Je continue sur ma lancée des séries cultes pour m'attaquer maintenant à ce monument qu'est Gaston Lagaffe. Un des 3 monuments selon moi de la bd classique (avec Astérix, Spirou et Tintin,... ah ?! Ca fait 4 ... ). Le chef d’œuvre de Franquin.
Que dire ... Astérix est égal en terme de renommée et de qualité mais je préfère réserver ce 5 étoiles pour Gaston Lagaffe car cette série me parle beaucoup plus profondément. Cette célébration du glandeur paresseux, lunaire, bref complètement immature est une bénédiction pour les gens de son espèce dont je fais (un peu) partie. Dans notre monde ou le succès, la réussite, l’optimisme, le courage, la valeur du travail est encouragée et soutenue, une bd comme celle-là permet de rendre sympathique ce mec complètement à la ramasse et méprisé dans la société actuelle. Il est clair qu'un mec comme Gaston au taffe, on en peut plus et il se fait virer en moins de 2 (d'ailleurs il se fait virer à un moment). Mais là on aimerait bien l'avoir avec nous.
On a tous un peu de Gaston en nous, on se reconnait tous un peu dedans enfin moi oui.
Et puis le truc vraiment génial avec Gaston c'est l'observation du microcosme de la rédaction du journal de Spirou. C'est comme si on travaillait dans cette boite. Je pense que c’était réellement novateur pour l'époque.
J'aime tout autant les premiers tomes avec Fantasio que la 2ème moitié avec Prunelle. Même si les dessins sont nettement meilleurs dans cette seconde moitié, les gags sont tout autant hilarants. Dans cette 1ère moitié Gaston est plus timide, stoïque. Comme un stagiaire qui vient d'arriver. Puis il prend peu à peu de la confiance, est plus foufou, exalté. Bon, niveau taf il reste stagiaire, n'en fout pas une, préférant s'occuper de choses diverses et variées comme : faire exploser l'immeuble avec ses expériences du petit chimiste, construire des inventions, des rampes de skate, réparer sa bagnole, élever des animaux, s'amuser dans la bibliothèque, construire une fontaine dans son bureau, bref faire plein de choses diverses et variées sauf trier et répondre au courrier, tâche qui lui est normalement destinée et pour laquelle il est en principe payé.
Des choses inutiles en soi, qui foirent le plus souvent mais qui peuvent se révéler très utiles et réellement novatrices... mais qui ne servent jamais à trier le courrier. Ça, il l’esquive à chaque fois. Comme un gamin qui doit recopier 500 fois " je ne dois plus ... " et qui va passer un temps fou à inventer un système de 15 crayons collés ensembles (qui se révèlera moyennement efficace) plutôt que se mettre au boulot.
Que dire de plus ... C'est difficile car cette œuvre est excellente dans tous ses aspects. graphiques, personnages, écriture ... tout. Lebrac le dessinateur, la mouette, le chat (le strip ou Gaston découpe la porte pour faire une chatière pour le chat mais également pour la mouette car les bêtes n'aiment pas se sentir enfermées et ont besoins de faire des allers et venues comme bon leur semble. Il ne reste plus rien de la porte. A se tordre de rire).
Et puis aussi les contrats qui échouent, les 2 potes, Jules de chez Smith en face (un autre glandeur acharné, l'équivalent de Gaston mais dans la boite sur le trottoir d'en face) et l'autre à lunette je ne sais plus son nom. De bons spécimens eux aussi. très sympathiques et bons à rien également. Et puis la "somptueuse" dinde à lunette de Mlle Jeanne qui s’extasie sur tout ce que fait Gaston. On l'adore. Un "merveilleux" couple.
Bon je m’arrête là car je pourrais parler des heures de Gaston Lagaffe.
Culte. ****. Voilà Gaston Lagaffe c'est fait.
J'ai hésité... mais après réflexion non. Cette série vaut bien son 5 étoiles ET son coup de cœur. Cet univers est carrément inédit dans la BD (en tout cas moi je n'ai jamais vu ça) et ne cesse de prendre de l'envergure et de gagner en profondeur d'albums en albums. On peut s'amuser à chercher des influences : Terry Gilliam, Boucq, Druillet, l’ésotérisme, Ptiluc (pour le style de BD en quasi-bichromie avec un peuple plus ou moins identique et un fond philosophique... je vais chercher un peu loin je sais). Un peu de Ulysse 31 également (là c'est encore un peu tiré par les cheveux je le reconnais mais c'est la visite de Pluton à bord d'un voilier naviguant dans l'espace à travers les cercles des 7 pêchés capitaux qui m'a fait penser à cela. Comme les premières saisons des Chevaliers du Zodiaque avec les temples des signes du zodiaque)...
Mais la recherche d'influences est finalement assez vaine tant cette série est unique en son genre et sort vraiment des sentiers battus.
Les dessins sont tout bonnement hallucinants de maîtrise, la qualité allant crescendo au fur et à mesure des albums. Par contre je ne suis pas fan des têtes des squelettes mais c'est bien la seule chose qui m'a un peu déplu dans cette série et c'est une goutte d'eau derrière la magnificence des décors et de l'histoire. Le bateau qui navigue aux extrêmes limites du système solaire est un véritable voyage cosmique dans l'au-delà aux portes des limites dimensionnelles du système solaires du temps et de la mort. Un peu comme une version de "2001 l'Odyssée de l'espace" par Terry Gilliam. Ça fait rêver (ou cauchemarder c'est selon). La religion se mélange à l’ésotérisme, à l'onirisme à l'absurde et à la philosophie. L'espace, la mort, le cosmos, le rêve, les squelettes... Whaoouuu !!!
De nombreuses pages sont absolument superbes. Celles de la visite de Pluton tout d'abord (Ah ce panorama lunaire, enfin plutoniaire page 58, 59 du tome 2) avec les portes des 7 pêchés capitaux... grandiose !!!). Mais aussi le grand vilain casqué dans sa tour : de superbes clairs-obscurs terriblement inventifs. Une séquence qui en impose beaucoup plus que bon nombre de séries exclusivement fantastiques ou S.F. L'arrivée du grand voilier lunaire en contre-plongée (page 44 du tome 2)... C'est très inventif dans les cadrages et les ombres, toujours recherchés et ne cédant jamais à la facilité. Chapeau !
Je ne vais pas revenir sur le scénario (excellent) mais plutôt sur les textes qui sont forts originaux. Un mélange d'argot et de langage soutenu, très littéraire, avec pas mal de mysticisme et d'ésotérisme. Tout cela ajoute énormément de complexité (et un peu de difficulté à la lecture) mais cela rend l'ensemble beaucoup plus dense et subtil. De plus Eric Liberge met tout cela en scène de manière très graphique, mélangeant des schémas ésotériques et usant de typographies dans cet esprit là. L'outil informatique est très bien utilisé et l’omniprésence de celui-ci (j'ai lu les dernières éditions) dans les couleurs et dans les textes n'est jamais en contradiction avec l'esprit "gothique" de cet univers. C'est très bien écrit et vraiment passionnant. La grande classe ! Pour ce qui est de la mise en couleur, elle alterne entre un (faux) noir et blanc et de la couleur (pâle) mais utilisée avec parcimonie. Elle vient progressivement d'albums en albums, de temps en temps (surtout dans la dimension des 7 pêchés capitaux) de manière lumineuse et vaporeuse. L'impact en est beaucoup plus fort.
Le tome 4 clôt la série de manière très (mais alors très très) bavarde. Ce tome est un véritable pavé de texte, avec des dessins assez petits et très sombres (bien que d’excellente qualité et encore plus détaillés). En dehors de 2, 3 scènes plus marquantes et graphiques (le début avec Architofel et l'église, les squelettes qui ont retrouvé la mémoire et qui se rendent compte qu'ils sont morts), c'est très obscur et philosophique, les personnages prenant réellement de la profondeur et le récit devenant ultra complexe et ultra philosophique également. Ça peut vraiment rebuter mais moi j'ai tout de même lu ça avec énormément de plaisir et de passion (encore sur la lancée des 3 premiers). Un tome très ardu, interminable et verbeux mais sans compromis très noir et nihiliste. Excellent.
J'ai également beaucoup aimé en vrac :
- Les squelettes qui n’arrêtent pas de se bourrer la gueule avec du mercure (ou du café ?) et cela leur procure un certain effet hallucinogène de souvenirs de leur vie sur terre. Qui au final les rend plus malheureux qu'autre chose dans ce monde sans perspectives de sorties.
- La jeune femme qui vient d'arriver dans le purgatoire : recueillie dans la barque des psychopompes, elle se met à vieillir avec effroi à vitesse grand V et donc à perdre ses tissus charnels. C'est une idée vraiment macabre qui fait froid dans le dos.
- Tout comme ceux qui retrouvent la mémoire avec le café ( dans le tome 4 ) et qui se mettent à paniquer. C'est très noir.
Je trouve très intéressant également le préface écrite par Eric Liberge au début du tome 4. Il explique son acharnement pendant ces 8 années ou cette série lui a occupé littéralement toute sa vie. Sa résistance face aux critiques des proches ("tu ne vas pas dessiner que des squelettes, cela ne marchera pas"). Il était représentant de verres en Europe de l'Est et occupait tous ses moments de temps libre à avancer sur sa BD. Le soir ou le matin à l'hôtel et même au volant de sa voiture entre 2 rendez-vous ! (J’imagine le tableau, une voiture garée dans un parking sordide sous la pluie avec le mec qui a mis sa planche sur le volant et qui dessine ses squelettes). Une leçon de volonté pour tous les (apprentis ou pas) dessinateurs qui n'arrivent pas à avancer ou à terminer leurs trucs.
Chef-d’œuvre !! Je reste sans voix devant tant de maîtrises scénaristiques et graphiques.
L’histoire est tellement belle, réaliste, humaine que tout bédéphile qui se respecte devrait lire au moins une fois.
On a envie de rencontrer les personnages tant ils sont expressifs, chaleureux et attachants spécialement Leila, Célestin et le vieux français.
Le voyage est aussi bien présent et je me suis laissé transporté à travers l’Espagne, le Maroc et l’Afrique grâce à la puissance des images de Stassen et couleurs chaudes, lumineuses qui sont un vrai régal pour les yeux.
Lapière quant à lui n’a décidément plus rien à prouver, il est pour moi l’un des meilleurs scénaristes qui sait rester très proche du lecteur grâce à la fluidité, le rythme et l’humanité qui se dégagent de ses dialogues. Et puis le découpage est quand même vachement bien foutu, c’est du grand art. Merci aux auteurs.
Avis n°500, il faut donc une Bd exceptionnelle, je l'ai trouvée. Après le Moyen Age, l'Antiquité grecque et romaine est ma seconde période historique préférée, autant dire que je suis très attentif à la démonstration de Dufaux et Delaby. D'abord, il y a le magnifique travail de Delaby sur les couvertures d'albums, qui par leur aspect choc et superbe, interpellent le quidam.
Dufaux, c'est un scénariste inconstant qui peut produire du mauvais comme Conquistador (Glénat) et du très bon comme ici. Une fois qu'on a mis le nez dans cette Bd, on a vraiment du mal à la lâcher, tant c'est prenant. Cette somptueuse série atteint des sommets dès ses débuts dans le traitement, le dialogue, et surtout le dessin de Delaby ; quels progrès depuis ses premières séries Bran et L'Etoile Polaire. Son trait à la fois puissant et raffiné, précis et travaillé, renforce la vision très crue de la Rome antique vue par Dufaux. Une vision sans complaisance et très noire sur les luttes de pouvoir, qui selon l'historien Michael Green, "fera connaître l'Antiquité romaine plus vite et sans doute mieux que tous les livres d'Histoire".
D'ailleurs, en la lisant, et malgré les bonnes connaissances que j'ai de cette période romaine, je ne pouvais m'empêcher de compulser mes encyclopédies pour approfondir tel fait évoqué ou éclairer tel personnage. Car c'est bien là le but des auteurs : montrer les intrigues de palais, les assassinats, empoisonnements, trahisons, compromissions qui déchirent la famille impériale ; on pénètre dans les arcanes de la politique où se jouent les complots sordides, l'avidité du pouvoir et l'ambition effrénée des principaux acteurs, en tête Agrippine qui empoisonne son époux, l'empereur Claude, pour placer sur le trône son fils Néron dont elle veut faire un pantin derrière lequel elle régnera. Mais Néron, malgré ses 17 ans, se dresse contre la cupidité démesurée de sa mère et entame un début de règne placé sous le sceau du sang, car on apprend aussi en lisant cette saga romaine, que la vie humaine n'avait à cette époque que bien peu de prix.
Si tout ceci était narré d'une façon encyclopédique, ça ne tiendrait pas, et la réussite des auteurs réside dans la façon habile de présenter ces faits et ces personnages en fournissant en même temps un excellent divertissement, il faut que le lecteur soit passionné par une intrigue qui tient le coup et une ambiance attractive ; ce but est atteint.
Il n'y a pas de vrai héros au sens propre du terme dans la série, plutôt des anti-héros dont chacun a sa part de noirceur, que ce soit Britannicus, Acté, Pétrone, Sénèque, Poppée, Tigellin, Othon, Galba, Locuste... tous authentiques, au contraire du personnage-titre Lucius Murena, ami de Néron qui ne joue finalement qu'un rôle assez secondaire, tout au moins dans le 1er cycle ; par la suite, il sera moins falot et s'étoffera, et c'est Néron qui porte tout le récit. Les autres personnages fictifs sont des esclaves ou des gladiateurs comme Draxius, Balba le Nubien ou le féroce Massam....qui dans certaines scènes violentes, pimentent une action basée sur la réalité historique, mais ponctuée de nombreux trous que les auteurs comblent habilement par une imagination plausible.
La rythmique du récit se ressent parfois d'un léger aspect didactique, car les auteurs s'appuient sur des ouvrages sérieux qu'ils citent en fin d'album, suivis d'un glossaire pour éclairer le lecteur ; cet aspect est cependant indispensable si le néophyte veut bien comprendre le fonctionnement de cette Rome impériale, où les séquences de palais alternent avec des scènes de combat de gladiateurs, ou d'autres franchement érotiques mais jamais gratuites, car servant l'intrigue. Malgré l'aspect documenté, les auteurs ont commis quelques erreurs au début qu'ils ont vite réparées.
Depuis 15 ans, "Murena" s'est imposée comme l'une des meilleures séries de bande dessinée réaliste, et a redonné ses lettres de noblesse au péplum tout comme Gladiator l'a fait au cinéma. Elle véhicule un tourbillon de mort, de sang et de passions réellement fascinant auquel il est difficile de résister. A lire absolument.
A travers neuf chapitres, McCloud, tel un chercheur obstiné en quête de son Graal, a tenté d’élaborer une théorie générale en se basant sur une observation approfondie des techniques liées à ce mode d’expression, en intégrant les études sémiologiques précédentes, notamment celles de son aîné Will Eisner. Mais il l’a présentée sous forme de cases, une façon ludique et originale (et au fond tellement logique) de rendre ses thèses, assez pointues il faut le dire, accessibles à chacun. Cela lui permet par ailleurs de justifier sa croyance selon laquelle la BD est un média aux possibilités illimitées…
Notre homme a ainsi confectionné sur une période de quinze années un ouvrage érudit et complexe avec une passion communicative, faisant preuve d’une remarquable pédagogie, car certaines de ses thèses, qui pourraient apparaître au premier abord rébarbatives, deviennent limpides et excitantes grâce à une mise en page talentueuse dans laquelle les dessins répondent parfaitement aux textes, implémentation convaincante de ses propres théories. L’auteur évoque également les autres formes artistiques (cinéma, peinture, littérature) afin de montrer que toutes sont reliées d’une façon ou d’une autre à la bande dessinée, celle-ci représentant non pas un art hybride, mais un point de convergence où texte et image sont mêlés. Cet art populaire fut discrédité dès ses débuts car s’adressant à un jeune lectorat et rappelant trop la publicité tapageuse qui émergeait au même moment dans le monde occidental.
Son trait est volontairement neutre et schématique pour renforcer l’aspect ludique et pour pouvoir toucher tous les publics, respectant le principe selon lequel plus le dessin est simple, plus l’identification est facile. On atteint des sphères de réflexion métaphysique inattendues, et on réalise que la bédé est bien plus qu’un art mineur, rôle auquel certains préfèrent la voir cantonnée, comme s’il ne s’agissait encore que d’un ado turbulent. Pour autant, McCloud sait rester humble et rappelle toujours que ce qu’il avance n’est jamais que le fruit de ses réflexions et dit demeurer ouvert au débat si quiconque devait contester ses propos.
Tout amateur de BD qui se respecte devrait avoir « L’Art invisible » dans sa bédéthèque. Une œuvre unique et inédite, un essai illustré brillant, indiscutablement brillant.
Je n’ai que rarement lu d’œuvre aussi contestataire, riche et bien menée dans le petit monde de la bande dessinée et du manga. Cette série sonne comme un cri du cœur de Motorô Mase destiné à ses compatriotes pour les pousser à réagir, à prendre leur destin en main et à lutter contre toute atteinte à la liberté et de faire très attention aux dérives totalitaires. En cela le message porté dans Ikigami est transposable dans n’importe quelle société bien que l’histoire soit ancrée dans le cadre et la culture japonaise.
Dès les 40 premières pages on est complètement plongé dans cette dictature de la joie et la bonne humeur qui flirte bon avec « Le meilleur des mondes » d’Aldous Huxley où le bonheur est imposé sous peine d’être considéré comme un « dégénéré ». L’auteur a très bien compris les techniques de manipulation des masses utilisées par ces régimes dictatoriaux qui s’approprient les mots, les détournent de leur vrai sens pour endoctriner (ici la doctrine "kokuhan") les humains. Ainsi on parle de la journée de « vaccination de prospérité nationale » pour ce jour de rentrée des classes en CP où les enfants reçoivent leur billet de loterie qui déterminera s’ils vont crever ou non plus tard. Le bonheur est imposé de force par la peur.
Une idéologie imposée et obligatoire où cet enseignant annonce que les éléments les plus « séditieux » seront éliminés. Là, on flirt avec « Les monades urbaines » de Robert Silverberg.
On pourrait évidemment se dire que cette idée de départ de tuer au hasard des gens pour leur apprendre "la valeur de la vie" est complètement tordue et qu’il est improbable que cette idée soit appliquée un jour dans notre réalité. Oui et non.
Non parce que je signale que durant la seconde guerre mondiale le régime nazi a assassiné des millions de juifs et de tziganes, pour quoi ? Pour des idées. Un monde meilleur tout ça… Les idées peuvent tuer ! (lire la postface du tome 1 sur l'administration où chacun fait son boulot de sorte qu'on envoie des gens à la mort sans être "responsable" directement.)
Et oui aussi car l’histoire est tout aussi saugrenue que dans un « Battle Royal » mais à la limite on s’en fout car ce n’est pas le propos. Il faut OUBLIER LE PITCH DE DEPART car l’auteur veut nous amener sur une réflexion plus profonde. Evidemment que c’est aussi débile qu’un « Battle Royal » mais ce sont toutes les petites piques de l’auteur qu’il faut repérer et analyser.
Mase nous livre une critique acide sur la machine étatique et ses fonctionnaires qui broient des gens pour des concepts absurdes. La loi de prospérité nationale est mise en place pour faire comprendre aux citoyens l’importance de la vie qui ne doit pas être méprisée. A l’origine la loi a été votée pour repousser la criminalité, la délinquance et mettre fin aux guerres nous dit-on. Mais les chiffres parlent d’eux-mêmes, si la criminalité n’augmente pas elle ne diminue pas pour autant. Alors pourquoi continuer ?
Là encore, grosse attaque de l’auteur sur le manque de mobilisation des gens qui maintiennent le statu quo, incapables de prendre en mains leur destinée, de dire non, de se rebeller contre le système. Il s’en prend aussi bien aux jeunes qu’aux vieux. Les plus anciens qui ont laissé tomber le combat pour se conformer au système et les plus jeunes qu’il compare à des zombies. On le voit dans cette conversation entre Fujimoto (le personnage principal) et son boss Ichii qui en bon rouage de la machine (extrêmement bien huilée), est bien content que de nos jours les jeunes ne soient plus préoccupés par ce genre de choses et aient définitivement baissé les bras.
Pour en revenir à la série en elle-même, le découpage est excellent et l’histoire parfaitement rythmée de bout en bout (de grosses révélations jusqu’à la toute fin pour les plus sceptiques) où on suivra Fujimoto, le fonctionnaire de la mort, le rouage, celui qui délivre l’Ikigami le préavis de mort aux personnes à qui il ne reste plus que 24 heures à vivre. Fujimoto est un personnage controversé, il pense que la loi n’est peut être pas si juste qu’on veut bien le dire mais il ne peut partager ses impressions sous peine d’être un traître à la nation. Suspicions de la hiérarchie, interrogatoires, la gestapo n’a même pas confiance en son personnel.
En parallèle on suit les dernières heures de ces condamnés à mort « pour la nation », ces « héros ». C’est dans ces histoires qu’on trouve le meilleur de la série je trouve. Des récits qui ne sont jamais les mêmes, toujours dans le vrais, l’auteur n’épargne personne et ne s’autocensure pas. Qu’est-ce que vous feriez s’il vous rester 24h à vivre ? L’auteur brosse plusieurs portraits qui vous feront couler des larmes si vous avez un cœur d’artichaut. Et si vous avez un cœur de pierre vous penserez quand même que l’auteur est dans le juste. La première est la plus choquante mais réaliste avec cet ancien lycéen tête de turc qui va faire payer ceux qui lui ont pourri la vie, et alors qu’il commençait à peine à se remettre il reçoit l’Ikigami. Terrible leçon : l’Ikigami est cynique et frappe n’importe qui, le fort comme le faible, il n’y a pas de justice.
Il y a aussi beaucoup d’histoires émouvantes comme celle au dénouement shakespearien dans le tome 2 « la drogue d’amour pur ». Des histoires qui poussent à la révolte, « sous la peinture une âme » (tome 5) ou le dernier message contestataire d’un artiste tagueur. Une histoire avec un jeune fêlé fasciste qui prend son rôle de vierge à sacrifier sur l’autel de la patrie très à cœur. Freud aurait 2 ou 3 truc à redire sur son cas.
Bref, des histoires qui ne se ressemblent pas et jamais répétitives ou lassantes. C’est passionnant de bout en bout. Trop de choses à dire…
Un petit mot sur le dessin quand même que je trouve excellent. Les émotions sont très bien retranscrites sur les visages. L’auteur sait parfaitement adapter son dessin à l’ambiance du récit. Dès les premières pages du tome 1 quand la directrice d’école fait son discours de rentrée, elle passe du coq à l’âne : on a des grands sourires et on souhaite une joyeuse année à tous les bambins puis subitement, fond sombre, faciès froid, regard mort : « Parmi vous, certains mourront avant l’âge adulte »… ambiance tendue, regards baissés, ça déconne plus.
Une série courte pour conclure (10 tomes), rythmée et qui se tient du début à la fin. Et un vrai et puissant message de l’auteur qui invite à ne jamais se reposer sur ses acquis, rechercher la justice et la désobéissance civile est un devoir lorsque les gouvernements bafouent les droits et la vie de ses citoyens. Oui, un appel à la résistance en résumé. Ce n’est pas pour rien s’il ne retranscrit pas la série dans un futur idéalisé à la « Minority Report » mais à notre époque contemporaine.
Il FAUT lire Ikigami.
Loin des sentiers battus et bâtés... l'intelligence et la finesse de cette BD en font un objet de délectation tant dans l'humour que dans la profondeur philosophique !
Ce n'est pas l'intrigue ou une action trépidante qui sont ici l'intérêt... ni la virtuosité graphique (pour tout ça il y a foule partout ailleurs...).
Cette BD est un objet complet et il faudra être indulgent avec ceux qui n'auront pas compris, le propos étant de mettre en situation l'absence de la mémoire et de ce que cela engendre comme situation délirante (et drôle).
Le graphisme et le traitement sont adaptés au ton... Le dessin et la chromatique semblent dénués d'intérêt mais rien n'est plus faux ; ils sont précisément l'expression de la vacuité désertique et désolée de la pauvreté du monde quand la mémoire en est retirée...
Ce qui devient intéressant à mesure que la lecture avance, c'est la ressemblance étrange que ces situations ont avec la réalité de nos sociétés...
Le genre cape et d'épée retrouve ses lettres de noblesse avec cette splendide série dont le talent des 2 créateurs l'a même hissée au rang de best-seller chez Dargaud. Desberg conte en effet les aventures d'un beau ténébreux en butte aux intrigues politico-religieuses du Vatican dans la Rome des années 1750. Les dessins de Marini sont absolument superbes, l'osmose est parfaite entre eux qui ont déjà travaillé sur L'Etoile du Désert, mais ici, Marini se surpasse avec un trait clair, aux belles couleurs qui flirte par endroits avec l'aquarelle, et aux riches décors.
Pourtant, cette Bd trahit son aspect ultra commercial par sa longueur et la multiplicité trop répétitive de ses rebondissements, alors que l'histoire aurait pu être bouclée en 6 tomes. C'est tout à fait dans la lignée de la série de films Angélique marquise des anges, de la pseudo-Histoire bien troussée, mais à qui il manque un peu de profondeur. On va pas bouder son plaisir, car c'est quand même bien plaisant de suivre ce héros charismatique à beau physique et bouc bien taillé, sachant manier l'épée et appréciant les jolies femmes. On y succombe même, c'est ce que j'ai fait.
La bande se lit assez vite, il y a peu de dialogues, le rythme est rapide, on y revient, ce qui laisse le temps d'admirer le cadrage très étudié et le dessin de Marini aux beaux contours. Le méchant est particulièrement réussi ; Hitchcock disait qu'un héros était bon quand le méchant était réussi, et là c'est le cas. Ce malfaisant et venimeux cardinal Trebaldi est l'ennemi redoutable qu'on aime haïr, il n'hésite pas à tuer de ses propres mains pour arriver à échafauder ses plans machiavéliques. C'est un personnage au physique dur et sec, qui fait froid dans le dos, mais qui en même temps, met le héros plus en valeur, leur affrontement ayant ainsi plus de force.
Ce dernier va découvrir ses origines au fil du récit, et le reste des personnages secondaires sont suffisamment forts pour qu'on s'y intéresse : Méjaï l'empoisonneuse égyptienne, la belle Anséa, le Hussard, gros acolyte qui est souvent d'un précieux secours, Rochnan, le capitaine des moines guerriers aux sinistres masques constituant la garde de Trebaldi...
Une fort belle Bd donc, destinée à un public très large, et devenue comme quelques autres chez Dargaud (Murena, Blacksad, Aldébaran....) un nouveau classique qui renouvelle habilement le genre cape et d'épée, prouvant que les vieilles recettes fonctionnent toujours.
Marcel Gotlib est un géant de la BD francophone, un must absolu de la BD d'humour dont le nom est synonyme de sacrées tranches de rigolade. Dès ses débuts, on a senti chez lui des qualités d'auteur comique indiscutable. En 1965, il entre au journal Pilote où Goscinny l'accueille à bras ouverts et anime avec lui Les Dingodossiers, chronique loufoque où ils abordent de nombreux sujet variés. Fin 1967, Goscinny débordé, lâche Gotlib et l'encourage à créer ses propres histoires.
Dès 1968, apparaît la RAB dans le n°429 de Pilote, je m'en souviens parfaitement, et depuis je suis devenu accro à cette double page à chaque livraison de mon Pilote. Gotlib va appliquer le même principe que dans Les Dingodossiers avec cette rubrique fourre-tout où il se démarque de l'humour goscinnien en versant dans la parodie la plus destructrice avec une audace de plus en plus grande. C'était risqué à la fin des années 60 de faire ça dans un journal pour ados, mais encore considéré pour la jeunesse ; seulement Goscinny y croyait et le laissait libre. Chaque interview que j'ai vue de Gotlib, il ne tarit pas de remerciements envers ce rédac-chef de génie qui lui a fait confiance, on sent le grand respect que porte Gotlib à Goscinny.
Délaissant le concept du héros récurrent (qui était pourtant une mode établie à cette époque), Gotlib crée cependant quelques personnages qui reviennent fréquemment et qui sont devenus indissociables de ces saynètes hilarantes, tels Newton et sa pomme, le savant Burps, le Petit Chaperon Rouge, l'inénarrable coccinelle....et même Gotlib lui-même qui se met souvent en scène.
Son dessin très expressif qui combine habilement la caricature et le trait réaliste vise des cibles aussi diverses que les contes de notre enfance, l'actualité, le cinéma, la télé, la BD elle-même dont les personnages sont passés à la moulinette ; les parodies de films restent parmi les plus réussies. Les cases sont très remplies, fourmillent de petits détails amusants qui font qu'on peut relire même longtemps après ces historiettes loufoques, et y faire de nouvelles découvertes. Influencé comme Goscinny, par la revue Mad, Gotlib en a assimilé le style de comique absurde mais en l'adaptant à un public bien Français qu'il a su conquérir et élargir. Maître de l'humour décalé, il a ainsi durablement influencé plusieurs générations d'auteurs et séduit autant de lecteurs, ses albums étant régulièrement réédités.
La RAB a conservé une extraordinaire audience surtout auprès d'un lectorat étudiant et lycéen, elle n'a pas vieilli (à part quelques références un peu datées) et a su accrocher les nouvelles générations tout en régalant les "anciens" comme moi qui y prennent encore du plaisir, et ceci en dépit de certains gags inégaux, mais l'ensemble reste génial. Avec cette bande, Gotlib est certainement l'auteur qui a le plus contribué à sortir la BD de son ornière de presse juvénile où elle était enfermée depuis ses origines ; c'est la figure de proue de l'humour pour adultes.
A consommer sans modération.
On touche là ce qui est très certainement , de l'avis de nombreux fans, la meilleure période de Batman : 1967-1969, un peu plus de 2 ans où Neal Adams a hissé le Caped Crusader à des sommets graphiques, faisant de lui un héros emblématique de la culture U.S.
Adams lui donne une nouvelle dimension, accentuant sa dureté, son besoin de vengeance, et introduisant un fantastique macabre basé sur la peur, la nuit et l'aspect urbain du mal. Visant plus le contenu de la bande que l'apparence du héros, Adams rendit Batman au domaine de la nuit, la cape gonflée par le vent, les oreilles longues et pointues de sa cagoule accentuant la longueur et la sévérité du visage, reprenant ainsi les aspects de la chauve-souris qui doit inspirer la crainte à ses ennemis. Pour Adams, Batman ne pouvait pas marcher simplement dans la rue, il devait voler dans le ciel de Gotham grâce aux ailes de sa cape, retrouvant sa violence et ses angoisses.
Pour arriver à ce résultat, Adams refusa le découpage et la structure traditionnelle des planches, introduisant dans ses dessins un dynamisme et un esthétisme qui conjuguait à la fois le style fulgurant d'un Kirby et la beauté formelle d'un Infantino. La seule contrainte était d'associer Batman avec d'autres héros. Son association la plus intéressante sera celle qu'il formera avec Green Arrow.
Il n'est pas étonnant que Tim Burton se soit un peu inspiré de l'univers tourmenté insufflé par Neal Adams pour son film en 1989. Et c'est peut-être à cause d'Adams que Batman, second grand super-héros de la BD américaine, est devenu sans doute plus que Superman, le véritable symbole de la comic book culture, par son côté justicier désabusé et complexe donnant vie à toute une mythologie fascinante.
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La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
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Nos enjeux culturels et sociétaux
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Nos enjeux sociaux
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Gaston Lagaffe
Je continue sur ma lancée des séries cultes pour m'attaquer maintenant à ce monument qu'est Gaston Lagaffe. Un des 3 monuments selon moi de la bd classique (avec Astérix, Spirou et Tintin,... ah ?! Ca fait 4 ... ). Le chef d’œuvre de Franquin. Que dire ... Astérix est égal en terme de renommée et de qualité mais je préfère réserver ce 5 étoiles pour Gaston Lagaffe car cette série me parle beaucoup plus profondément. Cette célébration du glandeur paresseux, lunaire, bref complètement immature est une bénédiction pour les gens de son espèce dont je fais (un peu) partie. Dans notre monde ou le succès, la réussite, l’optimisme, le courage, la valeur du travail est encouragée et soutenue, une bd comme celle-là permet de rendre sympathique ce mec complètement à la ramasse et méprisé dans la société actuelle. Il est clair qu'un mec comme Gaston au taffe, on en peut plus et il se fait virer en moins de 2 (d'ailleurs il se fait virer à un moment). Mais là on aimerait bien l'avoir avec nous. On a tous un peu de Gaston en nous, on se reconnait tous un peu dedans enfin moi oui. Et puis le truc vraiment génial avec Gaston c'est l'observation du microcosme de la rédaction du journal de Spirou. C'est comme si on travaillait dans cette boite. Je pense que c’était réellement novateur pour l'époque. J'aime tout autant les premiers tomes avec Fantasio que la 2ème moitié avec Prunelle. Même si les dessins sont nettement meilleurs dans cette seconde moitié, les gags sont tout autant hilarants. Dans cette 1ère moitié Gaston est plus timide, stoïque. Comme un stagiaire qui vient d'arriver. Puis il prend peu à peu de la confiance, est plus foufou, exalté. Bon, niveau taf il reste stagiaire, n'en fout pas une, préférant s'occuper de choses diverses et variées comme : faire exploser l'immeuble avec ses expériences du petit chimiste, construire des inventions, des rampes de skate, réparer sa bagnole, élever des animaux, s'amuser dans la bibliothèque, construire une fontaine dans son bureau, bref faire plein de choses diverses et variées sauf trier et répondre au courrier, tâche qui lui est normalement destinée et pour laquelle il est en principe payé. Des choses inutiles en soi, qui foirent le plus souvent mais qui peuvent se révéler très utiles et réellement novatrices... mais qui ne servent jamais à trier le courrier. Ça, il l’esquive à chaque fois. Comme un gamin qui doit recopier 500 fois " je ne dois plus ... " et qui va passer un temps fou à inventer un système de 15 crayons collés ensembles (qui se révèlera moyennement efficace) plutôt que se mettre au boulot. Que dire de plus ... C'est difficile car cette œuvre est excellente dans tous ses aspects. graphiques, personnages, écriture ... tout. Lebrac le dessinateur, la mouette, le chat (le strip ou Gaston découpe la porte pour faire une chatière pour le chat mais également pour la mouette car les bêtes n'aiment pas se sentir enfermées et ont besoins de faire des allers et venues comme bon leur semble. Il ne reste plus rien de la porte. A se tordre de rire). Et puis aussi les contrats qui échouent, les 2 potes, Jules de chez Smith en face (un autre glandeur acharné, l'équivalent de Gaston mais dans la boite sur le trottoir d'en face) et l'autre à lunette je ne sais plus son nom. De bons spécimens eux aussi. très sympathiques et bons à rien également. Et puis la "somptueuse" dinde à lunette de Mlle Jeanne qui s’extasie sur tout ce que fait Gaston. On l'adore. Un "merveilleux" couple. Bon je m’arrête là car je pourrais parler des heures de Gaston Lagaffe. Culte. ****. Voilà Gaston Lagaffe c'est fait.
Monsieur Mardi-Gras Descendres
J'ai hésité... mais après réflexion non. Cette série vaut bien son 5 étoiles ET son coup de cœur. Cet univers est carrément inédit dans la BD (en tout cas moi je n'ai jamais vu ça) et ne cesse de prendre de l'envergure et de gagner en profondeur d'albums en albums. On peut s'amuser à chercher des influences : Terry Gilliam, Boucq, Druillet, l’ésotérisme, Ptiluc (pour le style de BD en quasi-bichromie avec un peuple plus ou moins identique et un fond philosophique... je vais chercher un peu loin je sais). Un peu de Ulysse 31 également (là c'est encore un peu tiré par les cheveux je le reconnais mais c'est la visite de Pluton à bord d'un voilier naviguant dans l'espace à travers les cercles des 7 pêchés capitaux qui m'a fait penser à cela. Comme les premières saisons des Chevaliers du Zodiaque avec les temples des signes du zodiaque)... Mais la recherche d'influences est finalement assez vaine tant cette série est unique en son genre et sort vraiment des sentiers battus. Les dessins sont tout bonnement hallucinants de maîtrise, la qualité allant crescendo au fur et à mesure des albums. Par contre je ne suis pas fan des têtes des squelettes mais c'est bien la seule chose qui m'a un peu déplu dans cette série et c'est une goutte d'eau derrière la magnificence des décors et de l'histoire. Le bateau qui navigue aux extrêmes limites du système solaire est un véritable voyage cosmique dans l'au-delà aux portes des limites dimensionnelles du système solaires du temps et de la mort. Un peu comme une version de "2001 l'Odyssée de l'espace" par Terry Gilliam. Ça fait rêver (ou cauchemarder c'est selon). La religion se mélange à l’ésotérisme, à l'onirisme à l'absurde et à la philosophie. L'espace, la mort, le cosmos, le rêve, les squelettes... Whaoouuu !!! De nombreuses pages sont absolument superbes. Celles de la visite de Pluton tout d'abord (Ah ce panorama lunaire, enfin plutoniaire page 58, 59 du tome 2) avec les portes des 7 pêchés capitaux... grandiose !!!). Mais aussi le grand vilain casqué dans sa tour : de superbes clairs-obscurs terriblement inventifs. Une séquence qui en impose beaucoup plus que bon nombre de séries exclusivement fantastiques ou S.F. L'arrivée du grand voilier lunaire en contre-plongée (page 44 du tome 2)... C'est très inventif dans les cadrages et les ombres, toujours recherchés et ne cédant jamais à la facilité. Chapeau ! Je ne vais pas revenir sur le scénario (excellent) mais plutôt sur les textes qui sont forts originaux. Un mélange d'argot et de langage soutenu, très littéraire, avec pas mal de mysticisme et d'ésotérisme. Tout cela ajoute énormément de complexité (et un peu de difficulté à la lecture) mais cela rend l'ensemble beaucoup plus dense et subtil. De plus Eric Liberge met tout cela en scène de manière très graphique, mélangeant des schémas ésotériques et usant de typographies dans cet esprit là. L'outil informatique est très bien utilisé et l’omniprésence de celui-ci (j'ai lu les dernières éditions) dans les couleurs et dans les textes n'est jamais en contradiction avec l'esprit "gothique" de cet univers. C'est très bien écrit et vraiment passionnant. La grande classe ! Pour ce qui est de la mise en couleur, elle alterne entre un (faux) noir et blanc et de la couleur (pâle) mais utilisée avec parcimonie. Elle vient progressivement d'albums en albums, de temps en temps (surtout dans la dimension des 7 pêchés capitaux) de manière lumineuse et vaporeuse. L'impact en est beaucoup plus fort. Le tome 4 clôt la série de manière très (mais alors très très) bavarde. Ce tome est un véritable pavé de texte, avec des dessins assez petits et très sombres (bien que d’excellente qualité et encore plus détaillés). En dehors de 2, 3 scènes plus marquantes et graphiques (le début avec Architofel et l'église, les squelettes qui ont retrouvé la mémoire et qui se rendent compte qu'ils sont morts), c'est très obscur et philosophique, les personnages prenant réellement de la profondeur et le récit devenant ultra complexe et ultra philosophique également. Ça peut vraiment rebuter mais moi j'ai tout de même lu ça avec énormément de plaisir et de passion (encore sur la lancée des 3 premiers). Un tome très ardu, interminable et verbeux mais sans compromis très noir et nihiliste. Excellent. J'ai également beaucoup aimé en vrac : - Les squelettes qui n’arrêtent pas de se bourrer la gueule avec du mercure (ou du café ?) et cela leur procure un certain effet hallucinogène de souvenirs de leur vie sur terre. Qui au final les rend plus malheureux qu'autre chose dans ce monde sans perspectives de sorties. - La jeune femme qui vient d'arriver dans le purgatoire : recueillie dans la barque des psychopompes, elle se met à vieillir avec effroi à vitesse grand V et donc à perdre ses tissus charnels. C'est une idée vraiment macabre qui fait froid dans le dos. - Tout comme ceux qui retrouvent la mémoire avec le café ( dans le tome 4 ) et qui se mettent à paniquer. C'est très noir. Je trouve très intéressant également le préface écrite par Eric Liberge au début du tome 4. Il explique son acharnement pendant ces 8 années ou cette série lui a occupé littéralement toute sa vie. Sa résistance face aux critiques des proches ("tu ne vas pas dessiner que des squelettes, cela ne marchera pas"). Il était représentant de verres en Europe de l'Est et occupait tous ses moments de temps libre à avancer sur sa BD. Le soir ou le matin à l'hôtel et même au volant de sa voiture entre 2 rendez-vous ! (J’imagine le tableau, une voiture garée dans un parking sordide sous la pluie avec le mec qui a mis sa planche sur le volant et qui dessine ses squelettes). Une leçon de volonté pour tous les (apprentis ou pas) dessinateurs qui n'arrivent pas à avancer ou à terminer leurs trucs.
Le Bar du vieux Français
Chef-d’œuvre !! Je reste sans voix devant tant de maîtrises scénaristiques et graphiques. L’histoire est tellement belle, réaliste, humaine que tout bédéphile qui se respecte devrait lire au moins une fois. On a envie de rencontrer les personnages tant ils sont expressifs, chaleureux et attachants spécialement Leila, Célestin et le vieux français. Le voyage est aussi bien présent et je me suis laissé transporté à travers l’Espagne, le Maroc et l’Afrique grâce à la puissance des images de Stassen et couleurs chaudes, lumineuses qui sont un vrai régal pour les yeux. Lapière quant à lui n’a décidément plus rien à prouver, il est pour moi l’un des meilleurs scénaristes qui sait rester très proche du lecteur grâce à la fluidité, le rythme et l’humanité qui se dégagent de ses dialogues. Et puis le découpage est quand même vachement bien foutu, c’est du grand art. Merci aux auteurs.
Murena
Avis n°500, il faut donc une Bd exceptionnelle, je l'ai trouvée. Après le Moyen Age, l'Antiquité grecque et romaine est ma seconde période historique préférée, autant dire que je suis très attentif à la démonstration de Dufaux et Delaby. D'abord, il y a le magnifique travail de Delaby sur les couvertures d'albums, qui par leur aspect choc et superbe, interpellent le quidam. Dufaux, c'est un scénariste inconstant qui peut produire du mauvais comme Conquistador (Glénat) et du très bon comme ici. Une fois qu'on a mis le nez dans cette Bd, on a vraiment du mal à la lâcher, tant c'est prenant. Cette somptueuse série atteint des sommets dès ses débuts dans le traitement, le dialogue, et surtout le dessin de Delaby ; quels progrès depuis ses premières séries Bran et L'Etoile Polaire. Son trait à la fois puissant et raffiné, précis et travaillé, renforce la vision très crue de la Rome antique vue par Dufaux. Une vision sans complaisance et très noire sur les luttes de pouvoir, qui selon l'historien Michael Green, "fera connaître l'Antiquité romaine plus vite et sans doute mieux que tous les livres d'Histoire". D'ailleurs, en la lisant, et malgré les bonnes connaissances que j'ai de cette période romaine, je ne pouvais m'empêcher de compulser mes encyclopédies pour approfondir tel fait évoqué ou éclairer tel personnage. Car c'est bien là le but des auteurs : montrer les intrigues de palais, les assassinats, empoisonnements, trahisons, compromissions qui déchirent la famille impériale ; on pénètre dans les arcanes de la politique où se jouent les complots sordides, l'avidité du pouvoir et l'ambition effrénée des principaux acteurs, en tête Agrippine qui empoisonne son époux, l'empereur Claude, pour placer sur le trône son fils Néron dont elle veut faire un pantin derrière lequel elle régnera. Mais Néron, malgré ses 17 ans, se dresse contre la cupidité démesurée de sa mère et entame un début de règne placé sous le sceau du sang, car on apprend aussi en lisant cette saga romaine, que la vie humaine n'avait à cette époque que bien peu de prix. Si tout ceci était narré d'une façon encyclopédique, ça ne tiendrait pas, et la réussite des auteurs réside dans la façon habile de présenter ces faits et ces personnages en fournissant en même temps un excellent divertissement, il faut que le lecteur soit passionné par une intrigue qui tient le coup et une ambiance attractive ; ce but est atteint. Il n'y a pas de vrai héros au sens propre du terme dans la série, plutôt des anti-héros dont chacun a sa part de noirceur, que ce soit Britannicus, Acté, Pétrone, Sénèque, Poppée, Tigellin, Othon, Galba, Locuste... tous authentiques, au contraire du personnage-titre Lucius Murena, ami de Néron qui ne joue finalement qu'un rôle assez secondaire, tout au moins dans le 1er cycle ; par la suite, il sera moins falot et s'étoffera, et c'est Néron qui porte tout le récit. Les autres personnages fictifs sont des esclaves ou des gladiateurs comme Draxius, Balba le Nubien ou le féroce Massam....qui dans certaines scènes violentes, pimentent une action basée sur la réalité historique, mais ponctuée de nombreux trous que les auteurs comblent habilement par une imagination plausible. La rythmique du récit se ressent parfois d'un léger aspect didactique, car les auteurs s'appuient sur des ouvrages sérieux qu'ils citent en fin d'album, suivis d'un glossaire pour éclairer le lecteur ; cet aspect est cependant indispensable si le néophyte veut bien comprendre le fonctionnement de cette Rome impériale, où les séquences de palais alternent avec des scènes de combat de gladiateurs, ou d'autres franchement érotiques mais jamais gratuites, car servant l'intrigue. Malgré l'aspect documenté, les auteurs ont commis quelques erreurs au début qu'ils ont vite réparées. Depuis 15 ans, "Murena" s'est imposée comme l'une des meilleures séries de bande dessinée réaliste, et a redonné ses lettres de noblesse au péplum tout comme Gladiator l'a fait au cinéma. Elle véhicule un tourbillon de mort, de sang et de passions réellement fascinant auquel il est difficile de résister. A lire absolument.
L'Art Invisible
A travers neuf chapitres, McCloud, tel un chercheur obstiné en quête de son Graal, a tenté d’élaborer une théorie générale en se basant sur une observation approfondie des techniques liées à ce mode d’expression, en intégrant les études sémiologiques précédentes, notamment celles de son aîné Will Eisner. Mais il l’a présentée sous forme de cases, une façon ludique et originale (et au fond tellement logique) de rendre ses thèses, assez pointues il faut le dire, accessibles à chacun. Cela lui permet par ailleurs de justifier sa croyance selon laquelle la BD est un média aux possibilités illimitées… Notre homme a ainsi confectionné sur une période de quinze années un ouvrage érudit et complexe avec une passion communicative, faisant preuve d’une remarquable pédagogie, car certaines de ses thèses, qui pourraient apparaître au premier abord rébarbatives, deviennent limpides et excitantes grâce à une mise en page talentueuse dans laquelle les dessins répondent parfaitement aux textes, implémentation convaincante de ses propres théories. L’auteur évoque également les autres formes artistiques (cinéma, peinture, littérature) afin de montrer que toutes sont reliées d’une façon ou d’une autre à la bande dessinée, celle-ci représentant non pas un art hybride, mais un point de convergence où texte et image sont mêlés. Cet art populaire fut discrédité dès ses débuts car s’adressant à un jeune lectorat et rappelant trop la publicité tapageuse qui émergeait au même moment dans le monde occidental. Son trait est volontairement neutre et schématique pour renforcer l’aspect ludique et pour pouvoir toucher tous les publics, respectant le principe selon lequel plus le dessin est simple, plus l’identification est facile. On atteint des sphères de réflexion métaphysique inattendues, et on réalise que la bédé est bien plus qu’un art mineur, rôle auquel certains préfèrent la voir cantonnée, comme s’il ne s’agissait encore que d’un ado turbulent. Pour autant, McCloud sait rester humble et rappelle toujours que ce qu’il avance n’est jamais que le fruit de ses réflexions et dit demeurer ouvert au débat si quiconque devait contester ses propos. Tout amateur de BD qui se respecte devrait avoir « L’Art invisible » dans sa bédéthèque. Une œuvre unique et inédite, un essai illustré brillant, indiscutablement brillant.
Ikigami - Préavis de mort
Je n’ai que rarement lu d’œuvre aussi contestataire, riche et bien menée dans le petit monde de la bande dessinée et du manga. Cette série sonne comme un cri du cœur de Motorô Mase destiné à ses compatriotes pour les pousser à réagir, à prendre leur destin en main et à lutter contre toute atteinte à la liberté et de faire très attention aux dérives totalitaires. En cela le message porté dans Ikigami est transposable dans n’importe quelle société bien que l’histoire soit ancrée dans le cadre et la culture japonaise. Dès les 40 premières pages on est complètement plongé dans cette dictature de la joie et la bonne humeur qui flirte bon avec « Le meilleur des mondes » d’Aldous Huxley où le bonheur est imposé sous peine d’être considéré comme un « dégénéré ». L’auteur a très bien compris les techniques de manipulation des masses utilisées par ces régimes dictatoriaux qui s’approprient les mots, les détournent de leur vrai sens pour endoctriner (ici la doctrine "kokuhan") les humains. Ainsi on parle de la journée de « vaccination de prospérité nationale » pour ce jour de rentrée des classes en CP où les enfants reçoivent leur billet de loterie qui déterminera s’ils vont crever ou non plus tard. Le bonheur est imposé de force par la peur. Une idéologie imposée et obligatoire où cet enseignant annonce que les éléments les plus « séditieux » seront éliminés. Là, on flirt avec « Les monades urbaines » de Robert Silverberg. On pourrait évidemment se dire que cette idée de départ de tuer au hasard des gens pour leur apprendre "la valeur de la vie" est complètement tordue et qu’il est improbable que cette idée soit appliquée un jour dans notre réalité. Oui et non. Non parce que je signale que durant la seconde guerre mondiale le régime nazi a assassiné des millions de juifs et de tziganes, pour quoi ? Pour des idées. Un monde meilleur tout ça… Les idées peuvent tuer ! (lire la postface du tome 1 sur l'administration où chacun fait son boulot de sorte qu'on envoie des gens à la mort sans être "responsable" directement.) Et oui aussi car l’histoire est tout aussi saugrenue que dans un « Battle Royal » mais à la limite on s’en fout car ce n’est pas le propos. Il faut OUBLIER LE PITCH DE DEPART car l’auteur veut nous amener sur une réflexion plus profonde. Evidemment que c’est aussi débile qu’un « Battle Royal » mais ce sont toutes les petites piques de l’auteur qu’il faut repérer et analyser. Mase nous livre une critique acide sur la machine étatique et ses fonctionnaires qui broient des gens pour des concepts absurdes. La loi de prospérité nationale est mise en place pour faire comprendre aux citoyens l’importance de la vie qui ne doit pas être méprisée. A l’origine la loi a été votée pour repousser la criminalité, la délinquance et mettre fin aux guerres nous dit-on. Mais les chiffres parlent d’eux-mêmes, si la criminalité n’augmente pas elle ne diminue pas pour autant. Alors pourquoi continuer ? Là encore, grosse attaque de l’auteur sur le manque de mobilisation des gens qui maintiennent le statu quo, incapables de prendre en mains leur destinée, de dire non, de se rebeller contre le système. Il s’en prend aussi bien aux jeunes qu’aux vieux. Les plus anciens qui ont laissé tomber le combat pour se conformer au système et les plus jeunes qu’il compare à des zombies. On le voit dans cette conversation entre Fujimoto (le personnage principal) et son boss Ichii qui en bon rouage de la machine (extrêmement bien huilée), est bien content que de nos jours les jeunes ne soient plus préoccupés par ce genre de choses et aient définitivement baissé les bras. Pour en revenir à la série en elle-même, le découpage est excellent et l’histoire parfaitement rythmée de bout en bout (de grosses révélations jusqu’à la toute fin pour les plus sceptiques) où on suivra Fujimoto, le fonctionnaire de la mort, le rouage, celui qui délivre l’Ikigami le préavis de mort aux personnes à qui il ne reste plus que 24 heures à vivre. Fujimoto est un personnage controversé, il pense que la loi n’est peut être pas si juste qu’on veut bien le dire mais il ne peut partager ses impressions sous peine d’être un traître à la nation. Suspicions de la hiérarchie, interrogatoires, la gestapo n’a même pas confiance en son personnel. En parallèle on suit les dernières heures de ces condamnés à mort « pour la nation », ces « héros ». C’est dans ces histoires qu’on trouve le meilleur de la série je trouve. Des récits qui ne sont jamais les mêmes, toujours dans le vrais, l’auteur n’épargne personne et ne s’autocensure pas. Qu’est-ce que vous feriez s’il vous rester 24h à vivre ? L’auteur brosse plusieurs portraits qui vous feront couler des larmes si vous avez un cœur d’artichaut. Et si vous avez un cœur de pierre vous penserez quand même que l’auteur est dans le juste. La première est la plus choquante mais réaliste avec cet ancien lycéen tête de turc qui va faire payer ceux qui lui ont pourri la vie, et alors qu’il commençait à peine à se remettre il reçoit l’Ikigami. Terrible leçon : l’Ikigami est cynique et frappe n’importe qui, le fort comme le faible, il n’y a pas de justice. Il y a aussi beaucoup d’histoires émouvantes comme celle au dénouement shakespearien dans le tome 2 « la drogue d’amour pur ». Des histoires qui poussent à la révolte, « sous la peinture une âme » (tome 5) ou le dernier message contestataire d’un artiste tagueur. Une histoire avec un jeune fêlé fasciste qui prend son rôle de vierge à sacrifier sur l’autel de la patrie très à cœur. Freud aurait 2 ou 3 truc à redire sur son cas. Bref, des histoires qui ne se ressemblent pas et jamais répétitives ou lassantes. C’est passionnant de bout en bout. Trop de choses à dire… Un petit mot sur le dessin quand même que je trouve excellent. Les émotions sont très bien retranscrites sur les visages. L’auteur sait parfaitement adapter son dessin à l’ambiance du récit. Dès les premières pages du tome 1 quand la directrice d’école fait son discours de rentrée, elle passe du coq à l’âne : on a des grands sourires et on souhaite une joyeuse année à tous les bambins puis subitement, fond sombre, faciès froid, regard mort : « Parmi vous, certains mourront avant l’âge adulte »… ambiance tendue, regards baissés, ça déconne plus. Une série courte pour conclure (10 tomes), rythmée et qui se tient du début à la fin. Et un vrai et puissant message de l’auteur qui invite à ne jamais se reposer sur ses acquis, rechercher la justice et la désobéissance civile est un devoir lorsque les gouvernements bafouent les droits et la vie de ses citoyens. Oui, un appel à la résistance en résumé. Ce n’est pas pour rien s’il ne retranscrit pas la série dans un futur idéalisé à la « Minority Report » mais à notre époque contemporaine. Il FAUT lire Ikigami.
Fin de chaîne
Loin des sentiers battus et bâtés... l'intelligence et la finesse de cette BD en font un objet de délectation tant dans l'humour que dans la profondeur philosophique ! Ce n'est pas l'intrigue ou une action trépidante qui sont ici l'intérêt... ni la virtuosité graphique (pour tout ça il y a foule partout ailleurs...). Cette BD est un objet complet et il faudra être indulgent avec ceux qui n'auront pas compris, le propos étant de mettre en situation l'absence de la mémoire et de ce que cela engendre comme situation délirante (et drôle). Le graphisme et le traitement sont adaptés au ton... Le dessin et la chromatique semblent dénués d'intérêt mais rien n'est plus faux ; ils sont précisément l'expression de la vacuité désertique et désolée de la pauvreté du monde quand la mémoire en est retirée... Ce qui devient intéressant à mesure que la lecture avance, c'est la ressemblance étrange que ces situations ont avec la réalité de nos sociétés...
Le Scorpion
Le genre cape et d'épée retrouve ses lettres de noblesse avec cette splendide série dont le talent des 2 créateurs l'a même hissée au rang de best-seller chez Dargaud. Desberg conte en effet les aventures d'un beau ténébreux en butte aux intrigues politico-religieuses du Vatican dans la Rome des années 1750. Les dessins de Marini sont absolument superbes, l'osmose est parfaite entre eux qui ont déjà travaillé sur L'Etoile du Désert, mais ici, Marini se surpasse avec un trait clair, aux belles couleurs qui flirte par endroits avec l'aquarelle, et aux riches décors. Pourtant, cette Bd trahit son aspect ultra commercial par sa longueur et la multiplicité trop répétitive de ses rebondissements, alors que l'histoire aurait pu être bouclée en 6 tomes. C'est tout à fait dans la lignée de la série de films Angélique marquise des anges, de la pseudo-Histoire bien troussée, mais à qui il manque un peu de profondeur. On va pas bouder son plaisir, car c'est quand même bien plaisant de suivre ce héros charismatique à beau physique et bouc bien taillé, sachant manier l'épée et appréciant les jolies femmes. On y succombe même, c'est ce que j'ai fait. La bande se lit assez vite, il y a peu de dialogues, le rythme est rapide, on y revient, ce qui laisse le temps d'admirer le cadrage très étudié et le dessin de Marini aux beaux contours. Le méchant est particulièrement réussi ; Hitchcock disait qu'un héros était bon quand le méchant était réussi, et là c'est le cas. Ce malfaisant et venimeux cardinal Trebaldi est l'ennemi redoutable qu'on aime haïr, il n'hésite pas à tuer de ses propres mains pour arriver à échafauder ses plans machiavéliques. C'est un personnage au physique dur et sec, qui fait froid dans le dos, mais qui en même temps, met le héros plus en valeur, leur affrontement ayant ainsi plus de force. Ce dernier va découvrir ses origines au fil du récit, et le reste des personnages secondaires sont suffisamment forts pour qu'on s'y intéresse : Méjaï l'empoisonneuse égyptienne, la belle Anséa, le Hussard, gros acolyte qui est souvent d'un précieux secours, Rochnan, le capitaine des moines guerriers aux sinistres masques constituant la garde de Trebaldi... Une fort belle Bd donc, destinée à un public très large, et devenue comme quelques autres chez Dargaud (Murena, Blacksad, Aldébaran....) un nouveau classique qui renouvelle habilement le genre cape et d'épée, prouvant que les vieilles recettes fonctionnent toujours.
Rubrique-à-Brac
Marcel Gotlib est un géant de la BD francophone, un must absolu de la BD d'humour dont le nom est synonyme de sacrées tranches de rigolade. Dès ses débuts, on a senti chez lui des qualités d'auteur comique indiscutable. En 1965, il entre au journal Pilote où Goscinny l'accueille à bras ouverts et anime avec lui Les Dingodossiers, chronique loufoque où ils abordent de nombreux sujet variés. Fin 1967, Goscinny débordé, lâche Gotlib et l'encourage à créer ses propres histoires. Dès 1968, apparaît la RAB dans le n°429 de Pilote, je m'en souviens parfaitement, et depuis je suis devenu accro à cette double page à chaque livraison de mon Pilote. Gotlib va appliquer le même principe que dans Les Dingodossiers avec cette rubrique fourre-tout où il se démarque de l'humour goscinnien en versant dans la parodie la plus destructrice avec une audace de plus en plus grande. C'était risqué à la fin des années 60 de faire ça dans un journal pour ados, mais encore considéré pour la jeunesse ; seulement Goscinny y croyait et le laissait libre. Chaque interview que j'ai vue de Gotlib, il ne tarit pas de remerciements envers ce rédac-chef de génie qui lui a fait confiance, on sent le grand respect que porte Gotlib à Goscinny. Délaissant le concept du héros récurrent (qui était pourtant une mode établie à cette époque), Gotlib crée cependant quelques personnages qui reviennent fréquemment et qui sont devenus indissociables de ces saynètes hilarantes, tels Newton et sa pomme, le savant Burps, le Petit Chaperon Rouge, l'inénarrable coccinelle....et même Gotlib lui-même qui se met souvent en scène. Son dessin très expressif qui combine habilement la caricature et le trait réaliste vise des cibles aussi diverses que les contes de notre enfance, l'actualité, le cinéma, la télé, la BD elle-même dont les personnages sont passés à la moulinette ; les parodies de films restent parmi les plus réussies. Les cases sont très remplies, fourmillent de petits détails amusants qui font qu'on peut relire même longtemps après ces historiettes loufoques, et y faire de nouvelles découvertes. Influencé comme Goscinny, par la revue Mad, Gotlib en a assimilé le style de comique absurde mais en l'adaptant à un public bien Français qu'il a su conquérir et élargir. Maître de l'humour décalé, il a ainsi durablement influencé plusieurs générations d'auteurs et séduit autant de lecteurs, ses albums étant régulièrement réédités. La RAB a conservé une extraordinaire audience surtout auprès d'un lectorat étudiant et lycéen, elle n'a pas vieilli (à part quelques références un peu datées) et a su accrocher les nouvelles générations tout en régalant les "anciens" comme moi qui y prennent encore du plaisir, et ceci en dépit de certains gags inégaux, mais l'ensemble reste génial. Avec cette bande, Gotlib est certainement l'auteur qui a le plus contribué à sortir la BD de son ornière de presse juvénile où elle était enfermée depuis ses origines ; c'est la figure de proue de l'humour pour adultes. A consommer sans modération.
Batman - Anthologie Neal Adams
On touche là ce qui est très certainement , de l'avis de nombreux fans, la meilleure période de Batman : 1967-1969, un peu plus de 2 ans où Neal Adams a hissé le Caped Crusader à des sommets graphiques, faisant de lui un héros emblématique de la culture U.S. Adams lui donne une nouvelle dimension, accentuant sa dureté, son besoin de vengeance, et introduisant un fantastique macabre basé sur la peur, la nuit et l'aspect urbain du mal. Visant plus le contenu de la bande que l'apparence du héros, Adams rendit Batman au domaine de la nuit, la cape gonflée par le vent, les oreilles longues et pointues de sa cagoule accentuant la longueur et la sévérité du visage, reprenant ainsi les aspects de la chauve-souris qui doit inspirer la crainte à ses ennemis. Pour Adams, Batman ne pouvait pas marcher simplement dans la rue, il devait voler dans le ciel de Gotham grâce aux ailes de sa cape, retrouvant sa violence et ses angoisses. Pour arriver à ce résultat, Adams refusa le découpage et la structure traditionnelle des planches, introduisant dans ses dessins un dynamisme et un esthétisme qui conjuguait à la fois le style fulgurant d'un Kirby et la beauté formelle d'un Infantino. La seule contrainte était d'associer Batman avec d'autres héros. Son association la plus intéressante sera celle qu'il formera avec Green Arrow. Il n'est pas étonnant que Tim Burton se soit un peu inspiré de l'univers tourmenté insufflé par Neal Adams pour son film en 1989. Et c'est peut-être à cause d'Adams que Batman, second grand super-héros de la BD américaine, est devenu sans doute plus que Superman, le véritable symbole de la comic book culture, par son côté justicier désabusé et complexe donnant vie à toute une mythologie fascinante.