Les derniers avis (9362 avis)

Par iannick
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Gorazde
Gorazde

Ceci est mon 700ème avis sur ce site de bédéphiles acharnés… Après avoir apprécié « Derniers jours de guerre, Bosnie 1995-1996 », je me suis procuré « Gorazde » en espérant y lire un récit intéressant et instructif sur la guerre en Bosnie : c’est gagné ! Si vous voulez savoir ce que pensent les bosniaques sur ce conflit, quelle était leur relation avec les serbes avant que cet enfer n’éclate, comment ils l’ont vécue, comment ils voient leurs avenirs maintenant que cette guerre est terminée, etc… : pas de problème, vous aurez toutes les réponses ! Car Joe Sacco nous présente un album ultra-complet sur la situation à Gorazde en y réunissant un nombre incroyable d’informations et de témoignages de survivants. De plus, certaines planches me sont apparues très émouvantes, je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir le cœur serré en apprenant les atrocités que les serbes ont infligé aux bosniaques. Bref, Joe Sacco a fait un travail de titan en rencontrant ces gens et en concevant cette bd qui dépasse de loin, de très très loin même la somme de tous les reportages bidons rapportés par tous les journalistes entiers aux chaines télévisées. Mais alors, cette bd est-elle le must des musts des documentaires sur la guerre en Bosnie ? Oui… et non ! Car il manque –à mon avis- une donnée très importante qui nous aurait apporté un éclaircissement majeur sur ce conflit : le point de vue des serbes. Je trouve pénalisant pour le travail de Joe Sacco que ce dernier n’ait pas pu réunir les propos des serbes sur le pourquoi du conflit. On ne saura jamais pourquoi ils avaient cette haine envers les musulmans. Je dis bien « musulmans » parce que les bosniaques étaient en majorité convertis à la religion islamique alors que les serbes étaient en grande partie des chrétiens. Cela est d’autant rageant de ne pas avoir ce genre de témoignages parce qu’apparemment, les deux communautés semblaient vivre comme des frères avant le conflit : tout porte à croire que du jour au lendemain, les serbes ont « disjoncté » d’un seul coup en allant flinguer leurs amis bosniaques alors qu’ils étaient ensemble autour d’une table en train de se marrer et de discuter tranquillement la veille d’après les témoignages du peuple bosniaque ! J’ai un mal fou à comprendre ce genre de réactions de la part des serbes, il devait bien avoir des rancœurs accumulées d’années en années pour en arriver à canarder du jour au lendemain son propre voisin ! C’est d’autant incompréhensible qu’apparemment, les bosniaques semblaient peu fidèles aux principes de l’islam : ils semblaient boire de l’alcool, les femmes ne portaient pas de vêtements islamiques, les signes de distinction religieuse avaient l’air d’être bannies… Bref, bien que je pense que la religion y est pour quelque chose dans cette guerre, je ne comprends pas la haine des serbes envers le peuple bosniaque ! Que dire du coup de patte de Joe Sacco ? Après un apriori négatif lors de mes premiers feuilletages rapides de ses œuvres, je me suis mis à adorer son style au fur et à mesure que je découvrais ces réalisations ! Je trouve que Joe Sacco est le meilleur dessinateur actuellement pour illustrer l’horreur vécue par les populations lors des bombardements ; à chaque fois que je découvre ces scènes réalisées par cet auteur, je ne peux m’empêcher d’avoir le cœur serré ! Fou comme ça me donne des frissons ! La voix-off est très présente mais pas trop : il ne faut pas oublier que cet ouvrage est une bd documentaire et que par conséquent il est très difficile d’établir un équilibre entre les inévitables commentaires explicatives et les scènes imagées. Les bds classées dans le genre « documentaire » figurent parmi celles que j’apprécie le plus, celles dont je prends énormément de plaisir à lire, « Gorazde » figure sans problème parmi les albums qui m’ont les plus captivé, interrogé et enrichi à ce jour. Il est clair pour aimer ce genre de bds qu’il faut s’intéresser un minimum soit peu à l’histoire et l’actualité internationale. Si vous avez les mêmes centres d’intérêt que moi, vous serez inévitablement séduit(e)s par ce livre. Dommage toutefois que Joe Sacco n’ait pas pu réunir davantage de témoignages de serbes… A découvrir !

15/05/2010 (modifier)
Par iannick
Note: 3/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Cinq mille kilomètres par seconde
Cinq mille kilomètres par seconde

Un coup d’œil rapide sur une bd et parfois, ça me donne rapidement l’envie de l’acheter et de la lire tout de suite, pour ma part, c’est assez rare que ça passe comme ça… et pourtant, c’est ce qui m’est arrivé avec « Cinq mille kilomètres par seconde », un one shot réalisé par Manuele Dior et édité par Atrabile. Qu’est ce qui m’a fait acquérir cette bd ? C’est bien entendu son graphisme, enfin, disons sa mise en couleurs à l’aquarelle surtout ! J’aime beaucoup ces tons chauds lorsque les protagonistes sont en Italie ou en Egypte, et ceux froids où le récit se situe en Norvège… Normal direz-vous car elles sont en symbiose avec l’idée qu’on se fait de ces pays en matière de météo (bien que ça ne soit pas toujours vrai quand on voit qu’il fait actuellement 22°C à Moscou et « seulement » 16°C à Marseille…) sauf que ce choix de coloris convient parfaitement aux différentes ambiances de ce récit et que ça permet aux lecteurs de savoir tout de suite où se situent l’action. Bref, tout ceci, c’est pour vous dire que j’ai apprécié le coup de patte de Manuele Fior. De plus, l’ouvrage se présente à son avantage avec ce papier épais qui sent bon (je crois que je vais avoir un mal fou à me mettre à la bd numérique !). Et l’histoire ? « Cinq mille kilomètres par seconde » nous propose un chassé-croisé entre un homme et une femme sur plusieurs années. Ainsi, le lecteur découvrira une introduction qui se déroule en Italie où Piero et Lucia, deux jeunes gens se feront la connaissance… Puis, ils se quitteront sans qu’on ne sache vraiment pas ce qui s’est passé lorsque Lucia se retrouvera à Oslo… et je vous laisse découvrir la suite… Ce n’est pas un scénario original que nous présente Manuele Fior mais j’ai aimé la simplicité de cette histoire où les divers protagonistes me sont apparus attachants et où les sentiments qu’éprouvent les deux personnages principaux vont se renforcer dans le temps. De plus, la narration est –à mon avis- excellente puisque je n’ai pas pu décrocher de ce récit avant son dénouement et puisque je n’ai ressenti aucun besoin de revenir en arrière pour incompréhension. Il est sûr que cette bd ne figurera pas parmi mes inoubliables mais je la relirai avec plaisir. Si vous aimez les romans graphiques ayant un scénario classique sympa à lire et ce genre de dessin, je pense que vous passerez un bon moment de lecture avec « Cinq mille kilomètres par seconde ». Les autres lecteurs ? Passez votre chemin ! Note : 3,5/5

15/05/2010 (modifier)
Couverture de la série Le Ciel au-dessus du Louvre
Le Ciel au-dessus du Louvre

En l’an I de la République, la Révolution cherche insatiablement une légitimité de marbre. C’est au cœur de Paris, dans les rues sinueuses et cloitrées de la Terreur, que deux artistes ont souhaité s’interroger sur la problématique de la sacralité dans un processus politique révolutionnaire. Le ciel au dessus du Louvre est une œuvre magistrale mise en images par Bernard Yslaire et scénarisé par Jean-Claude Carrière. Ce dernier, que l’on connaît mieux comme scénariste du grand écran, qui a notamment travaillé au côté de Andrzej Wajda pour le film Danton, se confronte à nouveau à l’histoire de la Révolution française à travers un récit dessiné . L’édition Futuropolis, en partenariat avec le musée du Louvre, amorce un réel travail de fond depuis quelques années dans la réflexion autour de l’image en général. Insérer des œuvres au cœur d’une bande dessinée, c’est dynamiser une mise en abîme insolite qui permet d’ouvrir une nouvelle dimension à la recherche esthétique, artistique, voire historique. Le récit commence par cette phrase évocatrice : « La Révolution est aux abois, envahie par l’Europe des rois, rongée par la guerre de Vendée et d’autres révoltes à Lyon, à Marseille ». Marat vient de mourir assassiné, le processus de sacralisation est en marche, la Révolution prend un nouveau départ, il faut constamment œuvrer pour la légitimation du pouvoir en place. L’histoire est celle de deux des plus grandes personnalités politiques, Robespierre et David, situées au cœur de la tourmente révolutionnaire. Au nom du Comité de Salut public, Robespierre commande à David une représentation de l’Etre Suprême car « tout culte à besoin d’image, même l’Invisible a besoin d’être incarné » (planche 24). S’interroger sur le pouvoir de l’image pendant la Révolution française, c’est essayer de se pencher sur les acteurs eux-mêmes, de se rapprocher de leur volonté de produire une légitimité durable. Dans une quête créative, l’image prend une place de choix, elle peut transcender les êtres, elle peut être le garant d’un pouvoir embryonnaire. « C’est dans la représentation que le pouvoir est absolu » écrit Louis Marin dans Le portrait du roi. On a bien ici une des thématiques fondamentales de cette bande dessinée, où la « République doit se défendre par les armes, mais aussi par les idées, par les images, par les symboles, par la beauté » (planche 10). Dans cette France devenue orpheline, de père et de mère, la question de la sacralité semble devenir essentielle. Les auteurs nous invitent à nous interroger sur un ciel devenu désespérément vide et à nous demander si l’Art ou l’image peut produire une divinité. Dès l’ouverture, Yslaire et Carrière inaugurent un processus de représentation. La pleine page, qui prend la forme d’un tableau (par là même les chapitres deviennent eux aussi différents tableaux), ouvre une scène de théâtre par sa propre composition, les chevalets faisant office de rideaux ouverts. Cet indice emphatique apporte l’élément fondamental de la réflexion : la bande dessinée s’assume comme la représentation du réel, elle ne prétend pas l’incarner. Dès les premiers balbutiements qui suivent la mort de Marat et la naissance de la prééminence de Robespierre sur la scène politique, le rôle de David se trouve changé. Il apparaît comme le « metteur en scène » de la Révolution. Robespierre se saisit rapidement de ces talents pour représenter les nouveaux principes de la République, les martyrs de la Révolution… Le lecteur est ici face à une première mise en abîme, ces deux hommes historiques, maintes fois représentés, sont à nouveau incarnés par la représentation construite par Yslaire. David et Robespierre, encadrés dans la planche, sont ainsi mis en scène comme des images d’image, des pâles reflets des diverses représentations. Ainsi, les auteurs nous annoncent qu’ils vont jouer avec la représentation, que leurs personnages sont des images d’Epinal, produits de multiples fantasmes. Le Louvre en tant que personnage, incarne encore cette volonté narrative. Dès la planche 5, une vendeuse d’imagerie instantanée (support d’une écriture immédiate de l’Histoire ?) de la révolution s’exclame « mais la Fraternité c’est plus cher tu penses bien ? ». L’image permet donc la diffusion de l’Histoire dans le temps et par là même la production d’un imaginaire collectif souvent faussé. Ainsi, les auteurs mettent en place une seconde mise en abîme, une réflexion sur l’image comme représentation historique d’une réalité déformée dès son temps originel. D’une certaine manière, la bande dessinée vient s’affirmer comme fausse source historique. L’utilisation de l’incrustation, dans les dessins d’Yslaire, des tableaux de David et d’autres grands maîtres, vient également renforcer cet aspect. Si David doit « trouver un visage » à l’Être Suprême, il dessine et esquisse Danton (page 28 ), Robespierre (page 21). C’est bien nous démontrer que la Révolution c’est aussi, au-delà d’une éruption politique, une histoire de visages, de faces, et de têtes (que l’on guillotine). Comme le fait remarquer Lynn Hunt, le portrait isole, par définition, un individu de la masse. Ce qui permet en définitive d’accentuer l’héroïsation révolutionnaire. À l’instar du roi sous l’Ancien Régime, exister c’est être représenté et inversement. On retrouvait cette thématique dans les Onze de Pierre Michon (Grand Prix de l’Académie française 2009) où la représentation fictive et fantasmée par l’auteur lui permet de conclure à notre volonté dans l’Histoire de représenter naturellement le pouvoir. Cette dialectique entre pouvoir et image, entre représentation et légitimité politique court tout au long de l’œuvre. L’utilisation en introduction du Marat assassiné de David vient directement illustrer cette problématique. Marat prend place dans le processus de légitimation parce qu’il est immortalisé par la représentation, il devient martyr, un saint républicain, véritable Christ crucifié dans une baignoire. Marat, Bara, Le Pelletier ont largement leur place dans l’œuvre car ils illustrent cette tension fondamentale entre la production d’images et la volonté des révolutionnaires de cristalliser un émoi religieux et mystique dans une imagerie encadrée. La dimension religieuse semble donc omniprésente, le pouvoir ne devrait sa stabilité qu’à un ciment divin dans l’esprit de Robespierre, ainsi l’image est un simple moyen d’agrégation. Enfin, l’image a également une aura d’apaisement, voir de régulation. Après l’exécution de Louis XVI et la manifestation d’ordination de la violence par les autorités, on comprend mieux l’utilisation de l’image comme moyen de tempérance. Le travail d’Yslaire est original en ce qu’il permet l’illustration de l’élaboration d’une nouvelle société, politique et culturelle. Le dessin, qui est donc en lui-même une mise en abîme, s’articule autour d’une tension intéressante, entre l’esquisse et l’image aboutie. L’espace est souvent esquissé, comme si la Révolution n’était que passagère, éphémère. Cette notion du provisoire, d’une construction « en cours » s’oppose dans le dessin aux œuvres incrustées. Elles sont donc leur contraire, la pérennité de l’Art, l’incarnation de l’Histoire. Ainsi, dans le dessin, on perçoit cette tension entre le présent fugace, rapide (il suffit de constater le crayonnage qui entoure la table du comité de Salut public page 17) qui « dévore ses propres enfants » et le déjà passé qui se cristallise dans la représentation pour la postérité. Enfin, cette présence de l’esquisse et du collage dans le dessin donne une dimension de « bricolage » aux événements révolutionnaires, l’élaboration d’une nouvelle culture induit une réappropriation du déjà existant (la thématique antique par exemple qu’on retrouve dans la présence de nombreuses statues dédaliques, ou encore dans Le sommeil d’Endymion de David, planche 8 ). Une seconde dimension s’offre à l’analyse autour de la question de la représentation : celle de la sacralité. A partir de la mort du roi, cette mort du père sur laquelle insiste Lynn Hunt, induit une nouveauté dans le rapport à la sacralité et crée de nouveaux enjeux politiques. Ainsi vont s’établir des liens étroits entre création d’une sacralité, pérennité et stabilité politique et production des images. Ce ciel « trop vide » dont parle Robespierre au début de l’ouvrage semble être propice à l’élaboration d’un renouveau sacral. Le ciel au dessus du Louvre présente ici une complexité intéressante. La base du récit est la production d’une représentation de l’Etre Suprême par David. Les œuvres de l’artiste parsèment les pages comme un palimpseste artistique où représenter le Père devient problématique et impossible. Les révolutionnaires se posent comme frères, unis par un serment fondateur. Cette dimension d’une sacralité originelle est incarnée par Le Serment des Horaces de David qui revient plusieurs fois en filigrane dans la bande dessinée. Mais les auteurs vont plus loin et mettent en avant la production de la sacralité à travers le portrait de Marat, mais aussi ceux de Le Pelletier, de Viala et enfin de Bara. Ce dernier, qui est le fil rouge de l’intrigue, ce portrait inachevé, se confond dans le récit avec la recherche de David de la représentation de l’Être Suprême. On comprend donc ici cette complexité induite par les auteurs entre production des images des martyrs dans un but politique et recherche imagée d’un Père sacré. Cette confusion voulue et convenue nous amène à nous interroger sur le rôle de Jules Stern dans le récit. Le personnage imaginaire de Jules Stern n’est qu’une simple allégorie, véritable ange (descendu du ciel ?) déambulant au cœur de la Terreur. Visage émacié, androgyne presque fellinien, cet être apparaît le jour de l’inauguration du Louvre. Il souhaite dénoncer sa mère, qui n’est autre que la Révolution elle-même (« parce qu’elle tue tout le monde. Toi aussi, elle te tuera citoyen Robespierre »). Ainsi, le jour de la naissance d’un temple de la représentation, de l’image et par là même de la Mémoire de la Révolution, ce qu’elle produit : la Nation, peut enfin s’incarner. Cette incarnation est cet être angélique, Jules Stern et le symbole de la France, jeune, idéalisée. Mais ce personnage a une dimension mystique et c’est ce qui nous intéresse ici. David va s’éprendre artistiquement de ce jeune homme et en faire son modèle pour la commande de Robespierre. L’obsession de David à peindre le personnage de Stern, c’est le symbole de la confusion révolutionnaire, Jules va se confondre avec Bara, avec l’Etre Suprême, avec l’homme nouveau espéré. Il devient peu à peu dans le récit, l’incarnation d’une France dans la recherche de son propre visage, mais il devient également cette impossibilité apparente de conciliation entre Révolution et Religion. Par cet amalgame entre plusieurs entités théologiques, le personnage de Stern (qui est juif dans le récit) devient un agrégat des réflexions révolutionnaires autour de la sacralité. L’aspect androgyne voire féminin de Bara marque une évolution majeure par rapport aux tableaux prérévolutionnaires de David. On n’a pas ici la dimension virile des autres œuvres. David crie à Jules Stern posant devant lui : « Non, plus tourné vers moi, la cuisse… Qu’elle cache le genou droit et le sexe ! […] Tu dois paraître heureux ! Tu incarnes un jeune martyr qui a une révélation à son dernier soupir ! » (planche 37). Ainsi, on voit cette dimension de mise en scène, de théâtralisation du martyr dans un but propagandiste mais aussi ce souhait de pureté et d’universalité produit par le caractère asexué de l’icône. Les enjeux politiques se mêlent aux images et à la sacralité et inversement. Se découvre ici la problématique centrale de l’œuvre et de la Révolution française. Il reste une interrogation intéressante et stimulante concernant la conclusion de cet ouvrage. Les auteurs prennent indéniablement parti en mettant en scène l’apothéose de David face au portrait esquissé de Napoléon Bonaparte. Ainsi, les auteurs concluraient sur l’aboutissement d’une recherche de l’artiste, où l’incarnation sacrée et politique de la Révolution serait le futur empereur. En définitive la question est de savoir si Napoléon est Fils ou Père de la Révolution française ? À travers une lecture théologique de la révolution, cette impossibilité à représenter une Etre supérieur et fondateur peut renvoyer aux réflexions catholiques autour de la représentation de Dieu. Le fils étant à l’image du Père, représenter l’un suffit à représenter l’autre. La première lecture serait donc celle d’un Napoléon, fils de la Révolution, entité sacrée représentable qui incarnerait par là même la Révolution. Mais si on se penche sur les analyses de Lynn Hunt, Napoléon va incarner ce Père tué depuis janvier 1793. « En termes freudiens, les révolutionnaires étaient bloqués à cette phase dans laquelle personne ne pouvait ni ne devait atteindre la puissance absolue du Père » . Ainsi, on aurait ici davantage une dimension de Père retrouvé, à travers un processus de production de sacralité insolite : l’image peinte par David. La question reste donc ouverte, comme nous le proposent Yslaire et Jean-Claude Carrière, Napoléon, Être Suprême incarné, fils ou père de la Révolution ou flacon d’Ether ?

15/05/2010 (modifier)
Par Superjé
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Jimi Hendrix - La Légende du Voodoo Child
Jimi Hendrix - La Légende du Voodoo Child

Dès que j'ai vu cette BD sur ce site, je me suis dit : "Il faut que je la lise" ! J'ai eu du mal à la trouver, et au moment de l'emprunter, j'ai eu un doute ; est-ce que je ne vais pas être déçu si il a un écart d’ambiance entre cette BD est l'œuvre géniale du virtuose Jimi Hendrix ? Oui, je suis fan de Jimi Hendrix... Par contre je n'avais jamais lu avant de BD de Bill Sienkiewicz et, quelle claque je me suis pris quand j'ai ouvert ce bouquin. Je pensais que le style utilisé pour la couverture était fait pour la COUVERTURE, pour avoir un emballage joli. Non, tout l'album est comme ça. Les planches sont très esthétiques. Le dessin est à la limite du "psychédélique" (que l'on associe souvent avec Jimi Hendrix) mais les auteurs ne choisissent pas la facilité de dessiner avec les signes psyché que tout le monde connait. Non, on voit que c'est le style de l'auteur. Le dessin est extrêmement beau, c'est un régal pour les yeux, et les couleurs (ces peintures plutôt) sont parfaitement maîtrisées. A l'image d'Hendrix qui est carrément devenu un dieu de la guitare, Sienkiewicz l'est pour le dessin ! Et cette histoire, la vie romancée de Jimi ! Bien mieux qu'une biographie fidèle. On aurait aimé quelques anecdotes, et voir sous un autre angle ou pourquoi mieux connaitre Jimi Hendrix. Les auteurs ont choisi la carte du court et concis, très bien, malgré tous les petits reproches que j'ai en tête, j'ai adoré. Et ces idées de chansons insérées dans l'album : génial. Quand on les connaît la bande son se fait dans la tête, un pur bonheur (et pour ceux qui ne lisent pas l'anglais elles sont traduites à la fin de l'album). Pour les fans du meilleur guitariste du monde, à écouter avec "Electric Ladyland" (par exemple) en fond sonore : GENIAL !

14/05/2010 (modifier)
Par Dezem
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Le journal d'Henriette
Le journal d'Henriette

Les débuts de Dupuy et Berberian et déjà des personnages savoureux.... Un régal à mon sens ! Cette Henriette mal dans sa peau à des années lumières de ses parents imbéciles comme des ses camarades de classe cruels a presque quelque chose d'un personnage de Sattouf, mais en fille et une dizaine d'années plus tôt. Le graphisme si reconnaissable des deux auteurs est à son apogée, moins épuré qu'à présent et plus généreux. Une anti-héroïne comme on en voit rarement plongée dans un univers de bêtise qui respire la fin des années 80, je dis merci !

13/05/2010 (modifier)
Par Pierre
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Pandora Box
Pandora Box

Excellentissime ! Une série qui trace et retrace nos défauts, nos égoïsmes ... Et qui, en partant de récits anciens, la mythologie grecque, nous ramène au présent voire au futur, nous rappelle la bible avec les 7 péchés capitaux... Bref une toile de fond à l'humanité.

13/05/2010 (modifier)
Par GiZeus
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Barbara
Barbara

Tezuka ne cessera donc jamais de m'étonner, tout du moins pas avant que je n'ai achevé l'intégrale de ses oeuvres. Barbara est clairement un diptyque fascinant. Moins sombre qu'Ayako mais plus profond sur de nombreux points, ce manga est une réussite incontestable. Nous avons tout d'abord Barbara, une jeune hippie ramassée par l'écrivain en vogue du moment, Mikura Yosuke. Capricieuse, irrévérencieuse, adepte de Bacchus sans rechigner la littérature, Barbara est décidément une personne à part, à l'opposé de son protecteur Mikura. Ce duo totalement improbable sera à la base d'une histoire touchante et sensible, emplie de folie frénétique et second degré. Second degré car si l'on peut prendre ce diptyque comme une simple histoire déjantée, on s'aperçoit bien vite que derrière la hippie et l'écrivain se cachent plusieurs facettes. Barbara est tantôt présentée comme une muse puis une sorcière, Mikura souffrira quant à lui d'une folie passagère lorsqu'on fera sa connaissance, souffrant en silence des strictes conventions sociales, pensant un moment avoir trouvé un exutoire à cette différence qui le ronge, capable d'exercer ses penchants sexuels à l'abri des regards puritains. Et puis que les personnages sont réussis. J'ai souffert avec Mikura de l'absence de Barbara, muse mais également amante de l'écrivain, qui transforme la folie initiale de l'artiste en oeuvre accomplie. Car l'Art est ici un grand sujet de préoccupation pour Tezuka. Il n'hésitera d'ailleurs pas à faire appel à certaines références occidentales pour expliciter son propos. Et que dire du dessin ? Pur et tortueux, à l'image de la folie qui imprègne les planches de ce manga. La narration m'a semblé encore plus dynamique que les autres travaux de Tezuka, m'empêchant de ralentir la cadence à chaque page tournée. Finalement, c'est une aventure humaine très touchante mais également empreinte d'une certaine philosophie et de sens.

12/05/2010 (modifier)
Couverture de la série Quai d'Orsay
Quai d'Orsay

et VLAN ! voila le dernier album de Blain. Etant un inconditionnel de l'auteur j'avais énormément d'attente (ce qui n'est jamais très bon, et souvent facteur de grosse déception). ... Et bien malgré cela, j'ai pris une énorme claque à la lecture :o En fait cette BD est bien plus qu'une réussite. C'est carrément un tour de force. Je m'en explique : Au lieu de faire une caricature drôle et superficielle (type l'enquête Corse) et d'emmener l'album droit dans le mur... Les auteurs ont pris un parti pris beaucoup plus risqué et une hauteur de vue ambitieuse. On ne sombre jamais dans le discours partisan (la gauche... la droite... la politique). Non, on reste systématiquement dans la mécanique de la conviction et dans la personnalité (au demeurant très attachante) du personnage principal. En fait le personnage d'Alexandre Taillard de Worms (ie Dominique de Villepin) est hyper bien vu, et il n'y avait, à y réfléchir, pas de meilleur support au dessin de Blain. Car on est systématiquement dans l'oratoire, le panache, les attitudes, la gestuelle, la grandeur. Le personnage a cette dose de folie et de conviction qui permet de le placer au centre, et il fait un parfait chef d'orchestre. Encore une fois avec Blain, le dessin nous le rend bien, et la narration est à tomber. Et Vlan et paf et Tchac... ca swing à mort ! Et le tempo est effréné ! Au final, on est au coeur d'une machine complexe et lancée à toute vitesse (la diplomatie), et dont le pilote (le ministre) est un personnage hors norme. On apprend alors qu'en politique étrangère les bonnes réponses n'existent pas ! Qu'il n'y a jamais de véritable solution, qu'on est toujours coincé, et que la seule porte de sortie est de décider plutôt que de subir. M'étant embarqué pour une caricature, j'étais en fait un peu à côté. Cette BD reste pour moi un superbe hommage à cette folie qui fait de certains hommes des visionnaires. La question n'est pas de savoir s'ils ont raison ou tort, juste de se rendre compte que quotidiennement d'un geste ou d'un mot, ils écrivent l'histoire. Et Christophe Blain nous la raconte hyper bien l'histoire ! En l'occurence vivement la suite ; car un tome 2 est prévu !

12/05/2010 (modifier)
Couverture de la série Les Ensembles contraires
Les Ensembles contraires

Une histoire d’amitié. Une simple histoire d’amitié. A un tel point qu’au début du récit, j’ai bien cru que j’allais purement et simplement m’emmerder … Moi qui suis friand de ce genre de roman graphique, j’ai failli décrocher. Car, il faut bien l’avouer, le début de ce récit est tout sauf passionnant. Une vraie, une belle histoire d’amitié. A un tel point que passé ce cap de l’introduction, je n’ai plus su décrocher. Et autant le départ est quelconque, autant l’intensité émotionnelle grandit au fil du récit. J’ai alors retrouvé des repères qui étaient autant d’échos de ma propre vie, mais j’ai aussi découvert deux êtres, deux sensibilités. Ce récit est très bon, car il intrigue, divertit, amuse, émeut, et nous remet en question. C’est, dans mon cas, d’autant plus troublant que mon propre parcours présente certains points communs marquants avec celui de ces deux personnages. Je n’ai pas pu m’empêcher de me comparer à eux, de les juger et de me juger. Outre l’empathie que je ressens à la lecture de l’album, c’est, je crois, la raison d’être de ce genre de bande dessinée. Et je me suis enrichi de l’expérience de ces deux auteurs. Je me suis rassuré, aussi, constatant que mes propres réactions étaient finalement proches de celles de ces personnages. Et si je ne peux me considérer comme leur ami, le sentiment d’appartenir à la même tribu humaine qui m’habite à la fin de ma lecture m’apaise. … Mais qu’est ce que je suis en train de faire ? Voilà t’il pas qu’à mon tour je me laisse aller à la confidence ... Absurde … D’autant plus absurde que je n’ai pas le talent des auteurs pour donner à mon propos un quelconque intérêt. Alors, au lieu de me lire, lisez donc cet album autrement emballant ! C’est du roman graphique pur jus, chiant pour certains, amusant, émouvant et rassurant pour ma pomme. Ah oui, j’oubliais … le dessin est typique du genre. Simple, au service de l’histoire, il offre une colorisation peu diversifiée. J’aurais presque tendance à dire qu’il s’efface devant les propos, mais c’est faux, il est là, discret mais toujours prêt à soutenir l’histoire … comme un ami.

12/05/2010 (modifier)
Couverture de la série Akira
Akira

Après Berserk et Gunnm, je termine un troisième chef d’œuvre du manga. ‘Akira’ est une des nombreuses séries à côté de laquelle je serais passé sans bdthèque. Il s’agit d’un manga de S.F. admirablement rythmé et incroyablement prenant. D’habitude, les histoires de pouvoirs paranormaux me laissent de marbre, mais, en l’occurrence, c’est passé sans problème. La chute ne m’a pas totalement convaincu, mais, honnêtement, je ne parviens à imaginer une fin plus satisfaisante. De Kanéda, le gentil voyou, à Tetsuo, l’ennemi qui n’en demeure pas moins attachant, en passant par Akira, la force tranquille, la galerie de personnages développée par l’auteur force le respect. Par ailleurs, les relations entre les personnages se révèlent suffisamment complexes pour être crédibles (relations Kanéda-Tetsuo, Kanéda-Kay, Tetsuo-Kaori, etc.). Le dessin est également de très bonne facture. Les décors et les différents cataclysmes sont parfaitement rendus. Quel sens du détail ! Le monument du trône d’Akira m’a particulièrement marqué, par exemple. Concernant les personnages, Kay aurait peut-être gagné à être un peu plus féminine, mais ce n’est qu’un détail… J’ai lu l’édition en quatorze tomes de la série et ses couleurs un peu spéciales ne m’ont pas vraiment dérangé. Bref, du grand art !

12/05/2010 (modifier)