Que les amateur-ice-s de métafictions et les fanatiques du bon mot se réjouissent, le récit ici présent est une jolie explosion de créativité !
J'adore la métafiction, les récits où la dimension fictive/factice est conscientisée par l'auteur-ice, par les personnages, où l'on invite lae lecteur-ice/spectateur-ice à activement participer en réfléchissant sincèrement et profondément sur ce qui est dit. Pas de fainéantise quand on joue avec les codes. Alors un récit mélant personnages de contes et de fables, ruses et idioties, facilités scénaristiques assumées et ambitieux passages narratifs, moi je ne peux que l'apprécier.
Il me serait difficile de pleinement résumer l'intrigue, celle-ci étant volontairement (et sans doute inutilement) sinueuse, d'ailleurs les personnages eux-même redoutent sans cesse les décisions de l'autrice ("Quel fléau que cette donzelle !"). Sachez juste que cette histoire se passe au milieu d'autres, avant le mot fin, dans une nouvelle aventure qui n'aurait jamais été racontée ni par Perrault ni par La Fontaine (ou tout autre quidam similaire), une étrange histoire de montagne, de souris et d'ogre, de débats sémantiques sur les paraboles, d'entourloupes et de voyages éliptiques.
Bref, je m'étale, je m'étale. Difficile de bien parler de cet album. Peut-être devrais-je cesser de m'étaler dans des répétitions inutiles et des pinaillages accessoires dans mes avis ? Peut-être même me faudrait-il repartir en arrière pour changer de nouveau mon précédent paragraphe et faire comme si de rien n'était ?
Peut-être. Mais on va dire qu'au final les bafouillages importent peu.
Les dessins de Nancy Peña sont, là aussi, de très bonne facture. J'avoue avoir eu besoin d'un court temps d'adaptation pour les bouches de nos protagonistes animaliers (je ne sais pas vraiment pourquoi, les grosses lèvres ont créé un blocage chez moi) mais une fois cela passé je n'ai rien trouvé à redire. Certain-e-s pourraient regretter une forme trop confuse, je la trouve au contraire finement menée, fluide à lire et j'apprécie que l'autrice profite pleinement des codes de la mise en page de l'album en lui-même. Non seulement l'autrice s'amuse avec les codes narratifs propres à la fiction, mais en plus elle se permet de foutre le boxon dans les belles règles propres au neuvième art ! On oublie les cases, les personnages se baladent n'importent où, on se permet même de faire demi-tour quelques fois et de briser le quatrième mur en alpaguant directement lae lecteur-ice ou en jouant avec la pagination et les ellipses. Bref, un joli foutoir volontaire qui se révèle en réalité savamment travaillé.
Comme répété plusieurs fois déjà dans mon avis, cette série (ou album si vous avez l'intégrale) est un petit bijoux de métafiction créant et maintenant un agréable sentiment de connivence chez toute personne amatrice de contes, fables, paraboles, et tout simplement de récits en général.
Un album marquant, drôle et bien écrit qui mérite amplement la note maximale à mes yeux.
L’indépendance, pour quoi faire ?
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Ce tome contient une histoire complète, de nature biographique, ne nécessitant pas de connaissances préalables sur la vie de Mario Marret (1920-2000). Son édition originale date de 2023. Il a été réalisé par Nina Alamberg pour le scénario, et par Laure Guillebon pour les dessins et les couleurs. Il comprend cent-soixante-quatre pages de bande dessinée. Il se termine avec une postface d’une page rédigée par la scénariste en novembre 2022, quatre pages de photographies montrant Marret, une bibliographie de trois ouvrages pour en savoir plus, la filmographie que Marret, un article de l’historien Tangui Perron intitulé Bruno et Mario (ou de quelques transports amicaux au temps de l’internationalisme communiste et tiers-mondiste), un court paragraphe sur Suzanne Zedet, un autre sur Amílcar Cabral, et un autre pour chacune des autrices.
À Clermont-Ferrand, à l’hiver 1936, le jeune Mario Marret, encore adolescent, se rend à l’atelier de serrurerie de son employeur. Il passe devant une affiche du SIA / Solidarité Internationale Antifasciste, qui enjoint à ne pas oublier leurs frères et leurs sœurs d’Espagne qui se battent avec courage contre le fascisme. Elle porte également l’information d’une réunion de soutien à la maison du peuple, ce quinze novembre 1936, place de la Liberté, à Clermont-Ferrand. Il arrive à destination et rentre dans l’atelier. Le patron rappelle à l’apprenti qu’un ouvrier soigneux range ses outils à la fin de la journée. Il continue : à l’âge de Mario ce n’est pas pour le client qu’il travaille, c’est pour lui. Il le rassure : on ne mange pas autant d’argent qu’il croit à recommencer. La journée se passe à travailler, et enfin Mario met toutes ses affaires dans le tiroir pour les ranger, mais en vrac. Il dit au revoir à son patron, et il se rend à la réunion qui se tient à la maison du Peuple. Devant, il y retrouve un copain un peu plus âgé qui l’attend.
À la maison du Peuple, la réunion a déjà commencé, et un orateur a pris la parole : Le Front Populaire leur a promis le pain, la paix et la liberté, mais comment croire à sa paix lorsqu’il laisse un peuple frère sans défense de l’autre côté des Pyrénées ? Oui, il l’affirme : le Front Populaire laisse les prolétaires espagnols sans défense devant le fascisme. Il en appelle à la mobilisation des personnes présentes pour leur apporter leur aide, et il entonne le slogan : Des canons, des avions pour l’Espagne ! Vive l’anarchie ! Slogan repris par tous les présents. Ceux-ci échangent ensuite quelques paroles en Espéranto. Puis Mario quitte la réunion et se rend chez le médecin. Il a décidé de se faire opérer pour une vasectomie. Il ne veut pas procréer dans ce monde pourri. Au printemps 1939, Mario Marret a dix-neuf ans, il est en route vers les Pyrénées orientales. Il se mêle aux milliers de camarades espagnols contraints de traverser les Pyrénées avec la victoire de Franco. En juin 1939, les Républicains espagnols fuient leur pays devant l’avancée des troupes de Franco. De 100.000 à 200.000 sont parqués dans le camp d’Argelès-sur-Mer. Livrés à eux-mêmes sans le soutien des autorités françaises, leurs conditions de vie sont terribles.
Le texte de la quatrième de couverture informe que : Mario Marret a été espion anarchiste, explorateur polaire, cinéaste militant et psychanalyste. Le récit de sa vie commence en 1936, alors qu’il a seize ans et qu’il est en apprentissage, et déjà militant. Le contexte, sans être détaillé dans ces pages, est celui de guerre civile espagnole, un conflit opposant les Républicains (socialistes, communistes, marxistes et anarchistes) aux nationalistes menés par le général Francisco Franco (1892-1975). Les autrices ont choisi de focaliser leur narration sur Marret, sans transformer la bande dessinée en cours d’histoire. Pour autant, elle mentionne les conflits et les mouvements nationaux. La seconde guerre mondiale, les expéditions polaires françaises créées par l’ethnologue français Paul-Émile Victor (1907-1995), les maquis de la Guinée portugaise en 1966 et Amílcar Cabral (1924-1973) fondateur du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert, la grève des ouvriers de l’usine Rhodiacéta à Besançon au printemps 1967 et le film réalisé par Chris Marker (1921-2012, Christian Bouche-Villeneuve), l’apport de Jacques Lacan (1912-1982) psychiatre et psychanalyste français. Dans les pages en fin de tome, le lecteur peut en apprendre plus sur Suzanne Zedet (héroïne de Classe de lutte, le deuxième film du Groupe Medvedkine de Besançon), Amílcar Cabral, et sur l’internationalisme communiste et tiers-mondiste.
Un ouvrage de nature biographique : le lecteur se prépare à des pages denses, chargées en texte pour un fort volume d’informations, comme il est souvent de mise dans ce genre. Il comprend rapidement que les autrices ont choisi de consacrer un chapitre à chacune des quatre vies de cet homme. La bande dessinée s’ouvre avec une illustration en pleine page et en couleurs, une vue des toits d’un quartier de Clermont-Ferrand, avec uniquement l’année, et le nom de la ville. Puis viennent des pages avec peu de dialogues, où les cases racontent l’histoire en la montrant. La proportion de dialogue se densifie un peu lors de la réunion de soutien, tout en restant à un niveau de BD classique. L’artiste réalise des dessins dans un registre de nature réaliste et descriptif, très facile à lire, tout en comportant une bonne densité d’informations visuelles. Il s’avère qu’il y a peu de pages en couleurs, la majorité du récit étant en nuance de gris. Les pages en couleurs sont au nombre de dix : les toits de Clermont-Ferrand, une vue sur la rade d’Alger, un bateau pilote guidant le navire Commandant Charcot en partance pour expédition dans l’Antarctique, Mario contemplant une aurore boréale, les spectateurs arrivant à la salle où se tient la réunion de la Deuxième semaine de la pensée marxiste à Besançon, Mario marchant seul et s’allongeant à même la roche pour contempler le ciel, Mario posant sa valise et ouvrant les volets de sa villa à Rustrel, un chat allongé au soleil sur un carrelage au milieu de plein d’outils, un voilier blanc passant devant un énorme complexe industriel portuaire, Mario en train de trinquer avec un ami à Rustrel dans le Lubéron. Il s’agit le plus souvent d’illustration en pleine page, avec des couleurs chaudes du soleil (un peu plus froides pour l’aurore boréale), comme des moments hors du temps que Mario peut savourer à loisir.
De fait, la narration visuelle s’avère douce et agréable, détaillée et immédiatement assimilable. Elle fait œuvre de reconstitution historique de manière discrète et normale, que ce soit pour les tenues vestimentaires, les éléments technologiques, ou encore les moyens de déplacement. Régulièrement, le lecteur savoure une planche avec ses cases sagement en bande, et sans un seul mot. Un groupe de jeunes hommes allant dynamiter un calvaire, Mario en opérateur radio fuyant sa planque en passant par la fenêtre, Mario souffrant d’un mal de mer carabiné, la marche des manchots en Terre Adélie, de tout jeunes hommes défilant avec leur fusil en Guinée portugaise, un groupe de trois personnes à la manœuvre sur un catamaran, etc. La dessinatrice fournit un travail remarquable pour montrer les occupations du personnage, en particulier en ce qui concerne le démontage et le remontage d’appareils radio ou de caméras. Le lecteur se retrouve ainsi aux côtés de Mario Marret se livrant à ses activités aussi bien en Antarctique qu’en Afrique, ou dans une salle de projection aux côtés de Paul-Émile Victor pour l’avant-première de son documentaire Terre Adélie (26 min, mention à la XIIIe Mostra de Venise en 1952), ou dans une salle de réunion avec des ouvriers en présence de Jean-Luc Godard (1930-2022) et Chris Marker.
Le lecteur commence par suivre un jeune anarchiste qui s’engage comme radio dans l’armée en cohérence avec ses convictions de soutenir les prolétaires espagnols, qui est capturé et tabassé, voire torturé, par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale étant accusé de travailler pour l’OSS, qui participe à une expédition en Antarctique remplaçant au pied levé le cameraman décédé, etc. Le caractère incroyable de cette trajectoire de vie apparaît avec plus de force si le lecteur est familier des événements historiques et sociaux évoqués, ou s’il va compléter sa connaissance sur ces sujets. La scénariste indique dans la postface qu’elle est historienne de formation et qu’elle s’est passionnée très tôt pour le cinéma militant. Pour retracer une vie aussi riche, elle a dû faire des choix dans ce qu’elle évoque. Pour autant, le lecteur ressent bien les références sous-jacentes implicites ou parfois juste nommées. Le prix du film de nature remporté par le court-métrage Aptenodytes forsteri (16 min) au festival de Cannes de 1954. Le groupe Mevedkine juste mentionné, c’est-à-dire une expérience sociale audiovisuelle associant des réalisateurs et techniciens du cinéma militant avec des ouvriers de la région de Besançon et de Sochaux entre 1967 et 1974, le nom du groupe étant un hommage au réalisateur soviétique Alexandre Medvedkine (1900-1989).
Le lecteur sait d’avance que toute biographie comprend une part de fiction, une forme d’interprétation inéluctable. Pour autant, il comprend que la scénariste a rencontré, interrogé, discuté avec quatre personnes ayant connu ou travaillé avec Mario Marret à chacune des périodes de sa vie. Certes, ainsi racontée, sa vie présente une cohérence dans son parcours, dans ses compétences, dans ses convictions et leur mise en œuvre, dans le concours de circonstances qui l’ont mené à chacune de ces quatre vies. Dans le même temps, le contexte social et politique est bien présent dans chaque phase, permettant au lecteur de projeter ses propres hypothèses, de se faire son idée personnelle à partir de ce qu’il voit. C’est l’une des grandes forces de ce choix narratif que de montrer plutôt que de commenter et d’expliciter, incitant ainsi le lecteur à se montrer participatif, à regarder avec curiosité les faits et gestes de cet homme si singulier. Il en vient d’ailleurs à regretter que les autrices n’aient allongé un peu leur ouvrage pour plus développer la partie relative à l’exercice de la psychanalyse.
Le texte de la quatrième de couverture expose des faits : espion anarchiste, explorateur polaire, cinéaste militant et psychanalyste. La bande dessinée fait la part belle à la narration visuelle, plus que d’habitude dans un ouvrage biographique, avec des dessins facilement lisibles, tout en contenant de nombreuses informations, à commencer par la reconstitution historique. Le contexte historique peut parfois demander au lecteur d’aller se renseigner plus avant pour mieux saisir les enjeux de telle situation, de tel choix, de telle action. Il en ressort avec une admiration sincère pour le parcours de cet homme, ses capacités, ses engagements, ses convictions, et la part d’aventures. Formidable.
Léonarde, fille du chef des armées du roi, rêve depuis longtemps que les humains, les leus et les goupils puissent enfin vivre en paix.
Les trois peuples se disputent le territoire depuis longtemps, semblent incapables de s'entendre et risquent à tout moment de réveiller le Houéran, l'entité protectrice de la forêt empêchant jusque là les conflits de prendre une tournure trop violente par peur d'une annihilation absolue et totale des trois partis aux mains dudit Houéran. Léonarde, désireuse de continuer le projet de sa mère d'un jour obtenir la paix entre les trois peuples, décide de voler un parchemin au prince qui lui permettrait, elle l'espère, de pouvoir communiquer avec les bêtes. Problème, plutôt que de lui permettre de parler aux bêtes le rituel lié au parchemin l'a directement mise dans la peau d'une bête, plus précisément dans la peau d'une goupile. Pensant d'abord avoir trouver un moyen parfait pour ouvrir des discussion entre les trois peuples, Léonarde va malheureusement constater par elle-même ce que la peur des autres inspire chez chacune des espèces, à commencer par ses anciens camarades les humains.
Un récit sur la peur et la haine des autres, sur les barrières du langage, une tension de guerre imminente, un cadre médiéval fantastique teinté de légendes bien franchouillardes, un dessin vif, simple et expressif, … Il n'y a pas à dire, ce ne sont pas les qualités qui manquent dans cette œuvre !
C'est typiquement le genre d'histoire que j'adorais dans ma jeunesse et mon enfance, mêlant aventure, situation socio-politique un minimum complexe et un propos sur l'humanité et la paix. Je dis que j'adorais ça avant mais j'apprécie toujours énormément ces récits, je veux dire par là que je suis persuadée que si j'avais eu cette BD entre les mains plus tôt j'aurais facilement pu en garder un souvenir impérissable pour de nombreuses décennies.
Je suis sans doute hyperbolique dans mon appréciation, mais ce genre de récit simple mais plus complexe qu'en apparence, mêlant action vive et propos réfléchis et surtout maîtrisant une forme fluide et un rythme entraînant, ce sont toujours des histoires qui me plaisent énormément. Je suis une grande-enfant et je n'ai pas honte de le dire !
Un très bon récit pouvant plaire à tout âge je pense !
PS : le petit 1 sur la tranche me laisse penser qu'il y aura peut-être une suite, si c'est bien le cas je l'attend avec impatience (surtout si elle se montre de la même qualité que cet album-ci).
----- Mise à jour du 29/08/2025 -----
Eh beh j'avais raison !
V'là t'y pas qu'en visitant ma librairie préférée ce matin je tombe sur le tome 2 !
Dans cette nouvelle aventure, un an après la paix rétablie dans leur pays, l'alliance des humains, des leus et des goupils décide d'envoyer une mission diplomatique dans le royaume voisin qui souffre lui aussi d'un terrible conflit inter-espèce. Léonarde et ses ami-e-s vont donc devoir tenter de répéter l'impossible et de trouver le moyen de faire cesser les conflits de la manière la plus pacifiste possible. Mais quand les tensions, les crimes et les griefs sont nombreux, ce n'est pas forcément chose facile…
J'ai retrouvé dans cet album ce qui m'avait tant charmé dans le premier, à savoir le dessin mignon et expressif, l'action vive, le récit entraînant et surtout le traitement sérieux des conflits géopolitiques à hauteur d'enfants. C'est drôle, prenant, agréable à tout âge, bref j'aime toujours aussi bien.
Je serais là pour la suite (s'il y a) !
J'ai découvert cette BD sur l'avis de Mac Arthur et je ne peux qu'abonder en son sens, cette BD est une petite réussite.
Basée sur la vraie vie de Otama, femme japonaise ayant épousée un sicilien et l'ayant suivi jusqu'à Palerme où elle resta pratiquement toute sa vie, la BD va faire le lien entre sa vieillesse lors du retour au Japon dans les années 30, avec les difficultés sociales et politiques, tout en remontant le fil de sa vie. Et l'ensemble se tient particulièrement bien. Son récit est parsemée de divers détails qui font mouche et cernent le personnage dans toute sa complexité, allant jusqu'à une interview de femme moderne qui sortira bien étonnée de la rencontre. En fait, bien des personnages auront une vision de cette femme, qui est simplement elle-même, sans rien d'autre.
C'est assez difficile de parler de la BD sans trop en dire, mais elle est servie par un dessin qui est parfaitement en adéquation, avec une douceur dans les traits et les regards. Et l'ensemble se tient parfaitement bien, notamment parce qu'on suit réellement le personnage, dans ses forces et ses faiblesses, tout en restant à hauteur d'humain. C'est poétique, parfois triste et dramatique, mais avec une complexité d'ensemble qui se tient. L'histoire ne s'éloigne jamais vraiment de son héroïne mais fait quelques écarts légers avec la famille de l'enfant qui lui parle, montrant le Japon des années 30 que Otama redécouvre et toute la complexité qui le caractérise.
Une très belle BD, simple et claire dans sa lecture, mais qui a fait parfaitement bien son récit. C'est une lecture que je ne peux que recommander !
Comme beaucoup de BD du même type, il faut éviter de tout lire en un seul tenant, sinon c'est l'overdose, comme avec les chamallows.
L'humour reste assez gentillet et surtout absurde, mais pas très convenable pour de jeunes enfants, mais un poil en dessous pour des adultes.
Les dessins ne sont pas bâclés et sont agréables à l'œil dans le style ''rond''. En clair, c'est tout bon dans le genre.
Un truc curieux, il y a un 2 en haut à droite de la couverture, alors qu'il semble qu'il n'y ait qu'un seul volume. Dommage, j'en aurais bien lu d'autres. Il m'arrive de relire de temps à autre cet album sans me lasser, ce qui est un signe positif.
J'aime beaucoup tout ce que fait Trif en général, et j'approuve son idée récente de faire ses récits en deux formes, une sage et tout public de 48 pages et une version chez Tabou qui se permet de déshabiller les gens. Même si, très franchement, il faut dire qu'a assez peu de choses qui méritent de classer cette ouvrage chez Tabou.
En effet, la BD reste assez sage dans son traitement visuel. Trif a son coup de crayon et n'en démord pas, avec une certaine façon de représenter les femmes dénudées qui se retrouve d'un album à l'autre mais pour le reste il s'ingénie à détailler les vêtements, intérieurs et décors de son récit, ce qui fait plaisir. Il ne brille pas d'excellence mais arrive toujours à faire son travail visuel, avec une colorisation qui rehausse légèrement l'ensemble sans jamais faire tâche. Un dessin maitrisé qui se permet de jouer sur les cadrages et les planches, variant les positions et les tailles des cases sans jamais nuire au confort de lecture. Vraiment, je le redis mais son dessin est efficace à chaque fois !
Maintenant niveau histoire, c'est du classique roman de cape et d'épée avec une femme qui se travestit en homme. Et franchement, ça passe nickel ! Le scénario se déroule sans temps mort, agrémenté de ces passes d'armes à la rapière qui font très cinématographique. Trif nous fait un scénario classique, certes, mais prenant et aux multiples protagonistes qui ont tous de l'intérêt et pour l'histoire et pour le lecteur. L'antagoniste n'est pas un méchant monolithique et se trouve au centre d'une toile d'intrigue qui prend progressivement forme. C'est assez linéaire mais pas cousu de fil blanc et j'avoue ne pas être certain de là où ça nous mène.
Bref, un début de série qui part très bien, je suis preneur de la suite dès qu'elle sortira !
Pour ma part, cette série est excellente, ... oui je suis Bruxellois ... et un certain âge ... Retrouver Bruxelles, au travers des cases, refaire un itinéraire bien connu avec Robert Sax, est toujours un bon moment, bien agréable... Sans oublier les scénarios qui n'ont rien à envier à d'autres auteurs ... Dommage le Tome 6 tarde à paraître. Des raisons d'espérer ? Pourvu que !
Je pense que cela ferait plaisir à pas mal de lecteurs. Merci en tous cas pour ces 5 premiers tomes, Patrick.
Duchazeau a déjà à plusieurs reprises publié des albums montrant son amour de la musique. En particulier celle de l’Amérique profonde, surtout le blues, avec entre autres Le Rêve de Meteor Slim ou Lomax - Collecteurs de Folk Songs. Il poursuit ici avec cette biographie amoureuse de Robert Johnson.
J’avais suivi sur divers forums à l’époque les mésaventures des planches originales (j’imagine l’angoisse de Duchazeau, jusqu’à ce qu’il retrouve les planches qu’on lui avait volé !). Cet épisode a sans doute accentué l’attente autour de cet album.
Bénéficiant d’un très beau travail éditorial de la part de Sarbacane, cet album met clairement en avant le talent graphique de Duchazeau. J’aime vraiment beaucoup son Noir et Blanc, qui alterne de façon heureuse partie très précises (certains décors, voitures, etc.) et personnages plus esquissés – plus ou moins. On passe dans une même planche de la quasi épure d’un script à quelque chose de très élaboré. En tout cas ce trait faussement hésitant, comme « lâché » au fil d’une inspiration rageuse ou rêveuse est pour beaucoup dans le plaisir ressenti à la lecture de cette biographie.
Une biographie très décousue, dans laquelle les flash-backs sur la jeunesse de Johnson s’invitent au cœur de ses déambulations. Mais le dessin « pris sur le vif » et le caractère décousu de la narration collent parfaitement au personnage de Johnson, qui brûle la vie par tous les bouts, qui est constamment à la recherche de ses origines (son père), de femmes, d’alcool et d’endroits et moments pour chanter et jouer son « blues ». On peut dire que Johnson incarne dans toutes ses acceptation ce blues, et que Duchazeau lui a ici rendu un bien bel hommage.
Car Johnson, Noir vivant dans le sud ultra raciste, n’a jamais connu la gloire de son vivant (Duchazeau s’amuse à faire se croiser sans se rencontrer Johnson et les deux New-yorkais le cherchant pour un spectacle au Carnegie Hall, où il ne sera finalement présent qu’à titre posthume, deux musiques de lui étant jouées au gramophone).
Finir par cette scène et quelques notes/paroles de Johnson permet à Duchazeau d’entretenir l’immortalité d’un homme qui a toujours vécu l’instant à fond (avec les femmes, l’alcool, les copains, la musique), qui a toujours voulu rester digne (presque dandy avec ses maigres moyens).
Un très bel album.
Il y a de la magie dans ce comics.
L'adaptation du roman "Les sorciers de Terremer" d'Ursula K. Le Guin. Un roman considéré comme un classique de la fantasy et de la littérature jeunesse. Et le premier volume du cycle Terremer.
L'objet en lui-même est de qualité, mais j'aurais préféré un format plus grand (seulement 173 x 243 mm).
La BD commence par une carte des différentes iles constituants Terremer, puis par une préface du fils de l'autrice.
Ensuite place au récit, il aura pour personnage central un jeune garçon de condition modeste, il deviendra le plus grand des magiciens. Un jeune garçon aux différents noms : Dunny (celui de son enfance), Épervier (son nom de magicien) et enfin Ged (son nom véritable).
Dunny va intégrer une école de magie (elle n'a rien avoir avec Poudlard) où il va apprendre et apprendre. Une école austère où on peut entendre une mouche voler. La magie y est traitée de manière intelligente, elle demande patience, humilité et travail.
Un récit qui prend le temps de développer l'évolution psychologique d'Épervier, entre culpabilité (il a fait apparaître une entité malveillante) et recherche d'identité, tout en faisant du pouvoir, de la fine frontière entre le bien et le mal, les thèmes principaux de cette histoire .
L'histoire est captivante, les personnages sont tous intéressants et la narration est maîtrisée, elle permet de profiter des sublimes textes d'Ursula K. Le Guin. Ne vous attendez pas à de la fantasy violente avec des scènes de combats sanglants, mais plutôt à une fantasy qui tend vers le récit philosophique. Être capable de donner le vrai nom des êtres vivants, ne serait-ce pas la clé du pouvoir ?
Une quête intérieure mâture, complexe et touchante.
Pour la partie graphique, j'ai été sous le charme des planches qui nous dévoilent ce monde d'eau où quelques îles émergent ci et là. Surtout celles où le texte est absent, un certain onirisme s'en dégage. La colorisation lumineuse à l'aquarelle est magnifique. Le passage avec les dragons dans la brume est superbe.
Par contre, les plans serrés sur les personnages et ceux de nuit manquent de lisibilité, il n'est pas toujours évident de savoir qui est qui, le choix de couleurs sombres dans les mêmes tons n'est pas judicieux. Le seul point négatif à mes yeux.
Fred Fordham a su retranscrire l'essence du roman.
Je serai du voyage pour une seconde adaptation.
BD étonnante, sorte de délire méta sur la BD, sur la création et l'artiste, le tout dans un enrobage pop et gore, rappelant bien sur des BD américaines comme les fameux Tales of the Crypt et les comics pulp des années 50. Ça gicle, ça éclabousse, ça saigne et ça défonce à tout va, dans la joie et la bonne humeur !
Cette BD est un objet étonnant en lui-même, puisque cette Lucy Loyd n'existe pas (et qu'il n'est pas certain de la nature exact de l'auteur), tout en proposant une BD qui se contient elle-même, proposant une réflexion sur le média en lui-même. Au-delà de chaque histoire pulp avec une chute bien amenée et parfois très amusante, et surtout surprenante, il y a une trame principale reliant le tout, avec Lucy Loyd qui contrôle la narration et fait patienter les personnages, le tout étant finalement relié d'un bout à l'autre par une narration qui fait tout rejoindre, y compris des détails parfois anodins qui ont un payement final. A ce titre, la dernière histoire du petit crocodile en plastique est jouissive sur le rebouclage de narration.
L'histoire est servie par le dessin, graphique et coloré dans la veine comics, mais toujours bien faite notamment dans la mise en page (comme les doubles pages) et avec l'attention aux détails qui fait la différence. C'est graphique, très graphique, mais ça marche du tonnerre y compris dans les variations de style (banlieue américaine, appart minables, ouest enneigé, etc ...). L'objet BD est très bien travaillé, avec cette dédicace finale en forme de pied de nez ultime d'un.e narrateur-trice qui nous dit qu'au final, c'est toujours lui-elle qui a le contrôle sur l'histoire, jusqu'au bout.
Une BD étonnante, il faut le dire, assez vite lu mais avec ce petit détail qui fait la différence. Recommandée !
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Les Nouvelles aventures du Chat Botté
Que les amateur-ice-s de métafictions et les fanatiques du bon mot se réjouissent, le récit ici présent est une jolie explosion de créativité ! J'adore la métafiction, les récits où la dimension fictive/factice est conscientisée par l'auteur-ice, par les personnages, où l'on invite lae lecteur-ice/spectateur-ice à activement participer en réfléchissant sincèrement et profondément sur ce qui est dit. Pas de fainéantise quand on joue avec les codes. Alors un récit mélant personnages de contes et de fables, ruses et idioties, facilités scénaristiques assumées et ambitieux passages narratifs, moi je ne peux que l'apprécier. Il me serait difficile de pleinement résumer l'intrigue, celle-ci étant volontairement (et sans doute inutilement) sinueuse, d'ailleurs les personnages eux-même redoutent sans cesse les décisions de l'autrice ("Quel fléau que cette donzelle !"). Sachez juste que cette histoire se passe au milieu d'autres, avant le mot fin, dans une nouvelle aventure qui n'aurait jamais été racontée ni par Perrault ni par La Fontaine (ou tout autre quidam similaire), une étrange histoire de montagne, de souris et d'ogre, de débats sémantiques sur les paraboles, d'entourloupes et de voyages éliptiques. Bref, je m'étale, je m'étale. Difficile de bien parler de cet album. Peut-être devrais-je cesser de m'étaler dans des répétitions inutiles et des pinaillages accessoires dans mes avis ? Peut-être même me faudrait-il repartir en arrière pour changer de nouveau mon précédent paragraphe et faire comme si de rien n'était ? Peut-être. Mais on va dire qu'au final les bafouillages importent peu. Les dessins de Nancy Peña sont, là aussi, de très bonne facture. J'avoue avoir eu besoin d'un court temps d'adaptation pour les bouches de nos protagonistes animaliers (je ne sais pas vraiment pourquoi, les grosses lèvres ont créé un blocage chez moi) mais une fois cela passé je n'ai rien trouvé à redire. Certain-e-s pourraient regretter une forme trop confuse, je la trouve au contraire finement menée, fluide à lire et j'apprécie que l'autrice profite pleinement des codes de la mise en page de l'album en lui-même. Non seulement l'autrice s'amuse avec les codes narratifs propres à la fiction, mais en plus elle se permet de foutre le boxon dans les belles règles propres au neuvième art ! On oublie les cases, les personnages se baladent n'importent où, on se permet même de faire demi-tour quelques fois et de briser le quatrième mur en alpaguant directement lae lecteur-ice ou en jouant avec la pagination et les ellipses. Bref, un joli foutoir volontaire qui se révèle en réalité savamment travaillé. Comme répété plusieurs fois déjà dans mon avis, cette série (ou album si vous avez l'intégrale) est un petit bijoux de métafiction créant et maintenant un agréable sentiment de connivence chez toute personne amatrice de contes, fables, paraboles, et tout simplement de récits en général. Un album marquant, drôle et bien écrit qui mérite amplement la note maximale à mes yeux.
Quatre vies de Mario Marret
L’indépendance, pour quoi faire ? - Ce tome contient une histoire complète, de nature biographique, ne nécessitant pas de connaissances préalables sur la vie de Mario Marret (1920-2000). Son édition originale date de 2023. Il a été réalisé par Nina Alamberg pour le scénario, et par Laure Guillebon pour les dessins et les couleurs. Il comprend cent-soixante-quatre pages de bande dessinée. Il se termine avec une postface d’une page rédigée par la scénariste en novembre 2022, quatre pages de photographies montrant Marret, une bibliographie de trois ouvrages pour en savoir plus, la filmographie que Marret, un article de l’historien Tangui Perron intitulé Bruno et Mario (ou de quelques transports amicaux au temps de l’internationalisme communiste et tiers-mondiste), un court paragraphe sur Suzanne Zedet, un autre sur Amílcar Cabral, et un autre pour chacune des autrices. À Clermont-Ferrand, à l’hiver 1936, le jeune Mario Marret, encore adolescent, se rend à l’atelier de serrurerie de son employeur. Il passe devant une affiche du SIA / Solidarité Internationale Antifasciste, qui enjoint à ne pas oublier leurs frères et leurs sœurs d’Espagne qui se battent avec courage contre le fascisme. Elle porte également l’information d’une réunion de soutien à la maison du peuple, ce quinze novembre 1936, place de la Liberté, à Clermont-Ferrand. Il arrive à destination et rentre dans l’atelier. Le patron rappelle à l’apprenti qu’un ouvrier soigneux range ses outils à la fin de la journée. Il continue : à l’âge de Mario ce n’est pas pour le client qu’il travaille, c’est pour lui. Il le rassure : on ne mange pas autant d’argent qu’il croit à recommencer. La journée se passe à travailler, et enfin Mario met toutes ses affaires dans le tiroir pour les ranger, mais en vrac. Il dit au revoir à son patron, et il se rend à la réunion qui se tient à la maison du Peuple. Devant, il y retrouve un copain un peu plus âgé qui l’attend. À la maison du Peuple, la réunion a déjà commencé, et un orateur a pris la parole : Le Front Populaire leur a promis le pain, la paix et la liberté, mais comment croire à sa paix lorsqu’il laisse un peuple frère sans défense de l’autre côté des Pyrénées ? Oui, il l’affirme : le Front Populaire laisse les prolétaires espagnols sans défense devant le fascisme. Il en appelle à la mobilisation des personnes présentes pour leur apporter leur aide, et il entonne le slogan : Des canons, des avions pour l’Espagne ! Vive l’anarchie ! Slogan repris par tous les présents. Ceux-ci échangent ensuite quelques paroles en Espéranto. Puis Mario quitte la réunion et se rend chez le médecin. Il a décidé de se faire opérer pour une vasectomie. Il ne veut pas procréer dans ce monde pourri. Au printemps 1939, Mario Marret a dix-neuf ans, il est en route vers les Pyrénées orientales. Il se mêle aux milliers de camarades espagnols contraints de traverser les Pyrénées avec la victoire de Franco. En juin 1939, les Républicains espagnols fuient leur pays devant l’avancée des troupes de Franco. De 100.000 à 200.000 sont parqués dans le camp d’Argelès-sur-Mer. Livrés à eux-mêmes sans le soutien des autorités françaises, leurs conditions de vie sont terribles. Le texte de la quatrième de couverture informe que : Mario Marret a été espion anarchiste, explorateur polaire, cinéaste militant et psychanalyste. Le récit de sa vie commence en 1936, alors qu’il a seize ans et qu’il est en apprentissage, et déjà militant. Le contexte, sans être détaillé dans ces pages, est celui de guerre civile espagnole, un conflit opposant les Républicains (socialistes, communistes, marxistes et anarchistes) aux nationalistes menés par le général Francisco Franco (1892-1975). Les autrices ont choisi de focaliser leur narration sur Marret, sans transformer la bande dessinée en cours d’histoire. Pour autant, elle mentionne les conflits et les mouvements nationaux. La seconde guerre mondiale, les expéditions polaires françaises créées par l’ethnologue français Paul-Émile Victor (1907-1995), les maquis de la Guinée portugaise en 1966 et Amílcar Cabral (1924-1973) fondateur du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert, la grève des ouvriers de l’usine Rhodiacéta à Besançon au printemps 1967 et le film réalisé par Chris Marker (1921-2012, Christian Bouche-Villeneuve), l’apport de Jacques Lacan (1912-1982) psychiatre et psychanalyste français. Dans les pages en fin de tome, le lecteur peut en apprendre plus sur Suzanne Zedet (héroïne de Classe de lutte, le deuxième film du Groupe Medvedkine de Besançon), Amílcar Cabral, et sur l’internationalisme communiste et tiers-mondiste. Un ouvrage de nature biographique : le lecteur se prépare à des pages denses, chargées en texte pour un fort volume d’informations, comme il est souvent de mise dans ce genre. Il comprend rapidement que les autrices ont choisi de consacrer un chapitre à chacune des quatre vies de cet homme. La bande dessinée s’ouvre avec une illustration en pleine page et en couleurs, une vue des toits d’un quartier de Clermont-Ferrand, avec uniquement l’année, et le nom de la ville. Puis viennent des pages avec peu de dialogues, où les cases racontent l’histoire en la montrant. La proportion de dialogue se densifie un peu lors de la réunion de soutien, tout en restant à un niveau de BD classique. L’artiste réalise des dessins dans un registre de nature réaliste et descriptif, très facile à lire, tout en comportant une bonne densité d’informations visuelles. Il s’avère qu’il y a peu de pages en couleurs, la majorité du récit étant en nuance de gris. Les pages en couleurs sont au nombre de dix : les toits de Clermont-Ferrand, une vue sur la rade d’Alger, un bateau pilote guidant le navire Commandant Charcot en partance pour expédition dans l’Antarctique, Mario contemplant une aurore boréale, les spectateurs arrivant à la salle où se tient la réunion de la Deuxième semaine de la pensée marxiste à Besançon, Mario marchant seul et s’allongeant à même la roche pour contempler le ciel, Mario posant sa valise et ouvrant les volets de sa villa à Rustrel, un chat allongé au soleil sur un carrelage au milieu de plein d’outils, un voilier blanc passant devant un énorme complexe industriel portuaire, Mario en train de trinquer avec un ami à Rustrel dans le Lubéron. Il s’agit le plus souvent d’illustration en pleine page, avec des couleurs chaudes du soleil (un peu plus froides pour l’aurore boréale), comme des moments hors du temps que Mario peut savourer à loisir. De fait, la narration visuelle s’avère douce et agréable, détaillée et immédiatement assimilable. Elle fait œuvre de reconstitution historique de manière discrète et normale, que ce soit pour les tenues vestimentaires, les éléments technologiques, ou encore les moyens de déplacement. Régulièrement, le lecteur savoure une planche avec ses cases sagement en bande, et sans un seul mot. Un groupe de jeunes hommes allant dynamiter un calvaire, Mario en opérateur radio fuyant sa planque en passant par la fenêtre, Mario souffrant d’un mal de mer carabiné, la marche des manchots en Terre Adélie, de tout jeunes hommes défilant avec leur fusil en Guinée portugaise, un groupe de trois personnes à la manœuvre sur un catamaran, etc. La dessinatrice fournit un travail remarquable pour montrer les occupations du personnage, en particulier en ce qui concerne le démontage et le remontage d’appareils radio ou de caméras. Le lecteur se retrouve ainsi aux côtés de Mario Marret se livrant à ses activités aussi bien en Antarctique qu’en Afrique, ou dans une salle de projection aux côtés de Paul-Émile Victor pour l’avant-première de son documentaire Terre Adélie (26 min, mention à la XIIIe Mostra de Venise en 1952), ou dans une salle de réunion avec des ouvriers en présence de Jean-Luc Godard (1930-2022) et Chris Marker. Le lecteur commence par suivre un jeune anarchiste qui s’engage comme radio dans l’armée en cohérence avec ses convictions de soutenir les prolétaires espagnols, qui est capturé et tabassé, voire torturé, par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale étant accusé de travailler pour l’OSS, qui participe à une expédition en Antarctique remplaçant au pied levé le cameraman décédé, etc. Le caractère incroyable de cette trajectoire de vie apparaît avec plus de force si le lecteur est familier des événements historiques et sociaux évoqués, ou s’il va compléter sa connaissance sur ces sujets. La scénariste indique dans la postface qu’elle est historienne de formation et qu’elle s’est passionnée très tôt pour le cinéma militant. Pour retracer une vie aussi riche, elle a dû faire des choix dans ce qu’elle évoque. Pour autant, le lecteur ressent bien les références sous-jacentes implicites ou parfois juste nommées. Le prix du film de nature remporté par le court-métrage Aptenodytes forsteri (16 min) au festival de Cannes de 1954. Le groupe Mevedkine juste mentionné, c’est-à-dire une expérience sociale audiovisuelle associant des réalisateurs et techniciens du cinéma militant avec des ouvriers de la région de Besançon et de Sochaux entre 1967 et 1974, le nom du groupe étant un hommage au réalisateur soviétique Alexandre Medvedkine (1900-1989). Le lecteur sait d’avance que toute biographie comprend une part de fiction, une forme d’interprétation inéluctable. Pour autant, il comprend que la scénariste a rencontré, interrogé, discuté avec quatre personnes ayant connu ou travaillé avec Mario Marret à chacune des périodes de sa vie. Certes, ainsi racontée, sa vie présente une cohérence dans son parcours, dans ses compétences, dans ses convictions et leur mise en œuvre, dans le concours de circonstances qui l’ont mené à chacune de ces quatre vies. Dans le même temps, le contexte social et politique est bien présent dans chaque phase, permettant au lecteur de projeter ses propres hypothèses, de se faire son idée personnelle à partir de ce qu’il voit. C’est l’une des grandes forces de ce choix narratif que de montrer plutôt que de commenter et d’expliciter, incitant ainsi le lecteur à se montrer participatif, à regarder avec curiosité les faits et gestes de cet homme si singulier. Il en vient d’ailleurs à regretter que les autrices n’aient allongé un peu leur ouvrage pour plus développer la partie relative à l’exercice de la psychanalyse. Le texte de la quatrième de couverture expose des faits : espion anarchiste, explorateur polaire, cinéaste militant et psychanalyste. La bande dessinée fait la part belle à la narration visuelle, plus que d’habitude dans un ouvrage biographique, avec des dessins facilement lisibles, tout en contenant de nombreuses informations, à commencer par la reconstitution historique. Le contexte historique peut parfois demander au lecteur d’aller se renseigner plus avant pour mieux saisir les enjeux de telle situation, de tel choix, de telle action. Il en ressort avec une admiration sincère pour le parcours de cet homme, ses capacités, ses engagements, ses convictions, et la part d’aventures. Formidable.
Léonarde
Léonarde, fille du chef des armées du roi, rêve depuis longtemps que les humains, les leus et les goupils puissent enfin vivre en paix. Les trois peuples se disputent le territoire depuis longtemps, semblent incapables de s'entendre et risquent à tout moment de réveiller le Houéran, l'entité protectrice de la forêt empêchant jusque là les conflits de prendre une tournure trop violente par peur d'une annihilation absolue et totale des trois partis aux mains dudit Houéran. Léonarde, désireuse de continuer le projet de sa mère d'un jour obtenir la paix entre les trois peuples, décide de voler un parchemin au prince qui lui permettrait, elle l'espère, de pouvoir communiquer avec les bêtes. Problème, plutôt que de lui permettre de parler aux bêtes le rituel lié au parchemin l'a directement mise dans la peau d'une bête, plus précisément dans la peau d'une goupile. Pensant d'abord avoir trouver un moyen parfait pour ouvrir des discussion entre les trois peuples, Léonarde va malheureusement constater par elle-même ce que la peur des autres inspire chez chacune des espèces, à commencer par ses anciens camarades les humains. Un récit sur la peur et la haine des autres, sur les barrières du langage, une tension de guerre imminente, un cadre médiéval fantastique teinté de légendes bien franchouillardes, un dessin vif, simple et expressif, … Il n'y a pas à dire, ce ne sont pas les qualités qui manquent dans cette œuvre ! C'est typiquement le genre d'histoire que j'adorais dans ma jeunesse et mon enfance, mêlant aventure, situation socio-politique un minimum complexe et un propos sur l'humanité et la paix. Je dis que j'adorais ça avant mais j'apprécie toujours énormément ces récits, je veux dire par là que je suis persuadée que si j'avais eu cette BD entre les mains plus tôt j'aurais facilement pu en garder un souvenir impérissable pour de nombreuses décennies. Je suis sans doute hyperbolique dans mon appréciation, mais ce genre de récit simple mais plus complexe qu'en apparence, mêlant action vive et propos réfléchis et surtout maîtrisant une forme fluide et un rythme entraînant, ce sont toujours des histoires qui me plaisent énormément. Je suis une grande-enfant et je n'ai pas honte de le dire ! Un très bon récit pouvant plaire à tout âge je pense ! PS : le petit 1 sur la tranche me laisse penser qu'il y aura peut-être une suite, si c'est bien le cas je l'attend avec impatience (surtout si elle se montre de la même qualité que cet album-ci). ----- Mise à jour du 29/08/2025 ----- Eh beh j'avais raison ! V'là t'y pas qu'en visitant ma librairie préférée ce matin je tombe sur le tome 2 ! Dans cette nouvelle aventure, un an après la paix rétablie dans leur pays, l'alliance des humains, des leus et des goupils décide d'envoyer une mission diplomatique dans le royaume voisin qui souffre lui aussi d'un terrible conflit inter-espèce. Léonarde et ses ami-e-s vont donc devoir tenter de répéter l'impossible et de trouver le moyen de faire cesser les conflits de la manière la plus pacifiste possible. Mais quand les tensions, les crimes et les griefs sont nombreux, ce n'est pas forcément chose facile… J'ai retrouvé dans cet album ce qui m'avait tant charmé dans le premier, à savoir le dessin mignon et expressif, l'action vive, le récit entraînant et surtout le traitement sérieux des conflits géopolitiques à hauteur d'enfants. C'est drôle, prenant, agréable à tout âge, bref j'aime toujours aussi bien. Je serais là pour la suite (s'il y a) !
La Vie d’Otama
J'ai découvert cette BD sur l'avis de Mac Arthur et je ne peux qu'abonder en son sens, cette BD est une petite réussite. Basée sur la vraie vie de Otama, femme japonaise ayant épousée un sicilien et l'ayant suivi jusqu'à Palerme où elle resta pratiquement toute sa vie, la BD va faire le lien entre sa vieillesse lors du retour au Japon dans les années 30, avec les difficultés sociales et politiques, tout en remontant le fil de sa vie. Et l'ensemble se tient particulièrement bien. Son récit est parsemée de divers détails qui font mouche et cernent le personnage dans toute sa complexité, allant jusqu'à une interview de femme moderne qui sortira bien étonnée de la rencontre. En fait, bien des personnages auront une vision de cette femme, qui est simplement elle-même, sans rien d'autre. C'est assez difficile de parler de la BD sans trop en dire, mais elle est servie par un dessin qui est parfaitement en adéquation, avec une douceur dans les traits et les regards. Et l'ensemble se tient parfaitement bien, notamment parce qu'on suit réellement le personnage, dans ses forces et ses faiblesses, tout en restant à hauteur d'humain. C'est poétique, parfois triste et dramatique, mais avec une complexité d'ensemble qui se tient. L'histoire ne s'éloigne jamais vraiment de son héroïne mais fait quelques écarts légers avec la famille de l'enfant qui lui parle, montrant le Japon des années 30 que Otama redécouvre et toute la complexité qui le caractérise. Une très belle BD, simple et claire dans sa lecture, mais qui a fait parfaitement bien son récit. C'est une lecture que je ne peux que recommander !
Lobo Tommy
Comme beaucoup de BD du même type, il faut éviter de tout lire en un seul tenant, sinon c'est l'overdose, comme avec les chamallows. L'humour reste assez gentillet et surtout absurde, mais pas très convenable pour de jeunes enfants, mais un poil en dessous pour des adultes. Les dessins ne sont pas bâclés et sont agréables à l'œil dans le style ''rond''. En clair, c'est tout bon dans le genre. Un truc curieux, il y a un 2 en haut à droite de la couverture, alors qu'il semble qu'il n'y ait qu'un seul volume. Dommage, j'en aurais bien lu d'autres. Il m'arrive de relire de temps à autre cet album sans me lasser, ce qui est un signe positif.
La Duelliste (Tabou)
J'aime beaucoup tout ce que fait Trif en général, et j'approuve son idée récente de faire ses récits en deux formes, une sage et tout public de 48 pages et une version chez Tabou qui se permet de déshabiller les gens. Même si, très franchement, il faut dire qu'a assez peu de choses qui méritent de classer cette ouvrage chez Tabou. En effet, la BD reste assez sage dans son traitement visuel. Trif a son coup de crayon et n'en démord pas, avec une certaine façon de représenter les femmes dénudées qui se retrouve d'un album à l'autre mais pour le reste il s'ingénie à détailler les vêtements, intérieurs et décors de son récit, ce qui fait plaisir. Il ne brille pas d'excellence mais arrive toujours à faire son travail visuel, avec une colorisation qui rehausse légèrement l'ensemble sans jamais faire tâche. Un dessin maitrisé qui se permet de jouer sur les cadrages et les planches, variant les positions et les tailles des cases sans jamais nuire au confort de lecture. Vraiment, je le redis mais son dessin est efficace à chaque fois ! Maintenant niveau histoire, c'est du classique roman de cape et d'épée avec une femme qui se travestit en homme. Et franchement, ça passe nickel ! Le scénario se déroule sans temps mort, agrémenté de ces passes d'armes à la rapière qui font très cinématographique. Trif nous fait un scénario classique, certes, mais prenant et aux multiples protagonistes qui ont tous de l'intérêt et pour l'histoire et pour le lecteur. L'antagoniste n'est pas un méchant monolithique et se trouve au centre d'une toile d'intrigue qui prend progressivement forme. C'est assez linéaire mais pas cousu de fil blanc et j'avoue ne pas être certain de là où ça nous mène. Bref, un début de série qui part très bien, je suis preneur de la suite dès qu'elle sortira !
Robert Sax
Pour ma part, cette série est excellente, ... oui je suis Bruxellois ... et un certain âge ... Retrouver Bruxelles, au travers des cases, refaire un itinéraire bien connu avec Robert Sax, est toujours un bon moment, bien agréable... Sans oublier les scénarios qui n'ont rien à envier à d'autres auteurs ... Dommage le Tome 6 tarde à paraître. Des raisons d'espérer ? Pourvu que ! Je pense que cela ferait plaisir à pas mal de lecteurs. Merci en tous cas pour ces 5 premiers tomes, Patrick.
Les Derniers Jours de Robert Johnson
Duchazeau a déjà à plusieurs reprises publié des albums montrant son amour de la musique. En particulier celle de l’Amérique profonde, surtout le blues, avec entre autres Le Rêve de Meteor Slim ou Lomax - Collecteurs de Folk Songs. Il poursuit ici avec cette biographie amoureuse de Robert Johnson. J’avais suivi sur divers forums à l’époque les mésaventures des planches originales (j’imagine l’angoisse de Duchazeau, jusqu’à ce qu’il retrouve les planches qu’on lui avait volé !). Cet épisode a sans doute accentué l’attente autour de cet album. Bénéficiant d’un très beau travail éditorial de la part de Sarbacane, cet album met clairement en avant le talent graphique de Duchazeau. J’aime vraiment beaucoup son Noir et Blanc, qui alterne de façon heureuse partie très précises (certains décors, voitures, etc.) et personnages plus esquissés – plus ou moins. On passe dans une même planche de la quasi épure d’un script à quelque chose de très élaboré. En tout cas ce trait faussement hésitant, comme « lâché » au fil d’une inspiration rageuse ou rêveuse est pour beaucoup dans le plaisir ressenti à la lecture de cette biographie. Une biographie très décousue, dans laquelle les flash-backs sur la jeunesse de Johnson s’invitent au cœur de ses déambulations. Mais le dessin « pris sur le vif » et le caractère décousu de la narration collent parfaitement au personnage de Johnson, qui brûle la vie par tous les bouts, qui est constamment à la recherche de ses origines (son père), de femmes, d’alcool et d’endroits et moments pour chanter et jouer son « blues ». On peut dire que Johnson incarne dans toutes ses acceptation ce blues, et que Duchazeau lui a ici rendu un bien bel hommage. Car Johnson, Noir vivant dans le sud ultra raciste, n’a jamais connu la gloire de son vivant (Duchazeau s’amuse à faire se croiser sans se rencontrer Johnson et les deux New-yorkais le cherchant pour un spectacle au Carnegie Hall, où il ne sera finalement présent qu’à titre posthume, deux musiques de lui étant jouées au gramophone). Finir par cette scène et quelques notes/paroles de Johnson permet à Duchazeau d’entretenir l’immortalité d’un homme qui a toujours vécu l’instant à fond (avec les femmes, l’alcool, les copains, la musique), qui a toujours voulu rester digne (presque dandy avec ses maigres moyens). Un très bel album.
Terremer
Il y a de la magie dans ce comics. L'adaptation du roman "Les sorciers de Terremer" d'Ursula K. Le Guin. Un roman considéré comme un classique de la fantasy et de la littérature jeunesse. Et le premier volume du cycle Terremer. L'objet en lui-même est de qualité, mais j'aurais préféré un format plus grand (seulement 173 x 243 mm). La BD commence par une carte des différentes iles constituants Terremer, puis par une préface du fils de l'autrice. Ensuite place au récit, il aura pour personnage central un jeune garçon de condition modeste, il deviendra le plus grand des magiciens. Un jeune garçon aux différents noms : Dunny (celui de son enfance), Épervier (son nom de magicien) et enfin Ged (son nom véritable). Dunny va intégrer une école de magie (elle n'a rien avoir avec Poudlard) où il va apprendre et apprendre. Une école austère où on peut entendre une mouche voler. La magie y est traitée de manière intelligente, elle demande patience, humilité et travail. Un récit qui prend le temps de développer l'évolution psychologique d'Épervier, entre culpabilité (il a fait apparaître une entité malveillante) et recherche d'identité, tout en faisant du pouvoir, de la fine frontière entre le bien et le mal, les thèmes principaux de cette histoire . L'histoire est captivante, les personnages sont tous intéressants et la narration est maîtrisée, elle permet de profiter des sublimes textes d'Ursula K. Le Guin. Ne vous attendez pas à de la fantasy violente avec des scènes de combats sanglants, mais plutôt à une fantasy qui tend vers le récit philosophique. Être capable de donner le vrai nom des êtres vivants, ne serait-ce pas la clé du pouvoir ? Une quête intérieure mâture, complexe et touchante. Pour la partie graphique, j'ai été sous le charme des planches qui nous dévoilent ce monde d'eau où quelques îles émergent ci et là. Surtout celles où le texte est absent, un certain onirisme s'en dégage. La colorisation lumineuse à l'aquarelle est magnifique. Le passage avec les dragons dans la brume est superbe. Par contre, les plans serrés sur les personnages et ceux de nuit manquent de lisibilité, il n'est pas toujours évident de savoir qui est qui, le choix de couleurs sombres dans les mêmes tons n'est pas judicieux. Le seul point négatif à mes yeux. Fred Fordham a su retranscrire l'essence du roman. Je serai du voyage pour une seconde adaptation.
Lucy Loyd's nightmare
BD étonnante, sorte de délire méta sur la BD, sur la création et l'artiste, le tout dans un enrobage pop et gore, rappelant bien sur des BD américaines comme les fameux Tales of the Crypt et les comics pulp des années 50. Ça gicle, ça éclabousse, ça saigne et ça défonce à tout va, dans la joie et la bonne humeur ! Cette BD est un objet étonnant en lui-même, puisque cette Lucy Loyd n'existe pas (et qu'il n'est pas certain de la nature exact de l'auteur), tout en proposant une BD qui se contient elle-même, proposant une réflexion sur le média en lui-même. Au-delà de chaque histoire pulp avec une chute bien amenée et parfois très amusante, et surtout surprenante, il y a une trame principale reliant le tout, avec Lucy Loyd qui contrôle la narration et fait patienter les personnages, le tout étant finalement relié d'un bout à l'autre par une narration qui fait tout rejoindre, y compris des détails parfois anodins qui ont un payement final. A ce titre, la dernière histoire du petit crocodile en plastique est jouissive sur le rebouclage de narration. L'histoire est servie par le dessin, graphique et coloré dans la veine comics, mais toujours bien faite notamment dans la mise en page (comme les doubles pages) et avec l'attention aux détails qui fait la différence. C'est graphique, très graphique, mais ça marche du tonnerre y compris dans les variations de style (banlieue américaine, appart minables, ouest enneigé, etc ...). L'objet BD est très bien travaillé, avec cette dédicace finale en forme de pied de nez ultime d'un.e narrateur-trice qui nous dit qu'au final, c'est toujours lui-elle qui a le contrôle sur l'histoire, jusqu'au bout. Une BD étonnante, il faut le dire, assez vite lu mais avec ce petit détail qui fait la différence. Recommandée !