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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série L'Esprit du 11 janvier
L'Esprit du 11 janvier

Le besoin de certitude rationnelle est plus fort que tout. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il est initialement paru en janvier 2016, soit un an après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Casher de la Porte de Vincennes. Il a été réalisé par Serge Lehman (scénario) et Gess (dessins). Cet ouvrage est en noir & blanc. Serge Lehman est en train de passer ses vacances en Espagne, en août 2015, avec sa femme et sa fille. Il est installé face à la terrasse et il commence à écrire le livre que le lecteur est en train de lire. Il fait le constat de la disparition (ou de la mort) de l'Esprit du 11 janvier, estimant que cette circonstance permet d'en faire l'autopsie. Il précise d'entrée de jeu qu'il sait bien que tout le monde n'était pas Charlie. Il évoque ensuite l'expression de catholiques zombies utilisés par Emmanuel Todd (1951, historien et essayiste français), le sous-titre de son livre (sociologie d'une crise religieuse), et la fois précédente où l'Esprit a été invoqué de manière publique précédemment, par François Mitterrand (1916-1996). Il cite ensuite Jean-Marie Rouart (académicien, romancier, essayiste et chroniqueur français) parlant de la France comme principe, qui reste intacte, vierge inviolée. Viennent ensuite des formulations à connotation spirituelle prononcées par Jean-Pierre Raffarin (ex-Premier Ministre), Pierre Nora (historien), et également Bernad-Henri Lévy. Il décide alors de prendre l'expression de l'Esprit du 11 janvier au pied de la lettre, et de l'envisager sous l'angle d'un phénomène surnaturel, d'une manifestation relevant de la spiritualité. Serge Lehman développe donc son propos dans l'axe religieux, avec d'autres déclarations allant dans ce sens, avec en plus la Une du numéro 1178 de Charlie Hebdo du 15 janvier 2015 et son message de pardon. Il cherche alors la période de vie de cet Esprit (du 11 janvier), situant le début de sa vie au 07 janvier 2015, la date de l'attentat commis contre la rédaction de Charlie Hebdo mais aussi la date de sortie du roman Soumission de Michel Houellebecq. le lecteur découvre alors les 9 chapitres de l'exposé : (1) le mage Houellebecq, (2) Ahmed Merabet (policier, brigade VTT du 11ème arrondissement, abattu à bout portant par les frères Kouachi), (3) Chapitre 3 : Clarissa Jean-Philippe (abattue par Amedy Coulibaly à Montrouge), (4) Lassana Bathily (le musulman fournissant une aide providentielle lors de l'attentat de l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes), (5) le signe (une chiure de pigeon), (6) la beauté (la marche du 11 janvier assimilée à une oeuvre d'art), (7) la lumière (La Une de Luz, un acte bravoure qui touche au sacrifice), (8) le mage Houellebecq (deuxième partie), (9) insoumission (faut-il croire ?). L'auteur termine son exposé avec un épilogue et sa relation émotionnelle avec une belle maghrébine de 40 ans lors de la marche du 11 janvier. Quelle étrange démarche, aussi indispensable et pertinente, que biaisée et sujette à caution. Serge Lehman est un auteur réputé de romans et bandes dessines. Il a déjà collaboré à plusieurs reprises avec Gess, par exemple pour les séries La Brigade Chimérique avec Fabrice Colin, et l'Oeil de la nuit. le lecteur éprouve donc un a priori favorable pour ce projet inhabituel et osé, porté par un éditeur sérieux, selon toute probabilité à l'opposé d'une suite d'élucubrations et de divagations. L'auteur établit clairement son hypothèse de départ : considérer l'Esprit comme une réalité spirituelle. du coup, le lecteur n'est pas trop surpris de découvrir que Lehman choisit les citations qui vont dans son sens et qu'il s'en sert pour tisser des liens nourrissant cette hypothèse de naissance d'une mythologie, même si sa durée de vie aura été des plus brèves. Gess se met au service d'un exercice de style très contraint. Il dessine avec un degré de finition entre l'esquisse et les traits de contours travaillés et lissés. Il doit représenter à de nombreuses reprises les bustes des individus réels cités, qu'il reproduit avec un degré de ressemblance variable, aidé par le fait qu'ils sont nommés explicitement dans les cellules de texte. En fonction des pages, il peut n'y avoir que des têtes en train de parler, avec de copieux phylactères contenant des citations dont les références sont données en fin d'ouvrage. Lorsque l'exposé s'éloigne de ces citations, Gess a parfois l'occasion de dessiner des choses plus variées. Dans une poignée de pages, l'artiste revient à une forme de bande dessinée plus classique, avec une séquence qui fait l'objet de plusieurs cases. Cette bande dessinée comprend 80 pages. le lecteur se rend compte que la narration est assez dense, que Serge Lehman développe de nombreux points pour peindre sa vision spirituelle de l'Esprit du 11 janvier. Arrivé en page 69, l'exposé touche à sa fin et Serge Lehman appelle son éditeur chez Delcourt pour lui indiquer que son étude ne l'a mené à rien de probant, confirmant l'impression du lecteur. Ce dernier voit bien que l'auteur choisit ses citations avec soin, de telle sorte qu'elles viennent toutes étayer l'hypothèse de départ. Alors que l'auteur donne l'impression de jeter l'éponge, il se fait admonester par son éditeur qui lui dit que ce n'est pas le moment d'être postmoderne et que l'auteur doit aller au bout et dire ce que c'est que la beauté dont il a parlé. L'auteur s'exécute, et l'avis du lecteur change du tout au tout sur son exposé, y compris sur la partie graphique. Lehman semble avoir cantonné Gess à un rôle des plus ingrats. L'artiste est juste bon à dessiner des visages pas si ressemblants, des images reprises dans des reportages, des dessins rapides mettant l'auteur en scène. À l'évidence, Gess sert à montrer tout ce que l'auteur Lehman n'a pas voulu écrire, toutes les descriptions laborieuses difficiles à rendre vivantes, toutes les présentations d'individus réels fastidieuses à rédiger, très faciles à représenter. Mais en page 9, le lecteur a la surprise de voir qu'un dessin de Gess va au-delà de son simple rôle de faire-valoir, en montrant l'esprit de tonton (F. Mitterrand) planant au-dessus de la foule, une séquence plus visuelle. Il est certain aussi que la copie de la couverture de Luz pour le numéro 1178 de Charlie Hebdo est plus parlante qu'une simple évocation en mots. le chapitre 6 ne fonctionne que grâce aux images, celui qui assimile la marche du 11 janvier à une oeuvre d'art. L'évocation du passage de Soumission (le roman d'Houellebecq) se déroulant à Rocamadour face à la Vierge Noire ne parle également que grâce aux dessins. Sous réserve d'être patient, le lecteur peut mieux prendre la mesure de l'apport de Gess à cet exposé, malgré une apparence qui peut paraître un peu négligée. Mais qu'en est-il du point de vue développé par Serge Lehman ? Après avoir été rasséréné par la discussion entre Lehman et son éditeur, le lecteur se détend un peu et accepte d'entendre ce que lui l'auteur. Il admet facilement que sa présentation des faits rend honneur aux victimes que sont Ahmed Merabet, Clarissa Jean-Philippe. Il sourit quand la femme de Lehman lui fait observer que c'est un peu facile de dresser le portrait de Lassana Bathily en héros tellement cet homme s'est montré parfait. Mais Lehman pousse sa réflexion au-delà. À nouveau sa femme lui fait prendre conscience d'une autre évidence : Luz (Renald Luzier) est le vrai héros du récit. Lehman acquiesce mais sans diminuer en rien la valeur des autres, et la réaction de leurs proches, à commencer par Malek Merabet, le frère d'Ahmed. Il finit par mettre en avant l'une des qualités de l'Esprit du 11 janvier : le pardon. Mais il ne s'en tient pas là. le lecteur peut rester dubitatif de la référence à Cyril Lucas, maître de conférence en probabilités à l'université Paris-Diderot, consulté par le Petit Journal de Yann Barthès. Les observations mathématiques de Serge Lehman laissent à désirer car elles restent superficielles et ne sont pas convaincantes. Cependant cela lui permet de placer une remarque avec efficacité : le besoin de certitude rationnelle est plus fort que tout. le lecteur pense alors à la phrase attribuée à André Malraux : le vingt-et-unième siècle sera spirituel ou ne sera pas. À plusieurs reprises, Serge Lehman emporte la conviction du lecteur avec des observations simples et d'une évidence lumineuse, pourtant rarement formulées avec une telle clarté. La synthèse des forces de la Une de Luz : à la fois défi et pardon, refus de céder et ouverture. L'impossibilité du pardon si Amedy Coulibaly avait pu appliquer son plan initial de tuer les enfants d'une école juive. Toujours sur la couverture de Luz : l'image d'un homme qui pleure et qui pardonne, c'est trop dangereux ; seul l'art peut révéler ainsi l'hypocrisie d'une époque et l'inversion de ses valeurs. Même s'il éprouve encore quelques réticences sur le déroulé de la réflexion de Lehman, il est touché par la générosité de son propos, par son regard lucide et par la justesse de sa sensibilité. du coup, il accepte d'entendre ce que l'auteur dit de l'accumulation de circonstances favorables face aux intentions des terroristes, face à leurs tueries ignobles, face à leur impact sur la conscience collective des français, le traumatisme psychique. le lecteur le plus cartésien aura bien du mal à réfuter la théorie de Serge Lehman, sans possibilité de la tourner en dérision. Serge Lehman & Gess tiennent la promesse du titre de leur ouvrage : mener une enquête sur l'Esprit du 11 janvier, du point de vue mythologique. le lecteur grimace un peu en découvrant l'exposé très orienté dès le départ. Il nuance un peu son jugement de valeur du fait des observations perspicaces de Lehman qui ne reste pas en surface de son sujet, qui n'hésite pas à interroger la croyance que les français placent en leur république. Il découvre petit à petit que les dessins de Gess ne servent pas qu'à permettre au scénariste de s'économiser en n'écrivant pas les descriptions fastidieuses. Puis, aux trois quarts de l'exposé, il change complètement de point de vue en découvrant l'honnêteté intellectuelle de Lehman et l'effet cumulatif de ses arguments. Lehman parvient même à montrer en quoi sa mise en avant de Miche Houellebecq est pertinente et que la parution de son roman Soumission participe de cet Esprit, lui donne une perspective plus ouverte. On peut ne pas partager l'avis de Serge Lehman & Gess, mais arrivé à la fin il n'est plus possible de faire preuve de dédain ou de condescendance.

08/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Ceux qui me touchent
Ceux qui me touchent

Lui, c'est pas pareil, il peut tout changer - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2023. Il a été réalisé par Damien Marie pour le scénario, et Laurent Bonneau pour les dessins et les couleurs. Il compte deux-cent-vingt-deux pages de bande dessinée. Ces deux créateurs avaient déjà réalisé ensemble Ceux qui me restent (2014). C'est au départ assez simple. Deux humains… Souvent un lit et quelques minutes de sueur. Quelque chose qu'on ne contrôle plus. Des corps qui parlent. C'est assez simple. Mais ça ne l'a pas été. Alors, Fabien Manry a arrêté de fumer… Spermogramme, bilans de fertilité… Recherche de facteurs génétiques. Et puis Aude, sa conjointe, a morflé : insémination artificielle, fécondation in vitro… Une fois, deux fois, trois fois… Espoir, fausses couches, encore et encore… Les saletés de fausses couches. Et puis les gamins des autres, partout des mômes qui naissent comme une pluie de bonheur, un bonheur qu'on te précise ne pas pouvoir imaginer. Et les jeunes papas au bar dégueulent à Fabien, la vraie chance qu'il a d'avoir ses nuits à lui, de ne pas connaître l'enfer des biberons et des couches. Plus tard, Fabien va chercher une bouteille de vin à la cave, Blosseville Marniquet, d'abord Pinot noir, Pinot Meunier et juste une pointe de Chardonnay. Exactement ce qu'il faut, un champagne qui ne se laisse pas faire. Il remonte dans le salon–salle à manger pour retrouver leurs invités, en train de fêter l'annonce de la naissance à venir de leur fille à Aude et lui : Élisa, après douze ans d'attente. Élisa va bientôt fêter ses six ans, et Fabien est en train de déguster une bière avec son pote Alex. Ce dernier lui demande comment va le boulot : Fabien se montre fataliste, il tue des cochons du matin au soir, et une semaine sur deux, du soir au matin. Alex relativise en disant que ce n'est qu'un boulot. Fabien explique que son ami ne sait pas de quoi il parle. Il n'a pas cette saleté d'odeur dans le nez qui persiste encore trois jours après un brûlage, celui des soies. Et depuis qu'ils ont la petite, c'est à peine si Fabien voit Aude. Elle fait ses gardes de nuit les semaines où il est de jour, et vice-versa, pour éviter de passer un salaire en nounou. Ce boulot, ça devait être temporaire, mais la vie… Alex lui demande s'il a gardé des contacts de ses années d'arts appliqués. Fabien explique que pour chercher un taf il faut du temps, et dans ses journées le temps qui reste, ce n'est déjà pas assez pour sa petite puce. Cet horrible monstre suceur de temps, ajoute-t-il sur le ton de la plaisanterie. Alex l'invite à manger avec Élisa le soir-même, Fabien embauchant à cinq heures, ils garderont la petite fille et Aude pourra passer la chercher le lendemain matin. Fabien et Élisa arrivent juste avant le diner, et la petite fille déclare qu'elle n'aime pas le jaune, à Isa, sur un ton péremptoire. La compagne d'Alex la regarde d'un drôle d'air en lui disant bonsoir. Élisa explique : parce que le jaune, ça se mange pas. Fabien explicite : elle parle du curry. Le récit commence de manière singulière par une pleine page noire avec quelques cellules de texte. le lecteur constate rapidement que l'artiste réalise une narration assez aérée, majoritairement à base de cases de la largeur de la page, au nombre de trois ou quatre, utilisant parfois plus de cases disposées en bande. La pagination lui donne le loisir de réaliser des illustrations en pleine page, au nombre de huit, des dessins en double page au nombre de trois, et des pages sans texte où la narration est entièrement portée par les dessins, au nombre de trente. Cela donne au lecteur, la sensation d'une lecture facile, des pages qui se tournent à un bon rythme, les personnages disposent de place pour exister. La densité des détails dans la représentation des décors varie en fonction de la nature des séquences : des moments émotionnels ou de repli sur soi avec des fonds de case vides, ou des actions du quotidien avec décor représenté dans le détail, comme cet appartement du seizième arrondissement. le lecteur remarque également que le coloriste a opté pour le principe d'une teinte déclinée en plusieurs nuances pour chaque séquence, ou pour le contraste entre deux couleurs. Par exemple, celle de l'annonce de la naissance se déroule dans des teintes orangées, du jaune au presque rouge. La première séquence de travail à l'abattoir se déroule dans des teintes vertes contrastées par du jaune. Celle dans l'appartement du seizième fonctionne sur un contraste de jeune pale et de violet. Cela génère une impression d'environnement très cohérent, d'un seul tenant pour chaque scène. Laurent Bonneau dessine un registre réaliste et descriptif, avec un des traits de contour fins et cassants, quelques traits secs dans les zones détourées pour leur apporter une touche de texture ou rehausser leurs reliefs, et des aplats de noir aux formes déchiquetées pouvant être assez conséquent. le lecteur s'adapte rapidement à cette façon de représenter la réalité, banalité d'un quotidien souvent rugueux, avec quelques images saisissantes. Il peut aussi bien ressentir la familiarité d'une discussion à bâton rompu en buvant un verre dans la cuisine que la sensation d'irréalité qui accompagne des moments sortant de l'ordinaire. En fonction de sa sensibilité, certains visuels le touchent plus que d'autres : le choix d'une bouteille de vin à boire entre copains, Fabien qui invente une histoire pour sa fille Élisa après le coucher, un cerf en ombre chinoise dans une aquarelle en double page, l'envolée d'un groupe d'oiseau au-dessus d'une route de campagne, Fabien avec un tournevis ensanglanté à la main, les porcs entassés dans la remorque bétaillère, l'intense tristesse de Fabien alors qu'il vient de donner un verre d'eau sucrée à une personne à la rue lors d'une maraude, assister à une séance de photographies conceptuelles de dénonciation consumériste et de métaphore porcine, retourner au boulot alimentaire et abrutissant. L'intrigue en elle-même apparaît rapidement simple et linéaire : Fabien Manry forme un couple avec Aude, chacun ayant un boulot avec un bas salaire, des horaires en décalé, des heures supplémentaires imposées pour elle. Donner la mort aux porcs et les nettoyer pèse lourdement sur l'esprit de monsieur, travailler aux soins palliatifs en manquant de moyens pèse également lourdement sur l'esprit de madame. S'occuper de leur fille de cinq ans leur prend tout leur temps, mais… Fabien a suivi des études d'arts appliqués et il se prête volontiers au jeu de sa fille de lui inventer des histoires le soir, avec une princesse et même des cochons zombis, et voilà que le cerf qu'ils avaient introduit dans leur histoire du soir, se manifeste sur la route. Fabien y voit un signe : il peut changer l'histoire, celle qu'il raconte à sa fille, celle de sa vie, de leur vie. Lorsqu'un second signe des plus singuliers se présente sous ses yeux, le message est clair. Les auteurs racontent ces deux passages au premier degré, laissant le lecteur libre de s'en faire sa propre interprétation, une légère touche de surnaturel, ou bien une forme de synchronicité, c'est-à-dire l'occurrence de deux événements qui ne présente pas de lien de causalité mais dont l'association fait sens pour Fabien. À nouveau, en fonction de son inclination, le lecteur peut y voir soit une forme de pouvoir de l'imagination, soit le refus de capituler devant le principe de réalité. Ainsi Fabien a fait les arts appliqués, peut-être comme le scénariste ou le dessinateur, en tout cas son être comporte une fibre créative qui s'exprimera quelles que soient les conditions de vie. Une oeuvre artistique passe sous les yeux de Fabien, de façon particulièrement inattendue et incongrue et il y voit l'occasion de pouvoir revenir à son sa voie professionnelle de coeur, à sa branche de formation, à son inclination naturelle. Il sait qu'il dispose du pouvoir de changer la réalité, de modifier son destin, d'exprimer sa personnalité intérieure, ou plutôt en l'occurrence d'aider une artiste à être connue. Cherchant à se connecter au monde professionnel de l'art, il se rend compte que seule une des personnes qu'il a côtoyées durant ses études a fait carrière dans le monde de l'art, en tant que galériste. Cela le conduit à se demander ce qui peut bien broyer aussi systématiquement les rêves, ce qui ne marche pas avec lui, avec les autres. Ils étaient certains de leur destinée, si jeunes et si convaincus. Pourquoi il n'en reste rien ? D'un autre point de vue, le lecteur se retrouve fort impressionné par le passage de la page quarante-trois à cinquante-et-un quand Fabien décrit le fonctionnement de l'abattoir : Des barreaux pour entrer, ou pour que rien ne sorte… La grande fabrique de viande. le crachoir jette un porc sur le toboggan environ toutes les dix secondes, seize heures par jour, cinq jours sur sept. Vingt-cinq mille cochons tout roses par semaine. Progressivement, une idée se fraye son chemin dans l'esprit du lecteur : les êtres humains sont semblables à ces cochons. Au lieu d'être broyés par l'abattoir, les humains sont broyés par la société, sacrifiés. Cette comparaison fait froid dans le dos, donnant un sens sinistre à d'autres réflexions : Rien ne ressort vivant d'un abattoir ; la pauvreté renifle chaque individu comme une friandise ; regarder sa fille comme une magicienne, détentrice de la naïveté primale… en cours de formatage par l'institution. Cette prise de conscience se trouve renforcée par une nuit passée à la rue, par la participation à une maraude avec un véhicule de l'Armée du Salut. Une image de couverture et un titre cryptique, un texte de quatrième de couverture qui n'évoque qu'une facette du récit : le lecteur ne sait pas trop comment il doit prendre le récit. Sa lecture s'avère facile et surprenante, ancrée dans la réalité d'une famille avec de petits revenus, l'entrain de leur petite fille, des boulots harassants et pesants. La narration visuelle combine une forme aérée avec l'âpreté du réel, sans misérabilisme. le lecteur passe des tâches de l'abattoir au monde de l'art contemporain, avec l'évocation de Damien Hirst (1965-), Isabelle Plat, Ghyslain Bertholon (1972-). Il passe du quotidien aliénant aux histoires d'Élisa avec des cochons zombis, alternant entre la quantité quotidienne vertigineuse de porcs tués et les perspectives réconfortantes d'une entreprise artistique. Une aventure de la vie humaine sans fard, sondant les limites du principe de réalité. Formidable.

08/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série En silence
En silence

Ce n'était rien. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2012, réédité en 2023. Il a été réalisé par Audrey Spiry pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il compte cent-cinquante pages de bande dessinée. Juliette, vingt-quatre ans, sort d'une eau transparente, pour regagner la plage de sable blanc. Ses pieds ressentent le flux et le reflux des douces vagues. Elle rejoint sa serviette, avec un coup d'oeil en arrière pour voir son compagnon Luis, trente-trois ans, nager vers le large. Elle éprouve la sensation d'être au bout du monde, et lui de l'autre côté. Quelque temps plus tard, elle termine de stocker ses affaires dans un bidon étanche et elle s'apprête à le refermer. Luis lui demande si elle pourrait prendre sa serviette, parce que son bidon est plein à cause du pique-nique. Elle le fait, il la remercie. Derrière son bureau, Yann, le moniteur de canyoning, constate que la petite famille vient d'arriver, la maman Erika, le papa Gilles, leur grande fille Margot d'une dizaine d'années, et leur petite Léna, cinq ou six ans. Juliette pose son genou sur le couvercle de son bidon pour tasser la serviette et pouvoir le visser, sans s'apercevoir que la petite Léna la regarde faire avec curiosité. La famille sort à l'extérieur ainsi que Yann, Luis et Juliette sortent à leur tour dans la vive lumière. Il s'excuse de s'être emporté la veille. La petite famille est partie de son côté ; ils attendent sur le trottoir que Yann vienne les chercher. Yann arrive dans un van bariolé, et fort encombré. Juliette et Luis monte à l'arrière, mettant par terre ce qui se trouvait sur la banquette. Yann met ses lunettes de soleil en indiquant qu'avec ce soleil le canyon va être magnifique. À sa question, le couple répond que c'est la première fois qu'ils font du canyoning. Yann continue : ça fait quatre ans qu'il est moniteur de canyoning, et l'hiver il est professeur de ski. Ça ne plaît pas beaucoup à sa copine : il part six mois de l'année alors pour construire quelque chose… C'est vrai, c'est pas facile. Il demande à Luis dans quoi il bosse. Celui-ci répond : dans le cinéma. Il ajoute que Juliette vient de terminer ses études, et elle cherche du boulot. C'est l'époque des grandes décisions. Pendant le trajet, elle regarde par la fenêtre pour admirer le paysage. Allongée, elle compte les poteaux électriques qui défilent. Luis continue : c'est ses premières vacances depuis trois ans. le cinéma, c'est tout sa vie. On bosse, on vit ensemble, on ne peut pas lâcher le train en marche. Ça le prend soir et week-ends, le temps n'existe plus, c'est hyper grisant ! C'est comme une famille. Ce n'est pas facile tous les jours, mais le jeu en vaut la chandelle. Ils arrivent à destination, la voiture de la famille arrive juste derrière eux. Tout le monde sort : le vent souffle fort. Ils prennent le temps d'admirer le paysage. Ils enlèvent leurs habits pour ne garder que leur maillot de bain, et ils prennent leur bidon. C'est parti pour une demi-heure de descente à pied jusqu'à l'entrée du canyon. le paysage est magnifique. Première page : il nage, elle retourne à sa serviette. Pages deux et trois : entièrement rouge sans aucun dessin, et uniquement une courte phrase sibylline au milieu de la page de droite. Puis le récit passe à la boutique, point de départ pour la journée de canyoning, et premier contact entre tous les personnages. Ils sont au nombre de sept, le couple, la famille de quatre et le moniteur, il n'y en aura pas d'autre au cours du récit. le lecteur montre aux côtés du couple pour faire le voyage de l'aller dans le van de Yann, avec quelques cases s'attachant aux sensations, le paysage qui défile, l'impression des cahots, des virages de la route de montagne, de l'abandon de la somnolence, de la discussion sans conséquence à bâton rompu. Arrivée au lieu de stationnement : le vent fort, le paysage à couper le souffle, les gestes banals pour se changer et prendre les affaires. Cinq pages de marche jusqu'au point de départ de la descente dans la rivière. Il est temps d'enfiler les combinaisons, de mettre son casque d'en boucler l'attache, de se mettre à l'eau assez froide. de faire quelques pas dans l'eau, quelques mouvements de nage, d'éprouver la résistance et la texture du sol. Sans effort, le lecteur est ainsi déjà arrivé à la page quarante, sur un rythme calme, presque indolent, en toute tranquillité. Cette approche naturaliste se trouve également présente dans les dialogues. Les personnages parlent normalement, avec des phrases courtes, en omettant parfois la négation. Yann se montre enjoué comme ses clients l'attendent d'un moniteur, doté d'une assure certaine sans être condescendante, en tant que qu'habitué de cette descente, de ses caractéristiques. Juliette & Luis échangent des propos affectueux, basés parfois sur des sous-entendus, sur des expériences vécues ensemble, des émotions partagées, sans pour autant que leurs propos soient excluants pour les autres. En tant que petite fille, Léna fait des phrases plus courtes, avec plus de ressenti direct et non filtré, un enthousiasme intense et irrépressible, une façon très naturelle de voir le monde uniquement à partir de son point de vue. Progressivement, le lecteur se rend compte que les autres personnages jouent un rôle moins important, avec des dialogues moins fournis. Situations et dialogues finissent par apparaître banals de personnes normales se livrant à une activité concrète, favorisant la contemplation et une forme d'isolement par rapport aux autres. Dans le même temps, la narration visuelle présente des caractéristiques graphiques et esthétiques uniques. Pourtant, la couverture ne ressort pas particulièrement : une jeune femme en combinaison de plongée descendant l'eau, avec l'air peut-être surpris ou juste les yeux sciemment écarquillés pour voir dans l'élément liquide. En découvrant les pages intérieures, le lecteur se dit que l'image de couverture a perdu en intensité à être imprimée sur une couverture mat. Ensuite, il se dit que le choix même de cette illustration, sa composition gomme la plus grande singularité des dessins. L'artiste n'utilise pas les traits de contour, optant pour un rendu de type couleur directe. Son usage de l'outil informatique aboutit à une sensation de peinture à l'huile, et de dessins presque malléables, comme si chaque zone de couleur se déformait pour s'adapter aux formes qui l'entourent, comme si chaque frontière entre deux zones colorées présentait un degré de plasticité. Comme si l'artiste peignait chaque élément avec un pinceau à la pointe molle, permettant des arrondis à chaque contour, une sorte de fluidité des formes. Ces caractéristiques graphiques rendent à merveille les sensations aquatiques : le courant, la mer d'huile, les bulles d'air, l'effet déformant de la surface, la diffraction, l'onde, les zones où se rencontrent différents courants, les chutes d'eau, etc. le lecteur peut ressentir la caresse de l'eau, l'effet de flottement des individus, la viscosité de la mousse sur les rochers, les remous, les effets de luminescence, les nuances de la couleur de l'eau en fonction de l'intensité du soleil, de l'angle de ses rayons en fonction du moment de la journée, etc. Ce mode de représentation fait des merveilles également pour les effets de végétation et pour l'expressivité des visages. Le lecteur prend autant de plaisir que Juliette à voir le paysage défiler par la vitre du van, à regarder avec les marcheurs autour d'eux alors qu'ils descendent vers l'accès au canyon, et bien sûr tout du long de la descente de la rivière à l'air libre comme dans des cavernes souterraines. Il sourit en voyant les quelques passages où l'artiste passe en mode expressionniste jouant avec les formes pour représenter un personnage par son ressenti plutôt que par son apparence physique. Ainsi se déroule cette descente, avec quelques passages un peu plus délicats : un saut de sept mètres dans un bassin en contrebas, un passage trop étroit, des remous, une exploration imposée d'une caverne où se sont fourvoyées Juliette et Léna, rien de grave… Enfin… Dans cette succession de petits riens, il plane comme une forme d'inquiétude. le lecteur ne saurait la définir car il n'y a pas à proprement parler d'angoisse, de moment de confrontation, d'éclats, mais de minuscules décalages, une phrase qui semble bizarrement formulée, une réaction légèrement différente de celle attendue. Cette vague sensation finit par agir sur l'état d'esprit du lecteur qui se dit qu'un accident va survenir pendant la descente du canyon, alors même que chaque moment déconcerte par sa banalité, son caractère ordinaire. Il peut même finir par trouver que la séduction de l'esthétique visuelle ne suffit pas toujours à retenir son attention. Que ses attentes ne sont que trop partiellement comblées. Finit par venir un moment où il prend conscience de l'accumulation de ces petits riens, de ces petits décalages. Il comprend le changement qui est survenu en profondeur dans l'un des personnages, alors même qu'il n'a pas eu accès à ses pensées, qu'il n'y a pas eu de dialogue d'exposition ou d'explication, que le processus s'est effectué en profondeur. Une couverture un peu cryptique, avec une image assez sobre. Si sa curiosité le pousse à feuilleter cette bande dessinée, le lecteur note tout de suite l'agencement inusuel des couleurs, ce rendu un peu huileux très agréable à l'oeil, ce qui peut suffire à attiser sa curiosité. À la lecture, la narration ressort comme posée, naturaliste et tranquille. Pas désagréable, tout en semblant s'écouler paresseusement, sans tension. Puis vient un moment dans l'esprit du lecteur où il s'interroge sur le malaise indéfinissable qu'il ressent. Il se rend compte qu'il interprète de manière orientée des petits riens que certains personnages ne ressentent même pas. Avec le dénouement, il reconsidère le chemin qu'il vient de parcourir en canyoning, comment les interactions banales et normales entre deux personnages ont fait se cristalliser de vagues impressions en une prise de conscience qui s'impose naturellement comme une évidence organique. Un cheminement inéluctable tout en douceur.

08/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Supermatou
Supermatou

Un pour tous, tous pour trognon ! - Ce tome est le premier d'une intégrale qui en compte deux. Sa première parution date de 2023, et il reprend des histoires parus de l'hebdomadaire Pif Gadget entre le numéro 322 d'avril 1975, et le numéro 463 de janvier 1978. Toutes les histoires ont été écrites et dessinées par Jean-Claude Poirier (1942-1980), et mises en couleurs par son épouse Violaine Poirier. le tome commence par un petit mot de Bilitis Poirier, la fille de l'auteur, qui explique le processus de restauration des couleurs, les roses bonbon, les verts pomme, les jaunes citron, etc. Suit une copieuse introduction rédigée par Rodolphe Massé, écrivain, journaliste et rédacteur français, de sept pages évoquant Horace cheval de l'Ouest, la première création de Poirier dans Pif Gadget, puis Maximax et Piedlégé, cocréé avec Jacques Lob et précurseur de Supermatou, la qualité de vrai superhéros de Supermatou, les méchants d'une histoire et les méchants récurrents, la ville en caoutchouc, la poétique singulière des récits, et l'importance grandissante du superhéros et de son compagnon canin au sein de Pif Gadget. Il précise que les éditions Revival s'attèleront à la réédition de la série Horace après le second tome de Supermatou. Supermatou et son cerveau-chien, 6 pages : à première vue, Modeste Minet ressemble à tous les petits garçons de Raminagroville, son pays natal, de nature serviable, il est toujours prêt à rendre service. Mais comme c'est un enfant distrait, il a parfois tendance à oublier les super-pouvoirs dont l'a doté la nature, ce qui ne manque pas de provoquer des catastrophes. Il est en train de rentrer chez lui avec son cartable à la main, quand un conducteur en panne lui demande de l'aider à pousser sa voiture. Il se place derrière, la soulève au-dessus de sa tête et l'envoie devant lui : elle finit sa course dans la calandre d'un camion portant la mention Fruizé Légumes, son routier demandant au chauffeur ce qu'il fait sous ses roues. le chien Robert recommande à Modeste de continuer à rentrer chez lui pour aller faire ses devoirs. Ce chien de la famille a, quant à lui, l'aspect extérieur d'un honnête cabot de province, mais il ne faut pas se fier aux apparences. Robert se redresse sur ses deux pattes et parle à Modeste : il lui demande ce qu'il y a eu de neuf à l'école. Modeste lui indique qu'il va avoir besoin de son chien car il y a compo de calcul le lendemain. Robert prend le devoir en question : enfantin, il va expliquer ça au garçon, car il est une véritable encyclopédie sur pattes. Les époux Minet par contre, sont aussi normaux que tout le monde et n'imaginent pas un instant la double vie des héros. Au repas du soir, le poste de télévision annonce la disparition d'Alphonse Trognon, le sympathique instituteur de l'école de garçon. Modeste déclare qu'il monte se coucher, avec Robert sur les talons. Il se change derrière le paravent dans sa chambre. Supermatou et son cerveau-chien prennent leur envol par la fenêtre : un pour tous, tous pour trognon ! Comme l'évoque la fille de l'auteur dans son paragraphe d'explication sur la restauration, le lecteur est tout de suite frappé par les couleurs franches et acidulés, gaies, rappelant le monde de l'enfance, d'un rendu parfait (ce qui n'était pas le cas des multiples rééditions précédentes). de la même manière, l'artiste représente les êtres humains avec une forme de simplification, à commencer par quatre doigts pour chaque main. Il leur donne une tête un peu plus grosse qu'une anatomie exacte, et de grands yeux dans le visage, et bien sûr des gros nez. Pour autant, il utilise un trait de contour fin, lui permettant d'intégrer de nombreux détails dans chaque case, sans pour autant qu'elle ne paraisse surchargée. Jean-Claude Poirier prend progressivement confiance en sa création et introduit des éléments parodiques ou humoristiques supplémentaires. Dans ce monde coloré, les maisons présentent une étroitesse peu commune, visiblement plus grandes à l'intérieur qu'à l'extérieur, il n'y a qu'à comparer la taille de la chambre de Modeste quand il s'y trouve avec les dimensions de la maison quand il en est juste sorti en costume de superhéros. Dans la dernière page de la première histoire, le lecteur remarque un cadre au mur, avec une girafe caractéristique de Guillermo Mordillo (1932-1919). Dans la deuxième histoire, l'artiste s'amuse bien avec des effets sonores dans un lettrage évoquant des lettres comme des ballons de baudruche. Parfois, le lettreur s'amuse même à changer de couleur d'une lettre à l'autre, par exemple bleu, suivi de rouge, suivi de bleu, suivi de rouge, etc., quand Supermatou chante une berceuse. de temps à autre, un panneau porte une inscription rigolote, comme : Attention PAF fréquents. Dès la deuxième histoire, les véhicules motorisés, voitures et camions, disposent d'yeux sur le devant, puis une bouche, puis peuvent parler. Un ou deux camions se déplacent même la clope au bec, la gapette vissée sur le toit de la cabine. À partir de la cinquième histoire, les habitations, pavillons et immeubles, présentent un comportement peu commun. Ils peuvent s'écarter, se ramollir, parfois se déplacer (par exemple sous l'action d'un équivalent du joueur de flûte de Hamelin). Supermatou en soulève à plusieurs reprises, soit pour voir ce qu'il y a en dessous, soit pour les déplacer. Certains animaux parlent quand l'histoire le requiert. le lecteur retombe en enfance dans ce monde farfelu obéissant à ses propres règles internes qui défient régulièrement les lois scientifiques et la réalité urbaine ou animalière. Chaque histoire peut être lue indépendamment des autres, avec son ennemi à arrêter ou des choses à remettre dans l'ordre (tout relatif) normal de Raminagroville. L'auteur accommode à sa sauce quelques personnages classiques : le joueur de flûte de Hamelin, la voyante douée en hypnotisme, King Kong revu et corrigé, les voleurs de banque et de bijouterie, l'éléphant du cirque, le père Noël (qui habite au fin fond de la galaxie) et ses aides (qui voyagent en soucoupe volante avec sa sous-tasse et sa cuillère), le savant et inventeur de génie (le professeur Chanteclair, avec par exemple sa potion pour rapetisser, ou celle pour passer à travers les murs) et sa nièce Rosine Feufollet, les jeux du cirque, Stan Laurel & Oliver Hardy, une variation sur le monstre du Loch Ness, un cyclope, un amalgame très libre entre Cassius Clay (1942-2019, Muhammad Ali) et Superman. Il invente également des méchants récurrents : le terrible nourrisson Agagax que l'abus de lait transforme en génie criminel, l'ancien éboueur Radégou et sa super chouette, ainsi que Arsène Rupin gentleman cambrioleur (enfin, surtout cambrioleur et maître du déguisement et de l'évasion). Mise à part les deux premières apparitions d'Agagax, pour chacune des apparitions de ces trois ennemis récurrents, l'auteur aligne plusieurs épisodes de suites dans lesquels ils font des leurs : sept pour Radégou, sept pour Agagax, quatre pour Arsène Rupin. Le lecteur est vite emporté par la verve de l'auteur. Les récits sont gentils dans le sens où le bon superhéros s'oppose aux méchants, mais pas neuneus. Dans la deuxième histoire, le scénariste mène concomitamment une histoire à la trame très classique de Supermatou arrêtant les membres d'un gang, puis leur chef, pendant que Robert se livre à un commentaire sur la mécanique des scénarios de western, fonctionnant toujours de la même manière, et le lecteur constate que ce commentaire s'applique tout aussi bien à l'histoire en train d'être racontée. Même s'il n'éprouve pas de sentiment de nostalgie en retrouvant ou en découvrant ces histoires, le lecteur prend plaisir à ces aventures simples et pleines de fantaisie de superhéros. Il accepte bien volontiers d'accorder une suspension d'incrédulité pleine et entière : Modeste revêt son costume et peut voler et distribuer des coups d'une grande force (sans jamais blesser qui que ce soit bien sûr), le cocker Robert peut parler et voler, sans parler de son odorat qui lui permet de retrouver n'importe qui n'importe où. le nourrisson Agagax dispose d'un landau volant. Arsène Rupin se déguise en tout et n'importe quoi à volonté, et s'évade de la prison du commissariat comme s'il sortait d'un jardin public : bien volontiers car c'est la logique interne de la série. Peu importe l'origine des pouvoirs de ce superhéros (elles ne sont pas racontées), peu importe leurs éventuelles variations, et même le changement de couleur intermittent de son masque qui est le plus souvent rouge, mais qui peut être bleu le temps d'un récit ou deux. Le lecteur sourit à l'inventivité du scénariste et à sa poésie, à chaque histoire. Dans cette logique interne, le fait que le soleil éprouve de la peur à l'idée de se lever apparaît tout à fait cohérent car il craint le combat qui va se dérouler dans la journée et dont il sera le témoin. le fait qu'une construction comme une maison puisse ramollir découle logiquement des caractéristiques même du dessin de JC Poirier. Il est tout aussi normal que Marguerite Dupré, une piquante génisse au regard profond, regagne son étable d'un pas alerte debout sur ses deux jambes arrière, revêtue d'une robe à fleur avec son petit sac à main, et qu'elle se fasse chloroformer par un vil kidnappeur. Ou même plus simplement qu'un chien porte un masque pour dissimuler son identité secrète. Tout cela participe du monde de l'enfance. Dans le même temps, le lecteur adulte garde à l'esprit cette deuxième histoire et son métacommentaire en direct, et se dit que s'il le souhaite, il peut faire passer son cerveau en mode analytique, reprendre un point de vue adulte et voir dans ces histoires le commentaire sous-jacent sur telle facette de la société de l'époque (mais c'est moins amusant comme lecture). Il faut faire preuve d'une volonté de fer pour résister à l'envie de se jeter sur ce tome. le plaisir de la parodie de superhéros, inventive et française, et d'autres éléments culturels. Les dessins si vivants, y compris jusque dans des objets. Les aventures rondement menées, facétieuses, avec des dialogues et des commentaires qui gagnent en richesse d'histoire en histoire. Des situations abracadabrantes et farfelues, une facétie de tous les instants, une plongée inespérée dans le monde de l'enfance, dépourvue de niaiserie ou de mièvrerie. Que du bonheur.

08/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Bourdieu - Une enquête algérienne
Bourdieu - Une enquête algérienne

Le dessein du sociologue n'est pas de juger, mais de comprendre. - Ce tome contient une biographie partielle de Pierre Bourdieu (1930-2002), sociologue, entremêlé de la propre histoire de la relation de Pascal Génot avec l'Algérie. Sa parution date de 2023. le scénario a été réalisé par Pascal Génot, docteur en sciences de l'information et de la communication, ayant été chargé d'enseignement en sociologie des publics, d'après une enquête documentaire réalisée avec Saadi Chikhi. Les dessins ont été réalisés par Olivier Thomas. Il s'agit d'une bande dessinée en noir & blanc qui compte deux-cent-quarante-deux pages. L'ouvrage se termine par un dossier de quatre pages dont une de photographies sur les approches et les sources documentaires, deux pages de bibliographie, une page de remerciements. Alger en 2023, le souvenir de nombreuses manifestations : les rassemblements pro-démocratiques de janvier-mars en 2011, les mobilisations contre un projet d'exploitation du gaz de schiste à In Salah en janvier 2015, la répression des émeutes populaires des 4-10 octobre 1988 à Alger, la marche kabyle contre les répressions policières aux portes d'Alger le 14 juin 2001, les manifestations pour la paix et l'indépendance en décembre 1960 dans plusieurs quartiers populaires d'Alger, le Hirak issu à partir de mars 2019 d'un refus d'un cinquième mandat présidentiel d'Abdelaziz Bouteflika, les manifestations du printemps berbère en Kabylie à Tizi-Ouzou en mars-avril 1980, la première fête de l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962. Chapitre un : un aller pour l'Algérie. Paris en juillet 2015, Pascal Génot retrouve Mohand devant la station de métro Barbès-Rochechouart. Ils échangent des nouvelles sur les membres de leur famille respective. Ils se connaissent depuis 2011. Quelques années auparavant, le scénariste avait coécrit une BD qui se déroule entre Marseille et l'Algérie. L'idéal aurait été d'aller sur place faire des repérages, s'imprégner des lieux pour mieux les ré-imaginer ensuite… Mais depuis la guerre civile des années 1990, l'Algérie reste un pays relativement fermé. le visa ne s'obtient pas facilement et la circulation hors d'Alger et d'Oran, les grandes villes du nord, est fortement déconseillée aux voyageurs étrangers. L'occasion s'est finalement présentée en mars 2011. Il venait de terminer une thèse sur les minorités culturelles au cinéma, une recherche qu'il avait faite à partir de la Corse, sa région natale. Grâce à une amie, le festival du film Amazigh (berbère) l'a alors invité pour faire une conférence. Mohand filait un coup de main. Il était venu les chercher à l'aéroport, lui et d'autres invités. Alger en mars 2011, Pascal a voyagé depuis Marseille, avec Danièle l'amie qui lui avait proposé ce séjour. Poète militante antiraciste, elle n'avait jamais cessé de venir en Algérie, même dans les années les plus dures. Mohand les attend en compagnie d'un second chauffeur, Nasser, et d'autres invités du festival, une réalisatrice et une actrice venues de Tunis. Danièle présente Pascal à Mohand, en tant que scénariste de BD, et ce dernier lui demande de revenir six mois plus tard à l'occasion du festival de BD à Alger pour animer une formation sur le scénario. Pascal accepte. À la découverte du titre, le lecteur comprend qu'il va être question de la période de la vie du sociologue qu'il a passé en Algérie, c'est-à-dire de 1956 à 1960, d'abord au titre de son service militaire, puis pour des enquêtes et études de terrain. Mais le récit ne commence pas avec le sociologue : il débute avec l‘évocation de huit grandes manifestations de protestation en Algérie. Puis il passe à la mise en scène du scénariste : sa rencontre fortuite en 2015 avec un Algérien qui fut son guide, suivi par un retour dans le passé en 2011. Pierre Bourdieu est évoqué pour la première fois en page vingt-huit dans une photographie où il discute avec l'écrivain instituteur Mouloud Feraoun (1913-1962). Dans ces quelques pages, l'artiste impressionne déjà fortement le lecteur : le soin apporté à cette vue de la ville d'Alger depuis un balcon où aucun détail ne manque, la foule composée d'individus tous distincts avec les marques de l'époque correspondante, les forces policières, la station Barbès-Rochechouart avec le métro aérien immédiatement identifiable, la foule bigarrée, le marchand de journaux, l'architecture caractéristique de la station avec ses escaliers menant au quai, puis l'évocation de l'aéroport d'Alger, une scène d'émeute en janvier 2011, le trajet à travers la ville d'Alger avec chaque quartier représenté conformément à la réalité. du travail d'orfèvre avec un soin remarquable apporté à l'exactitude géographique et temporelle. La rigueur des auteurs lui ayant donné entièrement confiance, le lecteur continue. Il découvre qu'ils alternent donc entre des scènes du passé proche au cours desquelles l'artiste illustre les démarches du scénariste pour reconstituer le déroulement historique du séjour du sociologue en Algérie, et la reconstitution proprement dite de ce séjour également raconté sous forme de bande dessinée. le travail de représentation continue avec la même qualité élevée et le même souci d'exactitude et de précision. le lecteur ressent bien que la narration est conduite par la démarche de recherche du scénariste et que le dessinateur doit se mettre à son service. Pour autant, il ne s'agit pas d'un texte livré clé en main, charge au dessinateur de trouver comment apporter des informations visuelles. Par exemple, de nombreuses séquences relèvent d'une scène représentée en plusieurs cases. le lecteur découvre également des pages muettes, c'est-à-dire dépourvues de texte, où toute la narration est réalisée par le biais des seules images. En outre, le dessinateur varie les constructions de page en fonction de la nature de ce qui est raconté ou exposé, mettant à profit la grande variété offerte par la bande dessinée : facsimilé de carte géographique, reproduction de unes de journal, reprise d'une photographie en dessin, forme de case en trapèze pour opposer deux personnes (par exemple Albert Camus et Jean-Paul Sartre en page quarante-six), dessin en pleine page pour un paysage remarquable (l'assemblée populaire nationale en page soixante-quinze), cases de la largeur de la page pour un trajet en voiture, dessin en double page et en ombre chinoise pour un bâtiment (pages cent-quatre et cent-cinq), reprise de couverture de livres, portrait d'après photographie de personnalités (l'extraordinaire portrait de Raymond Aron et de Germaine Tillion en page cent-vingt, un photoréalisme aussi réussi que complexe à réaliser), vignettes rectangulaires disposées en pourtour d'une double page pour encadrer un texte d'exposition sur la proto-sociologie, schéma en organigramme pour illustrer le concept de Champ, diagramme pour les différentes formes de patrimoine, reprise de slogans dans des graphies variées, etc. S'il y prête attention, le lecteur se retrouve fortement impressionné par l'intelligence et la pertinence graphique du récit. Le dessinateur s'avère d'autant plus méritant que le scénariste a conçu un ouvrage ambitieux et sophistiqué. le lecteur comprend que les séquences se déroulant de 2011 à 2015 servent au moins deux objectifs. le premier est de donner au lecteur les éléments lui permettant de prendre du recul, de situer l'origine social du scénariste, la manière dont lui est venu l'idée de retracer le parcours de Bourdieu en Algérie, l'objectif poursuivi et la méthodologie mise en oeuvre. En cela, l'auteur affiche que cette démarche est personnelle et que sa manière d'aborder et d'exposer le sujet est également personnelle. le second est de montrer des facettes de la société algérienne dans les années 2010 de manière à fournir un point de comparaison aux observations de Bourdieu fin des années 1950, début des années 1960, faisant ainsi ressortir les éléments spécifiques de sa période d'observation. Incidemment, ce dispositif fait également ressortir les effets durables des travaux de Bourdieu dans son analyse sociologique de cette société, et lors des interviews avec les personnes qui l'ont rencontré ou côtoyé à l'époque. Ces séquences permettent de prendre du recul pour considérer le parcours de Bourdieu, ses démarches et la pérennité de ses analyses. La forte pagination de l'ouvrage permet aux auteurs d'approfondir de nombreuses facettes de leur propos. le scénariste fait oeuvre de vulgarisation et même d'histoire en évoquant l'évolution de la situation en Algérie, pendant la guerre d'indépendance et après, les missions confiées au soldat Bourdieu, les différentes positions d'intellectuels comme Francis Fanon (1925-1961), Jean-Paul Sartre (1905-1980), Albert Camus (1913-1960), Raymond Aron (1905-1983), Germaine Tillion (1907-2008), Mouloud Feraoun (1913-1962). Il aborde la situation de l'Algérie sous l'angle sociologique, mais aussi historique, économique, culturel, politique. L'ouvrage est découpé en six chapitres : Un aller pour l'Algérie, Seconde classe, La guerre moderne, Un nouveau regard, Entre-deux, Maintenir l'ordre. Au fil de ces chapitres, l'auteur commence par retracer la vie de Pierre Bourdieu pendant son service militaire, s'interrogeant à la fois sur la genèse de son intérêt pour ce pays, et sur le rôle qu'il a joué en tant que militaire dans ladite guerre d'indépendance, au sein de la force armée du pays colonisateur. Par la suite, il ne se contente pas d'une biographie inscrite dans l'Histoire, il réalise une introduction vulgarisatrice sur la sociologie en évoquant rapidement Emmanuel Joseph dit l'abbé Sieyès (1748-1836), Claude-Henri de Rouvroi de Saint-Simon (1760-1825), Auguste Comte (1798-1857), Karl Marx (1818-1883), Émile Durkheim (1858-1917), Max Weber (1864-1920). Il explique de manière synthétique les principaux apports théoriques de Pierre Bourdieu : les champs, le capital et l'habitus, et bien sûr les mécanismes de reproduction des hiérarchies sociales. Il s'attache également à mettre en lumière l'importance essentielle de la collaboration entre Bourdieu et Abdelmalek Sayad (1933-1998), le lecteur souriant au parallèle avec le scénariste et son guide et ami Mohand. En fonction de sa culture, le lecteur peut être familier du sociologue Pierre Bourdieu et de ses oeuvres, de la guerre d'indépendance de l'Algérie, ou non. Olivier Thomas et Pascal Géno, avec Saadi Chikhi, ont réalisé un ouvrage remarquable, dense et accessible. La narration visuelle s'avère dense elle aussi, d'une qualité supérieure pour la reconstitution historique, pour la description des lieux, et pour la pertinence des mises en page et en scène pour raconter chaque séquence. le scénariste s'avère tout aussi rigoureux dans son approche, approfondissant avec une rigueur pénétrante chaque facette de son enquête algérienne, et une prise de recul sophistiquée pour que le lecteur puisse se faire sa propre opinion en ayant pris connaissance des éléments nécessaires. Remarquable.

08/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Une nuit avec toi
Une nuit avec toi

À part utiliser et séduire les mecs, tu n'es capable de rien. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2023. Il a été réalisé par Maran Hrachyan, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il compte cent-soixante-deux pages de bande dessinée. Un animateur est en train de présenter un numéro de l'émission télévisuelle Faites entrer le coupable, concernant un tueur : Denis Palmier, jeune homme beau, séduisant, habillé soigneusement, un homme qui sait plaire aux femmes. Selon la police, cet homme a violé 22 femmes, dont 15 tuées et dépecées. C'était il y a plus de 20 ans, entre 1991 et 1997. Les femmes avaient toutes entre 20 et 35 ans et toujours le même profil ; grandes, fines, cheveux bruns. Abandonnant les corps dans des locaux poubelles, il en gagna son surnom : Dépeceur de poubelles ! Il est accusé de viols, de meurtres avec préméditation, et d'outrages à cadavres. Jugé en décembre 2001, il est condamné à la prison à perpétuité. Mais remontons le temps : le 25 juin 1992, la concierge d'un immeuble parisien, en sortant les poubelles, aperçoit un sac suspect, déchiré et laissant échapper du sang. Elle y fait une découverte macabre : une main humaine. Terrifiée, elle appelle la police. Les enquêteurs découvrent le corps d'une femme, coupé en morceaux et distribué dans différents sacs. Les morceaux sont sectionnés au couteau et à la scie. En ouvrant le sac, elle a vu une main et du sang partout ! Elle a hurlé pour appeler son mari. Elle était terrifiée, elle n'a pas… Pendant cette partie de l'émission, à Paris en 2018, Brune, une jeune étudiante de vingt-cinq ans, s'est maquillée et habillée pour sortir. Elle éteint son ordinateur qui diffusait l'émission. Elle sort de son appartement, habillée d'un jean, de sandales et d'un haut à manche courte, avec son sac à main et un sac avec un cadeau pour la soirée. Brune se rend à la soirée à pied. Elle passe devant un groupe de quatre jeunes hommes sur le trottoir. L'un d'eux s'adresse à elle, en lui disant qu'elle est mignonne comme tout. Elle les dépasse en sentant leurs regards dans son dos, en train de détailler ses chaussures, son sac à main, son postérieur. Elle jette un coup d'oeil en arrière. Elle arrive à la soirée qui se tient dans un appartement parisien, à l'étage. Elle salue Matisse qui lui ouvre la porte. Une quinzaine d'invités qui sont en train de papoter, certains avec une bière, d'autres en train de se rouler une clope, ou de flirter. Elle rejoint deux copines et l'une d'elle raconte un de ses rencarts, un homme rencontré sur Tinder, plutôt mignon, mais il ne parlait que de lui. Au cours de la conversation, il lui montre ses photographies de vacances en Corse. À un moment, il part à la cuisine pour chercher un truc à boire et elle en profite pour passer rapidement les photos. Elle tombe sur des vidéos porno trop chelous filmés avec son portable, puis des vidéos hardcore. C'était tellement chelou qu'elle a eu peur. du coup, elle s'est barrée en disant qu'elle allait acheter du vin. Alex Dubois vient les saluer, répond qu'il a l'appli Tinder mais qu'il n'y va pas souvent, car il préfère les vraies rencontres. Le début donne le ton : l'histoire d'un violeur et tueur en série, dans une émission anxiogène, le poids du regard de quatre jeunes hommes sur une femme dans la rue, une histoire de rendez-vous Tinder un peu glauque. Brune Fleury accepte bien volontiers de se faire raccompagner chez elle en voiture par Alex, mais il décide d'aller se garer chez lui, plutôt que de la déposer en bas de chez elle. La page neuf est dépourvue de mots et place le lecteur dans une vue subjective depuis le regard d'un de ces hommes : un regard sur les chaussures, puis sur la bretelle du sac à main, puis sur la manière dont Brune ne tient que la bretelle pour éviter que le sac ne ballote, puis sur son postérieur. L'intention est claire : une potentielle agression pour la détrousser, et un regard pour jauger son potentiel physique au lit. À bien y penser, il n'y a eu factuellement que l'apostrophe non sollicitée : Hé mademoiselle, vous êtes mignonne comme tout ! Mais aussi, l'émission sur le violeur en série et la présence de quatre mâles apparemment désoeuvrés pèsent consciemment ou inconsciemment sur l'esprit de la jeune femme. Ou encore un homme qui marche derrière elle, la suivant dans la station de métro, la main dans la poche. le lecteur assimile ces dangers implicitement, sans qu'ils ne soient dits. C'est même une caractéristique de la narration de l'autrice : cinquante-quatre pages dépourvues de texte, de tout mot. Ce mode de narration visuelle silencieuse provoque automatiquement la participation du lecteur, la formulation de cause à effet d'une case à l'autre, de suite logique, et engendre rapidement des supputations. En fonction de son état d'esprit, il fait des suppositions. Par exemple, ces onze cases de la page neuf qui détaille le dos de la silhouette de Brune : s'agit-il d'une intention d'agression de l'un des hommes, ou s'agit-il du ressenti de Brune indépendamment de leurs intentions réelles ? Dans un cas comme dans l'autre, cela produit un effet anxiogène. du coup, quand son copain Alex décide d'aller garer sa voiture dans son parking, plutôt que de déposer Brune en bas de chez elle, c'est sûr que ce n'est pas normal, d'autant plus que la discussion se tarit. En outre la radio diffuse un autre numéro de Faites entrer le coupable, l'histoire de Marc Fischer, qui a violé Lilianne Bissonnet, puis lui a asséné treize coups de couteau. C'est sûr qu'il va se produire un drame, une agression physique, un acte sexuel non consenti. Alex a forcément une idée derrière la tête. La narration visuelle s'avère très agréable : aérée, avec une économie de texte, sept dessins en pleine page, un double page. L'artiste utilise des cases sagement rectangulaires, disposées en bande, faisant varier leur nombre en fonction de l'importance qu'elle souhaite donner à une action, ou à un simple geste, à un regard, à un objet, à un paysage. La première page commence avec huit cases de la même taille, disposée en quatre bandes de deux pour évoquer le cadrage de l'écran de télévision, ou d'ordinateur en l'occurrence. Page suivante : quatre cases de la largeur de la page pour mettre en valeur les gestes délicats de Brune se maquillant, d'abord les cils, puis les lèvres. le nombre de cases peut varier de deux, hors les dessins en pleine page, à dix, avec l'utilisation régulière d'une page construite sur trois bandes de deux cases. Les dessins sont réalisés au crayon, puis habillés avec des couleurs réalisées à l'infographie. L'artiste donne plus de consistance à la plupart des surfaces avec des ombrages et des textures légères au crayon, tout en conservant une lisibilité parfaite. Elle dessine des personnages normaux, en bonne santé, sans être d'une beauté particulière. Elle s'attarde régulièrement sur les regards, le lecteur ne pouvant alors pas s'empêcher de se demander ce que pense le personnage, quel est son état d'esprit, en particulier celui de Brune, souvent indéchiffrable. Elle réalise de nombreuses planches ou cases mémorables : le regard en vue subjective des hommes dans la rue, l'appartement très propre d'Alex, la reprographie de la couverture de Patrick Dewaere : À part ça la vie est belle (2021) par Hrachyan et Laurent-Frédéric Bollée qu'Alex prête à Brune, les gestes déplacés et timides d'Alex, la dalle des Olympiades dans le treizième arrondissement de Paris, la voiture qui roule plusieurs cases durant pour s'éloigner de Paris, le regard d'une chouette dans un arbre la nuit, le sourire chaste et timide de Brune, etc. Le lecteur se retrouve ainsi dans un état d'inquiétude qui monte progressivement, se demandant s'il sur-interprète des petits riens insignifiants, ou si au contraire il ne prend pas la mesure de ce qui est train de se passer. Il essaye de se faire une idée en se fixant sur les réactions de Brune, mais celle-ci est une jeune femme calme et posée, s'exprimant avec peu de mots, n'extériorisant que peu ses émotions. Dans l'instant et avec le recul, il s'avère très difficile de savoir ce qu'elle ressent, et elle réagit le plus souvent avec calme et posément. D'un côté, elle est rebutée par les avances insistantes d'Alex, puis d'un autre jeune homme qui voient tous les deux en elle une partenaire sexuelle. le second lui indique même explicitement qu'il ne croit pas en l'amitié entre un homme et une femme. Ça n'existe pas. D'un autre côté, il dit encore qu'il estime qu'elle l'a bien cherché, et que ça n'arrive qu'à elle, comme si quelque chose de conscient ou d'inconscient dans le comportement de Brune pourrait être interprété comme des signaux de disponibilité sexuelle. le lecteur se retrouve devant une autre ambiguïté avec une nouvelle émission de Faites entrer le coupable, cette fois-ci sur des meurtres commis par une femme, avec la façon sensationnaliste de présenter les faits, comme si elle appartenait à la même engeance que les violeurs et tueurs en série. Mais pour avoir vu les faits se dérouler, le lecteur a bien constaté qu'il n'est pas possible de les mettre sur le même plan, que ce n'est pas comparable, ce qui emporte sa conviction sur les responsabilités des uns et des autres dans ce qu'il vient de lire. Harcèlement de rue ou simple remarque en passant, séduction féminine passive ou comportement masculin harceleur : l'autrice joue admirablement avec les ambiguïtés en s'appuyant sur une narration à forte composante visuelle, conduisant ainsi le lecteur à s'interroger. Il perçoit Brune comme une victime potentielle, et pourtant les faits ne vont pas dans ce sens. La conclusion rétablit les faits et les responsabilités, levant ainsi le doute sur le comportement d'Alex Dubois, de Pacôme Gérard Kulakowski et de Brune Fleury, et sur leur responsabilité personnelle. Éclairant.

08/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série La Boulonichon
La Boulonichon

Le fils de Mike Tyson et de Joey Starr. Après un combat à mort à l'arme blanche rouillée. - Ce tome contient une histoire complète et indépendante de tout autre, de nature semi-autobiographique. Son édition originale date de 2023. Il a été réalisé par Evemarie, pour le scénario, le dessin et les couleurs. Il comprend cent-quatorze pages de bande dessinée. Cette même année, l'autrice a également réalisé Les dents longues avec Courty au scénario, une parodie de conte. le tome commence avec un avant-propos d'une page, rédigé par la docteure Hortense Mineur, cancérologue, radiothérapeute à la clinique Tivoli à Bordeaux. Le radioréveil se déclenche : c'est la chanson Boule de flipper, de Corynne Charby. Clémentine Fonzarelli se lève pendant que son conjoint Arthur reste un peu au lit, encore sous le coup de la violence de ce réveil. Elle va prendre sa douche, et elle sent comme une boule au nichon dans le sein gauche. Elle décide de prendre rendez-vous avec son généraliste. Lors de la consultation, celui-ci lui confirme ce qu'elle a détecté par elle-même, et il lui prescrit de façon illisible une mammographie et une échographie. C'est parti pour le Nichon Tour, bientôt dans le labo le plus proche ! Clémentine se rend dans le centre de radiologie, imagerie et analyse de son quartier, tout en constatant que la devanture n'a rien de discret. La secrétaire l'admoneste parce qu'elle a cinq minutes d'avance, parce qu'elle n'a pas apporté ses précédents clichés, même si c'est la première fois. Elle va s'assoir à côté des autres personnes en train de patienter, et elle demande à son voisin, un homme avec une jambe dans le plâtre, s'il vient lui aussi pour une boule au nichon. Vient son tour de passer : la radiologue se montre encore moins aimable, donnant des ordres de manière sèche et péremptoire. Se déshabiller, attacher ses cheveux, se placer sur l'appareil, ne pas bouger attendre que le médecin passe, en la reprenant parce que Clémentine a fait un bon mot, s'assoir, sans se rhabiller. Au bout d'une demi-heure d'attente sur une chaise, elle revient pour lui ordonner de se rhabiller et de se dépêcher car elles vont faire une échographie. Clémentine est maintenant allongée sur la table, la docteure penchée sur elle en faisant l'échographie qu'elle commente : la patiente a une boule au nichon, ce qui étonne modérément Clémentine. La docteure continue : c'est peut-être très grave… ou peut-être pas. Il va falloir qu'elles se revoient pour qu'elle prélève une carotte de la boule au nichon. Clémentine demande : une carotte ? La docteure précise : non pas une carotte, une biopsie. Sa patiente reprend : une carotte bio ? L'explication continue : un prélèvement dans le nichon pour en extraire une carotte à analyser, en fait. Clémentine reprend un rendez-vous chez son médecin traitant pour lui expliquer que la radiologue veut une carotte. Il lui indique d'aller voir le docteur Loche, c'est sa spécialité. Clémentine pouffe du fait du nom du spécialiste. Après son départ, le médecin appelle son collègue pour lui indiquer qu'il lui envoie une nouvelle patiente et que son nom l'a bien fait marrer. La nuit au lit, elle n'arrive pas à s'endormir. Arthur lui demande si elle flippe. Elle répond que pas du tout, en riant trop fort et nerveusement. Il répond que le moment n'est pas venu, mais qu'ils reparleront de son mécanisme de défense par le rire, des fois ça fait un peu peur. Dans son avant-propos, la docteure Hortense Mineur commente l'intention de l'autrice : l'idée d'Evemarie était de raconter ce parcours dans ce drôle de monde surréaliste dans lequel on tombe sans le savoir. Cet accident de vie dans lequel elle bascule sans rien avoir demandé à personne l'entraîne sur un chemin jalonné de moments tour à tour injustes, violents ou cocasses. Il réveille des questionnements auxquels elle n'avait jamais pensé. Elle prend alors le parti d'en rire ou au moins d'en sourire, comme un moyen thérapeutique d'abord puis comme le choix de rester du côté de la vie. En effet, le lecteur constate que la narration est en cohérence avec la couverture et que l'humour est de mise. Il apparaît dès la première page avec le traumatisme (très relatif) de se réveiller avec ce tube de 1987, une scie qui s'incruste dans la tête, mais aussi ce à quoi Clémentine va être confrontée, secouée dans tous les sens. le lecteur relève quelques autres références culturelles bien senties pour leur décalage par rapport à la situation : James Brown pour ses chansons entraînantes et joyeuses, Space oddity (1969) de David Bowie (1947-2016) alors que Clémentine est sous l'emprise d'un anesthésiant, ou encore Mike Tyson et Joey Starr pour évoquer l'état de son sein après la chimiothérapie. Il est impossible de résister aux enfantillages de Clémentine, qu'elle soit dans le déni, la colère, le marchandage ou la dépression. L'autrice manie la dérision avec une réelle sensibilité que ce soit son affection pour son personnage, ou son empathie pour sa situation. Elle met en oeuvre plusieurs formes de comique. Cela commence par les dialogues : Clémentine indique à son médecin qu'elle a une boule au nichon, celui la palpe et lui dit qu'elle a une boule au nichon, et elle lui fait remarquer qu'elle vient de lui dire. Outre les jeux de réparties moqueuses, sarcastiques ou ironiques, il y a aussi le comportement des uns et des autres : l'appréhension de Clémentine où elle freine des talons pour ne pas avancer, ou alors elle avance le dos exagérément courbé, l'autoritarisme de la radiologue qui entend que sa patiente obéisse au doigt et à l'oeil, la secrétaire à l'accueil qui parle sur un ton doucereux avec des petits coeurs ou des petites fleurs en bordure de phylactère, les yeux exorbités d'incrédulité du docteur Zlip en réaction à la familiarité de Clémentine qui trouve qu'il ressemble à un copain, le manque de discrétion, voire son absence absolue, de la pharmacienne pour le soutien-gorge post opératoire, le caractère sérieux et revêche d'une autre docteure (au point que Clémentine lui demande ironiquement d'où lui vient son air enjoué), etc. L'artiste intègre également des gags visuels : l'affiche sur un mur pour promouvoir le Nichon Tour, les deux seins écrasés lors de la radio initiale, les danseuses en costume de festival de Rio à l'entrée du cabinet du docteur Philippe Barbier, Clémentine en tenue léopard avec fausse fourrure, le pied sur le capot de son coupé sport en train de faire s'envoler des billets de banque avec sa main, la douleur causée par un papillon se posant sur le teeshirt de Clémentine au niveau du sein traité, etc. En même temps, il ne s'agit pas de l'humour du désespoir, et le personnage principal a bel et bien décidé de rester du côté de la vie. le lecteur suit donc son parcours de santé, depuis le moment où elle détecte par elle-même cette boule dans son sein gauche, jusqu'à la fin de son traitement, avec la perspective des visites de contrôles régulières, et d'une mammographie à la rentrée. le parcours s'avère long : la première visite chez le généraliste, la radio, l'échographie, la mammographie, la ponction, les résultats de la biopsie, l'oncologue, etc. Il y a des phases de déprime, compensées par le soutien de son conjoint, et par une nouvelle méthode de gestion du stress (la cookies thérapie, ça vient des States), les personnels soignants plus ou moins aimables, plus ou moins dans l'empathie, les petits tracas matériels (Clémentine présentant sa carte vitale déchiquetée et se retrouvant à expliquer à une secrétaire dubitative que c'est son chien qui l'a mangée… pour de vrai), l'essaye du soutien-gorge post opératoire (pas tout à fait à la bonne taille), ou encore les effets secondaires de l'anesthésiant au réveil (Clémentine insultant tout le personnel soignant, sans faire de détail), etc. Le lecteur éprouve immédiatement une sympathie sincère pour Clémentine, cette femme qui affronte un véritable parcours du combattant, bien décidée à franchir toutes les épreuves, même s'il lui arrive de manquer de courage à une ou deux occasions, en particulier quand elle comprend qu'elle ne pourra pas éviter la chimiothérapie. Il se reconnait immédiatement dans ses réactions, que ce soient ses moments d'inquiétude, le fait d'être dépassée par les explication médicales du médecin, l'exaspération face à des proches exprimant leur sollicitude en rajoutant à ses propres angoisses. Il en vient rapidement à l'admirer. Certes, l'autrice évoque ce parcours avec du recul, ce qui n'enlève rien à sa capacité à en parler avec humour, et ce qui donne encore plus de force au caractère de Clémentine capable de faire preuve de cet humour en temps réel. Il l'admire également pour savoir prendre avec philosophie les meurtrissures de sa poitrine au fur et à mesure des traitements, que ce soit l'inflammation qui fait qu'elle a un sein plus grand que l'autre, les ecchymoses, ou encore les rayons qui lui font bronzer un seul sein. Évoquer le parcours de soin d'une femme atteinte d'un cancer du sein : pas très folichon a priori. À la lecture, l'expérience s'avère tout à fait différente : une verve très drôle, sans moquerie, sans humiliation de la patiente, au contraire une empathie du début jusqu'à la fin. Une narration visuelle basée sur un découpage de quatre cases par page (deux bandes de deux cases), avec quelques dessins en pleine page : un rythme régulier, des personnages dans un registre comique mesuré, des trouvailles visuelles, un respect des personnes. le lecteur ressort avec le sourire aux lèvres, conscient que l'état de santé de Clémentine nécessite des contrôles réguliers, satisfait de l'avoir accompagnée tout du long, et de savoir en quoi consistent les différentes phases du soin. Un témoignage adulte qui fait du bien à la santé.

08/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Un Jour Sans Jésus
Un Jour Sans Jésus

Lors de sa sortie, je me rappelle encore de mon snobisme envers cette série. Je ne l’avais même pas approché, la faute au sujet (je ne m’emballe pas quand je vois Jésus affiché), des couvertures moches et mon idée qu’un truc avec des sorties aussi rapprochées doit pas être gégé. Bref tellement rebuté de prime abord que je n’avais même pas fait attention au nom du scénariste … Tout ça pour dire que je suis con des fois, les aprioris toussa toussa, j’ai même repoussé plusieurs fois l’emprunt en me disant toujours mouais bof quand je passais devant. Aujourd’hui, je viens ici pour vous dire de ne pas faire comme moi, si vous en avez l’occasion ne boudez pas la lecture. On est pas face à de l’or en barre, il y a quelques défauts mais qu’est ce que j’ai ri !! On retrouve à la baguette les auteurs d’Octofight (un joyeux délire dans le genre anticipation). Le trait de Chico Pacheco ne m’emballe pas plus mais force de constater qu’il convient bien au genre humoristique, c’est dynamique, expressif et il produit quelques belles têtes de vainqueur. Son dessin illustre parfaitement la farce concoctée par Juncker, une sorte de vaudeville autour du corps du Christ où apôtres, romains, rebelles, marchands … s’activent dans tous les sens. Qu’est ce que c’est con !! mais qu’est ce que c’est con !!! il n’y en a pas un pour rattraper les autres. J’ai franchement rigolé de mon cœur. Quelques petites noirceurs viennent ternir le tableau mais rien de foncièrement méchant. Déjà six tomes, c’est un poil trop à mon goût, ça aurait mérité d’être plus condensé, c’est ce qui coûte la 4eme étoile. En plus mieux vaut ne pas tarder pour les enchainer, histoire de bien avoir les péripéties en tête, non pas qu’elles soient complexes mais il y a tellement de factions et de personnages que l’on a vite fait d’être perdu, je ne compte même plus le nombre de Judas croisé. Bref si vous cherchez quelque chose d’iconoclaste en plus d’un truc bien absurde, cette série est parfaite. Poilade garantie.

08/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Le Dieu-Fauve
Le Dieu-Fauve

Waouh, cette histoire sonne et résonne comme un uppercut. Je pense que Fabien Vehlmann (auteur que j'apprécie énormément par ailleurs) peut être particulièrement fier de cette BD (Sûrement une de ses meilleures oeuvres ici, c'est dire!) et des différents points de vus qu'il a pu amener à son scénario. Légèrement déconstruit, il a su trouver le bon ton et la bonne approche à chaque chapitre. Très malin et très fort. J'avais bien aimé La Cuisine des ogres sorti récemment de ce même scénariste, mais là je dois dire qu'on est largement un niveau au-dessus coté écriture. Le dessin est parfait et sert l'histoire à merveille. Plutôt fan du travail de Roger, je pense sincèrement que c'est de loin son meilleur rendu. Quasi mythologique, le duo récit/dessin est juste admirable, puissant, violent, bestial et sombre. On croirait lire le meilleur de Conan !! Que dire de plus si ce n'est que vous serez marqués et hantés par ce livre et par ce destin hors norme bien après l'ouvrage refermé . Génial. Un immanquable de 2024.

07/04/2024 (modifier)
Par Lau Dam
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série La Cuisine des ogres
La Cuisine des ogres

Un très beau livre sous tous ces angles. Tout d'abord le dessin est tiré d'une manière douce mais dure à la fois (côté sombre des dessins) avec un côté chirurgical! Je suis très sensible au dessin et c'est ce qui m'a fait acheter le livre. L'histoire maintenant : je n'en dirai qu'une chose "à quand la suite?" Je me suis laisser guider tout du long et ne me suis pas ennuyé une minute. Très belle découverte qui va m'amener à rechercher les autres ouvrages du dessinateur et de l'écrivain!

07/04/2024 (modifier)