L'Abîme de l'oubli (El abismo del olvido)

Un récit poignant réalisé par Paco Roca et Rodrigo Terrasa dans l'espoir de permette aux dizaines de milliers de victimes du régime franquiste de sortir de l'oubli auquel leurs bourreaux les avaient sciemment condamnés.
Auteurs espagnols Croquemorts et fossoyeurs Dictatures et répression Documentaires Espagne Format à l’italienne Mirages
Le 14 septembre 1940, 532 jours après la fin de la guerre civile espagnole, José Celda est fusillé par le régime franquiste et enterré dans une fosse commune avec onze autres hommes. 70 ans plus tard, sa fille, âgée de huit ans au moment des faits, parvient à localiser sa dépouille... Les auteurs accompagnent Pepica Celda dans son parcours douloureux au coeur d'une nation qui a choisi l'oubli.
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Date de parution | 22 Janvier 2025 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis


La Guerre d’Espagne s’est officiellement finie en 1939. Mais la dictature franquiste a continué à éliminer des dizaines de milliers de personnes dans les années qui ont suivi. Anciens Républicains, simples sympathisants de gauche, voire même victimes de dénonciations fantaisistes ont été arrêtés, jugés de façon expéditive (quelques minutes, sans pouvoir s’expliquer ou se défendre), puis, après une attente plus ou moins longue en prison, fusillés à la chaine, leurs cadavres étant ensuite jetés dans des fosses communes, leurs proches ne pouvant honorer leur mémoire : ils « disparaissent ». Plusieurs dizaines d’années après la mort de Franco en 1975, et le retour de la « démocratie », nombreux sont les enfants de ces victimes du franquisme qui cherchent à savoir ce que sont devenus leurs proches, et si, une fois localisés, ils pourront les faire enterrer dignement. Si une loi a bien été votée en ce sens, beaucoup d’élus de droite, voire de nostalgiques du régime empêchent son application. Il faut dire que, le temps ayant passé, et les franquistes ayant tout fait pour qu’aucune trace de ces exécutions et de leurs victimes ne restent, il est souvent difficile – même avec des prélèvements d’ADN – de rétablir l’identité des restes sortis des fosses sous forme d’ossements. Roca et Terrasa ont rencontré plusieurs de ceux qui cherchent à identifier les restes de membres de leur famille, dans la région de Valence, ont suivi une campagne de fouille de fosses (digne d’un chantier archéologique !). L’album est aussi l’occasion de recueillir des témoignages, et de retracer l’histoire de ces exécutions, tout en donnant corps à des victimes d’une répression aveugle et cynique. Certains passages sont bouleversants, lorsque des gens ordinaires sont condamnés et exécutés, que leurs familles se battent pour connaitre leur sort. Au cœur des témoignages, un homme, miraculeusement sauvé des exécutions et « condamné » à devenir le croque-mort des exécutés (« Tu veux bouffer ? Va donc enterrer les tiens »). Au péril de sa vie, il va pendant longtemps essayer de donner des informations aux familles, faire quelques gestes pour le respect des corps : sans lui, aucun corps n’aurait pu être reconnu. Un petit bout d’humanité dans un cimetière, au milieu des exécutions. La narration prend son temps, mais elle est fluide et le sujet est intéressant. Et le dessin de Roca, simple et agréable, concourt à une lecture plaisante. Entre documentaire et moment d’Histoire (avec quelques rappels des origines – grecques entre autres – de nos habitudes en matière de sépulture), les auteurs mêlent très bien douleurs intimes et histoire de l’Espagne contemporaine.


J'étais curieux de découvrir le dernier Paco Roca ; ça fait quelques années que je suis son travail et j'appréhende toujours un peu, car à mon sens il est capable du meilleur comme du très moyen (même si c'est souvent vers le haut que la balance penche). Avec "L'abîme de l'oubli", on retrouve le meilleur, Paco Roca utilisant à nouveau un de ses thèmes fétiche, la mémoire, pour déterrer le l'oubli les tragiques exécutions post guerre civile espagnole. Il s'appuie cette fois sur le savoir faire du scénariste et journaliste Rodrigo Terrasa pour faire sortir de l'oubli les milliers de victimes du franquisme délibérément vouées à l'oubli. Car ce que je ne savais pas (ou avait oublié ?) c'est que les victimes du franquismes ne furent pas seulement celles de la période de guerre civile. Plus d'un an et semi après sa fin, des vagues d'arrestations et d'exécutions ont fait rage dans toute l'Espagne faisant des dizaines de milliers de morts. La dictature du Caudillo n'était pas du genre à oublier ni à pardonner ! De nombreuses fosses communes ont ainsi fleuri dans de nombreux cimetières sans qu'on identifie ni n'autorise cette dernière pour que l'oubli règne ; et comme le dit l'écrivain Michel Folco, "Mourir n'est rien, c'est être oublié qui est terrible." C'est ce qu'aura vécu toute sa vie Pepica Celda ; son père sera exécuté alors qu'elle a 8 ans le 14 septembre 1940 ; plus jamais elle ne pleurera ; elle passera sa vie à chercher à retrouver le corps de son père pour l'enterrer à côté de celui de sa mère, comme elle le lui avait promis. C'est tout ce travail de recherches, face à la volonté de tout faire pour que la mémoire de ces personnes soit effacée, qui est ici mis en valeur. C'est aussi et toujours cette omerta et cette volonté de ne pas remuer le passé de cette douloureuse période qui est mise en exergue. La société espagnole, ou du moins sa composante droitière, a tout fait pour ne surtout pas laisser ressurgir ces remugles dérangeants d'une période qu'elle peine à assumer. C'est enfin la réhabilitation de personnes qui sont de véritables "héros" à leur échelle pour permettre ce travail de souvenir : ce fossoyeur qui collecta pendant des années le moindre indice possible et les dissimula pour permettre plus tard que des familles retrouvent leur disparus et puissent leur offrir une sépulture digne est profondément marquant. Bref, de son trait si singulier, réaliste et minimaliste tout à la fois, Paco Roca aidé de Rodigo Terrasa, rendent leur fierté et leur dignité à ces personnes qui se sont battu pour que la mémoire soit retrouvée et qu'on oubli pas ni ces gens assassinés ni les horreurs commises par le Franquisme.
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