Je me décide à écrire à un avis car je trouve les notes précédentes vraiment bien trop basses. Or il ne faudrait pas que le lecteur passe à côté de ce petit bijou : c'est bien simple, c'est certainement la meilleure BD que j'ai lue ces dernières années.
Le tome 1 notamment, "Petit", est d'une ambition incroyable. Hubert a créé ici un univers formidablement riche, allant même jusqu'à nous raconter la généalogie des Ogres-Dieux entre chaque chapitre: pas avare le Hubert tant il y avait sûrement de quoi produire un tome supplémentaire pour chaque ancêtre.
Le noir et blanc de Gatignol est somptueux, ce qui, ajouté au format et à la finition très travaillée de ces ouvrages, fait de chaque petit tome un bijou esthétique.
Je suis parfois dubitatif sur le principe des collections tant elles regroupent parfois pépites et banalités mais force est de constater que les trois séries que j'ai lues de la collection Métamorphose (Billy Brouillard, Dans la forêt et donc "Les Ogres-Dieux") sont de franches réussites.
Attention chef d'œuvre.
J'avais découvert Miles Hyman avec Le Dahlia noir scénarisé par Matz et David Fincher (d'après le roman de James Ellroy). Véritablement tombé en admiration devant ses planches (même si certains trouvaient ses personnages "figés"), je me suis précipité sur son art-book intitulé "Drawings" édité en 2015 chez Glénat. On pouvait y découvrir de somptueux dessins, d'illustrations de couverture de romans ou d'articles de presse. Un régal !
Avec "La loterie", Miles Hyman adapte une nouvelle de sa grand-mère, Shirley Jackson, qui avait fait scandale à l'époque, en 1948.
Ce livre de 140 pages fait une part belle aux formidables dessins de Hyman (avec en moyenne 3 vignettes par planches). Ce qui permet au lecteur d'admirer le travail du dessinateur. Malgré la montée du suspense et la noirceur du récit au fil des pages, on ne peut que saluer la luminosité des planches.
Miles Hyman nous offre des gros plans de visages assez percutants et des pleines pages qui permettent au lecteur de prendre son temps, de découvrir cette loterie quasiment en temps réel.
Car outre la population du village, le temps est pour moi un des principaux personnages de cet ouvrage.
Je ne vous dévoilerai pas l'enjeu de cette loterie, car cela nuirait au plaisir de cette lecture.
Pour ma part, dès avoir lu cet album, j'en ai repris la lecture pour voir quels étaient les signes avant coureurs de cette conclusion.
Un dessin formidable, des planches lumineuses sur un scénario étonnant, bref une très belle bande dessinée que l'on peut lire aisément plusieurs fois.
Sambre, c’est tout d’abord une tragique histoire d’amour pendant la Seconde Révolution Française. On nage en plein romantisme. Le fils d'une famille bourgeoise et rural du XIXème siècle va tomber amoureux d'une jeune vagabonde aux yeux rouges. La famille va tenter de s'opposer à cette union. Le destin également. La famille de Sambre va être très marquée par les événements historiques liés à la Révolution de 1948.
Le premier album date de 1986. Le dernier en date est de 2016, c’est le 7ème volume près de 30 ans après. Sambre a marqué la bd car dans les années 80, la bd n’avait essentiellement qu’une fonction divertissante. Le dessin en noir et blanc avec ce coloris de rouge et ce souci du réalisme donne une superbe impression de jamais vu dans la BD moderne. Une mise en couleur en adéquation avec une histoire d'amour impossible. On est très loin de la ligne claire si chère à de nombreux lecteurs avec ses tons joyeux. Sambre dénote totalement avec des tons sombres et un auteur qui joue avec les ombres et les lumières sans compter sur le rouge et le noir pour faire écho à l’œuvre de Stendhal.
Sambre s’inspire des romans fleuves du XIXème siècle. Le récit se déroule d’ailleurs sur plusieurs années. Il y aura plusieurs générations des membres de la même famille. Le thème sera celui de l’héritage et de la malédiction. Pour la première fois, nous avons également des personnages qui ont une psychologie propre assez approfondie. Sambre a marqué l’histoire de la bande dessinée tel que nous la connaissons.
L’œuvre est axée sur une histoire de famille avec des personnages qui recherchent leurs origines afin de percer le mystère. On va découvrir un romantisme noir et occulte avec toute la complexité du XIXème siècle. Il y a d’ailleurs une forte portée symbolique.
J’ai littéralement adoré cette superbe fresque romantique. Sambre est un véritable monument de la bd ! Des couvertures également magnifiques. Une série culte assurément ! Je suis véritablement rempli d’admiration tant pour le graphisme exceptionnel que pour l’atmosphère dégagée de cette triste histoire d’amour. Une vraie merveille qui se lit comme un roman de Zola.
Note Dessin : 5/5 – Note Scénario : 4.5/5 – Note Globale : 4.75/5
Depuis plusieurs années, j'achète les yeux fermés les ouvrages de mon compatriote breton, Emmanuel Lepage.
Ses derniers ouvrages Voyage aux îles de la Désolation, La Lune est blanche et Un printemps à Tchernobyl font partie des ouvrages que je lis et surtout que je relis, gage d'une qualité certaine, quasiment tout les ans. Car Emmanuel Lepage, avec le temps, nous offre plus qu'une bande dessinée mais de véritables tableaux à chaque vignette, ce qui se vérifie avec le présent album.
Avec " les voyages d'Ulysse", c'est une véritable invitation au voyage, au sens de Baudelaire, que nous offre Lepage. Finies les aventures autobiographiques ici, mais place aux aventures de Toulet, un des personnage aperçus dans "Les Voyages d'Anna", paru il y a plusieurs années chez Daniel Maghen (2005)-qui fera l'objet d'une réédition en novembre 2016- . D'ailleurs, je m'interroge sur le choix du nom de Toulet, (non le peintre mais le poète) auteur des "Contrerimes" , aventurier, marin ayant navigué jusqu'à l’extrême Orient, poète et écrivain qui, de Jean d'Ormesson à Jean Dutourd en passant par Jacqueline de Romilly, n'a de cesse de nous rappeler à nous ses souvenirs.
"Les voyages d'Ulysse" nous offrent un formidable voyage maritime mais aussi un merveilleux voyage dans le temps. En mêlant habilement l'Odyssée d'Homère et le parcours de Salomé, Lepage nous livre là un véritable chef d’œuvre aussi bien scénaristique que graphique. En intégrant dans son récit certaines planches de Follet (auteur que j'adore, mais malheureusement trop méconnu), Lepage compose ainsi un album d'une élégance rare : hommage aux textes fondateurs grecs, hommage aux dessinateurs plus âgés (Follet), le tout servi sur un scénario d'une beauté fatale.
Cet album est certainement un des albums incontournables de cette année, aussi bien par son ampleur que pour sa qualité graphique.
Pour l’anecdote, ma fille commence cette année en fac, en lettres modernes à la Sorbonne, et Homère est évidemment au programme. Je compte lui prêter cet album de Lepage, qui ne manque pas de faire référence à Homère, que ce soit au niveau graphique comme à travers les pages de l'Odyssée distillées ici ou là sur les pages de cette bande dessinée.
S'il y a un auteur que j'aime bien et qui ne m'a pour l'instant jamais déçu, c'est bien Cyril Bonin. C'est assez rare pour que je le souligne en ces temps de médiocrité créative dans le domaine de la bd. On retrouve son style si caractéristique avec cette nouvelle oeuvre qui baigne encore dans le fantastique mais pour mieux explorer les relations humaines ou comment on peut construire sa vie en évitant erreur ou accident. C'est encore une fois une leçon assez magistrale.
La machine à remonter dans le temps n'est pourtant pas un sujet très original. Cependant, c'est surtout le traitement qui en est fait qui rend ce récit si particulier. L'élégance du dessin apporte encore une fois une touche magique et presque rétro. Le charme opère. C'est du grand art. Bref, la qualité est au rendez-vous.
A noter qu'il existe un film datant de 2013 qui possède exactement la même trame à savoir Il était temps (About time) avec Domhnall Gleeson et Rachel Mc Adams ou comment rendre sa vie meilleure en trouvant la partenaire idéale. A voir également.
Ne tournons pas autour du pot : ces Voyages d'Ulysse sont un pur chef d'œuvre !
Emmanuel Lepage est un auteur de bandes dessinées, voyageur et un peu aventurier, qui nous a déjà régalé avec le récit de ses navigations dans les mers australes (Voyage aux îles de la Désolation et La Lune est blanche), ainsi que dans les territoires interdits d'Ukraine (Un printemps à Tchernobyl). Ici, il revient à la fiction, et met en images sa version de l'Odyssée.
Un jeune peintre, Jules Toulet, erre sur les rives du Bosphore. Il fait la connaissance de Salomé, capitaine de l'Odysseus qui l'entraîne dans une étrange quête. Il s'agit de retrouver Ammôn Kasacz, un peintre dont la spécialité est la représentation de la Grèce antique, dont on a perdu la trace. Au fil de cette aventure, qui les entraîne à travers la Méditerranée, de Byzance aux Colonnes d'Hercule et d'Alexandrie à Ithaque, Salomé explique peu à peu pourquoi Ammôn Kasacz lui tient tant à cœur.
L'histoire est diablement prenante et se lit d'un trait. Le voyage au présent est entrecoupé de longs flashbacks éclairant le passé de la belle Salomé, femme libérée avant l'heure, éprise de l'Odyssée, grande voyageuse, et véritable héroïne de ce récit. Au final, son destin devient une belle leçon de vie.
L'attrait de cet album tient aussi dans la qualité des dessins, que dis-je des dessins ? des peintures !
Il y a l'immense talent d'Emmanuel Lepage, qui excelle dans la représentation des paysages de Méditerranée, des navires dans la tempête ou de la foule bigarrée des ports. Jules Toulet, le peintre qui voyage pour croquer la nouveauté et l'exotisme sur le vif, est son double de fiction. On sent que Lepage aurait aimé fouler le pont de l'Odysseus et parcourir les rues étroites des ports méditerranées au temps de la navigation à voile.
Mais le coup de génie, c'est de s'être associé avec le très grand René Follet, l'un des plus grand illustrateurs du neuvième art. C'est lui qui prête sa patte inimitable et immédiatement reconnaissable au vieil Ammôn Kasacz, le peintre qui rêve d'odyssées et de mythes antiques.
Le résultat est flamboyant, un ravissement pour les yeux tout au long de 219 planches ! Il n'y en a pas une que l'on n'aimerait pas encadrer…
Comme à leur habitude, les éditions Daniel Maghen se montrent à la hauteur pour donner un écrin digne au travail exceptionnel des auteurs. Un fort beau livre, solidement relié, avec quelques calques qui reproduisent des passages de L'Odyssée d'Homère, et un cahier graphique reproduisant les carnets de Ammôn Kasacz / René Follet.
Je crois que je tiens en mains l'album de l'année !
Ouaw ! Quelle claque visuelle ! De celles qui laissent des traces.
Alors que Larcenet réservait plutôt ses "noirceurs" à sa maison d'éditions des Rêveurs, il en distille aussi de plus en plus chez Dargaud, comme on avait pu le découvrir avec l'excellent, le brillant Blast.
C'est bien évidemment à Blast que j'ai pensé en lisant cet album. D'abord pour le dessin, superbe, tout en esquisses parfois, mais aussi d'une netteté quasi cristalline, qui m'a rappelé certains passages où Polza se baladait en forêt.
Et, là aussi le Noir et Blanc est franchement superbement utilisé, et très à propos, collant à la peau d'une histoire déroulant toutes les nuances du Noir au Gris.
C'est une sorte de reconstruction, de l'histoire d'un village, d'un meurtre collectif, mais aussi peut-être d'un homme, Brodeck, hanté par des peurs, des cauchemars.
Sans que cela soit précisément situé, on devine une région d'Europe centrale, peu après la guerre (la "Seconde") et ses horreurs, Brodeck ayant échappé aux tueries des camps en abandonnant son humanité : c'est cette humanité qu'il reconstitue peu à peu, sur le papier en même temps que dans sa tête - j'allais dire dans sa quête.
C'est un album épais, qui se lit vite, car de nombreuses cases sont muettes, mais sur lequel on revient. De plus, Larcenet prend son temps, et l'ambiance noire est traversée de longs passages bucoliques, qui étirent le temps.
Album à lire, vraiment.
*************
MAJ après lecture du second tome.
L'indicible, qui donne son titre à ce second tome, cette parole difficile à libérer pour ceux qui gardent un lourd secret, mais aussi pour ceux qui n'ont plus foi dans les mots, eh bien Larcenet a réussi à la rendre tangible. Avec une économie de mots, il conclut brillamment cette histoire déchirante, qui révèle des hommes en jetant un voile sur l'humanité.
C'est très noir, mais c'est très beau ! Et je ne parle pas ici que du texte (il faudrait aussi inclure les silences !), mais aussi du dessin, qui est pour beaucoup dans le côté bouleversant de cette œuvre.
Pas grand chose à ajouter donc, si ce n'est une cinquième étoile. Comme pour Blast, ce pan nouveau de l'œuvre de Larcenet marquera tous ses lecteurs.
Une chose est sûre, Berserk n’a pas usurpé sa réputation de Saint-Graal de la dark fantasy. Les autres séries ont des allures d’Au pays de Candy en comparaison avec les atrocités se déroulant dans le Midland de Berserk.
Comme cela a été mainte fois répété, mais je vais m’y mettre moi aussi, l’œuvre exutoire de Kentaro Miura raconte grosso modo l’histoire de Guts, un mercenaire hanté par des monstres cauchemardesques et autres créatures démoniaques qui tentent presque chaque nuit de le bouffer ou le buter, et ceci à cause d’une marque maudite sur sa nuque. Comment a-t-il reçu ce stigmate ? Pourquoi ? Quelle est sa quête ? C’est ce que l’on découvre progressivement, lentement et de manière posé durant on va dire la première moitié de la série.
Il y a énormément à dire sur la série, aussi j’essaierai d’aller à l’essentiel de ce que j’en ai retenu. Berserk est une façon d’explorée toute la noirceur de l’âme humaine à travers deux personnages antagonistes : Guts et Griffith. Griffith c’est le gars qui a toutes les apparences du héros de conte de fée, la vie facile et un talent naturel pour attirer les autres à sa cause, avec son charmant physique androgyne il est aimé et désiré aussi bien par la gente masculine que féminine ce qui renforce son côté unificateur. D’une certaine façon il est presque une sorte de prophète ou de Jésus Christ réincarné et c’est le visage que l’auteur nous montre de lui pendant une longue partie de l’intrigue. Mais sous le voile des apparences il y a un monstre tapis sous ce personnage dévoré par l’ambition et qui est prêt à tout les sacrifices pour arrivé à ses fins. Guts représente l’inverse, il a le corps scarifié, homme solitaire et plutôt inabordable, sans trop en révéler sur son passé on peut facilement dire qu’il en a bavé et qu’il a eu une jeunesse des plus merdique. Seulement ce n’est pas un type qui fait dans les faux-semblant, il vous emmerde et le monde entier avec lui, et lorsque tout le monde se met à genoux quand les ténèbres surgissent, lui se tient debout et n’a pas peur d’aller à la charcute. Là où Griffith cherche à changer le monde avec ses fausses utopies génocidaires, Guts se montre sans concession et c’est en cela qu’il est le plus susceptible d’atteindre l’illumination.
Berserk n’est donc pas juste une histoire mettant en scène un personnage ultra bourrin, il y a un vrai propos derrière toute cette violence. Tout cela n’a pas bien l’air folichon mais raconté sur une dizaine de tomes (l’arc Golden Age), on finit par s’attacher aux personnages et la tragédie de fin de cycle apparaît d’autant plus cruelle alors.
Une violence totalement décomplexée et exacerbée par le trait de Kentaro Miura qui place Berserk à la croisée des chemins de l’horreur et de la dark fantasy. Des batailles où on ne nous épargne rien des tripes à l’air et des giclées de sang à gros bouillon, le viol, l’infanticide, inceste, torture de l’inquisition chrétienne, aucune censure ou si peu, juste ce qu’il faut pour ne pas basculer dans le hentaï à tentacule car souvent (tout le temps ? ) c’est vraiment dégueulasse.
Mais il aura fallu du temps à l'auteur pour enfin trouver sa vitesse de croisière et proposer sur la durée des compositions d’un réalisme effroyable. J’entends et je rejoins (en partie) les critiques des lecteurs sur les graphismes des premiers tomes qui ne sont pas super beaux ni bien conté il faut bien le confesser. C’est surtout dommage pour la série car on sait bien l’importance d’accrocher le lecteur dès le début. Surtout que l’on est bombardé dans cet univers froid sans tour de chauffe, bien que cela puisse s’expliquer par le rythme de publication différent au Japon et de l’importance d’aller directement à l’essentiel au début. Il faut bien attendre les tomes 4-5 pour que le dessin se stabilise sur quelques choses de très correct. Mais à mes yeux on commence vraiment à atteindre les sommets à peu prêt vers les tomes 9-10. Et le truc le plus dingue c’est que la qualité ne cesse de s’améliorer depuis.
Toutes ces créatures tour à tour grotesques et gigantesques, ces plans sur la folie du berserk en action sorties de l’imagination de Kentaro Miura sont un nectar de perversité. Perversité dans son sens propre : une attirance, un plaisir presque coupable de regarder quelque chose de malsain. C’est juste génial.
On regrettera par conséquent les défauts qui empêchent à mon sens Berserk de figurer comme roi incontesté et incontestable de la dark fantasy :
- Le dessin je l’ai déjà mentionné qui tarde trop à se sublimer. Trois tomes sur trente-huit actuellement ce n’est pas énorme et loin d’être insurmontable certains rétorqueront, mais l’air de rien cela compte. Après je l’ai dit c’est divin.
- Il est peut être temps aussi que la série se termine non ? Cela commence à faire long et je suis comme tout le monde, j’ai adoré le cycle Golden Age, à peu près du tome 4 au tome 15, un flashback qui revient sur la jeunesse de Guts et son parcours au sein de la compagnie des Faucons. Cycle expliquant le pourquoi du comment et tous les traumas du personnage. J’ai également adoré le cycle de l’inquisition qui va du tome 18 à 20 à peu près qui se boucle sur quelque chose d’apocalyptiquement barbare et sanglant. Après, je n’ai rien contre la suite qui est de bonne facture : il y a une évolution, même si l’ambiance demeure dark fantasy, petit à petit on se rapproche de la high fantasy. Guts formant peu à peu un cercle de compagnon l’aidant dans son combat. Ce changement ne me dérange pas trop (hormis l’humour qui devient lourdingue), déjà que le cycle Golden Age tendait vers l’heroic fantasy… Mais… je ne sais pas, j’ai cette impression qu’on commence sérieusement à tirer en longueur et qu’il est grand temps de boucler la boucle (d’autant plus qu’on pourrait très bien se passer de certains pans de la série) . Casca finira t-elle par enfin retrouver la raison ? (après le 1000ème viol on commence à se lasser). A quand l’ultime rencontre entre Guts et les God Hands et Griffith ? Vite ça urge ! (mais j’apprends qu’on en a encore pour 30 ans paraît-il. Aaaargh!)
PS : une nouvelle adaptation animée est en cours. C’est le moment de se mettre à jour pour ceux qui ne connaissent pas encore le guerrier noir.
Comment qualifie-t-on un chef d’œuvre? Lorsqu'il s'agit de littérature et plus particulièrement ici de BD, on parle d'une œuvre qui a été reconnue par son succès public, par les pairs de la communauté pour de multiples raisons. Qualité du dessin, sens du découpage, mise en images, rendu des expressions des différents protagonistes de l'histoire, bref je ne vais pas vous faire la totale, mais ici essayez d'imaginer tout ce qui vous fait apprécier une BD. Quelles qu'en soient les raisons, il reste ensuite ces petits riens, ou grandes choses, qui vos émeuvent. Des choses de l'ordre de l’indicible, du ressenti, du fameux subjectif.
Il est des œuvres qui vont au delà de l'exprimable, qui réveillent, révèlent en nous des angoisses, des peurs, des souvenirs, des choses que l'on croyait réglées mais que ce livre font sournoisement ressortir. Subrepticement, insidieusement, à notre plus grand étonnement, ce détail au détour d'une case fait ressurgir l'âme humaine dans toute sa grandeur mais aussi sa bassesse.
Que c'est noir, torturé, angoissant, en lisant ce livre je n'ai pu m'empêcher de penser à Conrad puis au colonel Kurtz d'"Apocalypse Now". Rappelez vous les derniers mots du roman et du film: "L'horreur!, l'horreur!".
Cet album nous dit donc tout sur l'humain; l'horreur, la noirceur mais aussi la lumière. Pas une lumière christique ou de rédemption et à vrai dire plus une étincelle fragile qui ne demande qu'à être protégée contre la folie, la lâcheté, la veulerie des hommes.
Sombres mais magnifiques pages sur la vie, ou plutôt la mort dans les camps de concentration. J'ai particulièrement apprécié le fait que les gardiens, les bourreaux soient traités comme des êtres sans visage. L'universalité de la machine de mort y prend tout son sens. Et ce dessin, ce trait!: Larcenet par ailleurs excellent sur ses œuvres précédentes nous fait ici du Chabouté. Par les Dieux, quel travail!, quel rendu, le format à l'italienne rend un hommage somptueux à son adaptation.
Lecture pour dépressifs? Non, juste un constat sur l'état de l'homme. Ma critique peut sembler un peu grandiloquente, partir en live comme l'on dit, mais vraiment lorsque l'on ouvre ce bel album on se trouve comme happé par une histoire mais aussi une atmosphère, des ressentis comme rarement une lecture peut en procurer.
Alors immanquable?, évidemment, il est rare de tomber sur un tel choc graphique et scénaristique. Je ne sais ce que vaut le roman dont cette histoire est tirée et peut être le lirai je un jour, quoi qu'il en soit j'attends avec un grande impatience la seconde partie de la BD.
Tome 2 " L'indicible"
Avais je des doutes concernant cette suite tant attendue du fameux rapport ?; à vrai dire pas franchement. La encore quelle claque mes amis, je ne sais si vous avez lu ce diptyque mais si ce n'est pas le cas un petit conseil allez y les yeux fermés ou plutôt grands ouverts. C'est beau à en pleurer, d'admiration, de rage contre la bêtise crasse, ici le terme de claque est tout sauf galvaudé.
Alors oui la lecture n'est pas drôle, elle peut même vous gâcher un bel après midi d'arrière saison tant elle vient titiller les tréfonds de l'âme humaine, celle du lecteur bien sur posant la question de comment nous aurions agit confronté à la même situation. Ici le constat est impitoyable, l'homme est veule, lâche, recroquevillé sur sa petitesse. Sur le fond mes petits camarades ont tout dit, aussi ne redirais je que mon admiration pour la beauté des planches de Larcenet qui livre ici un travail époustouflant tant sur les paysages somptueux que sur les visages qui expriment toute la palette des sentiments les plus vils de l'âme humaine.
Oui la bande dessinée est un art, j'en veux pour preuve cette magnifique adaptation. A l'heure du recroquevillement sur soi même d'une grande partie du genre humain je n'aurais qu'un souhait; faites tourner cette BD, faites là découvrir au plus grand nombre. Merci Mr Larcenet pour ce qui resteras une œuvre classée dans mon top 10
Ceci est la réécriture complète d’un de mes premiers avis posté sur ce site. Je n’irai pas jusqu’à dire que mon avis à changé du tout au tout mais pas loin. Je lui avais accolé à l’époque un médiocre 2/5 et m’en prenant exclusivement au dessin de Frank Miller. Aujourd’hui je pense toujours que l’adaptation filmique de Zack Snyder surpasse l’œuvre originale mais j’apprécie tellement cette histoire qu’une relecture devait être à un moment ou un autre inévitable.
Et finalement, peut être mon œil est-il devenu plus expert ou que je me laisse aveugler délibérément, mais j’ai fini par apprécier le trait de Frank Miller. Certainement pas sur toute son œuvre, mais en tout cas pour 300 je pense que tout n’est pas à jeter non plus. Il y a indéniablement un certain talent de la mise en scène avec ces vues à la première personne durant les combats, les poses héroïques qui en jettent pas mal, l’alignement très géométriques des hoplites renforçant ce côté martial, très discipliné et inébranlable. Et puis il y a cet encrage très prononcé dont je me demande comment je n’avais pu percevoir toute la beauté. Bien sûr il y a deux points qui me faisaient tiquer à l’époque et toujours un peu maintenant : d’abord le dessin de Miller, qu’on pourra trouver trop facile, rapidement exécuté, sans se préoccuper du détail. Et il y avait ces couleurs dont j’ai appris qu’elles n’étaient pas réalisées par Miller mais par Lynn Varley. Bon là il faut trier le bon grain de l’ivraie car si sur certaines planches on se dit qu’il manque les finitions, ben il y en a d’autres où c’est franchement bien chiadé, notamment sur les arrières plans et les couchers de soleil.
Quant à l’histoire moi j’ai toujours adhéré au concept. J’ai fait ma première rencontre avec les 300 dans le tome 1 du Lion de Macédoine de David Gemmell et je les ai adoré toujours autant par la suite dans Les Murailles de Feu de Steven Pressfield. Chez ceux qui critiquaient négativement il y avait généralement deux camps : ceux qui prenaient le récit au premier degré et y voyaient une sorte de fascination de l’auteur pour les sociétés fascisante entre autres choses ; et les pseudos-historiens qui avait pris eux-aussi le récit au premier degré mais en le jugeant sous l’angle historique. A mes yeux les deux se sont plantés.
A mon sens 300 est encore moins historique que le Gladiator de Ridley Scott et le Braveheart de Mel Gibson. L’histoire on s’en moque un peu, si c’est ce que l’on cherche mieux vaut se tourner vers les ouvrages de références. De toute façon de la bouche même des historiens et archéologues on ne sait rien avec précision du déroulement de cette bataille. 300 est un conte. Un conte exalté par la verve de Dilios, le seul hoplite spartiate survivant de la bataille des Thermopyles. Sur l’ordre de son roi Léonidas il retourne à Sparte pour raconter ce qu’il s’est passé, ce qu’il a vu, pour rassembler et unir. C’est donc à la veille de la bataille de Platée, réunit autour d’un feu de camp que Dilios harangue ses frères d’armes. Il glorifie la « nation » (300 est bourré d’anachronisme) spartiate, ses valeurs de courage, son absolutisme, ses lois, ses hommes et ses femmes. Oui le spartiate a des allures d’übermensch et sa cité est un peu flippante pour un homme du XXIème siècle, mais gare aux jugements anachroniques, surtout face à des faits qui n’ont jamais eu lieu. Non les spartiates ne pratiquaient pas l’infanticide au berceau, non Sparte n’avaient pas un roi mais deux, non il n’y avait pas de« nation » grecque unie contre l’envahisseur perse, c’est d’ailleurs bien pour cela qu’on les appelle les Guerres Médiques, certaines cités étaient alliés aux perses quand d’autres restées neutres. Non les perses ne sont pas ces espèces de barbares ressemblant à des goules et autres monstruosités, encore une fois on embrasse le point de vu d’un hoplite spartiate face à son ennemi. La liste est longue aussi je m’arrêterai là.
Quand aux valeurs glorifiées ici qui en ont rebutées plus d’un, je trouve que c’est le grand tour de force de Frank Miller d’arriver à nous faire aimer, nous gens du XXIème siècle qui adorons mettre en avant nos soi-disant valeurs d’égalité, d’humanisme ou encore démocratique ; une cité qui possède toutes les facettes d’une société totalitaire et intolérante. Vu la renommée du comics et de son film, d’autres en ont certainement mieux parlé que moi dans des analyses plus développées. Ce 300 de Miller me semble très proche de la philosophie que développait Robert E. Howard à travers Conan sa création phare, à savoir que la civilisation n’est pas un état naturel mais une fantaisie de la vie. Que tôt ou tard la barbarie finit par triompher. Avec le succès de 300 j’ai pu constater qu’il y avait toujours chez l’humain cette tentation de la violence et du retour à un état archaïque. Je trouve cela fascinant.
Donc pour moi, pas de l’historique mais du fantastico-historique, du bon divertissement loin d’être stupide. Et puis si cela ne suffit pas à convaincre, l’intégrale en format à l’italienne vaut le détour.
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Je me décide à écrire à un avis car je trouve les notes précédentes vraiment bien trop basses. Or il ne faudrait pas que le lecteur passe à côté de ce petit bijou : c'est bien simple, c'est certainement la meilleure BD que j'ai lue ces dernières années. Le tome 1 notamment, "Petit", est d'une ambition incroyable. Hubert a créé ici un univers formidablement riche, allant même jusqu'à nous raconter la généalogie des Ogres-Dieux entre chaque chapitre: pas avare le Hubert tant il y avait sûrement de quoi produire un tome supplémentaire pour chaque ancêtre. Le noir et blanc de Gatignol est somptueux, ce qui, ajouté au format et à la finition très travaillée de ces ouvrages, fait de chaque petit tome un bijou esthétique. Je suis parfois dubitatif sur le principe des collections tant elles regroupent parfois pépites et banalités mais force est de constater que les trois séries que j'ai lues de la collection Métamorphose (Billy Brouillard, Dans la forêt et donc "Les Ogres-Dieux") sont de franches réussites. Attention chef d'œuvre.
La Loterie
J'avais découvert Miles Hyman avec Le Dahlia noir scénarisé par Matz et David Fincher (d'après le roman de James Ellroy). Véritablement tombé en admiration devant ses planches (même si certains trouvaient ses personnages "figés"), je me suis précipité sur son art-book intitulé "Drawings" édité en 2015 chez Glénat. On pouvait y découvrir de somptueux dessins, d'illustrations de couverture de romans ou d'articles de presse. Un régal ! Avec "La loterie", Miles Hyman adapte une nouvelle de sa grand-mère, Shirley Jackson, qui avait fait scandale à l'époque, en 1948. Ce livre de 140 pages fait une part belle aux formidables dessins de Hyman (avec en moyenne 3 vignettes par planches). Ce qui permet au lecteur d'admirer le travail du dessinateur. Malgré la montée du suspense et la noirceur du récit au fil des pages, on ne peut que saluer la luminosité des planches. Miles Hyman nous offre des gros plans de visages assez percutants et des pleines pages qui permettent au lecteur de prendre son temps, de découvrir cette loterie quasiment en temps réel. Car outre la population du village, le temps est pour moi un des principaux personnages de cet ouvrage. Je ne vous dévoilerai pas l'enjeu de cette loterie, car cela nuirait au plaisir de cette lecture. Pour ma part, dès avoir lu cet album, j'en ai repris la lecture pour voir quels étaient les signes avant coureurs de cette conclusion. Un dessin formidable, des planches lumineuses sur un scénario étonnant, bref une très belle bande dessinée que l'on peut lire aisément plusieurs fois.
Sambre
Sambre, c’est tout d’abord une tragique histoire d’amour pendant la Seconde Révolution Française. On nage en plein romantisme. Le fils d'une famille bourgeoise et rural du XIXème siècle va tomber amoureux d'une jeune vagabonde aux yeux rouges. La famille va tenter de s'opposer à cette union. Le destin également. La famille de Sambre va être très marquée par les événements historiques liés à la Révolution de 1948. Le premier album date de 1986. Le dernier en date est de 2016, c’est le 7ème volume près de 30 ans après. Sambre a marqué la bd car dans les années 80, la bd n’avait essentiellement qu’une fonction divertissante. Le dessin en noir et blanc avec ce coloris de rouge et ce souci du réalisme donne une superbe impression de jamais vu dans la BD moderne. Une mise en couleur en adéquation avec une histoire d'amour impossible. On est très loin de la ligne claire si chère à de nombreux lecteurs avec ses tons joyeux. Sambre dénote totalement avec des tons sombres et un auteur qui joue avec les ombres et les lumières sans compter sur le rouge et le noir pour faire écho à l’œuvre de Stendhal. Sambre s’inspire des romans fleuves du XIXème siècle. Le récit se déroule d’ailleurs sur plusieurs années. Il y aura plusieurs générations des membres de la même famille. Le thème sera celui de l’héritage et de la malédiction. Pour la première fois, nous avons également des personnages qui ont une psychologie propre assez approfondie. Sambre a marqué l’histoire de la bande dessinée tel que nous la connaissons. L’œuvre est axée sur une histoire de famille avec des personnages qui recherchent leurs origines afin de percer le mystère. On va découvrir un romantisme noir et occulte avec toute la complexité du XIXème siècle. Il y a d’ailleurs une forte portée symbolique. J’ai littéralement adoré cette superbe fresque romantique. Sambre est un véritable monument de la bd ! Des couvertures également magnifiques. Une série culte assurément ! Je suis véritablement rempli d’admiration tant pour le graphisme exceptionnel que pour l’atmosphère dégagée de cette triste histoire d’amour. Une vraie merveille qui se lit comme un roman de Zola. Note Dessin : 5/5 – Note Scénario : 4.5/5 – Note Globale : 4.75/5
Les Voyages d'Ulysse
Depuis plusieurs années, j'achète les yeux fermés les ouvrages de mon compatriote breton, Emmanuel Lepage. Ses derniers ouvrages Voyage aux îles de la Désolation, La Lune est blanche et Un printemps à Tchernobyl font partie des ouvrages que je lis et surtout que je relis, gage d'une qualité certaine, quasiment tout les ans. Car Emmanuel Lepage, avec le temps, nous offre plus qu'une bande dessinée mais de véritables tableaux à chaque vignette, ce qui se vérifie avec le présent album. Avec " les voyages d'Ulysse", c'est une véritable invitation au voyage, au sens de Baudelaire, que nous offre Lepage. Finies les aventures autobiographiques ici, mais place aux aventures de Toulet, un des personnage aperçus dans "Les Voyages d'Anna", paru il y a plusieurs années chez Daniel Maghen (2005)-qui fera l'objet d'une réédition en novembre 2016- . D'ailleurs, je m'interroge sur le choix du nom de Toulet, (non le peintre mais le poète) auteur des "Contrerimes" , aventurier, marin ayant navigué jusqu'à l’extrême Orient, poète et écrivain qui, de Jean d'Ormesson à Jean Dutourd en passant par Jacqueline de Romilly, n'a de cesse de nous rappeler à nous ses souvenirs. "Les voyages d'Ulysse" nous offrent un formidable voyage maritime mais aussi un merveilleux voyage dans le temps. En mêlant habilement l'Odyssée d'Homère et le parcours de Salomé, Lepage nous livre là un véritable chef d’œuvre aussi bien scénaristique que graphique. En intégrant dans son récit certaines planches de Follet (auteur que j'adore, mais malheureusement trop méconnu), Lepage compose ainsi un album d'une élégance rare : hommage aux textes fondateurs grecs, hommage aux dessinateurs plus âgés (Follet), le tout servi sur un scénario d'une beauté fatale. Cet album est certainement un des albums incontournables de cette année, aussi bien par son ampleur que pour sa qualité graphique. Pour l’anecdote, ma fille commence cette année en fac, en lettres modernes à la Sorbonne, et Homère est évidemment au programme. Je compte lui prêter cet album de Lepage, qui ne manque pas de faire référence à Homère, que ce soit au niveau graphique comme à travers les pages de l'Odyssée distillées ici ou là sur les pages de cette bande dessinée.
The Time Before
S'il y a un auteur que j'aime bien et qui ne m'a pour l'instant jamais déçu, c'est bien Cyril Bonin. C'est assez rare pour que je le souligne en ces temps de médiocrité créative dans le domaine de la bd. On retrouve son style si caractéristique avec cette nouvelle oeuvre qui baigne encore dans le fantastique mais pour mieux explorer les relations humaines ou comment on peut construire sa vie en évitant erreur ou accident. C'est encore une fois une leçon assez magistrale. La machine à remonter dans le temps n'est pourtant pas un sujet très original. Cependant, c'est surtout le traitement qui en est fait qui rend ce récit si particulier. L'élégance du dessin apporte encore une fois une touche magique et presque rétro. Le charme opère. C'est du grand art. Bref, la qualité est au rendez-vous. A noter qu'il existe un film datant de 2013 qui possède exactement la même trame à savoir Il était temps (About time) avec Domhnall Gleeson et Rachel Mc Adams ou comment rendre sa vie meilleure en trouvant la partenaire idéale. A voir également.
Les Voyages d'Ulysse
Ne tournons pas autour du pot : ces Voyages d'Ulysse sont un pur chef d'œuvre ! Emmanuel Lepage est un auteur de bandes dessinées, voyageur et un peu aventurier, qui nous a déjà régalé avec le récit de ses navigations dans les mers australes (Voyage aux îles de la Désolation et La Lune est blanche), ainsi que dans les territoires interdits d'Ukraine (Un printemps à Tchernobyl). Ici, il revient à la fiction, et met en images sa version de l'Odyssée. Un jeune peintre, Jules Toulet, erre sur les rives du Bosphore. Il fait la connaissance de Salomé, capitaine de l'Odysseus qui l'entraîne dans une étrange quête. Il s'agit de retrouver Ammôn Kasacz, un peintre dont la spécialité est la représentation de la Grèce antique, dont on a perdu la trace. Au fil de cette aventure, qui les entraîne à travers la Méditerranée, de Byzance aux Colonnes d'Hercule et d'Alexandrie à Ithaque, Salomé explique peu à peu pourquoi Ammôn Kasacz lui tient tant à cœur. L'histoire est diablement prenante et se lit d'un trait. Le voyage au présent est entrecoupé de longs flashbacks éclairant le passé de la belle Salomé, femme libérée avant l'heure, éprise de l'Odyssée, grande voyageuse, et véritable héroïne de ce récit. Au final, son destin devient une belle leçon de vie. L'attrait de cet album tient aussi dans la qualité des dessins, que dis-je des dessins ? des peintures ! Il y a l'immense talent d'Emmanuel Lepage, qui excelle dans la représentation des paysages de Méditerranée, des navires dans la tempête ou de la foule bigarrée des ports. Jules Toulet, le peintre qui voyage pour croquer la nouveauté et l'exotisme sur le vif, est son double de fiction. On sent que Lepage aurait aimé fouler le pont de l'Odysseus et parcourir les rues étroites des ports méditerranées au temps de la navigation à voile. Mais le coup de génie, c'est de s'être associé avec le très grand René Follet, l'un des plus grand illustrateurs du neuvième art. C'est lui qui prête sa patte inimitable et immédiatement reconnaissable au vieil Ammôn Kasacz, le peintre qui rêve d'odyssées et de mythes antiques. Le résultat est flamboyant, un ravissement pour les yeux tout au long de 219 planches ! Il n'y en a pas une que l'on n'aimerait pas encadrer… Comme à leur habitude, les éditions Daniel Maghen se montrent à la hauteur pour donner un écrin digne au travail exceptionnel des auteurs. Un fort beau livre, solidement relié, avec quelques calques qui reproduisent des passages de L'Odyssée d'Homère, et un cahier graphique reproduisant les carnets de Ammôn Kasacz / René Follet. Je crois que je tiens en mains l'album de l'année !
Le Rapport de Brodeck
Ouaw ! Quelle claque visuelle ! De celles qui laissent des traces. Alors que Larcenet réservait plutôt ses "noirceurs" à sa maison d'éditions des Rêveurs, il en distille aussi de plus en plus chez Dargaud, comme on avait pu le découvrir avec l'excellent, le brillant Blast. C'est bien évidemment à Blast que j'ai pensé en lisant cet album. D'abord pour le dessin, superbe, tout en esquisses parfois, mais aussi d'une netteté quasi cristalline, qui m'a rappelé certains passages où Polza se baladait en forêt. Et, là aussi le Noir et Blanc est franchement superbement utilisé, et très à propos, collant à la peau d'une histoire déroulant toutes les nuances du Noir au Gris. C'est une sorte de reconstruction, de l'histoire d'un village, d'un meurtre collectif, mais aussi peut-être d'un homme, Brodeck, hanté par des peurs, des cauchemars. Sans que cela soit précisément situé, on devine une région d'Europe centrale, peu après la guerre (la "Seconde") et ses horreurs, Brodeck ayant échappé aux tueries des camps en abandonnant son humanité : c'est cette humanité qu'il reconstitue peu à peu, sur le papier en même temps que dans sa tête - j'allais dire dans sa quête. C'est un album épais, qui se lit vite, car de nombreuses cases sont muettes, mais sur lequel on revient. De plus, Larcenet prend son temps, et l'ambiance noire est traversée de longs passages bucoliques, qui étirent le temps. Album à lire, vraiment. ************* MAJ après lecture du second tome. L'indicible, qui donne son titre à ce second tome, cette parole difficile à libérer pour ceux qui gardent un lourd secret, mais aussi pour ceux qui n'ont plus foi dans les mots, eh bien Larcenet a réussi à la rendre tangible. Avec une économie de mots, il conclut brillamment cette histoire déchirante, qui révèle des hommes en jetant un voile sur l'humanité. C'est très noir, mais c'est très beau ! Et je ne parle pas ici que du texte (il faudrait aussi inclure les silences !), mais aussi du dessin, qui est pour beaucoup dans le côté bouleversant de cette œuvre. Pas grand chose à ajouter donc, si ce n'est une cinquième étoile. Comme pour Blast, ce pan nouveau de l'œuvre de Larcenet marquera tous ses lecteurs.
Berserk
Une chose est sûre, Berserk n’a pas usurpé sa réputation de Saint-Graal de la dark fantasy. Les autres séries ont des allures d’Au pays de Candy en comparaison avec les atrocités se déroulant dans le Midland de Berserk. Comme cela a été mainte fois répété, mais je vais m’y mettre moi aussi, l’œuvre exutoire de Kentaro Miura raconte grosso modo l’histoire de Guts, un mercenaire hanté par des monstres cauchemardesques et autres créatures démoniaques qui tentent presque chaque nuit de le bouffer ou le buter, et ceci à cause d’une marque maudite sur sa nuque. Comment a-t-il reçu ce stigmate ? Pourquoi ? Quelle est sa quête ? C’est ce que l’on découvre progressivement, lentement et de manière posé durant on va dire la première moitié de la série. Il y a énormément à dire sur la série, aussi j’essaierai d’aller à l’essentiel de ce que j’en ai retenu. Berserk est une façon d’explorée toute la noirceur de l’âme humaine à travers deux personnages antagonistes : Guts et Griffith. Griffith c’est le gars qui a toutes les apparences du héros de conte de fée, la vie facile et un talent naturel pour attirer les autres à sa cause, avec son charmant physique androgyne il est aimé et désiré aussi bien par la gente masculine que féminine ce qui renforce son côté unificateur. D’une certaine façon il est presque une sorte de prophète ou de Jésus Christ réincarné et c’est le visage que l’auteur nous montre de lui pendant une longue partie de l’intrigue. Mais sous le voile des apparences il y a un monstre tapis sous ce personnage dévoré par l’ambition et qui est prêt à tout les sacrifices pour arrivé à ses fins. Guts représente l’inverse, il a le corps scarifié, homme solitaire et plutôt inabordable, sans trop en révéler sur son passé on peut facilement dire qu’il en a bavé et qu’il a eu une jeunesse des plus merdique. Seulement ce n’est pas un type qui fait dans les faux-semblant, il vous emmerde et le monde entier avec lui, et lorsque tout le monde se met à genoux quand les ténèbres surgissent, lui se tient debout et n’a pas peur d’aller à la charcute. Là où Griffith cherche à changer le monde avec ses fausses utopies génocidaires, Guts se montre sans concession et c’est en cela qu’il est le plus susceptible d’atteindre l’illumination. Berserk n’est donc pas juste une histoire mettant en scène un personnage ultra bourrin, il y a un vrai propos derrière toute cette violence. Tout cela n’a pas bien l’air folichon mais raconté sur une dizaine de tomes (l’arc Golden Age), on finit par s’attacher aux personnages et la tragédie de fin de cycle apparaît d’autant plus cruelle alors. Une violence totalement décomplexée et exacerbée par le trait de Kentaro Miura qui place Berserk à la croisée des chemins de l’horreur et de la dark fantasy. Des batailles où on ne nous épargne rien des tripes à l’air et des giclées de sang à gros bouillon, le viol, l’infanticide, inceste, torture de l’inquisition chrétienne, aucune censure ou si peu, juste ce qu’il faut pour ne pas basculer dans le hentaï à tentacule car souvent (tout le temps ? ) c’est vraiment dégueulasse. Mais il aura fallu du temps à l'auteur pour enfin trouver sa vitesse de croisière et proposer sur la durée des compositions d’un réalisme effroyable. J’entends et je rejoins (en partie) les critiques des lecteurs sur les graphismes des premiers tomes qui ne sont pas super beaux ni bien conté il faut bien le confesser. C’est surtout dommage pour la série car on sait bien l’importance d’accrocher le lecteur dès le début. Surtout que l’on est bombardé dans cet univers froid sans tour de chauffe, bien que cela puisse s’expliquer par le rythme de publication différent au Japon et de l’importance d’aller directement à l’essentiel au début. Il faut bien attendre les tomes 4-5 pour que le dessin se stabilise sur quelques choses de très correct. Mais à mes yeux on commence vraiment à atteindre les sommets à peu prêt vers les tomes 9-10. Et le truc le plus dingue c’est que la qualité ne cesse de s’améliorer depuis. Toutes ces créatures tour à tour grotesques et gigantesques, ces plans sur la folie du berserk en action sorties de l’imagination de Kentaro Miura sont un nectar de perversité. Perversité dans son sens propre : une attirance, un plaisir presque coupable de regarder quelque chose de malsain. C’est juste génial. On regrettera par conséquent les défauts qui empêchent à mon sens Berserk de figurer comme roi incontesté et incontestable de la dark fantasy : - Le dessin je l’ai déjà mentionné qui tarde trop à se sublimer. Trois tomes sur trente-huit actuellement ce n’est pas énorme et loin d’être insurmontable certains rétorqueront, mais l’air de rien cela compte. Après je l’ai dit c’est divin. - Il est peut être temps aussi que la série se termine non ? Cela commence à faire long et je suis comme tout le monde, j’ai adoré le cycle Golden Age, à peu près du tome 4 au tome 15, un flashback qui revient sur la jeunesse de Guts et son parcours au sein de la compagnie des Faucons. Cycle expliquant le pourquoi du comment et tous les traumas du personnage. J’ai également adoré le cycle de l’inquisition qui va du tome 18 à 20 à peu près qui se boucle sur quelque chose d’apocalyptiquement barbare et sanglant. Après, je n’ai rien contre la suite qui est de bonne facture : il y a une évolution, même si l’ambiance demeure dark fantasy, petit à petit on se rapproche de la high fantasy. Guts formant peu à peu un cercle de compagnon l’aidant dans son combat. Ce changement ne me dérange pas trop (hormis l’humour qui devient lourdingue), déjà que le cycle Golden Age tendait vers l’heroic fantasy… Mais… je ne sais pas, j’ai cette impression qu’on commence sérieusement à tirer en longueur et qu’il est grand temps de boucler la boucle (d’autant plus qu’on pourrait très bien se passer de certains pans de la série) . Casca finira t-elle par enfin retrouver la raison ? (après le 1000ème viol on commence à se lasser). A quand l’ultime rencontre entre Guts et les God Hands et Griffith ? Vite ça urge ! (mais j’apprends qu’on en a encore pour 30 ans paraît-il. Aaaargh!) PS : une nouvelle adaptation animée est en cours. C’est le moment de se mettre à jour pour ceux qui ne connaissent pas encore le guerrier noir.
Le Rapport de Brodeck
Comment qualifie-t-on un chef d’œuvre? Lorsqu'il s'agit de littérature et plus particulièrement ici de BD, on parle d'une œuvre qui a été reconnue par son succès public, par les pairs de la communauté pour de multiples raisons. Qualité du dessin, sens du découpage, mise en images, rendu des expressions des différents protagonistes de l'histoire, bref je ne vais pas vous faire la totale, mais ici essayez d'imaginer tout ce qui vous fait apprécier une BD. Quelles qu'en soient les raisons, il reste ensuite ces petits riens, ou grandes choses, qui vos émeuvent. Des choses de l'ordre de l’indicible, du ressenti, du fameux subjectif. Il est des œuvres qui vont au delà de l'exprimable, qui réveillent, révèlent en nous des angoisses, des peurs, des souvenirs, des choses que l'on croyait réglées mais que ce livre font sournoisement ressortir. Subrepticement, insidieusement, à notre plus grand étonnement, ce détail au détour d'une case fait ressurgir l'âme humaine dans toute sa grandeur mais aussi sa bassesse. Que c'est noir, torturé, angoissant, en lisant ce livre je n'ai pu m'empêcher de penser à Conrad puis au colonel Kurtz d'"Apocalypse Now". Rappelez vous les derniers mots du roman et du film: "L'horreur!, l'horreur!". Cet album nous dit donc tout sur l'humain; l'horreur, la noirceur mais aussi la lumière. Pas une lumière christique ou de rédemption et à vrai dire plus une étincelle fragile qui ne demande qu'à être protégée contre la folie, la lâcheté, la veulerie des hommes. Sombres mais magnifiques pages sur la vie, ou plutôt la mort dans les camps de concentration. J'ai particulièrement apprécié le fait que les gardiens, les bourreaux soient traités comme des êtres sans visage. L'universalité de la machine de mort y prend tout son sens. Et ce dessin, ce trait!: Larcenet par ailleurs excellent sur ses œuvres précédentes nous fait ici du Chabouté. Par les Dieux, quel travail!, quel rendu, le format à l'italienne rend un hommage somptueux à son adaptation. Lecture pour dépressifs? Non, juste un constat sur l'état de l'homme. Ma critique peut sembler un peu grandiloquente, partir en live comme l'on dit, mais vraiment lorsque l'on ouvre ce bel album on se trouve comme happé par une histoire mais aussi une atmosphère, des ressentis comme rarement une lecture peut en procurer. Alors immanquable?, évidemment, il est rare de tomber sur un tel choc graphique et scénaristique. Je ne sais ce que vaut le roman dont cette histoire est tirée et peut être le lirai je un jour, quoi qu'il en soit j'attends avec un grande impatience la seconde partie de la BD. Tome 2 " L'indicible" Avais je des doutes concernant cette suite tant attendue du fameux rapport ?; à vrai dire pas franchement. La encore quelle claque mes amis, je ne sais si vous avez lu ce diptyque mais si ce n'est pas le cas un petit conseil allez y les yeux fermés ou plutôt grands ouverts. C'est beau à en pleurer, d'admiration, de rage contre la bêtise crasse, ici le terme de claque est tout sauf galvaudé. Alors oui la lecture n'est pas drôle, elle peut même vous gâcher un bel après midi d'arrière saison tant elle vient titiller les tréfonds de l'âme humaine, celle du lecteur bien sur posant la question de comment nous aurions agit confronté à la même situation. Ici le constat est impitoyable, l'homme est veule, lâche, recroquevillé sur sa petitesse. Sur le fond mes petits camarades ont tout dit, aussi ne redirais je que mon admiration pour la beauté des planches de Larcenet qui livre ici un travail époustouflant tant sur les paysages somptueux que sur les visages qui expriment toute la palette des sentiments les plus vils de l'âme humaine. Oui la bande dessinée est un art, j'en veux pour preuve cette magnifique adaptation. A l'heure du recroquevillement sur soi même d'une grande partie du genre humain je n'aurais qu'un souhait; faites tourner cette BD, faites là découvrir au plus grand nombre. Merci Mr Larcenet pour ce qui resteras une œuvre classée dans mon top 10
300
Ceci est la réécriture complète d’un de mes premiers avis posté sur ce site. Je n’irai pas jusqu’à dire que mon avis à changé du tout au tout mais pas loin. Je lui avais accolé à l’époque un médiocre 2/5 et m’en prenant exclusivement au dessin de Frank Miller. Aujourd’hui je pense toujours que l’adaptation filmique de Zack Snyder surpasse l’œuvre originale mais j’apprécie tellement cette histoire qu’une relecture devait être à un moment ou un autre inévitable. Et finalement, peut être mon œil est-il devenu plus expert ou que je me laisse aveugler délibérément, mais j’ai fini par apprécier le trait de Frank Miller. Certainement pas sur toute son œuvre, mais en tout cas pour 300 je pense que tout n’est pas à jeter non plus. Il y a indéniablement un certain talent de la mise en scène avec ces vues à la première personne durant les combats, les poses héroïques qui en jettent pas mal, l’alignement très géométriques des hoplites renforçant ce côté martial, très discipliné et inébranlable. Et puis il y a cet encrage très prononcé dont je me demande comment je n’avais pu percevoir toute la beauté. Bien sûr il y a deux points qui me faisaient tiquer à l’époque et toujours un peu maintenant : d’abord le dessin de Miller, qu’on pourra trouver trop facile, rapidement exécuté, sans se préoccuper du détail. Et il y avait ces couleurs dont j’ai appris qu’elles n’étaient pas réalisées par Miller mais par Lynn Varley. Bon là il faut trier le bon grain de l’ivraie car si sur certaines planches on se dit qu’il manque les finitions, ben il y en a d’autres où c’est franchement bien chiadé, notamment sur les arrières plans et les couchers de soleil. Quant à l’histoire moi j’ai toujours adhéré au concept. J’ai fait ma première rencontre avec les 300 dans le tome 1 du Lion de Macédoine de David Gemmell et je les ai adoré toujours autant par la suite dans Les Murailles de Feu de Steven Pressfield. Chez ceux qui critiquaient négativement il y avait généralement deux camps : ceux qui prenaient le récit au premier degré et y voyaient une sorte de fascination de l’auteur pour les sociétés fascisante entre autres choses ; et les pseudos-historiens qui avait pris eux-aussi le récit au premier degré mais en le jugeant sous l’angle historique. A mes yeux les deux se sont plantés. A mon sens 300 est encore moins historique que le Gladiator de Ridley Scott et le Braveheart de Mel Gibson. L’histoire on s’en moque un peu, si c’est ce que l’on cherche mieux vaut se tourner vers les ouvrages de références. De toute façon de la bouche même des historiens et archéologues on ne sait rien avec précision du déroulement de cette bataille. 300 est un conte. Un conte exalté par la verve de Dilios, le seul hoplite spartiate survivant de la bataille des Thermopyles. Sur l’ordre de son roi Léonidas il retourne à Sparte pour raconter ce qu’il s’est passé, ce qu’il a vu, pour rassembler et unir. C’est donc à la veille de la bataille de Platée, réunit autour d’un feu de camp que Dilios harangue ses frères d’armes. Il glorifie la « nation » (300 est bourré d’anachronisme) spartiate, ses valeurs de courage, son absolutisme, ses lois, ses hommes et ses femmes. Oui le spartiate a des allures d’übermensch et sa cité est un peu flippante pour un homme du XXIème siècle, mais gare aux jugements anachroniques, surtout face à des faits qui n’ont jamais eu lieu. Non les spartiates ne pratiquaient pas l’infanticide au berceau, non Sparte n’avaient pas un roi mais deux, non il n’y avait pas de« nation » grecque unie contre l’envahisseur perse, c’est d’ailleurs bien pour cela qu’on les appelle les Guerres Médiques, certaines cités étaient alliés aux perses quand d’autres restées neutres. Non les perses ne sont pas ces espèces de barbares ressemblant à des goules et autres monstruosités, encore une fois on embrasse le point de vu d’un hoplite spartiate face à son ennemi. La liste est longue aussi je m’arrêterai là. Quand aux valeurs glorifiées ici qui en ont rebutées plus d’un, je trouve que c’est le grand tour de force de Frank Miller d’arriver à nous faire aimer, nous gens du XXIème siècle qui adorons mettre en avant nos soi-disant valeurs d’égalité, d’humanisme ou encore démocratique ; une cité qui possède toutes les facettes d’une société totalitaire et intolérante. Vu la renommée du comics et de son film, d’autres en ont certainement mieux parlé que moi dans des analyses plus développées. Ce 300 de Miller me semble très proche de la philosophie que développait Robert E. Howard à travers Conan sa création phare, à savoir que la civilisation n’est pas un état naturel mais une fantaisie de la vie. Que tôt ou tard la barbarie finit par triompher. Avec le succès de 300 j’ai pu constater qu’il y avait toujours chez l’humain cette tentation de la violence et du retour à un état archaïque. Je trouve cela fascinant. Donc pour moi, pas de l’historique mais du fantastico-historique, du bon divertissement loin d’être stupide. Et puis si cela ne suffit pas à convaincre, l’intégrale en format à l’italienne vaut le détour.