J’ai beaucoup aimé cette lecture que j’ai trouvée prenante et inventive. On est loin mais alors très loin d’Harry Potter, avec lequel je ne vois d’ailleurs qu’un seul point commun : un personnage va apprendre à contrôler des sortilèges. Après ça, tirez l’échelle, il n’y a plus aucun rapport. Pas de vieux sorciers paternalistes, pas de jeunes condisciples complices, pas de super-méchant dont on ne peut pas dire le nom, pas même d’école (mais bien un atelier dans lequel un jeune sorcier accueille quatre jeunes apprenties sorcières).
L’accent est ici mis sur le merveilleux et même si une mystérieuse confrérie semble vouloir manigancer un usage moins sympathique de la magie, ce manga reste léger et positif. La narration est excellente. Le découpage est bien pensé. Je n’ai vraiment pas vu le temps passer alors que j’ai lu le premier tome dans un contexte peu favorable (lu à Angoulême dans un lieu de passage fort fréquenté et alors que la fatigue se faisait sentir).
Dernier point fort : le dessin. On est loin du style passe-partout qui a maintenant cours dans une majorité de mangas. Ici, le trait est fin et soigné. Les décors ne sont pas que de simples ébauches, ils ont une réelle profondeur. Et les pentacles magiques sont fignolés et usent de symboles logiques qui ne font qu’enrichir encore un peu plus cet univers.
Tout est donc réuni pour que cette série plaise à un large public… Destiné aux jeunes lecteurs, elle véhicule des valeurs positives qui parleront tout autant à un public plus adulte. Une réussite en tous points.
Arrivant bien après la bataille, je me contente modestement d'ajouter ma pierre à l'édifice de louanges que Persepolis a déjà acquis durablement au fil des ans. Que pourrais-je rajouter qui n'ait déjà été dit ?
Persepolis est l’œuvre qui a révélé Marjane Satrapi comme une auteure à suivre et qui fait encore date aujourd'hui. Un récit unique et prenant sur la vie de cette jeune femme iranienne, mais qui sait plonger loin dans les détails. Récit de femme, récit d'iranienne, récit de vie, tout se retrouve dans cette œuvre qui s'ouvre avec l'enfance et se finira sur le départ définitif de son auteure pour la France. Un récit qui balaye toute une révolution, pas si loin de chez nous et pourtant très lointaine dans nos esprits.
Cette BD a fait date, je ne pense pas surprendre en disant ceci. Adapté en film d'animation (film par ailleurs tout aussi excellent), ce récit a marqué à la fois la bande dessinée et le monde. La BD est devenue une de ces références lorsque sont citées les lettres de noblesse de cet art. Bref, un must-have !
Bien sûr, c'est le mélange du dessin, en noir et blanc tout en rondeur, et de l'histoire, qui mêle récit de vie avec la grande Histoire, qui a fait mouche. La lecture est d'une fluidité sans faille, on rit et on pleure avec cette vie pas si banale. On comprend mieux ce qu'il s'est passé, et peut-être un peu ce qu'il se passe dans ce pays. Les personnages sont attachants, les cases sont parfois superbes ... C'est du tout bon jusqu'au dernier instant, et je ne peux pas en rajouter plus. En tant que BD, Persepolis a fait date.
C'est grâce à bdtheque que j'ai lu cette bd qui ne m'aurait pas attiré en temps normal. La faute à son dessin, qui n'est pas celui que j'affectionne naturellement, enfin au 1er abord. Non c'est surtout le scénario qui m'a interpellé.
Un enfant brimé et séquestré dans un vieux manoir familial. Travesti en fille par une grand mère à moitié folle, méchante et acariâtre. Un grand père faible et lâche qui laisse faire, en buvant et écoutant ses disques classiques, perdu dans la mélancolie d'une vie ratée...
Malgré cela, le gosse vit tout de même comme un enfant de son âge, enfin essaye... Dans son monde clos et coupé de l'extérieur, rythmé par les leçons et punitions de l'odieuse grand-mère. Le grand jardin où il joue avec les animaux et les livres, très présents dans la grande maison, qu'il dévore avec avidité, chose normale quand on est enfermé et ne voyant aucun autre enfant... Tout en maudissant, tout comme le grand père, cette terrible femme. Ces 2 là aimeraient bien qu'elle meure. De ses parents, l'enfant n'a aucun souvenir, et se demande bien à quoi ils pourraient ressembler.
Puis un jour une famille de Portugais embauchée par l'odieuse grand mère s'installe dans la maison du gardien, et Constance (c'est le prénom de l'enfant, enfin celui qui lui est imposé) fait la connaissance des terribles enfants de ces derniers. S'ensuit une espèce d'attirance-rejet entre ces mômes complètement différents. Des petits jeux sadiques, chose classique dans le monde cruel de l'enfance. Constance s’efforçant de cacher son secret (un garçon avec des habits de fille) face à la terrible benjamine de ces nouveaux voisins, dont il commence à tomber secrètement amoureux.
Le récit m'a tellement passionné que je me suis tout de suite adapté au dessin assez particulier mais finalement idéal pour raconter cette histoire.
J'ai été extrêmement touché du début à la fin, car j'adore ces récits tourmentés de familles dysfonctionnelle et "tarées". L'imagination étant le seul moyen de survie pour ce gamin. De plus cette ambiance de manoir perdu dans un coin de campagne, au milieu des livres poussiéreux, avec la marâtre vociférant telle une sorcière, c'est quasiment du fantastique de conte de fée. Avec la question de l'identité sexuelle en plus. Constance ne se questionnant pas plus que ça sur ses habits de fille, du moins au début car n'ayant pas de point de comparaison avec d'autres enfants. C'est la rencontre avec ceux des voisins (et plus particulièrement la grande) qui va faire s'affirmer, assez difficilement, son statut de garçon et non de fille.
Je rapprocherais cette bd d’œuvres comme Graines de Paradis de Makyo, La Saison des anguilles, ou le roman "Vipère au poing" mais avec un trait plus caricatural, + stylisé et presque amateur par moments. Enfin plus proche des romans graphiques où le dessinateur ne s’arrête pas sur de petites faiblesses au dessin et fonce tête baissée dans son récit avec une ambition telle que cela devient vraiment passionnant.
Chapeau l'artiste !
5/5
(quand je parle de la spécificité du dessin, c'est surtout en ce qui concerne les visages. Les décors et la très belle ambiance à la carte à gratter sont extrêmement réussis)
Comment aborder les questionnements sur le genre de la meilleure des façons? En faisant comme Jen Wang sur Le Prince et la couturière.
Bien évidemment, les plaisirs "particuliers" du prince et leur acceptation par son entourage et par la société, sont au coeur de cet album. Mais l'autrice va plus loin. Elle prend la question par le meilleur des angles, celui de l'humanité.
Oui, cet homme aime se travestir en femme. Et non, ça ne fait pas de lui un monstre, un fou ou que sais-je encore. Le problème ce n'est pas qui il est, c'est ce que les autres ne veulent pas accepter.
Jen Wang s'en tiendrait à cela, ce serait déjà bien. Mais elle va plus loin. Il y a la couturière, aussi. Un personnage qui permet de rappeler un autre clivage, celui de la classe sociale. Un clivage que le Prince lui-même nourrit. Victime d'un côté, il est autant bourreau sous un autre aspect.
Il n'y a donc aucun manichéisme et c'est encore meilleur pour cela.
Le dessin est lui tout en rondeur, extrêmement frais et agréable. C'est la cerise sur le gâteau d'un album TRES justement primé au FIBD.
Cet album traite avec beaucoup de subtilité du sujet des « malgré-nous », terme désignant les Alsaciens et Mosellansa incorporés de force dans l’armée allemande durant la Seconde Guerre Mondiale.
On suit avec horreur les pressions exercées par l’armée allemande sur les jeunes Français et leur famille, puis le trajet de Marcel Grob jusqu’en Italie où il participera à un des pires massacres de civils de cette période sombre de l’histoire.
La réalisation de l’album est parfaite, le ton est très humain, la lecture est fluide et la mise en image pertinente. On « croit » vraiment en ce personnage, on comprend ce qui l’amène à se retrouver dans des situations pourtant incompréhensibles et inexcusables. L’ouvrage se conclut sur un petit topo historique bien utile, quoique un poil indigeste selon moi.
Un chouette album, qui apporte une pierre utile à l’édifice des horreurs de la Seconde Guerre Mondiale, dans le sens où le cas particulier des « malgré -nous » n’est pas souvent traité en BD.
Voulez-vous comprendre comment fonctionne l'Irak post Saddam Hussein ? Si oui, alors « Sheriff of Babylone » est fait pour vous. C'est une excellente première approche de la géopolitique irakienne. On comprend parfaitement pourquoi ce pays reste très compliqué à gérer presque 20 ans après l'invasion américaine.
La grande force de Tom King, c'est de proposer un avis tout en nuances. Si vous craigniez un livre exaltant la bannière étoilée, alors soyez rassuré. Le scénariste distribue les mauvais points dans tous les camps et il ne fait pas bon être américain dans ces pages.
Les trois personnages principaux illustrant parfaitement cela : ils sont complexes, surprenants, crédibles. Oui, la crédibilité, c'est le point fort du livre.
Côté dessin, il y a quelque chose d'acéré dans le trait de Mitch Gerads, qui convient parfaitement à cette ambiance mélange d'espionnage et d'action. Il use des aplats d'encrage avec parcimonie et pourtant on a l'impression d'un dessin très sombre. Cela montre bien son talent.
Pour terminer, si je devais trouver un défaut à cet album, c'est son épaisseur. Pour la lecture, il n'aurait pas nuit d'être découpé en deux tomes, de sorte à pouvoir marquer une pause, dans un récit passionnant mais particulièrement dense.
Très bonne surprise que ce diptyque, le premier projet porté par Comix Büro depuis l'arrêt de sa collaboration éditoriale avec Ankama. Le rachat du label par Glénat n'y est peut-être pas étranger, mais qu'importe, la qualité est là.
Je l'avoue, à ma grande honte, je n'ai jamais vu le film de René Laloux, ni même l'album qui en a résulté. Et je n'ai pas lu le roman à l'origine de tout, c'est donc avec un regard totalement neuf que j'ai lu tout ça, sachant que certains récits de Wul ont déjà été magistralement adaptés, comme le Niourk de Vatine.
Le dessin d'Adriàn, auteur espagnol, m'a fortement séduit dès les premières planches : épuré, nerveux, léché, il permet cependant de placer le récit dans de belles ambiances, extrêmement lisibles. Je me suis vraiment régalé avec ce graphisme que je place entre Vatine et Munuera. Peut-être des choses à redire sur les regards des personnages, pas super expressifs, mais c'est vraiment pour chipoter. Alors bien sûr, c'est du numérique, de A à Z ou presque, mais franchement, c'est beau.
En ce qui concerne l'histoire, je dois dire que je me suis laissé facilement embarquer, et que je n'ai vu le pot-aux-roses qu'à la fin, lorsqu'il est dévoilé, même s'il y a une ou deux petites allusions en cours de route. Et du coup j'ai enfin compris le titre du film... Je ne comprends pas trop le grief de Noirdésir ; oui c'est linéaire, oui on se retrouve avec deux trames narratives menées en parallèle, mais peut-être a-t-il été trop influencé par le film de Laloux, où l'ambiguïté est probablement plus prégnante...
Bref, un excellent moment de lecture pour ma part.
96ème avis… tout a été dit, je vais donc faire court.
Le Grand Pouvoir du Chninkel est l’une de mes séries préférées. Cette trilogie de fantasy, particulièrement originale et truffée d’éléments bibliques, est un ovni dans un genre pourtant très codifié. A la fois drôle, tragique et décalée, l’histoire est passionnante de bout en bout, bien portée par une narration maitrisée et une remarquable créativité de l’univers. C’est une bouffée d’air frais dans un genre trop souvent marqué par Tolkien.
Les superbes dessins de Rosinski font immanquablement penser à Thorgal. Tout est remarquablement soigné et la virtuosité du visuel sublime la puissance du récit.
Le Grand Pouvoir du Chninkel est une œuvre culte.
Un grand bravo aux auteurs !
Les histoires regroupées dans cet album sont une sorte de parodie d’aventures policières américaines, avec un détective privé presque aussi loufoque que les intrigues dans lesquelles il se trouve embarqué.
Les personnages ont pour la plupart des têtes d’animaux (les seules exceptions notables sont certaines femmes, alors de véritables bombasses caricaturales), ce qui renforce le côté décalé de ces histoires, et les dialogues sont eux aussi de la partie pour pervertir des intrigues souvent simples, voire simplistes, mais de toute façon le plus souvent secondaires. Les dialogues qui fusent, les jeux de mots sont là autant sinon plus que les coups de feu pour dynamiser l’ensemble.
Coyote Bill intervient généralement pour aider son ami, commissaire de police totalement incompétent – et débile ! Mais l’essentiel est ailleurs, puisque les histoires n’ont d’autres buts que de caser des gags, qu’ils soient visuels ou verbaux. On est là dans un univers très cartoonesque, proche de Tex Avery, ou alors de certains délires des frères Zucker (comme dans « Y a-t-il un pilote dans l’avion ? ») : la priorité est donc donnée au non-sens, à l’enchaînement de gags en rafale (certaines cases en sont remplies, parfois jusqu’à saturation). Il ne faut pas être réfractaire à un humour parfois volontairement lourdingue.
Il faut donc être amateur du genre, mais cela me convient (seules deux histoires – les plus courtes heureusement – m’ont paru moins intéressantes).
Par ailleurs, si le dessin de Widenlocher et la quasi-totalité des délires développés par Herlé s’adressent à un public très large, certains échanges scabreux écartent sans doute cet album d’un lectorat très jeune.
Note réelle 3,5/5.
Rares sont les nouveaux comics que j'aime vraiment. Mes 4 étoiles en la matière se comptent sur le bout des doigts. Oui, je ne loue pas chaque bd qui sort pour le compte des éditeurs. Je ne fais pas dans la complaisance et je suis réellement indépendant. Par ailleurs, je sais reconnaître une bd quand elle est vraiment bien ce qui est prouvé en l'occurrence pour celle-ci qui faisait quand même partie de la sélection officielle à Angoulême.
J'ai aimé le ton assez décalé de ce polar avec ses deux flics ripoux si attachants. Moi aussi, je déteste les faux gentils et je préfère nettement les faux méchants. Certes, les ripoux peuvent être de la pire espèce mais on tombe toujours sur son maître. Moralement, c'est irrévérencieux. Qu'est ce que j'ai cependant bien rigolé. Enfin ! On attends la suite avec une certaine impatience. Une série cool.
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L'Atelier des Sorciers
J’ai beaucoup aimé cette lecture que j’ai trouvée prenante et inventive. On est loin mais alors très loin d’Harry Potter, avec lequel je ne vois d’ailleurs qu’un seul point commun : un personnage va apprendre à contrôler des sortilèges. Après ça, tirez l’échelle, il n’y a plus aucun rapport. Pas de vieux sorciers paternalistes, pas de jeunes condisciples complices, pas de super-méchant dont on ne peut pas dire le nom, pas même d’école (mais bien un atelier dans lequel un jeune sorcier accueille quatre jeunes apprenties sorcières). L’accent est ici mis sur le merveilleux et même si une mystérieuse confrérie semble vouloir manigancer un usage moins sympathique de la magie, ce manga reste léger et positif. La narration est excellente. Le découpage est bien pensé. Je n’ai vraiment pas vu le temps passer alors que j’ai lu le premier tome dans un contexte peu favorable (lu à Angoulême dans un lieu de passage fort fréquenté et alors que la fatigue se faisait sentir). Dernier point fort : le dessin. On est loin du style passe-partout qui a maintenant cours dans une majorité de mangas. Ici, le trait est fin et soigné. Les décors ne sont pas que de simples ébauches, ils ont une réelle profondeur. Et les pentacles magiques sont fignolés et usent de symboles logiques qui ne font qu’enrichir encore un peu plus cet univers. Tout est donc réuni pour que cette série plaise à un large public… Destiné aux jeunes lecteurs, elle véhicule des valeurs positives qui parleront tout autant à un public plus adulte. Une réussite en tous points.
Persepolis
Arrivant bien après la bataille, je me contente modestement d'ajouter ma pierre à l'édifice de louanges que Persepolis a déjà acquis durablement au fil des ans. Que pourrais-je rajouter qui n'ait déjà été dit ? Persepolis est l’œuvre qui a révélé Marjane Satrapi comme une auteure à suivre et qui fait encore date aujourd'hui. Un récit unique et prenant sur la vie de cette jeune femme iranienne, mais qui sait plonger loin dans les détails. Récit de femme, récit d'iranienne, récit de vie, tout se retrouve dans cette œuvre qui s'ouvre avec l'enfance et se finira sur le départ définitif de son auteure pour la France. Un récit qui balaye toute une révolution, pas si loin de chez nous et pourtant très lointaine dans nos esprits. Cette BD a fait date, je ne pense pas surprendre en disant ceci. Adapté en film d'animation (film par ailleurs tout aussi excellent), ce récit a marqué à la fois la bande dessinée et le monde. La BD est devenue une de ces références lorsque sont citées les lettres de noblesse de cet art. Bref, un must-have ! Bien sûr, c'est le mélange du dessin, en noir et blanc tout en rondeur, et de l'histoire, qui mêle récit de vie avec la grande Histoire, qui a fait mouche. La lecture est d'une fluidité sans faille, on rit et on pleure avec cette vie pas si banale. On comprend mieux ce qu'il s'est passé, et peut-être un peu ce qu'il se passe dans ce pays. Les personnages sont attachants, les cases sont parfois superbes ... C'est du tout bon jusqu'au dernier instant, et je ne peux pas en rajouter plus. En tant que BD, Persepolis a fait date.
La Favorite
C'est grâce à bdtheque que j'ai lu cette bd qui ne m'aurait pas attiré en temps normal. La faute à son dessin, qui n'est pas celui que j'affectionne naturellement, enfin au 1er abord. Non c'est surtout le scénario qui m'a interpellé. Un enfant brimé et séquestré dans un vieux manoir familial. Travesti en fille par une grand mère à moitié folle, méchante et acariâtre. Un grand père faible et lâche qui laisse faire, en buvant et écoutant ses disques classiques, perdu dans la mélancolie d'une vie ratée... Malgré cela, le gosse vit tout de même comme un enfant de son âge, enfin essaye... Dans son monde clos et coupé de l'extérieur, rythmé par les leçons et punitions de l'odieuse grand-mère. Le grand jardin où il joue avec les animaux et les livres, très présents dans la grande maison, qu'il dévore avec avidité, chose normale quand on est enfermé et ne voyant aucun autre enfant... Tout en maudissant, tout comme le grand père, cette terrible femme. Ces 2 là aimeraient bien qu'elle meure. De ses parents, l'enfant n'a aucun souvenir, et se demande bien à quoi ils pourraient ressembler. Puis un jour une famille de Portugais embauchée par l'odieuse grand mère s'installe dans la maison du gardien, et Constance (c'est le prénom de l'enfant, enfin celui qui lui est imposé) fait la connaissance des terribles enfants de ces derniers. S'ensuit une espèce d'attirance-rejet entre ces mômes complètement différents. Des petits jeux sadiques, chose classique dans le monde cruel de l'enfance. Constance s’efforçant de cacher son secret (un garçon avec des habits de fille) face à la terrible benjamine de ces nouveaux voisins, dont il commence à tomber secrètement amoureux. Le récit m'a tellement passionné que je me suis tout de suite adapté au dessin assez particulier mais finalement idéal pour raconter cette histoire. J'ai été extrêmement touché du début à la fin, car j'adore ces récits tourmentés de familles dysfonctionnelle et "tarées". L'imagination étant le seul moyen de survie pour ce gamin. De plus cette ambiance de manoir perdu dans un coin de campagne, au milieu des livres poussiéreux, avec la marâtre vociférant telle une sorcière, c'est quasiment du fantastique de conte de fée. Avec la question de l'identité sexuelle en plus. Constance ne se questionnant pas plus que ça sur ses habits de fille, du moins au début car n'ayant pas de point de comparaison avec d'autres enfants. C'est la rencontre avec ceux des voisins (et plus particulièrement la grande) qui va faire s'affirmer, assez difficilement, son statut de garçon et non de fille. Je rapprocherais cette bd d’œuvres comme Graines de Paradis de Makyo, La Saison des anguilles, ou le roman "Vipère au poing" mais avec un trait plus caricatural, + stylisé et presque amateur par moments. Enfin plus proche des romans graphiques où le dessinateur ne s’arrête pas sur de petites faiblesses au dessin et fonce tête baissée dans son récit avec une ambition telle que cela devient vraiment passionnant. Chapeau l'artiste ! 5/5 (quand je parle de la spécificité du dessin, c'est surtout en ce qui concerne les visages. Les décors et la très belle ambiance à la carte à gratter sont extrêmement réussis)
Le Prince et la Couturière
Comment aborder les questionnements sur le genre de la meilleure des façons? En faisant comme Jen Wang sur Le Prince et la couturière. Bien évidemment, les plaisirs "particuliers" du prince et leur acceptation par son entourage et par la société, sont au coeur de cet album. Mais l'autrice va plus loin. Elle prend la question par le meilleur des angles, celui de l'humanité. Oui, cet homme aime se travestir en femme. Et non, ça ne fait pas de lui un monstre, un fou ou que sais-je encore. Le problème ce n'est pas qui il est, c'est ce que les autres ne veulent pas accepter. Jen Wang s'en tiendrait à cela, ce serait déjà bien. Mais elle va plus loin. Il y a la couturière, aussi. Un personnage qui permet de rappeler un autre clivage, celui de la classe sociale. Un clivage que le Prince lui-même nourrit. Victime d'un côté, il est autant bourreau sous un autre aspect. Il n'y a donc aucun manichéisme et c'est encore meilleur pour cela. Le dessin est lui tout en rondeur, extrêmement frais et agréable. C'est la cerise sur le gâteau d'un album TRES justement primé au FIBD.
Le Voyage de Marcel Grob
Cet album traite avec beaucoup de subtilité du sujet des « malgré-nous », terme désignant les Alsaciens et Mosellansa incorporés de force dans l’armée allemande durant la Seconde Guerre Mondiale. On suit avec horreur les pressions exercées par l’armée allemande sur les jeunes Français et leur famille, puis le trajet de Marcel Grob jusqu’en Italie où il participera à un des pires massacres de civils de cette période sombre de l’histoire. La réalisation de l’album est parfaite, le ton est très humain, la lecture est fluide et la mise en image pertinente. On « croit » vraiment en ce personnage, on comprend ce qui l’amène à se retrouver dans des situations pourtant incompréhensibles et inexcusables. L’ouvrage se conclut sur un petit topo historique bien utile, quoique un poil indigeste selon moi. Un chouette album, qui apporte une pierre utile à l’édifice des horreurs de la Seconde Guerre Mondiale, dans le sens où le cas particulier des « malgré -nous » n’est pas souvent traité en BD.
Sheriff of Babylon
Voulez-vous comprendre comment fonctionne l'Irak post Saddam Hussein ? Si oui, alors « Sheriff of Babylone » est fait pour vous. C'est une excellente première approche de la géopolitique irakienne. On comprend parfaitement pourquoi ce pays reste très compliqué à gérer presque 20 ans après l'invasion américaine. La grande force de Tom King, c'est de proposer un avis tout en nuances. Si vous craigniez un livre exaltant la bannière étoilée, alors soyez rassuré. Le scénariste distribue les mauvais points dans tous les camps et il ne fait pas bon être américain dans ces pages. Les trois personnages principaux illustrant parfaitement cela : ils sont complexes, surprenants, crédibles. Oui, la crédibilité, c'est le point fort du livre. Côté dessin, il y a quelque chose d'acéré dans le trait de Mitch Gerads, qui convient parfaitement à cette ambiance mélange d'espionnage et d'action. Il use des aplats d'encrage avec parcimonie et pourtant on a l'impression d'un dessin très sombre. Cela montre bien son talent. Pour terminer, si je devais trouver un défaut à cet album, c'est son épaisseur. Pour la lecture, il n'aurait pas nuit d'être découpé en deux tomes, de sorte à pouvoir marquer une pause, dans un récit passionnant mais particulièrement dense.
L'Orphelin de Perdide
Très bonne surprise que ce diptyque, le premier projet porté par Comix Büro depuis l'arrêt de sa collaboration éditoriale avec Ankama. Le rachat du label par Glénat n'y est peut-être pas étranger, mais qu'importe, la qualité est là. Je l'avoue, à ma grande honte, je n'ai jamais vu le film de René Laloux, ni même l'album qui en a résulté. Et je n'ai pas lu le roman à l'origine de tout, c'est donc avec un regard totalement neuf que j'ai lu tout ça, sachant que certains récits de Wul ont déjà été magistralement adaptés, comme le Niourk de Vatine. Le dessin d'Adriàn, auteur espagnol, m'a fortement séduit dès les premières planches : épuré, nerveux, léché, il permet cependant de placer le récit dans de belles ambiances, extrêmement lisibles. Je me suis vraiment régalé avec ce graphisme que je place entre Vatine et Munuera. Peut-être des choses à redire sur les regards des personnages, pas super expressifs, mais c'est vraiment pour chipoter. Alors bien sûr, c'est du numérique, de A à Z ou presque, mais franchement, c'est beau. En ce qui concerne l'histoire, je dois dire que je me suis laissé facilement embarquer, et que je n'ai vu le pot-aux-roses qu'à la fin, lorsqu'il est dévoilé, même s'il y a une ou deux petites allusions en cours de route. Et du coup j'ai enfin compris le titre du film... Je ne comprends pas trop le grief de Noirdésir ; oui c'est linéaire, oui on se retrouve avec deux trames narratives menées en parallèle, mais peut-être a-t-il été trop influencé par le film de Laloux, où l'ambiguïté est probablement plus prégnante... Bref, un excellent moment de lecture pour ma part.
Le Grand Pouvoir du Chninkel
96ème avis… tout a été dit, je vais donc faire court. Le Grand Pouvoir du Chninkel est l’une de mes séries préférées. Cette trilogie de fantasy, particulièrement originale et truffée d’éléments bibliques, est un ovni dans un genre pourtant très codifié. A la fois drôle, tragique et décalée, l’histoire est passionnante de bout en bout, bien portée par une narration maitrisée et une remarquable créativité de l’univers. C’est une bouffée d’air frais dans un genre trop souvent marqué par Tolkien. Les superbes dessins de Rosinski font immanquablement penser à Thorgal. Tout est remarquablement soigné et la virtuosité du visuel sublime la puissance du récit. Le Grand Pouvoir du Chninkel est une œuvre culte. Un grand bravo aux auteurs !
Coyote Bill
Les histoires regroupées dans cet album sont une sorte de parodie d’aventures policières américaines, avec un détective privé presque aussi loufoque que les intrigues dans lesquelles il se trouve embarqué. Les personnages ont pour la plupart des têtes d’animaux (les seules exceptions notables sont certaines femmes, alors de véritables bombasses caricaturales), ce qui renforce le côté décalé de ces histoires, et les dialogues sont eux aussi de la partie pour pervertir des intrigues souvent simples, voire simplistes, mais de toute façon le plus souvent secondaires. Les dialogues qui fusent, les jeux de mots sont là autant sinon plus que les coups de feu pour dynamiser l’ensemble. Coyote Bill intervient généralement pour aider son ami, commissaire de police totalement incompétent – et débile ! Mais l’essentiel est ailleurs, puisque les histoires n’ont d’autres buts que de caser des gags, qu’ils soient visuels ou verbaux. On est là dans un univers très cartoonesque, proche de Tex Avery, ou alors de certains délires des frères Zucker (comme dans « Y a-t-il un pilote dans l’avion ? ») : la priorité est donc donnée au non-sens, à l’enchaînement de gags en rafale (certaines cases en sont remplies, parfois jusqu’à saturation). Il ne faut pas être réfractaire à un humour parfois volontairement lourdingue. Il faut donc être amateur du genre, mais cela me convient (seules deux histoires – les plus courtes heureusement – m’ont paru moins intéressantes). Par ailleurs, si le dessin de Widenlocher et la quasi-totalité des délires développés par Herlé s’adressent à un public très large, certains échanges scabreux écartent sans doute cet album d’un lectorat très jeune. Note réelle 3,5/5.
The Fix
Rares sont les nouveaux comics que j'aime vraiment. Mes 4 étoiles en la matière se comptent sur le bout des doigts. Oui, je ne loue pas chaque bd qui sort pour le compte des éditeurs. Je ne fais pas dans la complaisance et je suis réellement indépendant. Par ailleurs, je sais reconnaître une bd quand elle est vraiment bien ce qui est prouvé en l'occurrence pour celle-ci qui faisait quand même partie de la sélection officielle à Angoulême. J'ai aimé le ton assez décalé de ce polar avec ses deux flics ripoux si attachants. Moi aussi, je déteste les faux gentils et je préfère nettement les faux méchants. Certes, les ripoux peuvent être de la pire espèce mais on tombe toujours sur son maître. Moralement, c'est irrévérencieux. Qu'est ce que j'ai cependant bien rigolé. Enfin ! On attends la suite avec une certaine impatience. Une série cool.