Je me permets d’écrire un avis par tome, ces derniers étant relativement indépendants.
Tome 1 - Quitter Saïgon
Un de mes bons amis ici en Angleterre est un immigré vietnamien. Lui et sa famille ont fui leur pays natal pour l’Angleterre, la France, les USA… J’ai essayé d’aborder le sujet plusieurs fois, mais sans succès, de toute évidence ça n’a pas du être joyeux comme expérience.
Et justement dans ce bouquin, j’ai retrouvé des témoignages de gens dans la même situation délicate : être forcé de quitter son pays natal, sa culture, ses amis, en espérant trouver une vie meilleure ailleurs. Le sujet m’intéresse, et il est bien traité par Clément Baloup. C’est touchant, bien raconté, avec assez de détails mais sans trop en faire…
En plus le dessin est superbe.
J’ai vraiment passé un excellent moment de lecture…
Tome 2 - Little Saïgon
Ce deuxième tome est magistral… et je pèse mes mots : 250 pages grand format de témoignages plus touchants les uns que les autres. L’auteur a cette fois-ci eu la place pour s'étendre, que ce soit graphiquement ou narrativement, et nous parle non seulement des difficultés qu’ont eues les protagonistes à fuir le Vietnam, mais aussi de leur intégration douloureuse dans leur terre d’accueil, du fonctionnement de ces quartiers presque autarciques que l’on nomme « Little Saïgon»… Le ton est très humain, très juste, et la narration est fluide et parfaitement maitrisée. J’irai jusqu’à dire que ce recueil de témoignages n’a rien à envier aux meilleurs reportages de Joe Sacco, selon moi le pape du genre.
Un album remarquable, qui m’a beaucoup intéressé et touché, et que je recommande à tous les amateurs du genre.
Tome 3 - Les Mariées de Taiwan
Dans ce 3eme tome, l’auteur s’intéresse aux jeunes Vietnamiennes victimes d’un phénomène qui commença à la fin des années 90, lorsque plusieurs agences matrimoniales virent le jour au Vietnam pour organiser des rencontres avec des hommes taiwanais. Le sujet est un peu lugubre, avec ces femmes issues de familles pauvres (souvent paysannes) parachutées dans un pays inconnu et mariées à des hommes pas toujours très recommandables. Ceci dit, le ton est très juste et évite de tomber dans les clichés : certaines femmes souffrent de ce trafic, alors que d’autres refont leur vie à Taiwan, sont heureuses et épanouies, et permettent à leur famille de mieux vivre.
Un album un peu dérangeant, mais fascinant, et une nouvelle fois superbement mis en image !
Tome 4 - Les linh tho, immigrés de force
Clément Baloup continue son travail de recherche considérable sur le Vietnam et sa relation compliqué avec la France, en adaptant le roman du journaliste Pierre Daum « Immigrés de force, les travailleurs indochinois en France (1939-1952), Actes Sud, 2012 ». Au programme : les 20.000 travailleurs indochinois embauchés de force dans les années 1940, pour venir travailler en métropole pour “participer à l'effort de guerre”… Le propos est captivant, et la mise en image sublime, mais signalons quand même des textes très (trop) présents, la faute au format (témoignages textuels, publication originale en roman).
Tome 1
Je ne peux qu'appuyer mes prédécesseurs, c'est on ne peut plus sympathique, et il faut absolument l'avoir sous la main pour se redonner la pêche si l'on en manque tout-à-coup.
On s'identifie tout de suite à ce Pistolin, berger lambda qui est violemment secoué par l'arbitraire de mages omnipotents et ignorants des destinées qu'ils anéantissent. On transpose facilement cette exaspération devant l'incurie des puissants à n'importe quelle époque et pourquoi pas la nôtre...
Les visages, les dialogues, les réflexions des personnages (premiers comme seconds couteaux) sont très attachants et proches de nous. Le rôle muet de la brebis Myrtille, avec ses mimiques et ses postures, les ressorts dramatiques qu'elle fait sauter, son dessin tout simplement, est très réussi. J'ai gardé les brebis avec ma grand-mère pendant toutes mes vacances auvergnates et le caractère extrêmement peureux et difficile à suivre de la race ovine convient parfaitement au rôle.
Un bémol : Le coté rural du vocabulaire ne m'a pas paru très réussi, (genre le parisien qui s'imagine la campagne) mais heureusement ce n'est qu'un tic au début de l'album qui s'estompe au fur et à mesure que les personnages sont happés par leurs mésaventures.
Tome 2
Enchantée aussi, même si, bien-sûr, on n'a plus la surprise devant le caractère du héros. Le Pistolin a finalement la chance de se trouver face-à-face avec un mage... et il manque de se faire retourner comme une crêpe, il s'attendrit devant les malheurs du méchant, l'ennemi lui fait miroiter monts et merveilles, bref, on est sur les dents : comment va-t-il pouvoir arriver à ses fins et ne pas se faire soudoyer bêtement ?
Grâce à la fée, bien-sûr, qui toute alcoolique qu'elle soit, garde de la suite dans les idées...
Comment allier merveilleux et syndicalisme, humour et sentiment, appelez Pistolin, il a de la ressource !
Le thème abordé ici, le voyage dans le temps, n'est pas traité de manière théâtrale. Au contraire, Cyril Bonin nous offre dans ce one shot parfaitement maîtrisé, une application presque "domestique" de ce pouvoir que découvre le héros, Walter Benedict. Avec ce pendentif qu'on lui a donné, il ne cherche pas à bouleverser l'Histoire, mais juste à améliorer sa vie quotidienne par touches successives.
Ne recherchez pas d'effets spéciaux dans cette bande dessinée, mais la description de la vie d'un petit photographe de la fin des années 50 aux USA.
Je ne me suis pas ennuyé une seconde en lisant cette centaine de pages.
En outre, le dessin et les couleurs donnent une certaine douceur à cette histoire , qui sans en avoir l'air, reste tout de même une histoire fantastique.
T1: Sangre la survivante
Cela faisait des années que je n'avais pas ouvert un album édité par "Soleil" et à fortiori, une bande dessinée d'héroïc-fantasy.
Et bien, je dois dire que la lecture fut une bonne surprise.
Sans pour autant renouveler le genre, Arleston apporte un vent de fraicheur à ce genre avec Sangre, et ses difficultés d’élocutions et son pouvoir d'arrêter le temps . (ce pouvoir avait déjà été traité dans l'inégale série Phenomenum, en 2002)
Cette vengeance, qui s'étirera sur 8 volumes (cela fait peut-être beaucoup) est très bien construite, et évite tout l'humour un peu lourd que l'on pouvait trouver dans les habituels album d'Arleston.
Une très bonne surprise donc, avec un dessin de Floch qui ne souffre d'aucun défaut.
T2; Fesolggio l'inexorable facheux
Pour ma part, j'ai trouvé ce deuxième tome encore plus réussi que le précédent. Sans s'éloigner complètement des canons de l'héroïc-fantaisy, Arleston nous offre un scénario très bien ficelé.
L'incipit remarquable au demeurant, nous entraine quelques années en arrière, dans la vie de Fesolggio, la future cible de Sangre.
On pourrait presque lire cet opus de manière indépendante tant Arleston a tissé de manière adroite les mécanismes d'une vengeance à la "Monte-Cristo". On en oublierai presque que l'on évolue dans l'univers de l'héroïc-fantaisy.
Le dessin d'Adrien Floch est parfait pour cet univers.
Cet opus me réconcilie (définitivement?) avec les productions d'Arleston, et du coup je remonte aussi ma note à 4 étoiles.
Très agréablement surpris par la lecture de ce premier volume.
Kris nous raconte, une fois encore, une histoire toute empreinte d'humanité, sur un fonds tragique, l'occupation allemande en Bretagne.
Je ne sais pas si ce récit repose sur une vérité historique ou non (apparemment il est inspiré "en partie de faits réels") mais la description d'un village breton abritant un camp de prisonniers sénégalais, est tout à fait saisissante, et la générosité de ses habitants est très loin des clichés que l'on peut se faire de cette sombre période.
Beaucoup plus habitué au style de Jean Claude Fournier (que l'on retrouve sous les traits du père missionnaire, page 9) dans sa reprise de Spirou et Fantasio, il s'éloigne ici du pur franco-belge pour un univers un peu plus réaliste.
Une très belle surprise donc.
Vivement le tome 2.
Je crois que je n'avais pas ouvert un livre de Gipi depuis Notes pour une histoire de guerre. C'est en écoutant l'auteur à la radio, à l'occasion du prix RTL de la bd de l'année 2017, qu'il m'a donné envie de me procurer cette bande dessinée.
Ce pavé de près de 300 pages (non numérotées, au passage) se lit pourtant assez vite. Nous sommes plongés, dès le début, dans un univers glauque où deux jeunes garçons sauvages tuent un chien.
Sans connaître les raisons du monde post-apocalyptique dans lequel ils vivent, nous sommes happés par leur histoire. Le récit, très cinématographique au demeurant, peut faire songer à l'univers du roman de Cormac Mc Carthy, "La route", bien que l'ensemble de l'histoire se déroule autour d'un seul lieu, un lac.
Gipi aborde ici beaucoup de thèmes sans en avoir l'air : de l'éducation à l'amour filial, en passant par le fanatisme, nous suivons une véritable quête du Graal - avec le livre de leur père - entreprise par ces deux ados, livrés à eux-mêmes.
Mais cette histoire est véritablement sombre, cruelle, même sous le trait en noir et blanc, adroitement brouillon, de Gipi.
L'auteur ne laisse que très peu de place à l'espoir dans cette histoire, laissant le lecteur imaginer une fin.
Un livre très fort, que j'ai dévoré d'une traite et qui mérite amplement son prix et sa place dans la sélection du festival d'Angoulême cette année.
Je ne connaissais pas du tout l'anarchiste Alexandre Jacob et je n'ai aucune idée à quel point les auteurs ont romancé sa vie, ici, mais en tout cas une chose est certaine c'est le genre de biographie que j'aime lire en bande dessinée !
Déjà, l'album est plus long que 44 pages et du coup les auteurs ont le temps de bien développer le personnage et de montrer les moments marquants de sa vie. On voit très bien l'évolution de sa psychologie et on comprend pourquoi les événements qu'il a vécus ont fait en sorte qu'il soit devenu une espèce de Robin-des-Bois qui vole des riches qui le méritent. On est loin des biographiques fades où on ne fait que sauter d'une année à l'autre pour voir rapidement la vie d'un personnage historique et le tout va tellement vite que sa vie est traitée de manière superficielle et qu'on n'a pas le temps de tout comprendre. Ici, tout est bien fait.
J'ai bien aimé le dessin réaliste, mais pas trop, qui rend la lecture agréable. C'est dynamique et fluide comme je l'aime.
Voici de très sympathiques petites histoires muettes pour les lecteurs en herbe (au stade petite pousse).
Le dessin est doux, précis, moderne et coloré. Le récit n’est pas en reste. Il repose sur une trame identique sur laquelle vient se greffer un habillage différent sans pour autant donner une impression de redondance. Les enfants peuvent complètement s’identifier au héro en culotte courte car il vit réellement ses histoires en se mettant dans la peau des personnages qu’il joue. Bref, une bd interactive qui stimule le jeune lecteur dans l’interprétation de ce qu’il voit sans nécessité pour lui de savoir lire.
Je valide aussi ! :)
D’emblée un constat s’impose : avec Winshluss, on entre tout schuss dans un univers unique et quasi indescriptible.
Le dessin underground sert un scénario bien huilé malgré le délire apparent de l’auteur. L’histoire débute classiquement dans une famille américaine de classe moyenne avec Angelo, le cadet, qui présente toutefois une imagination débordante. Un imprévu va chambouler le train-train quotidien de cette famille et fait rapidement basculer le récit dans l’imaginaire le plus farfelu. La trame en elle-même me fait penser à Alice au pays des merveilles. Mais la grande force de l’auteur est de garder un fil conducteur (parfois tortueux il est vrai) car toutes les rencontres que fait Angelo dans ces mondes imaginaires ne sont pas fortuites. Je peux comprendre qu’on n’accroche pas au dessin (un peu crado par moment) mais l’histoire vaut vraiment la peine d’être découverte pour son délire structuré.
Winshluss, un auteur décidément à part …
Fabien Nury et Sylvain Vallée reviennent avec Katanga et ils reviennent fort.
Quand on ouvre Katanga, la première chose qui marque est le graphisme. Si le dessin et les décors sont fouillés, les personnages sont à la limite de la caricature. Les congolais sont représentés avec ces grosses lèvres, des oreilles décollées et des nez évasés ; on se croirait presque à une autre époque, où le consensuel et le politiquement correct n’étaient pas à l’ordre du jour. Celle du « Y’a bon Banania ».
Ça questionne un peu. Et puis, on regarde les personnages blancs, et on se dit qu’ils ne sont pas mieux lotis. Le trait de S. Vallée va finalement laisser paraître de premier abord une impression de légèreté dans le propos. Il n’en est rien.
Katanga est une bd, une histoire, qui prend cœur dans un contexte historique réel (mais librement romancé) lourd, violent, qui laisse libre cours à toutes les facettes de la nature humaine.
Toute l’habilité de S. Vallée et F. Nury (ré)apparaît alors pour trouver le juste rythme qui nous place dans un contexte d’une autre époque, avec des personnages justes et savamment construits. Ils prennent le temps au cours des quelques 70 pages du livre de poser leur intrigue, leurs acteurs, et chaque page est riche d’informations.
Les auteurs ont fait le choix d’aucune concession, graphiquement comme scénaristiquement. C’est brut, ça sonne juste et j’y vois pour ma part un instantané d’une époque révolue (vraiment ?...) où les relations entre les blancs colonisateurs et les peuples soumis, mais aussi des ethnies et tribus entre elles étaient basées sur la hiérarchisation humaine des peuples.
Sur ce fond historique, Katanga est aussi une intrigue prometteuse dont les rouages sont nombreux et les rapports entre les personnages complexes : amour, fidélité, argent et vénalité dans ce contexte instable font un cocktail explosif.
Un peu comme « Il était une fois en France » laisse à réfléchir sur la façon dont on aurait mené notre barque pour survivre à la seconde guerre mondiale, Katanga nous pousse à la réflexion sur un sujet aussi sensible : la colonisation et les rapports entre les peuples.
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Mémoires de Viet kieu (Quitter Saïgon)
Je me permets d’écrire un avis par tome, ces derniers étant relativement indépendants. Tome 1 - Quitter Saïgon Un de mes bons amis ici en Angleterre est un immigré vietnamien. Lui et sa famille ont fui leur pays natal pour l’Angleterre, la France, les USA… J’ai essayé d’aborder le sujet plusieurs fois, mais sans succès, de toute évidence ça n’a pas du être joyeux comme expérience. Et justement dans ce bouquin, j’ai retrouvé des témoignages de gens dans la même situation délicate : être forcé de quitter son pays natal, sa culture, ses amis, en espérant trouver une vie meilleure ailleurs. Le sujet m’intéresse, et il est bien traité par Clément Baloup. C’est touchant, bien raconté, avec assez de détails mais sans trop en faire… En plus le dessin est superbe. J’ai vraiment passé un excellent moment de lecture… Tome 2 - Little Saïgon Ce deuxième tome est magistral… et je pèse mes mots : 250 pages grand format de témoignages plus touchants les uns que les autres. L’auteur a cette fois-ci eu la place pour s'étendre, que ce soit graphiquement ou narrativement, et nous parle non seulement des difficultés qu’ont eues les protagonistes à fuir le Vietnam, mais aussi de leur intégration douloureuse dans leur terre d’accueil, du fonctionnement de ces quartiers presque autarciques que l’on nomme « Little Saïgon»… Le ton est très humain, très juste, et la narration est fluide et parfaitement maitrisée. J’irai jusqu’à dire que ce recueil de témoignages n’a rien à envier aux meilleurs reportages de Joe Sacco, selon moi le pape du genre. Un album remarquable, qui m’a beaucoup intéressé et touché, et que je recommande à tous les amateurs du genre. Tome 3 - Les Mariées de Taiwan Dans ce 3eme tome, l’auteur s’intéresse aux jeunes Vietnamiennes victimes d’un phénomène qui commença à la fin des années 90, lorsque plusieurs agences matrimoniales virent le jour au Vietnam pour organiser des rencontres avec des hommes taiwanais. Le sujet est un peu lugubre, avec ces femmes issues de familles pauvres (souvent paysannes) parachutées dans un pays inconnu et mariées à des hommes pas toujours très recommandables. Ceci dit, le ton est très juste et évite de tomber dans les clichés : certaines femmes souffrent de ce trafic, alors que d’autres refont leur vie à Taiwan, sont heureuses et épanouies, et permettent à leur famille de mieux vivre. Un album un peu dérangeant, mais fascinant, et une nouvelle fois superbement mis en image ! Tome 4 - Les linh tho, immigrés de force Clément Baloup continue son travail de recherche considérable sur le Vietnam et sa relation compliqué avec la France, en adaptant le roman du journaliste Pierre Daum « Immigrés de force, les travailleurs indochinois en France (1939-1952), Actes Sud, 2012 ». Au programme : les 20.000 travailleurs indochinois embauchés de force dans les années 1940, pour venir travailler en métropole pour “participer à l'effort de guerre”… Le propos est captivant, et la mise en image sublime, mais signalons quand même des textes très (trop) présents, la faute au format (témoignages textuels, publication originale en roman).
Traquemage
Tome 1 Je ne peux qu'appuyer mes prédécesseurs, c'est on ne peut plus sympathique, et il faut absolument l'avoir sous la main pour se redonner la pêche si l'on en manque tout-à-coup. On s'identifie tout de suite à ce Pistolin, berger lambda qui est violemment secoué par l'arbitraire de mages omnipotents et ignorants des destinées qu'ils anéantissent. On transpose facilement cette exaspération devant l'incurie des puissants à n'importe quelle époque et pourquoi pas la nôtre... Les visages, les dialogues, les réflexions des personnages (premiers comme seconds couteaux) sont très attachants et proches de nous. Le rôle muet de la brebis Myrtille, avec ses mimiques et ses postures, les ressorts dramatiques qu'elle fait sauter, son dessin tout simplement, est très réussi. J'ai gardé les brebis avec ma grand-mère pendant toutes mes vacances auvergnates et le caractère extrêmement peureux et difficile à suivre de la race ovine convient parfaitement au rôle. Un bémol : Le coté rural du vocabulaire ne m'a pas paru très réussi, (genre le parisien qui s'imagine la campagne) mais heureusement ce n'est qu'un tic au début de l'album qui s'estompe au fur et à mesure que les personnages sont happés par leurs mésaventures. Tome 2 Enchantée aussi, même si, bien-sûr, on n'a plus la surprise devant le caractère du héros. Le Pistolin a finalement la chance de se trouver face-à-face avec un mage... et il manque de se faire retourner comme une crêpe, il s'attendrit devant les malheurs du méchant, l'ennemi lui fait miroiter monts et merveilles, bref, on est sur les dents : comment va-t-il pouvoir arriver à ses fins et ne pas se faire soudoyer bêtement ? Grâce à la fée, bien-sûr, qui toute alcoolique qu'elle soit, garde de la suite dans les idées... Comment allier merveilleux et syndicalisme, humour et sentiment, appelez Pistolin, il a de la ressource !
The Time Before
Le thème abordé ici, le voyage dans le temps, n'est pas traité de manière théâtrale. Au contraire, Cyril Bonin nous offre dans ce one shot parfaitement maîtrisé, une application presque "domestique" de ce pouvoir que découvre le héros, Walter Benedict. Avec ce pendentif qu'on lui a donné, il ne cherche pas à bouleverser l'Histoire, mais juste à améliorer sa vie quotidienne par touches successives. Ne recherchez pas d'effets spéciaux dans cette bande dessinée, mais la description de la vie d'un petit photographe de la fin des années 50 aux USA. Je ne me suis pas ennuyé une seconde en lisant cette centaine de pages. En outre, le dessin et les couleurs donnent une certaine douceur à cette histoire , qui sans en avoir l'air, reste tout de même une histoire fantastique.
Sangre
T1: Sangre la survivante Cela faisait des années que je n'avais pas ouvert un album édité par "Soleil" et à fortiori, une bande dessinée d'héroïc-fantasy. Et bien, je dois dire que la lecture fut une bonne surprise. Sans pour autant renouveler le genre, Arleston apporte un vent de fraicheur à ce genre avec Sangre, et ses difficultés d’élocutions et son pouvoir d'arrêter le temps . (ce pouvoir avait déjà été traité dans l'inégale série Phenomenum, en 2002) Cette vengeance, qui s'étirera sur 8 volumes (cela fait peut-être beaucoup) est très bien construite, et évite tout l'humour un peu lourd que l'on pouvait trouver dans les habituels album d'Arleston. Une très bonne surprise donc, avec un dessin de Floch qui ne souffre d'aucun défaut. T2; Fesolggio l'inexorable facheux Pour ma part, j'ai trouvé ce deuxième tome encore plus réussi que le précédent. Sans s'éloigner complètement des canons de l'héroïc-fantaisy, Arleston nous offre un scénario très bien ficelé. L'incipit remarquable au demeurant, nous entraine quelques années en arrière, dans la vie de Fesolggio, la future cible de Sangre. On pourrait presque lire cet opus de manière indépendante tant Arleston a tissé de manière adroite les mécanismes d'une vengeance à la "Monte-Cristo". On en oublierai presque que l'on évolue dans l'univers de l'héroïc-fantaisy. Le dessin d'Adrien Floch est parfait pour cet univers. Cet opus me réconcilie (définitivement?) avec les productions d'Arleston, et du coup je remonte aussi ma note à 4 étoiles.
Plus près de toi
Très agréablement surpris par la lecture de ce premier volume. Kris nous raconte, une fois encore, une histoire toute empreinte d'humanité, sur un fonds tragique, l'occupation allemande en Bretagne. Je ne sais pas si ce récit repose sur une vérité historique ou non (apparemment il est inspiré "en partie de faits réels") mais la description d'un village breton abritant un camp de prisonniers sénégalais, est tout à fait saisissante, et la générosité de ses habitants est très loin des clichés que l'on peut se faire de cette sombre période. Beaucoup plus habitué au style de Jean Claude Fournier (que l'on retrouve sous les traits du père missionnaire, page 9) dans sa reprise de Spirou et Fantasio, il s'éloigne ici du pur franco-belge pour un univers un peu plus réaliste. Une très belle surprise donc. Vivement le tome 2.
La Terre des fils
Je crois que je n'avais pas ouvert un livre de Gipi depuis Notes pour une histoire de guerre. C'est en écoutant l'auteur à la radio, à l'occasion du prix RTL de la bd de l'année 2017, qu'il m'a donné envie de me procurer cette bande dessinée. Ce pavé de près de 300 pages (non numérotées, au passage) se lit pourtant assez vite. Nous sommes plongés, dès le début, dans un univers glauque où deux jeunes garçons sauvages tuent un chien. Sans connaître les raisons du monde post-apocalyptique dans lequel ils vivent, nous sommes happés par leur histoire. Le récit, très cinématographique au demeurant, peut faire songer à l'univers du roman de Cormac Mc Carthy, "La route", bien que l'ensemble de l'histoire se déroule autour d'un seul lieu, un lac. Gipi aborde ici beaucoup de thèmes sans en avoir l'air : de l'éducation à l'amour filial, en passant par le fanatisme, nous suivons une véritable quête du Graal - avec le livre de leur père - entreprise par ces deux ados, livrés à eux-mêmes. Mais cette histoire est véritablement sombre, cruelle, même sous le trait en noir et blanc, adroitement brouillon, de Gipi. L'auteur ne laisse que très peu de place à l'espoir dans cette histoire, laissant le lecteur imaginer une fin. Un livre très fort, que j'ai dévoré d'une traite et qui mérite amplement son prix et sa place dans la sélection du festival d'Angoulême cette année.
Le Travailleur de la nuit
Je ne connaissais pas du tout l'anarchiste Alexandre Jacob et je n'ai aucune idée à quel point les auteurs ont romancé sa vie, ici, mais en tout cas une chose est certaine c'est le genre de biographie que j'aime lire en bande dessinée ! Déjà, l'album est plus long que 44 pages et du coup les auteurs ont le temps de bien développer le personnage et de montrer les moments marquants de sa vie. On voit très bien l'évolution de sa psychologie et on comprend pourquoi les événements qu'il a vécus ont fait en sorte qu'il soit devenu une espèce de Robin-des-Bois qui vole des riches qui le méritent. On est loin des biographiques fades où on ne fait que sauter d'une année à l'autre pour voir rapidement la vie d'un personnage historique et le tout va tellement vite que sa vie est traitée de manière superficielle et qu'on n'a pas le temps de tout comprendre. Ici, tout est bien fait. J'ai bien aimé le dessin réaliste, mais pas trop, qui rend la lecture agréable. C'est dynamique et fluide comme je l'aime.
Myrmidon
Voici de très sympathiques petites histoires muettes pour les lecteurs en herbe (au stade petite pousse). Le dessin est doux, précis, moderne et coloré. Le récit n’est pas en reste. Il repose sur une trame identique sur laquelle vient se greffer un habillage différent sans pour autant donner une impression de redondance. Les enfants peuvent complètement s’identifier au héro en culotte courte car il vit réellement ses histoires en se mettant dans la peau des personnages qu’il joue. Bref, une bd interactive qui stimule le jeune lecteur dans l’interprétation de ce qu’il voit sans nécessité pour lui de savoir lire. Je valide aussi ! :)
Dans la forêt sombre et mystérieuse
D’emblée un constat s’impose : avec Winshluss, on entre tout schuss dans un univers unique et quasi indescriptible. Le dessin underground sert un scénario bien huilé malgré le délire apparent de l’auteur. L’histoire débute classiquement dans une famille américaine de classe moyenne avec Angelo, le cadet, qui présente toutefois une imagination débordante. Un imprévu va chambouler le train-train quotidien de cette famille et fait rapidement basculer le récit dans l’imaginaire le plus farfelu. La trame en elle-même me fait penser à Alice au pays des merveilles. Mais la grande force de l’auteur est de garder un fil conducteur (parfois tortueux il est vrai) car toutes les rencontres que fait Angelo dans ces mondes imaginaires ne sont pas fortuites. Je peux comprendre qu’on n’accroche pas au dessin (un peu crado par moment) mais l’histoire vaut vraiment la peine d’être découverte pour son délire structuré. Winshluss, un auteur décidément à part …
Katanga
Fabien Nury et Sylvain Vallée reviennent avec Katanga et ils reviennent fort. Quand on ouvre Katanga, la première chose qui marque est le graphisme. Si le dessin et les décors sont fouillés, les personnages sont à la limite de la caricature. Les congolais sont représentés avec ces grosses lèvres, des oreilles décollées et des nez évasés ; on se croirait presque à une autre époque, où le consensuel et le politiquement correct n’étaient pas à l’ordre du jour. Celle du « Y’a bon Banania ». Ça questionne un peu. Et puis, on regarde les personnages blancs, et on se dit qu’ils ne sont pas mieux lotis. Le trait de S. Vallée va finalement laisser paraître de premier abord une impression de légèreté dans le propos. Il n’en est rien. Katanga est une bd, une histoire, qui prend cœur dans un contexte historique réel (mais librement romancé) lourd, violent, qui laisse libre cours à toutes les facettes de la nature humaine. Toute l’habilité de S. Vallée et F. Nury (ré)apparaît alors pour trouver le juste rythme qui nous place dans un contexte d’une autre époque, avec des personnages justes et savamment construits. Ils prennent le temps au cours des quelques 70 pages du livre de poser leur intrigue, leurs acteurs, et chaque page est riche d’informations. Les auteurs ont fait le choix d’aucune concession, graphiquement comme scénaristiquement. C’est brut, ça sonne juste et j’y vois pour ma part un instantané d’une époque révolue (vraiment ?...) où les relations entre les blancs colonisateurs et les peuples soumis, mais aussi des ethnies et tribus entre elles étaient basées sur la hiérarchisation humaine des peuples. Sur ce fond historique, Katanga est aussi une intrigue prometteuse dont les rouages sont nombreux et les rapports entre les personnages complexes : amour, fidélité, argent et vénalité dans ce contexte instable font un cocktail explosif. Un peu comme « Il était une fois en France » laisse à réfléchir sur la façon dont on aurait mené notre barque pour survivre à la seconde guerre mondiale, Katanga nous pousse à la réflexion sur un sujet aussi sensible : la colonisation et les rapports entre les peuples.