Les derniers avis (9361 avis)

Couverture de la série Idéal
Idéal

Ideal se découvre comme un OVNI dans les parutions. ce long récit nous parle du temps, de la vie, de l'amour, des regrets, de l'art, de l’intelligible, de la robotisation, de l'intelligence artificielle, de la morale, des cycles de l'histoire, du sens, de l'absolu, le la faiblesse, de tradition, de l'humain. De tout cela et bien plus, dans un style graphique épuré qui nous rappelle les estampes japonaises. Comme pour donner un support clair et limpide à une pensée complexe et profonde. En fait cet album est un écrin pour laisser vagabonder sa pensée tout comme le jardin Japonais est une ode à la méditation de la pensée Zen. En guise d'introduction, une séquence éblouissante de plus de 30 planches muettes nous permet de découvrir les trois protagonistes principaux. Tout est déjà là, derrière la simplicité d'un trait simplifié à l’extrême se cachent déjà des drames intérieurs bouleversants. Ces personnages vont ensuite se mettre à parler, à échanger et l'on découvrira d'autres individus pour former une étrange société. Arrivent alors les sujets de robotisation humanoïde et d'intelligence artificielle et là encore point de repos, le propos est clair, froid mais implacable. Sa simplicité déconcertante vient contraster avec les pulsions, peurs et fantômes conscients ou non des humains. A ce sujet, la scène du chat et de l'oiseau pourrait à elle seule faire l'objet de mémoires tant cela me semble beaucoup moins anodin qu'il n'y parait. Outre que nous n'avions pas vraiment vu venir la chose tant ces éléments semblent former un contexte pour montrer des éléments des personnages jusque là, j'y vois une réflexion sur la fin de vie assez terrible. Chacun se fera libre interprète mais l'oiseau n'est il pas plus heureux dans ce final que dans sa position de prison, et n'est-ce pas justement cela que l'IA a perçu, le don de soi ? Encore une fois subtil, sans jugement et sans morale, c'est lourd, c'est dur, c'est magnifique. Le dessin fait une synthèse entre les estampes japonaises et le douanier Rousseau. Cet art naïf nous propose un écrin vers les profondeurs complexes de nos douleurs, questionnements, névroses et incertitudes rendant l'exploration supportable. Car comment ne pas voir un triptyque de miroir en relation au temps perdu ? Il y a ce temps passé lourd de combats internes qui bloque l'action et aboutit à une lâcheté dans le présent, il y a ce passé glorieux, plus atteignable mais qui refuse d'abdiquer et rend l'action manipulatrice, violente, insupportable. Il y a ce lourd passé, qui hante encore le présent mais dans lequel le parti pris est de continuer de vivre. " Mais la vie continue" dira Knut Hamsun dans son triptyque nordique, Ici nous sommes au Japon mais l'humain a les mêmes doutes et faiblesses. Cette œuvre vous retourne et ne peut vous laisser indifférent, elle fait partie de ces récits auxquels vous repensez des semaines, des mois, des années encore après. Elle vous questionnera sur vos propres incertitudes, le tout dans une absence de jugement qui fait du bien. A aucun moment les actes ne semblent forcés, le scénario ficelé et les propos indigestes. Mais la faiblesse est qu'elle n'est pas accessible et ne plaira pas à tous, combien verront même que ce n'est pas une BD muette comme ou pourrait le croire dans les premières planches. Il faut se laisser imprégner, prendre le temps de contempler et seulement ensuite on y trouvera la profondeur que les planches ne laissent pas apparaitre de prime abord. La narration est ici magnifiée par des cadrages et une scénographie montrant une maitrise incroyable de l'art séquentiel. Juxtaposition de cases à priori non liées, (équivalent du zeugma littéraire), succession de prises de vues sous différents angles, le tout est taillé comme un bon film avec une simplification extrême pour contraster avec la complexité des humeurs. Magistral ! Et puis que dire, enfin une production qui ne vous dit pas ce qu'il est bon de penser quand on est un bon citoyen, ici pas de déconstruction, de leçon de morale ou de "y'a qu'à, faut qu'on", l'humain est là entier dans ses paradoxes et ses jours laids, dans sa faiblesse et sa beauté : on prend et on ne laisse pas, rien que pour celà j'aurai presque mis . Oui c'est lent, c'est plein de drames intérieurs, il n'y a pas de super héros, il n'y a pas de message lourd qui vous disent qu'il faut penser ainsi, même les politiques dans leur bassesse ne sont pas présentés comme des abrutis ! J'aime, j'adore, Merci pour ce moment atemporel

09/04/2025 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Gloutons & Dragons
Gloutons & Dragons

Je n'avais pas envie de lire cette série parce que je ne suis pas du tout intéressé par tout ces mangas qui parlent de gastronomie, même si celui-ci se passe dans un univers de fantasy. Et puis j'ai lu sur internet d'excellentes critiques sur la série et j'ai fini par la lire. Au début j'étais à moitié convaincu, les personnages sont attachants et le dessin est bon, mais le mixe entre la fantasy et la gastronomie me semblait un peu bizarre et les passages où on explique les bienfaits d'une alimentation saine ou comment préparer un bon repas sont un peu ennuyeux. Puis au fil des tomes, le scénario devient plus complexe, et à mesure que l'on a des informations sur cet univers et sur la vie passée des personnages je me suis rendu compte que l'autrice maitrisait bien son scénario. Elle a créé un monde plutôt original dans ce donjon même si elle utilise les éléments récurrents de ce genre (des elfes, des nains, des filles-chattes...). Il y a beaucoup de surprises dans ce récit qui passé les premiers tomes est très prenant et au final le mélange univers de fantasy de type RPG et la gastronomie fait plein de sens et est bien exploité dans les derniers tomes. Contrairement à pleins d'autres séries de manga qui me lassent après quelques tomes, cette série s'améliore au fil des tomes. Une des meilleures séries de fantasy japonaise que je connaisse !

08/04/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série De pierre et d'os
De pierre et d'os

Dans ces lieux coupés du monde, un univers à part fait de glace, de neige et de roc, il est impossible de préciser une date... sans doute quelque part au 19e siècle. Il fait nuit, toute la famille dort sous l'abri de leur grand igloo quand Uqsuralik se lève et sort pour constater qu'elle a ses premières règles. Au même moment, la mer se déchaine et brise la banquise, séparant la jeune femme de sa famille qui part à la dérive sur la glace. Son père a tout juste le temps de lui lancer une peau d'ours et un harpon qui malheureusement se casse à l'impact. Uqsuralik n'a plus que cela et la compagnie d'un petit groupe des chiens de traineau de sa famille pour survivre dans l'hiver qui est encore loin de se terminer. C'est le début d'un périple pour la survie puis pour son existence elle-même de cette femme inuite que l'on va suivre sur les nombreuses années durant lesquelles elle nous fera découvrir la rudesse du quotidien dans le grand Nord, face aux éléments, face aux hommes et au destin. Et à travers elle, nous découvrirons la culture Inuite, en particulier ses mythes shamaniques qui font partie intégrante de leur façon d'agir et de penser, en accord avec la Nature et les esprits. De pierre et d'os est l'adaptation d'un roman de Bérengère Cournut, autrice dont les multiples oeuvres se focalisent souvent sur les peuples rares du monde, et leur rapport à la nature et à la spiritualité. Bien documentée, elle fait revivre de l'intérieur la culture et les traditions inuites, et nous entraine dans le conte d'une vie entière, faite de danger et d'épreuves, mais aussi de soulagements, de bonheur, d'amour, et d'un fort rapport au shamanisme et aux esprits. Jean-Paul Krassinsky met le récit en image dans un style à l'aquarelle empreint de beauté, de réalisme et d'onirisme. Le format presque carré de l'album permet des planches qui sortent des sentiers battus, emplies d'ambiance, de décors de glace, de neige et de nuit, mais aussi de réconfort et de la chaleur des abris humains. Sa manière semi-réaliste de dessiner les humains apporte une touche de légèreté qui contrebalance l'austérité du récit et rend plus amène et fluide la lecture, l'éloignant d'un documentaire aride. Il y a une vraie intensité dans ces planches. C'est une plongée dépaysante dans un univers visuel qui rend parfaitement hommage à la beauté cruelle de l'Arctique et au monde Inuit et à sa culture. L'album est long, son contenu souvent cruel et malheureux, mais c'est aussi le récit d'une vie, de la vie en général, avec d'innombrables moments de beauté, de bonheur simple malgré la tourmente, de force et d'émotion. Le personnage d'Uqsuralik est particulièrement judicieux car c'est à la fois une femme faible face aux éléments et à la volonté des hommes mauvais, mais aussi une personne intelligente, bonne chasseuse grâce à l'enseignement de son père, très consciente du monde qui l'entoure et de ses légendes, et compensant ses faiblesses par de la méfiance, de la méthode et beaucoup de courage et de volonté. On s'attache à elle et à travers elle à son peuple et à son monde, avec l'envie qu'elle trouve enfin le bonheur, pour elle et la famille qu'elle se construit. J'ai été proprement transporté par ce récit, intense et beau, exotique et instructif. C'est le récit d'un parcours humain, avec des émotions fortes et qui ont su me toucher, voire me mettre la larme à l'œil, larme de bonheur comme d'amertume. Et d'ailleurs, j'aurais presque préféré que le récit s'arrête avec son épilogue car cette fin là était à mes yeux bien plus émouvante que les quelques pages d'épilogue qui la suivent. C'est ma BD de l'année 2025 jusqu'à présent !

07/04/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Les Variations d'Orsay
Les Variations d'Orsay

Personne ne peut survivre aux tableaux. Eux, sont éternels. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, focalisée sur le musée d’Orsay. Son édition originale date de 2016. Il a été réalisé par Manuele Fior, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il compte soixante-quatre pages de bande dessinée. Il se termine par un dossier de quatre pages recensant les onze principales œuvres mises en scène dans l’ouvrage : le Métropolitain (1901) par Hector Guimard, Banquette de fumoir (1897) par Guimard, La gare Saint-Lazare (1877) par Claude Monet, la gare d’Orsay (construite entre 1901 et 1925), La charmeuse de serpents (1907) par Henri Rousseau, Repasseuses (entre 1884 et 1886) par Edgar Degas, Sémiramis construisant Babylone (1861) par Degas, Portrait de l’artiste au Christ jaune (1890-91) par Paul Gauguin, Romains de la décadence (1847) par Thomas Couture, La Source (1856) par Jean Auguste Dominique Ingres, Une moderne Olympia (1873-74) par Paul Cézanne. En 1900, Gisèle sort en courant de la station de métro appelée Le Début, avec son habillage de Hector Guimard, en appelant son amie Odile. Elle pénètre dans la gare d’Orsay, en continuant à se demander où son trouve son amie. Enfin elle la repère : Odile et Gisèle tombent dans les bras l’une de l’autre, la première souhaitant un bon anniversaire à la seconde. Cette dernière fait le constat qu’il aura fallu attendre l’exposition universelle de 1900 pour faire quitter sa campagne à la première. Elles sortent, prêtes à visiter Paris, tout en estimant que la gare qu’elles quittent est la plus belle de France. Au temps présent, les visiteurs déambulent dans le musée d’Orsay, écoutant leur audioguide. L’un évoque l’architecte italienne Gae Aulenti qui a été désigné en 1980 pour transformer le musée. Un autre présente Rousseau, peintre autodidacte et naïf qui n’a que très peu voyagé. Le commentaire continue : La plupart de ses jungles ont été réalisées au muséum national d’histoire naturelle et dans la grande serre du jardin des Plantes. Pourtant, dans cette Charmeuse de serpents, tout est nouveau. Le sujet d’abord. Une Ève noire, dans éden inquiétant… La gardienne assise à côté du tableau interpelle le visiteur, en lui rappelant de ne pas se tenir trop près du tableau. Elle explique qu’il s’agit d’une œuvre très fragile. Devant la grimace du visiteur, elle ajoute que ce n’est pas elle qui fait les règles. Il s’en va agacé. La gardienne lit la notice : Une asymétrie novatrice figée dans un étrange silence, La charmeuse de serpents annonce les rêves surréalistes à venir. En son for intérieur, elle se dit que ce tableau est trop moche, qu’on dirait la peinture d’un gamin de quatre ans. Elle ferme les yeux, et dans son esprit, une cigogne s’envole au-dessus d’une large étendue d’eau calme. Après avoir volé à l’horizontal, elle s’élève dans les airs. Assise sur un fauteuil devant le lac paisible, une femme noire se parle à elle-même. Elle est la gardienne de ce musée. Et elle connaît ce lieu depuis longtemps. Les œuvres, les coulisses, les passages interdits au public. Les codes de sécurité. Surtout, elle connait les artistes. Ils l’aiment tous. Ils sont tous à ses pieds. Henri. Claude. Auguste. Paul. Edmond. Edgar. Voici une bande dessinée estampillée Musée d’Orsay, publiée par Futuropolis, dans le cadre d’un partenariat avec cet établissement qui comprend également L'Art d'en bas au musée d'Orsay: La fantastique collection Hippolyte de L'Apnée (2016) de Plonk & Replonk, Les Disparues d'Orsay (2017) de Stéphane Levallois, Moderne Olympia (2020) de Catherine Meurisse. L’horizon d’attente du lecteur comprend donc une déclaration d’amour à ce musée. L’auteur tient cette promesse. Il cite et incorpore les œuvres citées ci-dessus. Il met en scène des artistes, essentiellement du courant impressionniste : Edgar Degas (1834-1917), Auguste Renoir (1841-1919), Camille Pissarro (1830-1903), Berthe Morisot (1841-1895), Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867). Il met également en scène Paul Valéry (1871-1945). Il montre quelques aspects du bâtiment du musée, évoquant sa fonction de gare, et le représentant dans sa fonction de musée. Lors d’une séquence de quatre pages, le lecteur accompagne un personnage qui descend à la chaufferie, située dans le sous-sol, puis dans les réserves qui contiennent de nombreux dessins. Les images appartiennent à un registre descriptif et réaliste, avec un degré significatif de simplification, la mise en couleurs venant donner de la consistance aux éléments représentés. En découvrant le début, le lecteur n’est pas trop sûr du mode d’hommage dans lequel l’auteur va se situer. Indéniablement, le bédéiste connaît le musée et il affiche une préférence pour certaines œuvres. En particulier pendant plusieurs pages, son personnage central est Edgar Degas (1834-1917). La narration visuelle se révèle être assez sophistiquée, s’adaptant à la nature de chaque scène, capable de restituer l’apparence de personnages connus, de tableaux de maître et de l’architecture du musée. En fonction de sa familiarité avec eux, le lecteur peut apprécier la ressemblance d’artistes tels que Degas, Ingres, ou encore Pissarro, Renoir et Berthe Morisot, dans dessins dépourvus de trais de contour, évoquant une technique ressemblant à du crayon gras. En fonction du moment et de leurs occupations, le dessinateur peut se focaliser sur le visage des personnages en plan poitrine ou en gros plan s’ils sont en train de discuter assis ou attablés, ou bien en train de vaquer à leurs occupations. Le lecteur apprécie leur expressivité et leur naturel, sans exagération de leurs expressions. Il se rend compte que l’air de rien l’artiste sait capturer des moments fugaces ou faire ressortir un geste particulier : un homme avec l’audioguide à l’oreille, la légère lassitude de la gardienne toujours confrontée aux mêmes comportements et effectuant les mêmes rappels, un personnage jouant du pipeau, un homme paressant au lit, une jeune femme morte dans son lit après une intoxication avec un mélange d’opium et de térébenthine, le regard condescendant d’un bourgeois raillant le manque de talent d’un artiste impressionniste, un vif direct du droit, un homme mordant une femme à la cheville, Gauguin montrant ses plaies aux pieds, ou encore une jeune femme allongée vêtue uniquement de bas serrant une panthère noire contre elle, etc. Dans un premier temps, il est possible que le lecteur ne discerne pas le fil directeur du récit. D’une séquence à l’autre, l’auteur passe des visiteurs du musée au temps présent, au tableau de la Charmeuse de serpents, au personnage central de ce tableau qui soliloque au profit du lecteur, à Degas rendant visite à Ingres, au tableau Sémiramis construisant Babylone, à la femme de ménage d’Ingres qui lui présente sa fille qui va servir de modèle à La Source, à une discussion dans un café entre Degas, Renoir, Pissarro et Morisot, puis au premier salon des Impressionnistes, pour déambuler ensuite dans les sous-sols du musée. Le lecteur détecte deux personnages principaux : Edgar Degas et la Charmeuse de serpents. Il constate que l’auteur accorde une importance primordiale aux Impressionnistes, avec une poignée de cases s’inspirant de leurs toiles : par exemple Impression, soleil levant, (1872) de Claude Monet (1840-1926), ou encore le portrait de Berthe Morisot au bouquet de violettes (1872) d’Édouard Manet. Il consacre une séquence également à la Première exposition des peintres impressionnistes (1874), avec une bagarre entre des visiteurs et des artistes. Il revient sur l’appellation même de ce mouvement : Impressionnistes pour les dénigrer, Indépendants pour Degas, Intransigeants pour les autres peintres. Il rappelle les propos insultants proférés à l’encontre de leurs œuvres par les visiteurs, ainsi que l’hétérogénéité des différentes toiles produites sous cette appellation, montrant aussi la sculpture La petite danseuse de 14 ans, de Degas. L’autre personnage principal surprend : il s’agit de la Charmeuse de serpents, du tableau du même nom du douanier Rousseau (Henri Rousseau, 1844-1910), représentant majeur de l’art naïf. Celle-ci annonce être la gardienne du musée. Elle assure la transition en indiquant qu’il est temps pour Edgar (Degas) de se lever. Elle revient à plusieurs reprises dans le récit. Tout d’abord pour des considérations sur la postérité de ces tableaux, contrastant avec le caractère mortel des artistes : Ces pauvres embobinés, célébrés, ridiculisés, ou bien ignorés de leur vivant, à présent empaillés dans les salles, ils sont devenus une attraction mondiale. Plus loin, elle se promène dans les sous-sols du musée pour mettre en évidence la fragilité des œuvres (obligation de la régulation de la température avec une variation inférieure à trois degrés), en la rapprochant aux souffrances physiques endurées par les artistes. Enfin, elle évoque la fin des maîtres et de l’art, des œuvres, des expositions et des salons, la fin des catalogues, des souvenirs et des audioguides. Elle établit que personne ne peut survivre aux tableaux, et que, eux, sont éternels. Insupportable n’est-ce pas ? Visuellement, un visiteur contemple un tableau de Degas : Sémiramis construisant Babylone, induisant un parallèle entre cette œuvre et la construction du musée d’Orsay, ainsi que sa fonction. Chanter les louanges d’un musée et mettre en scène l’importance que ce lieu et les œuvres qu’il abrite ont pu avoir sur sa propre vocation artistique et sa propre pratique : Manuele Fior se prête au jeu, avec une vraie personnalité. Ces images rendent hommage aux œuvres et à l’ambiance du musée, avec sensibilité, sur la base de choix clairs, les Impressionnistes et le Douanier Rousseau. La narration semble papillonner d’une scène à une autre, agréables pouvant sembler arbitraires dans un premier temps. Progressivement il apparaît que l’ouvrage est construit pour développer deux thèmes : l’impressionnisme, et la pérennité des œuvres d’art. Enchanteur et troublant.

05/04/2025 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Versatile
Versatile

C'est la première BD des sœurs Chauvin, Hosanna au scénario et Clotilde au dessin et à la couleur. Le résultat est très bon. Hosanna a transporté la cour de Versailles dans le royaume imaginaire de Versatile, et celui-ci porte très bien son nom. Un royaume qui a une particularité, on peut gravir les échelons sociales suivant les actions réalisées (ou non réalisées), des piastres (la monnaie royale) tombent alors automatiquement dans une bourse et on peut voir où l'on se situe grâce à une sorte de montre à gousset (voir la deuxième image de la galerie), l'aiguille pointe sur la position sociale du moment. Une aiguille qui peut tout aussi bien grimper, que descendre. On va suivre le parcours de Célimène, elle est née chiffonnière et veut devenir reine. Pour monter les échelons, il n'y a pas 36 façons de le faire, soit on travaille dur et on est méritant, soit on écrase la concurrence et tous les coups sont permis. Célimène va choisir la deuxième option, et ce choix aurait dû me la rendre antipathique, car évidemment elle sera garce, mais elle a aussi un côté désespéré qui m'a touché. Un personnage complexe qui sera amené, le long de son ascension sociale, à côtoyer son contraire, Dorval. Un duo que tout oppose, deux visions différentes de la vie et de l'amour. Un rythme soutenu, des personnages fouillés, l'esprit XVIIIe siècle est bien rendu et le récit tient en haleine. La morale sera-t-elle sauve ? Je vous laisse le découvrir, mais vous aurez un peu votre mot à dire. Le dessin de Clotilde est racé, il me plaît beaucoup, je lui trouve un charme fou et une texture singulière qui dégage de l'émotion. Les couleurs sont superbes. J'en redemande. Un duo d'autrices que je vais suivre. Coup de cœur.

03/04/2025 (modifier)
Par Mélusine
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Mélusine
Mélusine

Mélusine est un tout nouveau univers pour les jeunes comme les grands. Ce n'est pas trop une série, mais plutôt des gags qui se suivent. Mélusine est une femme forte, intelligente et débrouillarde, ce qui montre un regard nouveau sur les sorcières. Je trouve cela amusant, les illustrateurs ont mis du temps et de l'amour pour les dessins. Excellent.

03/04/2025 (modifier)
Par Spooky
Note: 3/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série La Dernière Rose de l'été
La Dernière Rose de l'été

Tiens, je ne connaissais pas le travail de Lucas Harari, et c'est un peu par hasard que je suis tombé sur cet album. L'objet est ma foi très joli, et quand on connaît le degré d'exigence des Editions Sarbacane, on se dit qu'un tel écrin doit renfermer un petit bijou. Pour le coup c'est un album vraiment intéressant, un thriller estival entre tueur en série et amours à peine esquissées. Harari a tissé une toile complexe, avec des éléments semés tout au long de son récit de manière à faire naître une conviction, des soupçons, lesquels peuvent aussi voler en éclats. C'est suffisamment bien foutu pour qu'on n'aie pas envie de lâcher l'album, qui compte tout de même 200 pages, jusqu'à la fin. Si celle-ci n'en est pas vraiment une, elle est par ailleurs assez frustrante, puisque seule une partie du pot-aux-roses nous est dévoilé. Si le côté passionnel permet quelque part de se satisfaire de la non-résolution de l'enquête (jusque-là du moins), il n'en demeure pas moins quelques zones d'ombre, concernant le Dr Klement notamment. Et c'est ce qui m'empêche de mettre une meilleure note à ce pourtant très bon album par ailleurs. Le dessin de Lucas Harari est plaisant, rappelant un peu la ligne claire des années 80, alliée à une belle occupation de l'espace. J'aime beaucoup ses paysages, notamment. Bref, un album vraiment sympa, qui aurait mérité un peu plus d'explications pour être totalement plaisant.

03/04/2025 (modifier)
Couverture de la série Champs de Bataille - L'histoire enfouie du remembrement
Champs de Bataille - L'histoire enfouie du remembrement

Dans le prolongement – au niveau de certains thèmes, mais aussi de la qualité du travail – de leur excellent documentaire Algues vertes - L'Histoire interdite, les auteurs remettent le couvert pour décrypter le sujet a priori secondaire du remembrement. Ils en tirent un documentaire qui présente bien les tenants et aboutissants, les méthodes – brutales et déloyales la plupart du temps – employées par les pouvoirs publics et les industriels pour « faire avancer le progrès ». Je connaissais les grandes lignes, et j’avais d’ailleurs pu mesurer le désastre lorsque j’étais revenu dans les années 1990 dans la campagne normande que j’avais connue de la fin des années 1960 aux années 1970, chemins et haies disparues, pommiers arrachés, vastes étendues sans âmes et sans oiseaux. Une fois m’avait suffi, je n’avais plus jamais voulu y revenir, préférant garder d’autres souvenirs. Mais cet album présente de façon très pédagogique les divers mécanismes qui se sont succédés et amplifiés (intéressant de voir que la FNSEA prend ici le relais d’un syndicat créé sous Vichy pour obtenir l’obéissance des paysans aux injonctions du « pouvoir »). Paysages massacrés, vies bousillées, villages divisés, écosystèmes anéantis, avec leur lot de conséquences (inondations, érosion des sols, mort de la vie villageoise, etc.). Il est aussi intéressant de voir certains promoteurs de ce remembrement regretter leur extrémisme, leur aveuglement, comme Pisani, ou René Dumont – qui basculera ensuite vers l’écologie politique. Et bien sûr, derrière tout ça, la recherche du productivisme, du profit. Les industriels (ceux qui vendent du matériel agricole – américain au départ, pour utiliser les fonds du plan Marshall – mais aussi tous ceux qui ont besoin de dépeupler les campagnes pour trouver une main d’œuvre dans leurs usines en ville !), les banquiers, etc. Et les vendeurs de « produits phytosanitaires », rendus nécessaires par la stérilité grandissante de ces champs désormais plus protégés par des haies, plus secs, etc. Derrière la « marche du progrès », il y a aussi toutes ces luttes passées sous silence, cette répression et cette propagande qui écrasent toute opposition. Comme d’habitude avec ces auteurs, tout est étayé par de nombreuses citations, une foule de documents (certains placés en annexe), une imposante recherche, qui se sent. Du travail solide, qui mérite, comme leur précédent opus, une plus grande lisibilité, à l’heure où les conséquences (environnementales – mais pas que) de ce remembrement se font durement sentir. A lire évidemment !

03/04/2025 (modifier)
Couverture de la série Ailefroide - Altitude 3954
Ailefroide - Altitude 3954

Nul besoin d'être un grand cuisinier pour savourer cette liste de courses. Et même si cette liste n'a pas été conclue par l'"ASPI" comme guide , elle a fait de Jean-Marc Rochette un "Chef" accompli en une humanité découverte dans ses expériences de haute montagne. En inventant le genre autobiographique, JJ Rousseau pensait que son expérience personnelle pourrait servir de modèle pour de nombreux hommes. J'ai retrouvé cette idée en lisant cette formidable œuvre de Rochette. En effet le parcours du jeune Rochette pourrait être une véritable école de vie pour un grand nombre d'ados. L'enfant commence par une soif de découvrir par lui même. Découverte de la peinture de Chaïm Soutine au musée de Grenoble ou découverte de la montagne autour de Grenoble. C'est comme un appel du lieu où l'on vit à s'enrichir de ses propositions. Alors oui, le jeune ado est un écorché vif déjà meurtri par la vie qui lui a pris son père dans une guerre absurde. Souvent l'ado se rebelle contre son prof de Champollion ( le must à Grenoble) en défendant le figuratif contre "les petits carrés" ou contre sa mère qui les met en danger dans une escalade par son incompétence. C'est déjà une attirance vers la liberté qui se fait jour. Mais cette "révolte" est empreinte de sagesse et d'écoute. Il écoutera Sempé qui le guide dans ses premiers pas sur les parois. 20 pages pour décrire cette première initiation derrière son copain puis ami Sempé: le matos, la première paroi, les premiers gestes, les premiers mots. On ne se fait pas seul ou alors c'est une illusion. On retrouvera cette sagesse en de nombreux endroits: pour avertir des orages, des risques de caillasses et même jusqu'au la manif contre Superphénix. Enfin le jeune Jean-Marc apprend vite que la montagne est le domaine de la vérité. Il n'est nul besoin d'un superviseur pour vérifier qu'il a bien fait telle ou telle ascension. Heureuse jeunesse qui a pour écran récompense la notion immédiate de la beauté du monde. Le prix a payé peut être fort à travers la souffrance d'un accident grave ou la perte des amis en courses. L'importance de la présence de Soutine dans l'ouvrage me laisse à penser de son influence sur le style graphique de Rochette. C'est rude parfois tourmenté et ça sait aller au cœur du sujet en oubliant les artifices enjoliveurs. Pour autant cela dégage une grande tendresse et un énorme respect pour les hommes de l'art, montagnards ou peintres. Cette autobiographie a donc beaucoup à nous apprendre sur l'universel qui est en nous. Ce fut pour moi une lecture passionnante même si je suis resté loin des sommets. Un très bel ouvrage.

03/04/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Le Crétin qui a gagné la guerre froide
Le Crétin qui a gagné la guerre froide

Ma stratégie ? Elle tient en quatre mots : On gagne, ils perdent. - Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre, de nature historique. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Jean-Yves le Naour pour le scénario, et par Cédrick le Bihan pour les dessins et les couleurs. Il comprend cinquante-huit pages de bande dessinée. Convention républicaine à Detroit, le dix-sept juillet 1980 : la foule scande le nom de Reagan qui apparaît sur le podium. Dans le public, un politique rejoint Gerald Ford et ils médisent sur le dos du candidat. Barry Goldwater monte à la tribune avec ses deux cannes anglaises. Il dresse un panégyrique du candidat : si les États-Unis avaient eu un vrai leader comme Reagan, la guerre du Vietnam n'aurait pas duré plus de quelques jours, si le gouvernement américain avait des tripes l'Iran n'oserait pas prendre des Américains en otage. S'ils avaient un vrai président, l'URSS n'avancerait pas ses pions en Afghanistan ou au Nicaragua car elle aurait peur de la réaction des États-Unis. C'est au tour de Ronald Reagan lui-même de monter à la tribune et de prendre la parole : il fait une blague sur la présence des caméras de télévision, puis il évoque les États-Unis comme terre et refuge de la liberté, et il termine par un instant de prière. Plus tard, il regarde le film Law and order, avec son épouse Nancy à ses côtés. Un conseiller vient le chercher pour réviser les sujets qui seront abordés lors du débat télévisé du soir même avec le président Jimmy Carter. Ce dernier termine sa réponse sur la lutte contre la dépression économique, Reagan répond avec un bon mot : Récession, dépression… Puisque Jimmy Carter veut jouer sur les mots, il va lui donner des définitions. Une récession, c'est quand son voisin perd son boulot. Une dépression, c'est quand on perd le sien… Et la reprise, c'est quand Jimmy Carter perd le sien. Il termine en invitant à voter pour lui pour rendre sa grandeur à l'Amérique. Les élections se tiennent et les Républicains l'emportent largement dans quarante-quatre états. Le vingt janvier 1981, le président Carter cherche à joindre le président à venir, en vain, ce dernier dort et il ne veut pas être dérangé. Vient enfin la cérémonie d'investiture, mais Reagan ne souhaite toujours pas parler des otages en Iran avec Carter. Il prête serment, et dans son discours il pointe du doigt le fait que le pays souffre d'un trop gros fardeau fiscal, que les Américains ne peuvent pas vivre au-dessus de leurs moyens en empruntant toujours plus. Ils doivent agir aujourd'hui pour préserver demain. Il conclut dans un premier temps par : Dans la crise actuelle, le gouvernement n'est pas la solution, le gouvernement est le problème. Dans un second temps, il assène qu'ils peuvent accomplir de grandes choses, il suffit d'y croire, ils sont américains ! Les journalistes expliquent que le président Reagan a très nettement insisté sur la baisse des impôts et sur la nécessité d'une politique beaucoup moins interventionniste sur le plan économique, accompagnée d'une saine gestion des ressources de l'état fédéral. Au moins les auteurs annoncent clairement leur positionnement dès la couverture, que ce soit le titre qui qualifie le président quarantième président des États-Unis ou par l'image qui l'affuble d'une moustache de forme caractéristique, par l'espace laissé blanc. Ainsi bien conscient du parti pris affiché des auteurs, le lecteur sait qu'il va découvrir un récit à charge contre Ronald Reagan (1911-2004), pointant du doigt ses capacités intellectuelles limitées et une façon dictatoriale d'agir, ou plutôt démagogique. Ils établissent un portrait peu flatteur : une forme de narcissisme s'exprimant par un amour et une nostalgie pour les films dans lesquels il a tourné dans sa jeunesse, ainsi que des jugements de valeur peu flatteurs sur un acteur comme Rock Hudson. Il fait preuve de différentes formes d'irresponsabilité comme le fait de faire passer son sommeil (par exemple sa sieste) avant les affaires d'état, ou partir de manière impromptue dans sa résidence de vacances en laissant tous les dossiers en plan. Ils le dépeignent comme incapable d'assimiler les informations relatives à des dossiers complexes, de retenir le nom de ses interlocuteurs (par exemple d'autre chefs d'état), de s'arcbouter sur certaines décisions contre l'avis de ses conseillers et des experts (la guerre des étoiles en armant des satellites), sans oublier ses blagues pas toujours drôles, dont celles anti-communistes primaires racontées à Mikhaïl Gorbatchev (1931-2022). Évidemment, le lecteur sourit en voyant cet individu président de la première puissance mondiale, dépeint comme un crétin, un patriote aveugle content de lui-même, un homme politique qui y va au flanc, un bluffeur doué et chanceux, un homme persuadé de son propre bon sens, une incarnation sur pattes de l'effet Dunning-Kruger. Quel que soit ses convictions politiques, il est possible d'y voir une confirmation du peu d'estime que l'on peut entretenir vis-à-vis des hommes politiques, ou une caricature tellement forcée qu'elle est sans rapport avec la réalité, et qu'on ne saurait s'en trouver vraiment offensé. Les relations entre les deux blocs Est-Ouest deviennent une comédie virant à la farce, l'amitié naissante entre Reagan et Gorbatchev devient irrésistible entre le roublard médiatique et le bosseur responsable. De temps en temps, une affaire ressort, tellement grosse qu'elle aussi participe à cette ambiance humoristique. Donc, parce que quand même, l'affaire Iran-Contra (Contragate), c'est du lourd, que le lecteur la découvre dans la très courte présentation qui en est faite dans cette bande dessinée, ou qu'il en ait suivi les développements au fil des années, du scandale aux annulations de peine, immunités et pardons présidentiels. L'artiste réalise des dessins dans un registre réaliste et descriptif. Il sait très bien restituer l'apparence de Ronald Reagan, de Mikhail Gorbatchev, et des autres hommes politiques connus. Sa narration visuelle constitue une reconstitution historique solide et documentée, que ce soient les véhicules d'époque, ou les tenues. Il met en œuvre l'équivalent d'une discrète trame mécanographiée de couleur, évoquant à la fois une technique d'impression obsolète, et une sorte de voile qui ternit les souvenirs datant d'une autre époque. le lecteur apprécie l'évocation visuelle du passé très détaillée. Les différents lieux : les rues de Manhattan, la maison blanche, un porte-avion, Berlin et Checkpoint Charlie, la porte de Brandebourg, le ranch Reagan de Santa Barbara, l'ambassade de la Fédération de Russie, la statue de la Liberté, la grande salle de conférence de l'Organisation des Nations Unies, le Kremlin, la villa Fleur-d'Eau à Versoix dans le canton de Genève pour le sommet de 1985, Reykjavik pour le sommet suivant, la place rouge, etc. Au gré de la politique extérieure du président des États-Unis, le lecteur peut se retrouver au Nicaragua, ou en Iran, le temps d'une case. L'artiste impressionne par la consistance de ses pages et des cases, entre huit et dix par page. Il amalgame harmonieusement les visuels connus car diffusés par les médias, et les scènes de réunions officielles, de réunions de travail, de moments plus personnels de la vie de Reagan, souvent accompagné de son épouse Nancy Reagan (1921-2016). Le lecteur savoure les plans de prise de vue et la direction d'acteurs. L'artiste sait restituer la dimension humaine de chaque séquence, souvent grâce au comportement de Reagan lui-même, et aux réactions de son entourage, mises en scène également à charge la plupart du temps, en cohérence avec le scénario. Il représente le président avec les rides qui attestent de son âge, et la retenue qui sied à une telle fonction, tout en faisant ressortir une touche cowboy de temps à autre, avec une chemise ou un ceinturon. Sans verser dans la caricature ou l'exagération, il fait apparaître des expressions de visage révélatrices, soit de la rouerie de Reagan, soit de l'exaspération plus ou moins prononcée de ses interlocuteurs. Le lecteur découvre régulièrement une scène saisissante au détour d'une case, telle cette rencontre de Reagan avec ses généreux donateurs pour sa campagne de réélection, parmi lesquels il reconnaît du premier coup d’œil, un certain Donald J. Trump. De temps à autre, un comportement de Reagan ou une de ses décisions provoquent une prise de recul chez le lecteur. Pour commencer, il exerce l'autorité présidentielle, et il sait prendre quelques décisions. Ensuite, il réalise certains de ses discours lui-même, avec une sensibilité populiste qui leur confère une portée et une efficacité redoutable. Par ailleurs, le lecteur garde à l'esprit que personne ne pouvait être dans la tête du président quand il prenait une décision, et que ces scènes correspondent au mieux à des propos rapportés par des tiers, des témoins de premier rang, ou pour certaines à des articles de journaux. Ensuite, même sans connaître dans le détail les réalisations de l'administration de ces deux mandants, il se doute que d'autres choses ont été accomplies, par exemple l'amnistie de trois millions d'immigrés clandestins et la prise en charge d'urgence de tous les patients par les hôpitaux, percevant des aides au titre de Medicare. Et de nombreux faits sont omis, à commencer par la tentative d'assassinat du trente mars 1981 à l'encontre de Reagan qui fut touché d'une balle à la poitrine. Enfin, la gouvernance d'un pays, et a fortiori des États-Unis, relève d'une mécanique beaucoup plus complexe que les seuls choix de son président. Tout ceci renvoie le lecteur au parti prix explicite des auteurs et à la narration orientée qui en découle : partiale, certainement révélatrice d'un pan de la personnalité de Reagan, forcément incomplète, mettant en lumière qu'il ne s'agit que d'un homme avec ses imperfections, et la nécessité d'un contre-pouvoir. Mais quand même… Lorsque Trump déclare à son voisin que : Il ne faut pas se fier aux politiques, on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même, tant que les affairistes n'auront pas un des leurs installés à la Maison Blanche, ils seront exposés aux dangers de la démocratie, le lecteur sent un mélange d'indignation et de fatalité s'abattre sur lui. Un titre indiquant explicitement le parti pris des auteurs, et l'approche insolente de l'ouvrage. Ce choix induit également une forme de narration amusée très agréable à la lecture. Les auteurs font œuvre d'une solide reconstitution historique bien documentée, de cette période riche en événements. Ils ont choisi leur axe : le rôle de Ronald Reagan dans la fin de la guerre froide. En fonction de ses convictions, le lecteur se positionne par rapport à ce point de vue, la bande dessinée générant en lui une prise de recul l'incitant à réfléchir sur les différentes facettes de cette réalité complexe. Une œuvre salutaire de réflexion.

02/04/2025 (modifier)