Selon le Larousse, la Surprise est définie comme telle : évènement inattendu.
Et comment être davantage surpris par une œuvre sortie de nulle part, avec des dessins aussi épurés que celles qui illustrent le Canard Enchainé au pitch d'une banalité affolante et mettant en scène le frère jumeau graphiquement du méchant Gru, nez en pointe et calvitie en prime ?
L'Ombre de Moi-Même est un titre qui se lit et se dévore comme on peut apprécier un bon vin sans pour autant être un amateur avisé.
Superficiellement, on peut s'attendre à lire le quotidien banal d'un homme mur de 55 ans, à la retraite (donc fort éloigné de nos turpitudes professionnelles mais je m'égare), divorcé et aisé.
Vivant à Paris dans un appartement confortable, Serge n'est entouré que d'une ex-femme, d'une petite amie trentenaire et d'un ami écrivain dépressif.
Et c'est tout. Martiny divise ce quotidien en autant de petites scénettes journalières de 2 à 6 pages ou plus où Serge est omniprésent. Toujours présent pour les siens mais orgueilleux et fier, Serge a surtout peur de vieillir, de ne plus pouvoir séduire et de se sentir inutile.
Je ne sais comment l'alchimie s'est opérée avec un trait si éloigné de mes affinités mais absolument tout le contenu de ce gros bouquin qui se dévore m'a séduit... Petit-Roulet utilise une ligne volontairement épurée mais maitrisée et très agréable finalement à la lecture pendant que Martiny multiplie les lignes de dialogue se succèdant à de longs silences contemplatifs.
Face à la mer, à son ex-belle mère ou à son docteur, Serge est loin d'être le con odieux et réac que l'on adorerait détester mais tout simplement un homme pétri de qualités comme de défauts le rendant bien plus humain que d'autres profils plus explicites.
On passe constamment du sourire au rire et de la consternation à l'empathie dans un récit rythmé et homogène. Difficile de faire apprécier un vieux bobo Parisien aux apparences égoïstes et capricieuses par un dessin aussi aride et dépouillé et pourtant le pari est remporté haut la main.
Ici personne ne juge personne, libre au lecteur d'apprécier des visages si expressifs ou des situations éloquentes sans apport de paroles (une amitié est remise en cause en quelques cases et sans un mots mais chuuut).
La fin en suspens pourra décevoir en premier lieu mais après réflexion, il ne pouvait pas en être autrement.
Ici la mélancolie se veut réaliste et finalement pudique à défaut d'être joyeuse. Pourtant il peut s'agir d'une Happy End comme d'une fin plus sarcastique. C'est le propre de ce récit unique qui peut être lu comme une Comédie ou une Poésie de prose, le trademark des ouvrages importants indéniablement.
Oui, vraiment quelle belle surprise.
Au départ, j'étais un peu réticent a lire cet album. C'est vrai qu'en l'ouvrant, le dessin m'a un peu piqué les yeux mais, une fois les deux premières pages lues, j'étais complètement dans la contre-enquête menée par Matt Murdock qui est beaucoup plus présent dans cette BD que Daredevil.
La narration est vraiment bien dosée et donne des indices au fur et a mesure ce qui m'a rendu le récit passionnant.
Une BD qui mérite d'être lue.
Qu'est-ce qu'on entend quand on fait voeux de silence ? On peut en une unique occasion entendre un bruit étrange et beau. C'est une ouverture sur la vie réelle pour un homme qui a fuit pour se donner à fond dans la foi et la religion. Ce pauvre homme passe à côté de beaucoup de belles choses comme par exemple les femmes. Il y a tout d'abord sa tante qui va lui faire un cadeau empoisonné. Cependant, il y a également cette rencontre inopinée dans un train qui va le marquer à tout jamais. Le moine reclus et silencieux va découvrir le bruit de la vie.
Zep s'éloigne progressivement de son registre. Je n'avais pas été emballé par ses précédents essais à l'exception d'Esmera mais là, je suis plutôt conquis. C'est clair que la fin est d'une très grande simplicité mais c'est à l'image de la vie ou plutôt de la non-existence de cet homme de foi. bref, cela ne pouvait se passer autrement à moins d'être dans le sensationnel ce qui n'est point le cas pour rester crédible. Le dessin est également assez contemplatif et parfois austère ce qui colle à merveille avec le sujet. J'ai finalement succomber à la profondeur de ce récit.
Il n’est jamais aisé de d’aviser une série dans sa globalité, certains tomes étant – forcément, inévitablement – inférieurs à d’autres. Cependant, il m’est impossible, en dépit de cette constatation pragmatique, de retirer une étoile à deux de mes plus grands héros d’enfance, Johan et Pirlouit.
Située dans un âge médiéval teinté de magie (enchanteurs et sorcières, fantômes et créatures fantastiques, philtres puissants, objets aux pouvoirs inhabituels), la série nous présente les aventures variées et hautes en couleurs d’un chevalier courageux et altier, et de son attachant acolyte, un nain râleur, gourmand et colérique. Un duo d’humour très classique en somme, et qui fonctionne très bien. En dépit de ses réticences, Pirlouit finit toujours, bon gré mal gré, par écouter son bon cœur et suivre Johan dans l’aventure.
La grande force de cette BD est de proposer des aventures très différentes les unes des autres. Même si l’on retrouve ponctuellement certains personnages secondaires (la sorcière Rachel, l’enchanteur Homnibus, le Roi, qui apporte aussi une bonne dose d’humour, les schtroumpfs), Peyo fait voyager ses héros sur terre ou en mer, à travers des contrées étranges, des châteaux, des terres lointaines ou simplement dans les forêts qui avoisinent le royaume. Le dépaysement est garanti en toutes circonstances, Peyo disposant d’un talent rare pour la narration et le découpage. C’est fluide, bien rythmé, très inventif, jamais ennuyeux, et les intrigues sont suffisamment intéressantes pour qu’un public adulte puisse prendre plaisir à lire et/ou relire ces albums en boucle. Peu de séries jeunesses peuvent se prévaloir de telles qualités, et c’est selon moi ce qui fait de Johan et Pirlouit un must. C’est simple mais bien écrit, parfait pour nourrir un imaginaire commun et enseigner quelques bases sur le moyen-âge et certains us et coutumes de l'époque. A aucun moment, on n’a le sentiment que les enfants sont pris pour des idiots ou qu’on leur mâche le travail. De plus, même si les trois premiers tomes sont moins bien dessinés (plus naïfs sur le plan graphique), aucun album n'est raté et tous méritent d'être découverts.
Seul bémol, qui est apparu à ma compagne lorsqu’elle a lu les albums pour la première fois il y a seulement un an ou deux : avez-vous remarqué que tous les gentils sont blonds (ou presque) et qu’absolument TOUS les méchants (à l’exception d’Acelin, qui a les cheveux blancs) sont bruns ?.... Dingue, non ?
Albums favoris :
- Le Pays Maudit
- La Source des Dieux
- La Guerre des 7 Fontaines
Sandman est l'une de mes rares séries culte. Elle me transporte par son fantastique néo-gothique, son imaginaire infini, sa puissance d'évocation, son érudition et l'intensité de sa sensibilité poétique. Autant dire que quand j'ai appris que Neil Gaiman, son auteur, m'offrait la possibilité de faire vivre encore un peu plus ce personnage et cet univers, j'ai bondi sur l'occasion.
Sandman - Ouverture se déroule (en partie) en 1915, juste avant le début de la série Sandman. La trame principale de son histoire permet d'expliquer comment le seigneur du Rêve s'est retrouvé si épuisé et sans force qu'il s'est laissé emprisonner dans le tout premier épisode de ses aventures. Et en même temps, elle permet de révéler de nombreux secrets sur Sandman, les Éternels et les différents fils narratifs de la série mère. Oserais-je vous dire notamment qu'on y découvre qui sont les parents des Éternels ?
Si j'ai un peu hésité à classer cet album au rang de culte, c'est uniquement car sa trame principale manque un peu de force et sa fin est un peu convenue. Neil Gaiman a su faire preuve de bien davantage d'imagination et d'impact émotionnel par ailleurs. Il donne l'impression de s'être un peu retenu car s'il était allé plus loin il aurait pu déborder du cadre amenant au simple début de la série telle qu'on la connait.
Mais au-delà de cette hésitation, bien des éléments de cet ouvrage tiennent du chef d'oeuvre.
A commencer par le graphisme de J.H. Williams III. Neil Gaiman adore son style et le dessinateur, en retour, est un tel admirateur de l'auteur qu'ils ont tous les deux donné le meilleur d'eux-mêmes pour plaire l'un à l'autre. Ouverture est une débauche visuelle, un merveilleux recueil de talent graphique et de mise en page narrative. Les essais visuels que comportent chaque chapitre sont innombrables, avec des styles variés et tous impressionnants, des réflexions intenses sur la manière de présenter chaque scène pour leur faire transmettre émotions et impressions. C'est éclatant de force graphique et d'esthétisme.
Parmi bien des merveilles, je retiens tout particulièrement la représentation de l'étoile folle que je trouve extrêmement réussie.
Et je n'oublie pas au passage le travail de Dave Stewart sur les couleurs qui est grandiose.
Ensuite il y a l'univers de Sandman qu'on retrouve ici intact. Son style gothique sombre et beau, cruel et envoûtant. Il y a l'imaginaire infini de Gaiman. Il y a la finesse avec laquelle il nous fait découvrir des secrets qui transforment doucement la vision que les lecteurs pouvaient se faire de la série originale. Il y a les interactions de la fratrie des Éternels les uns avec les autres. Il y a la poésie, la profondeur du fond du récit. Il y a aussi l'originalité de la narration.
Bref, il y a dans cet album tout ce que j'aime dans la série Sandman, avec peut-être un tout petit peu moins de noirceur. Et il y a l'intense envie que cet album m'a donné de la relire et de relire Sandman - Nuits Éternelles dont le récit sur Rêve fait fortement écho à quelques-uns de ses passages clés.
C’est en lisant l’autre soir et pour la première fois avec mon fils de 7 ans un volume de Calvin et Hobbes (le numéro 17 parce qu’il y a un peu de couleur) que je me suis demandé si je n’avais pas omis d’écrire quelques mots sur ce que je considère comme étant une immense série dont nombres de volumes m’accompagnent depuis au moins une vingtaine d’années. Après vérification c’est avec un peu de honte que je me suis rendu compte que oui ! Quel oubli !
Ce qui est merveilleux avec Calvin et Hobbes et je m’en suis aperçu à côté de mon fils, c’est que c’est vraiment une BD intergénérationnelle et intemporelle (enfin c’est mon avis) qui s’apprécie toutefois de manière différente en fonction de l’âge du lecteur. Cela je ne l’avais pas vraiment perçu moi-même car j’ai découvert Calvin et Hobbes alors que j’étais déjà presque adulte. Un soir donc, alors que je cherchais une petite histoire sympa à lire avec mon petit garçon, je suis tombé sur un exemplaire de Calvin et Hobbes et je me suis tout de suite dit que c’était encore trop tôt pour lui car il n’allait pas en comprendre les subtilités et puis finalement je me suis dit essayons ! Et là, surprise ! La lecture était ponctuée des nombreux éclats de rire de mon fils qui vivait les situations à sa manière avec son regard d’enfant et bien sûr sans la compréhension des réflexions proposées par l’auteur mais juste avec le plaisir de lire un BD humoristique dans laquelle un petit garçon et son doudou, qu’il imagine vivant à ses côtés, vivent des aventures extraordinaires que ce soit au milieu des dangereux dinosaures, aux commandes d’engins spatiaux (Ah ! Spiff le spationaute !) ou tout simplement dans le jardin enneigé de ses parents. Et s’il ne rêve pas, que dire sur les situations que Calvin vit à l’école, avec la baby-sitter Rosalyne, sa voisine et camarade de classe Susie, sa maitresse Madame Wormwood, lorsqu’il doit faire ses devoirs ou lorsqu’il rend chèvre ses parent ! Il faut dire que Calvin n’a pas son pareil pour générer des catastrophes mais c’est aussi cela qui le rend attachant.
Je dois dire que je ne m’attendais pas à une telle effusion car je ne me souviens pas, à son âge, avoir autant ri aux éclats en lisant un Boule et Bill, un Snoopy, un Léonard, un Robin Dubois ou d’autres BD comiques que j’affectionnais alors. C’est dans ces moments que l’on mesure vraiment la créativité et finalement le génie de certains auteurs.
Avec un regard d’adulte, si l’on s’amuse toujours, on réfléchit aussi et l’on ne peut que saluer la manière avec laquelle Bill Watterson décrit cette douce période qu’est l’enfance avec son imaginaire, ses petites manies, ses « petits tracas ». Le contenu est très riche, l’auteur aborde de nombreux thèmes et utilise ses personnages pour faire de l’esprit par des réflexions que je trouve souvent savoureuses mais surtout, il porte une « critique » sur les adultes que nous sommes tous devenus et qui avons délaissé voire oublié le petit garçon ou la petite fille que nous étions jadis et le « Hobbes » qui nous accompagnait et à qui nous avions donné vie et avec qui, sans nul doute, nous vivions aussi des aventures extraordinaires.
Pour ma part, je ne vais jamais d’une traite au bout d’un ouvrage, j’aime bien lire quelques strips gags par-ci par-là, à l’image d’un recueil de poèmes, je l’ouvre, j’en lis deux ou trois, je le referme et j’y revient dès que l’envie survient avec la certitude de découvrir à chaque passage quelque chose de nouveau qui m’avais échappé. C’est de toute manière toujours l’occasion de se nourrir de quelques bons-mots, de se rappeler qu’un jour nous aussi avons été des enfants et ainsi garder un pied dans l’imaginaire et parfois de se remémorer avec une certaine nostalgie quelques situations que nous avons vécu (ou que nous avons rêvé) jadis. Il y a plein de chose dans la vie dont on pourrait aisément se passer, toutefois on gagne vraiment à en connaitre certaines et pour moi « Calvin et Hobbes » fait partie de celles-ci.
En ce qui concerne les dessins, je les trouve particulièrement adaptés à l’exercice, le trait est simple et sans surcharges, l’expression des personnages est suffisamment adaptée aux situations et c’est efficace comme cela. Si le noir et blanc ne me dérange pas, je conseille de se procurer les strips en couleur si vous souhaitez faire découvrir la BD à de jeunes enfants, c’est je pense pour eux visuellement plus accessible.
Alors évidemment, en ce qui concerne la série complète avec ses 24 volumes, il faut bien avouer que la production est assez inégale mais quoi de plus normal finalement au vu de la difficulté de l’exercice il y a forcément des répétitions ou des situations qui prêtent moins à rire. Malgré une certaine irrégularité je place cette série dans mes immanquables car d’une part, il est rare et difficile d’arriver à réunir l’intérêt de plusieurs générations et d’autre part parce que la qualité et la finesse de certaines réflexions le méritent amplement. En bref, dans le genre, il n’y a pour moi et à ma connaissance rien de comparable.
Une série à mettre dans toutes les mains donc et si l’achat de la série complète n’est pas indispensable, il faut au moins avoir lu quelques gags et alors peut-être que ceux-ci inciteront à en découvrir d’autres ! Tiens, c’est bientôt les fêtes de noël, un cadeau tout trouvé ?
Allez, pour finir, une petite pensée bien d’actualité pour la période : « Je me demande s'il est sage de bien se conduire avant Noel juste pour avoir plus de cadeaux ? En réalité, ça prouve juste qu'on peut m'acheter »
Du très bon dans les genres: survival + post-apocalypse
Ces BD sont très complémentaires au cinéma et séries, Nous avons en BD ce que nous n'avons ni dans les séries telles que The Walking Dead ou Z Nation ni dans les films du même genre...
Une vraie réussite qui tient le lecteur en haleine !
Ce serait bien de classer cette superbe série dans les genres suivants: "survival" et "post-apocalyptique" merci
Quelque fois, il faut passer par des échecs pour mieux renaître. C’est ce qui est arrivé à notre auteur qui avait réalisé la Guilde dans les années 2006-2008 qui avait été abandonnée par l’éditeur faute de succès. En 2014, voici Solo dont le titre est déjà occupé par moins de 4 séries dont le fameux Solo (Dargaud) que j’avais moi-même avisé. Là encore, il aurait fallu sans doute trouver un autre titre pour ne pas appeler à la confusion chez les lecteurs. On me répondra que c’est un pur hasard et qu’on ne savait pas pour les séries déjà existantes. Cela n’empêche pas de faire des recherches auparavant afin d’éviter des erreurs de marketing. Mais bon, on ne va pas leur apprendre leur métier !
Je lis toujours dans la préface les remerciements que font généralement les auteurs à des gens qui comptent pour eux. On n’oublie pas de remercier ceux qui ont collaboré à la réalisation de la bd, au patron de la maison d’édition si on est un bon fayot et aux lecteurs acheteurs. C’est la première fois que je vois une bd réalisée pour un animal de compagnie à savoir une chienne dont on verra la photo. Ce qui m’a ému, c’est le fait qu’elle soit disparue depuis plusieurs années et que le souvenir demeure. Je vis actuellement pour la première fois de ma vie une véritable passion pour un chien que j’ai acquis il y a un an et que j’aime profondément. Je suis arrivé à comprendre parfaitement l’auteur. Il y a des animaux qu’on préfère nettement aux êtres humains. Oui, j’ai approuvé ce genre de démarche et cela m’a même touché.
Après, il est question d’animaux mutants dans un monde qui a été ravagé par les armes nucléaires et chimiques. Il est dommage que le héros soit un rat. Mais bon, je m’en contenterai. Après tout, Ratatouille est mon dessin animé préféré. On va vite s’attacher à ce personnage qui est obligé de quitter sa famille pour survivre. Là encore, je trouve que le choix de partir n’est pas judicieux. Dans un tel monde, il faut se regrouper pour pouvoir lutter contre les hordes sauvages. C’est la division qui peut entraîner la mort.
Le dessin est plutôt agréable car il fourmille de détails et installe un véritable univers. Il y a également une dynamique de cases assez impressionnante au départ avec ce combat acharné. J’avais peur d’une narration pesante mais il n’en n’est rien. Les mots pour une fois ne sont pas dénués de sens. On sent une véritable montée en puissance avec une histoire assez prenante. C’est une série zoomorphique qui a beaucoup de potentiel. On espère qu’il y aura une suite de même acabit. Bref, comme je le disais au départ, c’est un auteur à découvrir.
Je ne suis pas de ceux qui vont laisser un 4 étoiles et qui ne poursuivront pas la lecture pour voir si la note tient toujours. Quand une œuvre mérite mon attention, j’y retourne volontiers. En effet, il y a seulement une œuvre sur 5 qui obtient une bonne note. La proportion est tout de même assez basse dans la masse de production actuelle qui n’est pas forcément synonyme de qualité. Du coup, l’effort peut être allègrement réalisé.
Quand j’aime, cela me déçoit assez rarement par la suite. Certes, cela peut arriver mais cela ne sera pas le cas pour ce second tome de Solo qui arrive à nous propulser dans un stade supérieur. J’ai rarement vu une narration aussi maîtrisé et un dessin à tomber par terre. Ce rat éprouve des sentiments d’amour qu’on peut humainement comprendre. Et puis, pour une fois, on a réellement peur pour notre héros des menaces qui rodent dans ce monde hostile. Il y a de réelles questions de société qui sont posées comme l’extermination d’une race pour en sauver une autre.
Oui, la qualité est toujours là et l’excellent niveau est bien au rendez-vous. Solo est un rat à la Mad Max qu’on n’oubliera pas aussitôt !
A chacune de ses publications, Marc-Antoine Mathieu réussit à surprendre. Cet ouvrage ne déroge pas à la règle et nous interroge encore une fois, de façon ludique et magistrale, sur le sens de la vie. Une pierre de plus à l’édifice admirable, tout en cohérence, d’un auteur unique dans le paysage du neuvième art. Et comme pierre, celle-ci est de taille… voire très précieuse…
Avec « Otto, l’homme réécrit », Marc-Antoine Mathieu nous entraîne dans de drôles de vertiges métaphysiques, sans doute plus encore qu’à l’accoutumée. Et comme on sait que le maître de la BD expérimentale ne laisse rien au hasard, et que pour lui le dessin est un langage au même titre que l’écriture, chaque détail aura son importance. Tout d’abord l’objet, dont la couverture représente un arbre (symbole fort) dont les branches représentent une silhouette humaine, le tout livré dans un fourreau censé attiser l’impatience, le désir, procurant la sensation d’avoir affaire à quelque chose d’extraordinaire. Ne serait-ce que par la composition symétrique de l’histoire - parfaitement adaptée au format à l’italienne -, à l’instar du titre-palindrome, car le miroir y joue le rôle de gimmick, miroir dont la symbolique est exploitée ici à l’infini. Cet infini, autre thématique dominante du livre, dont le symbole est lui-même un huit couché, graphiquement symétrique et renvoyant au prénom « Otto » qui en italien veut dire huit…
Otto Spiegel (le terme allemand « Spiegel » signifiant « miroir »), l’artiste qui à partir de sa performance consistant à fracasser un miroir sur le sol, va lui-même se décomposer en milliers d’éclats et ainsi introduire en son âme un vide psychique, un acte fort qui sera le point de départ d’une « réécriture » de lui-même, une introspection très particulière basée sur une expérience scientifique voulue par ses parents : enregistrer et consigner chaque instant des sept premières années de la vie de leur fils à son insu. Otto va ainsi (re-)découvrir que de petits instants en apparence anodins auront eu une répercussion décisive sur sa vie, et comment lui-même s’est construit sur l’oubli… Vertige identitaire d’un moi qui échappe à son « propriétaire ».
Cette œuvre fascinante, qu’on peut légitimement qualifier d’ « œuvre-miroir », est si puissante qu’inévitablement elle projette son infinité de reflets sur le lecteur tel un appel à une quête intérieure. A l’exception peut-être de ceux qui se fuient eux-mêmes, qui n’a jamais eu envie de savoir comment il s’est construit ? Pourquoi sommes-nous tels que nous sommes et pas autrement, qu’est-ce qui constitue notre être intime, et pourquoi nous échappe-t-il la plupart du temps ? Comment s’expliquent nos phobies, nos angoisses, nos obsessions et nos émotions ? Pourquoi certains adorent une couleur que d’autres vont détester ? Pourquoi d’autres préféreront la montagne à la mer ? Dans quelle mesure enfin sommes-nous conscients des principes qui président notre destinée ? Avec en filigrane ces questions qui taraudent l’humanité depuis toujours, « qui sommes-nous, d’où venons-nous, où allons-nous ? », que l’arbre de la couverture illustre parfaitement. L’auteur interroge plus qu’il ne fournit de réponses toutes faites, mais il nous donne des pistes tout en rappelant que notre machinerie interne extrêmement complexe restera sans doute toujours hors du scope de la compréhension humaine.
D’une portée métaphysique très puissante, ce récit synthétise admirablement toute l’œuvre de Marc-Antoine Mathieu en alliant réflexion philosophico-scientifique et jeu de pistes singulier, aussi captivant qu’étourdissant dans ses allers et retours entre l’infiniment petit et l’infiniment grand, avec quelques détours par la physique quantique, nous ramenant à notre propre insignifiance. Avec toujours cette ligne claire au noir et blanc ying yanguesque, pour mieux viser à l’essentiel tout en traitant d’un sujet à tiroirs, où les formes dialoguent avec les dimensions dans un long travelling ininterrompu. Simplicité et complexité réunie dans un ouvrage fluide et d’une rare richesse, tant par le stimulus intellectuel qu’il procure que par ses innombrables éléments graphiques, toujours signifiants. « « Otto, l’homme réécrit» est le « jeu du je », un jeu comme la vie peut l’être, rejouable « à l’infini », doublé d’une invitation à l’éveil de soi-même (Otto est aussi l’homonyme d’ « auto »), et peut-être vers les autres. Un chef d’œuvre dont le seul défaut est d’être trop court, car forcément on en redemande…
1970, sur un scénario de Troy Kennedy-Martin, Brian G. Hutton réalise De l’or pour les braves qui raconte la traversée d’un peloton de G.I. américains au-delà des lignes ennemies nazies afin de s’emparer d’un magot de 16 millions de dollars.
1984, d’après un roman de Pierre Siniac qui déjà à l’époque représente un excellent filon pour les cinéastes, Henri Verneuil adapte Les Morfalous : seconde guerre mondiale, Tunisie, 6 milliards en lingots d’or…
2015, inspirés par tous ces polars sortis dans les 60’s et 70’s, le tandem à succès Xavier Dorison – Fabien Nury sort Comment faire fortune en juin 40, adaptation libre du roman noir de Pierre Siniac, Sous l’aile noire des rapaces. Le projet était à l’origine pensé comme un film, Omaha Beach, mais nous sommes en France, pays où les producteurs ne disposent pas de moyens s’il ne s’agit d’une comédie franchouillarde, d’un film social, ou d’une tragédie avec un homme quarantenaire célibataire assis seul la nuit sur le banc d’une gare. Les auteurs pourront toujours se consoler avec cette bande-dessinée à la hauteur des Kelly’s Heroes, Les rois du désert, Cent mille dollars au soleil et tous ces films de la même veine crapuleuse.
Comment faire fortune... est un braquo qui se révèle riche en références et clins d’œil cinématographiques, porté par un contexte historique inédit et authentique, des dialogues savoureux interprétés par des personnages dignes de la gouaille des Georges Lautner, Michel Audiard, et autres Sergio Leone.
Le contexte historique est à mes yeux le meilleur argument pour convaincre les plus sceptiques qui y verraient, avec un zeste de mauvaise foi, une resucée classique donc finalement inutile. Car il y a d’un côté l’histoire du trio Siniac-Dorison-Nury très romancée, dramatique, faisant la part belle à l’action. Et de l’autre il y a l’Histoire, la vraie : oui la Banque de France, qui était en ce temps-là une institution privée appartenant à de riches familles, a discrètement exfiltré l’or de ses succursales dès 1932. En seconde lecture on révèle le comportement lâche ou calculateur (biffez la mention qui vous arrange) des ploutocrates soutenant financièrement la guerre mais qui dans le feutrer ont fait sortir leur pognon du pays en prévoyant l’arrivée d’Hitler, et de la guerre… pour qu’en juin 1940 le processus s’accélère et l’évacuation de l’or s’achève dans la panique.
Au total 2500 tonnes d’or réparties entre les USA (1235t), la Martinique (255t), l'Afrique (740t), entre-temps une partie a dû être sacrifié à Berlin. Les dirigeants de la Banque de France ont dû serrer les fesses entre les américains qui voulaient faire main basse sur l’or de la Martinique, Churchill, de Gaulle se réclamant de la vraie France, « libre », et qu’il était le plus légitime à en prendre possession, la France de Vichy-Pétain à la solde de l’Allemagne et d’Hitler ; pas moins de cinq belligérants se disputant un magot ne leur appartenant pas ! Les rapaces se neutraliseront mutuellement en fin de compte et le plus surprenant est qu’à la fin de la guerre on ne constatera qu’une perte de 300 kilos d’or. Cet argent servira à la reconstruction de la France en attendant le plan Marshall de 1948.
Le parti-pris de Comment faire fortune… est d’introduire une erreur de comptabilité. Des nigauds de la Banque de France ont oublié 2 tonnes d’or. Stresse, panique chez les dirigeants ! L’or doit partir, mais les murs ont des oreilles et une équipe de bras-cassés se monte pour intercepter le convoi blindé.
On est dans le même état d’esprit que Le Bon, la Brute et le Truand avec des personnages caractériels forcés de faire équipe temporairement avant le « chacun pour sa gueule », de la même façon qu’ont Blondin, Tuco et Santanza de se tirer la bourre pour être le dernier à s’emparer du butin. Sans le cacher Laurent Astier s’est inspiré de ces gueules célèbres du cinéma pour donner vie à ces personnages et emporter l’adhésion des lecteurs passionnés par ce cinéma d’époque. On l’imagine bien prendre comme modèle l’ancien catcheur Lino Ventura ou Robert De Niro époque Ragging Bull pour dessiner Frank Propp le boxeur raté. Alain Delon ne défaillirait pas s’il devait incarner le mafieux corse Sambionetti, le rôle de Kurtz le méchano ancien de la Werhmacht semble être taillé sur mesure pour Horst Frank. Quant à Ninon la serrurier femme émancipée as de la dynamite, Sabine Sinjen ou Dany Carrel seraient au poil. Et pourtant le dessin de Laurent Astier n’est pas ce vers quoi je me dirige d’habitude mais il offre des plans très dynamiques qui donnent du rythme à ce récit de 116 pages, une composition sublime de Paris sur une page, et la mise en couleur pleine d'énergie de Laurence Croix est un véritable plus à mes yeux.
Dommage qu’il s’agisse d’un one-shot car avec l’épilogue façon Le Jour le plus long, il y avait peut être moyen d’imaginer une série chorale comme l’avait fait le grand Sergio sur sa trilogie du dollar…
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L'Ombre de moi-même
Selon le Larousse, la Surprise est définie comme telle : évènement inattendu. Et comment être davantage surpris par une œuvre sortie de nulle part, avec des dessins aussi épurés que celles qui illustrent le Canard Enchainé au pitch d'une banalité affolante et mettant en scène le frère jumeau graphiquement du méchant Gru, nez en pointe et calvitie en prime ? L'Ombre de Moi-Même est un titre qui se lit et se dévore comme on peut apprécier un bon vin sans pour autant être un amateur avisé. Superficiellement, on peut s'attendre à lire le quotidien banal d'un homme mur de 55 ans, à la retraite (donc fort éloigné de nos turpitudes professionnelles mais je m'égare), divorcé et aisé. Vivant à Paris dans un appartement confortable, Serge n'est entouré que d'une ex-femme, d'une petite amie trentenaire et d'un ami écrivain dépressif. Et c'est tout. Martiny divise ce quotidien en autant de petites scénettes journalières de 2 à 6 pages ou plus où Serge est omniprésent. Toujours présent pour les siens mais orgueilleux et fier, Serge a surtout peur de vieillir, de ne plus pouvoir séduire et de se sentir inutile. Je ne sais comment l'alchimie s'est opérée avec un trait si éloigné de mes affinités mais absolument tout le contenu de ce gros bouquin qui se dévore m'a séduit... Petit-Roulet utilise une ligne volontairement épurée mais maitrisée et très agréable finalement à la lecture pendant que Martiny multiplie les lignes de dialogue se succèdant à de longs silences contemplatifs. Face à la mer, à son ex-belle mère ou à son docteur, Serge est loin d'être le con odieux et réac que l'on adorerait détester mais tout simplement un homme pétri de qualités comme de défauts le rendant bien plus humain que d'autres profils plus explicites. On passe constamment du sourire au rire et de la consternation à l'empathie dans un récit rythmé et homogène. Difficile de faire apprécier un vieux bobo Parisien aux apparences égoïstes et capricieuses par un dessin aussi aride et dépouillé et pourtant le pari est remporté haut la main. Ici personne ne juge personne, libre au lecteur d'apprécier des visages si expressifs ou des situations éloquentes sans apport de paroles (une amitié est remise en cause en quelques cases et sans un mots mais chuuut). La fin en suspens pourra décevoir en premier lieu mais après réflexion, il ne pouvait pas en être autrement. Ici la mélancolie se veut réaliste et finalement pudique à défaut d'être joyeuse. Pourtant il peut s'agir d'une Happy End comme d'une fin plus sarcastique. C'est le propre de ce récit unique qui peut être lu comme une Comédie ou une Poésie de prose, le trademark des ouvrages importants indéniablement. Oui, vraiment quelle belle surprise.
Daredevil - Redemption
Au départ, j'étais un peu réticent a lire cet album. C'est vrai qu'en l'ouvrant, le dessin m'a un peu piqué les yeux mais, une fois les deux premières pages lues, j'étais complètement dans la contre-enquête menée par Matt Murdock qui est beaucoup plus présent dans cette BD que Daredevil. La narration est vraiment bien dosée et donne des indices au fur et a mesure ce qui m'a rendu le récit passionnant. Une BD qui mérite d'être lue.
Un bruit étrange et beau
Qu'est-ce qu'on entend quand on fait voeux de silence ? On peut en une unique occasion entendre un bruit étrange et beau. C'est une ouverture sur la vie réelle pour un homme qui a fuit pour se donner à fond dans la foi et la religion. Ce pauvre homme passe à côté de beaucoup de belles choses comme par exemple les femmes. Il y a tout d'abord sa tante qui va lui faire un cadeau empoisonné. Cependant, il y a également cette rencontre inopinée dans un train qui va le marquer à tout jamais. Le moine reclus et silencieux va découvrir le bruit de la vie. Zep s'éloigne progressivement de son registre. Je n'avais pas été emballé par ses précédents essais à l'exception d'Esmera mais là, je suis plutôt conquis. C'est clair que la fin est d'une très grande simplicité mais c'est à l'image de la vie ou plutôt de la non-existence de cet homme de foi. bref, cela ne pouvait se passer autrement à moins d'être dans le sensationnel ce qui n'est point le cas pour rester crédible. Le dessin est également assez contemplatif et parfois austère ce qui colle à merveille avec le sujet. J'ai finalement succomber à la profondeur de ce récit.
Johan et Pirlouit
Il n’est jamais aisé de d’aviser une série dans sa globalité, certains tomes étant – forcément, inévitablement – inférieurs à d’autres. Cependant, il m’est impossible, en dépit de cette constatation pragmatique, de retirer une étoile à deux de mes plus grands héros d’enfance, Johan et Pirlouit. Située dans un âge médiéval teinté de magie (enchanteurs et sorcières, fantômes et créatures fantastiques, philtres puissants, objets aux pouvoirs inhabituels), la série nous présente les aventures variées et hautes en couleurs d’un chevalier courageux et altier, et de son attachant acolyte, un nain râleur, gourmand et colérique. Un duo d’humour très classique en somme, et qui fonctionne très bien. En dépit de ses réticences, Pirlouit finit toujours, bon gré mal gré, par écouter son bon cœur et suivre Johan dans l’aventure. La grande force de cette BD est de proposer des aventures très différentes les unes des autres. Même si l’on retrouve ponctuellement certains personnages secondaires (la sorcière Rachel, l’enchanteur Homnibus, le Roi, qui apporte aussi une bonne dose d’humour, les schtroumpfs), Peyo fait voyager ses héros sur terre ou en mer, à travers des contrées étranges, des châteaux, des terres lointaines ou simplement dans les forêts qui avoisinent le royaume. Le dépaysement est garanti en toutes circonstances, Peyo disposant d’un talent rare pour la narration et le découpage. C’est fluide, bien rythmé, très inventif, jamais ennuyeux, et les intrigues sont suffisamment intéressantes pour qu’un public adulte puisse prendre plaisir à lire et/ou relire ces albums en boucle. Peu de séries jeunesses peuvent se prévaloir de telles qualités, et c’est selon moi ce qui fait de Johan et Pirlouit un must. C’est simple mais bien écrit, parfait pour nourrir un imaginaire commun et enseigner quelques bases sur le moyen-âge et certains us et coutumes de l'époque. A aucun moment, on n’a le sentiment que les enfants sont pris pour des idiots ou qu’on leur mâche le travail. De plus, même si les trois premiers tomes sont moins bien dessinés (plus naïfs sur le plan graphique), aucun album n'est raté et tous méritent d'être découverts. Seul bémol, qui est apparu à ma compagne lorsqu’elle a lu les albums pour la première fois il y a seulement un an ou deux : avez-vous remarqué que tous les gentils sont blonds (ou presque) et qu’absolument TOUS les méchants (à l’exception d’Acelin, qui a les cheveux blancs) sont bruns ?.... Dingue, non ? Albums favoris : - Le Pays Maudit - La Source des Dieux - La Guerre des 7 Fontaines
Sandman - Ouverture
Sandman est l'une de mes rares séries culte. Elle me transporte par son fantastique néo-gothique, son imaginaire infini, sa puissance d'évocation, son érudition et l'intensité de sa sensibilité poétique. Autant dire que quand j'ai appris que Neil Gaiman, son auteur, m'offrait la possibilité de faire vivre encore un peu plus ce personnage et cet univers, j'ai bondi sur l'occasion. Sandman - Ouverture se déroule (en partie) en 1915, juste avant le début de la série Sandman. La trame principale de son histoire permet d'expliquer comment le seigneur du Rêve s'est retrouvé si épuisé et sans force qu'il s'est laissé emprisonner dans le tout premier épisode de ses aventures. Et en même temps, elle permet de révéler de nombreux secrets sur Sandman, les Éternels et les différents fils narratifs de la série mère. Oserais-je vous dire notamment qu'on y découvre qui sont les parents des Éternels ? Si j'ai un peu hésité à classer cet album au rang de culte, c'est uniquement car sa trame principale manque un peu de force et sa fin est un peu convenue. Neil Gaiman a su faire preuve de bien davantage d'imagination et d'impact émotionnel par ailleurs. Il donne l'impression de s'être un peu retenu car s'il était allé plus loin il aurait pu déborder du cadre amenant au simple début de la série telle qu'on la connait. Mais au-delà de cette hésitation, bien des éléments de cet ouvrage tiennent du chef d'oeuvre. A commencer par le graphisme de J.H. Williams III. Neil Gaiman adore son style et le dessinateur, en retour, est un tel admirateur de l'auteur qu'ils ont tous les deux donné le meilleur d'eux-mêmes pour plaire l'un à l'autre. Ouverture est une débauche visuelle, un merveilleux recueil de talent graphique et de mise en page narrative. Les essais visuels que comportent chaque chapitre sont innombrables, avec des styles variés et tous impressionnants, des réflexions intenses sur la manière de présenter chaque scène pour leur faire transmettre émotions et impressions. C'est éclatant de force graphique et d'esthétisme. Parmi bien des merveilles, je retiens tout particulièrement la représentation de l'étoile folle que je trouve extrêmement réussie. Et je n'oublie pas au passage le travail de Dave Stewart sur les couleurs qui est grandiose. Ensuite il y a l'univers de Sandman qu'on retrouve ici intact. Son style gothique sombre et beau, cruel et envoûtant. Il y a l'imaginaire infini de Gaiman. Il y a la finesse avec laquelle il nous fait découvrir des secrets qui transforment doucement la vision que les lecteurs pouvaient se faire de la série originale. Il y a les interactions de la fratrie des Éternels les uns avec les autres. Il y a la poésie, la profondeur du fond du récit. Il y a aussi l'originalité de la narration. Bref, il y a dans cet album tout ce que j'aime dans la série Sandman, avec peut-être un tout petit peu moins de noirceur. Et il y a l'intense envie que cet album m'a donné de la relire et de relire Sandman - Nuits Éternelles dont le récit sur Rêve fait fortement écho à quelques-uns de ses passages clés.
Calvin et Hobbes
C’est en lisant l’autre soir et pour la première fois avec mon fils de 7 ans un volume de Calvin et Hobbes (le numéro 17 parce qu’il y a un peu de couleur) que je me suis demandé si je n’avais pas omis d’écrire quelques mots sur ce que je considère comme étant une immense série dont nombres de volumes m’accompagnent depuis au moins une vingtaine d’années. Après vérification c’est avec un peu de honte que je me suis rendu compte que oui ! Quel oubli ! Ce qui est merveilleux avec Calvin et Hobbes et je m’en suis aperçu à côté de mon fils, c’est que c’est vraiment une BD intergénérationnelle et intemporelle (enfin c’est mon avis) qui s’apprécie toutefois de manière différente en fonction de l’âge du lecteur. Cela je ne l’avais pas vraiment perçu moi-même car j’ai découvert Calvin et Hobbes alors que j’étais déjà presque adulte. Un soir donc, alors que je cherchais une petite histoire sympa à lire avec mon petit garçon, je suis tombé sur un exemplaire de Calvin et Hobbes et je me suis tout de suite dit que c’était encore trop tôt pour lui car il n’allait pas en comprendre les subtilités et puis finalement je me suis dit essayons ! Et là, surprise ! La lecture était ponctuée des nombreux éclats de rire de mon fils qui vivait les situations à sa manière avec son regard d’enfant et bien sûr sans la compréhension des réflexions proposées par l’auteur mais juste avec le plaisir de lire un BD humoristique dans laquelle un petit garçon et son doudou, qu’il imagine vivant à ses côtés, vivent des aventures extraordinaires que ce soit au milieu des dangereux dinosaures, aux commandes d’engins spatiaux (Ah ! Spiff le spationaute !) ou tout simplement dans le jardin enneigé de ses parents. Et s’il ne rêve pas, que dire sur les situations que Calvin vit à l’école, avec la baby-sitter Rosalyne, sa voisine et camarade de classe Susie, sa maitresse Madame Wormwood, lorsqu’il doit faire ses devoirs ou lorsqu’il rend chèvre ses parent ! Il faut dire que Calvin n’a pas son pareil pour générer des catastrophes mais c’est aussi cela qui le rend attachant. Je dois dire que je ne m’attendais pas à une telle effusion car je ne me souviens pas, à son âge, avoir autant ri aux éclats en lisant un Boule et Bill, un Snoopy, un Léonard, un Robin Dubois ou d’autres BD comiques que j’affectionnais alors. C’est dans ces moments que l’on mesure vraiment la créativité et finalement le génie de certains auteurs. Avec un regard d’adulte, si l’on s’amuse toujours, on réfléchit aussi et l’on ne peut que saluer la manière avec laquelle Bill Watterson décrit cette douce période qu’est l’enfance avec son imaginaire, ses petites manies, ses « petits tracas ». Le contenu est très riche, l’auteur aborde de nombreux thèmes et utilise ses personnages pour faire de l’esprit par des réflexions que je trouve souvent savoureuses mais surtout, il porte une « critique » sur les adultes que nous sommes tous devenus et qui avons délaissé voire oublié le petit garçon ou la petite fille que nous étions jadis et le « Hobbes » qui nous accompagnait et à qui nous avions donné vie et avec qui, sans nul doute, nous vivions aussi des aventures extraordinaires. Pour ma part, je ne vais jamais d’une traite au bout d’un ouvrage, j’aime bien lire quelques strips gags par-ci par-là, à l’image d’un recueil de poèmes, je l’ouvre, j’en lis deux ou trois, je le referme et j’y revient dès que l’envie survient avec la certitude de découvrir à chaque passage quelque chose de nouveau qui m’avais échappé. C’est de toute manière toujours l’occasion de se nourrir de quelques bons-mots, de se rappeler qu’un jour nous aussi avons été des enfants et ainsi garder un pied dans l’imaginaire et parfois de se remémorer avec une certaine nostalgie quelques situations que nous avons vécu (ou que nous avons rêvé) jadis. Il y a plein de chose dans la vie dont on pourrait aisément se passer, toutefois on gagne vraiment à en connaitre certaines et pour moi « Calvin et Hobbes » fait partie de celles-ci. En ce qui concerne les dessins, je les trouve particulièrement adaptés à l’exercice, le trait est simple et sans surcharges, l’expression des personnages est suffisamment adaptée aux situations et c’est efficace comme cela. Si le noir et blanc ne me dérange pas, je conseille de se procurer les strips en couleur si vous souhaitez faire découvrir la BD à de jeunes enfants, c’est je pense pour eux visuellement plus accessible. Alors évidemment, en ce qui concerne la série complète avec ses 24 volumes, il faut bien avouer que la production est assez inégale mais quoi de plus normal finalement au vu de la difficulté de l’exercice il y a forcément des répétitions ou des situations qui prêtent moins à rire. Malgré une certaine irrégularité je place cette série dans mes immanquables car d’une part, il est rare et difficile d’arriver à réunir l’intérêt de plusieurs générations et d’autre part parce que la qualité et la finesse de certaines réflexions le méritent amplement. En bref, dans le genre, il n’y a pour moi et à ma connaissance rien de comparable. Une série à mettre dans toutes les mains donc et si l’achat de la série complète n’est pas indispensable, il faut au moins avoir lu quelques gags et alors peut-être que ceux-ci inciteront à en découvrir d’autres ! Tiens, c’est bientôt les fêtes de noël, un cadeau tout trouvé ? Allez, pour finir, une petite pensée bien d’actualité pour la période : « Je me demande s'il est sage de bien se conduire avant Noel juste pour avoir plus de cadeaux ? En réalité, ça prouve juste qu'on peut m'acheter »
Zombies (Soleil)
Du très bon dans les genres: survival + post-apocalypse Ces BD sont très complémentaires au cinéma et séries, Nous avons en BD ce que nous n'avons ni dans les séries telles que The Walking Dead ou Z Nation ni dans les films du même genre... Une vraie réussite qui tient le lecteur en haleine ! Ce serait bien de classer cette superbe série dans les genres suivants: "survival" et "post-apocalyptique" merci
Solo (Martin)
Quelque fois, il faut passer par des échecs pour mieux renaître. C’est ce qui est arrivé à notre auteur qui avait réalisé la Guilde dans les années 2006-2008 qui avait été abandonnée par l’éditeur faute de succès. En 2014, voici Solo dont le titre est déjà occupé par moins de 4 séries dont le fameux Solo (Dargaud) que j’avais moi-même avisé. Là encore, il aurait fallu sans doute trouver un autre titre pour ne pas appeler à la confusion chez les lecteurs. On me répondra que c’est un pur hasard et qu’on ne savait pas pour les séries déjà existantes. Cela n’empêche pas de faire des recherches auparavant afin d’éviter des erreurs de marketing. Mais bon, on ne va pas leur apprendre leur métier ! Je lis toujours dans la préface les remerciements que font généralement les auteurs à des gens qui comptent pour eux. On n’oublie pas de remercier ceux qui ont collaboré à la réalisation de la bd, au patron de la maison d’édition si on est un bon fayot et aux lecteurs acheteurs. C’est la première fois que je vois une bd réalisée pour un animal de compagnie à savoir une chienne dont on verra la photo. Ce qui m’a ému, c’est le fait qu’elle soit disparue depuis plusieurs années et que le souvenir demeure. Je vis actuellement pour la première fois de ma vie une véritable passion pour un chien que j’ai acquis il y a un an et que j’aime profondément. Je suis arrivé à comprendre parfaitement l’auteur. Il y a des animaux qu’on préfère nettement aux êtres humains. Oui, j’ai approuvé ce genre de démarche et cela m’a même touché. Après, il est question d’animaux mutants dans un monde qui a été ravagé par les armes nucléaires et chimiques. Il est dommage que le héros soit un rat. Mais bon, je m’en contenterai. Après tout, Ratatouille est mon dessin animé préféré. On va vite s’attacher à ce personnage qui est obligé de quitter sa famille pour survivre. Là encore, je trouve que le choix de partir n’est pas judicieux. Dans un tel monde, il faut se regrouper pour pouvoir lutter contre les hordes sauvages. C’est la division qui peut entraîner la mort. Le dessin est plutôt agréable car il fourmille de détails et installe un véritable univers. Il y a également une dynamique de cases assez impressionnante au départ avec ce combat acharné. J’avais peur d’une narration pesante mais il n’en n’est rien. Les mots pour une fois ne sont pas dénués de sens. On sent une véritable montée en puissance avec une histoire assez prenante. C’est une série zoomorphique qui a beaucoup de potentiel. On espère qu’il y aura une suite de même acabit. Bref, comme je le disais au départ, c’est un auteur à découvrir. Je ne suis pas de ceux qui vont laisser un 4 étoiles et qui ne poursuivront pas la lecture pour voir si la note tient toujours. Quand une œuvre mérite mon attention, j’y retourne volontiers. En effet, il y a seulement une œuvre sur 5 qui obtient une bonne note. La proportion est tout de même assez basse dans la masse de production actuelle qui n’est pas forcément synonyme de qualité. Du coup, l’effort peut être allègrement réalisé. Quand j’aime, cela me déçoit assez rarement par la suite. Certes, cela peut arriver mais cela ne sera pas le cas pour ce second tome de Solo qui arrive à nous propulser dans un stade supérieur. J’ai rarement vu une narration aussi maîtrisé et un dessin à tomber par terre. Ce rat éprouve des sentiments d’amour qu’on peut humainement comprendre. Et puis, pour une fois, on a réellement peur pour notre héros des menaces qui rodent dans ce monde hostile. Il y a de réelles questions de société qui sont posées comme l’extermination d’une race pour en sauver une autre. Oui, la qualité est toujours là et l’excellent niveau est bien au rendez-vous. Solo est un rat à la Mad Max qu’on n’oubliera pas aussitôt !
Otto, l'homme réécrit
A chacune de ses publications, Marc-Antoine Mathieu réussit à surprendre. Cet ouvrage ne déroge pas à la règle et nous interroge encore une fois, de façon ludique et magistrale, sur le sens de la vie. Une pierre de plus à l’édifice admirable, tout en cohérence, d’un auteur unique dans le paysage du neuvième art. Et comme pierre, celle-ci est de taille… voire très précieuse… Avec « Otto, l’homme réécrit », Marc-Antoine Mathieu nous entraîne dans de drôles de vertiges métaphysiques, sans doute plus encore qu’à l’accoutumée. Et comme on sait que le maître de la BD expérimentale ne laisse rien au hasard, et que pour lui le dessin est un langage au même titre que l’écriture, chaque détail aura son importance. Tout d’abord l’objet, dont la couverture représente un arbre (symbole fort) dont les branches représentent une silhouette humaine, le tout livré dans un fourreau censé attiser l’impatience, le désir, procurant la sensation d’avoir affaire à quelque chose d’extraordinaire. Ne serait-ce que par la composition symétrique de l’histoire - parfaitement adaptée au format à l’italienne -, à l’instar du titre-palindrome, car le miroir y joue le rôle de gimmick, miroir dont la symbolique est exploitée ici à l’infini. Cet infini, autre thématique dominante du livre, dont le symbole est lui-même un huit couché, graphiquement symétrique et renvoyant au prénom « Otto » qui en italien veut dire huit… Otto Spiegel (le terme allemand « Spiegel » signifiant « miroir »), l’artiste qui à partir de sa performance consistant à fracasser un miroir sur le sol, va lui-même se décomposer en milliers d’éclats et ainsi introduire en son âme un vide psychique, un acte fort qui sera le point de départ d’une « réécriture » de lui-même, une introspection très particulière basée sur une expérience scientifique voulue par ses parents : enregistrer et consigner chaque instant des sept premières années de la vie de leur fils à son insu. Otto va ainsi (re-)découvrir que de petits instants en apparence anodins auront eu une répercussion décisive sur sa vie, et comment lui-même s’est construit sur l’oubli… Vertige identitaire d’un moi qui échappe à son « propriétaire ». Cette œuvre fascinante, qu’on peut légitimement qualifier d’ « œuvre-miroir », est si puissante qu’inévitablement elle projette son infinité de reflets sur le lecteur tel un appel à une quête intérieure. A l’exception peut-être de ceux qui se fuient eux-mêmes, qui n’a jamais eu envie de savoir comment il s’est construit ? Pourquoi sommes-nous tels que nous sommes et pas autrement, qu’est-ce qui constitue notre être intime, et pourquoi nous échappe-t-il la plupart du temps ? Comment s’expliquent nos phobies, nos angoisses, nos obsessions et nos émotions ? Pourquoi certains adorent une couleur que d’autres vont détester ? Pourquoi d’autres préféreront la montagne à la mer ? Dans quelle mesure enfin sommes-nous conscients des principes qui président notre destinée ? Avec en filigrane ces questions qui taraudent l’humanité depuis toujours, « qui sommes-nous, d’où venons-nous, où allons-nous ? », que l’arbre de la couverture illustre parfaitement. L’auteur interroge plus qu’il ne fournit de réponses toutes faites, mais il nous donne des pistes tout en rappelant que notre machinerie interne extrêmement complexe restera sans doute toujours hors du scope de la compréhension humaine. D’une portée métaphysique très puissante, ce récit synthétise admirablement toute l’œuvre de Marc-Antoine Mathieu en alliant réflexion philosophico-scientifique et jeu de pistes singulier, aussi captivant qu’étourdissant dans ses allers et retours entre l’infiniment petit et l’infiniment grand, avec quelques détours par la physique quantique, nous ramenant à notre propre insignifiance. Avec toujours cette ligne claire au noir et blanc ying yanguesque, pour mieux viser à l’essentiel tout en traitant d’un sujet à tiroirs, où les formes dialoguent avec les dimensions dans un long travelling ininterrompu. Simplicité et complexité réunie dans un ouvrage fluide et d’une rare richesse, tant par le stimulus intellectuel qu’il procure que par ses innombrables éléments graphiques, toujours signifiants. « « Otto, l’homme réécrit» est le « jeu du je », un jeu comme la vie peut l’être, rejouable « à l’infini », doublé d’une invitation à l’éveil de soi-même (Otto est aussi l’homonyme d’ « auto »), et peut-être vers les autres. Un chef d’œuvre dont le seul défaut est d’être trop court, car forcément on en redemande…
Comment faire fortune en juin 40
1970, sur un scénario de Troy Kennedy-Martin, Brian G. Hutton réalise De l’or pour les braves qui raconte la traversée d’un peloton de G.I. américains au-delà des lignes ennemies nazies afin de s’emparer d’un magot de 16 millions de dollars. 1984, d’après un roman de Pierre Siniac qui déjà à l’époque représente un excellent filon pour les cinéastes, Henri Verneuil adapte Les Morfalous : seconde guerre mondiale, Tunisie, 6 milliards en lingots d’or… 2015, inspirés par tous ces polars sortis dans les 60’s et 70’s, le tandem à succès Xavier Dorison – Fabien Nury sort Comment faire fortune en juin 40, adaptation libre du roman noir de Pierre Siniac, Sous l’aile noire des rapaces. Le projet était à l’origine pensé comme un film, Omaha Beach, mais nous sommes en France, pays où les producteurs ne disposent pas de moyens s’il ne s’agit d’une comédie franchouillarde, d’un film social, ou d’une tragédie avec un homme quarantenaire célibataire assis seul la nuit sur le banc d’une gare. Les auteurs pourront toujours se consoler avec cette bande-dessinée à la hauteur des Kelly’s Heroes, Les rois du désert, Cent mille dollars au soleil et tous ces films de la même veine crapuleuse. Comment faire fortune... est un braquo qui se révèle riche en références et clins d’œil cinématographiques, porté par un contexte historique inédit et authentique, des dialogues savoureux interprétés par des personnages dignes de la gouaille des Georges Lautner, Michel Audiard, et autres Sergio Leone. Le contexte historique est à mes yeux le meilleur argument pour convaincre les plus sceptiques qui y verraient, avec un zeste de mauvaise foi, une resucée classique donc finalement inutile. Car il y a d’un côté l’histoire du trio Siniac-Dorison-Nury très romancée, dramatique, faisant la part belle à l’action. Et de l’autre il y a l’Histoire, la vraie : oui la Banque de France, qui était en ce temps-là une institution privée appartenant à de riches familles, a discrètement exfiltré l’or de ses succursales dès 1932. En seconde lecture on révèle le comportement lâche ou calculateur (biffez la mention qui vous arrange) des ploutocrates soutenant financièrement la guerre mais qui dans le feutrer ont fait sortir leur pognon du pays en prévoyant l’arrivée d’Hitler, et de la guerre… pour qu’en juin 1940 le processus s’accélère et l’évacuation de l’or s’achève dans la panique. Au total 2500 tonnes d’or réparties entre les USA (1235t), la Martinique (255t), l'Afrique (740t), entre-temps une partie a dû être sacrifié à Berlin. Les dirigeants de la Banque de France ont dû serrer les fesses entre les américains qui voulaient faire main basse sur l’or de la Martinique, Churchill, de Gaulle se réclamant de la vraie France, « libre », et qu’il était le plus légitime à en prendre possession, la France de Vichy-Pétain à la solde de l’Allemagne et d’Hitler ; pas moins de cinq belligérants se disputant un magot ne leur appartenant pas ! Les rapaces se neutraliseront mutuellement en fin de compte et le plus surprenant est qu’à la fin de la guerre on ne constatera qu’une perte de 300 kilos d’or. Cet argent servira à la reconstruction de la France en attendant le plan Marshall de 1948. Le parti-pris de Comment faire fortune… est d’introduire une erreur de comptabilité. Des nigauds de la Banque de France ont oublié 2 tonnes d’or. Stresse, panique chez les dirigeants ! L’or doit partir, mais les murs ont des oreilles et une équipe de bras-cassés se monte pour intercepter le convoi blindé. On est dans le même état d’esprit que Le Bon, la Brute et le Truand avec des personnages caractériels forcés de faire équipe temporairement avant le « chacun pour sa gueule », de la même façon qu’ont Blondin, Tuco et Santanza de se tirer la bourre pour être le dernier à s’emparer du butin. Sans le cacher Laurent Astier s’est inspiré de ces gueules célèbres du cinéma pour donner vie à ces personnages et emporter l’adhésion des lecteurs passionnés par ce cinéma d’époque. On l’imagine bien prendre comme modèle l’ancien catcheur Lino Ventura ou Robert De Niro époque Ragging Bull pour dessiner Frank Propp le boxeur raté. Alain Delon ne défaillirait pas s’il devait incarner le mafieux corse Sambionetti, le rôle de Kurtz le méchano ancien de la Werhmacht semble être taillé sur mesure pour Horst Frank. Quant à Ninon la serrurier femme émancipée as de la dynamite, Sabine Sinjen ou Dany Carrel seraient au poil. Et pourtant le dessin de Laurent Astier n’est pas ce vers quoi je me dirige d’habitude mais il offre des plans très dynamiques qui donnent du rythme à ce récit de 116 pages, une composition sublime de Paris sur une page, et la mise en couleur pleine d'énergie de Laurence Croix est un véritable plus à mes yeux. Dommage qu’il s’agisse d’un one-shot car avec l’épilogue façon Le Jour le plus long, il y avait peut être moyen d’imaginer une série chorale comme l’avait fait le grand Sergio sur sa trilogie du dollar…