J'apprécie généralement les albums sans texte pour la jeunesse. Pour une fois ce ne sont pas les éditions de la Gouttière (Anuki,Passe-passe, Myrmidon) mais une autre petite maison, Le Diplodocus, qui propose cet excellent récit graphique de David Wautier. Cette série s'adresse surtout aux jeunes lecteurs et lectrices de 4/5 ans comme une initiation à la BD mais pas seulement. En effet j'ai immédiatement été séduit par l'intelligence du scénario qui peut facilement parler à un lectorat plus âgé (comme moi). Tout d'abord 44 pages, c'est beaucoup pour un très jeune lectorat. Cela demande un effort de concentration assez intense pour ne pas lâcher sa lecture. C'est tout le talent de l'auteur de proposer des "rebondissements", une montée dans l'intensité dramatique des évènements puis un final classique mais libérateur pour réussir à capter l'attention jusqu'au bout.
Wautier choisit un environnement inhabituel pour un très jeune public : une ferme isolée au pied de la Monument Valley dans le désert de l'Arizona. Un jeune garçon de 5/6 ans s'y promène avec sa petite sœur (et sa poupée) seuls à quelques centaines de mètre de la ferme où la maman est seule à faire le linge. Une entrée en matière particulière car si elle permet une appropriation immédiate pour un très jeune lectorat, elle installe un climat assez fort d'angoisse pour une vision adulte (isolement, vulnérabilité des personnages). Ce sentiment augmente quand on sent le danger invisible arriver. Des Indiens ? des hors la loi ? ce serait un imaginaire adulte sur lequel Wautier joue avec malice. Non ce ne sont que des nuages noirs qui soulagent le lecteur adulte mais pas forcément l'enfant qui voit son espace de confort malmené par des événements qu'il connait bien.
Ce (trop) long développement pour montrer comment j'ai trouvé intelligente la construction du récit de l'auteur.
Le reste n'est que plaisir des yeux ! le graphisme de Wautier pouvant parler à un public très large. La construction des planches reste dans le classique gaufrier émotionnel et actif avec quelques pleines pages contemplatives.
Une très belle lecture pour tous à faire seul.e ou partagée.
Jouer à voir
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Son édition originale date de 1978. Il s’agit de la première collaboration entre Alejandro Jodorowsky (scénario) et Jean Giraud (1938-2012), sous le pseudonyme de Mœbius. Cet ouvrage compte cinquante pages de bande dessinée. L’édition de 2013 présente la particularité d’avoir été imprimée sur des pages jaunes. Elle comprend également une préface écrite par le scénariste le vingt-neuf juillet 2011. Il explique comment il avait commencé à travailler sur le projet de film d’adaptation du roman Dune (1970) de Frank Herbert (1920-1986). Lors d’un plein d’essence, il découvre sur les rayonnages de la station-service de splendides dessins de vaisseaux spatiaux signés Mœbius, et sur une série western dessinée par Jean Giraud, et il comprend qu’il a trouvé l’artiste pour les costumes et celui pour le storyboard. Arrivé à Paris, il rend visite à son attaché de presse qui est en conversation avec Jean Giraud, et le scénariste découvre qu’il a devant lui les deux personnes qu’il recherche, et qui ne sont qu’un seul homme. Puis il explique dans sa préface les circonstances de la réalisation de la présente histoire, réalisée à titre gracieux, et offerte aux lecteurs du mensuel Métal Hurlant, publié par les Humanoïdes Associés.
Un enfant se tient dans l’encadrement d’une très haute fenêtre, ou sur une terrasse. Il est revêtu d’un vêtement ample, il a le crâne rasé. Il regarde au loin. Haut dans le ciel un aigle s’éloigne pour une destination inconnue. Une mégalopole indéterminée : de très hauts gratte-ciels qui surplombent les autres constructions, certaines se trouvant dans leur ombre. Des antennes au sommet de ces constructions fines et élancées. Le ciel est totalement masqué par des nuages d’une nature indiscernable.
L’enfant n’a pas bougé de place. Il se tient parfaitement immobile, tourné vers le lointain, dans la même posture. À une distance indéterminée dans la ville, les nuages ont pris une forme étale, constituant une sorte de plafond opaque. Il se produit une trouée à la forme régulière qui laisse passer comme une colonne inclinée de lumière atteignant le sol d’une sorte de placette. Dans ce quartier, l’architecture de la ville combine plusieurs caractéristiques. Comme un rappel d’une fortification, ou peut-être une large parcelle piétonne desservant les étages les plus élevés des maisons. Il se trouve aussi un mélange d’immeubles parisiens et de constructions plus baroques surmontées de dômes. Au pied de l’une d’elle sur le pont piétons se trouvent des débris de maçonnerie. L’enfant respecte une immobilité parfaite devant sa très haute fenêtre : il a perçu le rayon de soleil qui a percé la couche nuageuse. Il s’agit en fait d’un rayon de lumière d’un ou deux mètres de diamètre qui atteint le sol de la placette. Les façades d’immeubles sont délabrées : les fenêtres éclatées, des impacts sur les murs, le revêtement dégradé. Des détritus au sol de nature technologique. Au travers d’une fenêtre brisée, apparaissent des objets abandonnés en tas. Le secteur semble désert, dépourvu de toute présence humaine.
En lisant la préface, le lecteur prend connaissance des circonstances dans lesquelles cette bande dessinée a vu le jour : une belle campagne de publicité de l’éditeur qui a pris la forme d’une nouvelle collection de petits volumes, en tirage limité, baptisée Mistral. Chacun de ces volumes portaient la mention : Cette édition ne saurait être vendue, elle est donnée gratuitement à tout fidèle des Humanoïdes Associés. Jodorowsky explicite en détails les conditions de réalisation de ces petits volumes. Il commence par rappeler que : La bande dessinée est un art industriel, les artistes sont des artisans, ils font leur travail et ils sont payés à la page, c’est leur modus vivendi. Pour ces ouvrages, l’éditeur leur proposait de travailler gratuitement, c’est-à-dire sans toucher de droits d’auteurs, ce que les présents créateurs ont accepté pour être sûr sur que leur autre projet puisse bien aller jusqu’à la publication, en l’occurrence L’Incal. Afin de répondre à la demande, le scénariste a intégré les spécifications et les exigences éditoriales, pour les transformer en un exercice de style. Il a indiqué à l’artiste que : Plutôt que de réaliser des planches découpées en vignettes, ils vont présenter l’histoire comme une suite d’illustrations aussi solitaires que l’enfant et le chat, et chaque vignette occupera une page entière. En face de chaque tableau, l’artiste pourra mettre comme un motif qui se répète, l’ombre de l’enfant en train de regarder par la fenêtre.
Ainsi les contraintes éditoriales deviennent une structure formelle conceptuelle. Les créateurs partent sur le principe que la planche de gauche, celle avec l’enfant qui tourne le dos au lecteur, est multipliée dix-huit fois. Dans la première, Mœbius a simplement ajouté l’aigle au loin qui part en chasse. Puis lorsque l’aigle revient après une longue attente, il a commencé à animer l’enfant, et à modifier les ombres qui fonctionnent alors comme un contrechamp de l’image à droite. En outre, le personnage prononce en tout et pour tout douze phrases, très courtes, moins de dix mots à chaque fois, saupoudrées sur douze pages différentes. Du coup, au premier contact, la lecture s’avère très rapide : dix minutes en prenant le temps de vérifier si le personnage a bougé d’une page de gauche à une autre, et en absorbant les informations visuelles de la page de droite. L’intrigue s’avère linéaire et simple : page de gauche le personnage a vu partir l’aigle et il attend son retour sans bouger, page de droite l’aigle finit par arriver sur la placette où il fait face au chat que mentionne le titre du récit. La promesse implicite de la couverture est tenue : il y a bien un affrontement entre les deux animaux. Le récit se clôt en bonne et due forme, inscrivant le récit dans le genre horrifique, dans un environnement de science-fiction. Et voilà.
Le récit s’avère plus intéressant pour un amateur de bande dessinée en tant que médium. Il constitue la première collaboration entre deux auteurs majeurs, qui travailleront ensuite sur la série L’Incal (1980-1988), la trilogie du Cœur couronné (La folle du Sacré Cœur, Le piège de l’irrationnel, Le fou de la Sorbonne), Griffes d’ange, ainsi que sur le projet de film avorté Dune. Il permet également d’admirer les planches de l’artiste, dans un récit complet, avec une structure rigoureuse et accessible. Tout commence avec une page de gauche, et la silhouette immobile du personnage de dos, dans un grand cadre étroit vertical. Le lecteur en déduit qu’il s’agit du personnage principal, qu’il se tient dans l’embrasure d’une fenêtre monumentale, démesurée par rapport à la taille d’un être humain, relativisant l’importance de ce dernier dans un décor gigantesque. Il découvre la répétition de cette image à l’identique, dix-sept fois la même, et avec un élément supplémentaire (l’aigle au loin dans le ciel) pour la première. Ce dispositif visuel produit un effet de stabilité, d’impassibilité, laissant le doute dans l’esprit du lecteur si le personnage est perdu dans ses pensées, ou au contraire focalisé sur la survenance d’un événement à venir. Le déroulement du récit lui permet de comprendre qu’il s’agit de la deuxième hypothèse.
Les pages de droite s’avèrent plus fournies en information, constituant une narration visuelle plus classique, racontant des événements dans un ordre chronologique. Du fait de la composition de l’ouvrage, une case par page, celle de gauche identique de l’une à l’autre, l’attention du lecteur se trouve focalisée sur les informations contenues dans l’illustration en pleine page à droite. Il commence par s’intéresser à l’environnement : une mégalopole dans un futur indéterminé, peut-être pas sur Terre, peut-être que oui, cela n’a finalement pas d’importance dans le récit. Une influence de l’urbanisme parisien visible dans certaines formes d’immeubles et de toitures. Et comme une ville construite pour partie par-dessus, avec une architecture futuriste, un avenir plus ou moins lointain, pas très rieur, une forme de résignation à un environnement inhospitalier commençant à se délabrer. Le lecteur relève un ou deux détails supplémentaires : les appareillages technologiques abscons dont il n’est pas possible de devenir les fonctions, les déchets présents sur le sol, et la forme caractéristique d’une plante à cinq feuilles sur le frontispice au-dessus de la fenêtre à l’extérieur.
Les pages de droites révèlent également que le personnage se tient bien devant l’encadrement d’une haute fenêtre, et qu’il s’agit peut-être d’un adolescent ou d’un jeune adulte. Le lecteur découvre donc progressivement l’intrigue : l’apparition d’un chat sur la placette et l’arrivée de l’aigle pour un affrontement, comme le montre l’illustration retenue pour la couverture de l’édition de 2013. Jodorowsky utilise le mot tableau pour parler de chacune de ces illustrations. Le lecteur fait l’expérience qu’elles forment bien d’une narration séquentielle : chacune raconte quelque chose en elle-même, et en relation avec la précédente et la suivante elle constitue un moment. Sur la première planche de droite, le lecteur ne voit pas juste la représentation d’une ville d’un point de vue au-dessus des toits, il voit ce que voit le personnage, il voit une cité d’anticipation, et il voit un ciel bouché, peut-être du fait de la pollution atmosphérique, une préoccupation très prégnante à l’époque de la réalisation du récit. Dans la deuxième, il comprend que la trouée dans les nuages laissant passer la lumière du soleil constitue un événement, rendant l’image dynamique, au lieu d’une simple représentation statique. Dans la troisième, la lumière du soleil atteint le sol de la placette : vraisemblablement un fait remarquable, comme un coup de projecteur sur cet endroit précis, et le décor montre qu’il s’agit d’un quartier particulier de la mégalopole. Par la suite, le lecteur ressent les variations de nature dans les cadrages et les cadrages plus ou moins large ou près : les postures et la curiosité du chat, le comportement de prédateur de l’aigle, le lien qui l’unit au personnage humain, etc. La narration visuelle se suffit à elle-même pour que le lecteur comprenne l’intrigue, sans l’aide de mots.
Une curiosité que cette première collaboration entre ces deux créateurs hors norme ? Il y a de cela, et c’est aussi une leçon magistrale d’art séquentiel, de narration visuelle utilisant les fortes contraintes de production du récit (pagination imposée, absence de rémunération, rythme élevé de production) pour structurer la bande dessinée. Une histoire courte vite lue et classique ? Certes, et aussi une intrigue de genre, cruelle et mystique (l’affrontement entre deux animaux pour le bénéficie d’un être humain isolé du reste de l’humanité dans sa tour d’ivoire, et délabrée). Un conte impitoyable pour adultes.
3.5
J'aime bien les séries de mangas qui montrent l'envers du décor du monde des mangas. J'ai lu les deux premiers tomes de cette nouvelle série est c'est vraiment bon !
Bon, par moment on dirait que les problèmes du personnage principal sont un peu exagérés (je pense surtout aux assistants qui semblent être les pires du monde), mais la vie de mangaka est effectivement dure, constamment sur leur table à dessin à faire des dizaines de pages par semaine et les débutants sont à la merci d'éditeurs qui peuvent faire ce qu’ils veulent d'eux vu que le manga est un marché concurrentiel et pleins d'auteurs disparaissent rapidement s'ils ne plaisent pas aux lecteurs.
Une particularité de cette série est qu'en plus de voir un jeune mangaka galérer même après avoir rencontré le succès, on voit son lui du futur qui est revenu dans le passé pour lui dire d'arrêter les mangas parce qu'il va gâcher sa vie. Il y a aussi le seul personnage féminin qui est intéressant. Au début, on dirait juste le gros cliché sexiste de la femme qui couche avec n'importe qui de connu, mais dans le second tome on commence à lui donner une personnalité un peu plus complexe de femme sexy qui vit dans un monde patriarcal qui ne la considère que comme un objet sexuel. J'espère que les tomes suivants vont continuer dans ce sens et la développer encore plus.
Le dessin est bon, c'est le style réaliste que j'aime bien retrouver dans ce genre de seinen.
Je suis un grand admirateur du travail d'Olivier Grenson. Que ce soit Koda ou La Femme accident j'aime ses créations graphiques souples et détaillées. Ici Grenson propose une création complète avec un scénario où l'on devine qu'il a mis beaucoup de lui-même. En effet les deux thématiques principales qui sont le deuil et la réconciliation impliquent souvent une pioche dans un vécu douloureux pour nourrir le récit. On en a malheureusement la confirmation avec la dédicace nécrologique glaçante en avant propos du T1.
L'auteur nous propose deux personnages centraux sombres qui se nourrissent de rancœurs contre les autres ou contre eux-mêmes. Malgré les épisodes sur la guerre de Corée, Grenson propose un récit plus introspectif qu'actif. Le rythme est donc lent à la mesure de la gestation de la parole libératrice. Grenson positionne son récit sur plusieurs niveaux de réconciliations, intra familiale (le couple ou. Billy/Ted ) au niveau national entre les deux Corée et envers soi-même. Cette proposition élargie donne à la thématique une belle profondeur avec des passages ou des dialogues très touchants quand l'auteur y ajoute celle du deuil. J'ai quelques réserves mineurs sur certains points du récit de Ted mais cela ne m'a pas empêché d'apprécier la fluidité du récit.
Evidemment le graphisme de Grenson est toujours un plaisir de l'œil et donne à la narration un confort constant. Toutefois j'ai trouvé certaines cases moins abouties surtout pour les visages des deux femmes Martha et Emily. Pour le reste c'est toujours très réussi que ce soit dans les extérieurs de Corée, de San Francisco ou des épisodes de guerre.
Une belle lecture qui invite au retour sur soi dans de nombreux passages.
Cerise, Cerise, Cerise, voilà une bien jolie surprise.
Je ne suis clairement pas le public visé d'une telle série et c'est avec pas mal d'appréhension que je me suis lancé dans sa lecture
Cerise est donc une fillette d'une dizaine d'années qui est curieuse de tout et surtout des inconnus qui l'entourent. Sa curiosité (qu'on pourrait aisément qualifiée de mal placée) l'entraine dans des aventures qu'elle consigne dans des carnets. Car Cerise souhaite devenir auteure.
A l'heure où les enfants sont plus connectés que jamais (mais toujours moins que demain) c'est très rafraichissant de voir une enfant aimer lire et écrire.
Les dessins sont très agréables et alternent habilement entre BD et extraits des Carnets de Cerises.
On regrettera juste une colorisation trop informatisée.
Tout s'enchaine facilement et la lecture est assez fluide, ce qui est "normal" pour une BD jeunesse.
Bien que chaque tome soit indépendant il est quand même préférable de les lire dans l'ordre car cela permet de suivre l'évolution de Cerise et ses amies. D'ailleurs on peut trouver certains clins d'œil aux tomes précédents en cours de lecture
Les histoires n'ont pas toutes les même qualités narratives ainsi s'il fallait noter les différents tomes :
* Tome 1 : 3/5 une très belle histoire se prêtant parfaitement aux dessins et couleurs de la série.
* Tome 2 : 1/5 J'ai détesté cet album pas à cause de l'histoire ou des dessins mais à cause des conflits qui éclatent entre Cerise et son entourage (maman et amies). En continuant la série je pense que ce passage était obligé afin de faire grandir Cerise
* Tome 3 : 5/5 Et oui cette histoire de chasse au trésor est ultra touchante, humainement parlant. Certaines blessures de l'enfance mettent très longtemps à guérir. On découvre par la même un peu plus l'histoire de notre héroïne
* Tome 4 : 3/5 On redescend d'intensité. L'intrigue, toujours pleine de bons sentiments, est moins touchante que la précédente. Cerise arrivera t'elle enfin à mettre des mots sur ses maux ?
* Tome 5 : 5/5 Cette fois c'est Cerise qui enquête sur son passé et c'est très émouvant. Les blessures de Cerise sont contées avec pudeur et empathie. C'est très prenant et ultra touchant
Ma note est légèrement gonflée mais il serait dommage de pénaliser la série à cause d'un seul tome.
Ce fut sincèrement une belle découverte
J'ai été à deux doigts de donner la note max à cette série. J'ai acquis l'intégrale de Glénat car j'aime bien ces adaptations mythologiques qui sortent du schéma universitaire classique tout en gardant les fondamentaux. J'ai été gâté et Lob m'a permis de replonger dans une époque délicieusement et gentiment irrévérencieuse pour les monuments de toutes sortes. Lob construit son récit en respectant les grandes étapes du récit homérien. L'auteur se permet juste de faire monter le célèbre poète pour y ajouter un élément comique et une troisième voix (Ulysse, Lob et Homère) qui ajoute une sorte de crédibilité documentaire au récit. C'est une trouvaille de plus dans un scénario qui équilibre le récit mythologique avec des épisodes de SF dans une saveur érotique et psychédélique avec un fort parfum de Flower Power. Lob ne se contente pas d'aligner les épisodes du voyage, il recrée ces épisodes dans des représentations originales en travaillant sur les anachronismes pour provoquer la surprise et le rire. Car ce Ulysse est une vraie lecture où se mêlent des contes ( les sirènes) des réflexions contemporaines ( Circée fait du "Balancetoporc" bien avant l'heure) ou métaphysiques. C'est délivré avec un ton léger sans se prendre au sérieux ce qui rend le message d'autant plus percutant. Le final et à 'image du récit imprévu et intelligent.
Le graphisme de Pichard travaille sur de l'érotisme très sage. Nous sommes loin des modèles anorexiques ou des gamines manga. Le fantasme de l'époque ressemble bien plus à Brigitte Bardot ou Claudia Cardinale. Les formes pleines et rebondies correspondent au dessin rond de l'auteur. Toutefois Pichard ne se contente pas d'aligner des nymphettes ( souvent très sages) il propose aussi une multitudes de détails dans les scènes de SF Comme le démontage de Polyphème. Il y a beaucoup de trouvailles dans les représentations visuelles de certains personnages ( Athéna, Eole, Polyphème, Neptune) ce qui fait un fort effet de contraste avec le classicisme des Grecs.
Une lecture très intéressante avec une belle créativité et beaucoup d'originalité malgré le thème ultra classique. Un régal
Je ne partais pas spécialement conquis avant d'attaquer ma lecture, le graphisme de Luxi n'étant pas spécialement ma tasse de thé. Mais ici, s'agissant d'une BD documentaire sur un sujet qui m'intéressait, j'ai passé le pas et je ne le regrette pas.
Et c'est avant tout un hommage à Erkin Azat et à son courage que je veux adresser mes louanges. Il est de ceux qui prennent des risques majeurs pour que la vérité sur certaines tragédies ne finissent pas aux oubliettes. Car s'attaquer et dénoncer l'Etat chinois c'est d'un part très risqué pour soi mais aussi pour ses connaissances et sa famille. Car c'est bien du génocide des ouïghours et de ses camps de "rééducation" dont il est ici question.
Cet album nous relate de façon didactique et explicite la politique ethnocidaire que la Chine mène depuis 15 ans. On y suit tout l'investissement que va mener Erkin Azat (un pseudo signifiant liberté), ingénieur dans le milieu pétrolier. Les injustices qu'il va croiser d'abord autour de lui, puis lui-même, vont le pousser à consigner puis relater ces faits pour qu'ils cessent. Il va même créer une association et devoir fuir à l'étranger au fil de ses actions et des témoignages qu'il va collecter. Son action va forcément déranger... et les menaces et persécutions s'intensifier.
L'album a ce mérite d'éclaircir un sujet dont on a tous entendu parler, mais qui, s'y on n'a pas plus creusé que ça peut rester très flou. Si le dessin n'est pas là pour faire joli, il est très efficace et sert parfaitement le récit.
Une très bonne BD documentaire !
Les avis de Ro et bab m'ont convaincu de me pencher sur ce comics. Comics qui partait avec deux handicaps. Le premier c'est d'avoir des animaux pour personnages principaux, j'ai souvent du mal à adhérer à ce type de récit. Et le second c'est la partie graphique, son rendu ne m'attirait pas vraiment. Deux handicaps qui ont volé en éclats lors de ma lecture.
Les éditions "Monsieur Toussaint Louverture" ont, comme toujours, réalisé un superbe travail. Un magnifique écrin pour cette adaptation du chef-d’œuvre de Richard Adams.
Des lapins pour personnages principaux, ils sont à la recherche d'une nouvelle garenne, l'un d'eux a eu un mauvais pressentiment. Ils doivent quitter sur le champ leur logis s'ils veulent survivre. A partir de là, on va suivre ce petit groupe aux grandes oreilles à la recherche d'un coin de paradis et de liberté. L'aventure avec un grand A, elle sera semée d'embûches.
Un récit qui nous fait découvrir tout un monde complexe, la hiérarchisation est de mise dans la garenne, une société qui fera écho à certains régimes totalitaires.
Une fresque touchante et âpre, elle doit énormément à l'humanité qui émane de ce petit groupe de rebelles. Une quête captivante, très bien construite et qui m'a touché en plein cœur.
Le dessin de Joe Sutphin m'a conquis par le soin apporté aux détails, mais surtout les émotions qu'il arrive à faire passer au travers une attitude ou d'un regard de nos chers lapins. Un trait gras, légèrement charbonneux et de tristes couleurs retranscrivent toute l'âpreté de ce monde animalier.
Rien ne ressemble plus à un lapin qu'un autre lapin, pourtant (cela demandera un peu de concentration) il n'est pas si difficile de reconnaître chaque protagoniste suivant la couleur du pelage, le positionnement des oreilles, une particularité physique.... Ça permet de faire travailler la mémoire.
Une très belle surprise.
Ne pas oublier de vérifier que le carton reprenant la carte géographique des garennes et le glossaire "Lapine" est bien présent dans la BD. Très important !
Je ne peux que recommander.
Gros coup de cœur pour cet album, et merci aux précédents posteurs pour avoir attiré mon attention vers celui-ci.
Downlands est un comics à grosse pagination et pourvu d’une certaine densité narrative… que je n’ai pas su lâcher avant d’en avoir tourné la dernière page. L’histoire est en effet prenante en diable, qui traite de nos peurs les plus primaires (la mort, l'inconnu, et surtout l'énigme de l'après-mort) au travers du prisme du folklore et des légendes (anglais dans le cas présent). Il y a le fantôme de cette auto-stoppeuse qui apparait au milieu de la route, ce chien que des personnes voient la veille de leur mort, il y a cette mystérieuse voisine un peu sorcière qui intrigue et effraie les enfants. Il y a cette introduction durant laquelle le lecteur peut s'amuser à recouper différents articles de journaux... Il y a cette famille mystérieusement disparue sans laisser de traces.
J’ai adoré l’atmosphère que l’auteur parvient à créer en entremêlant diverses histoires fantastiques, les liant toutes à une petite ville, un quartier, une rue. Porté par un très charismatique personnage central, le récit prend la forme d’une enquête policière dans laquelle le fantastique s’insinue de manière naturelle, ouvrant les portes vers d’autres réalités auxquelles le lecteur que je suis se plait à croire. Force est d’admettre que les légendes qui servent d’ossature au récit ont quelque chose d’universel qui nous les rend intimes, comme si nous avions toujours vécu avec celles-ci, comme s’il était naturel d’y croire.
Au-delà de ce déjà très séduisant univers, j’ai également été ému par la description de cette famille touchée par le deuil, murée dans une pudeur silencieuse face à la douleur de la perte. Les lettres que James Reynolds écrit à sa défunte sœur sont une belle démonstration de cette souffrance pudique, camouflée derrière un bon mot ou une anecdote amusante.
Et pour parachever l’œuvre, ajoutez un dessin que j’ai beaucoup aimé. Le trait de Norm Konyu m’a fait penser à celui d’Alexandre Clérisse mais le traitement des couleurs (qui opte pour des teintes douces, très pastels) arrondi ce style anguleux tout en lui apportant de la profondeur. J’accrocherais volontiers certaines des planches de ce livre sur le mur de mon salon. Pourtant ce dessin est toujours au service de l’histoire. Il ne la domine pas, il la magnifie, lui apportant poésie, mystère et douceur.
Enfin, le récit tient la route jusqu’à sa conclusion. Une conclusion certes classique et sans doute attendue mais qui cadre tellement bien avec l’esprit de ce livre. J’ai achevé cette lecture en dévorant la postface qui revient sur l’origine des différents récits folkloriques qui rythment cette histoire, désireux de conserver le plus longtemps possible cette émotion, ce sourire tendre, triste et joyeux à la fois que Downlands avait réussi à faire naître en moi.
Gros coup de cœur !
Ces spécimens sont d’une cinglante matérialité !
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Ce tome contient un récit complet, indépendant de tout autre, qui s’apprécie mieux avec une vague idée de la nature des œuvres de l’écrivain Howard Phillips Lovecraft (1890-1937), né dans la ville de Providence dans l’état de Rhode Island. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Daria Schmitt pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend cent-douze pages de bande dessinée. Il inclut la nouvelle L’étrange maison haute dans la brume (1931) de Lovecraft dans sa forme intégrale, avec des illustrations. Il s’ouvre avec une introduction d’une page, rédigée par Philippe Druillet
Dans un grand parc à la localisation indéterminée, le gardien Providence s’est réfugié au milieu de la végétation qui semble démesurée pour être au calme. Son nom retentit : il est appelé par son chat Maldoror qui se manifeste sous forme spectrale elle aussi démesurée. Le chat insiste pour savoir si le gardien l’entend car il le voit en train de faire le mort. Maldoror lui dit qu’il ne s’en tirera pas comme ça, il intime au gardien de laisser ces fausses fleurs qui lui donnent mal à la tête, car il fait presque jour, c’est bientôt l’heure de la ronde. Providence lui demande pour quelle raison il faut que son chat le houspille, il était bien là, parmi les doux sarracenias. Mais il est vrai qu’il convient de profiter de cette heure idéale, et de ce rare moment de solitude sur le parc. Providence s’interroge : les visiteurs ont-ils jamais eu besoin d’un gardien ? En effet tous ces promeneurs se débrouillent très bien sans lui. Il se demande même parfois si ce n’est pas lui qui les met en danger. Peut-être que le loup n’existe pas ? Le monde obscur ne serait-il un rêve de plus ? Maldoror lui répond qu’il le trouve bien rationnel pour un rêveur.
Maldoror continue ; il donne un conseil de chat au gardien : ne pas tout ramener au diapason de la raison humaine, il y a trop de choses qu’elle n’explique pas. Il prend l’exemple de ses propres pattes : elles sont pleines d’encre noire, alors qu’il a marché sur une page banche, qu’en dit Providence ? Ce dernier fait observer que ses pattes sont sales et que la page est humide, il l’a repêchée sur le lac avec quelques autres. Le chat lui conseille de ne pas oublier que l’occulte a toujours raison des sceptiques et s’amuse à tirer vengeance de ceux qui le méprisent. L’attention de Providence s’est reportée sur les pages. Il voit qu’il y a quelque chose d’inscrit, mais l’eau a tout effacé. Peut-être que par transparence il arrivera encore à le lire ? Il tenterait bien de reconstituer ce texte… Voilà qui le tiendrait éveillé pendant ses rares moments de loisir. Il décide qu’il s’y mettra le soir, les pages auront eu le temps de sécher. Après une remarque de Maldoror sur la tendance de Providence à accumuler tous les vieux machins qu’il ramasse dans le parc, ils sortent à l’extérieur pour effectuer le contrôle du parc. Le gardien commence par aller relever les boîtiers d’alerte. Dans un grand escalier, ils croisent la directrice faisant sa tournée à cheval. Elle demande à Providence quand il les débarrassera de ces sacrés machins, en désignant les boîtiers, car ils surprennent les promeneurs qui risquent alors la crise cardiaque
Quelle inconscience ! Rendre hommage à Howard Phillips Lovecraft en bande dessinée, ce n’est pas donné à tout le monde. D’un autre côté, l’autrice n’adapte pas une de ses œuvres. Enfin, bon, il y a quand même cette nouvelle qui bénéficie d’illustrations. Celles-ci s’avèrent assez sages : elles ne cherchent pas à réinventer l’imaginaire de l’écrivain. On y trouve la maison en bois, les animaux marins qui évoluent dans le ciel, des tentacules bien sûr, des présences surnaturelles, des couleurs entre enchantements et terreurs (comme tombées du ciel bien sût) et un amalgame très réussi de vie marine et d’yeux, pour une illustration plus enchanteresse que réellement terrifiante. La majorité de l’album est donc consacré à cet étrange gardien au nom fort évocateur, un hommage direct à la ville natale de l’écrivain. La scénariste ajoute une pincée d’Arthur Rimbaud (1854-1891), une autre de Lautréamont (1846-1870) avec le nom du chat faisant référence aux chants de Maldoror (1868-69). Le lecteur ne s’attend pas forcément à voir les trois Nornes : Urd, Verdandi et Skuld. Elles ne sont pas nommées et ne se tiennent pas près d’un puits. Elles évoquent vaguement le destin, plutôt par des phrases cryptiques sur l’ouvrage que Providence repêche au fond du lac, qui est souillé par le chat, qu’elles lui volent, et qui est ensuite chapardé par les enfants. Il est possible d’y voir une métaphore sur les lecteurs de Lovecraft dont chaque nouvelle génération interprète ses écrits.
Qu’a donc pu voir Philippe Druillet dans cet ouvrage ? Le premier contact se produit avec la couverture : un dessin en noir & blanc avec des éléments très texturés par de nombreux traits, quelques aplats de gris, et la présence incongrue et grotesque de ces deux carpes volantes et en couleurs. Le tout produit un effet surréaliste, surtout une fois que le lecteur a remarqué la présence des yeux parmi les herbes. Tout du long de l’ouvrage, l’artiste va utiliser la couleur pour le même effet : Providence évolue dans un monde en noir & blanc, sans nuances de gris, fortement hachuré et donc texturé, et les éléments surnaturels sont les seuls apparaître en couleurs, venant apporter une touche plus vivante, réenchantant ce monde sec et contrasté. L’artiste utilise des teintes allant du rose clair et vif au pourpre profond, et du vert d’eau au bleu. Ce dispositif s’applique aussi bien à des éléments de décors comme des marches d’escalier ou la maison au fond du lac, la surface de l’eau, qu’à des éléments vivants comme les carpes ou les tentacules (car, oui, il y a bien des tentacules) et les chats. Le lecteur observe que les êtres humains restent en noir & blanc, à l’exception des enfants quand ils sont transformés en êtres mi-humains, mi-poissons.
Le lecteur part peut-être avec un a priori après avoir vu la couverture : celui que les dessins vont être chargés et exiger un effort de concentration pour la lecture. Il se plonge dans les premières pages et découvre que le ressenti est fort différent : ça se lit tout seul. S’il le souhaite, il peut très bien se contenter de la forme générale de chaque dessin, et passer un temps réduit pour chaque case, juste pour en saisir l’idée générale. Providence assis au milieu de fleurs démesurées avec des insectes plus gros que lui, ce qui produit une sensation d’être caché dans la végétation. Ces insectes qui finissent par former une nuée, comme une composition abstraite, avec la silhouette spectrale du chat qui en émerge. La discussion très banale entre le chat et le gardien dans son bureau, avec le fouillis autour, une scène relevant du quotidien normal, à ceci près que le chat parle. La première balade dans le parc : l’impression de feuillage, la texture des troncs, les végétaux plus ou moins indistincts, les rambardes torturées, le pont, les pelouses, le kiosque, les bancs, les multiples branches fines et noueuses, le lac, la barque, etc. Il ressent ce plaisir à se promener dans ce parc qui a l’air d’être de belle dimension, et en même temps une nature à tendance expressionniste. Il voit également les personnages, plutôt normaux, tout en présentant une forte personnalité par leur apparence : le gardien élancé, les trois Nornes en femmes âgées, l’agent Zadok bizarre inspecteur du travail de la psycho-sanitaire avec son uniforme étrange, la directrice sèche et pleine d’autorité.
Le lecteur peut aussi trouver son plaisir à s’attarder sur des détails dans les cases, en fonction de ses envies, de son propre rythme. Il relève alors des détails singuliers : les parapluies parmi les objets abandonnés récupérés par le gardien, les pots de fleurs à l’extérieur de sa porte d’entrée, les rambardes caractéristiques des parcs parisien en rusticage, la présence régulière de la faune, l’hétérogénéité des manteaux et blousons des enfants, l’architecture de la maison du gardien qui évoque un chalet de parc parisien, celle du kiosque de belle dimension, les chaises pliantes avec leurs lattes métalliques, la tenue de cavalier de la directrice, les nichoirs, etc. Il se fait que la réflexion que tout cela participe à l’atmosphère globale du récit, que la tonalité évoque en effet celle des romans de Lovecraft, pour partie seulement. Dans le même temps, l’autrice ne réalise ni une adaptation d’une œuvre de l’écrivain, ni un hommage appliqué premier degré. Elle met en scène Providence dans un monde où le surnaturel existe, au moins pour lui et pour les Nornes, peut-être pas pour la directrice. Elle apporte y apporte une saveur différente de celle de Lovecraft, elle exprime son propre ressenti sur sa lecture de ces œuvres. Elle le voit comme ce monsieur sur sa réserve, ce monsieur inquiet de l’existence d’éléments surnaturels, qui les accepte, qu’il ne craint pas, pour lesquels il éprouve une curiosité, d’en savoir plus. Le lecteur se dit que c’est la manière dont Dara Schmitt se représente la vie intérieure de Lovecraft, d’après son œuvre, sans forcément penser à sa vie.
Le lecteur découvre que le récit va plus loin qu’une simple fantaisie à partir de l’imaginaire de l’écrivain de Providence. Cela commence par les préoccupations du gardien vis-à-vis de la sécurité des usagers du parc, sécurité physique et sécurité psychique. Il y a également ce jeu autour de l’ouvrage repêché au fond du lac : une nouvelle de Lovecraft, qui dégage une aura ayant des conséquences sur la réalité. Plus surprenant : la vision de la directrice sur la gestion du parc et son management. Alors qu’il n’y a pas de téléphone portable dans ce récit, elle développe un discours moderne sur les différents usages d’un parc, et sur le management, avec une volonté de modernisme, des valeurs a priori peu conciliantes avec les fantaisies du gardien, avec les capacités limitées par l’âge des Nornes, et bien sûr un hermétisme total quant à la vie psychique incarnée par le surnaturel. Le lecteur est encore plus surpris de constater qu’elle fait évoluer ses valeurs au fil des contacts qu’elle a avec son personnel.
La promesse de lire une histoire baignant dans une atmosphère à la Lovecraft, et la crainte d’un succédané fade et de contresens potentiels. Très vite, le lecteur oublie cet a priori pour apprécier ce que raconte vraiment le récit. Il succombe vite au charme de la narration visuelle, entre nostalgie discrète et éléments contemporains très concrets. Il se laisse gagner par le réenchantement du monde généré par les touches de couleurs et par la curiosité tranquille du gardien. Il succombe vite à la qualité de cet hommage conservant la personnalité de l’autrice, exprimant son ressenti personnel sur l’œuvre de Lovecraft, sans le trahir, ni le singer. Un envoûtement plein de charme.
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La Tempête (David Wautier)
J'apprécie généralement les albums sans texte pour la jeunesse. Pour une fois ce ne sont pas les éditions de la Gouttière (Anuki,Passe-passe, Myrmidon) mais une autre petite maison, Le Diplodocus, qui propose cet excellent récit graphique de David Wautier. Cette série s'adresse surtout aux jeunes lecteurs et lectrices de 4/5 ans comme une initiation à la BD mais pas seulement. En effet j'ai immédiatement été séduit par l'intelligence du scénario qui peut facilement parler à un lectorat plus âgé (comme moi). Tout d'abord 44 pages, c'est beaucoup pour un très jeune lectorat. Cela demande un effort de concentration assez intense pour ne pas lâcher sa lecture. C'est tout le talent de l'auteur de proposer des "rebondissements", une montée dans l'intensité dramatique des évènements puis un final classique mais libérateur pour réussir à capter l'attention jusqu'au bout. Wautier choisit un environnement inhabituel pour un très jeune public : une ferme isolée au pied de la Monument Valley dans le désert de l'Arizona. Un jeune garçon de 5/6 ans s'y promène avec sa petite sœur (et sa poupée) seuls à quelques centaines de mètre de la ferme où la maman est seule à faire le linge. Une entrée en matière particulière car si elle permet une appropriation immédiate pour un très jeune lectorat, elle installe un climat assez fort d'angoisse pour une vision adulte (isolement, vulnérabilité des personnages). Ce sentiment augmente quand on sent le danger invisible arriver. Des Indiens ? des hors la loi ? ce serait un imaginaire adulte sur lequel Wautier joue avec malice. Non ce ne sont que des nuages noirs qui soulagent le lecteur adulte mais pas forcément l'enfant qui voit son espace de confort malmené par des événements qu'il connait bien. Ce (trop) long développement pour montrer comment j'ai trouvé intelligente la construction du récit de l'auteur. Le reste n'est que plaisir des yeux ! le graphisme de Wautier pouvant parler à un public très large. La construction des planches reste dans le classique gaufrier émotionnel et actif avec quelques pleines pages contemplatives. Une très belle lecture pour tous à faire seul.e ou partagée.
Les Yeux du Chat
Jouer à voir - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Son édition originale date de 1978. Il s’agit de la première collaboration entre Alejandro Jodorowsky (scénario) et Jean Giraud (1938-2012), sous le pseudonyme de Mœbius. Cet ouvrage compte cinquante pages de bande dessinée. L’édition de 2013 présente la particularité d’avoir été imprimée sur des pages jaunes. Elle comprend également une préface écrite par le scénariste le vingt-neuf juillet 2011. Il explique comment il avait commencé à travailler sur le projet de film d’adaptation du roman Dune (1970) de Frank Herbert (1920-1986). Lors d’un plein d’essence, il découvre sur les rayonnages de la station-service de splendides dessins de vaisseaux spatiaux signés Mœbius, et sur une série western dessinée par Jean Giraud, et il comprend qu’il a trouvé l’artiste pour les costumes et celui pour le storyboard. Arrivé à Paris, il rend visite à son attaché de presse qui est en conversation avec Jean Giraud, et le scénariste découvre qu’il a devant lui les deux personnes qu’il recherche, et qui ne sont qu’un seul homme. Puis il explique dans sa préface les circonstances de la réalisation de la présente histoire, réalisée à titre gracieux, et offerte aux lecteurs du mensuel Métal Hurlant, publié par les Humanoïdes Associés. Un enfant se tient dans l’encadrement d’une très haute fenêtre, ou sur une terrasse. Il est revêtu d’un vêtement ample, il a le crâne rasé. Il regarde au loin. Haut dans le ciel un aigle s’éloigne pour une destination inconnue. Une mégalopole indéterminée : de très hauts gratte-ciels qui surplombent les autres constructions, certaines se trouvant dans leur ombre. Des antennes au sommet de ces constructions fines et élancées. Le ciel est totalement masqué par des nuages d’une nature indiscernable. L’enfant n’a pas bougé de place. Il se tient parfaitement immobile, tourné vers le lointain, dans la même posture. À une distance indéterminée dans la ville, les nuages ont pris une forme étale, constituant une sorte de plafond opaque. Il se produit une trouée à la forme régulière qui laisse passer comme une colonne inclinée de lumière atteignant le sol d’une sorte de placette. Dans ce quartier, l’architecture de la ville combine plusieurs caractéristiques. Comme un rappel d’une fortification, ou peut-être une large parcelle piétonne desservant les étages les plus élevés des maisons. Il se trouve aussi un mélange d’immeubles parisiens et de constructions plus baroques surmontées de dômes. Au pied de l’une d’elle sur le pont piétons se trouvent des débris de maçonnerie. L’enfant respecte une immobilité parfaite devant sa très haute fenêtre : il a perçu le rayon de soleil qui a percé la couche nuageuse. Il s’agit en fait d’un rayon de lumière d’un ou deux mètres de diamètre qui atteint le sol de la placette. Les façades d’immeubles sont délabrées : les fenêtres éclatées, des impacts sur les murs, le revêtement dégradé. Des détritus au sol de nature technologique. Au travers d’une fenêtre brisée, apparaissent des objets abandonnés en tas. Le secteur semble désert, dépourvu de toute présence humaine. En lisant la préface, le lecteur prend connaissance des circonstances dans lesquelles cette bande dessinée a vu le jour : une belle campagne de publicité de l’éditeur qui a pris la forme d’une nouvelle collection de petits volumes, en tirage limité, baptisée Mistral. Chacun de ces volumes portaient la mention : Cette édition ne saurait être vendue, elle est donnée gratuitement à tout fidèle des Humanoïdes Associés. Jodorowsky explicite en détails les conditions de réalisation de ces petits volumes. Il commence par rappeler que : La bande dessinée est un art industriel, les artistes sont des artisans, ils font leur travail et ils sont payés à la page, c’est leur modus vivendi. Pour ces ouvrages, l’éditeur leur proposait de travailler gratuitement, c’est-à-dire sans toucher de droits d’auteurs, ce que les présents créateurs ont accepté pour être sûr sur que leur autre projet puisse bien aller jusqu’à la publication, en l’occurrence L’Incal. Afin de répondre à la demande, le scénariste a intégré les spécifications et les exigences éditoriales, pour les transformer en un exercice de style. Il a indiqué à l’artiste que : Plutôt que de réaliser des planches découpées en vignettes, ils vont présenter l’histoire comme une suite d’illustrations aussi solitaires que l’enfant et le chat, et chaque vignette occupera une page entière. En face de chaque tableau, l’artiste pourra mettre comme un motif qui se répète, l’ombre de l’enfant en train de regarder par la fenêtre. Ainsi les contraintes éditoriales deviennent une structure formelle conceptuelle. Les créateurs partent sur le principe que la planche de gauche, celle avec l’enfant qui tourne le dos au lecteur, est multipliée dix-huit fois. Dans la première, Mœbius a simplement ajouté l’aigle au loin qui part en chasse. Puis lorsque l’aigle revient après une longue attente, il a commencé à animer l’enfant, et à modifier les ombres qui fonctionnent alors comme un contrechamp de l’image à droite. En outre, le personnage prononce en tout et pour tout douze phrases, très courtes, moins de dix mots à chaque fois, saupoudrées sur douze pages différentes. Du coup, au premier contact, la lecture s’avère très rapide : dix minutes en prenant le temps de vérifier si le personnage a bougé d’une page de gauche à une autre, et en absorbant les informations visuelles de la page de droite. L’intrigue s’avère linéaire et simple : page de gauche le personnage a vu partir l’aigle et il attend son retour sans bouger, page de droite l’aigle finit par arriver sur la placette où il fait face au chat que mentionne le titre du récit. La promesse implicite de la couverture est tenue : il y a bien un affrontement entre les deux animaux. Le récit se clôt en bonne et due forme, inscrivant le récit dans le genre horrifique, dans un environnement de science-fiction. Et voilà. Le récit s’avère plus intéressant pour un amateur de bande dessinée en tant que médium. Il constitue la première collaboration entre deux auteurs majeurs, qui travailleront ensuite sur la série L’Incal (1980-1988), la trilogie du Cœur couronné (La folle du Sacré Cœur, Le piège de l’irrationnel, Le fou de la Sorbonne), Griffes d’ange, ainsi que sur le projet de film avorté Dune. Il permet également d’admirer les planches de l’artiste, dans un récit complet, avec une structure rigoureuse et accessible. Tout commence avec une page de gauche, et la silhouette immobile du personnage de dos, dans un grand cadre étroit vertical. Le lecteur en déduit qu’il s’agit du personnage principal, qu’il se tient dans l’embrasure d’une fenêtre monumentale, démesurée par rapport à la taille d’un être humain, relativisant l’importance de ce dernier dans un décor gigantesque. Il découvre la répétition de cette image à l’identique, dix-sept fois la même, et avec un élément supplémentaire (l’aigle au loin dans le ciel) pour la première. Ce dispositif visuel produit un effet de stabilité, d’impassibilité, laissant le doute dans l’esprit du lecteur si le personnage est perdu dans ses pensées, ou au contraire focalisé sur la survenance d’un événement à venir. Le déroulement du récit lui permet de comprendre qu’il s’agit de la deuxième hypothèse. Les pages de droite s’avèrent plus fournies en information, constituant une narration visuelle plus classique, racontant des événements dans un ordre chronologique. Du fait de la composition de l’ouvrage, une case par page, celle de gauche identique de l’une à l’autre, l’attention du lecteur se trouve focalisée sur les informations contenues dans l’illustration en pleine page à droite. Il commence par s’intéresser à l’environnement : une mégalopole dans un futur indéterminé, peut-être pas sur Terre, peut-être que oui, cela n’a finalement pas d’importance dans le récit. Une influence de l’urbanisme parisien visible dans certaines formes d’immeubles et de toitures. Et comme une ville construite pour partie par-dessus, avec une architecture futuriste, un avenir plus ou moins lointain, pas très rieur, une forme de résignation à un environnement inhospitalier commençant à se délabrer. Le lecteur relève un ou deux détails supplémentaires : les appareillages technologiques abscons dont il n’est pas possible de devenir les fonctions, les déchets présents sur le sol, et la forme caractéristique d’une plante à cinq feuilles sur le frontispice au-dessus de la fenêtre à l’extérieur. Les pages de droites révèlent également que le personnage se tient bien devant l’encadrement d’une haute fenêtre, et qu’il s’agit peut-être d’un adolescent ou d’un jeune adulte. Le lecteur découvre donc progressivement l’intrigue : l’apparition d’un chat sur la placette et l’arrivée de l’aigle pour un affrontement, comme le montre l’illustration retenue pour la couverture de l’édition de 2013. Jodorowsky utilise le mot tableau pour parler de chacune de ces illustrations. Le lecteur fait l’expérience qu’elles forment bien d’une narration séquentielle : chacune raconte quelque chose en elle-même, et en relation avec la précédente et la suivante elle constitue un moment. Sur la première planche de droite, le lecteur ne voit pas juste la représentation d’une ville d’un point de vue au-dessus des toits, il voit ce que voit le personnage, il voit une cité d’anticipation, et il voit un ciel bouché, peut-être du fait de la pollution atmosphérique, une préoccupation très prégnante à l’époque de la réalisation du récit. Dans la deuxième, il comprend que la trouée dans les nuages laissant passer la lumière du soleil constitue un événement, rendant l’image dynamique, au lieu d’une simple représentation statique. Dans la troisième, la lumière du soleil atteint le sol de la placette : vraisemblablement un fait remarquable, comme un coup de projecteur sur cet endroit précis, et le décor montre qu’il s’agit d’un quartier particulier de la mégalopole. Par la suite, le lecteur ressent les variations de nature dans les cadrages et les cadrages plus ou moins large ou près : les postures et la curiosité du chat, le comportement de prédateur de l’aigle, le lien qui l’unit au personnage humain, etc. La narration visuelle se suffit à elle-même pour que le lecteur comprenne l’intrigue, sans l’aide de mots. Une curiosité que cette première collaboration entre ces deux créateurs hors norme ? Il y a de cela, et c’est aussi une leçon magistrale d’art séquentiel, de narration visuelle utilisant les fortes contraintes de production du récit (pagination imposée, absence de rémunération, rythme élevé de production) pour structurer la bande dessinée. Une histoire courte vite lue et classique ? Certes, et aussi une intrigue de genre, cruelle et mystique (l’affrontement entre deux animaux pour le bénéficie d’un être humain isolé du reste de l’humanité dans sa tour d’ivoire, et délabrée). Un conte impitoyable pour adultes.
Stand by me Kakuemon
3.5 J'aime bien les séries de mangas qui montrent l'envers du décor du monde des mangas. J'ai lu les deux premiers tomes de cette nouvelle série est c'est vraiment bon ! Bon, par moment on dirait que les problèmes du personnage principal sont un peu exagérés (je pense surtout aux assistants qui semblent être les pires du monde), mais la vie de mangaka est effectivement dure, constamment sur leur table à dessin à faire des dizaines de pages par semaine et les débutants sont à la merci d'éditeurs qui peuvent faire ce qu’ils veulent d'eux vu que le manga est un marché concurrentiel et pleins d'auteurs disparaissent rapidement s'ils ne plaisent pas aux lecteurs. Une particularité de cette série est qu'en plus de voir un jeune mangaka galérer même après avoir rencontré le succès, on voit son lui du futur qui est revenu dans le passé pour lui dire d'arrêter les mangas parce qu'il va gâcher sa vie. Il y a aussi le seul personnage féminin qui est intéressant. Au début, on dirait juste le gros cliché sexiste de la femme qui couche avec n'importe qui de connu, mais dans le second tome on commence à lui donner une personnalité un peu plus complexe de femme sexy qui vit dans un monde patriarcal qui ne la considère que comme un objet sexuel. J'espère que les tomes suivants vont continuer dans ce sens et la développer encore plus. Le dessin est bon, c'est le style réaliste que j'aime bien retrouver dans ce genre de seinen.
La Douceur de l'Enfer
Je suis un grand admirateur du travail d'Olivier Grenson. Que ce soit Koda ou La Femme accident j'aime ses créations graphiques souples et détaillées. Ici Grenson propose une création complète avec un scénario où l'on devine qu'il a mis beaucoup de lui-même. En effet les deux thématiques principales qui sont le deuil et la réconciliation impliquent souvent une pioche dans un vécu douloureux pour nourrir le récit. On en a malheureusement la confirmation avec la dédicace nécrologique glaçante en avant propos du T1. L'auteur nous propose deux personnages centraux sombres qui se nourrissent de rancœurs contre les autres ou contre eux-mêmes. Malgré les épisodes sur la guerre de Corée, Grenson propose un récit plus introspectif qu'actif. Le rythme est donc lent à la mesure de la gestation de la parole libératrice. Grenson positionne son récit sur plusieurs niveaux de réconciliations, intra familiale (le couple ou. Billy/Ted ) au niveau national entre les deux Corée et envers soi-même. Cette proposition élargie donne à la thématique une belle profondeur avec des passages ou des dialogues très touchants quand l'auteur y ajoute celle du deuil. J'ai quelques réserves mineurs sur certains points du récit de Ted mais cela ne m'a pas empêché d'apprécier la fluidité du récit. Evidemment le graphisme de Grenson est toujours un plaisir de l'œil et donne à la narration un confort constant. Toutefois j'ai trouvé certaines cases moins abouties surtout pour les visages des deux femmes Martha et Emily. Pour le reste c'est toujours très réussi que ce soit dans les extérieurs de Corée, de San Francisco ou des épisodes de guerre. Une belle lecture qui invite au retour sur soi dans de nombreux passages.
Les Carnets de Cerise
Cerise, Cerise, Cerise, voilà une bien jolie surprise. Je ne suis clairement pas le public visé d'une telle série et c'est avec pas mal d'appréhension que je me suis lancé dans sa lecture Cerise est donc une fillette d'une dizaine d'années qui est curieuse de tout et surtout des inconnus qui l'entourent. Sa curiosité (qu'on pourrait aisément qualifiée de mal placée) l'entraine dans des aventures qu'elle consigne dans des carnets. Car Cerise souhaite devenir auteure. A l'heure où les enfants sont plus connectés que jamais (mais toujours moins que demain) c'est très rafraichissant de voir une enfant aimer lire et écrire. Les dessins sont très agréables et alternent habilement entre BD et extraits des Carnets de Cerises. On regrettera juste une colorisation trop informatisée. Tout s'enchaine facilement et la lecture est assez fluide, ce qui est "normal" pour une BD jeunesse. Bien que chaque tome soit indépendant il est quand même préférable de les lire dans l'ordre car cela permet de suivre l'évolution de Cerise et ses amies. D'ailleurs on peut trouver certains clins d'œil aux tomes précédents en cours de lecture Les histoires n'ont pas toutes les même qualités narratives ainsi s'il fallait noter les différents tomes : * Tome 1 : 3/5 une très belle histoire se prêtant parfaitement aux dessins et couleurs de la série. * Tome 2 : 1/5 J'ai détesté cet album pas à cause de l'histoire ou des dessins mais à cause des conflits qui éclatent entre Cerise et son entourage (maman et amies). En continuant la série je pense que ce passage était obligé afin de faire grandir Cerise * Tome 3 : 5/5 Et oui cette histoire de chasse au trésor est ultra touchante, humainement parlant. Certaines blessures de l'enfance mettent très longtemps à guérir. On découvre par la même un peu plus l'histoire de notre héroïne * Tome 4 : 3/5 On redescend d'intensité. L'intrigue, toujours pleine de bons sentiments, est moins touchante que la précédente. Cerise arrivera t'elle enfin à mettre des mots sur ses maux ? * Tome 5 : 5/5 Cette fois c'est Cerise qui enquête sur son passé et c'est très émouvant. Les blessures de Cerise sont contées avec pudeur et empathie. C'est très prenant et ultra touchant Ma note est légèrement gonflée mais il serait dommage de pénaliser la série à cause d'un seul tome. Ce fut sincèrement une belle découverte
Ulysse
J'ai été à deux doigts de donner la note max à cette série. J'ai acquis l'intégrale de Glénat car j'aime bien ces adaptations mythologiques qui sortent du schéma universitaire classique tout en gardant les fondamentaux. J'ai été gâté et Lob m'a permis de replonger dans une époque délicieusement et gentiment irrévérencieuse pour les monuments de toutes sortes. Lob construit son récit en respectant les grandes étapes du récit homérien. L'auteur se permet juste de faire monter le célèbre poète pour y ajouter un élément comique et une troisième voix (Ulysse, Lob et Homère) qui ajoute une sorte de crédibilité documentaire au récit. C'est une trouvaille de plus dans un scénario qui équilibre le récit mythologique avec des épisodes de SF dans une saveur érotique et psychédélique avec un fort parfum de Flower Power. Lob ne se contente pas d'aligner les épisodes du voyage, il recrée ces épisodes dans des représentations originales en travaillant sur les anachronismes pour provoquer la surprise et le rire. Car ce Ulysse est une vraie lecture où se mêlent des contes ( les sirènes) des réflexions contemporaines ( Circée fait du "Balancetoporc" bien avant l'heure) ou métaphysiques. C'est délivré avec un ton léger sans se prendre au sérieux ce qui rend le message d'autant plus percutant. Le final et à 'image du récit imprévu et intelligent. Le graphisme de Pichard travaille sur de l'érotisme très sage. Nous sommes loin des modèles anorexiques ou des gamines manga. Le fantasme de l'époque ressemble bien plus à Brigitte Bardot ou Claudia Cardinale. Les formes pleines et rebondies correspondent au dessin rond de l'auteur. Toutefois Pichard ne se contente pas d'aligner des nymphettes ( souvent très sages) il propose aussi une multitudes de détails dans les scènes de SF Comme le démontage de Polyphème. Il y a beaucoup de trouvailles dans les représentations visuelles de certains personnages ( Athéna, Eole, Polyphème, Neptune) ce qui fait un fort effet de contraste avec le classicisme des Grecs. Une lecture très intéressante avec une belle créativité et beaucoup d'originalité malgré le thème ultra classique. Un régal
Erkin Azat - Lanceur d'alerte des camps ouïghours
Je ne partais pas spécialement conquis avant d'attaquer ma lecture, le graphisme de Luxi n'étant pas spécialement ma tasse de thé. Mais ici, s'agissant d'une BD documentaire sur un sujet qui m'intéressait, j'ai passé le pas et je ne le regrette pas. Et c'est avant tout un hommage à Erkin Azat et à son courage que je veux adresser mes louanges. Il est de ceux qui prennent des risques majeurs pour que la vérité sur certaines tragédies ne finissent pas aux oubliettes. Car s'attaquer et dénoncer l'Etat chinois c'est d'un part très risqué pour soi mais aussi pour ses connaissances et sa famille. Car c'est bien du génocide des ouïghours et de ses camps de "rééducation" dont il est ici question. Cet album nous relate de façon didactique et explicite la politique ethnocidaire que la Chine mène depuis 15 ans. On y suit tout l'investissement que va mener Erkin Azat (un pseudo signifiant liberté), ingénieur dans le milieu pétrolier. Les injustices qu'il va croiser d'abord autour de lui, puis lui-même, vont le pousser à consigner puis relater ces faits pour qu'ils cessent. Il va même créer une association et devoir fuir à l'étranger au fil de ses actions et des témoignages qu'il va collecter. Son action va forcément déranger... et les menaces et persécutions s'intensifier. L'album a ce mérite d'éclaircir un sujet dont on a tous entendu parler, mais qui, s'y on n'a pas plus creusé que ça peut rester très flou. Si le dessin n'est pas là pour faire joli, il est très efficace et sert parfaitement le récit. Une très bonne BD documentaire !
Watership Down
Les avis de Ro et bab m'ont convaincu de me pencher sur ce comics. Comics qui partait avec deux handicaps. Le premier c'est d'avoir des animaux pour personnages principaux, j'ai souvent du mal à adhérer à ce type de récit. Et le second c'est la partie graphique, son rendu ne m'attirait pas vraiment. Deux handicaps qui ont volé en éclats lors de ma lecture. Les éditions "Monsieur Toussaint Louverture" ont, comme toujours, réalisé un superbe travail. Un magnifique écrin pour cette adaptation du chef-d’œuvre de Richard Adams. Des lapins pour personnages principaux, ils sont à la recherche d'une nouvelle garenne, l'un d'eux a eu un mauvais pressentiment. Ils doivent quitter sur le champ leur logis s'ils veulent survivre. A partir de là, on va suivre ce petit groupe aux grandes oreilles à la recherche d'un coin de paradis et de liberté. L'aventure avec un grand A, elle sera semée d'embûches. Un récit qui nous fait découvrir tout un monde complexe, la hiérarchisation est de mise dans la garenne, une société qui fera écho à certains régimes totalitaires. Une fresque touchante et âpre, elle doit énormément à l'humanité qui émane de ce petit groupe de rebelles. Une quête captivante, très bien construite et qui m'a touché en plein cœur. Le dessin de Joe Sutphin m'a conquis par le soin apporté aux détails, mais surtout les émotions qu'il arrive à faire passer au travers une attitude ou d'un regard de nos chers lapins. Un trait gras, légèrement charbonneux et de tristes couleurs retranscrivent toute l'âpreté de ce monde animalier. Rien ne ressemble plus à un lapin qu'un autre lapin, pourtant (cela demandera un peu de concentration) il n'est pas si difficile de reconnaître chaque protagoniste suivant la couleur du pelage, le positionnement des oreilles, une particularité physique.... Ça permet de faire travailler la mémoire. Une très belle surprise. Ne pas oublier de vérifier que le carton reprenant la carte géographique des garennes et le glossaire "Lapine" est bien présent dans la BD. Très important ! Je ne peux que recommander.
Downlands
Gros coup de cœur pour cet album, et merci aux précédents posteurs pour avoir attiré mon attention vers celui-ci. Downlands est un comics à grosse pagination et pourvu d’une certaine densité narrative… que je n’ai pas su lâcher avant d’en avoir tourné la dernière page. L’histoire est en effet prenante en diable, qui traite de nos peurs les plus primaires (la mort, l'inconnu, et surtout l'énigme de l'après-mort) au travers du prisme du folklore et des légendes (anglais dans le cas présent). Il y a le fantôme de cette auto-stoppeuse qui apparait au milieu de la route, ce chien que des personnes voient la veille de leur mort, il y a cette mystérieuse voisine un peu sorcière qui intrigue et effraie les enfants. Il y a cette introduction durant laquelle le lecteur peut s'amuser à recouper différents articles de journaux... Il y a cette famille mystérieusement disparue sans laisser de traces. J’ai adoré l’atmosphère que l’auteur parvient à créer en entremêlant diverses histoires fantastiques, les liant toutes à une petite ville, un quartier, une rue. Porté par un très charismatique personnage central, le récit prend la forme d’une enquête policière dans laquelle le fantastique s’insinue de manière naturelle, ouvrant les portes vers d’autres réalités auxquelles le lecteur que je suis se plait à croire. Force est d’admettre que les légendes qui servent d’ossature au récit ont quelque chose d’universel qui nous les rend intimes, comme si nous avions toujours vécu avec celles-ci, comme s’il était naturel d’y croire. Au-delà de ce déjà très séduisant univers, j’ai également été ému par la description de cette famille touchée par le deuil, murée dans une pudeur silencieuse face à la douleur de la perte. Les lettres que James Reynolds écrit à sa défunte sœur sont une belle démonstration de cette souffrance pudique, camouflée derrière un bon mot ou une anecdote amusante. Et pour parachever l’œuvre, ajoutez un dessin que j’ai beaucoup aimé. Le trait de Norm Konyu m’a fait penser à celui d’Alexandre Clérisse mais le traitement des couleurs (qui opte pour des teintes douces, très pastels) arrondi ce style anguleux tout en lui apportant de la profondeur. J’accrocherais volontiers certaines des planches de ce livre sur le mur de mon salon. Pourtant ce dessin est toujours au service de l’histoire. Il ne la domine pas, il la magnifie, lui apportant poésie, mystère et douceur. Enfin, le récit tient la route jusqu’à sa conclusion. Une conclusion certes classique et sans doute attendue mais qui cadre tellement bien avec l’esprit de ce livre. J’ai achevé cette lecture en dévorant la postface qui revient sur l’origine des différents récits folkloriques qui rythment cette histoire, désireux de conserver le plus longtemps possible cette émotion, ce sourire tendre, triste et joyeux à la fois que Downlands avait réussi à faire naître en moi. Gros coup de cœur !
Le Bestiaire du crépuscule
Ces spécimens sont d’une cinglante matérialité ! - Ce tome contient un récit complet, indépendant de tout autre, qui s’apprécie mieux avec une vague idée de la nature des œuvres de l’écrivain Howard Phillips Lovecraft (1890-1937), né dans la ville de Providence dans l’état de Rhode Island. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Daria Schmitt pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend cent-douze pages de bande dessinée. Il inclut la nouvelle L’étrange maison haute dans la brume (1931) de Lovecraft dans sa forme intégrale, avec des illustrations. Il s’ouvre avec une introduction d’une page, rédigée par Philippe Druillet Dans un grand parc à la localisation indéterminée, le gardien Providence s’est réfugié au milieu de la végétation qui semble démesurée pour être au calme. Son nom retentit : il est appelé par son chat Maldoror qui se manifeste sous forme spectrale elle aussi démesurée. Le chat insiste pour savoir si le gardien l’entend car il le voit en train de faire le mort. Maldoror lui dit qu’il ne s’en tirera pas comme ça, il intime au gardien de laisser ces fausses fleurs qui lui donnent mal à la tête, car il fait presque jour, c’est bientôt l’heure de la ronde. Providence lui demande pour quelle raison il faut que son chat le houspille, il était bien là, parmi les doux sarracenias. Mais il est vrai qu’il convient de profiter de cette heure idéale, et de ce rare moment de solitude sur le parc. Providence s’interroge : les visiteurs ont-ils jamais eu besoin d’un gardien ? En effet tous ces promeneurs se débrouillent très bien sans lui. Il se demande même parfois si ce n’est pas lui qui les met en danger. Peut-être que le loup n’existe pas ? Le monde obscur ne serait-il un rêve de plus ? Maldoror lui répond qu’il le trouve bien rationnel pour un rêveur. Maldoror continue ; il donne un conseil de chat au gardien : ne pas tout ramener au diapason de la raison humaine, il y a trop de choses qu’elle n’explique pas. Il prend l’exemple de ses propres pattes : elles sont pleines d’encre noire, alors qu’il a marché sur une page banche, qu’en dit Providence ? Ce dernier fait observer que ses pattes sont sales et que la page est humide, il l’a repêchée sur le lac avec quelques autres. Le chat lui conseille de ne pas oublier que l’occulte a toujours raison des sceptiques et s’amuse à tirer vengeance de ceux qui le méprisent. L’attention de Providence s’est reportée sur les pages. Il voit qu’il y a quelque chose d’inscrit, mais l’eau a tout effacé. Peut-être que par transparence il arrivera encore à le lire ? Il tenterait bien de reconstituer ce texte… Voilà qui le tiendrait éveillé pendant ses rares moments de loisir. Il décide qu’il s’y mettra le soir, les pages auront eu le temps de sécher. Après une remarque de Maldoror sur la tendance de Providence à accumuler tous les vieux machins qu’il ramasse dans le parc, ils sortent à l’extérieur pour effectuer le contrôle du parc. Le gardien commence par aller relever les boîtiers d’alerte. Dans un grand escalier, ils croisent la directrice faisant sa tournée à cheval. Elle demande à Providence quand il les débarrassera de ces sacrés machins, en désignant les boîtiers, car ils surprennent les promeneurs qui risquent alors la crise cardiaque Quelle inconscience ! Rendre hommage à Howard Phillips Lovecraft en bande dessinée, ce n’est pas donné à tout le monde. D’un autre côté, l’autrice n’adapte pas une de ses œuvres. Enfin, bon, il y a quand même cette nouvelle qui bénéficie d’illustrations. Celles-ci s’avèrent assez sages : elles ne cherchent pas à réinventer l’imaginaire de l’écrivain. On y trouve la maison en bois, les animaux marins qui évoluent dans le ciel, des tentacules bien sûr, des présences surnaturelles, des couleurs entre enchantements et terreurs (comme tombées du ciel bien sût) et un amalgame très réussi de vie marine et d’yeux, pour une illustration plus enchanteresse que réellement terrifiante. La majorité de l’album est donc consacré à cet étrange gardien au nom fort évocateur, un hommage direct à la ville natale de l’écrivain. La scénariste ajoute une pincée d’Arthur Rimbaud (1854-1891), une autre de Lautréamont (1846-1870) avec le nom du chat faisant référence aux chants de Maldoror (1868-69). Le lecteur ne s’attend pas forcément à voir les trois Nornes : Urd, Verdandi et Skuld. Elles ne sont pas nommées et ne se tiennent pas près d’un puits. Elles évoquent vaguement le destin, plutôt par des phrases cryptiques sur l’ouvrage que Providence repêche au fond du lac, qui est souillé par le chat, qu’elles lui volent, et qui est ensuite chapardé par les enfants. Il est possible d’y voir une métaphore sur les lecteurs de Lovecraft dont chaque nouvelle génération interprète ses écrits. Qu’a donc pu voir Philippe Druillet dans cet ouvrage ? Le premier contact se produit avec la couverture : un dessin en noir & blanc avec des éléments très texturés par de nombreux traits, quelques aplats de gris, et la présence incongrue et grotesque de ces deux carpes volantes et en couleurs. Le tout produit un effet surréaliste, surtout une fois que le lecteur a remarqué la présence des yeux parmi les herbes. Tout du long de l’ouvrage, l’artiste va utiliser la couleur pour le même effet : Providence évolue dans un monde en noir & blanc, sans nuances de gris, fortement hachuré et donc texturé, et les éléments surnaturels sont les seuls apparaître en couleurs, venant apporter une touche plus vivante, réenchantant ce monde sec et contrasté. L’artiste utilise des teintes allant du rose clair et vif au pourpre profond, et du vert d’eau au bleu. Ce dispositif s’applique aussi bien à des éléments de décors comme des marches d’escalier ou la maison au fond du lac, la surface de l’eau, qu’à des éléments vivants comme les carpes ou les tentacules (car, oui, il y a bien des tentacules) et les chats. Le lecteur observe que les êtres humains restent en noir & blanc, à l’exception des enfants quand ils sont transformés en êtres mi-humains, mi-poissons. Le lecteur part peut-être avec un a priori après avoir vu la couverture : celui que les dessins vont être chargés et exiger un effort de concentration pour la lecture. Il se plonge dans les premières pages et découvre que le ressenti est fort différent : ça se lit tout seul. S’il le souhaite, il peut très bien se contenter de la forme générale de chaque dessin, et passer un temps réduit pour chaque case, juste pour en saisir l’idée générale. Providence assis au milieu de fleurs démesurées avec des insectes plus gros que lui, ce qui produit une sensation d’être caché dans la végétation. Ces insectes qui finissent par former une nuée, comme une composition abstraite, avec la silhouette spectrale du chat qui en émerge. La discussion très banale entre le chat et le gardien dans son bureau, avec le fouillis autour, une scène relevant du quotidien normal, à ceci près que le chat parle. La première balade dans le parc : l’impression de feuillage, la texture des troncs, les végétaux plus ou moins indistincts, les rambardes torturées, le pont, les pelouses, le kiosque, les bancs, les multiples branches fines et noueuses, le lac, la barque, etc. Il ressent ce plaisir à se promener dans ce parc qui a l’air d’être de belle dimension, et en même temps une nature à tendance expressionniste. Il voit également les personnages, plutôt normaux, tout en présentant une forte personnalité par leur apparence : le gardien élancé, les trois Nornes en femmes âgées, l’agent Zadok bizarre inspecteur du travail de la psycho-sanitaire avec son uniforme étrange, la directrice sèche et pleine d’autorité. Le lecteur peut aussi trouver son plaisir à s’attarder sur des détails dans les cases, en fonction de ses envies, de son propre rythme. Il relève alors des détails singuliers : les parapluies parmi les objets abandonnés récupérés par le gardien, les pots de fleurs à l’extérieur de sa porte d’entrée, les rambardes caractéristiques des parcs parisien en rusticage, la présence régulière de la faune, l’hétérogénéité des manteaux et blousons des enfants, l’architecture de la maison du gardien qui évoque un chalet de parc parisien, celle du kiosque de belle dimension, les chaises pliantes avec leurs lattes métalliques, la tenue de cavalier de la directrice, les nichoirs, etc. Il se fait que la réflexion que tout cela participe à l’atmosphère globale du récit, que la tonalité évoque en effet celle des romans de Lovecraft, pour partie seulement. Dans le même temps, l’autrice ne réalise ni une adaptation d’une œuvre de l’écrivain, ni un hommage appliqué premier degré. Elle met en scène Providence dans un monde où le surnaturel existe, au moins pour lui et pour les Nornes, peut-être pas pour la directrice. Elle apporte y apporte une saveur différente de celle de Lovecraft, elle exprime son propre ressenti sur sa lecture de ces œuvres. Elle le voit comme ce monsieur sur sa réserve, ce monsieur inquiet de l’existence d’éléments surnaturels, qui les accepte, qu’il ne craint pas, pour lesquels il éprouve une curiosité, d’en savoir plus. Le lecteur se dit que c’est la manière dont Dara Schmitt se représente la vie intérieure de Lovecraft, d’après son œuvre, sans forcément penser à sa vie. Le lecteur découvre que le récit va plus loin qu’une simple fantaisie à partir de l’imaginaire de l’écrivain de Providence. Cela commence par les préoccupations du gardien vis-à-vis de la sécurité des usagers du parc, sécurité physique et sécurité psychique. Il y a également ce jeu autour de l’ouvrage repêché au fond du lac : une nouvelle de Lovecraft, qui dégage une aura ayant des conséquences sur la réalité. Plus surprenant : la vision de la directrice sur la gestion du parc et son management. Alors qu’il n’y a pas de téléphone portable dans ce récit, elle développe un discours moderne sur les différents usages d’un parc, et sur le management, avec une volonté de modernisme, des valeurs a priori peu conciliantes avec les fantaisies du gardien, avec les capacités limitées par l’âge des Nornes, et bien sûr un hermétisme total quant à la vie psychique incarnée par le surnaturel. Le lecteur est encore plus surpris de constater qu’elle fait évoluer ses valeurs au fil des contacts qu’elle a avec son personnel. La promesse de lire une histoire baignant dans une atmosphère à la Lovecraft, et la crainte d’un succédané fade et de contresens potentiels. Très vite, le lecteur oublie cet a priori pour apprécier ce que raconte vraiment le récit. Il succombe vite au charme de la narration visuelle, entre nostalgie discrète et éléments contemporains très concrets. Il se laisse gagner par le réenchantement du monde généré par les touches de couleurs et par la curiosité tranquille du gardien. Il succombe vite à la qualité de cet hommage conservant la personnalité de l’autrice, exprimant son ressenti personnel sur l’œuvre de Lovecraft, sans le trahir, ni le singer. Un envoûtement plein de charme.