Est-ce si important de savoir pourquoi ?
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Il fait partie de la collection développée avec le musée d’Orsay. Son édition originale date de 2023. Il a été réalisé par Christophe Chabouté, pour le scénario et les dessins. Il comprend cent-quatre-vingt-six pages de bande dessinée en noir & blanc.
Au musée d’Orsay, une jeune fille avec des couettes lève la tête pour contempler une œuvre. Un monsieur ridé baisse ses lunettes pour mieux en voir une autre. Un couple de jeunes en regarde une autre sans rien laisser transparaître sur le visage. Un monsieur d’une trentaine d’années avec une veste, un foulard, une chevelure hirsute et une barbe se frotte le menton en regardant une œuvre. Une dame ridée, écharpe au cou se penche de côté pour mieux voir un détail. Un autre barbu en regarde une de très près, les sourcils froncés, le regard sévère. Un autre en costume et cravate noire a pris un peu de recul, les bras croisés. Puis en viennent encore une vingtaine d’autres, chacun avec leur attitude et leur posture, exprimant une part de leur personnalité, de leur comportement face à une œuvre d’art. Ils contemplent, qui l’autoportrait de Vincent van Gogh, qui le Chanteur florentin du XVe siècle de Paul Dubois, Anacréon d’Eugène Guillaume, Sapho de James Pradier, La pensée d’Aristide Maillol, La source de Jean-Auguste-Dominique Ingres, etc. Le flux incessant des visiteurs, des curieux de toute nature se déroule durant toute la journée. La grande horloge marque le temps et arrive six heures. Les couloirs et la grande galerie se vident progressivement. Les gardiens procèdent à la fermeture des portes. Le musée retrouve son calme, vide de toute présence humaine. Dehors la Seine coule paisiblement et sans bruit alors que la nuit commence à tomber et que les ténèbres commencent à envahir le musée d’Orsay.
À l’intérieur du musée il ne subsiste que les éclairages de sécurité, et quelques rais de lumière provenant de l’éclairage public ou de la Lune. Passé une heure du matin, dans ce grand calme, une silhouette passe dans un couloir, un tableau sous le bras. Vers une heure et quart, les ombres se sont quelque peu modifiées, toujours pas âme qui vive. Sans prévenir, un chien traverse une large allée, en silence. Une heure vingt-cinq, dehors un homme passe, promenant son chien en laisse. Le soleil se lève progressivement. Un oiseau quitte son perchoir sur l’une des cornes du Rhinocéros d’Henri-Alfred Jacquemart. Les visiteurs commencent à arriver pour entrer. Le musée d’Orsay ouvre ses portes, les uns et les autres reforment le ballet incessant devant les œuvres. Un regard se fixe plus particulièrement sur les mollets et les chaussures, établissant un panorama qui passe d’un pantalon avec des chaussures de ville, à un pantacourt avec chaussures souples, un bermuda avec des baskets, un short avec des chaussettes montant à mi-mollet, un pantalon à pois avec des chaussures de marche, un autre short et des chaussettes arrivant sous le genou, des escarpins et une robe descendant sous le genou, etc.
Voici une bande dessinée estampillée Musée d’Orsay, qui présente la particularité d’être publiée par un autre éditeur que Futuropolis, ce dernier semblant avoir développé un partenariat avec cet établissement et publié plusieurs œuvres comme Les Variations d'Orsay (2015) de Manuele Fior, L'Art d'en bas au musée d'Orsay: La fantastique collection Hippolyte de L'Apnée (2016) de Plonk & Replonk, Les Disparues d'Orsay (2017) de Stéphane Levallois, Moderne Olympia (2020) de Catherine Meurisse. Sa seconde particularité réside dans le nombre élevé de pages muettes : 114 pages dépourvues de tout mot, et soixante-douze avec des dialogues. Sa troisième caractéristique apparaît sous deux points de vue. Pour commencer, les premières pages présentent les visiteurs et leur comportement face aux œuvres d’art. Quand celles-ci commencent à être représenter dans les cases, elles ne sont pas nommées. En fonction de sa culture en la matière et de sa familiarité avec le musée d’Orsay, le ressenti du lecteur peut osciller entre la curiosité et la frustration, selon qu’il les identifie plus ou moins facilement. Il peut reconnaître Héraklès archer (1909) du sculpteur Antoine Bourdelle (1861-1929), l’Ours blanc (1922), de François Pompon (1855-1933), la Source (1820-56) de Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867).
En fonction de sa curiosité, il peut se renseigner plus avant et trouver les références pour les Coquelicots (1873) de Claude Monet (1840-1926), les Raboteurs de parquet (1875) de Gustave Caillebotte (1848-1894), Autoportrait (1879) de Vincent Van Gogh (1853-1890), Rhinocéros (1878) de Henri-Alfred Jacquemart (1824-1896), Méditerranée, dite aussi La Pensée (1923-1927) d’Aristide Maillol (1861-1944), les trente-six bustes des célébrités du Juste Milieu (1832-35) d’Honoré Daumier (1808-1879), l'Olympia (1863) d’Édouard Manet (1832-1883), l’Origine du Monde (1866) de Gustave Courbet (1819-1877), le Fifre (1866) d’Édouard Manet (1832-1883), L’asperge (1880) d’Édouard Manet (1832-1883), etc. Sur le moment, ou après coup avec des recherches, le lecteur reste impressionné par la capacité de l’artiste à reproduire l’apparence de ces œuvres d’art, qu’il s’agisse de sculptures ou de peintures.
Au fil des pages silencieuses, parfois en plan fixe, il ressort également très impressionné par la représentation des différentes zones du musée d’Orsay. À la lecture, les images en noir & blanc apparaissent simples et évidentes, descriptives avec un degré de simplification pour conserver une lecture immédiate. Alors que la prise de vue prend un peu de recul, le lecteur identifie la grande galerie avec ses marches, ses statues sur stèle, ses poutrelles et ses verrières. Il reconnaît de nombreuses œuvres, avec encore Les Quatre Parties du monde soutenant la sphère céleste (1872) de Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875). Dès la page douze, il peut voir l’horloge monumentale de cette galerie, la façade vue depuis la Seine, les grandes baies vitrées et leurs poutrelles métalliques, le dallage et les murs de pierre, les luminaires caractéristiques, l’esplanade d’accès avec le Rhinocéros, les galeries secondaires qui courent de part et d’autre du bâtiment, les galeries de l’étage, avec la grande horloge de façade et sa verrière permettant de voir à l’extérieur, sans oublier les toilettes avec leurs cuvettes, leurs distributeurs de papier et les sèche-mains (des éléments essentiels de l’intrigue). Le lecteur observe que l’artiste restitue à merveille les grandes lignes structurantes de chaque zone, ce qui fait d’autant mieux ressortir leur architecture et les aménagements, configurations spécifiques qui marquent durablement l’esprit du visiteur.
L’ouvrage s’ouvre avec une séquence dont les trois premières pages se focalisent sur les visiteurs. Le lecteur peut ainsi observer la posture et l’expression de visage de trente individus différents. Cette expérience est renouvelée à plusieurs reprises au cours du récit ; en se focalisant sur les tibias et les pieds en pages vingt-six et vingt-sept, puis en plan fixe pour restituer le passage de plusieurs visiteurs, puis en s’attachant à des couples pour un effet de contraste entre la réaction de l’un et celle de l’autre, puis au travers de dialogue d’une mère avec sa fille, d’une femme avec son compagnon (il croit qu’elle parle des peintures alors qu’elle parle des cadres), avec un groupe d’adolescents (sur leur portable) avec leur professeur, avec l’attitude d’une petite fille portant son nounours dans les bras et arrêtée devant la sculpture l’Ours blanc, etc. Le lecteur se retrouve fasciné d’observer ainsi les curieux, constatant qu’ils sont animés par des envies différentes. Il est à la fois épaté par la capacité de l’artiste à saisir une expression, un geste, à la fois déstabilisé par la sensation de se regarder lui-même quand il s’arrête devant une œuvre d’art au musée. Il se doute qu’il voit les visiteurs par les yeux des personnages peints ou sculptés.
La nuit tout se transforme, et les êtres des œuvres d’art s’animent, prennent vie. L’Ours Blanc déambule silencieusement et majestueusement dans les grands couloirs, des couples se forment entre sculptures descendues de leur piédestal, d’autres se détestent cordialement, certains se regroupent pour observer l’extérieur depuis la grande baie vitrée de l’horloge, et Héraklès se rend dans les toilettes pour comprendre l’utilité des cuvettes, de la chasse d’eau, du distributeur de papier et des sèche-mains. L’auteur joue à la fois avec le décalage temporel et culturel de certaines œuvres qui se retrouvent dans une époque hors de portée de leur compréhension, et avec leur curiosité, leurs émotions et leurs caractéristiques physiques (les pauvres trente-six bustes des célébrités du Juste Milieu qui sont coincés sur leur socle sans pouvoir bouger). Il émane une forme de poésie dans la réaction et l’adaptation des uns et des autres à cet environnement étrange et incompréhensible, à leurs interrogations sur le comportement des personnes qu’ils voient défiler toute la journée pour les regarder, et sur celui du personnel du musée. Les personnages de ces œuvres d’art observent les visiteurs et s’interrogent sur eux, devenant le reflet de leur comportement.
Pas facile de réaliser une œuvre de fiction sur une collection d’œuvres d’art et le musée qui les accueille, sans tomber dans un passage en revue de type catalogue d’une exposition. Chabouté a réalisé une histoire qui rend aussi bien hommage au musée d’Orsay et à son architecture, qu’à ses collections, avec un dispositif narratif original. Il privilégie la démarche de montrer, sans mots, plutôt que d’expliquer ou d’exposer. Le résultat génère un processus de double identification chez le lecteur : avec les visiteurs qui regardent, avec les œuvres d’art elles-mêmes qui disposent de leur point de vue sur lesdits visiteurs. Singulier : une visite originale et inoubliable.
En trois tomes, Adabana propose un thriller psychologique intense où vérité et mensonge s’entremêlent. L’intrigue captivante, portée par un dessin sombre et expressif, nous plonge dans une enquête troublante sur la mémoire et la culpabilité. Chaque révélation bouleverse nos certitudes, rendant la lecture aussi prenante qu’inquiétante. Un récit court, mais marquant.
Une belle transposition dans le futur d'une ancienne histoire grecque.
Des dessins extrêmement soignés alliant le high tech et la tradition.
Je les relis régulièrement, dommage que la série soit arrêtée.
Par Hera, les dieux en répondront.
Personnellement j’ai dévoré tous les albums du monde d’Aldebaran et ça a encore été le cas avec Bellatrix. J’apprécie particulièrement le bon mix entre aventure et une approche pas trop rapide permettant d’appréhender la profondeur des sentiments des protagonistes. De plus, l’auteur amène différentes réflexions / observations pouvant être prolongées par nos propres réflexions, voire un débat avec d’autres lecteurs.
Léo parvient à renouveler les aventures des héroïnes et les mondes découverts, de sorte qu’on ne se lasse pas.
Il est vrai que les thèmes de l’émancipation de la femme ou la présence de leaders religieux / conservateurs reviennent dans quasi chaque cycle. Mais ceci est plutôt cohérent et il semble logique qu’un peuple plus évolué scientifiquement soit aussi plus évolué sur ces points. De plus, ça reflète malheureusement l’évolution politique actuelle.
Merci Grogro d'avoir attiré mon attention sur cet album qui était fait pour moi !
Cette femme d'âge moyen, (comme dans la chanson des Rita Mitsouko, et son prénom si proche de la fameuse Marcia Baila... il y a anguille sous roche...) qui essaye de devenir elle-même avec l'aide de sa fille et de son nouveau patron (lui aussi entre deux âges et encore un peu "pré-metoo"...) elle me va comme un gant.
Dessin aquarellé confortable aussi, comme Cati Baur sait le faire (je l'avais repérée dans la tétralogie des 5 soeurs adaptée d'une série de romans jeunesse) : expressive et audacieuse dans les couleurs, mais sans chercher la perfection graphique : on se reconnaît dans son geste spontané.
L'idée de transformer cette observation sociale en enquête parfaitement capilotractée, et cinotractée, (parce qu'elle court deux lièvres à la fois : un voleur de chien et un amant dégonflé...) peut paraître casse-gueule sur le papier, mais c'est le caractère joyeux de l'ensemble (dessin, personnages et scénario) et intergénérationnel aussi, qui emporte l'adhésion et met du baume au cœur.
À conseiller aux lectrices et lecteurs entre deux âges qui ont un petit coup de mou, mais peut-être aussi à leurs enfants dans une sorte de thérapie familiale !
À conseiller aussi aux amateurisses des dessins de Camille Jourdy, Clara Lodewick ou même de Sempé...
C'est à Angoulême que je suis tombé sur cet album qui m'a rapidement fait de l’œil parmi les nouveautés présentées par Mosquito. Et bien m'en a pris, car cet effectivement un excellent polar !
Inconnus au bataillon chez moi, Luigi Boccia (scénario) et Alessandro Manzella (dessin), nous livrent un polar solidement ficelé, qui se joue efficacement des codes sans pour autant tomber dans la facilité. La narration tant scénaristique que graphique est redoutable et mène le lecteur par le bout du nez. Et même quand on se dit que, là, c'est quand même un peu facile, les auteurs ont justement réponse à tout... jusqu'au twist final qu'on ne voit pas venir.
Le graphisme d'Alessandro Manzella est remarquable et colle parfaitement à cette triste histoire. Son dessin sombre, contrasté et un brin torturé reste d'une grande lisibilité. Ses planches sont magnifiquement composées, jouant sur des découpages et des cadrages très cinématographiques du meilleur effet. On en prend plein les yeux !
Bref, amateurs de polar noir, je ne peux que vous inviter à découvrir cet album qui vaut vraiment le détour !
De manière assez inédite, c'est la tranche de cette énÔrme BD (donc en grand partie son titre) qui a attiré mon attention. Ma main l'a agrippée pour découvrir les noms (désormais illustres) de leurs auteurs. Je n'ai même pas réfléchi, je suis reparti avec sous le bras. Et bien m'en a pris puisque ce copieux menu n'était pas qu'une promesse en l'air.
Le dessin de Tanquerelle est très maitrisé, ce n'est plus tellement sujet à discussion. Ici, il est à la hauteur de cette saga nordique hallucinée. Ayant lu la version en noir et blanc (celle en couleur, d'après les photos, a l'air absolument splendide, au point que j'envisage son acquisition), j'ai eu mainte fois l'occasion de le constater. D'abord sa grande lisibilité fait que jamais on ne confond les personnages (et il y en a un bon paquet) malgré leur aspect hirsute. Leurs expressions ne prêtent jamais à confusion. Tout le lexique graphique émotionnel là encore est immédiatement appréhendé. Tanquerelle représente en outre tous les détails nécessaires, ceux qui agrémentent et offrent le petit plus afin de mettre dans l'ambiance. En outre, il sait se montrer plus stylisé dans la représentation des paysages, plus généralement des fonds de scène, ce qui ne surcharge pas les cases. Le lecteur est concentré sur ce qu'il y a à voir et n'est jamais perdu. Bon, c'est vrai que l'histoire se déroulant au Groenland, constitué exclusivement de montagnes et surtout de neige, le paysage laisse une grande place à la stylisation, mais quand même ! A côté de ça, les scènes obscures, entendez dans l'obscurité, font la part belle à l'esquisse remarquable de notre illustrateur. Tout ça est très très chouette. On sent une quantité de travail derrière tout ça que la qualité ne trahit nullement.
L'autre gros morceau, c'est bien entendu le scénario. Il suffit de voir trôner le pavé dans l'étagère d'une librairie pour s'en convaincre : La Terre Verte promet d'embarquer son lecteur vers des sommets d'aventure. Pari tenu ! Le lecteur en prend une dose copieuse et termine largement rassasié. J'ai adoré cette histoire sur laquelle je ne m'attarderai pas, préférant laisser le plaisir de la découverte, mais Paul le Poulpe (qui voit effectivement l'avenir) en a très bien causé. C'est dense, crédible au point qu'on se demande tout au long de la lecture s'il s'agit d'une histoire vraie. Il y a de la politique, de l'ethno, de la socio, de la psychoschtroumpf, et bien d'aitres choses encore dedans. Nourrissant que je vous dis ! Admirable !
La Terre Verte manque de peu son coup de cœur en raison de ses dialogues parfois un peu verbeux, voire baroque. En effet, s'il sont parfaitement dans le ton de l'époque représentée, il arrive qu'ils insistent sur tel ou tel aspect d'une situation, au risque d'alourdir un peu le reste et d'encombrer la case. Oui, quelques petites lourdeurs de ce côté. Mais je pinaille. Cette BD figurera dans mon top 20 de l'année, c'est évident !
Je commence par ce qui a priori n’a pas souffert de discussion me concernant, le dessin. Je l’ai trouvé très agréable. Fluide, plaisant, avec une colorisation chouette. Et le papier épais, le grand format, ajoutent au plaisir de lecture.
Vient ensuite l’histoire. J’ai au départ eu l’impression d’un déjà-vu. Le jeune héritier d’une grande fortune, qui doit prendre le relais de son père mais qui n’en a ni l’envie ni les capacités, et qui va rencontrer quelqu’un qui va le révéler à lui-même et être son mentor – qui plus est un vieux bougon un peu asocial : voilà une trame qui n’est quand même pas nouvelle. Et c’est bien dans cette direction que Dorison a développé son intrigue.
Et pourtant, malgré des personnages eux aussi pétris de clichés (les parents d’Ulysse avec le père affairiste et sec, la mère dominée, étouffée, l’inévitable jeune fille de la campagne dégourdie dont s’amourache l’héritier coincé, etc.), Dorison a réussi à rendre intéressante son histoire. C’est du classique très bien fichu.
On pourrait presque dire, pour reprendre une opposition au cœur de l’histoire que, s’écartant de l’originalité et de la modernité apparente de Lecoq, Dorison a fait le même choix que Cyrano : une tradition excellente, avec des ingrédients « visibles », rien d’artificiel. Et, comme Cyrano – et Ulysse à sa suite, Dorison a su trouver ses amateurs. Dont je suis.
Du neuf avec du vieux : il n’y a là rien d’extraordinaire, mais c’est une lecture vraiment agréable.
Note réelle 3,5/5.
J’ai lu le roman, que j’avais trouvé à la fois prenant, mais parfois un peu creux. Mais en tout cas il développait, avec une économie de moyens, de mots, une ambiance crépusculaire et terrible. L’impression d’assister à une fin de monde en accompagnant les derniers agonisants.
Larcenet s’est emparé de cette histoire, mais, malgré toutes ses qualités, narratives et surtout graphiques, il ne peut empêcher de faire perdre une partie de ce qui faisait la force du roman : tout ce que notre imagination ajoutait au récit lui-même, assez taiseux. Ici le dessin comble certains trous, mais aussi du coup rend presque plus palpable, et donc rassurante, moins inquiétante, ce road trip désespéré.
Reste que le dessin de Larcenet est vraiment très beau. Qu’il a su – avec cette colorisation jouant sur toutes les nuances du gris, avec quelques touches de rouille – nous jeter à la figure cet apocalypse en train d’advenir. Sans doute joue-t-il un chouia trop sur les morceaux de corps accrochés – pendus – un peu partout, mais l’ambiance créée ici ne trahit pas le récit (même si, comme je l’ai dit, cela atténue en leur donnant corps les visions de cauchemar entrevue en lisant le roman).
Le récit reprend les principaux passages du roman, les coupes ne sont pas trop claires, même s’il y en a (en particulier il résumé un peu rapidement le seul long passage « calme et serein » du récit, lorsque nos deux héros vivent dans un entrepôt sous-terrain au milieu de gros stocks de nourriture). En fait, j’ai l’impression qu’en raccourcissant les passages « intermédiaires », où il ne se passait rien si ce n’est quelques dialogues minimalistes, des silences, le temps qui passe, Larcenet a pris le risque de se priver d’une partie de la force du roman. Mais bon, ma remarque est peut-être sans objet ?
Un très bel album en tout cas. Une histoire noire, dans tous les sens du terme – même si une petite note d’espoir nous permet de respirer sur la fin.
Assez surprise que cette série ait été si peu avisée. Elle n'est vraiment pas parfaite, souvent fouillis et ne craint pas d'utiliser des facilités scénaristiques quelques fois, mais je trouve qu'elle possède tout de même suffisamment de qualités pour valoir sincèrement la lecture.
L'histoire est simple. Enfin non, dès le postulat elle n'est pas simple, mais elle intrigue fortement.
Que se passerait-il si des divinités pouvaient s'incarner tous les 90 ans dans de jeunes corps et pouvaient alors jouir de deux ans de célébrités et de débauche ? Qui serait près à sacrifier sa vie, car au bout des deux ans celle-ci se terminera violemment, pour les feux des projecteurs ?
Ici, le panthéon chante. Chacun-e dans un style différent (rock, pop, electro, …) mais tous-tes recherchent la même chose : la célébrité.
L'offre de la célébrité présentée comme un pacte faustien, le statut divin comme métaphore pour les stars qui se croient toutes puissantes, des personnages humains dans leurs cruautés et leurs faiblesses, la peur de la mort, l'importance et le pouvoir des histoires qui se transmettent (sous toutes les formes possibles), … Non, il n'y a pas à dire, ce ne sont pas les propos intéressants qui manquent dans cette œuvre.
Alors certes le scénario s'éparpille bien souvent (certains passages sont même si mous et fouillis qu'ils m'ont un peu rebutée), le dessin principal de la série ne me parle pas plus que ça et on ressent des longueurs à deux/trois moments (étrangement au début et au milieu), mais les métaphores de la célébrité et de la lumière des projecteur sur laquelle on se brûle les ailes tiennent vraiment en haleine tout du long. Les personnages sont intéressants, surtout dans leur hypocrisie et leur lâcheté par moment (l'antagoniste principale, terriblement cruelle et animée par la simple peur de la mort, en est un bon exemple).
J'ai bien aimé les albums 3 et 8 pour leur proposition d'histoires "annexes" dans des styles graphiques et narratifs différents. Je dis "annexes" entre guillemets car ces petits récits s'avèrent en réalité capitaux pour la compréhension de la série. J'ai particulièrement apprécie le tome 8, avec sa vision d'incarnations divines passées et ses propositions diverses de narrations (on a un petit passage façon "roman").
Une série très imparfaite mais franchement intéressante. J'en recommande la lecture (et exprime encore ma surprise en constatant qu'il y a si peu d'avis, fussent-ils même négatifs).
(Note réelle 3,5)
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Est-ce si important de savoir pourquoi ? - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Il fait partie de la collection développée avec le musée d’Orsay. Son édition originale date de 2023. Il a été réalisé par Christophe Chabouté, pour le scénario et les dessins. Il comprend cent-quatre-vingt-six pages de bande dessinée en noir & blanc. Au musée d’Orsay, une jeune fille avec des couettes lève la tête pour contempler une œuvre. Un monsieur ridé baisse ses lunettes pour mieux en voir une autre. Un couple de jeunes en regarde une autre sans rien laisser transparaître sur le visage. Un monsieur d’une trentaine d’années avec une veste, un foulard, une chevelure hirsute et une barbe se frotte le menton en regardant une œuvre. Une dame ridée, écharpe au cou se penche de côté pour mieux voir un détail. Un autre barbu en regarde une de très près, les sourcils froncés, le regard sévère. Un autre en costume et cravate noire a pris un peu de recul, les bras croisés. Puis en viennent encore une vingtaine d’autres, chacun avec leur attitude et leur posture, exprimant une part de leur personnalité, de leur comportement face à une œuvre d’art. Ils contemplent, qui l’autoportrait de Vincent van Gogh, qui le Chanteur florentin du XVe siècle de Paul Dubois, Anacréon d’Eugène Guillaume, Sapho de James Pradier, La pensée d’Aristide Maillol, La source de Jean-Auguste-Dominique Ingres, etc. Le flux incessant des visiteurs, des curieux de toute nature se déroule durant toute la journée. La grande horloge marque le temps et arrive six heures. Les couloirs et la grande galerie se vident progressivement. Les gardiens procèdent à la fermeture des portes. Le musée retrouve son calme, vide de toute présence humaine. Dehors la Seine coule paisiblement et sans bruit alors que la nuit commence à tomber et que les ténèbres commencent à envahir le musée d’Orsay. À l’intérieur du musée il ne subsiste que les éclairages de sécurité, et quelques rais de lumière provenant de l’éclairage public ou de la Lune. Passé une heure du matin, dans ce grand calme, une silhouette passe dans un couloir, un tableau sous le bras. Vers une heure et quart, les ombres se sont quelque peu modifiées, toujours pas âme qui vive. Sans prévenir, un chien traverse une large allée, en silence. Une heure vingt-cinq, dehors un homme passe, promenant son chien en laisse. Le soleil se lève progressivement. Un oiseau quitte son perchoir sur l’une des cornes du Rhinocéros d’Henri-Alfred Jacquemart. Les visiteurs commencent à arriver pour entrer. Le musée d’Orsay ouvre ses portes, les uns et les autres reforment le ballet incessant devant les œuvres. Un regard se fixe plus particulièrement sur les mollets et les chaussures, établissant un panorama qui passe d’un pantalon avec des chaussures de ville, à un pantacourt avec chaussures souples, un bermuda avec des baskets, un short avec des chaussettes montant à mi-mollet, un pantalon à pois avec des chaussures de marche, un autre short et des chaussettes arrivant sous le genou, des escarpins et une robe descendant sous le genou, etc. Voici une bande dessinée estampillée Musée d’Orsay, qui présente la particularité d’être publiée par un autre éditeur que Futuropolis, ce dernier semblant avoir développé un partenariat avec cet établissement et publié plusieurs œuvres comme Les Variations d'Orsay (2015) de Manuele Fior, L'Art d'en bas au musée d'Orsay: La fantastique collection Hippolyte de L'Apnée (2016) de Plonk & Replonk, Les Disparues d'Orsay (2017) de Stéphane Levallois, Moderne Olympia (2020) de Catherine Meurisse. Sa seconde particularité réside dans le nombre élevé de pages muettes : 114 pages dépourvues de tout mot, et soixante-douze avec des dialogues. Sa troisième caractéristique apparaît sous deux points de vue. Pour commencer, les premières pages présentent les visiteurs et leur comportement face aux œuvres d’art. Quand celles-ci commencent à être représenter dans les cases, elles ne sont pas nommées. En fonction de sa culture en la matière et de sa familiarité avec le musée d’Orsay, le ressenti du lecteur peut osciller entre la curiosité et la frustration, selon qu’il les identifie plus ou moins facilement. Il peut reconnaître Héraklès archer (1909) du sculpteur Antoine Bourdelle (1861-1929), l’Ours blanc (1922), de François Pompon (1855-1933), la Source (1820-56) de Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867). En fonction de sa curiosité, il peut se renseigner plus avant et trouver les références pour les Coquelicots (1873) de Claude Monet (1840-1926), les Raboteurs de parquet (1875) de Gustave Caillebotte (1848-1894), Autoportrait (1879) de Vincent Van Gogh (1853-1890), Rhinocéros (1878) de Henri-Alfred Jacquemart (1824-1896), Méditerranée, dite aussi La Pensée (1923-1927) d’Aristide Maillol (1861-1944), les trente-six bustes des célébrités du Juste Milieu (1832-35) d’Honoré Daumier (1808-1879), l'Olympia (1863) d’Édouard Manet (1832-1883), l’Origine du Monde (1866) de Gustave Courbet (1819-1877), le Fifre (1866) d’Édouard Manet (1832-1883), L’asperge (1880) d’Édouard Manet (1832-1883), etc. Sur le moment, ou après coup avec des recherches, le lecteur reste impressionné par la capacité de l’artiste à reproduire l’apparence de ces œuvres d’art, qu’il s’agisse de sculptures ou de peintures. Au fil des pages silencieuses, parfois en plan fixe, il ressort également très impressionné par la représentation des différentes zones du musée d’Orsay. À la lecture, les images en noir & blanc apparaissent simples et évidentes, descriptives avec un degré de simplification pour conserver une lecture immédiate. Alors que la prise de vue prend un peu de recul, le lecteur identifie la grande galerie avec ses marches, ses statues sur stèle, ses poutrelles et ses verrières. Il reconnaît de nombreuses œuvres, avec encore Les Quatre Parties du monde soutenant la sphère céleste (1872) de Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875). Dès la page douze, il peut voir l’horloge monumentale de cette galerie, la façade vue depuis la Seine, les grandes baies vitrées et leurs poutrelles métalliques, le dallage et les murs de pierre, les luminaires caractéristiques, l’esplanade d’accès avec le Rhinocéros, les galeries secondaires qui courent de part et d’autre du bâtiment, les galeries de l’étage, avec la grande horloge de façade et sa verrière permettant de voir à l’extérieur, sans oublier les toilettes avec leurs cuvettes, leurs distributeurs de papier et les sèche-mains (des éléments essentiels de l’intrigue). Le lecteur observe que l’artiste restitue à merveille les grandes lignes structurantes de chaque zone, ce qui fait d’autant mieux ressortir leur architecture et les aménagements, configurations spécifiques qui marquent durablement l’esprit du visiteur. L’ouvrage s’ouvre avec une séquence dont les trois premières pages se focalisent sur les visiteurs. Le lecteur peut ainsi observer la posture et l’expression de visage de trente individus différents. Cette expérience est renouvelée à plusieurs reprises au cours du récit ; en se focalisant sur les tibias et les pieds en pages vingt-six et vingt-sept, puis en plan fixe pour restituer le passage de plusieurs visiteurs, puis en s’attachant à des couples pour un effet de contraste entre la réaction de l’un et celle de l’autre, puis au travers de dialogue d’une mère avec sa fille, d’une femme avec son compagnon (il croit qu’elle parle des peintures alors qu’elle parle des cadres), avec un groupe d’adolescents (sur leur portable) avec leur professeur, avec l’attitude d’une petite fille portant son nounours dans les bras et arrêtée devant la sculpture l’Ours blanc, etc. Le lecteur se retrouve fasciné d’observer ainsi les curieux, constatant qu’ils sont animés par des envies différentes. Il est à la fois épaté par la capacité de l’artiste à saisir une expression, un geste, à la fois déstabilisé par la sensation de se regarder lui-même quand il s’arrête devant une œuvre d’art au musée. Il se doute qu’il voit les visiteurs par les yeux des personnages peints ou sculptés. La nuit tout se transforme, et les êtres des œuvres d’art s’animent, prennent vie. L’Ours Blanc déambule silencieusement et majestueusement dans les grands couloirs, des couples se forment entre sculptures descendues de leur piédestal, d’autres se détestent cordialement, certains se regroupent pour observer l’extérieur depuis la grande baie vitrée de l’horloge, et Héraklès se rend dans les toilettes pour comprendre l’utilité des cuvettes, de la chasse d’eau, du distributeur de papier et des sèche-mains. L’auteur joue à la fois avec le décalage temporel et culturel de certaines œuvres qui se retrouvent dans une époque hors de portée de leur compréhension, et avec leur curiosité, leurs émotions et leurs caractéristiques physiques (les pauvres trente-six bustes des célébrités du Juste Milieu qui sont coincés sur leur socle sans pouvoir bouger). Il émane une forme de poésie dans la réaction et l’adaptation des uns et des autres à cet environnement étrange et incompréhensible, à leurs interrogations sur le comportement des personnes qu’ils voient défiler toute la journée pour les regarder, et sur celui du personnel du musée. Les personnages de ces œuvres d’art observent les visiteurs et s’interrogent sur eux, devenant le reflet de leur comportement. Pas facile de réaliser une œuvre de fiction sur une collection d’œuvres d’art et le musée qui les accueille, sans tomber dans un passage en revue de type catalogue d’une exposition. Chabouté a réalisé une histoire qui rend aussi bien hommage au musée d’Orsay et à son architecture, qu’à ses collections, avec un dispositif narratif original. Il privilégie la démarche de montrer, sans mots, plutôt que d’expliquer ou d’exposer. Le résultat génère un processus de double identification chez le lecteur : avec les visiteurs qui regardent, avec les œuvres d’art elles-mêmes qui disposent de leur point de vue sur lesdits visiteurs. Singulier : une visite originale et inoubliable.
Adabana
En trois tomes, Adabana propose un thriller psychologique intense où vérité et mensonge s’entremêlent. L’intrigue captivante, portée par un dessin sombre et expressif, nous plonge dans une enquête troublante sur la mémoire et la culpabilité. Chaque révélation bouleverse nos certitudes, rendant la lecture aussi prenante qu’inquiétante. Un récit court, mais marquant.
Hercule (Soleil)
Une belle transposition dans le futur d'une ancienne histoire grecque. Des dessins extrêmement soignés alliant le high tech et la tradition. Je les relis régulièrement, dommage que la série soit arrêtée. Par Hera, les dieux en répondront.
Bellatrix
Personnellement j’ai dévoré tous les albums du monde d’Aldebaran et ça a encore été le cas avec Bellatrix. J’apprécie particulièrement le bon mix entre aventure et une approche pas trop rapide permettant d’appréhender la profondeur des sentiments des protagonistes. De plus, l’auteur amène différentes réflexions / observations pouvant être prolongées par nos propres réflexions, voire un débat avec d’autres lecteurs. Léo parvient à renouveler les aventures des héroïnes et les mondes découverts, de sorte qu’on ne se lasse pas. Il est vrai que les thèmes de l’émancipation de la femme ou la présence de leaders religieux / conservateurs reviennent dans quasi chaque cycle. Mais ceci est plutôt cohérent et il semble logique qu’un peuple plus évolué scientifiquement soit aussi plus évolué sur ces points. De plus, ça reflète malheureusement l’évolution politique actuelle.
Marcie
Merci Grogro d'avoir attiré mon attention sur cet album qui était fait pour moi ! Cette femme d'âge moyen, (comme dans la chanson des Rita Mitsouko, et son prénom si proche de la fameuse Marcia Baila... il y a anguille sous roche...) qui essaye de devenir elle-même avec l'aide de sa fille et de son nouveau patron (lui aussi entre deux âges et encore un peu "pré-metoo"...) elle me va comme un gant. Dessin aquarellé confortable aussi, comme Cati Baur sait le faire (je l'avais repérée dans la tétralogie des 5 soeurs adaptée d'une série de romans jeunesse) : expressive et audacieuse dans les couleurs, mais sans chercher la perfection graphique : on se reconnaît dans son geste spontané. L'idée de transformer cette observation sociale en enquête parfaitement capilotractée, et cinotractée, (parce qu'elle court deux lièvres à la fois : un voleur de chien et un amant dégonflé...) peut paraître casse-gueule sur le papier, mais c'est le caractère joyeux de l'ensemble (dessin, personnages et scénario) et intergénérationnel aussi, qui emporte l'adhésion et met du baume au cœur. À conseiller aux lectrices et lecteurs entre deux âges qui ont un petit coup de mou, mais peut-être aussi à leurs enfants dans une sorte de thérapie familiale ! À conseiller aussi aux amateurisses des dessins de Camille Jourdy, Clara Lodewick ou même de Sempé...
Nuits romaines
C'est à Angoulême que je suis tombé sur cet album qui m'a rapidement fait de l’œil parmi les nouveautés présentées par Mosquito. Et bien m'en a pris, car cet effectivement un excellent polar ! Inconnus au bataillon chez moi, Luigi Boccia (scénario) et Alessandro Manzella (dessin), nous livrent un polar solidement ficelé, qui se joue efficacement des codes sans pour autant tomber dans la facilité. La narration tant scénaristique que graphique est redoutable et mène le lecteur par le bout du nez. Et même quand on se dit que, là, c'est quand même un peu facile, les auteurs ont justement réponse à tout... jusqu'au twist final qu'on ne voit pas venir. Le graphisme d'Alessandro Manzella est remarquable et colle parfaitement à cette triste histoire. Son dessin sombre, contrasté et un brin torturé reste d'une grande lisibilité. Ses planches sont magnifiquement composées, jouant sur des découpages et des cadrages très cinématographiques du meilleur effet. On en prend plein les yeux ! Bref, amateurs de polar noir, je ne peux que vous inviter à découvrir cet album qui vaut vraiment le détour !
La Terre verte
De manière assez inédite, c'est la tranche de cette énÔrme BD (donc en grand partie son titre) qui a attiré mon attention. Ma main l'a agrippée pour découvrir les noms (désormais illustres) de leurs auteurs. Je n'ai même pas réfléchi, je suis reparti avec sous le bras. Et bien m'en a pris puisque ce copieux menu n'était pas qu'une promesse en l'air. Le dessin de Tanquerelle est très maitrisé, ce n'est plus tellement sujet à discussion. Ici, il est à la hauteur de cette saga nordique hallucinée. Ayant lu la version en noir et blanc (celle en couleur, d'après les photos, a l'air absolument splendide, au point que j'envisage son acquisition), j'ai eu mainte fois l'occasion de le constater. D'abord sa grande lisibilité fait que jamais on ne confond les personnages (et il y en a un bon paquet) malgré leur aspect hirsute. Leurs expressions ne prêtent jamais à confusion. Tout le lexique graphique émotionnel là encore est immédiatement appréhendé. Tanquerelle représente en outre tous les détails nécessaires, ceux qui agrémentent et offrent le petit plus afin de mettre dans l'ambiance. En outre, il sait se montrer plus stylisé dans la représentation des paysages, plus généralement des fonds de scène, ce qui ne surcharge pas les cases. Le lecteur est concentré sur ce qu'il y a à voir et n'est jamais perdu. Bon, c'est vrai que l'histoire se déroulant au Groenland, constitué exclusivement de montagnes et surtout de neige, le paysage laisse une grande place à la stylisation, mais quand même ! A côté de ça, les scènes obscures, entendez dans l'obscurité, font la part belle à l'esquisse remarquable de notre illustrateur. Tout ça est très très chouette. On sent une quantité de travail derrière tout ça que la qualité ne trahit nullement. L'autre gros morceau, c'est bien entendu le scénario. Il suffit de voir trôner le pavé dans l'étagère d'une librairie pour s'en convaincre : La Terre Verte promet d'embarquer son lecteur vers des sommets d'aventure. Pari tenu ! Le lecteur en prend une dose copieuse et termine largement rassasié. J'ai adoré cette histoire sur laquelle je ne m'attarderai pas, préférant laisser le plaisir de la découverte, mais Paul le Poulpe (qui voit effectivement l'avenir) en a très bien causé. C'est dense, crédible au point qu'on se demande tout au long de la lecture s'il s'agit d'une histoire vraie. Il y a de la politique, de l'ethno, de la socio, de la psychoschtroumpf, et bien d'aitres choses encore dedans. Nourrissant que je vous dis ! Admirable ! La Terre Verte manque de peu son coup de cœur en raison de ses dialogues parfois un peu verbeux, voire baroque. En effet, s'il sont parfaitement dans le ton de l'époque représentée, il arrive qu'ils insistent sur tel ou tel aspect d'une situation, au risque d'alourdir un peu le reste et d'encombrer la case. Oui, quelques petites lourdeurs de ce côté. Mais je pinaille. Cette BD figurera dans mon top 20 de l'année, c'est évident !
Ulysse & Cyrano
Je commence par ce qui a priori n’a pas souffert de discussion me concernant, le dessin. Je l’ai trouvé très agréable. Fluide, plaisant, avec une colorisation chouette. Et le papier épais, le grand format, ajoutent au plaisir de lecture. Vient ensuite l’histoire. J’ai au départ eu l’impression d’un déjà-vu. Le jeune héritier d’une grande fortune, qui doit prendre le relais de son père mais qui n’en a ni l’envie ni les capacités, et qui va rencontrer quelqu’un qui va le révéler à lui-même et être son mentor – qui plus est un vieux bougon un peu asocial : voilà une trame qui n’est quand même pas nouvelle. Et c’est bien dans cette direction que Dorison a développé son intrigue. Et pourtant, malgré des personnages eux aussi pétris de clichés (les parents d’Ulysse avec le père affairiste et sec, la mère dominée, étouffée, l’inévitable jeune fille de la campagne dégourdie dont s’amourache l’héritier coincé, etc.), Dorison a réussi à rendre intéressante son histoire. C’est du classique très bien fichu. On pourrait presque dire, pour reprendre une opposition au cœur de l’histoire que, s’écartant de l’originalité et de la modernité apparente de Lecoq, Dorison a fait le même choix que Cyrano : une tradition excellente, avec des ingrédients « visibles », rien d’artificiel. Et, comme Cyrano – et Ulysse à sa suite, Dorison a su trouver ses amateurs. Dont je suis. Du neuf avec du vieux : il n’y a là rien d’extraordinaire, mais c’est une lecture vraiment agréable. Note réelle 3,5/5.
La Route
J’ai lu le roman, que j’avais trouvé à la fois prenant, mais parfois un peu creux. Mais en tout cas il développait, avec une économie de moyens, de mots, une ambiance crépusculaire et terrible. L’impression d’assister à une fin de monde en accompagnant les derniers agonisants. Larcenet s’est emparé de cette histoire, mais, malgré toutes ses qualités, narratives et surtout graphiques, il ne peut empêcher de faire perdre une partie de ce qui faisait la force du roman : tout ce que notre imagination ajoutait au récit lui-même, assez taiseux. Ici le dessin comble certains trous, mais aussi du coup rend presque plus palpable, et donc rassurante, moins inquiétante, ce road trip désespéré. Reste que le dessin de Larcenet est vraiment très beau. Qu’il a su – avec cette colorisation jouant sur toutes les nuances du gris, avec quelques touches de rouille – nous jeter à la figure cet apocalypse en train d’advenir. Sans doute joue-t-il un chouia trop sur les morceaux de corps accrochés – pendus – un peu partout, mais l’ambiance créée ici ne trahit pas le récit (même si, comme je l’ai dit, cela atténue en leur donnant corps les visions de cauchemar entrevue en lisant le roman). Le récit reprend les principaux passages du roman, les coupes ne sont pas trop claires, même s’il y en a (en particulier il résumé un peu rapidement le seul long passage « calme et serein » du récit, lorsque nos deux héros vivent dans un entrepôt sous-terrain au milieu de gros stocks de nourriture). En fait, j’ai l’impression qu’en raccourcissant les passages « intermédiaires », où il ne se passait rien si ce n’est quelques dialogues minimalistes, des silences, le temps qui passe, Larcenet a pris le risque de se priver d’une partie de la force du roman. Mais bon, ma remarque est peut-être sans objet ? Un très bel album en tout cas. Une histoire noire, dans tous les sens du terme – même si une petite note d’espoir nous permet de respirer sur la fin.
The Wicked + The Divine
Assez surprise que cette série ait été si peu avisée. Elle n'est vraiment pas parfaite, souvent fouillis et ne craint pas d'utiliser des facilités scénaristiques quelques fois, mais je trouve qu'elle possède tout de même suffisamment de qualités pour valoir sincèrement la lecture. L'histoire est simple. Enfin non, dès le postulat elle n'est pas simple, mais elle intrigue fortement. Que se passerait-il si des divinités pouvaient s'incarner tous les 90 ans dans de jeunes corps et pouvaient alors jouir de deux ans de célébrités et de débauche ? Qui serait près à sacrifier sa vie, car au bout des deux ans celle-ci se terminera violemment, pour les feux des projecteurs ? Ici, le panthéon chante. Chacun-e dans un style différent (rock, pop, electro, …) mais tous-tes recherchent la même chose : la célébrité. L'offre de la célébrité présentée comme un pacte faustien, le statut divin comme métaphore pour les stars qui se croient toutes puissantes, des personnages humains dans leurs cruautés et leurs faiblesses, la peur de la mort, l'importance et le pouvoir des histoires qui se transmettent (sous toutes les formes possibles), … Non, il n'y a pas à dire, ce ne sont pas les propos intéressants qui manquent dans cette œuvre. Alors certes le scénario s'éparpille bien souvent (certains passages sont même si mous et fouillis qu'ils m'ont un peu rebutée), le dessin principal de la série ne me parle pas plus que ça et on ressent des longueurs à deux/trois moments (étrangement au début et au milieu), mais les métaphores de la célébrité et de la lumière des projecteur sur laquelle on se brûle les ailes tiennent vraiment en haleine tout du long. Les personnages sont intéressants, surtout dans leur hypocrisie et leur lâcheté par moment (l'antagoniste principale, terriblement cruelle et animée par la simple peur de la mort, en est un bon exemple). J'ai bien aimé les albums 3 et 8 pour leur proposition d'histoires "annexes" dans des styles graphiques et narratifs différents. Je dis "annexes" entre guillemets car ces petits récits s'avèrent en réalité capitaux pour la compréhension de la série. J'ai particulièrement apprécie le tome 8, avec sa vision d'incarnations divines passées et ses propositions diverses de narrations (on a un petit passage façon "roman"). Une série très imparfaite mais franchement intéressante. J'en recommande la lecture (et exprime encore ma surprise en constatant qu'il y a si peu d'avis, fussent-ils même négatifs). (Note réelle 3,5)