Comme dans chacun de ses récits/reportages, Guy Delisle nous transporte et nous fait découvrir une région du monde, plutôt inaccessible autrement.
Ses errances restent curieuses et instructives pour le lecteur. Il présente ses découvertes de manière assez objective, ne prenant pas vraiment part au conflit, mais en gardant un regard assez naïf sur les évènements. J'apprécie également la manière dont il assume ses défauts et ses vilains penchants (qui surgissent parfois... un peu comme pour chacun d'entre nous non ?).
Son trait est à la fois simple et détaillé. Poétique et non surfait.
Bref, un récit très instructif sur cet endroit et ce conflit qui ne sont pas simples. Je recommande vivement !
De toutes les œuvres littéraires que j’avais étudiées en son temps à l’Ecole, j’avais surtout retenu la nouvelle fantastique de Guy de Maupassant. Le Horla, c’est d’abord un journal intime d’un homme qui va rapporter ses peurs et ses angoisses face à un mal qui le ronge de l’intérieur. On pouvait percevoir plusieurs lectures possibles : la maladie ? la folie ? ou bien une possession démoniaque ? Il est vrai que le Horla est représenté par un être invisible, ce qui laisse libre cours à l’interprétation.
Pourtant, notre auteur Guillaume Sorel a choisi la voie de l'irrationnel à savoir celle de l’esprit dans sa cohabitation avec un être surnaturel. On observera également une grande part laissée à son animal favori : le chat qui joue déjà un grand rôle dans sa série Algernon Woodcock ou plus récemment dans Hotel Particulier. Ce félin n’a-t-il pas la réputation de ressentir les choses avant les hommes ? Il a senti la présence du Horla bien avant son maître et a pu par conséquent se mettre à l’abri en fuyant.
J’ai bien aimé cette adaptation en bande dessinée de ce que je considère comme le chef d’œuvre de Maupassant car ce titre allait préfigurer le genre de la science-fiction et du fantastique. On va éprouver toute la solitude du personnage principal, on va suivre ses angoisses jusqu’à son basculement dans une espèce de folie qui le ravage de l’intérieur. De la quiétude, on va passer à l’inquiétude. Du raisonnement logique, on va sombrer dans l’ésotérisme.
Que dire de cette bd ? Le dessin est tout d’abord une pure merveille. L’auteur est parvenu au sommet de son art. C’est franchement de belles planches à admirer. Je me souviens notamment de l’arrivée royale de ce navire brésilien dans la rade normande. J’ai été littéralement subjugué par le trait ainsi que par les couleurs harmonieuses. La lecture me fut très agréable.
Cette réflexion sur l’irrationnel peut sans doute nous amener à une réponse qui ne sera sans doute pas parfaite. Au-delà de toute pensée torturée, c’est l’œuvre qui nous emporte avec cette atmosphère qui s’alourdit et cette tension croissante jusqu’au final effroyable. On n’oubliera pas de sitôt cette adaptation réussie.
Note Dessin: 4.5/5 - Note Scénario: 4.5/5 - Note Globale: 4.5/5
Tout d’abord, l’objet : un vrai pavé, dans lequel on a plaisir à se plonger, il s’agit d’une véritable expérience immersive. L’ouvrage est par ailleurs inclassable : on pourrait parler de documentaire scientifique voire historique, mais cela resterait incomplet, l’auteur apportant en outre son œil artistique en glissant à bon escient de multiples références dans la chronologie rigoureuse de cette épopée, qu’elles soient en rapport avec l’art, la science ou la religion. Ainsi, les cases se répondent, comme s’il y avait discussion entre les temps primitifs et l’humanité avec ses connaissances, ses croyances, ses mythes, ses questionnements. C’est toujours étonnant, érudit, rafraîchissant, parfois décalé, parfois humoristique (la mouche de Trondheim virevoltant au milieu des sauriens volants, par exemple). Le dessin est remarquablement précis, mais aussi très agréable à l’œil, rehaussé par une belle bichromie dont les teintes désaturées évoluent au fil des pages en parcourant le cercle chromatique. Une page de résumé des principaux événements vient clore chaque chapitre, ce qui n’est pas trop assommant pour les plus réfractaires à la science.
C’est un vrai défi auquel a été confronté l’auteur, élaborant quelque chose qui n’avait jamais été fait : mettre en images l’histoire de l’Univers depuis les origines. Qui en effet pouvait imaginer qu’un auteur de BD puisse un jour représenter les premiers instants succédant au Big Bang, le début de l’espace-temps, l’ère de Planck (d’une durée infinitésimale de 10-44 seconde !), les quarks, antiquarks et autres particules subatomiques, etc. Eh bien Jens Harder l’a fait, avec brio et de façon tout à fait originale (voir plus haut). C’est passionnant, fascinant, grandiose. Comme un gosse, on reste tout simplement admiratif devant un tel travail, imaginant la somme d’archives et de documents qu’il a fallu réunir pour produire une telle œuvre. Parallèlement on est saisi de vertige devant le génie de la nature mais aussi en pensant aux périodes immensément longues qui ont été nécessaires aux transformations les plus infimes, si l’on raisonne en temps humain. Incontestablement, on peut parler d’un chef d’œuvre qui fera date. C’est donc avec impatience que j’attends la sortie des deux tomes qui devraient suivre, l’un consacré à l’histoire de l’humanité et l’autre au futur.
PS : je salue au passage l’excellente critique de Sejy
--------------------
Avis sur "Beta... civilisations - volume 1"
Cinq ans. C’est le temps qu’il aura fallu à Jens Harder pour accoucher de ce nouveau volet, qui au départ prévu en une seule parution, fera finalement l’objet de deux volumes. D’emblée il faut bien l’avouer, l’effet de surprise ressenti avec « Alpha… directions » s’est dissipé ici, mais le mode de narration verticale reste très original. L’auteur déroule le récit de l’évolution à sa façon, en établissant au fil des pages des passerelles entre les époques, à l’aide d’une iconographie abondante, populaire ou érudite, ne s’interdisant aucun domaine, de la peinture à la pub en passant par le cinéma, la photo ou tout naturellement la BD.
C’est parfois un peu prévisible dans le sens on finit par deviner plus ou moins où Harder veut nous emmener, mais ce dernier garde toujours cette volonté de surprendre le lecteur dans le choix des références, évitant ainsi l’exposé scolaire. Bien sûr il m’est arrivé d’être saisi par le doute, agacé parfois par une certaine redondance, mais au final il faut convenir que le procédé basé sur un dialogue entre les images d’un côté et les époques de l’autre fonctionne à merveille. Et si l’on admet l’idée qu’il s’agit d’une lecture lente, ou plus exactement contemplative, on ne pourra être que fasciné en s’inclinant devant l’ampleur de la tâche. Comme on pourra le voir en annexe, l’auteur sait pourtant rester modeste : « Je n’ai rien inventé (…). Il s’agit plutôt d’un récit de l’évolution – mon récit, avec mes propres axes et fils rouges – comme je pourrais peut-être le faire à mes enfants, mais qui laisse de côté énormément de choses (et en ignore encore plus). » Il revendique par ailleurs son athéisme pour ceux qui seraient tentés d’interpréter son œuvre au vu de leurs propres croyances. Et précise de manière facétieuse à l’attention des fans de mangas : « Si par habitude, tu as ouvert Beta [par la fin], tu es cordialement invité à poursuivre ta lecture dans le sens qui t’est familier (…). A condition de veiller à lire chaque page non seulement de droite à gauche, mais aussi de bas en haut »
Pour ce qui est de l’objet en lui-même, l’impression argentée dans des tons alternativement gris, kaki et sépia au fil des pages est du plus bel effet (il faut juste éviter de lire sous la lampe de chevet…), et constitue de fait un argument en faveur de l’édition papier face au numérique. Quitte à héberger des pavés comme celui-ci dans sa bibliothèque, autant qu’ils soient jolis…
Et c’est soudain avec horreur que je réalise que si Mister Harder parvient à mener à bien son projet ambitieux, le dernier volet consacré au futur de l’humanité, « Gamma… visions », pourrait ne sortir qu’en 2024 voire 2029 pour la deuxième partie s’il décide de faire une césure comme ici ! On espère ainsi qu’aucun météorite ne viendra s’écraser sur la Terre avant cette date…
Bon, allez, je me décide à commenter cette lecture quand bien même je n'en suis qu'à la lecture du troisième tome de la réédition intégrale de Urban. Mais là, il faut que je le dise : c'est une pure tuerie ! Voire mieux. C'est un chef-d’œuvre.
Déjà, juste un mot sur l'édition Urban Comics, un véritable petit bijou qui compile les albums et qui nous rajoute plein de bonus, des galeries d'images ou des interviews, des compléments, des crayonnés, plein de détails supplémentaires. C'est pas indispensable, mais on y trouve des explications sur l'ensemble de la série par l'auteur en personne, et ça éclaire de façon magistrale cette série complexe.
Ensuite, et pour éliminer tout de suite ce qui fâche, parlons du dessin. Car oui, c'est franchement moche. Enfin, tout dépend. Encore une fois, quand une œuvre présente un dessinateur différent à chaque histoire, il est presque impossible de qualifier le dessin. Certains sont potables, d'autres réussis, d'autres superbes (souvent les histoires très courtes et plus insignifiantes), globalement assez moche et pas agréable. Mais ça reste potable, notamment dans les constructions des pages. Le gros défaut, c'est qu'on retrouve en permanence des personnages qu'on a vu dans d'autres histoires, et lorsque les têtes changent énormément, c'est pas facile.
Par contre, le reste ... C'est Neil Gaiman : prenant, inventif, superbement mis en scène, intriguant, innovant, poétique, beau ... Tout y est ! Mais vraiment tout !
J'adore la façon dont Neil Gaiman arrive à mélanger tant de choses diverses pour obtenir ce mélange final. Un univers complet, créé et cohérent, qui nous livre tout ce qu'il peut livrer. Chaque histoire présente autre chose, tout est intéressant. C'est un intérêt perpétuellement renouvelé que ces histoires.
C'est des personnages extraordinaires, entre les héros et héroïnes, personnages secondaires qui reviennent à un moment ou à un autre dans une histoire où ils seront héros. C'est des intrigues qui se croisent, dans une savante orchestration. Parfaitement bien fait.
C'est aussi le Rêve, un personnage excellent, a bien des facettes et qui aura un rôle différent dans chaque histoire, entre sauveur ou assassin, Deus Ex Machina ou victime. Le rêve est présenté sous bien des facettes.
C'est enfin une flopée d'histoires, courtes ou longues, le tout mélangé, qui nous donne envie de lire encore une à chaque tome, rien qu'une encore puis on s'arrête. Dès que j'ai commencé à le lire, ce fut pire que des cacahuètes.
Gaiman nous insuffle en plus une imagination débordante ! Rien que dans le premier tome ça foisonne d'excellentes idées, dans tous les sens. Et je ne parle pas de tous les aspects (féeriques, contes, morales, poésie, théâtre, historique) qu'on retrouve dans les histoires. Et puis, tous les mystères qui se créent et se dévoilent en permanence ... C'est superbe, c'est beau ! Quel grand auteur !
Je reconnais une chose : si vous n'arrivez pas à lire, je peux le comprendre. C'est un style d'histoire, et il faut vraiment apprécier le genre. Mais si vous avez tenu un tome et que ça vous plait, lisez tout le reste, c'est du même acabit. Je peux comprendre qu'on n'aime pas, et si vous n'y arrivez pas, ne forcez pas. Passez à autre chose.
Pour tous les autres, lisez-le. C'est une série de BD qui m'a pris aux tripes et que je lis, relis avec le même enthousiasme, le même plaisir. Une série comme ça, ça ne se trouve pas tous les jours, sautez sur l'occasion ! Je suis littéralement scotché à cette BD et je crois bien que je serai accro définitivement.
Du comme ça, je n'en avais encore jamais lu. C'est unique en son genre, et ça mérite toute l'attention qu'on peut lui accorder. Une œuvre culte, oui. Simplement culte. A lire.
Je m'aperçois que je n'ai pas encore noté cette série de courts pastiches iconoclastes que je lisais pourtant dans les derniers numéros de Pilote que j'ai acheté en 1970-71 ; peu après, j'allais abandonner ce magazine qui m'avait tant diverti à cause d'une arrivée de nouveaux auteurs et nouvelles séries qui ne m'intéressaient pas vraiment. Mais ce duo de fous, Gotlib et Alexis, comment les oublier ?
Les 2 compères se lancent dans une entreprise de démolition systématique de tous les mythes littéraires et cinématographiques avec une jubilation explosive ; on sent bien que ça les fait vraiment marrer de mettre en pièces tous ces classiques en accumulant les clichés les plus éculés. C'est un humour à la fois dévastateur et même gentiment irrévérencieux, mais aussi très potache, du Gotlib quoi...
Contrairement à certaines autres compilations humoristiques de ce type, il n'y a pas vraiment de séquences inégales, toutes se valent à peu près, le lecteur aura plutôt des préférées, et les plus jeunes seront peut-être moins réceptifs devant ces sujets qui ne seront pas de leur génération (notamment la parodie sur Chapeau Melon & Bottes de cuir, une série TV peut-être oubliée pour les plus jeunes, mais pour les gens de ma génération, c'est très parlant). Pour ma part, j'ai un petit faible pour les parodies d'Hamlet et de Notre-Dame de Paris (avec une gueule de Quasimodo incroyable) qui sont les plus désopilantes ; celle des films de chevalerie n'est pas mal non plus, elle m'a rappelé plein de vieux films.
L'humour fracassant de Gotlib est semblable à ce qu'on verra dans les premiers Superdupont, et le dessin semi-réaliste et esthétique d'Alexis qui donne de jolis physiques à ses héroïnes Esmeralda ou Marguerite Gautier, accentue le côté décalé de ces saynètes.
Un vrai remède à la morosité, un grand moment de rire jouissif.
Voilà une série qui m'a longtemps résisté depuis le temps que je voulais la lire. Je dois bien avouer que ce fut un plaisir à la lecture car il y a là un riche travail historique avec des dessins magnifiques avec ce trait réaliste et fluide.
L'aventure évite la narration pesante et ennuyeuse. La guerre de 100 ans devient en quelque sorte passionnante à lire. C'est une période que je ne connaissais pas bien. Je ne savais pas à quel point le royaume de France était divisé entre les armagnacs et les bourguignons alors que le danger d'une menace extérieure atteignait son paroxysme.
En effet, dans ce contexte de guerres civiles, l'Angleterre rêve de reprendre les destinées du royaume et il faudra le courage de certains hommes pour s'y opposer. Pourtant, le roi est fou et son premier connetable a fait assassiner ses deux héritiers pour mettre sur le dos des ennemis au parti.
Attention, le trône d'argile n'est pas un livre d'histoire mais une oeuvre de fiction avec son scénario propre. En ce qui concerne le fameux mystère Jeanne d'Arc, les scénaristes vont faire appel à l'alchimie comme pour rationaliser cette thèse parmi d'autres. Pour autant, je trouve que c'est la plus crédible.
En conclusion, une excellente série qui évite les pièges du genre didactique. Une lisibilité parfaite associé au charisme des personnages feront le reste. Magistralement dessiné et mise en scène, le trône d'argile ne pourra que vous séduire.
Rares sont désormais les séries que j'achète. J'ai atteint un point de saturation et il me faut surtout compléter toutes les séries existantes. Et pourtant, j'ai fais une réelle exception pour le trône d'argile que j'ai découvert bien tardivement. Une récente relecture n'a fait que confirmer tout le bien que je pense de cette série historique. C'est l'une des meilleures d'un genre que j'affectionne.
Note Dessin:4/5 - Note Scénario: 4.5/5 - Note Globale: 4.25/5
Le plus gros reproche que j'ai à la lecture d'une BD de Tardi, en général, ce sont les tronches abominablement laides qu'habituellement il dessine. Ca me suffit en général à rendre très amère la lecture ....
Chose peu commune, dans cette BD-ci, d'une part il y a peu de tronches en gros plan (généralement des plans entiers ou plans américains) et de plus, lorsqu'il y en a, elles ont été nettement plus travaillées qu'à l'accoutumée.
Je me suis donc surpris à lire mon premier Tardi sans cette répulsion graphique sur les faciès dessinés !
Les décors, comme souvent chez lui, sont fabuleux ; en tant que lecteur, on patauge graphiquement dans la fange comme les poilus ; aucune concession sur l'ambiance graphique qui colle de pair avec le scénario.
Le scénario est pour le moins inhabituel puisqu'il démontre que les véritables ennemis des soldats de chaque armée, ce n'est pas seulement l'armée d'en face, mais également leurs conditions de vie ainsi que leur propre hiérarchie prête à abattre chaque soldat qui n'accepterait pas de se rendre au charnier, parfois sur des ordres les plus farfelus ...
Bigre, à la lecture, l'on se dit qu'il ne faisait pas bon d'avoir entre 18 et 40 ans en ce temps là ....
Tardi nous conte une sublime descente aux enfers de plus de 100 pages et nous amène à nous demander d'où venait le manque d'imagination général des armées qui ont répété pendant 4 ans la même conception du combat toujours vouée à l'échec.
A savoir un gros tir d'obus suivi d'un lancé de troupes pour l’abattoir.
Et à la lecture de cette BD, l'on est en droit de se demander avec le recul si la capacité d'analyse des militaires gradés était-elle à ce point absconse qu'ils n'aient pu envisager en guise de tactique de combat d'autres scénarios moins sanglants et plus efficaces en terme de résultats.
Et l'on peut supposer être en phase avec Tardi en se disant que devant pareille crétinerie militaire, - ou lobbys sur la vente de canons et d'obus ? - Léonard de Vinci dut se retourner quelquefois dans sa tombe ....
A lire, tout simplement !
Je réserve mon cinquantième avis à Gil Jourdan, un des monuments encore mal connu de la bande dessinée.
Je ne l'ai pas jamais lu "en direct" dans Spirou ; j'étais trop jeune quand Maurice Tillieux s'est tué dans un accident de voiture, bien trop jeune lui aussi.
C'est à la médiathèque de la ville où j'allais au lycée, au milieu des années 1980, que j'ai emprunté presque par hasard le volume de l'intégrale regroupant les trois premiers albums de la série. Et ce fut un ravissement, qui s'est poursuivi à chacune de mes nombreuses relectures.
Gil Jourdan est la série qui marque l'apogée du génie de Tillieux. Son imagination débordante, ses scénarios ciselés, son sens du rythme, son trait délié, ses ambiances inimitables de films noirs, ses personnages à la fois burlesques et réalistes, son humour oscillant entre le pince-sans-rire et le calembour débile font de lui un des virtuoses du neuvième art. Il fut un infatigable dessinateur et un scénariste prolixe. Durant les dix années passées à dessiner dans Heroïc-Albums à un rythme forcené, il a peaufiné son style, en particulier à partir des nombreux épisodes de la série Félix (Tillieux), le grand frère de Gilles Jourdan.
Lorsqu'il se lance dans son grand œuvre pour le compte du magazine Spirou, il réussit d'emblée l'exploit de livrer une œuvre intemporelle. Certes les aventures de Gil Jourdan sont datées car le souci du détail de Tillieux le pousse à restituer précisément les décors et les voitures dans lesquels s'inscrivent ses histoires, entre les années 1950 et les années Pompidou. Mais la modernité du traitement graphique et la vivacité des dialogues les rendent indémodables. Et quelle originalité dans les intrigues ! Gil Jourdan reprend parfois le synopsis d'histoires courtes expérimentées dans Félix, en corrigeant leurs défauts pour les développer sur un album complet. Les trames narratives de Tillieux cachent un mécanisme implacable sous leur apparente simplicité.
Un ravissement, vous dis-je !
J'ai souvent lu que le déficit de notoriété de cette magnifique série s'expliquait parce que Gil Jourdan se situe entre Tintin et Spirou, et Maurice Tillieux entre Hergé et Franquin, mais toujours un cran en-dessous. Je ne comprends pas ce jugement et je soutiens que les albums de Gil Jourdan ont leur place au "top ten" des plus grands classiques de la bande dessinée. J'envie sincèrement les lecteurs qui les découvrent et leur souhaite de ressentir le même emballement que celui qui fut le mien il y a trente ans.
En attaquant les premières pages de cette BD « animalière », on ne sait pas trop à quoi s’attendre. Un décor idyllique avec des personnages à tête d’animaux dans une mignonne petite cabane au bord de l’eau, le tout dans un style « cartoon », ça donne un côté enfantin, à la limite presque mièvre. Mais en même temps, ça tape la belote, ça sirote des « binouzes » et ça cause argot. Et puis il y a ces petits papiers contenant des citations qui mystérieusement sortent chaque jour du chapeau d’Abélard, une jolie trouvaille. Du coup, on est un peu titillé, ce décalage entre le dessin et le propos est pour le moins paradoxal, et on est pressé de voir de quoi il retourne… Abélard veut donc parcourir le monde pour retrouver sa belle, c’est ainsi qu’on va le suivre dans son périple où rien ne se passera comme prévu, mais je ne peux décidément pas en dire plus…
L’histoire est à ranger dans la catégorie « quête initiatique », mais une quête étonnamment sombre avec une toute petite lueur au bout d’un tunnel peu rassurant, avec à la clé une réflexion grave et désabusée sur le voyage, la solitude, le racisme, l’intolérance, bref, le monde comme il va en somme... C’est aussi et surtout une magnifique - et je pèse mes mots - histoire d’amitié entre deux êtres (Abélard le moineau candide et Gaston l’ours grognon) qui n’ont a priori rien à faire ensemble… Quant au trait stylisé et empreint d’une belle poésie de Dillies, il confère idéalement un peu de légèreté à l’ensemble.
« Abélard » s’est avéré être pour moi une énorme claque mais une claque d’une infinie tendresse qui m’a laissé chancelant, brisé par l’émotion, laissant chaque pore de ma peau, chaque fibre de mon âme, en totale empathie avec ce tout petit personnage de rien du tout qu’est Abélard. Mais attention, aucune sensiblerie de pacotille ici ! C’est juste incroyable à quel point l’alchimie d’un dessin « naïf » allié à des textes graves voire pessimistes fonctionne bien ici et peut produire quelque chose d’extrêmement bouleversant.
Ceci n’est donc pas une BD pour enfants, vous l’aurez compris. Il s’agit plus exactement d’une BD qui parvient à nous rappeler, avec intelligence, qu’on a été un jour un enfant… Je ne peux ainsi qu’exprimer mon infinie reconnaissance à Régis Hautière et Renaud Dillies de nous avoir offert ce petit bijou à côté duquel il serait vraiment dommage de passer.
Alors là chapeau bas l'artiste. Cet album est absolument magnifique. Rien que pour le dessin il mérite 4/5. Le cheminement est bien fait et n'est pas trop alourdi par le texte contenu entre chaque partie. Un réel plaisir de découvrir l'histoire de notre terre présentée comme cela. Seul bémol : j'aurais aimé à la fin de l'album que l'auteur liste toutes les allusions faites aux religions, cinéma BD... qui sont en nombre incalculable.
J'attends la suite avec impatience pour faire passer cette oeuvre en culte.
Mise à jour après lecture du tome 2
Jens Harder poursuit son travail avec talent. Quel plaisir pour les yeux de découvrir à chaque page les détails de chacune des cases. Si on pourrait rechigner en prétextant qu'il passe rapidement sur des pans et des pans de l'histoire on ne peut que saluer le travail titanesque accompli par l'auteur sur cette série et on excuse ce petit défaut car s'il voulait être précis et exhaustif il faudrait une bonne centaine de tomes et des dizaines d'années de travail pour y arriver.
Pour répondre à Moke ci-dessous, je lui conseille de lire les postfaces des deux albums pour se rendre compte que l'auteur, loin de vouloir coupler sciences et religion, cherche juste à montrer qu'en tout temps on a construit des représentations (dessins, peintures rupestres, sculptures, cinéma, BD...) pour expliquer et montrer des phénomènes et des évolutions et qu'au travers de l'explication scientifique il nous montre des représentations de différentes époques sur ce qu'il explique et dessine. Il faut d'ailleurs souligner que l'ensemble des religions sont représentées même s'il y a une prédominance de la culture judéo-chrétienne car rappelons le l'auteur est allemand et donc issu de cette culture.
Vivement le tome 3 qui devrait arriver avant 2020 paraît-il.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
Indépendante depuis sa création en 1998, Cultura se donne pour mission de faire vivre et aimer la culture.
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
Chroniques de Jérusalem
Comme dans chacun de ses récits/reportages, Guy Delisle nous transporte et nous fait découvrir une région du monde, plutôt inaccessible autrement. Ses errances restent curieuses et instructives pour le lecteur. Il présente ses découvertes de manière assez objective, ne prenant pas vraiment part au conflit, mais en gardant un regard assez naïf sur les évènements. J'apprécie également la manière dont il assume ses défauts et ses vilains penchants (qui surgissent parfois... un peu comme pour chacun d'entre nous non ?). Son trait est à la fois simple et détaillé. Poétique et non surfait. Bref, un récit très instructif sur cet endroit et ce conflit qui ne sont pas simples. Je recommande vivement !
Le Horla (Sorel)
De toutes les œuvres littéraires que j’avais étudiées en son temps à l’Ecole, j’avais surtout retenu la nouvelle fantastique de Guy de Maupassant. Le Horla, c’est d’abord un journal intime d’un homme qui va rapporter ses peurs et ses angoisses face à un mal qui le ronge de l’intérieur. On pouvait percevoir plusieurs lectures possibles : la maladie ? la folie ? ou bien une possession démoniaque ? Il est vrai que le Horla est représenté par un être invisible, ce qui laisse libre cours à l’interprétation. Pourtant, notre auteur Guillaume Sorel a choisi la voie de l'irrationnel à savoir celle de l’esprit dans sa cohabitation avec un être surnaturel. On observera également une grande part laissée à son animal favori : le chat qui joue déjà un grand rôle dans sa série Algernon Woodcock ou plus récemment dans Hotel Particulier. Ce félin n’a-t-il pas la réputation de ressentir les choses avant les hommes ? Il a senti la présence du Horla bien avant son maître et a pu par conséquent se mettre à l’abri en fuyant. J’ai bien aimé cette adaptation en bande dessinée de ce que je considère comme le chef d’œuvre de Maupassant car ce titre allait préfigurer le genre de la science-fiction et du fantastique. On va éprouver toute la solitude du personnage principal, on va suivre ses angoisses jusqu’à son basculement dans une espèce de folie qui le ravage de l’intérieur. De la quiétude, on va passer à l’inquiétude. Du raisonnement logique, on va sombrer dans l’ésotérisme. Que dire de cette bd ? Le dessin est tout d’abord une pure merveille. L’auteur est parvenu au sommet de son art. C’est franchement de belles planches à admirer. Je me souviens notamment de l’arrivée royale de ce navire brésilien dans la rade normande. J’ai été littéralement subjugué par le trait ainsi que par les couleurs harmonieuses. La lecture me fut très agréable. Cette réflexion sur l’irrationnel peut sans doute nous amener à une réponse qui ne sera sans doute pas parfaite. Au-delà de toute pensée torturée, c’est l’œuvre qui nous emporte avec cette atmosphère qui s’alourdit et cette tension croissante jusqu’au final effroyable. On n’oubliera pas de sitôt cette adaptation réussie. Note Dessin: 4.5/5 - Note Scénario: 4.5/5 - Note Globale: 4.5/5
Alpha... directions / Beta... civilisations
Tout d’abord, l’objet : un vrai pavé, dans lequel on a plaisir à se plonger, il s’agit d’une véritable expérience immersive. L’ouvrage est par ailleurs inclassable : on pourrait parler de documentaire scientifique voire historique, mais cela resterait incomplet, l’auteur apportant en outre son œil artistique en glissant à bon escient de multiples références dans la chronologie rigoureuse de cette épopée, qu’elles soient en rapport avec l’art, la science ou la religion. Ainsi, les cases se répondent, comme s’il y avait discussion entre les temps primitifs et l’humanité avec ses connaissances, ses croyances, ses mythes, ses questionnements. C’est toujours étonnant, érudit, rafraîchissant, parfois décalé, parfois humoristique (la mouche de Trondheim virevoltant au milieu des sauriens volants, par exemple). Le dessin est remarquablement précis, mais aussi très agréable à l’œil, rehaussé par une belle bichromie dont les teintes désaturées évoluent au fil des pages en parcourant le cercle chromatique. Une page de résumé des principaux événements vient clore chaque chapitre, ce qui n’est pas trop assommant pour les plus réfractaires à la science. C’est un vrai défi auquel a été confronté l’auteur, élaborant quelque chose qui n’avait jamais été fait : mettre en images l’histoire de l’Univers depuis les origines. Qui en effet pouvait imaginer qu’un auteur de BD puisse un jour représenter les premiers instants succédant au Big Bang, le début de l’espace-temps, l’ère de Planck (d’une durée infinitésimale de 10-44 seconde !), les quarks, antiquarks et autres particules subatomiques, etc. Eh bien Jens Harder l’a fait, avec brio et de façon tout à fait originale (voir plus haut). C’est passionnant, fascinant, grandiose. Comme un gosse, on reste tout simplement admiratif devant un tel travail, imaginant la somme d’archives et de documents qu’il a fallu réunir pour produire une telle œuvre. Parallèlement on est saisi de vertige devant le génie de la nature mais aussi en pensant aux périodes immensément longues qui ont été nécessaires aux transformations les plus infimes, si l’on raisonne en temps humain. Incontestablement, on peut parler d’un chef d’œuvre qui fera date. C’est donc avec impatience que j’attends la sortie des deux tomes qui devraient suivre, l’un consacré à l’histoire de l’humanité et l’autre au futur.
PS : je salue au passage l’excellente critique de Sejy
--------------------
Avis sur "Beta... civilisations - volume 1"
Cinq ans. C’est le temps qu’il aura fallu à Jens Harder pour accoucher de ce nouveau volet, qui au départ prévu en une seule parution, fera finalement l’objet de deux volumes. D’emblée il faut bien l’avouer, l’effet de surprise ressenti avec « Alpha… directions » s’est dissipé ici, mais le mode de narration verticale reste très original. L’auteur déroule le récit de l’évolution à sa façon, en établissant au fil des pages des passerelles entre les époques, à l’aide d’une iconographie abondante, populaire ou érudite, ne s’interdisant aucun domaine, de la peinture à la pub en passant par le cinéma, la photo ou tout naturellement la BD.
C’est parfois un peu prévisible dans le sens on finit par deviner plus ou moins où Harder veut nous emmener, mais ce dernier garde toujours cette volonté de surprendre le lecteur dans le choix des références, évitant ainsi l’exposé scolaire. Bien sûr il m’est arrivé d’être saisi par le doute, agacé parfois par une certaine redondance, mais au final il faut convenir que le procédé basé sur un dialogue entre les images d’un côté et les époques de l’autre fonctionne à merveille. Et si l’on admet l’idée qu’il s’agit d’une lecture lente, ou plus exactement contemplative, on ne pourra être que fasciné en s’inclinant devant l’ampleur de la tâche. Comme on pourra le voir en annexe, l’auteur sait pourtant rester modeste : « Je n’ai rien inventé (…). Il s’agit plutôt d’un récit de l’évolution – mon récit, avec mes propres axes et fils rouges – comme je pourrais peut-être le faire à mes enfants, mais qui laisse de côté énormément de choses (et en ignore encore plus). » Il revendique par ailleurs son athéisme pour ceux qui seraient tentés d’interpréter son œuvre au vu de leurs propres croyances. Et précise de manière facétieuse à l’attention des fans de mangas : « Si par habitude, tu as ouvert Beta [par la fin], tu es cordialement invité à poursuivre ta lecture dans le sens qui t’est familier (…). A condition de veiller à lire chaque page non seulement de droite à gauche, mais aussi de bas en haut »
Pour ce qui est de l’objet en lui-même, l’impression argentée dans des tons alternativement gris, kaki et sépia au fil des pages est du plus bel effet (il faut juste éviter de lire sous la lampe de chevet…), et constitue de fait un argument en faveur de l’édition papier face au numérique. Quitte à héberger des pavés comme celui-ci dans sa bibliothèque, autant qu’ils soient jolis…
Et c’est soudain avec horreur que je réalise que si Mister Harder parvient à mener à bien son projet ambitieux, le dernier volet consacré au futur de l’humanité, « Gamma… visions », pourrait ne sortir qu’en 2024 voire 2029 pour la deuxième partie s’il décide de faire une césure comme ici ! On espère ainsi qu’aucun météorite ne viendra s’écraser sur la Terre avant cette date…

Sandman
Bon, allez, je me décide à commenter cette lecture quand bien même je n'en suis qu'à la lecture du troisième tome de la réédition intégrale de Urban. Mais là, il faut que je le dise : c'est une pure tuerie ! Voire mieux. C'est un chef-d’œuvre. Déjà, juste un mot sur l'édition Urban Comics, un véritable petit bijou qui compile les albums et qui nous rajoute plein de bonus, des galeries d'images ou des interviews, des compléments, des crayonnés, plein de détails supplémentaires. C'est pas indispensable, mais on y trouve des explications sur l'ensemble de la série par l'auteur en personne, et ça éclaire de façon magistrale cette série complexe. Ensuite, et pour éliminer tout de suite ce qui fâche, parlons du dessin. Car oui, c'est franchement moche. Enfin, tout dépend. Encore une fois, quand une œuvre présente un dessinateur différent à chaque histoire, il est presque impossible de qualifier le dessin. Certains sont potables, d'autres réussis, d'autres superbes (souvent les histoires très courtes et plus insignifiantes), globalement assez moche et pas agréable. Mais ça reste potable, notamment dans les constructions des pages. Le gros défaut, c'est qu'on retrouve en permanence des personnages qu'on a vu dans d'autres histoires, et lorsque les têtes changent énormément, c'est pas facile. Par contre, le reste ... C'est Neil Gaiman : prenant, inventif, superbement mis en scène, intriguant, innovant, poétique, beau ... Tout y est ! Mais vraiment tout ! J'adore la façon dont Neil Gaiman arrive à mélanger tant de choses diverses pour obtenir ce mélange final. Un univers complet, créé et cohérent, qui nous livre tout ce qu'il peut livrer. Chaque histoire présente autre chose, tout est intéressant. C'est un intérêt perpétuellement renouvelé que ces histoires. C'est des personnages extraordinaires, entre les héros et héroïnes, personnages secondaires qui reviennent à un moment ou à un autre dans une histoire où ils seront héros. C'est des intrigues qui se croisent, dans une savante orchestration. Parfaitement bien fait. C'est aussi le Rêve, un personnage excellent, a bien des facettes et qui aura un rôle différent dans chaque histoire, entre sauveur ou assassin, Deus Ex Machina ou victime. Le rêve est présenté sous bien des facettes. C'est enfin une flopée d'histoires, courtes ou longues, le tout mélangé, qui nous donne envie de lire encore une à chaque tome, rien qu'une encore puis on s'arrête. Dès que j'ai commencé à le lire, ce fut pire que des cacahuètes. Gaiman nous insuffle en plus une imagination débordante ! Rien que dans le premier tome ça foisonne d'excellentes idées, dans tous les sens. Et je ne parle pas de tous les aspects (féeriques, contes, morales, poésie, théâtre, historique) qu'on retrouve dans les histoires. Et puis, tous les mystères qui se créent et se dévoilent en permanence ... C'est superbe, c'est beau ! Quel grand auteur ! Je reconnais une chose : si vous n'arrivez pas à lire, je peux le comprendre. C'est un style d'histoire, et il faut vraiment apprécier le genre. Mais si vous avez tenu un tome et que ça vous plait, lisez tout le reste, c'est du même acabit. Je peux comprendre qu'on n'aime pas, et si vous n'y arrivez pas, ne forcez pas. Passez à autre chose. Pour tous les autres, lisez-le. C'est une série de BD qui m'a pris aux tripes et que je lis, relis avec le même enthousiasme, le même plaisir. Une série comme ça, ça ne se trouve pas tous les jours, sautez sur l'occasion ! Je suis littéralement scotché à cette BD et je crois bien que je serai accro définitivement. Du comme ça, je n'en avais encore jamais lu. C'est unique en son genre, et ça mérite toute l'attention qu'on peut lui accorder. Une œuvre culte, oui. Simplement culte. A lire.
Cinémastock
Je m'aperçois que je n'ai pas encore noté cette série de courts pastiches iconoclastes que je lisais pourtant dans les derniers numéros de Pilote que j'ai acheté en 1970-71 ; peu après, j'allais abandonner ce magazine qui m'avait tant diverti à cause d'une arrivée de nouveaux auteurs et nouvelles séries qui ne m'intéressaient pas vraiment. Mais ce duo de fous, Gotlib et Alexis, comment les oublier ? Les 2 compères se lancent dans une entreprise de démolition systématique de tous les mythes littéraires et cinématographiques avec une jubilation explosive ; on sent bien que ça les fait vraiment marrer de mettre en pièces tous ces classiques en accumulant les clichés les plus éculés. C'est un humour à la fois dévastateur et même gentiment irrévérencieux, mais aussi très potache, du Gotlib quoi... Contrairement à certaines autres compilations humoristiques de ce type, il n'y a pas vraiment de séquences inégales, toutes se valent à peu près, le lecteur aura plutôt des préférées, et les plus jeunes seront peut-être moins réceptifs devant ces sujets qui ne seront pas de leur génération (notamment la parodie sur Chapeau Melon & Bottes de cuir, une série TV peut-être oubliée pour les plus jeunes, mais pour les gens de ma génération, c'est très parlant). Pour ma part, j'ai un petit faible pour les parodies d'Hamlet et de Notre-Dame de Paris (avec une gueule de Quasimodo incroyable) qui sont les plus désopilantes ; celle des films de chevalerie n'est pas mal non plus, elle m'a rappelé plein de vieux films. L'humour fracassant de Gotlib est semblable à ce qu'on verra dans les premiers Superdupont, et le dessin semi-réaliste et esthétique d'Alexis qui donne de jolis physiques à ses héroïnes Esmeralda ou Marguerite Gautier, accentue le côté décalé de ces saynètes. Un vrai remède à la morosité, un grand moment de rire jouissif.
Le Trône d'argile
Voilà une série qui m'a longtemps résisté depuis le temps que je voulais la lire. Je dois bien avouer que ce fut un plaisir à la lecture car il y a là un riche travail historique avec des dessins magnifiques avec ce trait réaliste et fluide. L'aventure évite la narration pesante et ennuyeuse. La guerre de 100 ans devient en quelque sorte passionnante à lire. C'est une période que je ne connaissais pas bien. Je ne savais pas à quel point le royaume de France était divisé entre les armagnacs et les bourguignons alors que le danger d'une menace extérieure atteignait son paroxysme. En effet, dans ce contexte de guerres civiles, l'Angleterre rêve de reprendre les destinées du royaume et il faudra le courage de certains hommes pour s'y opposer. Pourtant, le roi est fou et son premier connetable a fait assassiner ses deux héritiers pour mettre sur le dos des ennemis au parti. Attention, le trône d'argile n'est pas un livre d'histoire mais une oeuvre de fiction avec son scénario propre. En ce qui concerne le fameux mystère Jeanne d'Arc, les scénaristes vont faire appel à l'alchimie comme pour rationaliser cette thèse parmi d'autres. Pour autant, je trouve que c'est la plus crédible. En conclusion, une excellente série qui évite les pièges du genre didactique. Une lisibilité parfaite associé au charisme des personnages feront le reste. Magistralement dessiné et mise en scène, le trône d'argile ne pourra que vous séduire. Rares sont désormais les séries que j'achète. J'ai atteint un point de saturation et il me faut surtout compléter toutes les séries existantes. Et pourtant, j'ai fais une réelle exception pour le trône d'argile que j'ai découvert bien tardivement. Une récente relecture n'a fait que confirmer tout le bien que je pense de cette série historique. C'est l'une des meilleures d'un genre que j'affectionne. Note Dessin:4/5 - Note Scénario: 4.5/5 - Note Globale: 4.25/5
C'était la guerre des tranchées
Le plus gros reproche que j'ai à la lecture d'une BD de Tardi, en général, ce sont les tronches abominablement laides qu'habituellement il dessine. Ca me suffit en général à rendre très amère la lecture .... Chose peu commune, dans cette BD-ci, d'une part il y a peu de tronches en gros plan (généralement des plans entiers ou plans américains) et de plus, lorsqu'il y en a, elles ont été nettement plus travaillées qu'à l'accoutumée. Je me suis donc surpris à lire mon premier Tardi sans cette répulsion graphique sur les faciès dessinés ! Les décors, comme souvent chez lui, sont fabuleux ; en tant que lecteur, on patauge graphiquement dans la fange comme les poilus ; aucune concession sur l'ambiance graphique qui colle de pair avec le scénario. Le scénario est pour le moins inhabituel puisqu'il démontre que les véritables ennemis des soldats de chaque armée, ce n'est pas seulement l'armée d'en face, mais également leurs conditions de vie ainsi que leur propre hiérarchie prête à abattre chaque soldat qui n'accepterait pas de se rendre au charnier, parfois sur des ordres les plus farfelus ... Bigre, à la lecture, l'on se dit qu'il ne faisait pas bon d'avoir entre 18 et 40 ans en ce temps là .... Tardi nous conte une sublime descente aux enfers de plus de 100 pages et nous amène à nous demander d'où venait le manque d'imagination général des armées qui ont répété pendant 4 ans la même conception du combat toujours vouée à l'échec. A savoir un gros tir d'obus suivi d'un lancé de troupes pour l’abattoir. Et à la lecture de cette BD, l'on est en droit de se demander avec le recul si la capacité d'analyse des militaires gradés était-elle à ce point absconse qu'ils n'aient pu envisager en guise de tactique de combat d'autres scénarios moins sanglants et plus efficaces en terme de résultats. Et l'on peut supposer être en phase avec Tardi en se disant que devant pareille crétinerie militaire, - ou lobbys sur la vente de canons et d'obus ? - Léonard de Vinci dut se retourner quelquefois dans sa tombe .... A lire, tout simplement !
Gil Jourdan
Je réserve mon cinquantième avis à Gil Jourdan, un des monuments encore mal connu de la bande dessinée. Je ne l'ai pas jamais lu "en direct" dans Spirou ; j'étais trop jeune quand Maurice Tillieux s'est tué dans un accident de voiture, bien trop jeune lui aussi. C'est à la médiathèque de la ville où j'allais au lycée, au milieu des années 1980, que j'ai emprunté presque par hasard le volume de l'intégrale regroupant les trois premiers albums de la série. Et ce fut un ravissement, qui s'est poursuivi à chacune de mes nombreuses relectures. Gil Jourdan est la série qui marque l'apogée du génie de Tillieux. Son imagination débordante, ses scénarios ciselés, son sens du rythme, son trait délié, ses ambiances inimitables de films noirs, ses personnages à la fois burlesques et réalistes, son humour oscillant entre le pince-sans-rire et le calembour débile font de lui un des virtuoses du neuvième art. Il fut un infatigable dessinateur et un scénariste prolixe. Durant les dix années passées à dessiner dans Heroïc-Albums à un rythme forcené, il a peaufiné son style, en particulier à partir des nombreux épisodes de la série Félix (Tillieux), le grand frère de Gilles Jourdan. Lorsqu'il se lance dans son grand œuvre pour le compte du magazine Spirou, il réussit d'emblée l'exploit de livrer une œuvre intemporelle. Certes les aventures de Gil Jourdan sont datées car le souci du détail de Tillieux le pousse à restituer précisément les décors et les voitures dans lesquels s'inscrivent ses histoires, entre les années 1950 et les années Pompidou. Mais la modernité du traitement graphique et la vivacité des dialogues les rendent indémodables. Et quelle originalité dans les intrigues ! Gil Jourdan reprend parfois le synopsis d'histoires courtes expérimentées dans Félix, en corrigeant leurs défauts pour les développer sur un album complet. Les trames narratives de Tillieux cachent un mécanisme implacable sous leur apparente simplicité. Un ravissement, vous dis-je ! J'ai souvent lu que le déficit de notoriété de cette magnifique série s'expliquait parce que Gil Jourdan se situe entre Tintin et Spirou, et Maurice Tillieux entre Hergé et Franquin, mais toujours un cran en-dessous. Je ne comprends pas ce jugement et je soutiens que les albums de Gil Jourdan ont leur place au "top ten" des plus grands classiques de la bande dessinée. J'envie sincèrement les lecteurs qui les découvrent et leur souhaite de ressentir le même emballement que celui qui fut le mien il y a trente ans.
Abélard
En attaquant les premières pages de cette BD « animalière », on ne sait pas trop à quoi s’attendre. Un décor idyllique avec des personnages à tête d’animaux dans une mignonne petite cabane au bord de l’eau, le tout dans un style « cartoon », ça donne un côté enfantin, à la limite presque mièvre. Mais en même temps, ça tape la belote, ça sirote des « binouzes » et ça cause argot. Et puis il y a ces petits papiers contenant des citations qui mystérieusement sortent chaque jour du chapeau d’Abélard, une jolie trouvaille. Du coup, on est un peu titillé, ce décalage entre le dessin et le propos est pour le moins paradoxal, et on est pressé de voir de quoi il retourne… Abélard veut donc parcourir le monde pour retrouver sa belle, c’est ainsi qu’on va le suivre dans son périple où rien ne se passera comme prévu, mais je ne peux décidément pas en dire plus… L’histoire est à ranger dans la catégorie « quête initiatique », mais une quête étonnamment sombre avec une toute petite lueur au bout d’un tunnel peu rassurant, avec à la clé une réflexion grave et désabusée sur le voyage, la solitude, le racisme, l’intolérance, bref, le monde comme il va en somme... C’est aussi et surtout une magnifique - et je pèse mes mots - histoire d’amitié entre deux êtres (Abélard le moineau candide et Gaston l’ours grognon) qui n’ont a priori rien à faire ensemble… Quant au trait stylisé et empreint d’une belle poésie de Dillies, il confère idéalement un peu de légèreté à l’ensemble. « Abélard » s’est avéré être pour moi une énorme claque mais une claque d’une infinie tendresse qui m’a laissé chancelant, brisé par l’émotion, laissant chaque pore de ma peau, chaque fibre de mon âme, en totale empathie avec ce tout petit personnage de rien du tout qu’est Abélard. Mais attention, aucune sensiblerie de pacotille ici ! C’est juste incroyable à quel point l’alchimie d’un dessin « naïf » allié à des textes graves voire pessimistes fonctionne bien ici et peut produire quelque chose d’extrêmement bouleversant. Ceci n’est donc pas une BD pour enfants, vous l’aurez compris. Il s’agit plus exactement d’une BD qui parvient à nous rappeler, avec intelligence, qu’on a été un jour un enfant… Je ne peux ainsi qu’exprimer mon infinie reconnaissance à Régis Hautière et Renaud Dillies de nous avoir offert ce petit bijou à côté duquel il serait vraiment dommage de passer.
Alpha... directions / Beta... civilisations
Alors là chapeau bas l'artiste. Cet album est absolument magnifique. Rien que pour le dessin il mérite 4/5. Le cheminement est bien fait et n'est pas trop alourdi par le texte contenu entre chaque partie. Un réel plaisir de découvrir l'histoire de notre terre présentée comme cela. Seul bémol : j'aurais aimé à la fin de l'album que l'auteur liste toutes les allusions faites aux religions, cinéma BD... qui sont en nombre incalculable. J'attends la suite avec impatience pour faire passer cette oeuvre en culte. Mise à jour après lecture du tome 2 Jens Harder poursuit son travail avec talent. Quel plaisir pour les yeux de découvrir à chaque page les détails de chacune des cases. Si on pourrait rechigner en prétextant qu'il passe rapidement sur des pans et des pans de l'histoire on ne peut que saluer le travail titanesque accompli par l'auteur sur cette série et on excuse ce petit défaut car s'il voulait être précis et exhaustif il faudrait une bonne centaine de tomes et des dizaines d'années de travail pour y arriver. Pour répondre à Moke ci-dessous, je lui conseille de lire les postfaces des deux albums pour se rendre compte que l'auteur, loin de vouloir coupler sciences et religion, cherche juste à montrer qu'en tout temps on a construit des représentations (dessins, peintures rupestres, sculptures, cinéma, BD...) pour expliquer et montrer des phénomènes et des évolutions et qu'au travers de l'explication scientifique il nous montre des représentations de différentes époques sur ce qu'il explique et dessine. Il faut d'ailleurs souligner que l'ensemble des religions sont représentées même s'il y a une prédominance de la culture judéo-chrétienne car rappelons le l'auteur est allemand et donc issu de cette culture. Vivement le tome 3 qui devrait arriver avant 2020 paraît-il.