Je suis un amateur de western en bd, et Delcourt m'avait déjà permis de prendre beaucoup de plaisir avec la lecture il y a pas mal de temps de Wayne Redlake et de Trio Grande.
C'est dans cette veine qu'a été taillé cet album, où tout m'a plu, du dessin au scénario en passant par la colorisation.
J'ai même pu hélas croire qu'il allait leur ressembler en se transformant en one shot, mais un second tome est prévu pour dans quelques mois, ouf !
J'espère que la suite sera du même niveau, car la série a commencé sur les chapeaux de roue, ne se contentant pas d'une présentation laborieuse du casting et du décor. C'est drôle, ça bouge, le temps s'étire ou se compresse sans que l'incongruité ou le côté improbable des situations ne nous empêchent d'y croire.
C'est bien le propre d'une bonne histoire, de confier à notre imagination le soin de relier les éléments fournis par les auteurs. Et comme en plus l'héroïne est jolie, on a là tous les clichés bien (et même très bien !) étalés devant nous pour nous donner envie de lire la suite. J'espère qu'elle ne me décevra pas, car la barre est placée plutôt haut.
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Après lecture du tome 2:
Je suis un peu moins enthousiaste après la lecture du deuxième tome. Quoi que...
J'ai trouvé cet album moins rythmé. Il est plus explicatif, fonctionnant pas mal sur de longs flash back censés expliquer comment on en est arrivé à la situation de départ du premier tome. C'est pas mal fait, mais j'avais l'impression d'un ralentissement de l'intrigue et étais déçu au début.
Malgré ce bémol, je maintiens tout de même les quatre étoiles et attends avec impatience la suite.
C'est qu'il n'y a pas que des déceptions.
D'abord, le dessin de Salomone est toujours excellent je trouve ! Et le cahier graphique ajouté en fin d'album, avec des esquisses et recherches est un plus appréciable. En particulier avec la belle Margot, qui est plus que mise en valeur !...
Margot justement, qui encore dynamite le récit. Chacune de ses apparitions assure le lecteur d'un plaisir visuel, certes, mais aussi d'une série de rebondissements, d'entourloupes et autres coups fourrés propres à le tenir en haleine.
Et la reprise de l'intrigue vers la fin de l'album promet quelques petits désagréments pour l'ensemble des protagonistes qui entourent Margot (certains pour l'encercler et la massacrer, comme Byron et Knut [toujours impayable avec ses borborygmes haineux], d'autres pour la protéger comme Tim [seul personnage transparent, fallot de la série], ou la surveiller comme l'Indien qu'on découvre moins terne que dans le premier tome).
Après avoir repris quelque peu de souffle dans ce deuxième tome, j'espère que le suivant - qui doit se faire moins attendre ! reprendra le rythme effréné du premier. Une série qui s'imposerait alors comme indispensable !
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Après lecture du tome trois:
Dans ce troisième tome l'intrigue se poursuit, comme l'ensemble des protagonistes poursuivent Margot. Celle-ci est de plus en plus au centre de l'histoire, des regards, voire de la cible, puisqu'à l'Indien, Tim et l'improbable duo Byron/Knut se joignent d'autres victimes des roueries de la belle.
Quelques toutes petites baisses de régimes, quelques respirations, mais le rythme global n'en pâtit pas trop, c'est toujours aussi dynamique et jouissif. Parmi les victimes revanchardes et autres poursuivants de Margot, quelques changements. De nouveaux venus, Navajos (et potentiellement un officier US et sa famille, ainsi qu'une mère supérieure: à croire que bientôt tout ce que compte ce Far West finissant sera à ses trousses !), et aussi un Tim un peu moins falot, aveugle, déniaisé par ce qu'il découvre de Margot, qu'il se permet même de traiter de salope !
Margot de Garine donc, encore et toujours à la baguette, la "sallhooop" de Knut domine encore le jeu. Quoi que... En tout cas elle est plus que mise en valeur par le toujours très beau dessin de Salomone (voir aussi la série de cartes postales accompagnant la première édition de l'album). Très beau dessin, et des couleurs elles aussi parfaites.
Bref, une lecture toujours aussi recommandable, alors qu'est annoncé le quatrième et dernier tome, qui j'espère conclura en beauté une des meilleures séries du genre depuis longtemps. Une série qui confirme le talent de Lupano !
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Après lecture du quatrième et dernier tome.
Ce quatrième album clôt la série, en précisant les liens entre les protagonistes, et la situation de départ. Il donne aussi des éclairages amusant sur la NRA et les réserves Navajos (en s'affranchissant quelque peu de la réalité historique, mais on s'en fiche).
Si Margot est bien encore la méchante de l'histoire, sa rouerie est quelque peu atténuée ici, et j'ai eu l'impression qu'après le décollage brutal, et les quelques accélérations/freinages des tomes suivants, Lupano avait décidé d'un atterrissage un peu plus calme.
Mais cette série, malgré des baisses de régime après le tome inaugural, qui bénéficie d'un très joli dessin, est quand même une chouette réussite, qu'il serait vraiment dommage de ne pas avoir lue.
Grégory Mardon est l'auteur dont j'attends patiemment chacune de ses publications car il m'a bien étonné ces dernières années avec notamment Petite frappe ou encore Madame désire ?. Ces oeuvres sont résolument modernes et surtout elles me parlent. Rares sont ceux qui peuvent y réussir. Par ailleurs, le dessin est rempli de grâce jusque dans les décors ou les mouvements. Les personnages sont particulièrement réussis comme à son habitude.
Prends soin de toi est une sorte de fable morale sur un road-trip d'un homme dont la compagne vient de le quitter pour faire sa vie avec un autre. La rupture est toujours un moment délicat à vivre car on ne voudrait jamais se séparer et continuer à vivre ensemble comme si de rien n'était. la vie est fait également de ces grandes contrariétés.
J'ai bien aimé la mission prétexte que cet homme s'est assigné en voulant rendre une vieille lettre non ouverte à son auteur plus de 40 ans après. La conclusion fait du bien et permets de comprendre qu'il faut continuer à vivre coûte que coûte. C'est certes classique dans l'approche mais c'est une lecture agréable qui fait mouche. Bref, un récit d'introspection admirable et plein d'empathie. A déconseiller bien évidemment à ceux qui sont vieux jeux.
Richard Guérineau donne une suite à son Charly 9, je crois que c'était inévitable. Et comme j'avais apprécié l'ensemble sans en cautionner tous les aspects, ici en revanche je suis pleinement satisfait. Guérineau se lâche tout seul sans scénariste derrière lui, et use d'un dialogue beaucoup plus conforme avec un beau français d'époque, sans qu'il soit pour autant pesant et pénible.
Le plus étonnant, c'est qu'il a parfaitement respecté tout l'aspect historique qui sert de fond à son récit, tout est vrai, c'est une période de l'Histoire de France très critique, Charles IX ayant légué à son frère Henri III un royaume malade des guerres de Religion et d'une Saint-Barthélémy funeste qui a fait rejaillir sur la monarchie un vent de cruauté sanglante. Ce roi, le plus intelligent des 3 fils de Catherine de Médicis ayant régné, a dû affronter bien des vicissitudes, des difficultés et des complots contre sa politique, qu'il lui a été houleux de diriger le pays. Je connais parfaitement cette période, je l'ai beaucoup étudiée pour savoir que ce dernier Valois a fait tout ce qu'il a pu pour obtenir la paix et apaiser les tensions entre huguenots et catholiques. Mais il y avait trop de forces contre lui, le poids était trop lourd.
Je crois que Guérineau a su bien faire sentir tout ça au lecteur, il donne un aperçu très complexe du royaume de cette époque. Si on est passionné comme moi par cette période, on est aux anges, mais si on est peu connaisseur, on risque d'être un peu largué tant les rouages de la politique sont compliqués et tant il y de protagonistes que Guérineau fait défiler, tous pourtant très connus... entre Catherine la reine-mère, la soeur Margot, François d'Alençon le frère gênant, Henriot qui n'est encore que roi de Navarre, Henri de Guise, les Mignons Joyeuse, O, Epernon, Quélus etc et bien d'autres encore, ça fait beaucoup de monde. Les événements ou faits sont rapportés assez fidèlement, tels l'assassinat du duc de Guise ou la bataille de Coutras...
Je trouve que Guérineau a été beaucoup plus sérieux dans son traitement que sur Charly 9 qui suivait le bouquin de Teulé ; ici, il est libre d'interpréter l'Histoire à sa façon mais en la respectant beaucoup plus. D'ailleurs il use de procédés identiques vus dans Charly 9, notamment les styles graphiques différents (j'adore la parodie de l' Histoire de France en Bandes Dessinées) et un certain humour. Il ne peut éviter 1 ou 2 parodies graphiques un peu limite, mais dans l'ensemble, le résultat est plus intéressant que dans Charly 9.
Sur la personnalité du roi, on a beaucoup exagéré son côté maniéré, ses "mignardises " et sa soi-disant homosexualité, alors qu'il était un roi sans doute précieux, peut-être légèrement efféminé mais aimant aussi les femmes. On sait qu'il a honoré plus d'une fois la reine Louise pour qui il avait une réelle affection, et d'ailleurs celle-ci le lui rendra après sa mort, conservant un deuil sincère et durable.
Guérineau sacrifie donc à 2 ou 3 reprises sur quelques tenues excentriques, mais c'est pour amuser la galerie, Henri étant plus porté sur une certaine élégance, il n'y a qu'à voir les tableaux le représentant toujours fardé mais impeccable et en habit d'homme, au contraire du futur Henri IV qui lui sentait l'écurie et avait des frusques parfois négligées.
Guérineau inclut aussi des mots historiques apocryphes ou les détourne de façon amusante, il en oublie aussi de plus fameux. Bref, son approche de ce règne et d'un roi qui commence à être réhabilité par les historiens, est fort subtile. Je m'attendais à plein de dérives un peu connes comme il l'a fait sur Charly 9, à une exagération gratuite sur l'homosexualité et les Mignons, mais point, à part 2 ou 3 trucs sans importance. L'ouvrage est de bonne facture sur le plan historique, c'est ce qui me réjouit.
Au niveau graphique, c'est également très agréable, j'aime ce dessin semi-réaliste qui reproduit bien les personnages connus et les édifices avec une bonne dynamique dans la mise en page. L'épilogue dessiné dans un style caricatural imité de Dick Browne, est jubilatoire avec Montaigne et Pierre de l'Estoile qui "arrangent" le dernier mot d'Henri lors de son assassinat par le moine fanatique Jacques Clément. C'est en effet ce mot qui a traversé la postérité, et je gage que beaucoup d'autres en divers siècles ont été enjolivés de même façon.
Au final, même si Guérineau a donné sa vision personnelle de ce roi, il a quand même suivi de belle façon l'Histoire de France et n'a pas détourné grand chose, il a même oublié les anachronismes et a non seulement atténué le côté homosexuel du roi, mais a aussi introduit des détails intéressants sur de petits éléments réels (les braguettes, le bilboquet etc..). C'est donc un ouvrage plus sérieux tout en ayant recours aux mêmes recettes qui ont fait le succès de Charly 9, qui déboulonne la mauvaise réputation de ce roi, un subtil équilibre entre le biopic historique et le ton décalé propre à l'auteur.
Voila une bien belle histoire qui se concentre sur un sujet bien particulier : le fait de raconter des histoires et leur impact. Et je dois dire que la BD rapporte à merveille l'art oratoire. Entre son dessin qui arrive à retranscrire les ambiances chaudes d'un pays du Moyen-Orient et son sujet qui se retranscrit dans tout les aspects de l'histoire, on est vite de plein pied dans le récit.
Cette histoire qui fait justement très conte nous entraine dans le sillage de cinq conteurs à la recherche de la façon de gagner le concours organisé par le calife de Bagdad. Comment être le meilleur dans l'art oratoire, comment raconter de la meilleure des façons et captiver le plus de monde ?
La question se pose au début, mais j'avoue que le déroulé (et surtout la fin) m'a surpris. Car je m'attendais à quelque chose de plus classique sur la forme et le fond. Mais Fabien Vehlmann sait lui aussi manipuler l'art narratif et nous entrainer dans diverses circonvolutions qui donnent tout l'intérêt au récit. Ici, nous parlons de la puissance de la parole, de l'histoire, de ce qu'on raconte. Il y a une réflexion puissante sur ce que vaut le récit, la question du conteur et ce qu'on a à raconter.
A ce niveau, j'aime beaucoup ce que la fin propose comme dénouement. C'était inattendu et bienvenue aussi. Ni heureuse ni malheureuse, elle semble nous rappeler qu'il est bon pour l'homme de raconter et écouter des histoires. Je suis friand de ça et je trouve que c'est une très belle conclusion. En tout cas, la BD m'a plu dans son message, son graphisme et son histoire. Une belle réussite !
Je remet un avis plus récent sur cette série qui était resté longtemps dans les immanquables, puisque je comprends beaucoup mieux l'enthousiasme derrière cette BD ! On est vraiment pas passé loin du culte, et c'est presque à regret que je ne met "que" un 4/5.
Parce que cette série est un vrai régal, d'un bout à l'autre ! Je me suis fendu la poire à lire ces péripéties d'une famille totalement ordinaire sortant complètement de l'ordinaire. J'ai presque versée une larme devant ce que l'auteur arrive à nous faire comme scène, et je me suis laissé entrainé sans m'en rendre compte jusqu'au tome final.
Tout est bon dans cette série : les dessins sont géniaux (mais l'auteur n'est pas à son coup d'essai et a une maitrise vraiment remarquable), servis par une pagination habile, avec des personnages crédibles et tellement attachants, des situations hilarantes et des péripéties variées, des questionnements vraiment pointus, des considérations géniales ...
Le gros point fort, c'est le point de départ : cette famille où l'on change de sexe, avec des personnages qui ne glissent ni dans le cliché des travestis ni dans la facilité de l'humour gras. C'est toujours bien mené, hilarant mais jamais méchant, rempli de douceur et de gentillesse. Si on crie contre le manque de visibilité de certaines sexualités en BD, c'est peut-être parce qu'on n'a pas cherché de ce côté : on y trouve travestis, transexuels, lesbiennes et gays, toujours dans l'humour mais jamais dans la méchanceté. On raille les clichés que les autres imposent, on développe des histoires d'amours sensibles et belles. C'est du beau manga, qu'on a envie de relire tant ça force le respect.
Mais tout n'est pas parfait, et je suis déçu par cette fin. Qui ne conclut rien, certes, mais qui passe vite sur certaines intrigues (la relation avec Yoko et tout ce qu'elle vit avec sa mère, le Yakuza et Kaoru, la mère de Kaoru ...), et qui ne donne pas beaucoup d'idée de l'avenir : notre héros continuera-t-il à faire acteur ? Comment envisagent-ils leurs avenirs ? Que deviennent tout les personnages secondaires ?
Je ne demandais pas un développement complet de tout ceci, mais quelques petites pistes, un peu plus de détails ... Là, j'ai vraiment eu l'impression que l'auteur à coupé au milieu en se disant que c'était le moment de passer à autre chose. C'est vraiment dommage, ça gache un peu tout ce qui a été fait ...
Et pour cela, je laisserais un 4/5 amplement mérité. Parce que traiter aussi finement d'un sujet autant risqué, c'est du grand art. Arriver à faire rire sans que jamais on ne sente de méchanceté, de railleries ou de haine, c'est du talent. Arriver à faire des histoires aussi belles (et pas forcément heureuses d'ailleurs), aussi vraies et aussi riches, c'est vraiment du génie. Je suis décidément frustré de cette fin, qui empêche de mettre plus.
Mais que cela ne vous dispense pas de le lire, parce que ça en vaut vraiment, vraiment la peine.
Lorsque j'ai refermé cette bande dessinée après l'avoir lue, la première chose qui m'est venu à l'esprit c'est, clairement : "mais qu'est ce que c'est que ce truc ?".
On en fait pas tous les dimanches matin des bds comme "l'Odeur des Garçons Affamés", véritable objet manuscrit non-identifié, sorte de "western sous psychotropes" à la croisée des chemins entre le soap opera, le western et le récit fantastique.
Ici le décor est vaste, vertigineusement vaste puisqu'il s'agit du grand Ouest américain, encore vierge et inapprivoisé, ou s'épanouissent des autochtones momentanément épargnés de la frénésie industrielle et démograhique WASP par la guerre de Sécession qui vient de se terminer.
Trois aventuriers, cependant, sillonnent la région afin de reconnaître le terrain en vue d'une future exploitation : Stingley, l'entrepreneur véreux, Oscar Forrest le "garçon" de ferme et Milton, photographe irlandais chargé d'immortaliser la beauté sauvage de ce territoire poussiéreux. C'est l'occasion pour ces individus aux caractères différents d'affronter leur point de vue et leur philosophie : d'aucuns piaffent cyniquement d'impatience en songeant aux seuls bénéfices pécuniers à envisager, d'autres se drapent sous l'écologie politique et les droits de l'homme, soucieux de garder cet Eden loin des vices du monde moderne qui vient. Au fil des pages les liens se créent , des secrets bien cachés éclatent au grand jour, certains masques tombent et le ton tourne progressivement vers le fantastique. Hallucinations, rêves étranges hantés d'ectoplasmes, délires visuels, ce chamboulement d'ambiance déroute et charme tout en un, l'oeuvre mue pour se transformer en méta-western.
L'intérêt (à mon sens du moins) de cette BD vient du fait qu'elle ose dépoussiérer les codes d'un genre relativement figé en sortant des sentiers battus. Le bizarre côtoie le familier : les Comanches mutiques et inquiétants brouillent les photographies de manière inexplicable et les chasseurs de primes dissimulent d'affreuses têtes de vampire sous des chapeaux à long bord. Le dessin, relativement simple et minimaliste, est atypique pour un western, plus habitué à des planches sales et fouillées à la Moebius.
C'est un pari risqué de la part de Frederik Peeters et Loo Hui Phang, elle rendra cette BD forcément clivante et rebutera peut être les puristes.
Pour ma part je la considère comme un exercice de style franchement réussi, qui tire tout son sel de son particularisme. Vivement conseillé.
Qui a dit que le western était un genre sclérosé et éteint ?
Après plusieurs années d’interludes il était temps que je parcours le deuxième volume conclusif. Dès lors une refonte de mon avis s’imposait.
J’ai une affection particulière pour cette série qui n’a malheureusement pas très bien marché commercialement alors qu’elle comblerait les attentes de bien des lecteurs en mal de Fantasy à l’ancienne. Siorn prenait le pari risqué de réhabiliter l’Heroic Fantasy pure et dure, un sous-genre qui n’a plus trop la cote de nos jours il faut bien se l’avouer (si on met de côté David Gemmell qui ne cesse d’être réédité). C’est un peu l’adaptation bande-dessinée européenne de Conan que nous n’avons jamais eu d’une certaine façon, car ce Siorn ne trompera personne sur les références et clins d’œil qu’il empreinte au héros le plus célèbre de l’écrivain texan, Robert E. Howard, ainsi qu'à son meilleur illustrateur, Frank Frazetta.
Tout les ingrédients sont réunis sans que rien ne manque : Siorn est un barbare, un Nosvars des steppes du nord, un guerrier solitaire, ou plutôt en exil car en conflit ouvert avec le chef suprême des siens, Kostrok, sa Némésis. Si ce dernier est l’archétype du Nosvars brutal et peu réfléchi, Siorn est son antagoniste : rusé, machiavélique, rapide et adroit. Tandis qu’il pense avoir réussit son casse et dérobé les gemmes de la forteresse de Jolarsh, Siorn est finalement rattrapé puis capturé et ramené auprès de l’infâme reine Ysbel (elle aussi archétype de la femme lascive tigresse à dompter de l’Heroic Fantasy) qui voit en ce sauvage malicieux un outil qu’elle peut utiliser dans sa guerre personnelle contre son frère. Mais on ne contraint pas si facilement un homme comme Siorn… Aussi, sur une idée inspirée probablement par New York 1997, Ysbel empoisonne Siorn, l’obligeant à se lancer dans une mission impossible derrière les lignes ennemies s’il souhaite obtenir l’antidote.
Les personnages sont cyniques à mort, portés par leurs petites ambitions égoïste, et même s’ils se battent du « bon » côté pour certains, ils ne le font que rarement pour la bonne cause mais parce que contraints et forcés. Le degré de violence se veut réaliste, ça perce la chair, le sang coule à gros bouillon, ça tranche des membres aussi facilement qu’un bon morceau de bœuf de Kobe. Les protagonistes s’aident d’une panoplie exhaustive d’armure et d’armes : la massue géante pour Kostork le bestiau, Siorn usant d’une hache en forme d’ailes de papillon style Druss la légende, Gaïl avec son marteau et sa carrure rappelle Brienne de Tarth du TdF, et la sexy Hebryn manie la faux (ou bien est-ce un tumi ? ) avec grâce.
D’un survival-actioner dans le tome 1 on passe à un compte à rebours avec repli défensif des « good guy » qui usent de la tactique militaire de la terre brûlée pour contrer l’avancée de l’armée Nosvars. Avant l’ordalie qui décidera du sort de la guerre dans un duel opposant Siorn le rebelle à sa Némésis, moment classique bien que toujours aussi épique, le récit est entrecoupé de sabotages, coups tordus d’assassin en scred, combat de boxe pour montrer qui c’est qui a la plus grosse, et autres escarmouches où on laisse place au chant des armes. Quel dommage que les auteurs n’aillent pas au bout du truc et ne nous offre une vraie histoire de Sword & Sorcery d’antan. Car point de créature infernale à zigouiller, de sorcier à débusquer sous une montagne de feu, ou de vieille relique à dénicher dans un tombeau hanté par un dieu ancien. On regrettera également que la fin soit en points de suspensions laissant augurer une possible suite dont on sait pertinemment aujourd'hui qu'elle ne verra jamais l'aube.
Parlons du visuel à présent. Le style semi-réaliste de Morgann Tanco est excellent mais que par intermittence selon mon impression personnelle. Si la majorité des dessins possèdent un encrage soigné et détaillé dans la lignée des Lauffray, Montaigne, Meyer et cie pour donner une idée ; j’ai parfois eu l’impression qu’il s’essoufflait par moment sur le tome 2 avec des arrières plans moins peaufinés. De même, si les couleurs m’ont globalement comblé, parfois je me suis demandé si le dessinateur n’avait pas eu du mal à respecter les délais pour fignoler. Avec Denis Bechu et GOM ils ont beau s’y être mis à trois, je n’ai pas toujours trouvé le raffinement identique tout le long. Néanmoins, le découpage est dynamique notamment lors des phases d'action, donc bien à propos avec la tonalité du récit. Et puis dans la recherche graphique je rassure, il y a à manger et à boire. Les personnages ont les gueules « leonesques » qu’ils doivent avoir, les paysages évocateurs font leur taf niveau sensationnel. Voir Siorn chevaucher aux côtés d’Hebryn dans les montagnes devant un ciel rosé m’a rappelé ce bon vieux Schwarzenegger gambadant dans les steppes l’horizon pointant devant lui.
C’est beau, du divertissement grand public pas pour les pisse-froids.
« Les hommes civilisés sont plus discourtois que les sauvages, car ils savent qu’ils peuvent se montrer impolis sans se faire automatiquement fendre le crâne ». Robert E. Howard.
Dans les années 1930, quelques part dans le bassin minier du Nord-pas-de-Calais, la routine suit son cours pour Henri, son beau-frère Lucien et sa petite famille, tous deux mineurs de charbon. Entre un boulot harassant mal payé sans protection sociale, les conflits avec la direction patronale et la peur des réductions d’effectifs, ce n’est pas la joie tous les jours mais la vie étant ainsi faite, chacun tente de trouver des motifs de satisfaction. Pour Henri c’est plutôt contestation ouvrière, théories marxistes et bibine le soir au bar Chez Moustache. Pour Lucien c’est plutôt la famille avant tout et philosophie terrienne sans faire de vague. Lorsque ce dernier accepte de rejoindre une nouvelle équipe de miniers chargés de tester une innovation « high-tech », un poste mieux rémunéré faisant miroiter une évolution hiérarchique ; sa relation d’amitié commence à sentir le souffre avec Henri qui y voit une trahison et pressent une cabale patronale pour les remplacer tous. Quand Lucien prend conscience de la supercherie et qu’il s’est fait dupé, il tente un geste désespéré en voulant tout faire exploser. Mais il se rate, lui et ses camarades Tobiaz, Andrezj, le vieux, la corneille et le porion, se retrouvent abîmer dans un monde fantastique qu’ils ne soupçonnaient pas…
J’ai sincèrement pris un grand plaisir à la lecture avec cette histoire fraîche d’un auteur qui casse les codes et barrières des genres. Cela débute comme un récit social tout ce qu’il y a de plus classique sur la dureté et la précarité du statut du mineur de charbon, avec son lot d’imageries à la Germinale, les corons et barreaux, la descente dans les puits, les chevalements, etc. Mais aussi le thème des conflits sociaux qui virent à l’empoignade entre ouvriers syndiqués et chiens de garde à la botte du patronat. Le contexte historique est bien rendu donc même si volontairement stéréotypé. Aussi avec la thématique du remplacement de l’homme par la machine, on se souvient qu’il s’agit d’une problématique bien plus ancienne qu’on ne le pense et pas seulement présente dans nos récits d’anticipation d’aujourd’hui, mais qui déjà pouvait se poser à l’époque (ou au XVIIIème siècle et la navette volante de John Kay qui révolutionna le métier à tisser par exemple).
On pense alors que le récit prend le chemin de la science-fiction (sans oublier le teasing horrifique de l’intro) avec ce robot esclave-minier asimovien ingénieusement conceptualisé que je nommerai pour la forme mini-S.A.M. parce qu’il me rappelle le mécha géant de la série du même nom. Et puis « PAF ! », l’histoire prend le lecteur à contre-pied et bascule dans un remake de Daylight où le but va être de retrouver la lumière du soleil. À partir de ce quatrième chapitre Romain Baudy reprend presque les codes de la Portal Fantasy puisque, tout en étant définitivement dans une histoire Fantastique, nous avons des personnages qui explorent un monde secondaire merveilleux, par moment « médiéval », et dont ils sont totalement ignorants. La faune et la flore n’ont rien de commun avec ce qu’ils connaissent, toute retraite est impossible, et ils vont y jouer le rôle quasi « cliché » du héros prophétique libérateur. Le background fantaisiste ne manque pas de sel avec ce brassage des mythologies germanique et nordique où les Jötunn géants fusionnent avec les Nibelungen souterrains. La recherche est poussée jusqu’au runes qui ont une véritable signification et ne sont pas mises là juste parce que ça fait jolie : l’Othila la rune de pouvoir pour commander, et Uruz, la force. L’idée que des mineurs humains croisent des créatures mythologiques caractérisées pour leur travail des métaux est d’ailleurs plutôt cocasse.
Voilà, je trouve l’intrigue très bien construite et pensée : la mise en abyme est chouette car si malheureusement pour Zola il n’y aura pas de « grand soir » dans le monde du dessus, nos héros pourront toujours se la jouer Sergio Leone et refaire Il était une fois la révolution chez les Jötunn. D’ailleurs pour la mise en abyme, peut-être que je pars en live mais je me demande si l’auteur n’a pas lu le Moi, Asimov de l’écrivain éponyme qui évoquait entre autres dans cette autobiographie ses origines juives puis un échange où il s’était opposé à Elie Wiesel qui était disons pour faire court, « obsédé » par l’Holocauste, que les juifs, parce que persécutés étaient bons et innocents par essence. Asimov lui avait répliqué que les juifs étaient persécutés parce qu’en position de faiblesse et qui sait s’ils s’étaient retrouvés de l’autre côté du manche… que le phénomène de persécution est universelle et que de persécutés certains passent à persécuteurs en un clin d’œil lorsqu’ils sont les plus forts comme le démontrent des comportements extrémistes d’israéliens envers les palestiniens. Et je me suis demandé avec mini-S.A.M. le robot asimovien briseur de chaînes du joug des nains/ewoks qui ont fuit les persécutions des vénitiens pour persécuter à leur tour les Jötunn/Nibelungen, si… enfin bon, peut-être est-ce tiré par les cheveux.
Romain Baudy qui est entre autres choses designer sur la jolie série animé jeunesse "Wafku", démontre qu’il a plus d’une corde à son arc et est capable de se muer en auteur complet. Nous avons entre les mains un véritable roman graphique de plus d’une centaine de pages où parfois le dessinateur nous régale avec des dessins en pleine page totalement gratuits, que d’autres auraient réduit à cause de la limitation en 48 planches. Il y a parfois une fausse impression d’être en présence d’un héritier de Mike Mignola avec un encrage profond lorsqu’on s’enfonce dans la mine (proche du Dessous - La Montagne des morts de Bones). J’ai apprécié les jeux d’ombre entre encrage et couleurs qui donnent un rendu très riche, ainsi que cette variété dans le trait entre décors bien détaillés et physionomie des personnages parfois simple, vieille école. Toutefois, l’œuvre parfaite n’existant pas, j’ai relevé quelques scories qui m’ont dérangées :
- Certaines proportions entre tête et corps ne sont pas toujours nickel en début d’album.
- Pas très convaincu par le changement brutal de comportement de Lucien qui passe trop vite de père de famille responsable à dangereux poseur de bombe.
- Les dialogues des personnages lors de la découverte de la créature manquent de naturel et de surprise (genre « OK y a une grosse bestiole… what else ? »).
- Le coup de poing du Jötunn sur Lucien façon One-Punch Man qui ne fait que l’assommer alors que dessiner comme ça, il aurait dû se faire écrabouiller.
- Les lutins qui parlent un français moderne impeccable alors qu’enfermer depuis des siècles sous terre. Un défaut qui m’agace toujours dans ce genre d’histoire.
Une découverte surprenante qui m’envoie ravi. Un des tops de 2017.
Un album que je n'aurais sans doute jamais lu sans ce merveilleux site !
Arrêter le temps n'est pas une idée nouvelle dans la fiction. Malgré tout, j'ai vite trouvé le scénario prenant et intéressant. Le concept est bien utilisé par les auteurs, l'intrigue est très bien construite et il y a des révélations et des retournements de situations qui font en sorte qu'au final le récit est beaucoup plus original qu'il n'y parait au début.
Personnellement, j'ai bien aimé le dessin et je n'ai pas eu de la difficulté avec la manière dont sont parfois dessinés les personnages. Je trouve que le dessin est dynamique et dégage une atmosphère que j'ai bien aimé. J'ai pris du plaisir à lire cet album que je recommande fortement.
Je me souviens des premières pages du roman. La difficulté à rentrer dedans, comme face à un furvent. Ces pages numérotées à l'envers, ces symboles de vent, cette ponctuation aléatoire. Mais où ça va tout ça? et puis... et puis.... j'ai pris l'aspiration de golgoth, j'ai vibré avec la Horde, j'ai relu 4 fois de suite la joute oratoire de caracole, j'ai tremblé dans la flaque de lapsane, retenu mon souffle à la fin, cette fin, quelle fin!!
J'ai aimé ce livre, il m'a transporté comme peu de livres l'ont fait.
J'attendais donc avec grande impatience la sortie de cet album... et BANCO!
Globalement je suis complètement d'accord avec l'avis de Sloane, donc je vous renvoie à sa critique, bien mieux écrite que je ne pourrais le faire.
Ce premier tome m'a donné une envie irrésistible de relire la horde, de la rejoindre, de revivre avec eux cette remontée vers l'amont... C'est donc pour moi une réussite, et j'espère que la suite sera du même niveau!
Trace donc Eric, on te suit ...
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L'Homme qui n'aimait pas les armes à feu
Je suis un amateur de western en bd, et Delcourt m'avait déjà permis de prendre beaucoup de plaisir avec la lecture il y a pas mal de temps de Wayne Redlake et de Trio Grande. C'est dans cette veine qu'a été taillé cet album, où tout m'a plu, du dessin au scénario en passant par la colorisation. J'ai même pu hélas croire qu'il allait leur ressembler en se transformant en one shot, mais un second tome est prévu pour dans quelques mois, ouf ! J'espère que la suite sera du même niveau, car la série a commencé sur les chapeaux de roue, ne se contentant pas d'une présentation laborieuse du casting et du décor. C'est drôle, ça bouge, le temps s'étire ou se compresse sans que l'incongruité ou le côté improbable des situations ne nous empêchent d'y croire. C'est bien le propre d'une bonne histoire, de confier à notre imagination le soin de relier les éléments fournis par les auteurs. Et comme en plus l'héroïne est jolie, on a là tous les clichés bien (et même très bien !) étalés devant nous pour nous donner envie de lire la suite. J'espère qu'elle ne me décevra pas, car la barre est placée plutôt haut. ****************** Après lecture du tome 2: Je suis un peu moins enthousiaste après la lecture du deuxième tome. Quoi que... J'ai trouvé cet album moins rythmé. Il est plus explicatif, fonctionnant pas mal sur de longs flash back censés expliquer comment on en est arrivé à la situation de départ du premier tome. C'est pas mal fait, mais j'avais l'impression d'un ralentissement de l'intrigue et étais déçu au début. Malgré ce bémol, je maintiens tout de même les quatre étoiles et attends avec impatience la suite. C'est qu'il n'y a pas que des déceptions. D'abord, le dessin de Salomone est toujours excellent je trouve ! Et le cahier graphique ajouté en fin d'album, avec des esquisses et recherches est un plus appréciable. En particulier avec la belle Margot, qui est plus que mise en valeur !... Margot justement, qui encore dynamite le récit. Chacune de ses apparitions assure le lecteur d'un plaisir visuel, certes, mais aussi d'une série de rebondissements, d'entourloupes et autres coups fourrés propres à le tenir en haleine. Et la reprise de l'intrigue vers la fin de l'album promet quelques petits désagréments pour l'ensemble des protagonistes qui entourent Margot (certains pour l'encercler et la massacrer, comme Byron et Knut [toujours impayable avec ses borborygmes haineux], d'autres pour la protéger comme Tim [seul personnage transparent, fallot de la série], ou la surveiller comme l'Indien qu'on découvre moins terne que dans le premier tome). Après avoir repris quelque peu de souffle dans ce deuxième tome, j'espère que le suivant - qui doit se faire moins attendre ! reprendra le rythme effréné du premier. Une série qui s'imposerait alors comme indispensable ! **************************** Après lecture du tome trois: Dans ce troisième tome l'intrigue se poursuit, comme l'ensemble des protagonistes poursuivent Margot. Celle-ci est de plus en plus au centre de l'histoire, des regards, voire de la cible, puisqu'à l'Indien, Tim et l'improbable duo Byron/Knut se joignent d'autres victimes des roueries de la belle. Quelques toutes petites baisses de régimes, quelques respirations, mais le rythme global n'en pâtit pas trop, c'est toujours aussi dynamique et jouissif. Parmi les victimes revanchardes et autres poursuivants de Margot, quelques changements. De nouveaux venus, Navajos (et potentiellement un officier US et sa famille, ainsi qu'une mère supérieure: à croire que bientôt tout ce que compte ce Far West finissant sera à ses trousses !), et aussi un Tim un peu moins falot, aveugle, déniaisé par ce qu'il découvre de Margot, qu'il se permet même de traiter de salope ! Margot de Garine donc, encore et toujours à la baguette, la "sallhooop" de Knut domine encore le jeu. Quoi que... En tout cas elle est plus que mise en valeur par le toujours très beau dessin de Salomone (voir aussi la série de cartes postales accompagnant la première édition de l'album). Très beau dessin, et des couleurs elles aussi parfaites. Bref, une lecture toujours aussi recommandable, alors qu'est annoncé le quatrième et dernier tome, qui j'espère conclura en beauté une des meilleures séries du genre depuis longtemps. Une série qui confirme le talent de Lupano ! ***************** Après lecture du quatrième et dernier tome. Ce quatrième album clôt la série, en précisant les liens entre les protagonistes, et la situation de départ. Il donne aussi des éclairages amusant sur la NRA et les réserves Navajos (en s'affranchissant quelque peu de la réalité historique, mais on s'en fiche). Si Margot est bien encore la méchante de l'histoire, sa rouerie est quelque peu atténuée ici, et j'ai eu l'impression qu'après le décollage brutal, et les quelques accélérations/freinages des tomes suivants, Lupano avait décidé d'un atterrissage un peu plus calme. Mais cette série, malgré des baisses de régime après le tome inaugural, qui bénéficie d'un très joli dessin, est quand même une chouette réussite, qu'il serait vraiment dommage de ne pas avoir lue.
Prends soin de toi
Grégory Mardon est l'auteur dont j'attends patiemment chacune de ses publications car il m'a bien étonné ces dernières années avec notamment Petite frappe ou encore Madame désire ?. Ces oeuvres sont résolument modernes et surtout elles me parlent. Rares sont ceux qui peuvent y réussir. Par ailleurs, le dessin est rempli de grâce jusque dans les décors ou les mouvements. Les personnages sont particulièrement réussis comme à son habitude. Prends soin de toi est une sorte de fable morale sur un road-trip d'un homme dont la compagne vient de le quitter pour faire sa vie avec un autre. La rupture est toujours un moment délicat à vivre car on ne voudrait jamais se séparer et continuer à vivre ensemble comme si de rien n'était. la vie est fait également de ces grandes contrariétés. J'ai bien aimé la mission prétexte que cet homme s'est assigné en voulant rendre une vieille lettre non ouverte à son auteur plus de 40 ans après. La conclusion fait du bien et permets de comprendre qu'il faut continuer à vivre coûte que coûte. C'est certes classique dans l'approche mais c'est une lecture agréable qui fait mouche. Bref, un récit d'introspection admirable et plein d'empathie. A déconseiller bien évidemment à ceux qui sont vieux jeux.
Henriquet - L'homme-reine
Richard Guérineau donne une suite à son Charly 9, je crois que c'était inévitable. Et comme j'avais apprécié l'ensemble sans en cautionner tous les aspects, ici en revanche je suis pleinement satisfait. Guérineau se lâche tout seul sans scénariste derrière lui, et use d'un dialogue beaucoup plus conforme avec un beau français d'époque, sans qu'il soit pour autant pesant et pénible. Le plus étonnant, c'est qu'il a parfaitement respecté tout l'aspect historique qui sert de fond à son récit, tout est vrai, c'est une période de l'Histoire de France très critique, Charles IX ayant légué à son frère Henri III un royaume malade des guerres de Religion et d'une Saint-Barthélémy funeste qui a fait rejaillir sur la monarchie un vent de cruauté sanglante. Ce roi, le plus intelligent des 3 fils de Catherine de Médicis ayant régné, a dû affronter bien des vicissitudes, des difficultés et des complots contre sa politique, qu'il lui a été houleux de diriger le pays. Je connais parfaitement cette période, je l'ai beaucoup étudiée pour savoir que ce dernier Valois a fait tout ce qu'il a pu pour obtenir la paix et apaiser les tensions entre huguenots et catholiques. Mais il y avait trop de forces contre lui, le poids était trop lourd. Je crois que Guérineau a su bien faire sentir tout ça au lecteur, il donne un aperçu très complexe du royaume de cette époque. Si on est passionné comme moi par cette période, on est aux anges, mais si on est peu connaisseur, on risque d'être un peu largué tant les rouages de la politique sont compliqués et tant il y de protagonistes que Guérineau fait défiler, tous pourtant très connus... entre Catherine la reine-mère, la soeur Margot, François d'Alençon le frère gênant, Henriot qui n'est encore que roi de Navarre, Henri de Guise, les Mignons Joyeuse, O, Epernon, Quélus etc et bien d'autres encore, ça fait beaucoup de monde. Les événements ou faits sont rapportés assez fidèlement, tels l'assassinat du duc de Guise ou la bataille de Coutras... Je trouve que Guérineau a été beaucoup plus sérieux dans son traitement que sur Charly 9 qui suivait le bouquin de Teulé ; ici, il est libre d'interpréter l'Histoire à sa façon mais en la respectant beaucoup plus. D'ailleurs il use de procédés identiques vus dans Charly 9, notamment les styles graphiques différents (j'adore la parodie de l' Histoire de France en Bandes Dessinées) et un certain humour. Il ne peut éviter 1 ou 2 parodies graphiques un peu limite, mais dans l'ensemble, le résultat est plus intéressant que dans Charly 9. Sur la personnalité du roi, on a beaucoup exagéré son côté maniéré, ses "mignardises " et sa soi-disant homosexualité, alors qu'il était un roi sans doute précieux, peut-être légèrement efféminé mais aimant aussi les femmes. On sait qu'il a honoré plus d'une fois la reine Louise pour qui il avait une réelle affection, et d'ailleurs celle-ci le lui rendra après sa mort, conservant un deuil sincère et durable. Guérineau sacrifie donc à 2 ou 3 reprises sur quelques tenues excentriques, mais c'est pour amuser la galerie, Henri étant plus porté sur une certaine élégance, il n'y a qu'à voir les tableaux le représentant toujours fardé mais impeccable et en habit d'homme, au contraire du futur Henri IV qui lui sentait l'écurie et avait des frusques parfois négligées. Guérineau inclut aussi des mots historiques apocryphes ou les détourne de façon amusante, il en oublie aussi de plus fameux. Bref, son approche de ce règne et d'un roi qui commence à être réhabilité par les historiens, est fort subtile. Je m'attendais à plein de dérives un peu connes comme il l'a fait sur Charly 9, à une exagération gratuite sur l'homosexualité et les Mignons, mais point, à part 2 ou 3 trucs sans importance. L'ouvrage est de bonne facture sur le plan historique, c'est ce qui me réjouit. Au niveau graphique, c'est également très agréable, j'aime ce dessin semi-réaliste qui reproduit bien les personnages connus et les édifices avec une bonne dynamique dans la mise en page. L'épilogue dessiné dans un style caricatural imité de Dick Browne, est jubilatoire avec Montaigne et Pierre de l'Estoile qui "arrangent" le dernier mot d'Henri lors de son assassinat par le moine fanatique Jacques Clément. C'est en effet ce mot qui a traversé la postérité, et je gage que beaucoup d'autres en divers siècles ont été enjolivés de même façon. Au final, même si Guérineau a donné sa vision personnelle de ce roi, il a quand même suivi de belle façon l'Histoire de France et n'a pas détourné grand chose, il a même oublié les anachronismes et a non seulement atténué le côté homosexuel du roi, mais a aussi introduit des détails intéressants sur de petits éléments réels (les braguettes, le bilboquet etc..). C'est donc un ouvrage plus sérieux tout en ayant recours aux mêmes recettes qui ont fait le succès de Charly 9, qui déboulonne la mauvaise réputation de ce roi, un subtil équilibre entre le biopic historique et le ton décalé propre à l'auteur.
Les Cinq Conteurs de Bagdad
Voila une bien belle histoire qui se concentre sur un sujet bien particulier : le fait de raconter des histoires et leur impact. Et je dois dire que la BD rapporte à merveille l'art oratoire. Entre son dessin qui arrive à retranscrire les ambiances chaudes d'un pays du Moyen-Orient et son sujet qui se retranscrit dans tout les aspects de l'histoire, on est vite de plein pied dans le récit. Cette histoire qui fait justement très conte nous entraine dans le sillage de cinq conteurs à la recherche de la façon de gagner le concours organisé par le calife de Bagdad. Comment être le meilleur dans l'art oratoire, comment raconter de la meilleure des façons et captiver le plus de monde ? La question se pose au début, mais j'avoue que le déroulé (et surtout la fin) m'a surpris. Car je m'attendais à quelque chose de plus classique sur la forme et le fond. Mais Fabien Vehlmann sait lui aussi manipuler l'art narratif et nous entrainer dans diverses circonvolutions qui donnent tout l'intérêt au récit. Ici, nous parlons de la puissance de la parole, de l'histoire, de ce qu'on raconte. Il y a une réflexion puissante sur ce que vaut le récit, la question du conteur et ce qu'on a à raconter. A ce niveau, j'aime beaucoup ce que la fin propose comme dénouement. C'était inattendu et bienvenue aussi. Ni heureuse ni malheureuse, elle semble nous rappeler qu'il est bon pour l'homme de raconter et écouter des histoires. Je suis friand de ça et je trouve que c'est une très belle conclusion. En tout cas, la BD m'a plu dans son message, son graphisme et son histoire. Une belle réussite !
F.Compo
Je remet un avis plus récent sur cette série qui était resté longtemps dans les immanquables, puisque je comprends beaucoup mieux l'enthousiasme derrière cette BD ! On est vraiment pas passé loin du culte, et c'est presque à regret que je ne met "que" un 4/5. Parce que cette série est un vrai régal, d'un bout à l'autre ! Je me suis fendu la poire à lire ces péripéties d'une famille totalement ordinaire sortant complètement de l'ordinaire. J'ai presque versée une larme devant ce que l'auteur arrive à nous faire comme scène, et je me suis laissé entrainé sans m'en rendre compte jusqu'au tome final. Tout est bon dans cette série : les dessins sont géniaux (mais l'auteur n'est pas à son coup d'essai et a une maitrise vraiment remarquable), servis par une pagination habile, avec des personnages crédibles et tellement attachants, des situations hilarantes et des péripéties variées, des questionnements vraiment pointus, des considérations géniales ... Le gros point fort, c'est le point de départ : cette famille où l'on change de sexe, avec des personnages qui ne glissent ni dans le cliché des travestis ni dans la facilité de l'humour gras. C'est toujours bien mené, hilarant mais jamais méchant, rempli de douceur et de gentillesse. Si on crie contre le manque de visibilité de certaines sexualités en BD, c'est peut-être parce qu'on n'a pas cherché de ce côté : on y trouve travestis, transexuels, lesbiennes et gays, toujours dans l'humour mais jamais dans la méchanceté. On raille les clichés que les autres imposent, on développe des histoires d'amours sensibles et belles. C'est du beau manga, qu'on a envie de relire tant ça force le respect. Mais tout n'est pas parfait, et je suis déçu par cette fin. Qui ne conclut rien, certes, mais qui passe vite sur certaines intrigues (la relation avec Yoko et tout ce qu'elle vit avec sa mère, le Yakuza et Kaoru, la mère de Kaoru ...), et qui ne donne pas beaucoup d'idée de l'avenir : notre héros continuera-t-il à faire acteur ? Comment envisagent-ils leurs avenirs ? Que deviennent tout les personnages secondaires ? Je ne demandais pas un développement complet de tout ceci, mais quelques petites pistes, un peu plus de détails ... Là, j'ai vraiment eu l'impression que l'auteur à coupé au milieu en se disant que c'était le moment de passer à autre chose. C'est vraiment dommage, ça gache un peu tout ce qui a été fait ... Et pour cela, je laisserais un 4/5 amplement mérité. Parce que traiter aussi finement d'un sujet autant risqué, c'est du grand art. Arriver à faire rire sans que jamais on ne sente de méchanceté, de railleries ou de haine, c'est du talent. Arriver à faire des histoires aussi belles (et pas forcément heureuses d'ailleurs), aussi vraies et aussi riches, c'est vraiment du génie. Je suis décidément frustré de cette fin, qui empêche de mettre plus. Mais que cela ne vous dispense pas de le lire, parce que ça en vaut vraiment, vraiment la peine.
L'Odeur des garçons affamés
Lorsque j'ai refermé cette bande dessinée après l'avoir lue, la première chose qui m'est venu à l'esprit c'est, clairement : "mais qu'est ce que c'est que ce truc ?". On en fait pas tous les dimanches matin des bds comme "l'Odeur des Garçons Affamés", véritable objet manuscrit non-identifié, sorte de "western sous psychotropes" à la croisée des chemins entre le soap opera, le western et le récit fantastique. Ici le décor est vaste, vertigineusement vaste puisqu'il s'agit du grand Ouest américain, encore vierge et inapprivoisé, ou s'épanouissent des autochtones momentanément épargnés de la frénésie industrielle et démograhique WASP par la guerre de Sécession qui vient de se terminer. Trois aventuriers, cependant, sillonnent la région afin de reconnaître le terrain en vue d'une future exploitation : Stingley, l'entrepreneur véreux, Oscar Forrest le "garçon" de ferme et Milton, photographe irlandais chargé d'immortaliser la beauté sauvage de ce territoire poussiéreux. C'est l'occasion pour ces individus aux caractères différents d'affronter leur point de vue et leur philosophie : d'aucuns piaffent cyniquement d'impatience en songeant aux seuls bénéfices pécuniers à envisager, d'autres se drapent sous l'écologie politique et les droits de l'homme, soucieux de garder cet Eden loin des vices du monde moderne qui vient. Au fil des pages les liens se créent , des secrets bien cachés éclatent au grand jour, certains masques tombent et le ton tourne progressivement vers le fantastique. Hallucinations, rêves étranges hantés d'ectoplasmes, délires visuels, ce chamboulement d'ambiance déroute et charme tout en un, l'oeuvre mue pour se transformer en méta-western. L'intérêt (à mon sens du moins) de cette BD vient du fait qu'elle ose dépoussiérer les codes d'un genre relativement figé en sortant des sentiers battus. Le bizarre côtoie le familier : les Comanches mutiques et inquiétants brouillent les photographies de manière inexplicable et les chasseurs de primes dissimulent d'affreuses têtes de vampire sous des chapeaux à long bord. Le dessin, relativement simple et minimaliste, est atypique pour un western, plus habitué à des planches sales et fouillées à la Moebius. C'est un pari risqué de la part de Frederik Peeters et Loo Hui Phang, elle rendra cette BD forcément clivante et rebutera peut être les puristes. Pour ma part je la considère comme un exercice de style franchement réussi, qui tire tout son sel de son particularisme. Vivement conseillé. Qui a dit que le western était un genre sclérosé et éteint ?
Siorn
Après plusieurs années d’interludes il était temps que je parcours le deuxième volume conclusif. Dès lors une refonte de mon avis s’imposait. J’ai une affection particulière pour cette série qui n’a malheureusement pas très bien marché commercialement alors qu’elle comblerait les attentes de bien des lecteurs en mal de Fantasy à l’ancienne. Siorn prenait le pari risqué de réhabiliter l’Heroic Fantasy pure et dure, un sous-genre qui n’a plus trop la cote de nos jours il faut bien se l’avouer (si on met de côté David Gemmell qui ne cesse d’être réédité). C’est un peu l’adaptation bande-dessinée européenne de Conan que nous n’avons jamais eu d’une certaine façon, car ce Siorn ne trompera personne sur les références et clins d’œil qu’il empreinte au héros le plus célèbre de l’écrivain texan, Robert E. Howard, ainsi qu'à son meilleur illustrateur, Frank Frazetta. Tout les ingrédients sont réunis sans que rien ne manque : Siorn est un barbare, un Nosvars des steppes du nord, un guerrier solitaire, ou plutôt en exil car en conflit ouvert avec le chef suprême des siens, Kostrok, sa Némésis. Si ce dernier est l’archétype du Nosvars brutal et peu réfléchi, Siorn est son antagoniste : rusé, machiavélique, rapide et adroit. Tandis qu’il pense avoir réussit son casse et dérobé les gemmes de la forteresse de Jolarsh, Siorn est finalement rattrapé puis capturé et ramené auprès de l’infâme reine Ysbel (elle aussi archétype de la femme lascive tigresse à dompter de l’Heroic Fantasy) qui voit en ce sauvage malicieux un outil qu’elle peut utiliser dans sa guerre personnelle contre son frère. Mais on ne contraint pas si facilement un homme comme Siorn… Aussi, sur une idée inspirée probablement par New York 1997, Ysbel empoisonne Siorn, l’obligeant à se lancer dans une mission impossible derrière les lignes ennemies s’il souhaite obtenir l’antidote. Les personnages sont cyniques à mort, portés par leurs petites ambitions égoïste, et même s’ils se battent du « bon » côté pour certains, ils ne le font que rarement pour la bonne cause mais parce que contraints et forcés. Le degré de violence se veut réaliste, ça perce la chair, le sang coule à gros bouillon, ça tranche des membres aussi facilement qu’un bon morceau de bœuf de Kobe. Les protagonistes s’aident d’une panoplie exhaustive d’armure et d’armes : la massue géante pour Kostork le bestiau, Siorn usant d’une hache en forme d’ailes de papillon style Druss la légende, Gaïl avec son marteau et sa carrure rappelle Brienne de Tarth du TdF, et la sexy Hebryn manie la faux (ou bien est-ce un tumi ? ) avec grâce. D’un survival-actioner dans le tome 1 on passe à un compte à rebours avec repli défensif des « good guy » qui usent de la tactique militaire de la terre brûlée pour contrer l’avancée de l’armée Nosvars. Avant l’ordalie qui décidera du sort de la guerre dans un duel opposant Siorn le rebelle à sa Némésis, moment classique bien que toujours aussi épique, le récit est entrecoupé de sabotages, coups tordus d’assassin en scred, combat de boxe pour montrer qui c’est qui a la plus grosse, et autres escarmouches où on laisse place au chant des armes. Quel dommage que les auteurs n’aillent pas au bout du truc et ne nous offre une vraie histoire de Sword & Sorcery d’antan. Car point de créature infernale à zigouiller, de sorcier à débusquer sous une montagne de feu, ou de vieille relique à dénicher dans un tombeau hanté par un dieu ancien. On regrettera également que la fin soit en points de suspensions laissant augurer une possible suite dont on sait pertinemment aujourd'hui qu'elle ne verra jamais l'aube. Parlons du visuel à présent. Le style semi-réaliste de Morgann Tanco est excellent mais que par intermittence selon mon impression personnelle. Si la majorité des dessins possèdent un encrage soigné et détaillé dans la lignée des Lauffray, Montaigne, Meyer et cie pour donner une idée ; j’ai parfois eu l’impression qu’il s’essoufflait par moment sur le tome 2 avec des arrières plans moins peaufinés. De même, si les couleurs m’ont globalement comblé, parfois je me suis demandé si le dessinateur n’avait pas eu du mal à respecter les délais pour fignoler. Avec Denis Bechu et GOM ils ont beau s’y être mis à trois, je n’ai pas toujours trouvé le raffinement identique tout le long. Néanmoins, le découpage est dynamique notamment lors des phases d'action, donc bien à propos avec la tonalité du récit. Et puis dans la recherche graphique je rassure, il y a à manger et à boire. Les personnages ont les gueules « leonesques » qu’ils doivent avoir, les paysages évocateurs font leur taf niveau sensationnel. Voir Siorn chevaucher aux côtés d’Hebryn dans les montagnes devant un ciel rosé m’a rappelé ce bon vieux Schwarzenegger gambadant dans les steppes l’horizon pointant devant lui. C’est beau, du divertissement grand public pas pour les pisse-froids. « Les hommes civilisés sont plus discourtois que les sauvages, car ils savent qu’ils peuvent se montrer impolis sans se faire automatiquement fendre le crâne ». Robert E. Howard.
Souterrains
Dans les années 1930, quelques part dans le bassin minier du Nord-pas-de-Calais, la routine suit son cours pour Henri, son beau-frère Lucien et sa petite famille, tous deux mineurs de charbon. Entre un boulot harassant mal payé sans protection sociale, les conflits avec la direction patronale et la peur des réductions d’effectifs, ce n’est pas la joie tous les jours mais la vie étant ainsi faite, chacun tente de trouver des motifs de satisfaction. Pour Henri c’est plutôt contestation ouvrière, théories marxistes et bibine le soir au bar Chez Moustache. Pour Lucien c’est plutôt la famille avant tout et philosophie terrienne sans faire de vague. Lorsque ce dernier accepte de rejoindre une nouvelle équipe de miniers chargés de tester une innovation « high-tech », un poste mieux rémunéré faisant miroiter une évolution hiérarchique ; sa relation d’amitié commence à sentir le souffre avec Henri qui y voit une trahison et pressent une cabale patronale pour les remplacer tous. Quand Lucien prend conscience de la supercherie et qu’il s’est fait dupé, il tente un geste désespéré en voulant tout faire exploser. Mais il se rate, lui et ses camarades Tobiaz, Andrezj, le vieux, la corneille et le porion, se retrouvent abîmer dans un monde fantastique qu’ils ne soupçonnaient pas… J’ai sincèrement pris un grand plaisir à la lecture avec cette histoire fraîche d’un auteur qui casse les codes et barrières des genres. Cela débute comme un récit social tout ce qu’il y a de plus classique sur la dureté et la précarité du statut du mineur de charbon, avec son lot d’imageries à la Germinale, les corons et barreaux, la descente dans les puits, les chevalements, etc. Mais aussi le thème des conflits sociaux qui virent à l’empoignade entre ouvriers syndiqués et chiens de garde à la botte du patronat. Le contexte historique est bien rendu donc même si volontairement stéréotypé. Aussi avec la thématique du remplacement de l’homme par la machine, on se souvient qu’il s’agit d’une problématique bien plus ancienne qu’on ne le pense et pas seulement présente dans nos récits d’anticipation d’aujourd’hui, mais qui déjà pouvait se poser à l’époque (ou au XVIIIème siècle et la navette volante de John Kay qui révolutionna le métier à tisser par exemple). On pense alors que le récit prend le chemin de la science-fiction (sans oublier le teasing horrifique de l’intro) avec ce robot esclave-minier asimovien ingénieusement conceptualisé que je nommerai pour la forme mini-S.A.M. parce qu’il me rappelle le mécha géant de la série du même nom. Et puis « PAF ! », l’histoire prend le lecteur à contre-pied et bascule dans un remake de Daylight où le but va être de retrouver la lumière du soleil. À partir de ce quatrième chapitre Romain Baudy reprend presque les codes de la Portal Fantasy puisque, tout en étant définitivement dans une histoire Fantastique, nous avons des personnages qui explorent un monde secondaire merveilleux, par moment « médiéval », et dont ils sont totalement ignorants. La faune et la flore n’ont rien de commun avec ce qu’ils connaissent, toute retraite est impossible, et ils vont y jouer le rôle quasi « cliché » du héros prophétique libérateur. Le background fantaisiste ne manque pas de sel avec ce brassage des mythologies germanique et nordique où les Jötunn géants fusionnent avec les Nibelungen souterrains. La recherche est poussée jusqu’au runes qui ont une véritable signification et ne sont pas mises là juste parce que ça fait jolie : l’Othila la rune de pouvoir pour commander, et Uruz, la force. L’idée que des mineurs humains croisent des créatures mythologiques caractérisées pour leur travail des métaux est d’ailleurs plutôt cocasse. Voilà, je trouve l’intrigue très bien construite et pensée : la mise en abyme est chouette car si malheureusement pour Zola il n’y aura pas de « grand soir » dans le monde du dessus, nos héros pourront toujours se la jouer Sergio Leone et refaire Il était une fois la révolution chez les Jötunn. D’ailleurs pour la mise en abyme, peut-être que je pars en live mais je me demande si l’auteur n’a pas lu le Moi, Asimov de l’écrivain éponyme qui évoquait entre autres dans cette autobiographie ses origines juives puis un échange où il s’était opposé à Elie Wiesel qui était disons pour faire court, « obsédé » par l’Holocauste, que les juifs, parce que persécutés étaient bons et innocents par essence. Asimov lui avait répliqué que les juifs étaient persécutés parce qu’en position de faiblesse et qui sait s’ils s’étaient retrouvés de l’autre côté du manche… que le phénomène de persécution est universelle et que de persécutés certains passent à persécuteurs en un clin d’œil lorsqu’ils sont les plus forts comme le démontrent des comportements extrémistes d’israéliens envers les palestiniens. Et je me suis demandé avec mini-S.A.M. le robot asimovien briseur de chaînes du joug des nains/ewoks qui ont fuit les persécutions des vénitiens pour persécuter à leur tour les Jötunn/Nibelungen, si… enfin bon, peut-être est-ce tiré par les cheveux. Romain Baudy qui est entre autres choses designer sur la jolie série animé jeunesse "Wafku", démontre qu’il a plus d’une corde à son arc et est capable de se muer en auteur complet. Nous avons entre les mains un véritable roman graphique de plus d’une centaine de pages où parfois le dessinateur nous régale avec des dessins en pleine page totalement gratuits, que d’autres auraient réduit à cause de la limitation en 48 planches. Il y a parfois une fausse impression d’être en présence d’un héritier de Mike Mignola avec un encrage profond lorsqu’on s’enfonce dans la mine (proche du Dessous - La Montagne des morts de Bones). J’ai apprécié les jeux d’ombre entre encrage et couleurs qui donnent un rendu très riche, ainsi que cette variété dans le trait entre décors bien détaillés et physionomie des personnages parfois simple, vieille école. Toutefois, l’œuvre parfaite n’existant pas, j’ai relevé quelques scories qui m’ont dérangées : - Certaines proportions entre tête et corps ne sont pas toujours nickel en début d’album. - Pas très convaincu par le changement brutal de comportement de Lucien qui passe trop vite de père de famille responsable à dangereux poseur de bombe. - Les dialogues des personnages lors de la découverte de la créature manquent de naturel et de surprise (genre « OK y a une grosse bestiole… what else ? »). - Le coup de poing du Jötunn sur Lucien façon One-Punch Man qui ne fait que l’assommer alors que dessiner comme ça, il aurait dû se faire écrabouiller. - Les lutins qui parlent un français moderne impeccable alors qu’enfermer depuis des siècles sous terre. Un défaut qui m’agace toujours dans ce genre d’histoire. Une découverte surprenante qui m’envoie ravi. Un des tops de 2017.
Les Mesures du temps
Un album que je n'aurais sans doute jamais lu sans ce merveilleux site ! Arrêter le temps n'est pas une idée nouvelle dans la fiction. Malgré tout, j'ai vite trouvé le scénario prenant et intéressant. Le concept est bien utilisé par les auteurs, l'intrigue est très bien construite et il y a des révélations et des retournements de situations qui font en sorte qu'au final le récit est beaucoup plus original qu'il n'y parait au début. Personnellement, j'ai bien aimé le dessin et je n'ai pas eu de la difficulté avec la manière dont sont parfois dessinés les personnages. Je trouve que le dessin est dynamique et dégage une atmosphère que j'ai bien aimé. J'ai pris du plaisir à lire cet album que je recommande fortement.
La Horde du contrevent
Je me souviens des premières pages du roman. La difficulté à rentrer dedans, comme face à un furvent. Ces pages numérotées à l'envers, ces symboles de vent, cette ponctuation aléatoire. Mais où ça va tout ça? et puis... et puis.... j'ai pris l'aspiration de golgoth, j'ai vibré avec la Horde, j'ai relu 4 fois de suite la joute oratoire de caracole, j'ai tremblé dans la flaque de lapsane, retenu mon souffle à la fin, cette fin, quelle fin!! J'ai aimé ce livre, il m'a transporté comme peu de livres l'ont fait. J'attendais donc avec grande impatience la sortie de cet album... et BANCO! Globalement je suis complètement d'accord avec l'avis de Sloane, donc je vous renvoie à sa critique, bien mieux écrite que je ne pourrais le faire. Ce premier tome m'a donné une envie irrésistible de relire la horde, de la rejoindre, de revivre avec eux cette remontée vers l'amont... C'est donc pour moi une réussite, et j'espère que la suite sera du même niveau! Trace donc Eric, on te suit ... "Furvent, ceux qui vont mûrir te saluent !"