Vous êtes étranges, vous les chrétiens. Vous adorez des perdants qui ont été mis à mort.
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Il s'agit d'une reconstitution de la vie de Léon Ier le grand de l'an 452 à l'an 455. Sa première édition date de 2019. Il a été réalisé par France Richemond, médiéviste, pour le scénario, Stefano Carloni pour les dessins, et Luca Merli pour la couleur. Il comporte quarante-six planches de bande dessinée. En fin d'ouvrage, se trouve un dossier écrit par Bernard Lecomte, développant le contexte historique dans lequel a vécu le quarante-cinquième pape : le déclin de l'Empire romain, Un pouvoir impérial en déconfiture, La primauté de Rome, Que sait-on de Léon ?, Léon triomphe à Chalcédoine, La lutte contre les hérésies, le face-à-face avec Attila, Après Attila, Genséric, Ce qui reste de Léon.
À Milan, des barbares à cheval, poursuivent des citoyens et les exterminent avec leur épée : c'est un massacre ! Quelques temps auparavant, à Ravenne, dans le palais de l'empereur d'Occident, Valentinien III reçoit le vénérable Léon, évêque de Rome. Avant que l'hôte ne soit autorisé à entrer, la discussion s'engage entre l'empereur, son épouse Licinia Eudoxia et Honoria la soeur de Valentinien. Son épouse lui reproche de ne pas s'intéresser à la religion, de ne pas avoir l'envergure de son cher père, l'empereur d'Orient qui a tant lutté pour la Foi, que son manque d'ambition a pour conséquence que l'empire restera éternellement divisé entre l'Orient et l'Occident. Il rétorque qu'il n'a peut-être pas d'envergure, mais qu'il est vivant, alors que son père Théodose vient de se tuer bêtement, d'une chute de cheval. Elle réagit : il aurait pu en profiter pour réclamer l'empire d'Orient puisqu'elle est la seule héritière, au lieu de laisser sa tante Pulchérie se saisir de la pourpre avec Marcien, son époux fantoche. Il décide de faire entrer le pape Léon premier.
Le pape l'informe que c'est un jour heureux : le concile de Chalcédoine que la défunte impératrice Galla Placidia souhaitait tant a rétabli la pureté de la Foi. Licinia en rajoute : la mère de l'empereur savait, elle, que le destin de l'empire est lié à celui de l'Église. Léon premier synthétise les faits : une grave hérésie est venue du moine Eutychès, supérieur d'un puissant monastère de Constantinople. Sa réputation de sainteté et d'ascèse rayonnait dans tout l'Orient, pourtant il s'acharnait dans l'erreur monophysite. Eutychès refusait de croire que le Seigneur Jésus ait une âme humaine. Il la jugeait incompatible avec sa divinité. Honoria rappelle que l'empereur Théodose avait tout fait pour protéger ce moine. Jusqu'à convoquer un concile dans le seul but de faire lever l'excommunication lancée contre lui. Concile où l'on refusa la parole aux légats du vénérable pape Léon, et où Flavien, le patriarche de Constantinople, fut arrêté violemment en pleine séance. Les rappels théologiques continuent ainsi jusqu'à l'irruption d'un soldat qui les informe qu'Attila et ses Huns sont en train de massacrer les romains dans la cité de Milan.
Un défi ambitieux : une reconstitution historique, devant en plus évoquer la Foi catholique puisqu'il s'agit d'un pape. le lecteur habitué des bandes dessinées à caractère historique s'est déjà forgé son horizon d'attente : des dessins descriptifs, avec beaucoup de dialogues ou d'exposition à rendre vivants, quelques exagérations romanesques dans les prises de vue, une nécessité contraignante pour la scénariste d'exposer de nombreux éléments historiques dans une pagination restreinte, également par le biais de cartouches. La première séquence comporte deux pages consacrées au massacre des habitants de Milan par les Huns. La prise de vue est dynamique, avec des angles et des cadrages accentuant l'impression de mouvement par des plongées et des contreplongées, de la violence. Il n'y a que quatre phylactères très courts pour laisser la place à l'action visuelle. La seconde séquence se déroule sur six pages, des discussions en deux parties, d'abord entre l'empereur, sa sœur et son épouse, puis avec l'interlocuteur supplémentaire qu'est le pape Léon. L'artiste met en œuvre un réel savoir-faire, avec une forte implication pour que la prise de vue ne se limite pas à une simple alternance de champ et contrechamp. Il ne lésine ni sur la représentation des arrière-plans, ni sur les angles de vue travaillés, avec par exemple une vue de dessus de la salle du trône pour établir la configuration de la pièce. La scénariste entremêle les informations avec l'état d'esprit des personnages, faisant ainsi passer leurs émotions. La narration s'avère vivante, retenant l'attention du lecteur.
Au vu du titre et du sujet, cette bande dessinée attire le lecteur qui y vient en toute connaissance de cause : un récit historique sur un moment précis de la vie du quarante-cinquième pape, dans un contexte bien défini. Pour autant, les auteurs doivent s'adresser aussi bien au néophyte qu'à celui qui dispose déjà de quelques notions. Pour être crédible, le dessinateur doit être en mesure de proposer des visuels plausibles, et de nature descriptive, ce qui induit un bon niveau de recherches de références historiques, ainsi qu'un degré de détails suffisant, sans devenir trop pesant. S'il a déjà lu d'autres bandes dessinées historiques, le lecteur se retrouve très favorablement impressionné par l'investissement de Stefano Carloni pour donner à voir cette époque. le lecteur prend le temps de savourer les différents lieux et leurs aménagements : la salle du trône de Valentinien III avec son dallage, ses colonnes, son plafond, le camp des Huns et leurs tentes, celle d'Attila où il reçoit le pape, les meubles, les tapis, les plats et les mets servis, l'extérieur du palais impérial à Rome, sa piscine pour les bains, le port de Rome alors qu'arrivent les navires de la flotte de Genséric, roi des Vandales et des Alains, la grande place de Rome, l'étude dans laquelle Léon dicte ses missives et rédige ses sermons, etc. le dessinateur ne se contente pas de représenter le décor dans la première case de chaque séquence, puis de laisser les fonds vides au bon soin du coloriste : il les représente dans presque toutes les cases, ce qui permet au lecteur de se projeter dans chaque lieu, d'avoir à l'esprit où se déroule chaque scène, de découvrir d'autres aspects du lieu dans les cases suivantes en fonction des mouvements de caméra.
D'une manière tout aussi solide et documentée, la scénariste dose habilement les informations historiques et leur exposé, avec des moments faisant ressortir la personnalité ou l'émotion des personnages. le lecteur n'éprouve jamais la sensation de se perdre en route, ou de passer à côté des enjeux. La scène d'ouverture établit visuellement qu'il s'agit d'éviter que Rome et ses habitants ne subissent le même sort que Milan et les milanais. Les personnages historiques bénéficient d'une présentation savamment dosée pour être définis, sans jamais avoir l'impression de lire une fiche dans une encyclopédie. le lecteur fait ainsi connaissance avec Valentinien, son épouse Licinia Eudoxia, sa soeur Honoria, le pape Léon, Flavius Aetius, Attila, le sénateur Flavius Bassus Hercolanus, Dame Lucina et son époux, etc. Dans le même temps, il prend note de ceux qui sont évoqués lors de conversation : Priscillien (340-385), Marcien (392-457), Pélage (v. 350 - v. 420), etc. Leur mention se fait avec ce qu'il faut d'informations pour qu'il ne s'agisse pas d'une liste désincarnée, sans devenir trop pesant. Lorsque se produit le face-à-face promis par le titre, le lecteur situe aussi bien Attila en tant que chef de la horde des Huns, et les enjeux pour lui, que le pape Léon, d'où il vient et sa foi. L'entretien s'avère passionnant, sans que les auteurs n'aient besoin de recourir à une dramatisation artificielle ou appuyée.
L'évocation d'un moment de la vie d'un pape ne s'arrête pas à une reconstitution historique de nature politique : le lecteur attend également que soit évoqué l'Église et la Foi. La scénariste n'occulte pas cette dimension, sans faire ni œuvre de prosélytisme, ni se montrer moqueuse. Elle établit l'Église comme une force politique indissoluble de l'unité de l'empire. Elle ne se limite pas à ça : elle intègre le fait que le pape est le chef de l'Église et le montre à l’œuvre. Il ne s'agit pas de le montrer accomplissant les rituels catholiques : elle met en scène son apport décisif à l'unité de l'Église en luttant contre les hérésies. À nouveau, pas besoin d'être versé dans l'histoire du dogme catholique pour comprendre les enjeux. La narration comporte les éléments nécessaires à la compréhension d'hérésies comme le monophysisme, le pélagianisme ou le manichéisme. Libre au lecteur de continuer en allant chercher de plus amples informations dans une encyclopédie. Après avoir parcouru le dossier en fin d'ouvrage, il prend mieux la mesure de la qualité d'écriture et de narration de la bande dessinée : ce texte vient étoffer ce qui est exposé dans la bande dessinée, attestant qu'elle contient bien tous les éléments essentiels.
Parfois, un lecteur doute que les auteurs parviennent à tenir leurs promesses, tellement le projet est ambitieux. Ici, il vient pour découvrir qui fut le pape Léon premier, pourquoi il a laissé une trace dans l'Histoire, et dans quelles circonstances il s'est retrouvé face à Attila, sans forcément nourrir un goût prononcé pour la religion. Il reconnait bien les spécificités propres à la majeure partie des bandes dessinées historiques : dessins descriptifs pour donner de la consistance à la reconstitution, et volume d'informations important. Il se rend vite compte que dessinateur et scénariste se montrent très compétents et investis pour réaliser des planches sans dramatisation artificielle ou arrière-plans sporadiques, avec un dosage de l'information remarquable. Les personnages historiques sont animés par des motivations et des émotions réelles, tout en restant cohérents avec la vérité historique. le rôle de l'Église est au cœur du récit, ainsi que l'importance du pape, sans prosélytisme, tout en établissant les enjeux tant politiques que théologiques de l'institution. Remarquable.
Une artiste doit tout expérimenter, mais ne doit jamais tout révéler.
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. La première édition date de 2017. Cette bande dessinée a été réalisée par Virginie Greiner pour le scénario, et Daphné Collignon pour les dessins et les couleurs. Elle comprend quarante-six pages. L'ouvrage se termine avec un dossier de sept pages, écrit par Dimitri Joannidès, une biographie de l'artiste Tamara de Lempicka, en six parties : Une jeunesse cosmopolite, À la conquête de Paris, le style garçonne, La vanité du paraître, La belle Rafaëla, La fin d'un monde, Une reconnaissance posthume. Chaque page est illustrée, par une photographie dans la première page, et par un tableau pour les six pages suivantes : Vierge bleue (1934), La chemise rose ou Jeune femme les seins dénudés vêtue d'une combinaison de dentelle transparente (1933), Roses dans un vase (1950), La belle Rafaëla (1927), Chambre d'hôtel (1951), Adam et Ève (1932).
En 1923, dans un café huppé, Tamara de Lempicka est assise à une table avec une autre femme et deux hommes, tous en habits. Elle prend une cigarette dans l'étui d'un des deux gentlemen. Celui-ci fait observer que les femmes bien élevées ne se servent pas par elles-mêmes. Elle lui rétorque qu'elle prend ça comme un compliment. Son amie lui demande si elle a repéré le mâle idéal parmi les autres clients. Elle répond qu'il n'y a rien d'intéressant pour le moment. Un homme s'approche de leur table pour inviter Tamara à danser. Elle le toise lentement et répond par un simple non, sans façon. Les autres observent qu'en voilà un qui ne reviendra pas de sitôt, et souhaitent savoir pour quelle raison elle l'a congédié car il était pourtant très séduisant. Elle répond qu'il n'était pas assez italien à son goût, les Italiens sont les seuls hommes qui baisent plus longtemps que n'importe quels autres. À l'invitation d'un des deux hommes, elle se lève pour aller danser avec l'autre invitée. Bientôt un petit groupe se forme pour les regarder, en particulier les ondulations de Tamara.
Une fois la danse terminée, le prince Yusuov, travestie en femme, vient les saluer. Il explique que sa belle robe noire est du dernier chic parmi les gens qui comptent ici et en nomme plusieurs assis à une table : la duchesse de la Salle, Natalie Barney, Jean Cocteau, Gide et Colette. Il continue : Natalie Barney tient le meilleur salon saphique de la capitale, et il espère vivement qu'elle y viendra. Puis il s'avance vers la table et leur présente Tamara de Lempicka : une talentueuse peintre de ses amies, ses toiles accèderont bientôt à une gloire méritée. La conversation s'engage évoquant la Révolution russe, à laquelle Tamara a survécu, le champagne à la cour du tsar, Tadeusz Lempicka, le mari de Tamara. En réponse à une question, elle explique qu'elle essaye d'aller au-delà de l'image. Elle peint les gens comme ils sont, mais surtout ce qu'ils ont dedans. Elle utilise son intuition pour capturer leur vraie personnalité. Elle accepte de faire le portrait de la duchesse de la Salle, et elle accepte l'invitation de Natalie Barney de se rendre à son prochain vendredi.
Même si la date de la première séquence n'est pas explicite, le lecteur découvre la peintre dans son atelier à Paris, et le récit semble se dérouler sur quelques jours, s'achevant avec la présentation de la toile La belle Rafaëla qui date de 1927. Les autrices ont donc choisi de concentrer leur récit sur cette courte période, plutôt que de réaliser une biographie complète. le lecteur accompagne Tamara de Lempicka dans sa vie quotidienne, et elle est présente sur toutes les planches de l'album. Il observe une femme menant une vie de bohème quelque peu dissolue, mais sans souci matériel grâce à son succès. C'est d'ailleurs d'elle que provient la source de revenu de la famille. Elle vit une vie aussi libre que celle d'un homme, une vie d'artiste, une femme libérée (quasi) ouvertement bisexuelle, qui parle parfois d'elle à la troisième personne du singulier, par exemple quand elle s'adresse à sa fille Marie-Christine (1916-1980, surnommé Kizette) alors âgée d'environ dix ans. Les autrices n'insistent pas trop sur le poids des interdits de la société, ni sur le coût de les braver, le contrecoup étant d'une autre nature.
Dans un premier temps, le lecteur remarque surtout le caractère feutré de la mise en couleurs, propices aux conversations dans les cafés en soirée, et dans les alcôves. La coloriste a choisi une palette volontairement réduite. Dans la première scène, les personnages et le décor sont rendus avec des bruns de type alezan, acajou, auburn, bronze, café au lait, cannelle, chaudron, lavallière, tabac, terre de Sienne, etc. Un personnage peut parfois ressortir par contraste dans une teinte plus orangée. Il ne s'agit pas d'une mise en couleur naturaliste, mais axée sur l'ambiance lumineuse, pour transcrire un état d'esprit, et s'approcher également de certaines couleurs des tableaux de l'artiste. Il en va ainsi tout le long de l'album, avec des glissements dans des tons plus gris, ou plus vert, en fonction de la nature de la séquence. Cela a pour effet d'établir une continuité forte, comme s'il s'agissait de l'état d'esprit de Tamara de Lempicka tout du long. Par voie de conséquence, cette approche accentue également ce qui est représenté dans chaque case, ce qui fait rapidement prendre conscience au lecteur que beaucoup sont consacrées à des visages ou des bustes des personnages en train de parler. Tout en ayant bien conscience de cet effet limité de têtes en train de parler, le lecteur se rend compte qu'il ne produit pas un effet répétitif ou appauvrissant, car il confère plus de présence aux personnages.
Le parti pris de la colorisation étant très affirmé, il imprègne les traits encrés au point d'en devenir indissociable. En se concentrant sur ces derniers, le lecteur perçoit des traits de contour assez arrondis ce qui rend les dessins plus agréables à l’œil, ainsi que des simplifications dans la représentation des personnages et des décors. Par exemple, les pupilles et les iris se retrouvent réduits à un simple point noir dans certaines cases. Les très gros plans sur les visages ou sur les corps peuvent affranchir l'artiste de représenter quelque arrière-plan que ce soit, ou même le laisser juste en blanc, vierge de tout trait. Dans le même temps, ces choix graphiques apportent une sorte de légèreté et de grâce à la narration visuelle. Pour autant, Daphné Collignon représente des personnages aisément reconnaissables. Elle prend de toujours planter le décor dans plusieurs cases, ne laissant jamais le lecteur dans l'incertitude du lieu où se déroule la scène, évitant de réduire les personnages à des acteurs interprétant leur rôle sur une scène vide et interchangeable.
L'apparence visuelle de Tamara de Lempicka rend bien compte de son caractère affirmé, de sa sensualité sans tomber dans l'exagération ou la vulgarité. Les autres personnages se comportent comme de vrais adultes que ce soit dans leurs postures, leur langage corporel ou l'expression de leur visage. Loin de se réduire à une succession monotone de têtes en train de parler, la narration visuelle emmène le lecteur vers des moments mémorables : Tamara de Lempicka dansant avec une femme dans un boîte très consciente du regard des hommes, la peintre prenant du recul sur le tableau qu'elle est en train de réaliser, les tentatives de son mari pour prendre le dessus de la conversation avec elle, sa concentration en observant les toiles de maître au Louvre, l'intimité artistique qui s'installe entre elle et André Gide (1869-1951), Tamara expliquant à sa fille en quoi sa vie d'artiste est différente de celle des autres femmes, la peintre abordant sa future muse Rafaëla, la réaction des invités lors du dévoilement du tableau La belle Rafaëla. Au fur et à mesure, le lecteur succombe au magnétisme que dégage Tamara de Lempicka, telle que mise en scène par la dessinatrice.
Dans un premier temps, le lecteur peut s'interroger sur le choix réducteur de s'intéresser à une très courte période de la vie de la peintre, sans évoquer ses années de formation, les aspects concrets de son succès, l'impact de son œuvre sur les artistes de l'époque, ou simplement la pertinence de son expression artistique comme incarnation de l'esprit du moment, et ce qu'elle comportait également d'universel. Mais en fait si, tous ces éléments s'y trouve bien, sous une forme elliptique, le temps d'un dialogue ou d'une case, sans pour autant prendre la forme d'un exposé exhaustif, plus d'évocations allusives. Au fur et à mesure, il apparaît que cette focalisation sur cette courte période permet de cristalliser comment sa peinture constitue à la fois l'expression de la personnalité de l'artiste, ainsi que sa recherche d'un idéal de beauté et de la façon d'en rendre compte par sa peinture, de se montrer à la hauteur de ce qu'elle souhaite exprimer.
L'exercice de la biographie peut parfois paraître vain du fait que personne ne peut réellement savoir ce que pensait un autre individu au cours de sa vie. En effectuant un choix clair dans la reconstitution de la vie de Tamara de Lempicka, les autrices indiquent explicitement qu'il ne s'agit pas d'une œuvre exhaustive, tout en concentrant leur vision de ce qu'incarne cette artiste pour elles. Grâce à une narration visuelle douce qui parvient à être sensuelle, elles parviennent à donner vie à cette femme, à la faire s'incarner, le lecteur tombant sous son charme et quelque peu sous sa domination, sans en avoir forcément bien conscience.
Une tarte à la rhubarbe
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, qui peut aussi se concevoir comme une première saison, sans assurance qu'il y en aura une seconde. Il comprend les huit épisodes initialement parus en 2018/2019, coécrits par Robert Kirkman & Scott M. Gimple, dessinés par Chris Burnham, et mis en couleurs par Nathan Fairbairn.
À Shrewsbury en Angleterre, des chiens sont en train de faire une course dans un stade, les parieurs guettant anxieusement leur progression. Un homme en bouscule un autre et ramasse le ticket de pari qu'il a fait tomber, et le rend à l'homme âgé. Ce dernier se rend compte que ce n'est pas son ticket de pari, mais qu'il porte le nom du chien gagnant à mille contre un. de son côté, Paul a enfourché sa moto et s'en va à toute allure, sans casque. Il constate dans le rétroviseur qu'il est suivi par un Hummer et qu'on lui tire dessus, une balle cassant son rétroviseur droit. Il riposte avec un pistolet en vain. le Hummer percute l'arrière de la moto à 2 reprises et Paul finit par voler dans les airs. Il retrouve son arme à feu dans le talus et continue de se défendre, abattant trois poursuivants. Il arrive encore à en maîtriser 2 autres, mais se fait neutraliser par derrière par Stan qui lui sectionne le nez avec son couteau, puis qui l'assomme avec un coup porté par le manche sur la tempe. de par le monde, il existe des individus animés d'intentions mauvaises qu'ils mettent à exécution. Au sein du gouvernement des États-Unis existe une cabale secrète qui utilise les assassinats dirigés pour éliminer ces individus nuisibles et toxiques pour la société.
Stan essuie son couteau et s'assure que ses assistants encore vivants ; ces derniers emmènent Paul toujours inconscient. Dans son bureau plongé dans le noir, la sénatrice Connie Lipshitz s'enfile trois rails de coke en pensant au secrétaire d'état à l'environnement David Atkinson qui est un pédophile. Elle pense à tous les moyens de le neutraliser, mais aussi aux conséquences de son élimination, et aux moyens pour contenir ces effets secondaires. Nate Lipshitz fait irruption dans son bureau, constatant qu'il y a un homme nu sur le canapé. Connie Lipshitz place devant lui une petite boîte en lui demandant de l'ouvrir. À l'intérieur il découvre un nez. La sénatrice lui explique que c'est celui de Paul (un de ses agents) et qu'il faut le récupérer. Elle part déjeuner avec Anita Chavez. Elle l'asticote tant et plus avec un mélange de chantage et de rudesse que Chavez finit par lâcher le morceau : Paul va être vendu au plus offrant, dans une mise aux enchères spéciale. Dans une riche demeure, un individu ressemblant comme 2 gouttes d'eau à Paul se gare dans l'allée, salue son assistant Martin et se place devant le tableau des armes à feu pour choisir celle pour sa prochaine mission. Au beau milieu d'une forêt, un hélicoptère se pose, Nate Lipshitz en descend et hèle l'individu habitant la cabane en bois au bord de la clairière : John.
Difficile de résister à la curiosité en voyant un nouveau titre écrit par Robert Kirkman, le scénariste de The Walking Dead et Invincible, même si ici il ne fait que coécrire le titre. En outre, l'artiste Chris Burnham a réalisé des histoires remarquables comme Batman Incorporated avec Grant Morrison, Nameless également avec Morrison, Nixon's Pals avec Joe Casey. Scott M. Gimple a plus travaillé pour Bongo Comics, sur la série des Simpson. La couverture promet une boucherie, un carnage sanglant, et un nez sectionné. Les auteurs ne font pas attendre le lecteur, et après cette page avec le ticket de pari gagnant, le premier combat s'engage. Chris Burnham dessine de manière descriptive et détaillée pour un bon niveau de réalisme. Son découpage de planche accentue les mouvements, et son plan de prise de vue est conçu sur mesure, provoquant l'immersion et l'implication du lecteur. Dès la quatrième page, des balles traversent des crânes, avec giclée de sang à la sortie de la boîte crânienne. le tranchage de nez est montré en gros plan, plus sanglant que gore, mais très cru. Pas de promesse mensongère : la série s'intitule Meurs répété trois fois avec point d'exclamation, et le récit tient cette promesse : visage couvert du sang d'un ennemi, balle en plein front à bout portant, couteau enfoncé avec force à travers le crâne, automutilation, nez cassé, tranchage de gorge. Il n'y a pas tromperie sur la marchandise.
Le lecteur constate que les auteurs (scénaristes et dessinateur) n'hésitent pas à apposer une petite touche d'humour noir. Difficile de ne pas sourire à cette femme enfonçant une dague effilée dans l'arrière du crâne de son amant avec la pointe qui ressort par le front (Quelle force dans le coup porté !), devant une dizaine de personnes. Kirkman, Gimple et Burnham s'en donnent également à cœur joie dans le mauvais goût comportemental et graphique. le lecteur peut donc voir la sénatrice Connie Lipshitz sniffer des rails de poudre de blanche, un type se faire dans sa culotte au point que son pantalon s'en trouve tout marron, une femme en train de se faire lécher sous le bureau. Par certains côtés, ce genre de scène peut faire penser à des moments Ennis, mais ils restent dans une la zone de plausibilité, sans aller jusqu'à l'absurde. Ils sont révélateurs d'un trait de personnalité de l'individu qui les perpétue, restant à la frontière du mauvais goût assumé et d'un moment Ennis. Ce genre d'éléments peut dégoûter certains lecteurs, tout comme la violence sanglante peut également en écarter d'autres. Là encore, la couverture annonce la couleur et le lecteur peut se tenir à l'écart d'un tel type d'ouvrage.
Le lecteur est donc servi en termes de violence et de provocation, avec une narration graphique détaillée, donnant de la consistance et de la personnalité à ces horreurs. le lecteur observe des individus réalistes, avec des mouvements de combattants aguerris, des destructions et des blessures plausibles et spectaculaires. Il est frappé par la présence de Connie Lipshitz. L'artiste fait en sorte qu'elle ne soit jamais réduite à un objet du désir : il montre une femme forte et dure, marquée par l'âge, svelte et tonique, une femme impressionnante et intransigeante qui n'est jamais une victime qui a l'habitude de satisfaire ses plaisirs, tout en ayant conscience du prix qu'elle paye, des répercussions sur son caractère et sa personnalité. de la même manière, le sénateur Barnaby Smith est très réel avec ses grosses lunettes rondes, sa calvitie, son sourire amical, sa frêle stature, sa petite taille, et son horrible sourire carnassier quand il tombe le masque. Alors qu'au départ, Nate Lipshitz n'est qu'un individu avec un forte carrure, un sourire enfantin et de beaux cheveux blonds, il s'humanise au fur et à mesure du récit, l'artiste réussissant à faire apparaître des expressions nuancées quand il regarde sa fille ou dans la vie civile. Chris Burnham sait également faire apparaître les différences de caractère entre John, Paul et George, à la fois dans leurs expressions de visage, et dans leur langage corporel. Très rapidement, le lecteur ressent le fait que les auteurs ne sont pas juste en train de bourriner dans un récit d'action plus violent que la moyenne.
Pourtant, au départ, l'intrigue débute de manière basique : un groupe d'agents opérant pour une branche officieuse du gouvernement des États-Unis et se livrant à une guerre des services. Il y en a un qui s'est fait choper et ça dégénère. Il y a une lutte d'influence au sein de ce service officieux qui dégénère en guerre intestine. La cheffe (Connie Lipshitz) mène une vie dissolue, avec orgies, abus de pouvoir, et maltraitance d'une partie de ses collaborateurs, un vrai homme de pouvoir en quelque sorte. Elle ne ressort comme une personne sympathique, que parce qu'en face d'elle Barnaby Smith est pire. Mais dans l'épisode 3, un dialogue entre Lipshitz et Smith attire l'attention du lecteur. Les coscénaristes optent pour une mise en scène très artificielle : les deux personnages sont à l'arrière d'une voiture et chacun son tour bénéficie d'une double page pour exprimer ses convictions profondes (dans un langage fleuri), avec une case occupant les deux tiers de la hauteur de la page et s'étalant sur la double page, avec 8 petites cases de la même taille alignées sur la bande inférieure. La forme du discours manque de naturel, mais le credo ainsi exposé dépasse le simple discours de circonstance pour faire avancer le récit, pour nourrir l'antagonisme. Les paroles prononcées sur ces quatre pages constituent une profession de foi d'adulte quant à ses responsabilités dans la société en fonction de ses compétences, sans une trace d'angélisme ou de romantisme, avec un pragmatisme des plus concrets.
Avec ce passage, le récit acquiert une épaisseur inattendue. L'humour noir et la provocation ne disparaissent pas, la violence non plus. Les motivations des personnages deviennent plus adultes et sortent du manichéisme. Les auteurs mettent en scène le fait que la fin ne justifie pas tous les moyens et que ces derniers ne doivent pas dicter tous les objectifs, ou pire encore devenir des objectifs en eux-mêmes. le récit reste bien dans un sous-genre mélangeant ultra-violence, organisations secrètes, combats spectaculaires et sanglants, avec des missions impossibles à exécuter avec des combats spectaculaires, tout en bénéficiant en plus de personnages étoffés avec leurs propres motivations, leur propre histoire personnelle, leur propre caractère, et d'une réflexion sur la nécessité d'interventions de combat pour lutter à armes égales contre des criminels faisant usage de ces mêmes moyens. Les auteurs épatent également le lecteur par la capacité à faire usage d'un humour sarcastique, cynique, méchant, sans pour autant que le récit ne sombre dans une vision dépressive et sans espoir, un beau numéro d'équilibre.
Le titre de la série annonce un carnage, et il a bien lieu, les auteurs tenant leur promesse, à la fois avec l'intrigue et avec les dessins. Ce récit de genre pour lecteur au cœur bien accroché (deux sectionnements de nez par exemple) ne se limite pas à un usage des conventions dudit genre. Les auteurs font preuve de plus d'ambitions, à la fois sur le recours à des agents secrets mettant à mort leurs cibles, à la fois avec des personnages différenciés, et avec un humour saignant sans être morbide. Une première saison extraordinaire et satisfaisante pour elle- même.
Pourfendeur d'hypocrisie
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Ce tome regroupe des bandes dessinées politiques et satiriques réalisées par Peter Bagge pour le magazine Reason (créé en 1968), de tendance politique libertaire. Il contient 50 éditoriaux réalisées sous forme de comics de 1 à 4 pages, entre 2001 et 2010, et été publié pour la première fois en 2013. La majeure partie de ces éditoriaux sont en couleurs. le tome s'ouvre avec une courte introduction rédigée par Nick Gillepsie, le rédacteur en chef du magazine Reason, indiquant qu'en tant que dessinateur de presse et satiriste, Peter Bagge se montre cruel, mais il est aussi capable de reconnaître quand il s'est trompé. Indépendamment des orientations politiques du lecteur et de ses convictions, il peut être assuré que ces éditoriaux auront au moins 2 effets : le faire réfléchir et le faire rire.
Les différents éditoriaux sont regroupés en 9 chapitres thématiques : (1) la guerre, (2), le sexe), (3) les arts, (4), le business, (5) les cafouillages, (6) les drames, (7) la politique, (8) la nation, (9) une biographie. Chaque chapitre comporte un nombre d'éditoriaux différents, de 2 pour le sexe, à 14 pour celui sur la nation. Chapitre 1 - En 2003 à Seattle, en tant que journaliste, Peter Bagge se rend à une manifestation contre la guerre en Irak, c'est-à-dire la seconde guerre du Golfe (2003-2011). Il écoute les différentes interventions dont celle d'un membre du Congrès ayant traité le président Bush de menteur. Il recueille aussi l'avis et les arguments de différents manifestants. En 2006, il met en scène différents élus à Washington réfléchissant aux nouvelles mesures anti-terrorisme pouvant être mises en œuvre. En 2007, il évoque l'évolution de la législation sur les armes à feu, jusqu'à la possession d'un bazooka. Dans le chapitre consacré au sexe, il assiste en tant que journaliste à une convention sur les genres de vie alternatifs, toujours avec une opinion très critique sur les raisonnements utilisés pour légitimer ces modes de vie aux yeux de la loi. Puis il passe en revue les arguments contre l'avortement et la pilule.
Dans le chapitre consacré aux arts, Peter Bagge ridiculise aussi bien les solos de clarinette dans les concerts de jazz, que les artistes évoquant hypocritement des causes sociales pendant les cérémonies de remise de prix, les financements gouvernementaux à l'art moderne, le rock chrétien, les créateurs au comportement artistique allant à l'encontre de ce qu'ils défendent, et les humoristiques à contretemps et changeant d'opinion en fonction du sens du vent politique. Dans le chapitre sur le commerce, il retrace l'évolution de son appréciation des centres commerciaux géants (mall), l'avis de l'artiste sur la propriété intellectuelle, les casinos implantés dans les réserves indiennes, son expérience d'une convention de comics espagnole, la stratégie des grands commerces entre généralisme ou hyperspécialisation. Les cafouillages concernent aussi bien les transports en commun que les stades municipaux, les trains ou la faillite économique de Detroit. Par la suite il aborde des sujets aussi divers que l'usage du cannabis à des fins thérapeutiques, les sans-abris, une prison pour femmes, l'hypocrisie inhérente aux présidents des États-Unis, l'immigration clandestine, les idées reçues idiotes… le tome se termine avec une biographie en 12 pages d'Isabel Mary Paterson (1886-1961), et enfin les réactions extrêmes que suscitent les ouvrages de Ayn Rand (1905-1982).
S'il a eu la curiosité d'ouvrir cet ouvrage, le lecteur en connaît déjà la nature : une anthologie d'éditoriaux de nature politique (au sens large) de Peter Bagge. En outre, il sait vraisemblablement aussi que cet auteur revendique être un libertaire, un individu souhaitant une liberté totale dans une société débarrassée des formes institutionnelles de l'autorité. Enfin, Bagge est américain : ses chroniques se basent donc sur des particularités de la société américaine et du peuple américain. Il est également probable qu'il ait été attiré par l'exubérance des dessins marqués par des exagérations caricaturales qui leur donnent une saveur à nulle autre pareille. Effectivement, c'est du Peter Bagge pur jus. Dès la couverture, le lecteur retrouve les bouches dessinées en fer à cheval, avec une dentition soit toute blanche, sans séparation de dents, soit avec des dents de type dent de scie ou une dentition à trou, à chaque fois exagérée pour un effet comique. le dessinateur s'amuse toujours autant avec les expressions des visages : les yeux à moitié exorbités veinés de rouge sous l'effet d'une émotion intense, parfois les yeux comme des billes de loto pour un louchage irrésistible, la bouche grande ouverte pour hurler à plein poumon d'énervement, les sourcils très froncés pour une colère intense, etc. Il est impossible de rester de marbre devant ces individus surexcités, réagissant avec des émotions non filtrées.
Les morphologies des individus sont elles aussi malmenées : les corps deviennent caoutchouteux, en particulier les bras dont les coudes disparaissent souvent pour ne plus laisser qu'une forme arrondie de l'épaule au poignet. L'artiste accentue encore cet effet donnant une impression de souplesse enfantine, avec des têtes parfois plus grosses que la normale (ou des corps plus petits). Les dos peuvent également s'arrondir avec des troncs donnant alors une impression de ballon. Ces caractéristiques confèrent une vitalité remarquable aux personnages, et fait s'exprimer leurs émotions avec force. D'éditorial en éditorial, le lecteur est impressionné par la diversité des individus représentés que ce soit leur morphologie, leur âge, leur coiffure, leur corpulence, leur tenue vestimentaire, leur maintien, leur langage corporel. de la même manière, Bagge sait évoquer des lieux très variés, parfois en quelques traits, parfois avec de nombreux détails : la scène d'un rassemblement, les rayonnages d'une vente privée d'armes, les allées d'un supermarché, le comptoir d'une pharmacie, la chambre d'un adolescent, le salon d'une maison avec canapé et télé, un plateau de tournage de la passion du Christ, les allées d'un complexe commercial, le casino d'une réserve indienne, un stade sportif flambant neuf, un wagon de l'Amtrack, etc. Dans d'autres séquences, il se focalise uniquement sur les personnages et leurs mouvements, avec des fonds vides. Dans tous les cas, il s'agit d'une lecture dense.
S'il a déjà lu des comics de cet auteur, le lecteur sait que son écriture est dense et qu'il faut compter 2 à 3 fois plus de temps pour une lire page de Bagge que pour un comics normal. Il retrouve cette particularité ici, non pas du fait de pavés de texte copieux, mais bien du fait de la concision. Cette caractéristique de son écriture est manifeste dans la biographie d'Isabel Mary Paterson, écrivaine, philosophe, ayant publié un essai sur le libertarisme. Chaque vignette est à la fois concise et dense, le tout intégrant un nombre impressionnant d'éléments de sa vie, sans rien sacrifier aux émotions de chaque moment. le principe des éditoriaux est que Peter Bagge effectue un reportage, ou donne simplement son avis sur un aspect de la société américaine. Il vaut mieux être un peu familier de la forme bipartisane de la vie politique, et de quelques caractéristiques de la société américaine et de sa vie urbaine pour tout saisir, mais cela ne requiert pas un niveau expert, ou une connaissance pointue du contexte sociopolitique des années 2000. le lecteur sait pertinemment que Peter Bagge exprime son avis partial et son point de vue de libertaire sur ce qu'il commente. D'ailleurs il affiche clairement ses convictions dans ses jugements de valeur. Chaque éditorial s'avère très drôle, et même cocasse du fait des capacités d'observation pénétrante de l'auteur, de son point de vue tranché ne s'interdisant pas d'être de mauvaise foi, et de ses jugements critiques à l'emporte-pièce. le lecteur peut très bien ne pas être d'accord, tout en savourant la verve comique de l'auteur.
Peter Bagge n'est pas tendre avec ses concitoyens, encore moins avec les élus, et il n'hésite pas à se mettre en scène avec un regard tout aussi critique pour pointer ses propres incohérences ou lâchetés. Par exemple dans les 4 pages consacrées aux complexes commerciaux (malls), il se met en scène d'abord comme un adolescent fustigeant ces temples de la consommation, pour ensuite dire tout le bien qu'il en pense une fois devenu parent. Il en va de même pour sa position sur la guerre en Iraq, reconnaissant que son premier éditorial était orienté au point d'en devenir idiot. En fonction de sa sensibilité, le lecteur est plus ou moins intéressé par tel sujet. Mais à la lecture, le degré d'implication viscérale de Peter Bagge pour chaque sujet fait qu'il s'y intéresse ne serait-ce que pour les réactions comiques. Il finit par se rendre compte que certaines opinions de l'auteur trahissent parfois un manque d'information (par exemple sur les OGM). Toutefois, comme le commentaire de Bagge est toujours très tranché et presque toujours porteur d'informations, la force émotionnelle de son discours fait que chaque éditorial provoque une réaction chez le lecteur, que ce soit sur la posture faussement pacifiste des États-Unis, sur les conséquences liberticides de la loi anti-terroriste, sur le port d'armes et sa restriction, et même sur les trains et les transports en commun. En effet, ces éditoriaux offrent une vision d'une culture différente de celle du lecteur, lui donnant des points de comparaison, pour une réflexion sur l'organisation de son propre pays. En plus, Peter Bagge est à chaque fois irrésistible quand il s'en prend aux postures hypocrites des politiques comme des consommateurs, un vrai jeu de massacre.
À l'opposé d'éditoriaux austères ou cliniques, ceux de Peter Bagge sont partiaux et habités par une verve comique énorme qui fait que le lecteur ne s'ennuie jamais et se rend compte qu'ils provoquent une réaction irrépressible en lui, l'obligeant à considérer ses propres convictions, pas toujours beaucoup plus brillantes que celle de l'américain moyen.
Qu'on me donne l'envie d'avoir envie.
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Ce tome regroupe les 6 épisodes de la minisérie parue en 2003. Il contient une histoire complète avec Thanos comme personnage principal.
Dès la première page, Thanos soliloque au profit du lecteur sur un fond noir en indiquant que s'il vient de détruire l'univers ce n'est pas pour les raisons que l'on pourrait croire. Il estime que c'était son destin de détruire toute réalité après avoir joué avec le cube cosmique, puis avec le Gant de l'Infini. le récit passe ensuite à l'ascension d'Akhenaten, un pharaon de l'Égypte antique, telle que perçue dans un flash télépathique par Jean Grey. Thor est le premier à percevoir le retour d'Akhenaten depuis Asgard. Puis Silver Surfer découvre les traces destructrices de son passage. Dès son arrivée sur Terre, Akhenaten rassemble les dirigeants de tous les pays pour leur expliquer comment la race humaine va obéir sous son nouveau règne. Doctor Doom (Victor von Doom) commence immédiatement à réfléchir à comment s'accaparer le pouvoir d'Akhenaten. Thanos organise autour de lui une petite équipe de 5 superhéros pour ourdir et mettre en œuvre son propre plan d'action.
Jim Starlin a créé le personnage de Thanos qui est apparu pour la première fois dans l'épisode 55 de la série Iron Man en février 1973. Tout au long de la carrière de Jim Starlin chez Marvel Comics, Thanos n'était pas loin, que ce soit contre Captain Marvel, contre Adam Warlock , contre Silver Surfer (1990), dans la saga des Infinity (Le défi de Thanos : le Gant de l'infini en 1991, La guerre de l'infini en 1992, et La Croisade de l'infini en 1993), ou en solo dans Thanos: le gouffre de l'Infini (2002).
Cette histoire se déroule peu de temps après Infinity Abyss et elle s'inscrit dans la série des histoires Marvel estampillées The end, telles que Hulk - La fin (Peter David & Dale Keown) ou X-Men - The end (Chris Claremont & Sean Chen). Elle peut donc être considérée dans la continuité ou non, suivant la préférence du lecteur.
Une dizaine d'années après Infinity Gauntlet, Jim Starlin semble bien parti pour retrouver ses mêmes thèmes de prédilection et ses mêmes tics narratifs : une nouvelle menace à l'échelle de la destruction de l'univers, une nouvelle source de pouvoir, Thanos à la position toujours moralement ambiguë et des superhéros en veux-tu en voilà qui ne servent à rien. Eh bien oui, la tripotée de superhéros qui apparaissent sporadiquement ne sert qu'à montrer à quel point ils sont inefficaces contre la menace d'Akhenaten. Starlin redonne le même rôle à Doctor Doom : essayer de barboter la source de pouvoir pour son propre usage, au nez et à la barbe de tout le monde. Les entités cosmiques (Eternity, Lord Chaos, Master Order et les autres) font office de figurants de luxe ; il ne manque qu'Uatu à l'appel. Effectivement, Starlin dévoile une autre menace derrière celle d'Akhenaten. Rien ne semble avoir changé depuis Infinity Gauntlet et ses suites. Et pourtant Adam Warlock n'a droit qu'à trois ou quatre répliques ; le centre du récit s'est déplacé de Warlock vers Thanos de manière drastique.
Les 6 épisodes sont dessinés par Jim Starlin, et encrés par Al Milgrom, avec qui il a déjà collaboré à plusieurs reprises (ils ont même pris l'habitude de cosigner sous le nom de Gemini). Milgrom effectue un travail soigné, appliqué et méticuleux, qui met bien en valeur la finesse des détails de Starlin. Il emploie toutefois un trait légèrement plus épais que celui de Starlin, le lecteur amoureux de Starlin notera une petite perte de finesse. Starlin se permet de s'affranchir des décors dans 2 types de situations. La première correspond à Thanos s'adressant à un auditeur invisible sur fond noir ; elle est pleinement justifiée et l'absence de décors constitue un élément important de la narration. La deuxième correspond aux scènes dans une dimension mystique où Christie Scheele (responsable des couleurs) et Starlin jouent avec l'infographie pour établir des camaïeux de couleurs avec des formes géométriques en lieu et place d'un décor en bonne et due forme. le résultat n'est pas très convaincant car il ressemble à une utilisation basique des capacités d'un logiciel de dessin peu sophistiqué.
Malgré ce défaut, il est évident que le projet tenait à cœur de Starlin vu le temps qu'il a passé pour arriver à ce niveau de détails sur les personnages et les décors (dans les autres scènes). Il s'est appliqué à reproduire l'apparence de chaque superhéros conformément aux comics de l'époque (il y a parfois des costumes bizarres, et même 2 ou 3 personnages que je n'ai pas su reconnaître). La mise en page repose sur des cases bien rectangulaires dont le nombre varie de 9 par page, à quelques illustrations en double page pour accentuer une foule ou une action déterminante. le conseil des dieux de différents panthéons fait ressortir à quel point les costumes sont dessinés dans le moindre détail. L'apparence moderne d'Akhenaten fait preuve d'originalité. Il y a un gros travail sur les textures de matériaux qu'il s'agisse de pierres ou de rideaux. La mise en scène des combats est intelligente dans la mesure où le lecteur peut retracer les mouvements de chaque protagoniste. Et Starlin organise de jolis mouvements de caméras dans les séquences les plus longues.
Finalement le lecteur constate que Jim Starlin (et Al Milgrom) a investi beaucoup de temps dans l'illustration de cette histoire, pour aboutir à un aspect visuel descriptif immersif quels que soient les localisations, les personnages et les actions. À un premier niveau de lecture, les agissements de Thanos reprennent la structure de la série des crossovers estampillés Infinity, sans tomber dans la parodie, en innovant sur ces schémas, et en tenant les promesses du titre et de la première page : la fin de l'univers. le fan de Starlin reconnaîtra également dans le personnage d'Akhenaten, le retour de motifs utilisés dans l'Odyssée de la Métamorphose. le résultat est savoureux, intriguant et suffisamment imaginatif pour maintenir le suspense jusqu'au bout.
Et comme dans les crossovers Infinity, Jim Starlin inclut un ou deux métacommentaires dans son récit. le premier apparaît quand Thanos finit par se trouver en situation de détruire l'univers (et ce n'est pas que le pouvoir absolu corrompt absolument). Je vous laisse la surprise de découvrir le deuxième métacommentaire, très ironique, à destination des lecteurs de comics de superhéros et des éditeurs Marvel et DC. The end est donc à ranger parmi les meilleurs récits cosmiques de Jim Starlin, où il reprend une structure qu'il maîtrise pour y inclure des éléments novateurs et aboutir à une fable efficace, à plusieurs niveaux de lecture. Après ce récit, Jim Starlin a débuté une série mensuelle consacrée à Thanos dont les premiers épisodes sont réunis dans Thanos rédemption (2003).
Posons les bases: 1972, ce manga date de 1972. Comment est-on passé de manga de sabre où on avait la vraie vie de samouraï avec des personnages bien écrits (on a quand même la prouesse ici de faire vivre un personnage de 3 ans quasiment muet dans un monde bien trop violent pour lui avec justesse), une violence bien dosée, et un dessin inventif, à des récits creux uniquement basés sur la surenchère de bagarre et aucun enjeux?
Bref vous l'aurez compris j'ai adoré.
Je ne m'attendais à rien en lisant cette BD, j'ai mangé les 4 tomes en 1 seule nuit et je n'ai pas touché à un autre livre avant une quatrième relecture. J'ai été dans la tête de Polza du début à la fin, j'ai été porté par sa vie tout du long de ces 4 lectures, et au final je pense qu'on a tous un Polza en nous qui attend qu'on l'aide pour ne pas sombrer dans l'entre tombe de Blast. C'est à lire, relire et rererelire.
Très belle BD. J'étais sceptique au départ à cause du style de dessin que je trouvais trop enfantin, ça me rappelle Mario^^. Finalement, je m'y suis habitué. Les émotions sont bien retranscrites, de manière simple mais efficace. Et la colorisation est vraiment bien.
J'ai beaucoup aimé le personnage secondaire, qui m'a fait sourire à plusieurs reprises. Côté scénario même si certaines grandes lignes sont prévisibles, on prend plaisir à poursuivre la lecture.
L'auteur, qui est infirmier, nous raconte l'histoire touchante d'une personne pleine de vie et de projets qui apprend qu'elle a un cancer. Il est particulièrement bien placé pour raconter cette histoire, et il le fait avec brio, trouvant un bon équilibre entre les moments amusants et émouvants.
Bien que le schéma narratif soit classique et quelque peu prévisible, je trouve qu'il est parfaitement maîtrisé. C'est ce qui m'a poussé à continuer ma lecture avec plaisir. Le nombre conséquent de pages est très appréciable, permettant de savourer l'histoire tranquillement, comme un bon film.
J'ai failli lâcher une larme, il a réussi à me faire passer par tous types d'émotions tout au long de ma lecture, et rien que pour ça, cela mérite une belle note qui se démarque des autres.
Une BD à avoir dans sa bibliothèque sans hésiter.
C'est l'histoire de Thanos et de Francis Castle qui…
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Ce tome contient la minisérie consacrée au personnage apparu pour la première fois dans l'épisode 13 de la série Thanos écrit par Donny Cates, qu'il vaut mieux avoir lu avant. Il s'agit d'une version alternative de Frank Castle, prenant sa source sur la Terre TR66. Il comprend les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2018, écrits par Donny Cates, dessinés et encrés par Dylan Burnett, et mis en couleurs par Antonio Fabela. Il comprend également le numéro 1 de Thanos Legacy (2018), également écrit par Donny Cates, dessiné et encré par Brian Level, avec une mise en couleurs de Jordan Boyd. Les couvertures ont été réalisées par Geoff Shaw. le tome contient également les couvertures alternatives réalisées par Mark Brooks, Mike Deodato junior, Stephanie Hans, J. Scott Campbell, Ron Lim, Gerardo Zaffino, Declan Shalvey, Ivan Shavrin (*2), Jamal Campbell, Superlog (*3).
Francis Castle a été un soldat au Vietnam. Il a vu sa famille mourir dans une guerre des gangs. Il a mené une guerre contre les gangs. Il est mort, tué par Thanos. Il a fini en enfer, d'où il est revenu en tant qu'Esprit de la Vengeance. Il a affronté Galactus, Thanos, et il est mort à plusieurs reprises. Francis Castle coule des jours paisibles au Valhalla, tout en restant ombrageux, et en n'hésitant à remettre à leur place les dieux qui ne lui reviennent pas. Dernier dieu en date à s'être fait castagner par Castle : Koldaxe. Castle s'est isolé sur une pente herbue d'où il admire Bifrost, en terminant sa bière. Odin vient le trouver pour essayer de comprendre pourquoi Castle ne peut pas bien se tenir. Ce dernier lui explique qu'il ne peut pas accepter la récompense du Valhalla. Odin lui indique qu'il a le pouvoir de lui rendre ses pouvoirs et de le réinsérer dans le monde normal à l'endroit et à l'époque de son choix.
Francis Castle prend le casque du Ghost Rider dans ses mains, et il est possédé sur le champ par l'esprit de la vengeance, retrouvant son apparence de Ghost Rider, avec crâne enflammé et sa personnalité troublée d'individu possédé. Conformément à sa promesse, Odin envoie Castle à l'endroit et au moment où il l'a demandé : sur Titan (une lune de Saturne). Cosmic Ghost Rider se rend directement dans la chambre de Thanos, encore enfant. Il dégaine son arme et s'apprête à tuer l'enfant de sang-froid. Castle se rend compte qu'il est incapable d'abattre un enfant à bout portant, même Thanos, parce que rien ne dit que cet enfant ne pourra pas dévier de son destin, de celui des autres lui-même dans d'autres réalités. Il n'a donc qu'une seule solution : prendre Thanos sous sa responsabilité et lui prodiguer une éducation de telle sorte à ce que Thanos ne devienne pas un dictateur meurtrier en masse.
Avec sa reprise de Doctor Strange fin 2017 et de Thanos début 2018, Donny Cates devient un scénariste providentiel pour Marvel, capable d'insuffler un regain d'intérêt dans les personnages qu'on lui confie, et de faire du neuf. Au vu de l'accueil très positif de Cosmic Ghost Rider dans la série Thanos, les responsables éditoriaux lui commandent une minisérie sur le personnage, avant de l'intégrer dans la série Guardians of the Galaxy, les 2 écrites par Donny Cates. le lecteur se rend bien compte qu'il s'agit d'un personnage dérivatif dont les aventures se déroulent dans une autre dimension que celle de la Terre 616, sans conséquence sur la continuité ou sur l'ordre de l'univers partagé Marvel. Ce ne peut donc être qu'une histoire de divertissement, avec peut-être des idées dedans. Son horizon d'attente ainsi fixé, il a quand même du mal à résister à la curiosité de voir ce que peut donner la motivation obsessionnelle de Frank (ici Francis) Castle, avec les pouvoirs de Ghost Rider, s'en prenant au massacreur ultime qu'est Thanos. Il espère bien que le scénariste utilise la richesse de l'univers partagé Marvel, tout en ne ressassant pas les mêmes intrigues, et mettant à profit la liberté que lui donne l'environnement d'un univers parallèle.
C'est exactement ce que fait Donny Cates, avec la volonté d'en donner pour argent au lecteur. Alors que ce dernier peut supposer que le scénariste se lance dans une variation sur Ogami Itt? et son fils Daigoro dans Lone Wolf & Cub, Cates emmène vite le scénario vers d'autres configurations. de la même manière, en voyant arriver Galactus, le lecteur se dit que le récit est parti pour une énième dévoration de planète, et là encore la situation évolue rapidement et est réglée en 1 épisode. le lecteur a compris que Cates utilise effectivement les ressources de l'univers partagé Marvel, sans devoir être corseté par le carcan de la continuité car il est dans un univers parallèle, sans limite, mais sans non plus transformer son récit en un catalogue de superhéros et supercriminels en lieu et place d'un scénario en bonne et due forme. le scénariste n'hésite pas à s'amuser avec des personnages improbables comme l'amalgame d'Howard le canard et du Juggernaut, conférant un bon niveau de divertissement sans prétention à l'ensemble. Dans le même temps, l'intrigue reste focalisée sur le but que s'est fixé Cosmic Ghost Rider : changer le destin de Thanos, ou tout du moins voir si Thanos est condamné à devenir le génocidaire ultime.
Dylan Burnett est un jeune artiste qui dessine dans un registre représentatif comme la majorité des dessinateurs de comics, avec un bon degré de détails dans la description. Il sait doser le niveau d'éléments représentés dans chaque case pour un maximum d'efficacité. Au fil des différentes séquences, le lecteur peut voir les feuilles de la végétation de la jungle, les arbres de Central Park, le pont Bifröst zébrant l'espace, les étranges façades de Titan, le bar dans lequel Cosmic Ghost Rider va descendre quelques verres en attendant Galani; les champs parsemés d'éolienne dans un monde en paix, etc. Dans le même temps, Dylan Burnett est d'une rare efficacité pour s'économiser et ne pas dessiner les décors quand il le peut. L'épisode 3 constitue un cas d'école, tellement il est exemplaire : 20 pages sans décor, si ce n'est un immeuble détruit et quelques sols déformés par les impacts. Il s'agit donc d'un affrontement épique entre Cosmic Ghost Rider et de nombreux superhéros qui l'assaillent successivement. L'artiste s'en donne à cœur joie pour montrer les coups portés, les décharges d'énergie, les corps éventrés, les costumes improbables de superhéros. le lecteur peut très bien ne pas s'apercevoir qu'il n'y a pas de décor tellement ça pète de partout, les personnages sont baroques, les énergies crépitent. Les dessins sont très complétés et nourris par une mise en couleur riche et vive, une grande réussite. Dylan Burnet & Antonio Fabela réussissent à montrer une bataille épique, visuellement intéressante du début à la fin, malgré l'absence de décor, et sans recourir à une chorégraphie millimétrée. En outre, le lecteur sort de cet épisode avec le sourire aux lèvres, car le dessinateur n'hésite pas à user de la licence artistique pour exagérer les coups portés, les expressions des visages, la destruction.
Effectivement, les dessins sont en phase avec la tonalité du scénario, sérieux, violents, avec un humour pince-sans-rire qui fait mouche. Il embrasse toute la démesure de ce cavalier sur une moto de l'espace, avec une tête enflammée, ainsi que le caractère improbable d'une enfant violet avec un goût pour la violence, ou encore le côté métaphorique d'un individu géant qui mange des planètes. Cosmic Ghost Rider utilise une chaîne enflammée de plusieurs centaines de mètres de long, mais aussi des armes à feu, sans parler de sa capacité à projeter du feu de l'enfer. Quel spectacle pyrotechnique à la fois premier degré (il faut voir l'état de ses adversaires), à la fois ridicule dans la surenchère (pourquoi aurait-il besoin d'armes à feu en plus du reste ?). Quand Cosmic Ghost Rider retire son casque et reprend des traits humains, le lecteur peut voir le visage d'un homme âgé (> 50 ans) aux cheveux blancs, manquant d'assurance quant à la réalité de ce qu'il vit. Les mimiques de Thanos enfant sont irrésistibles. le lecteur apprécie d'autant plus cette expressivité que Donny Cates ne se contente pas d'une intrigue échevelée et loufoque, il brosse le portrait assez émouvant de Francis Castle, toujours accablé par la culpabilité de la mort de sa femme et de ses enfants, à l'équilibre mental fragile du fait de sa possession par un démon.
En découvrant l'existence de cette minisérie, le lecteur espère y trouver un récit loufoque et endiablé. Il est comblé au-delà de ses espérances, à la fois par le scénario et par les dessins qui tirent le meilleur parti possible de la richesse de l'univers partagé Marvel, de l'absence de contrainte de continuité, par des scènes d'action spectaculaires, avec quelques moments d'humour, avec une utilisation très directe et perspicace des voyages dans le temps, et par un personnage principal tragique à sa manière. 5 étoiles.
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Thanos Legacy 1 (20 pages) - Thanos est assis sur son trône et s'interroge sur ce qu'il léguera à l'univers, à la manière dont ses actes seront jugés. Mais il doit encore affronter un dernier adversaire.
Donny Cates utilise cet épisode pour s'interroger sur le testament de Thanos, mais surtout pour boucler quelques intrigues secondaires en suspens et expliquer le sort final du personnage. le lecteur qui n'a pas suivi la dernière série Thanos risque d'être un peu perdu, et pas entièrement convaincu par les cartouches de texte du narrateur omniscient, manquant soit de cynisme, soit d'emphase. Brian Level se montre plus convaincant, mais pas aussi truculent que Dylan Burnett. La dernière page montre clairement qu'il s'agit d'une forme de prologue à une autre histoire, celle à venir dans la série Gardians of the Galaxy écrite par Donny Cates.
Pour ceux qui connaissent ce dessinateur, il est incontournable dans le monde de la BD. Il est notamment passé en France pour bosser un temps avec Moebius qu'il avait rencontré sur le tournage de Tron. Il a également travaillé sur le storyboard de Matrix.
Il a le style graphique le plus fouillé que je n'ai jamais vu. Chaque case fourmille de détail : c'est complètement hors norme. Vous pouvez passer 10 minutes par dessin pour essayer tout voir.
Par contre, le scenario est souvent maladroit et n'est que prétexte pour admirer le style de Geof.
J'aimerais qu'un scénariste de renom collabore avec lui pour claquer un masterpiece total !
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Léon le Grand
Vous êtes étranges, vous les chrétiens. Vous adorez des perdants qui ont été mis à mort. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Il s'agit d'une reconstitution de la vie de Léon Ier le grand de l'an 452 à l'an 455. Sa première édition date de 2019. Il a été réalisé par France Richemond, médiéviste, pour le scénario, Stefano Carloni pour les dessins, et Luca Merli pour la couleur. Il comporte quarante-six planches de bande dessinée. En fin d'ouvrage, se trouve un dossier écrit par Bernard Lecomte, développant le contexte historique dans lequel a vécu le quarante-cinquième pape : le déclin de l'Empire romain, Un pouvoir impérial en déconfiture, La primauté de Rome, Que sait-on de Léon ?, Léon triomphe à Chalcédoine, La lutte contre les hérésies, le face-à-face avec Attila, Après Attila, Genséric, Ce qui reste de Léon. À Milan, des barbares à cheval, poursuivent des citoyens et les exterminent avec leur épée : c'est un massacre ! Quelques temps auparavant, à Ravenne, dans le palais de l'empereur d'Occident, Valentinien III reçoit le vénérable Léon, évêque de Rome. Avant que l'hôte ne soit autorisé à entrer, la discussion s'engage entre l'empereur, son épouse Licinia Eudoxia et Honoria la soeur de Valentinien. Son épouse lui reproche de ne pas s'intéresser à la religion, de ne pas avoir l'envergure de son cher père, l'empereur d'Orient qui a tant lutté pour la Foi, que son manque d'ambition a pour conséquence que l'empire restera éternellement divisé entre l'Orient et l'Occident. Il rétorque qu'il n'a peut-être pas d'envergure, mais qu'il est vivant, alors que son père Théodose vient de se tuer bêtement, d'une chute de cheval. Elle réagit : il aurait pu en profiter pour réclamer l'empire d'Orient puisqu'elle est la seule héritière, au lieu de laisser sa tante Pulchérie se saisir de la pourpre avec Marcien, son époux fantoche. Il décide de faire entrer le pape Léon premier. Le pape l'informe que c'est un jour heureux : le concile de Chalcédoine que la défunte impératrice Galla Placidia souhaitait tant a rétabli la pureté de la Foi. Licinia en rajoute : la mère de l'empereur savait, elle, que le destin de l'empire est lié à celui de l'Église. Léon premier synthétise les faits : une grave hérésie est venue du moine Eutychès, supérieur d'un puissant monastère de Constantinople. Sa réputation de sainteté et d'ascèse rayonnait dans tout l'Orient, pourtant il s'acharnait dans l'erreur monophysite. Eutychès refusait de croire que le Seigneur Jésus ait une âme humaine. Il la jugeait incompatible avec sa divinité. Honoria rappelle que l'empereur Théodose avait tout fait pour protéger ce moine. Jusqu'à convoquer un concile dans le seul but de faire lever l'excommunication lancée contre lui. Concile où l'on refusa la parole aux légats du vénérable pape Léon, et où Flavien, le patriarche de Constantinople, fut arrêté violemment en pleine séance. Les rappels théologiques continuent ainsi jusqu'à l'irruption d'un soldat qui les informe qu'Attila et ses Huns sont en train de massacrer les romains dans la cité de Milan. Un défi ambitieux : une reconstitution historique, devant en plus évoquer la Foi catholique puisqu'il s'agit d'un pape. le lecteur habitué des bandes dessinées à caractère historique s'est déjà forgé son horizon d'attente : des dessins descriptifs, avec beaucoup de dialogues ou d'exposition à rendre vivants, quelques exagérations romanesques dans les prises de vue, une nécessité contraignante pour la scénariste d'exposer de nombreux éléments historiques dans une pagination restreinte, également par le biais de cartouches. La première séquence comporte deux pages consacrées au massacre des habitants de Milan par les Huns. La prise de vue est dynamique, avec des angles et des cadrages accentuant l'impression de mouvement par des plongées et des contreplongées, de la violence. Il n'y a que quatre phylactères très courts pour laisser la place à l'action visuelle. La seconde séquence se déroule sur six pages, des discussions en deux parties, d'abord entre l'empereur, sa sœur et son épouse, puis avec l'interlocuteur supplémentaire qu'est le pape Léon. L'artiste met en œuvre un réel savoir-faire, avec une forte implication pour que la prise de vue ne se limite pas à une simple alternance de champ et contrechamp. Il ne lésine ni sur la représentation des arrière-plans, ni sur les angles de vue travaillés, avec par exemple une vue de dessus de la salle du trône pour établir la configuration de la pièce. La scénariste entremêle les informations avec l'état d'esprit des personnages, faisant ainsi passer leurs émotions. La narration s'avère vivante, retenant l'attention du lecteur. Au vu du titre et du sujet, cette bande dessinée attire le lecteur qui y vient en toute connaissance de cause : un récit historique sur un moment précis de la vie du quarante-cinquième pape, dans un contexte bien défini. Pour autant, les auteurs doivent s'adresser aussi bien au néophyte qu'à celui qui dispose déjà de quelques notions. Pour être crédible, le dessinateur doit être en mesure de proposer des visuels plausibles, et de nature descriptive, ce qui induit un bon niveau de recherches de références historiques, ainsi qu'un degré de détails suffisant, sans devenir trop pesant. S'il a déjà lu d'autres bandes dessinées historiques, le lecteur se retrouve très favorablement impressionné par l'investissement de Stefano Carloni pour donner à voir cette époque. le lecteur prend le temps de savourer les différents lieux et leurs aménagements : la salle du trône de Valentinien III avec son dallage, ses colonnes, son plafond, le camp des Huns et leurs tentes, celle d'Attila où il reçoit le pape, les meubles, les tapis, les plats et les mets servis, l'extérieur du palais impérial à Rome, sa piscine pour les bains, le port de Rome alors qu'arrivent les navires de la flotte de Genséric, roi des Vandales et des Alains, la grande place de Rome, l'étude dans laquelle Léon dicte ses missives et rédige ses sermons, etc. le dessinateur ne se contente pas de représenter le décor dans la première case de chaque séquence, puis de laisser les fonds vides au bon soin du coloriste : il les représente dans presque toutes les cases, ce qui permet au lecteur de se projeter dans chaque lieu, d'avoir à l'esprit où se déroule chaque scène, de découvrir d'autres aspects du lieu dans les cases suivantes en fonction des mouvements de caméra. D'une manière tout aussi solide et documentée, la scénariste dose habilement les informations historiques et leur exposé, avec des moments faisant ressortir la personnalité ou l'émotion des personnages. le lecteur n'éprouve jamais la sensation de se perdre en route, ou de passer à côté des enjeux. La scène d'ouverture établit visuellement qu'il s'agit d'éviter que Rome et ses habitants ne subissent le même sort que Milan et les milanais. Les personnages historiques bénéficient d'une présentation savamment dosée pour être définis, sans jamais avoir l'impression de lire une fiche dans une encyclopédie. le lecteur fait ainsi connaissance avec Valentinien, son épouse Licinia Eudoxia, sa soeur Honoria, le pape Léon, Flavius Aetius, Attila, le sénateur Flavius Bassus Hercolanus, Dame Lucina et son époux, etc. Dans le même temps, il prend note de ceux qui sont évoqués lors de conversation : Priscillien (340-385), Marcien (392-457), Pélage (v. 350 - v. 420), etc. Leur mention se fait avec ce qu'il faut d'informations pour qu'il ne s'agisse pas d'une liste désincarnée, sans devenir trop pesant. Lorsque se produit le face-à-face promis par le titre, le lecteur situe aussi bien Attila en tant que chef de la horde des Huns, et les enjeux pour lui, que le pape Léon, d'où il vient et sa foi. L'entretien s'avère passionnant, sans que les auteurs n'aient besoin de recourir à une dramatisation artificielle ou appuyée. L'évocation d'un moment de la vie d'un pape ne s'arrête pas à une reconstitution historique de nature politique : le lecteur attend également que soit évoqué l'Église et la Foi. La scénariste n'occulte pas cette dimension, sans faire ni œuvre de prosélytisme, ni se montrer moqueuse. Elle établit l'Église comme une force politique indissoluble de l'unité de l'empire. Elle ne se limite pas à ça : elle intègre le fait que le pape est le chef de l'Église et le montre à l’œuvre. Il ne s'agit pas de le montrer accomplissant les rituels catholiques : elle met en scène son apport décisif à l'unité de l'Église en luttant contre les hérésies. À nouveau, pas besoin d'être versé dans l'histoire du dogme catholique pour comprendre les enjeux. La narration comporte les éléments nécessaires à la compréhension d'hérésies comme le monophysisme, le pélagianisme ou le manichéisme. Libre au lecteur de continuer en allant chercher de plus amples informations dans une encyclopédie. Après avoir parcouru le dossier en fin d'ouvrage, il prend mieux la mesure de la qualité d'écriture et de narration de la bande dessinée : ce texte vient étoffer ce qui est exposé dans la bande dessinée, attestant qu'elle contient bien tous les éléments essentiels. Parfois, un lecteur doute que les auteurs parviennent à tenir leurs promesses, tellement le projet est ambitieux. Ici, il vient pour découvrir qui fut le pape Léon premier, pourquoi il a laissé une trace dans l'Histoire, et dans quelles circonstances il s'est retrouvé face à Attila, sans forcément nourrir un goût prononcé pour la religion. Il reconnait bien les spécificités propres à la majeure partie des bandes dessinées historiques : dessins descriptifs pour donner de la consistance à la reconstitution, et volume d'informations important. Il se rend vite compte que dessinateur et scénariste se montrent très compétents et investis pour réaliser des planches sans dramatisation artificielle ou arrière-plans sporadiques, avec un dosage de l'information remarquable. Les personnages historiques sont animés par des motivations et des émotions réelles, tout en restant cohérents avec la vérité historique. le rôle de l'Église est au cœur du récit, ainsi que l'importance du pape, sans prosélytisme, tout en établissant les enjeux tant politiques que théologiques de l'institution. Remarquable.
Tamara de Lempicka
Une artiste doit tout expérimenter, mais ne doit jamais tout révéler. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. La première édition date de 2017. Cette bande dessinée a été réalisée par Virginie Greiner pour le scénario, et Daphné Collignon pour les dessins et les couleurs. Elle comprend quarante-six pages. L'ouvrage se termine avec un dossier de sept pages, écrit par Dimitri Joannidès, une biographie de l'artiste Tamara de Lempicka, en six parties : Une jeunesse cosmopolite, À la conquête de Paris, le style garçonne, La vanité du paraître, La belle Rafaëla, La fin d'un monde, Une reconnaissance posthume. Chaque page est illustrée, par une photographie dans la première page, et par un tableau pour les six pages suivantes : Vierge bleue (1934), La chemise rose ou Jeune femme les seins dénudés vêtue d'une combinaison de dentelle transparente (1933), Roses dans un vase (1950), La belle Rafaëla (1927), Chambre d'hôtel (1951), Adam et Ève (1932). En 1923, dans un café huppé, Tamara de Lempicka est assise à une table avec une autre femme et deux hommes, tous en habits. Elle prend une cigarette dans l'étui d'un des deux gentlemen. Celui-ci fait observer que les femmes bien élevées ne se servent pas par elles-mêmes. Elle lui rétorque qu'elle prend ça comme un compliment. Son amie lui demande si elle a repéré le mâle idéal parmi les autres clients. Elle répond qu'il n'y a rien d'intéressant pour le moment. Un homme s'approche de leur table pour inviter Tamara à danser. Elle le toise lentement et répond par un simple non, sans façon. Les autres observent qu'en voilà un qui ne reviendra pas de sitôt, et souhaitent savoir pour quelle raison elle l'a congédié car il était pourtant très séduisant. Elle répond qu'il n'était pas assez italien à son goût, les Italiens sont les seuls hommes qui baisent plus longtemps que n'importe quels autres. À l'invitation d'un des deux hommes, elle se lève pour aller danser avec l'autre invitée. Bientôt un petit groupe se forme pour les regarder, en particulier les ondulations de Tamara. Une fois la danse terminée, le prince Yusuov, travestie en femme, vient les saluer. Il explique que sa belle robe noire est du dernier chic parmi les gens qui comptent ici et en nomme plusieurs assis à une table : la duchesse de la Salle, Natalie Barney, Jean Cocteau, Gide et Colette. Il continue : Natalie Barney tient le meilleur salon saphique de la capitale, et il espère vivement qu'elle y viendra. Puis il s'avance vers la table et leur présente Tamara de Lempicka : une talentueuse peintre de ses amies, ses toiles accèderont bientôt à une gloire méritée. La conversation s'engage évoquant la Révolution russe, à laquelle Tamara a survécu, le champagne à la cour du tsar, Tadeusz Lempicka, le mari de Tamara. En réponse à une question, elle explique qu'elle essaye d'aller au-delà de l'image. Elle peint les gens comme ils sont, mais surtout ce qu'ils ont dedans. Elle utilise son intuition pour capturer leur vraie personnalité. Elle accepte de faire le portrait de la duchesse de la Salle, et elle accepte l'invitation de Natalie Barney de se rendre à son prochain vendredi. Même si la date de la première séquence n'est pas explicite, le lecteur découvre la peintre dans son atelier à Paris, et le récit semble se dérouler sur quelques jours, s'achevant avec la présentation de la toile La belle Rafaëla qui date de 1927. Les autrices ont donc choisi de concentrer leur récit sur cette courte période, plutôt que de réaliser une biographie complète. le lecteur accompagne Tamara de Lempicka dans sa vie quotidienne, et elle est présente sur toutes les planches de l'album. Il observe une femme menant une vie de bohème quelque peu dissolue, mais sans souci matériel grâce à son succès. C'est d'ailleurs d'elle que provient la source de revenu de la famille. Elle vit une vie aussi libre que celle d'un homme, une vie d'artiste, une femme libérée (quasi) ouvertement bisexuelle, qui parle parfois d'elle à la troisième personne du singulier, par exemple quand elle s'adresse à sa fille Marie-Christine (1916-1980, surnommé Kizette) alors âgée d'environ dix ans. Les autrices n'insistent pas trop sur le poids des interdits de la société, ni sur le coût de les braver, le contrecoup étant d'une autre nature. Dans un premier temps, le lecteur remarque surtout le caractère feutré de la mise en couleurs, propices aux conversations dans les cafés en soirée, et dans les alcôves. La coloriste a choisi une palette volontairement réduite. Dans la première scène, les personnages et le décor sont rendus avec des bruns de type alezan, acajou, auburn, bronze, café au lait, cannelle, chaudron, lavallière, tabac, terre de Sienne, etc. Un personnage peut parfois ressortir par contraste dans une teinte plus orangée. Il ne s'agit pas d'une mise en couleur naturaliste, mais axée sur l'ambiance lumineuse, pour transcrire un état d'esprit, et s'approcher également de certaines couleurs des tableaux de l'artiste. Il en va ainsi tout le long de l'album, avec des glissements dans des tons plus gris, ou plus vert, en fonction de la nature de la séquence. Cela a pour effet d'établir une continuité forte, comme s'il s'agissait de l'état d'esprit de Tamara de Lempicka tout du long. Par voie de conséquence, cette approche accentue également ce qui est représenté dans chaque case, ce qui fait rapidement prendre conscience au lecteur que beaucoup sont consacrées à des visages ou des bustes des personnages en train de parler. Tout en ayant bien conscience de cet effet limité de têtes en train de parler, le lecteur se rend compte qu'il ne produit pas un effet répétitif ou appauvrissant, car il confère plus de présence aux personnages. Le parti pris de la colorisation étant très affirmé, il imprègne les traits encrés au point d'en devenir indissociable. En se concentrant sur ces derniers, le lecteur perçoit des traits de contour assez arrondis ce qui rend les dessins plus agréables à l’œil, ainsi que des simplifications dans la représentation des personnages et des décors. Par exemple, les pupilles et les iris se retrouvent réduits à un simple point noir dans certaines cases. Les très gros plans sur les visages ou sur les corps peuvent affranchir l'artiste de représenter quelque arrière-plan que ce soit, ou même le laisser juste en blanc, vierge de tout trait. Dans le même temps, ces choix graphiques apportent une sorte de légèreté et de grâce à la narration visuelle. Pour autant, Daphné Collignon représente des personnages aisément reconnaissables. Elle prend de toujours planter le décor dans plusieurs cases, ne laissant jamais le lecteur dans l'incertitude du lieu où se déroule la scène, évitant de réduire les personnages à des acteurs interprétant leur rôle sur une scène vide et interchangeable. L'apparence visuelle de Tamara de Lempicka rend bien compte de son caractère affirmé, de sa sensualité sans tomber dans l'exagération ou la vulgarité. Les autres personnages se comportent comme de vrais adultes que ce soit dans leurs postures, leur langage corporel ou l'expression de leur visage. Loin de se réduire à une succession monotone de têtes en train de parler, la narration visuelle emmène le lecteur vers des moments mémorables : Tamara de Lempicka dansant avec une femme dans un boîte très consciente du regard des hommes, la peintre prenant du recul sur le tableau qu'elle est en train de réaliser, les tentatives de son mari pour prendre le dessus de la conversation avec elle, sa concentration en observant les toiles de maître au Louvre, l'intimité artistique qui s'installe entre elle et André Gide (1869-1951), Tamara expliquant à sa fille en quoi sa vie d'artiste est différente de celle des autres femmes, la peintre abordant sa future muse Rafaëla, la réaction des invités lors du dévoilement du tableau La belle Rafaëla. Au fur et à mesure, le lecteur succombe au magnétisme que dégage Tamara de Lempicka, telle que mise en scène par la dessinatrice. Dans un premier temps, le lecteur peut s'interroger sur le choix réducteur de s'intéresser à une très courte période de la vie de la peintre, sans évoquer ses années de formation, les aspects concrets de son succès, l'impact de son œuvre sur les artistes de l'époque, ou simplement la pertinence de son expression artistique comme incarnation de l'esprit du moment, et ce qu'elle comportait également d'universel. Mais en fait si, tous ces éléments s'y trouve bien, sous une forme elliptique, le temps d'un dialogue ou d'une case, sans pour autant prendre la forme d'un exposé exhaustif, plus d'évocations allusives. Au fur et à mesure, il apparaît que cette focalisation sur cette courte période permet de cristalliser comment sa peinture constitue à la fois l'expression de la personnalité de l'artiste, ainsi que sa recherche d'un idéal de beauté et de la façon d'en rendre compte par sa peinture, de se montrer à la hauteur de ce qu'elle souhaite exprimer. L'exercice de la biographie peut parfois paraître vain du fait que personne ne peut réellement savoir ce que pensait un autre individu au cours de sa vie. En effectuant un choix clair dans la reconstitution de la vie de Tamara de Lempicka, les autrices indiquent explicitement qu'il ne s'agit pas d'une œuvre exhaustive, tout en concentrant leur vision de ce qu'incarne cette artiste pour elles. Grâce à une narration visuelle douce qui parvient à être sensuelle, elles parviennent à donner vie à cette femme, à la faire s'incarner, le lecteur tombant sous son charme et quelque peu sous sa domination, sans en avoir forcément bien conscience.
Die! Die! Die!
Une tarte à la rhubarbe - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, qui peut aussi se concevoir comme une première saison, sans assurance qu'il y en aura une seconde. Il comprend les huit épisodes initialement parus en 2018/2019, coécrits par Robert Kirkman & Scott M. Gimple, dessinés par Chris Burnham, et mis en couleurs par Nathan Fairbairn. À Shrewsbury en Angleterre, des chiens sont en train de faire une course dans un stade, les parieurs guettant anxieusement leur progression. Un homme en bouscule un autre et ramasse le ticket de pari qu'il a fait tomber, et le rend à l'homme âgé. Ce dernier se rend compte que ce n'est pas son ticket de pari, mais qu'il porte le nom du chien gagnant à mille contre un. de son côté, Paul a enfourché sa moto et s'en va à toute allure, sans casque. Il constate dans le rétroviseur qu'il est suivi par un Hummer et qu'on lui tire dessus, une balle cassant son rétroviseur droit. Il riposte avec un pistolet en vain. le Hummer percute l'arrière de la moto à 2 reprises et Paul finit par voler dans les airs. Il retrouve son arme à feu dans le talus et continue de se défendre, abattant trois poursuivants. Il arrive encore à en maîtriser 2 autres, mais se fait neutraliser par derrière par Stan qui lui sectionne le nez avec son couteau, puis qui l'assomme avec un coup porté par le manche sur la tempe. de par le monde, il existe des individus animés d'intentions mauvaises qu'ils mettent à exécution. Au sein du gouvernement des États-Unis existe une cabale secrète qui utilise les assassinats dirigés pour éliminer ces individus nuisibles et toxiques pour la société. Stan essuie son couteau et s'assure que ses assistants encore vivants ; ces derniers emmènent Paul toujours inconscient. Dans son bureau plongé dans le noir, la sénatrice Connie Lipshitz s'enfile trois rails de coke en pensant au secrétaire d'état à l'environnement David Atkinson qui est un pédophile. Elle pense à tous les moyens de le neutraliser, mais aussi aux conséquences de son élimination, et aux moyens pour contenir ces effets secondaires. Nate Lipshitz fait irruption dans son bureau, constatant qu'il y a un homme nu sur le canapé. Connie Lipshitz place devant lui une petite boîte en lui demandant de l'ouvrir. À l'intérieur il découvre un nez. La sénatrice lui explique que c'est celui de Paul (un de ses agents) et qu'il faut le récupérer. Elle part déjeuner avec Anita Chavez. Elle l'asticote tant et plus avec un mélange de chantage et de rudesse que Chavez finit par lâcher le morceau : Paul va être vendu au plus offrant, dans une mise aux enchères spéciale. Dans une riche demeure, un individu ressemblant comme 2 gouttes d'eau à Paul se gare dans l'allée, salue son assistant Martin et se place devant le tableau des armes à feu pour choisir celle pour sa prochaine mission. Au beau milieu d'une forêt, un hélicoptère se pose, Nate Lipshitz en descend et hèle l'individu habitant la cabane en bois au bord de la clairière : John. Difficile de résister à la curiosité en voyant un nouveau titre écrit par Robert Kirkman, le scénariste de The Walking Dead et Invincible, même si ici il ne fait que coécrire le titre. En outre, l'artiste Chris Burnham a réalisé des histoires remarquables comme Batman Incorporated avec Grant Morrison, Nameless également avec Morrison, Nixon's Pals avec Joe Casey. Scott M. Gimple a plus travaillé pour Bongo Comics, sur la série des Simpson. La couverture promet une boucherie, un carnage sanglant, et un nez sectionné. Les auteurs ne font pas attendre le lecteur, et après cette page avec le ticket de pari gagnant, le premier combat s'engage. Chris Burnham dessine de manière descriptive et détaillée pour un bon niveau de réalisme. Son découpage de planche accentue les mouvements, et son plan de prise de vue est conçu sur mesure, provoquant l'immersion et l'implication du lecteur. Dès la quatrième page, des balles traversent des crânes, avec giclée de sang à la sortie de la boîte crânienne. le tranchage de nez est montré en gros plan, plus sanglant que gore, mais très cru. Pas de promesse mensongère : la série s'intitule Meurs répété trois fois avec point d'exclamation, et le récit tient cette promesse : visage couvert du sang d'un ennemi, balle en plein front à bout portant, couteau enfoncé avec force à travers le crâne, automutilation, nez cassé, tranchage de gorge. Il n'y a pas tromperie sur la marchandise. Le lecteur constate que les auteurs (scénaristes et dessinateur) n'hésitent pas à apposer une petite touche d'humour noir. Difficile de ne pas sourire à cette femme enfonçant une dague effilée dans l'arrière du crâne de son amant avec la pointe qui ressort par le front (Quelle force dans le coup porté !), devant une dizaine de personnes. Kirkman, Gimple et Burnham s'en donnent également à cœur joie dans le mauvais goût comportemental et graphique. le lecteur peut donc voir la sénatrice Connie Lipshitz sniffer des rails de poudre de blanche, un type se faire dans sa culotte au point que son pantalon s'en trouve tout marron, une femme en train de se faire lécher sous le bureau. Par certains côtés, ce genre de scène peut faire penser à des moments Ennis, mais ils restent dans une la zone de plausibilité, sans aller jusqu'à l'absurde. Ils sont révélateurs d'un trait de personnalité de l'individu qui les perpétue, restant à la frontière du mauvais goût assumé et d'un moment Ennis. Ce genre d'éléments peut dégoûter certains lecteurs, tout comme la violence sanglante peut également en écarter d'autres. Là encore, la couverture annonce la couleur et le lecteur peut se tenir à l'écart d'un tel type d'ouvrage. Le lecteur est donc servi en termes de violence et de provocation, avec une narration graphique détaillée, donnant de la consistance et de la personnalité à ces horreurs. le lecteur observe des individus réalistes, avec des mouvements de combattants aguerris, des destructions et des blessures plausibles et spectaculaires. Il est frappé par la présence de Connie Lipshitz. L'artiste fait en sorte qu'elle ne soit jamais réduite à un objet du désir : il montre une femme forte et dure, marquée par l'âge, svelte et tonique, une femme impressionnante et intransigeante qui n'est jamais une victime qui a l'habitude de satisfaire ses plaisirs, tout en ayant conscience du prix qu'elle paye, des répercussions sur son caractère et sa personnalité. de la même manière, le sénateur Barnaby Smith est très réel avec ses grosses lunettes rondes, sa calvitie, son sourire amical, sa frêle stature, sa petite taille, et son horrible sourire carnassier quand il tombe le masque. Alors qu'au départ, Nate Lipshitz n'est qu'un individu avec un forte carrure, un sourire enfantin et de beaux cheveux blonds, il s'humanise au fur et à mesure du récit, l'artiste réussissant à faire apparaître des expressions nuancées quand il regarde sa fille ou dans la vie civile. Chris Burnham sait également faire apparaître les différences de caractère entre John, Paul et George, à la fois dans leurs expressions de visage, et dans leur langage corporel. Très rapidement, le lecteur ressent le fait que les auteurs ne sont pas juste en train de bourriner dans un récit d'action plus violent que la moyenne. Pourtant, au départ, l'intrigue débute de manière basique : un groupe d'agents opérant pour une branche officieuse du gouvernement des États-Unis et se livrant à une guerre des services. Il y en a un qui s'est fait choper et ça dégénère. Il y a une lutte d'influence au sein de ce service officieux qui dégénère en guerre intestine. La cheffe (Connie Lipshitz) mène une vie dissolue, avec orgies, abus de pouvoir, et maltraitance d'une partie de ses collaborateurs, un vrai homme de pouvoir en quelque sorte. Elle ne ressort comme une personne sympathique, que parce qu'en face d'elle Barnaby Smith est pire. Mais dans l'épisode 3, un dialogue entre Lipshitz et Smith attire l'attention du lecteur. Les coscénaristes optent pour une mise en scène très artificielle : les deux personnages sont à l'arrière d'une voiture et chacun son tour bénéficie d'une double page pour exprimer ses convictions profondes (dans un langage fleuri), avec une case occupant les deux tiers de la hauteur de la page et s'étalant sur la double page, avec 8 petites cases de la même taille alignées sur la bande inférieure. La forme du discours manque de naturel, mais le credo ainsi exposé dépasse le simple discours de circonstance pour faire avancer le récit, pour nourrir l'antagonisme. Les paroles prononcées sur ces quatre pages constituent une profession de foi d'adulte quant à ses responsabilités dans la société en fonction de ses compétences, sans une trace d'angélisme ou de romantisme, avec un pragmatisme des plus concrets. Avec ce passage, le récit acquiert une épaisseur inattendue. L'humour noir et la provocation ne disparaissent pas, la violence non plus. Les motivations des personnages deviennent plus adultes et sortent du manichéisme. Les auteurs mettent en scène le fait que la fin ne justifie pas tous les moyens et que ces derniers ne doivent pas dicter tous les objectifs, ou pire encore devenir des objectifs en eux-mêmes. le récit reste bien dans un sous-genre mélangeant ultra-violence, organisations secrètes, combats spectaculaires et sanglants, avec des missions impossibles à exécuter avec des combats spectaculaires, tout en bénéficiant en plus de personnages étoffés avec leurs propres motivations, leur propre histoire personnelle, leur propre caractère, et d'une réflexion sur la nécessité d'interventions de combat pour lutter à armes égales contre des criminels faisant usage de ces mêmes moyens. Les auteurs épatent également le lecteur par la capacité à faire usage d'un humour sarcastique, cynique, méchant, sans pour autant que le récit ne sombre dans une vision dépressive et sans espoir, un beau numéro d'équilibre. Le titre de la série annonce un carnage, et il a bien lieu, les auteurs tenant leur promesse, à la fois avec l'intrigue et avec les dessins. Ce récit de genre pour lecteur au cœur bien accroché (deux sectionnements de nez par exemple) ne se limite pas à un usage des conventions dudit genre. Les auteurs font preuve de plus d'ambitions, à la fois sur le recours à des agents secrets mettant à mort leurs cibles, à la fois avec des personnages différenciés, et avec un humour saignant sans être morbide. Une première saison extraordinaire et satisfaisante pour elle- même.
Tous des idiots sauf moi
Pourfendeur d'hypocrisie - Ce tome regroupe des bandes dessinées politiques et satiriques réalisées par Peter Bagge pour le magazine Reason (créé en 1968), de tendance politique libertaire. Il contient 50 éditoriaux réalisées sous forme de comics de 1 à 4 pages, entre 2001 et 2010, et été publié pour la première fois en 2013. La majeure partie de ces éditoriaux sont en couleurs. le tome s'ouvre avec une courte introduction rédigée par Nick Gillepsie, le rédacteur en chef du magazine Reason, indiquant qu'en tant que dessinateur de presse et satiriste, Peter Bagge se montre cruel, mais il est aussi capable de reconnaître quand il s'est trompé. Indépendamment des orientations politiques du lecteur et de ses convictions, il peut être assuré que ces éditoriaux auront au moins 2 effets : le faire réfléchir et le faire rire. Les différents éditoriaux sont regroupés en 9 chapitres thématiques : (1) la guerre, (2), le sexe), (3) les arts, (4), le business, (5) les cafouillages, (6) les drames, (7) la politique, (8) la nation, (9) une biographie. Chaque chapitre comporte un nombre d'éditoriaux différents, de 2 pour le sexe, à 14 pour celui sur la nation. Chapitre 1 - En 2003 à Seattle, en tant que journaliste, Peter Bagge se rend à une manifestation contre la guerre en Irak, c'est-à-dire la seconde guerre du Golfe (2003-2011). Il écoute les différentes interventions dont celle d'un membre du Congrès ayant traité le président Bush de menteur. Il recueille aussi l'avis et les arguments de différents manifestants. En 2006, il met en scène différents élus à Washington réfléchissant aux nouvelles mesures anti-terrorisme pouvant être mises en œuvre. En 2007, il évoque l'évolution de la législation sur les armes à feu, jusqu'à la possession d'un bazooka. Dans le chapitre consacré au sexe, il assiste en tant que journaliste à une convention sur les genres de vie alternatifs, toujours avec une opinion très critique sur les raisonnements utilisés pour légitimer ces modes de vie aux yeux de la loi. Puis il passe en revue les arguments contre l'avortement et la pilule. Dans le chapitre consacré aux arts, Peter Bagge ridiculise aussi bien les solos de clarinette dans les concerts de jazz, que les artistes évoquant hypocritement des causes sociales pendant les cérémonies de remise de prix, les financements gouvernementaux à l'art moderne, le rock chrétien, les créateurs au comportement artistique allant à l'encontre de ce qu'ils défendent, et les humoristiques à contretemps et changeant d'opinion en fonction du sens du vent politique. Dans le chapitre sur le commerce, il retrace l'évolution de son appréciation des centres commerciaux géants (mall), l'avis de l'artiste sur la propriété intellectuelle, les casinos implantés dans les réserves indiennes, son expérience d'une convention de comics espagnole, la stratégie des grands commerces entre généralisme ou hyperspécialisation. Les cafouillages concernent aussi bien les transports en commun que les stades municipaux, les trains ou la faillite économique de Detroit. Par la suite il aborde des sujets aussi divers que l'usage du cannabis à des fins thérapeutiques, les sans-abris, une prison pour femmes, l'hypocrisie inhérente aux présidents des États-Unis, l'immigration clandestine, les idées reçues idiotes… le tome se termine avec une biographie en 12 pages d'Isabel Mary Paterson (1886-1961), et enfin les réactions extrêmes que suscitent les ouvrages de Ayn Rand (1905-1982). S'il a eu la curiosité d'ouvrir cet ouvrage, le lecteur en connaît déjà la nature : une anthologie d'éditoriaux de nature politique (au sens large) de Peter Bagge. En outre, il sait vraisemblablement aussi que cet auteur revendique être un libertaire, un individu souhaitant une liberté totale dans une société débarrassée des formes institutionnelles de l'autorité. Enfin, Bagge est américain : ses chroniques se basent donc sur des particularités de la société américaine et du peuple américain. Il est également probable qu'il ait été attiré par l'exubérance des dessins marqués par des exagérations caricaturales qui leur donnent une saveur à nulle autre pareille. Effectivement, c'est du Peter Bagge pur jus. Dès la couverture, le lecteur retrouve les bouches dessinées en fer à cheval, avec une dentition soit toute blanche, sans séparation de dents, soit avec des dents de type dent de scie ou une dentition à trou, à chaque fois exagérée pour un effet comique. le dessinateur s'amuse toujours autant avec les expressions des visages : les yeux à moitié exorbités veinés de rouge sous l'effet d'une émotion intense, parfois les yeux comme des billes de loto pour un louchage irrésistible, la bouche grande ouverte pour hurler à plein poumon d'énervement, les sourcils très froncés pour une colère intense, etc. Il est impossible de rester de marbre devant ces individus surexcités, réagissant avec des émotions non filtrées. Les morphologies des individus sont elles aussi malmenées : les corps deviennent caoutchouteux, en particulier les bras dont les coudes disparaissent souvent pour ne plus laisser qu'une forme arrondie de l'épaule au poignet. L'artiste accentue encore cet effet donnant une impression de souplesse enfantine, avec des têtes parfois plus grosses que la normale (ou des corps plus petits). Les dos peuvent également s'arrondir avec des troncs donnant alors une impression de ballon. Ces caractéristiques confèrent une vitalité remarquable aux personnages, et fait s'exprimer leurs émotions avec force. D'éditorial en éditorial, le lecteur est impressionné par la diversité des individus représentés que ce soit leur morphologie, leur âge, leur coiffure, leur corpulence, leur tenue vestimentaire, leur maintien, leur langage corporel. de la même manière, Bagge sait évoquer des lieux très variés, parfois en quelques traits, parfois avec de nombreux détails : la scène d'un rassemblement, les rayonnages d'une vente privée d'armes, les allées d'un supermarché, le comptoir d'une pharmacie, la chambre d'un adolescent, le salon d'une maison avec canapé et télé, un plateau de tournage de la passion du Christ, les allées d'un complexe commercial, le casino d'une réserve indienne, un stade sportif flambant neuf, un wagon de l'Amtrack, etc. Dans d'autres séquences, il se focalise uniquement sur les personnages et leurs mouvements, avec des fonds vides. Dans tous les cas, il s'agit d'une lecture dense. S'il a déjà lu des comics de cet auteur, le lecteur sait que son écriture est dense et qu'il faut compter 2 à 3 fois plus de temps pour une lire page de Bagge que pour un comics normal. Il retrouve cette particularité ici, non pas du fait de pavés de texte copieux, mais bien du fait de la concision. Cette caractéristique de son écriture est manifeste dans la biographie d'Isabel Mary Paterson, écrivaine, philosophe, ayant publié un essai sur le libertarisme. Chaque vignette est à la fois concise et dense, le tout intégrant un nombre impressionnant d'éléments de sa vie, sans rien sacrifier aux émotions de chaque moment. le principe des éditoriaux est que Peter Bagge effectue un reportage, ou donne simplement son avis sur un aspect de la société américaine. Il vaut mieux être un peu familier de la forme bipartisane de la vie politique, et de quelques caractéristiques de la société américaine et de sa vie urbaine pour tout saisir, mais cela ne requiert pas un niveau expert, ou une connaissance pointue du contexte sociopolitique des années 2000. le lecteur sait pertinemment que Peter Bagge exprime son avis partial et son point de vue de libertaire sur ce qu'il commente. D'ailleurs il affiche clairement ses convictions dans ses jugements de valeur. Chaque éditorial s'avère très drôle, et même cocasse du fait des capacités d'observation pénétrante de l'auteur, de son point de vue tranché ne s'interdisant pas d'être de mauvaise foi, et de ses jugements critiques à l'emporte-pièce. le lecteur peut très bien ne pas être d'accord, tout en savourant la verve comique de l'auteur. Peter Bagge n'est pas tendre avec ses concitoyens, encore moins avec les élus, et il n'hésite pas à se mettre en scène avec un regard tout aussi critique pour pointer ses propres incohérences ou lâchetés. Par exemple dans les 4 pages consacrées aux complexes commerciaux (malls), il se met en scène d'abord comme un adolescent fustigeant ces temples de la consommation, pour ensuite dire tout le bien qu'il en pense une fois devenu parent. Il en va de même pour sa position sur la guerre en Iraq, reconnaissant que son premier éditorial était orienté au point d'en devenir idiot. En fonction de sa sensibilité, le lecteur est plus ou moins intéressé par tel sujet. Mais à la lecture, le degré d'implication viscérale de Peter Bagge pour chaque sujet fait qu'il s'y intéresse ne serait-ce que pour les réactions comiques. Il finit par se rendre compte que certaines opinions de l'auteur trahissent parfois un manque d'information (par exemple sur les OGM). Toutefois, comme le commentaire de Bagge est toujours très tranché et presque toujours porteur d'informations, la force émotionnelle de son discours fait que chaque éditorial provoque une réaction chez le lecteur, que ce soit sur la posture faussement pacifiste des États-Unis, sur les conséquences liberticides de la loi anti-terroriste, sur le port d'armes et sa restriction, et même sur les trains et les transports en commun. En effet, ces éditoriaux offrent une vision d'une culture différente de celle du lecteur, lui donnant des points de comparaison, pour une réflexion sur l'organisation de son propre pays. En plus, Peter Bagge est à chaque fois irrésistible quand il s'en prend aux postures hypocrites des politiques comme des consommateurs, un vrai jeu de massacre. À l'opposé d'éditoriaux austères ou cliniques, ceux de Peter Bagge sont partiaux et habités par une verve comique énorme qui fait que le lecteur ne s'ennuie jamais et se rend compte qu'ils provoquent une réaction irrépressible en lui, l'obligeant à considérer ses propres convictions, pas toujours beaucoup plus brillantes que celle de l'américain moyen.
Thanos - La Fin de l'univers Marvel
Qu'on me donne l'envie d'avoir envie. - Ce tome regroupe les 6 épisodes de la minisérie parue en 2003. Il contient une histoire complète avec Thanos comme personnage principal. Dès la première page, Thanos soliloque au profit du lecteur sur un fond noir en indiquant que s'il vient de détruire l'univers ce n'est pas pour les raisons que l'on pourrait croire. Il estime que c'était son destin de détruire toute réalité après avoir joué avec le cube cosmique, puis avec le Gant de l'Infini. le récit passe ensuite à l'ascension d'Akhenaten, un pharaon de l'Égypte antique, telle que perçue dans un flash télépathique par Jean Grey. Thor est le premier à percevoir le retour d'Akhenaten depuis Asgard. Puis Silver Surfer découvre les traces destructrices de son passage. Dès son arrivée sur Terre, Akhenaten rassemble les dirigeants de tous les pays pour leur expliquer comment la race humaine va obéir sous son nouveau règne. Doctor Doom (Victor von Doom) commence immédiatement à réfléchir à comment s'accaparer le pouvoir d'Akhenaten. Thanos organise autour de lui une petite équipe de 5 superhéros pour ourdir et mettre en œuvre son propre plan d'action. Jim Starlin a créé le personnage de Thanos qui est apparu pour la première fois dans l'épisode 55 de la série Iron Man en février 1973. Tout au long de la carrière de Jim Starlin chez Marvel Comics, Thanos n'était pas loin, que ce soit contre Captain Marvel, contre Adam Warlock , contre Silver Surfer (1990), dans la saga des Infinity (Le défi de Thanos : le Gant de l'infini en 1991, La guerre de l'infini en 1992, et La Croisade de l'infini en 1993), ou en solo dans Thanos: le gouffre de l'Infini (2002). Cette histoire se déroule peu de temps après Infinity Abyss et elle s'inscrit dans la série des histoires Marvel estampillées The end, telles que Hulk - La fin (Peter David & Dale Keown) ou X-Men - The end (Chris Claremont & Sean Chen). Elle peut donc être considérée dans la continuité ou non, suivant la préférence du lecteur. Une dizaine d'années après Infinity Gauntlet, Jim Starlin semble bien parti pour retrouver ses mêmes thèmes de prédilection et ses mêmes tics narratifs : une nouvelle menace à l'échelle de la destruction de l'univers, une nouvelle source de pouvoir, Thanos à la position toujours moralement ambiguë et des superhéros en veux-tu en voilà qui ne servent à rien. Eh bien oui, la tripotée de superhéros qui apparaissent sporadiquement ne sert qu'à montrer à quel point ils sont inefficaces contre la menace d'Akhenaten. Starlin redonne le même rôle à Doctor Doom : essayer de barboter la source de pouvoir pour son propre usage, au nez et à la barbe de tout le monde. Les entités cosmiques (Eternity, Lord Chaos, Master Order et les autres) font office de figurants de luxe ; il ne manque qu'Uatu à l'appel. Effectivement, Starlin dévoile une autre menace derrière celle d'Akhenaten. Rien ne semble avoir changé depuis Infinity Gauntlet et ses suites. Et pourtant Adam Warlock n'a droit qu'à trois ou quatre répliques ; le centre du récit s'est déplacé de Warlock vers Thanos de manière drastique. Les 6 épisodes sont dessinés par Jim Starlin, et encrés par Al Milgrom, avec qui il a déjà collaboré à plusieurs reprises (ils ont même pris l'habitude de cosigner sous le nom de Gemini). Milgrom effectue un travail soigné, appliqué et méticuleux, qui met bien en valeur la finesse des détails de Starlin. Il emploie toutefois un trait légèrement plus épais que celui de Starlin, le lecteur amoureux de Starlin notera une petite perte de finesse. Starlin se permet de s'affranchir des décors dans 2 types de situations. La première correspond à Thanos s'adressant à un auditeur invisible sur fond noir ; elle est pleinement justifiée et l'absence de décors constitue un élément important de la narration. La deuxième correspond aux scènes dans une dimension mystique où Christie Scheele (responsable des couleurs) et Starlin jouent avec l'infographie pour établir des camaïeux de couleurs avec des formes géométriques en lieu et place d'un décor en bonne et due forme. le résultat n'est pas très convaincant car il ressemble à une utilisation basique des capacités d'un logiciel de dessin peu sophistiqué. Malgré ce défaut, il est évident que le projet tenait à cœur de Starlin vu le temps qu'il a passé pour arriver à ce niveau de détails sur les personnages et les décors (dans les autres scènes). Il s'est appliqué à reproduire l'apparence de chaque superhéros conformément aux comics de l'époque (il y a parfois des costumes bizarres, et même 2 ou 3 personnages que je n'ai pas su reconnaître). La mise en page repose sur des cases bien rectangulaires dont le nombre varie de 9 par page, à quelques illustrations en double page pour accentuer une foule ou une action déterminante. le conseil des dieux de différents panthéons fait ressortir à quel point les costumes sont dessinés dans le moindre détail. L'apparence moderne d'Akhenaten fait preuve d'originalité. Il y a un gros travail sur les textures de matériaux qu'il s'agisse de pierres ou de rideaux. La mise en scène des combats est intelligente dans la mesure où le lecteur peut retracer les mouvements de chaque protagoniste. Et Starlin organise de jolis mouvements de caméras dans les séquences les plus longues. Finalement le lecteur constate que Jim Starlin (et Al Milgrom) a investi beaucoup de temps dans l'illustration de cette histoire, pour aboutir à un aspect visuel descriptif immersif quels que soient les localisations, les personnages et les actions. À un premier niveau de lecture, les agissements de Thanos reprennent la structure de la série des crossovers estampillés Infinity, sans tomber dans la parodie, en innovant sur ces schémas, et en tenant les promesses du titre et de la première page : la fin de l'univers. le fan de Starlin reconnaîtra également dans le personnage d'Akhenaten, le retour de motifs utilisés dans l'Odyssée de la Métamorphose. le résultat est savoureux, intriguant et suffisamment imaginatif pour maintenir le suspense jusqu'au bout. Et comme dans les crossovers Infinity, Jim Starlin inclut un ou deux métacommentaires dans son récit. le premier apparaît quand Thanos finit par se trouver en situation de détruire l'univers (et ce n'est pas que le pouvoir absolu corrompt absolument). Je vous laisse la surprise de découvrir le deuxième métacommentaire, très ironique, à destination des lecteurs de comics de superhéros et des éditeurs Marvel et DC. The end est donc à ranger parmi les meilleurs récits cosmiques de Jim Starlin, où il reprend une structure qu'il maîtrise pour y inclure des éléments novateurs et aboutir à une fable efficace, à plusieurs niveaux de lecture. Après ce récit, Jim Starlin a débuté une série mensuelle consacrée à Thanos dont les premiers épisodes sont réunis dans Thanos rédemption (2003).
Lone Wolf & Cub
Posons les bases: 1972, ce manga date de 1972. Comment est-on passé de manga de sabre où on avait la vraie vie de samouraï avec des personnages bien écrits (on a quand même la prouesse ici de faire vivre un personnage de 3 ans quasiment muet dans un monde bien trop violent pour lui avec justesse), une violence bien dosée, et un dessin inventif, à des récits creux uniquement basés sur la surenchère de bagarre et aucun enjeux? Bref vous l'aurez compris j'ai adoré.
Blast
Je ne m'attendais à rien en lisant cette BD, j'ai mangé les 4 tomes en 1 seule nuit et je n'ai pas touché à un autre livre avant une quatrième relecture. J'ai été dans la tête de Polza du début à la fin, j'ai été porté par sa vie tout du long de ces 4 lectures, et au final je pense qu'on a tous un Polza en nous qui attend qu'on l'aide pour ne pas sombrer dans l'entre tombe de Blast. C'est à lire, relire et rererelire.
Je suis au-delà de la mort !
Très belle BD. J'étais sceptique au départ à cause du style de dessin que je trouvais trop enfantin, ça me rappelle Mario^^. Finalement, je m'y suis habitué. Les émotions sont bien retranscrites, de manière simple mais efficace. Et la colorisation est vraiment bien. J'ai beaucoup aimé le personnage secondaire, qui m'a fait sourire à plusieurs reprises. Côté scénario même si certaines grandes lignes sont prévisibles, on prend plaisir à poursuivre la lecture. L'auteur, qui est infirmier, nous raconte l'histoire touchante d'une personne pleine de vie et de projets qui apprend qu'elle a un cancer. Il est particulièrement bien placé pour raconter cette histoire, et il le fait avec brio, trouvant un bon équilibre entre les moments amusants et émouvants. Bien que le schéma narratif soit classique et quelque peu prévisible, je trouve qu'il est parfaitement maîtrisé. C'est ce qui m'a poussé à continuer ma lecture avec plaisir. Le nombre conséquent de pages est très appréciable, permettant de savourer l'histoire tranquillement, comme un bon film. J'ai failli lâcher une larme, il a réussi à me faire passer par tous types d'émotions tout au long de ma lecture, et rien que pour ça, cela mérite une belle note qui se démarque des autres. Une BD à avoir dans sa bibliothèque sans hésiter.
Cosmic Ghost Rider
C'est l'histoire de Thanos et de Francis Castle qui… - Ce tome contient la minisérie consacrée au personnage apparu pour la première fois dans l'épisode 13 de la série Thanos écrit par Donny Cates, qu'il vaut mieux avoir lu avant. Il s'agit d'une version alternative de Frank Castle, prenant sa source sur la Terre TR66. Il comprend les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2018, écrits par Donny Cates, dessinés et encrés par Dylan Burnett, et mis en couleurs par Antonio Fabela. Il comprend également le numéro 1 de Thanos Legacy (2018), également écrit par Donny Cates, dessiné et encré par Brian Level, avec une mise en couleurs de Jordan Boyd. Les couvertures ont été réalisées par Geoff Shaw. le tome contient également les couvertures alternatives réalisées par Mark Brooks, Mike Deodato junior, Stephanie Hans, J. Scott Campbell, Ron Lim, Gerardo Zaffino, Declan Shalvey, Ivan Shavrin (*2), Jamal Campbell, Superlog (*3). Francis Castle a été un soldat au Vietnam. Il a vu sa famille mourir dans une guerre des gangs. Il a mené une guerre contre les gangs. Il est mort, tué par Thanos. Il a fini en enfer, d'où il est revenu en tant qu'Esprit de la Vengeance. Il a affronté Galactus, Thanos, et il est mort à plusieurs reprises. Francis Castle coule des jours paisibles au Valhalla, tout en restant ombrageux, et en n'hésitant à remettre à leur place les dieux qui ne lui reviennent pas. Dernier dieu en date à s'être fait castagner par Castle : Koldaxe. Castle s'est isolé sur une pente herbue d'où il admire Bifrost, en terminant sa bière. Odin vient le trouver pour essayer de comprendre pourquoi Castle ne peut pas bien se tenir. Ce dernier lui explique qu'il ne peut pas accepter la récompense du Valhalla. Odin lui indique qu'il a le pouvoir de lui rendre ses pouvoirs et de le réinsérer dans le monde normal à l'endroit et à l'époque de son choix. Francis Castle prend le casque du Ghost Rider dans ses mains, et il est possédé sur le champ par l'esprit de la vengeance, retrouvant son apparence de Ghost Rider, avec crâne enflammé et sa personnalité troublée d'individu possédé. Conformément à sa promesse, Odin envoie Castle à l'endroit et au moment où il l'a demandé : sur Titan (une lune de Saturne). Cosmic Ghost Rider se rend directement dans la chambre de Thanos, encore enfant. Il dégaine son arme et s'apprête à tuer l'enfant de sang-froid. Castle se rend compte qu'il est incapable d'abattre un enfant à bout portant, même Thanos, parce que rien ne dit que cet enfant ne pourra pas dévier de son destin, de celui des autres lui-même dans d'autres réalités. Il n'a donc qu'une seule solution : prendre Thanos sous sa responsabilité et lui prodiguer une éducation de telle sorte à ce que Thanos ne devienne pas un dictateur meurtrier en masse. Avec sa reprise de Doctor Strange fin 2017 et de Thanos début 2018, Donny Cates devient un scénariste providentiel pour Marvel, capable d'insuffler un regain d'intérêt dans les personnages qu'on lui confie, et de faire du neuf. Au vu de l'accueil très positif de Cosmic Ghost Rider dans la série Thanos, les responsables éditoriaux lui commandent une minisérie sur le personnage, avant de l'intégrer dans la série Guardians of the Galaxy, les 2 écrites par Donny Cates. le lecteur se rend bien compte qu'il s'agit d'un personnage dérivatif dont les aventures se déroulent dans une autre dimension que celle de la Terre 616, sans conséquence sur la continuité ou sur l'ordre de l'univers partagé Marvel. Ce ne peut donc être qu'une histoire de divertissement, avec peut-être des idées dedans. Son horizon d'attente ainsi fixé, il a quand même du mal à résister à la curiosité de voir ce que peut donner la motivation obsessionnelle de Frank (ici Francis) Castle, avec les pouvoirs de Ghost Rider, s'en prenant au massacreur ultime qu'est Thanos. Il espère bien que le scénariste utilise la richesse de l'univers partagé Marvel, tout en ne ressassant pas les mêmes intrigues, et mettant à profit la liberté que lui donne l'environnement d'un univers parallèle. C'est exactement ce que fait Donny Cates, avec la volonté d'en donner pour argent au lecteur. Alors que ce dernier peut supposer que le scénariste se lance dans une variation sur Ogami Itt? et son fils Daigoro dans Lone Wolf & Cub, Cates emmène vite le scénario vers d'autres configurations. de la même manière, en voyant arriver Galactus, le lecteur se dit que le récit est parti pour une énième dévoration de planète, et là encore la situation évolue rapidement et est réglée en 1 épisode. le lecteur a compris que Cates utilise effectivement les ressources de l'univers partagé Marvel, sans devoir être corseté par le carcan de la continuité car il est dans un univers parallèle, sans limite, mais sans non plus transformer son récit en un catalogue de superhéros et supercriminels en lieu et place d'un scénario en bonne et due forme. le scénariste n'hésite pas à s'amuser avec des personnages improbables comme l'amalgame d'Howard le canard et du Juggernaut, conférant un bon niveau de divertissement sans prétention à l'ensemble. Dans le même temps, l'intrigue reste focalisée sur le but que s'est fixé Cosmic Ghost Rider : changer le destin de Thanos, ou tout du moins voir si Thanos est condamné à devenir le génocidaire ultime. Dylan Burnett est un jeune artiste qui dessine dans un registre représentatif comme la majorité des dessinateurs de comics, avec un bon degré de détails dans la description. Il sait doser le niveau d'éléments représentés dans chaque case pour un maximum d'efficacité. Au fil des différentes séquences, le lecteur peut voir les feuilles de la végétation de la jungle, les arbres de Central Park, le pont Bifröst zébrant l'espace, les étranges façades de Titan, le bar dans lequel Cosmic Ghost Rider va descendre quelques verres en attendant Galani; les champs parsemés d'éolienne dans un monde en paix, etc. Dans le même temps, Dylan Burnett est d'une rare efficacité pour s'économiser et ne pas dessiner les décors quand il le peut. L'épisode 3 constitue un cas d'école, tellement il est exemplaire : 20 pages sans décor, si ce n'est un immeuble détruit et quelques sols déformés par les impacts. Il s'agit donc d'un affrontement épique entre Cosmic Ghost Rider et de nombreux superhéros qui l'assaillent successivement. L'artiste s'en donne à cœur joie pour montrer les coups portés, les décharges d'énergie, les corps éventrés, les costumes improbables de superhéros. le lecteur peut très bien ne pas s'apercevoir qu'il n'y a pas de décor tellement ça pète de partout, les personnages sont baroques, les énergies crépitent. Les dessins sont très complétés et nourris par une mise en couleur riche et vive, une grande réussite. Dylan Burnet & Antonio Fabela réussissent à montrer une bataille épique, visuellement intéressante du début à la fin, malgré l'absence de décor, et sans recourir à une chorégraphie millimétrée. En outre, le lecteur sort de cet épisode avec le sourire aux lèvres, car le dessinateur n'hésite pas à user de la licence artistique pour exagérer les coups portés, les expressions des visages, la destruction. Effectivement, les dessins sont en phase avec la tonalité du scénario, sérieux, violents, avec un humour pince-sans-rire qui fait mouche. Il embrasse toute la démesure de ce cavalier sur une moto de l'espace, avec une tête enflammée, ainsi que le caractère improbable d'une enfant violet avec un goût pour la violence, ou encore le côté métaphorique d'un individu géant qui mange des planètes. Cosmic Ghost Rider utilise une chaîne enflammée de plusieurs centaines de mètres de long, mais aussi des armes à feu, sans parler de sa capacité à projeter du feu de l'enfer. Quel spectacle pyrotechnique à la fois premier degré (il faut voir l'état de ses adversaires), à la fois ridicule dans la surenchère (pourquoi aurait-il besoin d'armes à feu en plus du reste ?). Quand Cosmic Ghost Rider retire son casque et reprend des traits humains, le lecteur peut voir le visage d'un homme âgé (> 50 ans) aux cheveux blancs, manquant d'assurance quant à la réalité de ce qu'il vit. Les mimiques de Thanos enfant sont irrésistibles. le lecteur apprécie d'autant plus cette expressivité que Donny Cates ne se contente pas d'une intrigue échevelée et loufoque, il brosse le portrait assez émouvant de Francis Castle, toujours accablé par la culpabilité de la mort de sa femme et de ses enfants, à l'équilibre mental fragile du fait de sa possession par un démon. En découvrant l'existence de cette minisérie, le lecteur espère y trouver un récit loufoque et endiablé. Il est comblé au-delà de ses espérances, à la fois par le scénario et par les dessins qui tirent le meilleur parti possible de la richesse de l'univers partagé Marvel, de l'absence de contrainte de continuité, par des scènes d'action spectaculaires, avec quelques moments d'humour, avec une utilisation très directe et perspicace des voyages dans le temps, et par un personnage principal tragique à sa manière. 5 étoiles. - Thanos Legacy 1 (20 pages) - Thanos est assis sur son trône et s'interroge sur ce qu'il léguera à l'univers, à la manière dont ses actes seront jugés. Mais il doit encore affronter un dernier adversaire. Donny Cates utilise cet épisode pour s'interroger sur le testament de Thanos, mais surtout pour boucler quelques intrigues secondaires en suspens et expliquer le sort final du personnage. le lecteur qui n'a pas suivi la dernière série Thanos risque d'être un peu perdu, et pas entièrement convaincu par les cartouches de texte du narrateur omniscient, manquant soit de cynisme, soit d'emphase. Brian Level se montre plus convaincant, mais pas aussi truculent que Dylan Burnett. La dernière page montre clairement qu'il s'agit d'une forme de prologue à une autre histoire, celle à venir dans la série Gardians of the Galaxy écrite par Donny Cates.
Le Shaolin Cowboy
Pour ceux qui connaissent ce dessinateur, il est incontournable dans le monde de la BD. Il est notamment passé en France pour bosser un temps avec Moebius qu'il avait rencontré sur le tournage de Tron. Il a également travaillé sur le storyboard de Matrix. Il a le style graphique le plus fouillé que je n'ai jamais vu. Chaque case fourmille de détail : c'est complètement hors norme. Vous pouvez passer 10 minutes par dessin pour essayer tout voir. Par contre, le scenario est souvent maladroit et n'est que prétexte pour admirer le style de Geof. J'aimerais qu'un scénariste de renom collabore avec lui pour claquer un masterpiece total !