal de malentendus sur ce qu’est La Licorne, certains espérant un catalogue d’anecdotes en rapport avec la médecine, ils ont donc été déçu de lire une fiction. Pour moi il s’agit de Fantasy uchronique que l’on peut confondre avec la Fantasy Historique : ici, la Fantasy se passe dans le monde réel auquel viennent se greffer des éléments surnaturels. À la fin le cours de l’Histoire est plus ou moins respecté mais la manière dont les choses se sont produites possède une trame fantastique (et SF souvent ici), qui diffère de ce qui est enseigné dans nos livres. Certes ce n’est pas que cela. L’alchimie est bien plus complexe puisqu’on prend pour point de départ une intrigue à base de jeux de pistes et d’énigmes à résoudre à la manière d’un Da Vinci Code, sauf que le casse-tête n’est pas une toile du célèbre génie polymathe, mais la non moins sibylline tapisserie en six parties de la fin du XVème siècle : La Dame à la Licorne. Encore aujourd’hui les chercheurs n’ont pas percé tous ses mystères… C’est une des choses que j’ai trouvé très bien construites : le récit commence doucement sur une enquête criminelle dans le tome un et bien que les éléments fantastiques soient déjà présents, il n’y en a pas abondance, et le lecteur à l’image du héros Ambroise Paré, découvre et rentre petit à petit dans ce monde fantastique. C’est bien dosé en somme. On perçoit bien les tâtonnements de l’auteur sur certains aspects comme le dosage de l’humour qui se fera de moins en moins présent, on entend moins la gouaille rabelaisienne de Paré à mesure que l’histoire avance, ni les apitoiements humoristiques de Paracelse. De même, la violence est décomplexée voire WTF dans le premier tome puis devient soft par la suite. C’est toujours spectaculaire mais moins barré. C’est intéressant un scénariste qui arrange la mire en cours de route quand il constate que des choses passent moyennement. Il y a une évolution sans pour autant broder au fur et à mesure des albums, dès le début Gabella sait où il veut nous emmener. J’ai trouvé cette série jubilatoire, très « feu d’artifice », où ça part dans toutes les directions mais dans le bon sens du terme. D’un côté on a une intrigue qui traite d’enjeux dramatiques qui peuvent s’avérer cataclysmiques. Les héros sont un groupe de super papy de la Renaissance qui doivent faire face aux plans malveillants de l’Église romaine qui cherche à insuffler un nouvel élan à sa croyance à une époque où l’homme commence à avoir la prévalence des préoccupations au détriment de Dieu. Au milieu de ce petit monde il y a un intriguant « Chasseur » qui joue double voire triple jeu, un mystérieux génie inconnu qui balance des indices aux quatre coins du monde, et tout le bestiaire mythologique (Sphinx, Minotaure, Manticore, Hydre, Kraken, etc.) connu qui a lui aussi ses propres intérêts, et même parmi ces créatures toutes ne se battent pas dans le même camp. Et en même temps et sans la nécessité d’une seconde lecture, on lit entre les lignes un passionnant cours sur l’histoire de la médecine et des sciences de la faune dont les conférenciers se nomment Ambroise Paré, Nostradamus, André Vésale, Paracelse, Jérôme Fracastor, Conrad Gessner, Jacobus Sylvius, etc. Le scénariste joue habilement sur les croyances populaires du XVIème siècle comme la poudre de licorne qui aurait des effets curatifs miraculeux et dont on faisait commerce mais qui dans la réalité était une arnaque (c’était des défenses de narval). Le récit fourmille d’idées comme l’homme de Vitruve qui serait un plan prototype de Chimère, l’œil du Basilic ferait IRM, la recherche du mouvement perpétuel ressemble à un chaînon d’ADN. Le dessinateur n’est pas en reste puisqu’il offre de superbes compositions tour à tour inspiré par exemple de la bibliothèque labyrinthe du Nom de la Rose ou encore la chute du Balrog dans les mines de la Moria dans Le Seigneur des Anneaux. Alors c’est vrai, des fois on peut avoir ce sentiment décourageant que la série s’adresse à un public réservé car il faut avoir un peu de culture pour tout comprendre de A à Z : entre le dieu grec de la médecine Asclépios, l’alignement des planètes Mercure et Vénus (Aphrodite et Hermès) qui n’est pas un choix anodin, et le déluge biblique, l’auteur case beaucoup d’éléments qui donnent le tournis. Mais au final ce que raconte La Licorne, la transition entre l’homme primordial, celui de Galien, et l’homme moderne qui découvre les micro-organisme, est très originale et demeure cohérente. Alors il y a certaines choses que je n’ai toujours pas très bien compris, donc vous pouvez sauter ce paragraphe car ça va spoiler : j’ai compris grosso modo qu’il y avait le choix entre trois options à la fin : bon je ne vais pas trop renter dans les détails mais le héros choisit la troisième voie, celle consistant à sacrifier les primordiaux mais sans donner le bon rôle à l’Église. Le truc c’est que je n’ai saisi comment tout cela se goupillait, par exemple comment on en arrive de mykrobios mortel et agressif à mykrobios comme système immunitaire. C’est surtout sur le duo amoureux Chasseur / Vampire que je bute car au final ce que lui souhaite ressemble aux souhaits de Paré mais ils sont pourtant ennemis. Et puis le double du Chasseur, la chauve-souris, c’est un primordial ou quoi exactement ? De même que la petite fille, je n’ai pas compris ce qu’elle venait faire ici, si elle était une réincarnation de la Vampire ou autre… Par un moment on nous dit que la Licorne est indestructible puis la page suivante qu’elle doit être détruite… no comprende. La fin en points de suspensions est assez étrange, même si aucunement incohérente, car on sacrifie tout les primordiaux mais laisse le récit ouvert sur le mythe de Dracula. Tout n’est pas clair comme de l’eau de roche mais… j’imagine que ça appelle à une troisième lecture. En somme : divertissant, intelligent avec quelques scories, bien documenté et beau.

02/11/2013 (MAJ le 14/01/2018) (modifier)
Par Erik
Note: 4/5
Couverture de la série Gil St André
Gil St André

Une série très captivante au niveau de son scénario. Une belle réussite du genre. Comme quoi, on peut réussir à faire un très bon polar à la française. Je désespérais d’en lire un tant la collection « Bulle noire » m’avait déçu. C’est encore du Kraehn dont j’avais apprécié le très controversé Bout d'homme. L’auteur a réussi à nous donner un thriller intelligent mêlant action et suspens. Les premières pages sont d’ailleurs une véritable réussite du genre. J’ai toujours eu peur que cela arrive à ma propre épouse qui disparaît sans laisser de trace. Non, je rigole !;) Par ailleurs, force est de constater que le dessin est précis avec un souci de détail ahurissant. Les couleurs sont véritablement dynamiques donnant une impulsion particulière dans les scènes d’action. C’est une BD qui s’inscrit avec son temps et qui livre une analyse juste des problèmes de notre société contemporaine : réseau de prostitution, l’intégrisme religieux, le danger des sectes… En conclusion, une excellente série qui permet de passer un agréable moment. Cependant et je me dois d'être honnête avec le lectorat, j'ai arrêté cette collection à l'achat jusqu'au tome 8. En effet, le format a totalement changé à partir du tome 9 et je ne voulais pas dépareiller ma collection. Par ailleurs, la lecture de ces derniers numéros m'est apparue comme très décevante par rapport aux débuts. La suite n'a pas été à la hauteur d'où une révision de mon jugement. Note Dessin : 4/5 – Note Scénario : 3.5/5 – Note Globale : 3.75/5

14/02/2007 (MAJ le 12/01/2018) (modifier)
Par Erik
Note: 5/5
Couverture de la série Arte
Arte

Ce manga à connotation historique est un réel coup de coeur. Il est plutôt rare d'en rencontrer. Par bien des aspects, cela m'a rappelé l'excellente série Cesare mais sans la rigueur. Cependant, le sujet s'intéresse particulièrement à la fabrication des tableaux dans les fameux ateliers durant la Renaissance à Florence. Arte n'est pas seulement le nom d'une célèbre chaîne de TV intelligente dans sa programmation culturelle mais également le prénom d'une jeune aristocrate de 16 ans qui renonce à sa condition pour devenir artiste peintre. Cependant, elle devra surtout faire face à la misogynie ambiante. En effet, les hommes détestent qu'une femme vienne empiéter sur leur chasse gardée. Au début du XVIème siècle, la plupart des filles recevaient une éducation au rabais par rapport aux garçons du même milieu. Tout ce qu'on demandait aux femmes, c'était d'être de bonnes épouses, d'avoir des enfants et de bien les élever. Arte va s'élever contre ce système mais elle paiera très cher le prix de cette liberté. Enfin, une vraie héroïne qui est déterminée et volontaire ! Ce manga va également nous permettre de nous immerger à travers le quotidien de cette ville au milieu du foisonnement de la Renaissance. On va découvrir ainsi les différentes corporations, le rôle de l'Eglise, le marché, le carnaval également et les courtisanes. La narration aidant, on sera vite submergé par ce récit. L'auteur est un réel inconnu qui frappe fort pour sa première série richement documentée. Le dessin est une vraie merveille sur un support tout à fait adapté et très soigné. On a du mal à y croire ! C'est une vraie success story. On va suivre cette série de très près car elle nous réserve le meilleur tel que c'est parti. Il faut lire Arte si on apprécie particulièrement les mangas de qualité. Déjà 7 tomes et le récit a pris totalement une autre tournure ce qui apporte un peu de nouveauté et de renouvellement. Arte est devenue préceptrice à Venise pour dompter une petite fille au caractère assez capricieux. Certes, on s'éloigne un peu de l'art et des tableaux. Cependant, on découvre une ville magnifique ainsi que la société des aristocrates vénitiens qui ne manque pas de charme. C'est toujours aussi beau graphiquement parlant. Les mangas que j'achète actuellement sont assez rares. Cette série en fait pourtant partie. On pourrait également penser que cela serait réservé à un lectorat plutôt féminin mais il n'en n'est rien malgré les couvertures. Il faut aller au-delà pour percevoir la grâce et la beauté de l'histoire. Note Dessin : 4.5/5 – Note Scénario : 4.5/5 – Note Globale : 4.5/5

03/01/2016 (MAJ le 12/01/2018) (modifier)
Par Erik
Note: 4/5
Couverture de la série Lady S.
Lady S.

C’est une série d’espionnage scénarisée par le talentueux Jean Van Hamme qu'on ne présente plus. Le dessin semble être dans la même veine que Largo Winch c'est à dire soigné et précis. Je n'ai pas de problème avec ce graphisme réaliste bien au contraire. Cette BD qui traite du monde de la diplomatie est plus que correcte. La lecture est très agréable. Le talent de narrateur de Van Hamme fait beaucoup dans le succès de cette série. Le défaut provient peut-être des grosses ficelles tirées par le scénariste qui en abuse parfois. Et puis, toute cette machine commerciale autour de cette série peut en énerver plus d'un qui passeront leur chemin. Cela serait toutefois dommage de ne pas faire connaissance de la séduisante Suzan-Shania qui se révèle être un personnage attachant tout au fil des tomes qui se succèdent. Cela reste dans la droite ligne de Largo Winch, de Wayne Shelton ou XIII. J'apprécie le cadre géopolitique de chacun des scénarios élaborés car c'est très proche de la réalité. Cette série peut s'avérer classique dans l'approche mais passionnante à la lecture. J'ai bien aimé le 6ème tome (salade portugaise) dont une première partie de l'action se déroule dans ma ville de Strasbourg. Il faut dire que les lieux ont été fidèlement représentés. A noter que le dessinateur Aymond reprend entièrement la série à partir du 10ème tome. Van Hamme a également passé la main sur cette série. Je dois bien avouer qu'Aymond se débrouille plutôt bien. Le tome 11 se passe dans la zone américaine un peu spéciale de Guantánamo. On apprendra des choses assez intéressantes tout en collant avec l'actualité très récente comme le rapprochement de Cuba avec les USA. A noter un 13ème tome qui possède quand même pas mal de défauts visibles. Je vais donner un exemple précis. Une phrase est employée du style: "votre rôle dans cette histoire n'est pas clair" qui est prononcée à bout de champ par des protagonistes différents vers la fin du tome. A croire que l'auteur ne s'est pas relu. On peut également ajouter des grosses ficelles également comme recevoir une balle en pleine tête et s'en sortir vivant par une pirouette du genre la balle a éraflé la boîte crânienne. A cette distance et au vu de ce que nous voyons au travers la case de l'album, on peut légitimement en douter. Bref, du gros n'importe quoi au niveau crédibilité. C'est dommage de ne pas faire plus d'efforts car la série est toujours aussi agréable à la lecture. Au final, c'est une BD de divertissement et à prendre comme tel. Ni plus, ni moins! En tout cas, l'efficacité est toujours assurée par un virtuose du scénario. Note Dessin : 4/5 – Note Scénario : 4/5 – Note Globale : 4/5

14/02/2007 (MAJ le 12/01/2018) (modifier)
Par Erik
Note: 5/5
Couverture de la série Lincoln
Lincoln

"Lincoln" est une BD gorgée de récompenses et prix divers qui a attiré beaucoup de lecteurs à ses débuts dans les années 2000. Cela a été un franc succès en librairie et on peut dire que cela était franchement mérité. Comment expliquer cet engouement du public ? Sans doute par un regard à la fois féroce, lucide et satirique qui s'accorde à une mise en scène calme et naturaliste et paradoxalement très efficace car dégraissée des gros artifices inhérents au genre. Cette jolie fable est parfois perçue comme un western philosophique. Au-delà d’une réflexion sur la nature humaine, les auteurs signent une histoire intrigante et atypique qui mêle religion et philosophie sur fond d’humour noir. On a enfin droit à quelque chose qui sort des sentiers battus de la bd d’humour commerciale. En tout cas, j'attends chaque sortie de nouveau tome avec impatience. C'est dire ! Le dessin et les couleurs s'allient parfaitement pour permettre une grande lisibilité de l'album. Cet anti-héros crève littéralement l’écran ou devrais-je dire les cases. Le rendre sympathique est un véritable tour de force de la part des auteurs. Nous avons droit à une bd intense, pudique et subtile dont le scénario n'empêche pas une vraie et discrète virtuosité. Les dialogues sont véritablement percutants même si on ne hurle pas de rire devant tant de cynisme. Une Bd qui constitue un véritable brûlot divin iconoclaste en diable ... J'ai été étonné de la direction prise par le tome 8 en pleine Première Guerre Mondiale s'éloignant un peu plus du western. C'est là encore une prise de risque de la part des auteurs qui ont pris le parti de faire évoluer leur personnage au risque de lasser le public par la multiplication des albums. En effet, Lincoln est devenu rare de par une parution beaucoup plus espacé. Ainsi, il a fallu attendre pas moins de 4 ans pour le 9ème volume qui nous plonge dans l’Amérique puritaine des années 20 avec la prohibition de l’alcool. Cependant, c’est surtout les milieux anarchistes qui feront l’objet du thème de cet album. A noter également que l’on commence sérieusement à préférer le petit diable au bon Dieu ce qui est quand même assez révélateur. Note Dessin: 4/5 - Note Scénario: 5/5 - Note Globale: 4.5/5

09/04/2007 (MAJ le 12/01/2018) (modifier)
Par Blue Boy
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Emma G. Wildford
Emma G. Wildford

Zidrou et Edith nous livrent ici un drame romantique traité de façon subtile et poétique, empreint d’un charme suranné, rehaussé par le tirage original et luxueux qui en fait un véritable objet d’art. Avec ses deux collections Métamorphose et Noctambule, l’éditeur Soleil, en mettant l’accent sur la qualité de l’impression, semble avoir compris, face aux enjeux du tout numérique, que l’avenir de la BD passait par une sorte de sacralisation de l’objet : double-couverture aimantée se dépliant pour laisser apparaître l’œuvre dans sa nudité, tel un écrin dévoilant son diamant ; insertion d’une enveloppe, d’une photo et d’un ticket d’embarquement, autant de pièces d’un puzzle contribuant à insuffler une touche de mystère au récit. C’est tout à fait magnifique ! De plus, le trait élégant d’Edith reste un vrai plaisir des yeux, renforcé par ses aquarelles délicates et de jolis effets de lumière. Aucune surcharge inutile dans ce dessin qui recèle un côté intemporel convenant bien à l’atmosphère de début de XXe siècle du récit. Plusieurs fois récompensée (notamment par une Pépite BD à Montreuil avec Le Jardin de Minuit), cette auteure, qui n’en est donc pas à sa première œuvre, mériterait largement une plus large renommée, à l’instar de ses consœurs plus connues, notamment Pénélope Bagieu, Chloé Cruchaudet ou encore Marion Montaigne. Scénariste BD très prolifique, Benoit Zidrou quant à lui nous propose une histoire en forme de quête passionnelle, celle d’une femme qui veut croire à l’amour avec un grand A, dût-elle se brûler les ailes, ou bien plutôt éteindre le feu qu’elle porte en elle dans la froidure des terres nordiques, pour reprendre la splendide parabole liée à l’expédition de son fiancé disparu. C’est bien vu et plein de justesse. Si dès le début, on devine qu’en partant à la recherche de Roald, Emma s’expose à de terribles désillusions, on comprend aussi que celle-ci, animée d’une passion aveuglante, refuse d’être consumée par une attente illusoire, car si Emma est naïve, elle n’en est pas moins combative – et féministe à sa façon en bravant le mépris et la condescendance des hommes de la société d’archéologie, ceux-ci cherchant à la dissuader de partir sur les traces de son fiancé. Emma n’est pas Pénélope. Elle préfère, plutôt que de tisser mille fois la même toile, écrire des poèmes. Ses écrits ont d’ailleurs bien souffert de l’humidité à la suite d’une chute durant sa quête, ce qui lui fera dire : « C’est comme si tout, toujours, était à réécrire »… « Emma G. Wildford », qui a été nominé pour le Festival d’Angoulême, a de bonnes chances de décrocher le Fauve d’or, procurant ainsi à ses auteurs une légitime reconnaissance dans le milieu du neuvième art. Le comité de sélection ne s’y est pas trompé en listant cette bande dessinée, qui est d’ores et déjà une des meilleures productions de 2017.

11/01/2018 (modifier)
Par peckexcel
Note: 4/5
Couverture de la série Les Vieux Fourneaux
Les Vieux Fourneaux

Je suis tombé sur le premier tome de la serie il y 6 mois , seulement j'ose dire. Je n'en attendais rien ne connaissant que les couvertures colorées. Je pensais lire une série de sketches d'une ou deux planches sur des vieux aigris. En fait j'ai compris mon erreur dès la première planche, cette planche est juste parfaite. Honnêtement il m'arrive encore de la regarder régulièrement il y a tout ce qu'on peut attendre d'une première planche, une exposition du lieu, le personnage qu'on découvre en plusieurs cases et le but de celui-ci dès le début, et tout cela en une planche un modèle du genre ! Une de mes planches préférées de tous les temps. Et la suite du tome dans tout ça? Le scénario est inattendu bien loin d'être naïf, profond et intelligent. Une chronique à la fois drôle et un peu dramatique, presque douce amer, pleine d'émotion, de pudeur et terriblement humaine... je n'ai vraiment pas envie d'en dire plus pour ne pas vous gâcher le scénario. Le tout soutenu par un dessin très expressif. Aller ! Un 5/5 sans problème. Le tome 2 : ... Cela ne pouvait qu'être moins bon... Cette histoire m'a beaucoup moins touché que la précédente, il y a bien sûr des passages très bons, mais je dois avouer que dans l'ensemble c'est vraiment en dessous, moins bien construit et avec des longueurs. Ça a l'air horrible dit comme ça, faut pas pousser non plus ça reste bon mais juste pas au niveau du premier : moins d'émotion et même le trait dans les premières planches je l'ai trouvé plus épais, moins fin, à l'image du scénario... Un 3,5/5, ça se lit mais... Tome 3 : celui qui part Eh bien celui qui part, ce n'est définitivement pas moi ! j'ai beaucoup beaucoup aimé le propos de cette histoire. Sans en dire trop, les flashback rendent ces personnages tellement humains. Seul le "pirate" m'a dérangé et m'a fait sortir de l'album en me disant non c'est trop gros, et c'est dommage car à part un manque de rythme, pas grand chose à reprocher. Un bel album qui se relira avec un grand plaisir. (ça reste moins bon que le premier quand même qui était vraiment exceptionnel) un 4/5 ! Une belle histoire humaine.

28/03/2017 (MAJ le 11/01/2018) (modifier)
Par sloane
Note: 4/5
Couverture de la série Plus fort que la haine
Plus fort que la haine

Je ne vais pas m'appesantir sur le dessin en noir et blanc qui offre un rendu somptueux à l'ensemble. Je réalise en le voyant qu'un autre auteur que j'aime beaucoup Vincent Gravé, possède lui aussi cette patte avec le noir et blanc. Que dire du contexte dans lequel se déroule ce récit ?. J'ai glissé ici ou là dans mes avis tout le bien que je pense de ces bons gros rednecks des années 40 ou 50, me semble que leurs descendants ont conservé quelques gènes!! Justement cette période et son ambiance "amicale " est je trouve parfaitement rendue, d'abord au travers des dialogues entre le père et le fils, les exactions du KKK et enfin le choix de la boxe comme moyen d'essayer de s'en sortir. Non , en fait les mots me manque un peu, j'ai un peu l'impression d'avoir pris un uppercut en pleine face. Livre à faire lire qui en quelques dessins, encore une fois magnifiques, en dit plus que de longs discours.

10/01/2018 (modifier)
Par gruizzli
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Le Loup des Mers
Le Loup des Mers

Je suis un grand fan de Jack London, dont je collectionne les écrits (réédités pour mon plus grand plaisir) et dont je me targue d'avoir bientôt lu toute la bibliographie. Mais dans ce fouillis de plus de cinquante livres aussi divers que cohérent, il en est un que je n'ai toujours pas lu : Le loup des mers. La raison est que lorsque cette BD est sortie, je ne l'avais toujours pas lu et je me suis réservé le plaisir de découvrir en avant première l’œuvre qu'en aura tiré Riff Reb's. Vous l'aurez compris à cette note, mais ce livre est exceptionnel. Et la liste des qualités est aussi longue que vous le souhaitez. Le dessin ? Si ce n'est pour vous le point le plus fort, je crois qu'il faut au moins lui laisser sa maestria. Une virtuosité du trait, une noirceur métaphorique, un talent pour représenter le monde maritime ... Il est beau, précis, efficace. C'est dosé à la perfection pour faire ressentir toute l'atmosphère poisseuse d'une goélette de mer, toute la noirceur de ce navire hanté par son capitaine. Rien que le dessin mérite à coup sur qu'on s'y attarde, mais aussi qu'on le relise. Le scénario ? Outre l'adaptation qui a été faite avec brio (Jack London, malgré tout le respect que je lui porte, est souvent un peu daté dans la façon d'écrire), je dois dire que c'est un modèle pour expliquer les passerelles entre BD et livres : la façon de rendre ces écrits, cette voix intérieure qui traverse les pages, tout autant que la coupure en chapitres. Je suis émerveillé de la façon dont il a réussi à retranscrire les idées, les propos et l'histoire, tout en reconnaissant qu'on est pris aux tripes dans cette lecture presque viscérale. L'ambiance ? Le plus gros point fort selon moi. Une ambiance de mer, de philosophie, de mort et de noirceur. L'âme humaine dans ses plus bas niveaux, là où ni dieu ni le philosophe ne peuvent aider. C'est une parenthèse que nous ne connaitrons sans doute jamais, mais qui prend aux tripes par la façon de nous montrer des hommes dans leurs limites les plus absolues. Rien ne sera épargné au(x) héros, et ce pour notre plus grande horreur. Les couleurs ! Une idée superbe : une couleur dominante par chapitre, envahissant toutes les cases et donnant un ton à chaque chapitre, renforçant les idées et les propos. Et justement, finissons par cela : les propos. Les considérations de chaque homme, mais avant tout de Loup Larsen, le capitaine, sont une des raisons supplémentaires d'aimer cette BD. On y retrouve toutes les idées chères à Jack London : la sauvagerie de l'homme, le nihilisme, l'opposition entre la culture et la force, le destin inéluctable de l'homme, le bonheur dans l'accomplissement physique détaché de toute philosophie, les "dandys" contre les travailleurs, la force primitive de la nature contre laquelle l'homme ne peut rien, et l'absurdité de la vie des hommes. Comme un rappel de notre condition, cette BD se fait défenseur d'idées peu développées aujourd'hui, jugées sombres, violentes ou très peu humanistes. Mais force est de reconnaitre la qualité des arguments employés par Loup Larsen, et ce jusqu'à la fin, qui semble ironiquement lui donner raison. Une BD belle, une BD forte, qui fit grande impression à sa sortie, et qui le mérite amplement. Du travail de ce niveau, c'est du chef-d’œuvre. Dois-je préciser que je conseille la lecture ?

10/01/2018 (modifier)