Et revoici Wilfrid Lupano aux manettes d’un nouvel album jeunesse très réussi ! C’est Gradimir Smuja qui se colle aux pinceaux pour illustrer ce récit de la plus belle des manières. J’avais par ailleurs pu apprécier tout son talent à travers son album hommage à Van Gogh « Vincent et Van Gogh », et c’est donc un réel plaisir de le retrouver.
Surtout que la collection « Les enfants gâtés » sait mettre les petits plats dans les grands ! Et quand on dit grand, il n’est qu’à voir la taille de l’album qui nous permet de profiter de planches magnifiques dans un format des plus appréciables pour en savourer tous les détails. Car il faut savoir savourer avec cette BD ! Si les dessins sont magnifiques et l’histoire maline, le tout se tient en 24 planches. Conte précis et malicieux sur un despote un peu fou et égoïste, cette course après son gâteau d’anniversaire qui lui échappe, prunelle de ses yeux, est un régal malgré le petit goût de trop peu.
Un très bel album à découvrir.
Je connaissais John Arcudi pour ses scénarios de B.P.R.D., Toni Fejzula pour l’album Veil et le mélange des deux genres nous donne au final un polar carcéral tendu et ramassé plutôt efficace.
L’inspectrice Linda Caruso qui travaille comme enquêtrice dans le milieu carcéral du comté de Mariposa est amenée à enquêter sur un crime somme toute banal dans une prison. L’affaire aurait pu être vite réglée, mais à force de creuser l’affaire se complique sérieusement… Surtout que des collègues se retrouvent au centre de ce casse-tête.
Le scénario de John Arcudi se révèle très efficace, acéré et radical. Il a la chance d’être servi par le dessin de Toni Fejzula qui amplifie et met merveilleusement bien en valeur la dramaturgie du récit. Son style semi réaliste sait parfois prendre ses distances pour jouer avec l’amplification, l’exagération, pour nous choper par le colbac et nous accrocher jusqu’au final. Ils signent à eux deux un très bon polar qui donnerait presque un goût de trop peu. Dommage que la couverture que je trouve ratée ne rende rien, surtout quand on voit en fin d’album toute une série de couvertures alternatives beaucoup plus accrocheuses.
Scott McCloud n’étant présent qu’au début, puis s’éclipsant pour des « problèmes de droits », c’est son prétendu cousin (Scott McCrawd – sorte de McCloud aviné qui aurait mal vieilli, aux réflexions moyennement intéressantes et précises, souvent beaufs et cyniques) qui aide Emmanuel Reuzé (qui se met en scène) à nous faire cette présentation exhaustive du neuvième art.
Cette parodie du maître ouvrage de McCloud, L'Art Invisible, introduit un ouvrage épais (près de 120 pages !) assez poilant, qui passe en revue, au travers de chapitres plus ou moins longs, les techniques, les trucs, le marché, etc, et qui mêle habilement délire, n’importe quoi et réflexions pas si dénuées de sens. En effet, sous couvert d’humour, Reuzé fait passer quelques critiques assez fondées (sur l’édition, le travail de certains auteurs, etc). Et lance quelques piques à Sfar…
Comme un coucou, il s’installe parfaitement dans le nid des autres, et sait très bien imiter le trait des auteurs qui lui servent d’exemple ou de référence, plus ou moins parodiée ensuite : le dessin de Reuzé est vraiment bon, quelques soient les styles très différents ici utilisés.
Avec l’aide parfois de copains de Fluide (Léandri pour les romans photos par exemple), ou d’ailleurs, comme son complice J. L. Coudray, qui collabore ici à plusieurs rubriques et fournit des extraits de son « Les métiers secrets de la bande dessinée » (voir mon avis sur le forum « avis sur livres illustrés »), Reuzé réussit là un album intéressant.
Inégal, certes, et quelque peu en perte de vitesse sur la fin, mais globalement assez bien fichu pour vous le recommander.
Note réelle 3,5/5.
Duel est un album plutôt épais (près de 190 pages !), mais qui se lit très agréablement, parce que cette histoire est captivante, et très bien menée. Malgré un certain nombre de pages sans dialogues, l’histoire est assez dense, et la lecture prend quelque temps.
L’histoire s’inspire de personnages réels (dont les noms et personnalités ont été un chouia modifiés) – comme l’auteur le rappelle en fin de volume (histoire qui a déjà inspiré entre autre Conrad, que Farace adapte ici), et s’inscrit dans la grande Histoire, à savoir les guerres napoléoniennes (même si l’extrême fin se déroule pendant la Restauration).
Les deux personnages principaux, Féraud (roturier râblé, hâbleur et querelleur) et d’Hubert (noble plus fluet et réservé), sont tous deux courageux et se distinguent dans les guerres napoléoniennes, participant entre autre à la bataille d’Austerlitz et à la retraite de Russie. Courageux et brillants militaires, ils sont remarqués par l’Empereur, et récompensés.
Mais ce qui fait le sel de l’intrigue, ce sont les relations d’amour/haine qui lient et consument ces deux protagonistes. En effet, suite à une broutille, Féraud défie en duel d’Hubert. Aucun des deux ne voulant céder, et aucun n’arrivant à l’emporter définitivement, au cours des nombreux duels qui les opposent durant une quinzaine d’années, ce sont deux vieux bonhommes plus ou moins aigris qui se cherchent jusqu’au final, aucun de voulant sacrifier son amour propre.
Mention spéciale à d’Hubert, qui dès le départ ne voulait pas entrer dans cette spirale infernale, et qui se trouve poursuivi par la haine et les sarcasmes de Féraud – alors même qu’ils sont devenus frères d’armes.
On atteint parfois un comique involontaire, au milieu des massacres et de l’épopée napoléonienne, les duellistes donnant l’impression d’être deux gamins s’incrustant dans un jeu d’adultes, mais avec des règles d’enfants.
Si l’histoire se lit agréablement, c’est aussi grâce au dessin de Renaud Farace, qui est vraiment chouette. Il utilise un Noir et Blanc simple (quelques nuances de rouge, envahissant parfois les pages, lors des affrontement entre les deux bonhommes, parsèment les aventures du duo de tâches de sang, évoquent un dénouement crépusculaire). Le trait est faussement brouillon, frôle parfois l’esquisse, le crayonné, Farace se concentrant sur l’essentiel, évacuant les décors, les détails, cette épure, ce vide contrastant avec et soulignant le bouillonnement absurde de la haine éprouvée par Féraud à l’encontre de d’Hubert, cette haine, cette absurdité, cette fatalité devenant le seul moteur de ces deux hommes, au milieu d’un monde qui s’écroule.
Une belle réussite, que je vous encourage à découvrir !
Vaste sujet que celui des personnes à cheval sur deux cultures, et qui doivent se réapproprier celle d'origine après avoir passé beaucoup de temps au sein de celle d'adoption...
Samir Dahmani nous propose donc sa version, avec l'histoire de cette guide-interprète coréenne qui doit driver un Français à Séoul, et se retrouve en butte avec ces deux influences culturelles. C'est délicatement mené, le cheminement de pensée de Sujin est facile à suivre et à comprendre, et l'auteur réussit à éviter l'écueil de la romance facile. Les protagonistes sont crédibles, avec leurs travers, et on se sent bien pris dans l'histoire. Il y a également un jeu sur les visages, les masques, qui complète bien les passages introspectifs.
Le style de Dahmani semble parfois plus proche de l'esquisse à cheval entre le manga et la franco-belge, mais cela lui confère une liberté graphique sans doute inégalable.
Très bonne lecture.
Sacré pari éditorial que celui d'Olivier Petit : réaliser des guides historiques sur beaucoup de capitales et de grandes villes. Et pour bien lancer la collection, il s'est attelé à la capitale française.
Le résultat est à la hauteur de l'enjeu : superbe et quasi indispensable. En effet, après avoir pointé 30 lieux emblématiques de Paris, une pléiade d'auteurs venus de tous horizons (oui, de France, mais aussi d'Espagne, d'Algérie, de Corée, de Grèce...) se sont attelés à raconter en quelques pages des anecdotes surpenantes, cruelles ou drôles rattachées à ces lieux. On y apprend par exemple le lien incroyable entre l'Exposition universelle de 1900 et la création de la baguette de pain... C'est foisonnant, passionnant, ébouriffant !
Chaque récit en BD est doublé de pages documentaires, qui viennent donner de nombreuses infos pratiques (stations de métro correspondantes, produits spéciaux, lieux à proximité...). C'est très très riche, on est là devant un must !
Serpieri est vraiment un maître pour le coup de crayon. Surtout quand il dépeint les amérindiens, les grandes plaines et les cowboys. Il arrive à transmettre tout son amour pour cette période, et tout ce qu'il s'est passé à ce moment là. Dont quasiment rien de glorieux d'ailleurs.
Les histoires présentées ici ont toutes un caractère commun : c'est très noir comme genre ! Ça parle de mort, de meurtres, de suicides, de violences (envers les femmes et les indiens), bref c'est joyeux tout plein, mais curieusement on sent toute l'amertume aussi. C'est le monde impitoyable et rude de l'ouest, mais pas à la sauce western. Plutôt à la sauce humanité, dans ses aspects sombres et violent.
Je ne sais pas exactement ce qui marche dans cette BD, mais c'est le genre que j'aime bien lire et sur lequel j'aime retomber de temps en temps. C'est divertissant et grave à la fois, mais en même temps on est plongé dans les dessins de Serpieri. Et rien que ce dessin mérite le coup d’œil, car il a vraiment quelque chose dans ce foisonnement précis. Du grand art.
Comme souvent lorsqu'on se retrouve face à une BD faite par un collectif, on a du bon et du moins bon. Pour autant, je dois reconnaitre qu'on est là dans la tranche supérieure du genre, avec quasiment que du bon !
Déjà, l'auteur qui fait les transitions (celles où le conteur lie les histoires) est vraiment très bon, et qu'il ajoute une note très sombre à l'ensemble. On est dans l'ambiance d'une personne mystérieuse qui nous raconte ses petites histoires.
Niveau histoire, ça varie du conte aux légendes, en passant par les présentations de créatures. On retrouve tout le bestiaire du petit peuple, et tout ce qui fait ses charmes : la cruauté, la magie, les monstres ... C'est bien loin de la fée disney !
Pour les dessinateurs, on a de tout mais globalement tous sont bons (et plusieurs fois je me suis surpris à reconnaitre des auteurs connus). Ça fait plaisir à lire, et je suis assez content de pouvoir en relire des petits bouts de temps en temps !
Pas mal, pas mal du tout même ! Et très curieux manga, mélange d’ésotérisme, de pratiques coutumières, de religions locales et de légendes, de superstitions. Avec un brin de considération sur les campagnes japonaises et l'arrivée brutale dans le monde moderne. Ou l'arrivée du monde moderne, selon les points de vue.
Ce manga m'a semblé aller avec d'autres mangas comme Initiation ou Underwater - le village immergé qui parlent de ce Japon rural et de ce qui a été profondément changé dans le passage à cette époque que nous connaissons aujourd'hui. Curieusement, il me semble que la collection dont fait partie Tajikarao compte plusieurs mangas sur cette période charnière.
Venant d'un village, j'ai été particulièrement touché dans la façon dont est représentée la communauté de villageois, qui vit loin du monde et selon ses propres règles. Certes, c'est là une vision assez simpliste et embellie d'un village (l'entente entre voisins est rarement aussi idyllique), mais ça donne envie d'y vivre, et c'est là tout le point de vue de l'auteur. Il veut redonner le goût de ces villages qui ont aujourd'hui disparu, de toutes ces traditions balayées en moins de cinquante ans, de tout ce qui s'est perdu comme histoires et comme légendes. Chaque lieu avait sa propre mémoire, et tout est effacé comme un rien.
Bien sûr, le manga oppose nettement (et de façon bien trop manichéenne pour être vraie) la ville et la campagne, avec les gentils qui savent respecter les traditions et les méchants qui les piétinent allègrement, sûr qu'ils sont de leurs bons droits de citadins. C'est simpliste, mais c'est l'idée de l'auteur, et il ne fait que servir son propos.
Et justement, le propos est beau : c'est un message d'amour et d'au revoir à toute cette culture disparue, et un bel hommage à ce que fut l'humanité pendant des siècles. J'ai beaucoup aimé la façon dont cela se déroule, progressivement, pour finir sur un final grandiose qui m'a bien plu.
J'ajouterai que le dessin a quelque chose qui m'a plu. Ce n'est ni le plus beau ni le plus précis, mais il sait faire passer l'émotion des paysages, et la beauté des lieux. C'est un manga qui repose beaucoup dessus, et ça fait plaisir de se plonger dedans.
Un manga que j'aime bien, que j'affectionne surtout, mais surtout parce que le sujet me parle beaucoup. C'est une petite gourmandise pour moi. Mais je genre de gourmandise que j'espère que vous aimerez autant que moi.
Ah, le Nao de Brown ... Toute une histoire : une sortie remarquée, des avis bien divergents, un auteur pas connu ...
Auteur que j'ai eu la chance de croiser en dédicace et qui m'a donné envie de lire sa BD, pour enfin me faire un avis. Et je comprends parfaitement la grande disparité des avis concernant cette série.
C'est une BD complexe à noter, elle est d'un genre qui passe ou qui casse. Dans mon cas, ça passe, et très bien même ! J'ai aimé cette complexité de l'âme d'une humaine tourmentée, qui vit des moments de vie intenses dans lesquels se mélangent ses délires, ses manies et sa vie. C'est complexe, riche et dense. On ne comprend pas tout à la première lecture (et à la troisième non plus d'ailleurs), mais c'est plaisant à lire. J'ai eu envie de découvrir la suite, de tenter de discerner ce qui fait le charme de cette fille peu commune et de ces personnages étranges qui gravitent autour d'elle.
La BD est servie par un dessin qui vaut le détour, transmettant quelque chose de ce malaise que connait Nao, dans les contours, les couleurs et le trait. C'est assez beau, et je suis plutôt fan de la façon dont l'auteur transcrit les têtes de ses personnages.
Ce qui fascine dans cette BD, c'est le mélange que l'auteur fait entre spiritualité, folie, manie, originalité et étrangeté. Le fait de parsemer l’œuvre de petits détails (comme le conte raconté au fur et à mesure) rajoute à ce charme et donne une atmosphère unique à cette BD bien surprenante.
Que l'on aime ou non, il faut reconnaitre toute l'originalité de cette BD et la complexité de l’œuvre. On peut être rebuté, certes, mais si c'est le genre qui vous intéresse et que vous acceptez de faire un effort jusqu'au bout, on a là quelque chose d'assez plaisant à lire. Une découverte que je ne regrette pas !
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Cheval de bois, cheval de vent
Et revoici Wilfrid Lupano aux manettes d’un nouvel album jeunesse très réussi ! C’est Gradimir Smuja qui se colle aux pinceaux pour illustrer ce récit de la plus belle des manières. J’avais par ailleurs pu apprécier tout son talent à travers son album hommage à Van Gogh « Vincent et Van Gogh », et c’est donc un réel plaisir de le retrouver. Surtout que la collection « Les enfants gâtés » sait mettre les petits plats dans les grands ! Et quand on dit grand, il n’est qu’à voir la taille de l’album qui nous permet de profiter de planches magnifiques dans un format des plus appréciables pour en savourer tous les détails. Car il faut savoir savourer avec cette BD ! Si les dessins sont magnifiques et l’histoire maline, le tout se tient en 24 planches. Conte précis et malicieux sur un despote un peu fou et égoïste, cette course après son gâteau d’anniversaire qui lui échappe, prunelle de ses yeux, est un régal malgré le petit goût de trop peu. Un très bel album à découvrir.
Dead Inside
Je connaissais John Arcudi pour ses scénarios de B.P.R.D., Toni Fejzula pour l’album Veil et le mélange des deux genres nous donne au final un polar carcéral tendu et ramassé plutôt efficace. L’inspectrice Linda Caruso qui travaille comme enquêtrice dans le milieu carcéral du comté de Mariposa est amenée à enquêter sur un crime somme toute banal dans une prison. L’affaire aurait pu être vite réglée, mais à force de creuser l’affaire se complique sérieusement… Surtout que des collègues se retrouvent au centre de ce casse-tête. Le scénario de John Arcudi se révèle très efficace, acéré et radical. Il a la chance d’être servi par le dessin de Toni Fejzula qui amplifie et met merveilleusement bien en valeur la dramaturgie du récit. Son style semi réaliste sait parfois prendre ses distances pour jouer avec l’amplification, l’exagération, pour nous choper par le colbac et nous accrocher jusqu’au final. Ils signent à eux deux un très bon polar qui donnerait presque un goût de trop peu. Dommage que la couverture que je trouve ratée ne rende rien, surtout quand on voit en fin d’album toute une série de couvertures alternatives beaucoup plus accrocheuses.
L'Art du 9e art
Scott McCloud n’étant présent qu’au début, puis s’éclipsant pour des « problèmes de droits », c’est son prétendu cousin (Scott McCrawd – sorte de McCloud aviné qui aurait mal vieilli, aux réflexions moyennement intéressantes et précises, souvent beaufs et cyniques) qui aide Emmanuel Reuzé (qui se met en scène) à nous faire cette présentation exhaustive du neuvième art. Cette parodie du maître ouvrage de McCloud, L'Art Invisible, introduit un ouvrage épais (près de 120 pages !) assez poilant, qui passe en revue, au travers de chapitres plus ou moins longs, les techniques, les trucs, le marché, etc, et qui mêle habilement délire, n’importe quoi et réflexions pas si dénuées de sens. En effet, sous couvert d’humour, Reuzé fait passer quelques critiques assez fondées (sur l’édition, le travail de certains auteurs, etc). Et lance quelques piques à Sfar… Comme un coucou, il s’installe parfaitement dans le nid des autres, et sait très bien imiter le trait des auteurs qui lui servent d’exemple ou de référence, plus ou moins parodiée ensuite : le dessin de Reuzé est vraiment bon, quelques soient les styles très différents ici utilisés. Avec l’aide parfois de copains de Fluide (Léandri pour les romans photos par exemple), ou d’ailleurs, comme son complice J. L. Coudray, qui collabore ici à plusieurs rubriques et fournit des extraits de son « Les métiers secrets de la bande dessinée » (voir mon avis sur le forum « avis sur livres illustrés »), Reuzé réussit là un album intéressant. Inégal, certes, et quelque peu en perte de vitesse sur la fin, mais globalement assez bien fichu pour vous le recommander. Note réelle 3,5/5.
Duel
Duel est un album plutôt épais (près de 190 pages !), mais qui se lit très agréablement, parce que cette histoire est captivante, et très bien menée. Malgré un certain nombre de pages sans dialogues, l’histoire est assez dense, et la lecture prend quelque temps. L’histoire s’inspire de personnages réels (dont les noms et personnalités ont été un chouia modifiés) – comme l’auteur le rappelle en fin de volume (histoire qui a déjà inspiré entre autre Conrad, que Farace adapte ici), et s’inscrit dans la grande Histoire, à savoir les guerres napoléoniennes (même si l’extrême fin se déroule pendant la Restauration). Les deux personnages principaux, Féraud (roturier râblé, hâbleur et querelleur) et d’Hubert (noble plus fluet et réservé), sont tous deux courageux et se distinguent dans les guerres napoléoniennes, participant entre autre à la bataille d’Austerlitz et à la retraite de Russie. Courageux et brillants militaires, ils sont remarqués par l’Empereur, et récompensés. Mais ce qui fait le sel de l’intrigue, ce sont les relations d’amour/haine qui lient et consument ces deux protagonistes. En effet, suite à une broutille, Féraud défie en duel d’Hubert. Aucun des deux ne voulant céder, et aucun n’arrivant à l’emporter définitivement, au cours des nombreux duels qui les opposent durant une quinzaine d’années, ce sont deux vieux bonhommes plus ou moins aigris qui se cherchent jusqu’au final, aucun de voulant sacrifier son amour propre. Mention spéciale à d’Hubert, qui dès le départ ne voulait pas entrer dans cette spirale infernale, et qui se trouve poursuivi par la haine et les sarcasmes de Féraud – alors même qu’ils sont devenus frères d’armes. On atteint parfois un comique involontaire, au milieu des massacres et de l’épopée napoléonienne, les duellistes donnant l’impression d’être deux gamins s’incrustant dans un jeu d’adultes, mais avec des règles d’enfants. Si l’histoire se lit agréablement, c’est aussi grâce au dessin de Renaud Farace, qui est vraiment chouette. Il utilise un Noir et Blanc simple (quelques nuances de rouge, envahissant parfois les pages, lors des affrontement entre les deux bonhommes, parsèment les aventures du duo de tâches de sang, évoquent un dénouement crépusculaire). Le trait est faussement brouillon, frôle parfois l’esquisse, le crayonné, Farace se concentrant sur l’essentiel, évacuant les décors, les détails, cette épure, ce vide contrastant avec et soulignant le bouillonnement absurde de la haine éprouvée par Féraud à l’encontre de d’Hubert, cette haine, cette absurdité, cette fatalité devenant le seul moteur de ces deux hommes, au milieu d’un monde qui s’écroule. Une belle réussite, que je vous encourage à découvrir !
Je suis encore là-bas
Vaste sujet que celui des personnes à cheval sur deux cultures, et qui doivent se réapproprier celle d'origine après avoir passé beaucoup de temps au sein de celle d'adoption... Samir Dahmani nous propose donc sa version, avec l'histoire de cette guide-interprète coréenne qui doit driver un Français à Séoul, et se retrouve en butte avec ces deux influences culturelles. C'est délicatement mené, le cheminement de pensée de Sujin est facile à suivre et à comprendre, et l'auteur réussit à éviter l'écueil de la romance facile. Les protagonistes sont crédibles, avec leurs travers, et on se sent bien pris dans l'histoire. Il y a également un jeu sur les visages, les masques, qui complète bien les passages introspectifs. Le style de Dahmani semble parfois plus proche de l'esquisse à cheval entre le manga et la franco-belge, mais cela lui confère une liberté graphique sans doute inégalable. Très bonne lecture.
Le Guide de Paris en bandes dessinées
Sacré pari éditorial que celui d'Olivier Petit : réaliser des guides historiques sur beaucoup de capitales et de grandes villes. Et pour bien lancer la collection, il s'est attelé à la capitale française. Le résultat est à la hauteur de l'enjeu : superbe et quasi indispensable. En effet, après avoir pointé 30 lieux emblématiques de Paris, une pléiade d'auteurs venus de tous horizons (oui, de France, mais aussi d'Espagne, d'Algérie, de Corée, de Grèce...) se sont attelés à raconter en quelques pages des anecdotes surpenantes, cruelles ou drôles rattachées à ces lieux. On y apprend par exemple le lien incroyable entre l'Exposition universelle de 1900 et la création de la baguette de pain... C'est foisonnant, passionnant, ébouriffant ! Chaque récit en BD est doublé de pages documentaires, qui viennent donner de nombreuses infos pratiques (stations de métro correspondantes, produits spéciaux, lieux à proximité...). C'est très très riche, on est là devant un must !
John and Mary
Serpieri est vraiment un maître pour le coup de crayon. Surtout quand il dépeint les amérindiens, les grandes plaines et les cowboys. Il arrive à transmettre tout son amour pour cette période, et tout ce qu'il s'est passé à ce moment là. Dont quasiment rien de glorieux d'ailleurs. Les histoires présentées ici ont toutes un caractère commun : c'est très noir comme genre ! Ça parle de mort, de meurtres, de suicides, de violences (envers les femmes et les indiens), bref c'est joyeux tout plein, mais curieusement on sent toute l'amertume aussi. C'est le monde impitoyable et rude de l'ouest, mais pas à la sauce western. Plutôt à la sauce humanité, dans ses aspects sombres et violent. Je ne sais pas exactement ce qui marche dans cette BD, mais c'est le genre que j'aime bien lire et sur lequel j'aime retomber de temps en temps. C'est divertissant et grave à la fois, mais en même temps on est plongé dans les dessins de Serpieri. Et rien que ce dessin mérite le coup d’œil, car il a vraiment quelque chose dans ce foisonnement précis. Du grand art.
Le Grimoire du petit peuple
Comme souvent lorsqu'on se retrouve face à une BD faite par un collectif, on a du bon et du moins bon. Pour autant, je dois reconnaitre qu'on est là dans la tranche supérieure du genre, avec quasiment que du bon ! Déjà, l'auteur qui fait les transitions (celles où le conteur lie les histoires) est vraiment très bon, et qu'il ajoute une note très sombre à l'ensemble. On est dans l'ambiance d'une personne mystérieuse qui nous raconte ses petites histoires. Niveau histoire, ça varie du conte aux légendes, en passant par les présentations de créatures. On retrouve tout le bestiaire du petit peuple, et tout ce qui fait ses charmes : la cruauté, la magie, les monstres ... C'est bien loin de la fée disney ! Pour les dessinateurs, on a de tout mais globalement tous sont bons (et plusieurs fois je me suis surpris à reconnaitre des auteurs connus). Ça fait plaisir à lire, et je suis assez content de pouvoir en relire des petits bouts de temps en temps !
Tajikarao, l'esprit de mon village
Pas mal, pas mal du tout même ! Et très curieux manga, mélange d’ésotérisme, de pratiques coutumières, de religions locales et de légendes, de superstitions. Avec un brin de considération sur les campagnes japonaises et l'arrivée brutale dans le monde moderne. Ou l'arrivée du monde moderne, selon les points de vue. Ce manga m'a semblé aller avec d'autres mangas comme Initiation ou Underwater - le village immergé qui parlent de ce Japon rural et de ce qui a été profondément changé dans le passage à cette époque que nous connaissons aujourd'hui. Curieusement, il me semble que la collection dont fait partie Tajikarao compte plusieurs mangas sur cette période charnière. Venant d'un village, j'ai été particulièrement touché dans la façon dont est représentée la communauté de villageois, qui vit loin du monde et selon ses propres règles. Certes, c'est là une vision assez simpliste et embellie d'un village (l'entente entre voisins est rarement aussi idyllique), mais ça donne envie d'y vivre, et c'est là tout le point de vue de l'auteur. Il veut redonner le goût de ces villages qui ont aujourd'hui disparu, de toutes ces traditions balayées en moins de cinquante ans, de tout ce qui s'est perdu comme histoires et comme légendes. Chaque lieu avait sa propre mémoire, et tout est effacé comme un rien. Bien sûr, le manga oppose nettement (et de façon bien trop manichéenne pour être vraie) la ville et la campagne, avec les gentils qui savent respecter les traditions et les méchants qui les piétinent allègrement, sûr qu'ils sont de leurs bons droits de citadins. C'est simpliste, mais c'est l'idée de l'auteur, et il ne fait que servir son propos. Et justement, le propos est beau : c'est un message d'amour et d'au revoir à toute cette culture disparue, et un bel hommage à ce que fut l'humanité pendant des siècles. J'ai beaucoup aimé la façon dont cela se déroule, progressivement, pour finir sur un final grandiose qui m'a bien plu. J'ajouterai que le dessin a quelque chose qui m'a plu. Ce n'est ni le plus beau ni le plus précis, mais il sait faire passer l'émotion des paysages, et la beauté des lieux. C'est un manga qui repose beaucoup dessus, et ça fait plaisir de se plonger dedans. Un manga que j'aime bien, que j'affectionne surtout, mais surtout parce que le sujet me parle beaucoup. C'est une petite gourmandise pour moi. Mais je genre de gourmandise que j'espère que vous aimerez autant que moi.
Le Nao de Brown
Ah, le Nao de Brown ... Toute une histoire : une sortie remarquée, des avis bien divergents, un auteur pas connu ... Auteur que j'ai eu la chance de croiser en dédicace et qui m'a donné envie de lire sa BD, pour enfin me faire un avis. Et je comprends parfaitement la grande disparité des avis concernant cette série. C'est une BD complexe à noter, elle est d'un genre qui passe ou qui casse. Dans mon cas, ça passe, et très bien même ! J'ai aimé cette complexité de l'âme d'une humaine tourmentée, qui vit des moments de vie intenses dans lesquels se mélangent ses délires, ses manies et sa vie. C'est complexe, riche et dense. On ne comprend pas tout à la première lecture (et à la troisième non plus d'ailleurs), mais c'est plaisant à lire. J'ai eu envie de découvrir la suite, de tenter de discerner ce qui fait le charme de cette fille peu commune et de ces personnages étranges qui gravitent autour d'elle. La BD est servie par un dessin qui vaut le détour, transmettant quelque chose de ce malaise que connait Nao, dans les contours, les couleurs et le trait. C'est assez beau, et je suis plutôt fan de la façon dont l'auteur transcrit les têtes de ses personnages. Ce qui fascine dans cette BD, c'est le mélange que l'auteur fait entre spiritualité, folie, manie, originalité et étrangeté. Le fait de parsemer l’œuvre de petits détails (comme le conte raconté au fur et à mesure) rajoute à ce charme et donne une atmosphère unique à cette BD bien surprenante. Que l'on aime ou non, il faut reconnaitre toute l'originalité de cette BD et la complexité de l’œuvre. On peut être rebuté, certes, mais si c'est le genre qui vous intéresse et que vous acceptez de faire un effort jusqu'au bout, on a là quelque chose d'assez plaisant à lire. Une découverte que je ne regrette pas !