Encore une lecture qui n'a pas été de tout repos, le genre qui éveille en moi un sentiment de révolte et une profonde frustration. bref, une grosse claque cette BD. Très content d'avoir découvert ce personnage, sacré destin, un destin dur, très dur. D'autant plus quand on apprend qu'elle a été assassinée en 2001, quelques années seulement après sa libération.
Même étant une personne dès plus pacifique, comme le dit Titanick, on ne peut que comprendre le chemin qu'a emprunté Phoolan Devi.
J'ai vraiment adoré cette lecture, même si les émotions qu'elle provoque ne sont pas des plus agréables. Savoir que c'est une histoire réelle rend la lecture encore plus saisissante, renforçant l'empathie et l'admiration que l'on ressent pour cette Reine des bandits.
Je regrette aussi de ne pas en avoir appris davantage sur son parcours politique, mais aussi sur certains moments forts qui, à mon sens, ne sont pas assez bien retranscrits : par exemple, lorsqu'elle rend les armes devant une foule de plusieurs milliers de personnes, la BD donne l'impression qu'il n'y en a que quelques centaines. J'aurais également aimé en savoir plus sur ce qu'elle a vécu pendant sa détention, ainsi que sur l'influence grandissante qu'elle exerçait sur le peuple indien malgré son incarcération.
Des regrets qui n'enlèvent rien à la force du récit et au choix de se concentrer uniquement sur son parcours de souffrance, puis de rébellion jusqu'à sa détention.
Quant au dessin, il est juste magnifique. J'ai adoré le style et la colorisation qui nous plongent parfaitement dans l'atmosphère aride du pays.
Une histoire que je relirai !
L'objet du désir
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Il s'agit d'une histoire complète, indépendante de toute autre. Ce tome comprend les 5 épisodes de la minisérie (initialement parus en 2014), ainsi que 10 dessins pleine page (des dessins préparatoires). Greg Rucka a conçu et écrit ce récit, Toni Fejuzula a réalisé les dessins, l'encrage et la mise en couleurs (avec l'aide d'Aljosa Tomic pour cette dernière).
Quelque part, une bougie brûle et s'éteint. Ailleurs de l'argent change de main. Dans un local souterrain carrelé, une jeune femme nue prend conscience. Elle chasse les rats qui l'entourent, se lève, et commence à marcher. Elle sort de leurs gonds des vantaux d'une grille métallique, monte des escaliers et émerge sur le trottoir d'une grande artère, dans le quartier chaud d'une métropole. Un grand balèze la repère immédiatement et souhaite profiter de ses faveurs, consenties ou non. Dante, un autre homme, intervient pour la protéger, lui prêter son blouson, et la ramener chez lui. La jeune femme déclare s'appeler Veil et ne sait prononcer que quelques mots.
Cette histoire attire l'attention du lecteur du fait du scénariste (Greg Rucka, auteur réputé pour ses personnages féminins et sa capacité à écrire de bon polar en comics), et par le dessin saisissant de couverture. En feuilletant rapidement l'ouvrage, le lecteur apprécie immédiatement la qualité des images, et l'utilisation frappante de la couleur dans certaines scènes.
Toni Fejzula entame chaque numéro avec une page muette (sans dialogue, ni cellule de texte), composée de 9 cases de taille identique montrant des éléments disparates, dans des endroits différents, suscitant immédiatement la curiosité du lecteur. La séquence d'ouverture constitue un modèle de narration portée par les images, compréhensible au premier regard. Fejzula a choisi avec soin les éléments qu'il représente pour que le lecteur identifie immédiatement l'environnement (une station de métro désaffectée) avec un niveau de détails suffisant pour rendre l'endroit spécifique, sans information superflue. Il utilise les couleurs pour installer une continuité narrative dans chaque lieu, pour faire ressortir chaque forme par un léger contraste, pour exprimer l'étrangeté de la situation.
Toni Fejzula joue avec les couleurs, passant d'une palette naturaliste, à une palette expressionniste, de manière insensible (par exemple pour des visages franchement violets). L'intelligence de sa composition fait que le résultat ne s'apparente pas à des visions psychédéliques difficiles à soutenir, mais à une exagération révélatrice de l'étrangeté du moment, ou d'un état d'esprit inattendu. Il utilise de la même manière les cadrages, recourant parfois à un angle de vue surprenant pour attirer l'attention du lecteur (par exemple des gros plans de rat) sur un détail ou un élément ambigu.
Fejzula a pris le parti de ne pas représenter les tétons de cette jeune femme (ils restent nimbés d'une ombre peu réaliste), encore moins sa toison pubienne. Ce choix peut se percevoir soit comme une volonté délibérée de ne pas en rajouter dans l'utilisation du corps de la femme comme appât visuel pour attirer le lecteur, soit comme une volonté de conserver un potentiel de vente maximal en ne tombant pas dans l'érotisme soft, soit encore comme une volonté concertée avec le scénariste.
Greg Rucka a conçu son récit comme un thriller, comprenant une part de surnaturel (le comportement de Veil étant révélateur dès le premier épisode, sans parler de la couverture choisi pour le présent tome). le rythme de la narration est vif sans être épileptique. le lecteur a envie de tourner chaque page rapidement, tout en prenant le temps de profiter de l'aspect visuel du récit, très réussi.
Le scénariste met en scène des individus moralement très ambigus, ne disposant plus d'un casier judiciaire vierge. Il ne grossit pas le trait pour autant, et Dante est présenté sous son bon jour du début jusqu'à la fin. Rucka utilise Veil pour évoquer la puissance de séduction des belles femmes, et les passions qu'elles déchaînent. Sur ce point, il n'atteint pas le degré d'implication émotionnelle d'Ed Brubaker dans la série Fatale.
La narration repose donc sur le secret de Veil, et sur les individus qui souhaitent disposer de cette personne pour leur propre fin. Ces derniers n'hésitent pas à employer la manière forte, ce qui donne lieu à des affrontements saisissants, grâce à la mise en images très personnelle de Fejzula. Rucka joue également un peu avec les rats comme symboles de différentes idées. Il évoque également la notion de libre arbitre à quelques reprises, mais de manière superficielle.
Veil est un thriller divertissant, avec une touche de surnaturel, et une bonne dose de violence. Il sort du lot des thrillers grâce à une narration visuelle impeccable, tant pour le découpage que l'usage des couleurs, et par quelques séquences apportant un second niveau de lecture qui reste sporadique léger. Un bon thriller sans prétention, avec une partie graphique remarquable.
J'ai bien aimé la lecture de cette série issue de la coopération (du Duc) Appollo (dorus) et du Seigneur Trondheim, tous les deux experts en affaires maritimes du XVIII -ème siècle.
Avec ces deux compères, je n'ai pas été surpris de me trouver au milieu d'un récit drôle et cynique avec une thématique centrale sur la liberté illustrée par un récit sur la piraterie qui occulte faussement celui sur l'esclavagisme.
J'ai lu cette histoire comme une sorte de récit à deux faces subtilement construites par les auteurs. La face clinquante, aventurière presque chevaleresque un peu fantasmée de l'histoire de piraterie qui s'articule très bien autour de la capture de La Buse. Appollo et Trondheim puisent dans les archives historiques pour rendre la narration crédible et attrayante. Elle est portée par le personnage de Raphaël, jeune idéaliste naïf, aveugle et sourd au véritable drame de son époque. Raphaël n'écoute pas la terriblement lucide Emilie et n'a pas encore lu Bernardin de Saint-Pierre en 1773 « ... Et ce qui sert à vos plaisirs est mouillé des pleurs et teint du sang des hommes. »
C'est ce que nous rappelle les auteurs qu'en arrière-plan de ce récit presque pittoresque voire hollywoodien d'aventures de trésor conquis au fil du sabre que ces mêmes pirates quand ils étaient blancs s'accommodaient souvent d'un régime esclavagiste qui pouvait les rendre riches planteurs de café.
Car le vrai drame du récit n'est pas la pendaison de LaBuse mais bien celle du jeune Yoruba arraché à son pays et de la lecture du Code Noir comme référence légale de l'époque.
La confrontation entre Emilie et Raphaël en pages 187 et 188 est pour moi la clé du message de l'œuvre. Elle nous renvoie à une représentation fantasmée (Raphaël) ou refoulée (Emilie) encore aujourd'hui de notre passé.
Le graphisme animalier de Trondheim convient parfaitement à l'esprit d'un humour souvent sombre qui se dégage de la série. Comme chez Lapinot la drôlerie de certaines situations ou de certains dialogues conduisent à une réflexion plus profonde et plus sombre. Les personnages sont très expressifs dans des décors assez succincts mais suffisants pour porter l'ambiance.
Une belle piqûre de rappel sur une page sombre de notre histoire sous couvert d'un récit qui semble léger et divertissant.
Pas mal ! J'étais un peu réticent au début en voyant la couverture, car les séries sur la guerre ne m'intéressent pas vraiment. Mais en feuilletant rapidement la BD, certaines planches ont éveillé ma curiosité, et voila. Au final, c'est une très bonne surprise.
J'ai beaucoup aimé l'histoire et son déroulement. Même si la dernière partie semble un peu "facile", ça ne m'a pas dérangé. Les deux soldats sont touchants, et l'auteur parvient parfaitement à transmettre l'émotion voulue à travers ce soldat-robot qui ne prononce pas un mot. On s'y attache vraiment.
J'ai passé un bon moment, on ne s'ennuie pas du tout, l'idée est originale, et le dessin est super, très réaliste. Ce n'est pas forcément mon style préféré, mais il faut reconnaître le talent du dessinateur.
La fin semble suggérer une suite, mais après quelques recherches, il semble que ce soit plutôt un préquel du one-shot "The Unnamed: Geiger", avec la fin qui serait plus un clin d’œil.
Note réelle : 3.5
Je suis grand amateur de poésie, et – comme beaucoup – la découverte de Rimbaud a été un choc lors de ma sortie d’adolescence. Verlaine m’attire beaucoup moins. Ce que je connais de Nouveau (l’homme, sa poésie) m’intéresse, même si j’en suis moins familier. En tout cas voilà un album qui m’attirait, et dont la lecture n’a pas déçu mes attentes.
Dytar et Bollée connaissent bien leur sujet, et ils ont bien su montrer la passion qui habitait ces poètes et peintres (Cézanne fait de nombreuses apparitions, lui qui était « voisin » de Nouveau), l’état quasi extatique de Rimbaud. Surtout son aspect météorite, son passage merveilleux et court, son « départ » vers les lointains, qui n’est pas pour rien dans sa légende. Ils ont aussi et surtout su mettre en avant le personnage de Nouveau, souvent oublié des anthologies.
La lecture est d’autant plus chouette que le dessin de Dytar est beau. Original, très lisible et personnel, il est pour beaucoup dans le côté agréable de la lecture.
Mon seul vrai bémol concerne les choix de mise en pages. En effet, sur tout l’album, pour montrer en parallèle plusieurs lieux et personnages, Dytar a fait le choix de « découper » la mise en pages en plusieurs bandes horizontales (souvent deux, parfois trois). Le procédé m’a gêné à plusieurs reprises, ça n’est pas très fluide, même si ça permet à l’inverse de dynamiser certains aspects du récit.
Un bel album en tout cas, d’un amoureux de ces auteurs, qui leur a bien rendu un bel hommage.
Les romans « durs » forment la partie de l’œuvre de Simenon qui m’intéresse le plus. Je ne connaissais pas ce roman, mais son adaptation m’a permis de découvrir une histoire captivante. On suit Frank, un personnage auquel on ne peut s’attacher a priori, un salaud incapable de ressentir ou d’exprimer de l’empathie, qui traverse ce récit comme un zombie.
Simenon développe son histoire – écrite dans l’immédiat après-guerre – dans un pays et une région imaginaire, mais qui ressemble à l’Europe de l’est sous l’occupation nazie. Un espace où les restrictions, la répression entraine compromissions et autres dévoiements. Au milieu de ce cloaque, Frank transgresse les règles. Surtout, amoral, il assassine, il pousse au viol, il trafique, sans montrer d’émotion. Même absence de réaction lorsqu’il est arrêté et doit subir interrogatoire et torture.
En postface, Fromental relie Frank au personnage de Meursault dans « L’étranger » de Camus, et c’est effectivement le même type de personnage qu’a voulu montrer Simenon, avec toutes les ambiguïtés qui vont avec. Et c’est ce qui fait la force de ce récit : Frank est haïssable par bien des aspects, mais on ne peut s’empêcher de continuer à être attiré par lui.
Quant au dessin d’Yslaire, il est vraiment fluide et efficace. Et plutôt chouette. Avec, comme pour ses « Sambre », ces touches de rouge qui ponctuent un ensemble ou le grisâtre domine.
Note réelle 3,5/5.
Voyage d'agrément
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En 2004 Jeph Loeb et Tim Sale décident de revenir dans l'univers de Batman et de répondre à la question qu'ils avaient laissée en suspens dans Amère victoire : qu'est-ce que Selina Kyle allait faire à Rome ? Ce tome complète d'une certaine manière la trilogie comprenant également Halloween et "Un long Halloween". À la différence des précédentes, cette histoire a pour personnage principal Catwoman (Selina Kyle). Même s'il est mentionné à plusieurs reprises, Batman n'apparaît pas en tant que tel dans ces pages.
Suite aux premières confrontations entre elle et Batman, Selina Kyle décide de prendre du recul et de se rendre en Italie pour découvrir le secret de ses origines familiales. Elle emmène avec elle un vrai détective, ou plutôt une personne possédant un don pour résoudre les énigmes, à savoir Edward Nigma connu également sous le sobriquet de Riddler (mais si, vous savez, un costume ridicule vert fluo avec des points d'interrogation). Dès son arrivée, elle se voit prise en charge par un garde du corps surnommé le Blond et son seul lien avec sa quête (le parrain des parrains) est victime sous ses yeux du poison du Joker. À partir de là, l'histoire prend la forme d'une enquête pour trouver des pistes, entrecoupée de coups bas portés par la mafia et pimentée par un vol de bijou et l'intrusion d'un pistolet de Mr. Freeze (Victor Fries), ainsi que l'attaque sauvage de Cheetah (Barbara Ann Minerva). Les scènes d'action ne manquent pas.
Là où Long Halloween et Amère victoire s'apparentaient à de véritables romans de par leur longueur, À Rome constitue plutôt une nouvelle (minisérie en 6 épisodes à l'origine, parue en 2004/2005). le ton donnée à la série par Jeph Loeb est plus léger et plus pétillant : le personnage de Sélina Kyle a comme un lien de parenté avec le rôle interprété par Grace Kelly dans un film comme La Main au collet. Loeb réussit à capturer la sophistication de ces femmes complexes et à en parer Selina Kyle. Ce titre sort des références du roman noir pour aller vers celle des films d'Alfred Hitchcock.
Le style de Tim Sale a également un peu évolué. Il affectionne toujours autant les grandes cases bien larges et les à-plats de noir très solides. Mais il a choisi d'adoucir ses cases en intégrant des nuances de gris rendues par de l'encre appliquée au pinceau. Dave Stewart (le metteur en couleur) se met à l'unisson de ce choix en utilisant une gamme de couleurs oscillant entre le sombre pour les scènes nocturnes et le pastel pour les scènes diurnes. Tim Sale a choisi de faire également évoluer la silhouette de Catwoman. Il se calque à la fois sur l'interprétation de Jim Balent (attributs mammaires généreux au delà du raisonnable), mais aussi sur une jeune femme légèrement bodybuildée et apte à mettre sa silhouette en valeur grâce à la haute couture. de ce fait Selina Kyle s'étoffe d'une vraie personnalité à la fois grâce au scénario, et à la fois grâce aux choix graphiques pas si banals et convenus qu'il peut y paraître.
Vous l'aurez compris, When in Rome n'est pas une suite calquée sur ses illustres prédécesseurs, c'est une histoire relativement courte possédant sa propre identité. Selina Kyle est l'héroïne à part entière de cette quête de parents, le ton et le style de l'histoire évoquent l'atmosphère de films légèrement désabusés tels que Diamants sur canapé.
Deuxième BD de Lemire que je lis et je suis dans une bonne impression globale. D'ailleurs je note déjà quelques similitudes dans les BD, notamment le sujet central avec le rapport père-enfant.
L'histoire est ici bien centrée sur son personnage et ses tourments liés à la plongée et à la disparition du père. L'histoire comporte une légère part de fantastique, mais qui semble bien métaphorique. J'ai personnellement vu l'histoire comme une métaphore de la lâcheté des pères avec la naissance. C'est comme ça que j'ai compris le personnage principal qui abandonne tout et tente de s'enfuir lorsque sa femme va accoucher, refusant la réalité pour plonger dans ses rêves et souvenirs, là où il est seul. C'est une théorie personnelle, qui est sans doute liée à la façon dont j'ai vu la paternité chez plusieurs personnes.
La BD est servie par le dessin que je reconnais désormais, avec une utilisation de la pleine page pour des cases et une utilisation du temps franchement bien mené. Le rythme est lent, mais maitrisé. Il manipule l'étirement du temps entre les cases et les moments de plongée silencieux pour donner une ambiance pesante qui va avec le ton du récit. En tout cas, on sent le travail derrière.
Une BD grave et sérieuse, qui m'a semblé surtout jouer d'une métaphore précise pour développer un propos sur la façon d'être père et les angoisses qui arrivent à ce moment. C'est une BD assez prenante, je recommande !
J'ai passé un très bon moment. Ce n'est pas une BD qui me marquera, mais si un autre tome venait à sortir je le lirais avec grand plaisir.
J'ai apprécié le ton de l'histoire, qui mélange habilement sérieux et absurdité, ce qui permet de faire passer certaines situations un peu trop faciles. Les deux compagnons sont vraiment amusants, certaines répliques font sourire, et des scènes comme les funérailles du vagabond m'ont fait exploser de rire. Ce n'est pas parfait, mais c'est une lecture agréable et sans prise de tête, que j'ai également aimé pour sa représentation réaliste de la violence - non pas que j'apprécie la violence en soi, mais j'aime qu'elle soit dépeinte sans filtre quand elle est présente.
L'intrigue est plutôt pas mal et les différents personnages que l'on rencontre sont tous intéressants, avec une mention spéciale pour le roi des clochards qui m'a rappelé La Cour des Miracles.
Le style du dessin est réussi, surtout en ce qui concerne les décors que j'ai vraiment appréciés, même si j'ai un peu moins aimé le trait des personnages. Et j'ai trouvé la colorisation plus que réussi, elle compense parfaitement le manque de détails sur certaines planches.
3,5 que j'arrondis à 4 pour le bon moment passé.
J'ai beaucoup aimé cette série qui ne peut pas laisser le lecteur insensible. J'étais un peu dubitatif au départ car je me méfie de la vision paternaliste voire condescendante des occidentaux sur l'Afrique. Je me suis trompé. JVH et Christophe Simon réalisent une belle série coup de gueule sur l'impensable réalité de la région du Kivu. Le talent et la maîtrise de JVH permettent de proposer un récit qui mixte reportage journalistique insoutenable et fiction aventurière classique mais réconfortante et bien construite.
JVH évite tout manichéisme en mêlant Blancs et Noirs parmi les (très) méchants face au réconfort que l'on peut aussi s'unir pour faire prospérer la paix.
Comme le souligne la belle préface de Colette Braeckman cette région qui devrait être un paradis pour ses habitants s'est transformée en enfer depuis plus d'un siècle. Aujourd'hui c'est la folie du développement du portable et de cette course à la nouveauté qui entretient la surexploitation et le pillage du Coltan pour la richesse de quelques-uns et l'esclavage de nombreux autres.
Presque 150 ans après Berlin et les abominations de l'Administration coloniale de cette époque on reste sidéré de voir que les mêmes prédateurs peuvent agir en quasi-impunités sur les mêmes victimes.
Les auteurs ont pris le temps de produire un vrai récit qui peut atteindre un large public sans ennuyer par un côté moralisateur trop prononcé.
Les thématiques sont très lourdes et ne peuvent convenir aux plus jeunes. C'est dommage car certains pourraient prendre conscience du coût réel de ces petits écrans empoisonnés.
Le graphisme de Simon est très classique voire académique comme le souligne d'autres avis. Toutefois il est très agréable travaille très bien les décors de Bukavu et des paysages environnants.
Cela manque un peu de dynamisme mais les nombreuses explications nécessaires ralentissent le rythme. Ce n'est pas très grave.
Une très belle série qui provoque admiration pour les uns et indignité pour les autres. Il manque la clé pour faire changer les choses.
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Phoolan Devi, reine des bandits
Encore une lecture qui n'a pas été de tout repos, le genre qui éveille en moi un sentiment de révolte et une profonde frustration. bref, une grosse claque cette BD. Très content d'avoir découvert ce personnage, sacré destin, un destin dur, très dur. D'autant plus quand on apprend qu'elle a été assassinée en 2001, quelques années seulement après sa libération. Même étant une personne dès plus pacifique, comme le dit Titanick, on ne peut que comprendre le chemin qu'a emprunté Phoolan Devi. J'ai vraiment adoré cette lecture, même si les émotions qu'elle provoque ne sont pas des plus agréables. Savoir que c'est une histoire réelle rend la lecture encore plus saisissante, renforçant l'empathie et l'admiration que l'on ressent pour cette Reine des bandits. Je regrette aussi de ne pas en avoir appris davantage sur son parcours politique, mais aussi sur certains moments forts qui, à mon sens, ne sont pas assez bien retranscrits : par exemple, lorsqu'elle rend les armes devant une foule de plusieurs milliers de personnes, la BD donne l'impression qu'il n'y en a que quelques centaines. J'aurais également aimé en savoir plus sur ce qu'elle a vécu pendant sa détention, ainsi que sur l'influence grandissante qu'elle exerçait sur le peuple indien malgré son incarcération. Des regrets qui n'enlèvent rien à la force du récit et au choix de se concentrer uniquement sur son parcours de souffrance, puis de rébellion jusqu'à sa détention. Quant au dessin, il est juste magnifique. J'ai adoré le style et la colorisation qui nous plongent parfaitement dans l'atmosphère aride du pays. Une histoire que je relirai !
Veil
L'objet du désir - Il s'agit d'une histoire complète, indépendante de toute autre. Ce tome comprend les 5 épisodes de la minisérie (initialement parus en 2014), ainsi que 10 dessins pleine page (des dessins préparatoires). Greg Rucka a conçu et écrit ce récit, Toni Fejuzula a réalisé les dessins, l'encrage et la mise en couleurs (avec l'aide d'Aljosa Tomic pour cette dernière). Quelque part, une bougie brûle et s'éteint. Ailleurs de l'argent change de main. Dans un local souterrain carrelé, une jeune femme nue prend conscience. Elle chasse les rats qui l'entourent, se lève, et commence à marcher. Elle sort de leurs gonds des vantaux d'une grille métallique, monte des escaliers et émerge sur le trottoir d'une grande artère, dans le quartier chaud d'une métropole. Un grand balèze la repère immédiatement et souhaite profiter de ses faveurs, consenties ou non. Dante, un autre homme, intervient pour la protéger, lui prêter son blouson, et la ramener chez lui. La jeune femme déclare s'appeler Veil et ne sait prononcer que quelques mots. Cette histoire attire l'attention du lecteur du fait du scénariste (Greg Rucka, auteur réputé pour ses personnages féminins et sa capacité à écrire de bon polar en comics), et par le dessin saisissant de couverture. En feuilletant rapidement l'ouvrage, le lecteur apprécie immédiatement la qualité des images, et l'utilisation frappante de la couleur dans certaines scènes. Toni Fejzula entame chaque numéro avec une page muette (sans dialogue, ni cellule de texte), composée de 9 cases de taille identique montrant des éléments disparates, dans des endroits différents, suscitant immédiatement la curiosité du lecteur. La séquence d'ouverture constitue un modèle de narration portée par les images, compréhensible au premier regard. Fejzula a choisi avec soin les éléments qu'il représente pour que le lecteur identifie immédiatement l'environnement (une station de métro désaffectée) avec un niveau de détails suffisant pour rendre l'endroit spécifique, sans information superflue. Il utilise les couleurs pour installer une continuité narrative dans chaque lieu, pour faire ressortir chaque forme par un léger contraste, pour exprimer l'étrangeté de la situation. Toni Fejzula joue avec les couleurs, passant d'une palette naturaliste, à une palette expressionniste, de manière insensible (par exemple pour des visages franchement violets). L'intelligence de sa composition fait que le résultat ne s'apparente pas à des visions psychédéliques difficiles à soutenir, mais à une exagération révélatrice de l'étrangeté du moment, ou d'un état d'esprit inattendu. Il utilise de la même manière les cadrages, recourant parfois à un angle de vue surprenant pour attirer l'attention du lecteur (par exemple des gros plans de rat) sur un détail ou un élément ambigu. Fejzula a pris le parti de ne pas représenter les tétons de cette jeune femme (ils restent nimbés d'une ombre peu réaliste), encore moins sa toison pubienne. Ce choix peut se percevoir soit comme une volonté délibérée de ne pas en rajouter dans l'utilisation du corps de la femme comme appât visuel pour attirer le lecteur, soit comme une volonté de conserver un potentiel de vente maximal en ne tombant pas dans l'érotisme soft, soit encore comme une volonté concertée avec le scénariste. Greg Rucka a conçu son récit comme un thriller, comprenant une part de surnaturel (le comportement de Veil étant révélateur dès le premier épisode, sans parler de la couverture choisi pour le présent tome). le rythme de la narration est vif sans être épileptique. le lecteur a envie de tourner chaque page rapidement, tout en prenant le temps de profiter de l'aspect visuel du récit, très réussi. Le scénariste met en scène des individus moralement très ambigus, ne disposant plus d'un casier judiciaire vierge. Il ne grossit pas le trait pour autant, et Dante est présenté sous son bon jour du début jusqu'à la fin. Rucka utilise Veil pour évoquer la puissance de séduction des belles femmes, et les passions qu'elles déchaînent. Sur ce point, il n'atteint pas le degré d'implication émotionnelle d'Ed Brubaker dans la série Fatale. La narration repose donc sur le secret de Veil, et sur les individus qui souhaitent disposer de cette personne pour leur propre fin. Ces derniers n'hésitent pas à employer la manière forte, ce qui donne lieu à des affrontements saisissants, grâce à la mise en images très personnelle de Fejzula. Rucka joue également un peu avec les rats comme symboles de différentes idées. Il évoque également la notion de libre arbitre à quelques reprises, mais de manière superficielle. Veil est un thriller divertissant, avec une touche de surnaturel, et une bonne dose de violence. Il sort du lot des thrillers grâce à une narration visuelle impeccable, tant pour le découpage que l'usage des couleurs, et par quelques séquences apportant un second niveau de lecture qui reste sporadique léger. Un bon thriller sans prétention, avec une partie graphique remarquable.
Ile Bourbon 1730
J'ai bien aimé la lecture de cette série issue de la coopération (du Duc) Appollo (dorus) et du Seigneur Trondheim, tous les deux experts en affaires maritimes du XVIII -ème siècle. Avec ces deux compères, je n'ai pas été surpris de me trouver au milieu d'un récit drôle et cynique avec une thématique centrale sur la liberté illustrée par un récit sur la piraterie qui occulte faussement celui sur l'esclavagisme. J'ai lu cette histoire comme une sorte de récit à deux faces subtilement construites par les auteurs. La face clinquante, aventurière presque chevaleresque un peu fantasmée de l'histoire de piraterie qui s'articule très bien autour de la capture de La Buse. Appollo et Trondheim puisent dans les archives historiques pour rendre la narration crédible et attrayante. Elle est portée par le personnage de Raphaël, jeune idéaliste naïf, aveugle et sourd au véritable drame de son époque. Raphaël n'écoute pas la terriblement lucide Emilie et n'a pas encore lu Bernardin de Saint-Pierre en 1773 « ... Et ce qui sert à vos plaisirs est mouillé des pleurs et teint du sang des hommes. » C'est ce que nous rappelle les auteurs qu'en arrière-plan de ce récit presque pittoresque voire hollywoodien d'aventures de trésor conquis au fil du sabre que ces mêmes pirates quand ils étaient blancs s'accommodaient souvent d'un régime esclavagiste qui pouvait les rendre riches planteurs de café. Car le vrai drame du récit n'est pas la pendaison de LaBuse mais bien celle du jeune Yoruba arraché à son pays et de la lecture du Code Noir comme référence légale de l'époque. La confrontation entre Emilie et Raphaël en pages 187 et 188 est pour moi la clé du message de l'œuvre. Elle nous renvoie à une représentation fantasmée (Raphaël) ou refoulée (Emilie) encore aujourd'hui de notre passé. Le graphisme animalier de Trondheim convient parfaitement à l'esprit d'un humour souvent sombre qui se dégage de la série. Comme chez Lapinot la drôlerie de certaines situations ou de certains dialogues conduisent à une réflexion plus profonde et plus sombre. Les personnages sont très expressifs dans des décors assez succincts mais suffisants pour porter l'ambiance. Une belle piqûre de rappel sur une page sombre de notre histoire sous couvert d'un récit qui semble léger et divertissant.
The Unnamed - Junkyard Joe
Pas mal ! J'étais un peu réticent au début en voyant la couverture, car les séries sur la guerre ne m'intéressent pas vraiment. Mais en feuilletant rapidement la BD, certaines planches ont éveillé ma curiosité, et voila. Au final, c'est une très bonne surprise. J'ai beaucoup aimé l'histoire et son déroulement. Même si la dernière partie semble un peu "facile", ça ne m'a pas dérangé. Les deux soldats sont touchants, et l'auteur parvient parfaitement à transmettre l'émotion voulue à travers ce soldat-robot qui ne prononce pas un mot. On s'y attache vraiment. J'ai passé un bon moment, on ne s'ennuie pas du tout, l'idée est originale, et le dessin est super, très réaliste. Ce n'est pas forcément mon style préféré, mais il faut reconnaître le talent du dessinateur. La fin semble suggérer une suite, mais après quelques recherches, il semble que ce soit plutôt un préquel du one-shot "The Unnamed: Geiger", avec la fin qui serait plus un clin d’œil. Note réelle : 3.5
Les Illuminés
Je suis grand amateur de poésie, et – comme beaucoup – la découverte de Rimbaud a été un choc lors de ma sortie d’adolescence. Verlaine m’attire beaucoup moins. Ce que je connais de Nouveau (l’homme, sa poésie) m’intéresse, même si j’en suis moins familier. En tout cas voilà un album qui m’attirait, et dont la lecture n’a pas déçu mes attentes. Dytar et Bollée connaissent bien leur sujet, et ils ont bien su montrer la passion qui habitait ces poètes et peintres (Cézanne fait de nombreuses apparitions, lui qui était « voisin » de Nouveau), l’état quasi extatique de Rimbaud. Surtout son aspect météorite, son passage merveilleux et court, son « départ » vers les lointains, qui n’est pas pour rien dans sa légende. Ils ont aussi et surtout su mettre en avant le personnage de Nouveau, souvent oublié des anthologies. La lecture est d’autant plus chouette que le dessin de Dytar est beau. Original, très lisible et personnel, il est pour beaucoup dans le côté agréable de la lecture. Mon seul vrai bémol concerne les choix de mise en pages. En effet, sur tout l’album, pour montrer en parallèle plusieurs lieux et personnages, Dytar a fait le choix de « découper » la mise en pages en plusieurs bandes horizontales (souvent deux, parfois trois). Le procédé m’a gêné à plusieurs reprises, ça n’est pas très fluide, même si ça permet à l’inverse de dynamiser certains aspects du récit. Un bel album en tout cas, d’un amoureux de ces auteurs, qui leur a bien rendu un bel hommage.
La Neige était sale
Les romans « durs » forment la partie de l’œuvre de Simenon qui m’intéresse le plus. Je ne connaissais pas ce roman, mais son adaptation m’a permis de découvrir une histoire captivante. On suit Frank, un personnage auquel on ne peut s’attacher a priori, un salaud incapable de ressentir ou d’exprimer de l’empathie, qui traverse ce récit comme un zombie. Simenon développe son histoire – écrite dans l’immédiat après-guerre – dans un pays et une région imaginaire, mais qui ressemble à l’Europe de l’est sous l’occupation nazie. Un espace où les restrictions, la répression entraine compromissions et autres dévoiements. Au milieu de ce cloaque, Frank transgresse les règles. Surtout, amoral, il assassine, il pousse au viol, il trafique, sans montrer d’émotion. Même absence de réaction lorsqu’il est arrêté et doit subir interrogatoire et torture. En postface, Fromental relie Frank au personnage de Meursault dans « L’étranger » de Camus, et c’est effectivement le même type de personnage qu’a voulu montrer Simenon, avec toutes les ambiguïtés qui vont avec. Et c’est ce qui fait la force de ce récit : Frank est haïssable par bien des aspects, mais on ne peut s’empêcher de continuer à être attiré par lui. Quant au dessin d’Yslaire, il est vraiment fluide et efficace. Et plutôt chouette. Avec, comme pour ses « Sambre », ces touches de rouge qui ponctuent un ensemble ou le grisâtre domine. Note réelle 3,5/5.
Catwoman - A Rome
Voyage d'agrément - En 2004 Jeph Loeb et Tim Sale décident de revenir dans l'univers de Batman et de répondre à la question qu'ils avaient laissée en suspens dans Amère victoire : qu'est-ce que Selina Kyle allait faire à Rome ? Ce tome complète d'une certaine manière la trilogie comprenant également Halloween et "Un long Halloween". À la différence des précédentes, cette histoire a pour personnage principal Catwoman (Selina Kyle). Même s'il est mentionné à plusieurs reprises, Batman n'apparaît pas en tant que tel dans ces pages. Suite aux premières confrontations entre elle et Batman, Selina Kyle décide de prendre du recul et de se rendre en Italie pour découvrir le secret de ses origines familiales. Elle emmène avec elle un vrai détective, ou plutôt une personne possédant un don pour résoudre les énigmes, à savoir Edward Nigma connu également sous le sobriquet de Riddler (mais si, vous savez, un costume ridicule vert fluo avec des points d'interrogation). Dès son arrivée, elle se voit prise en charge par un garde du corps surnommé le Blond et son seul lien avec sa quête (le parrain des parrains) est victime sous ses yeux du poison du Joker. À partir de là, l'histoire prend la forme d'une enquête pour trouver des pistes, entrecoupée de coups bas portés par la mafia et pimentée par un vol de bijou et l'intrusion d'un pistolet de Mr. Freeze (Victor Fries), ainsi que l'attaque sauvage de Cheetah (Barbara Ann Minerva). Les scènes d'action ne manquent pas. Là où Long Halloween et Amère victoire s'apparentaient à de véritables romans de par leur longueur, À Rome constitue plutôt une nouvelle (minisérie en 6 épisodes à l'origine, parue en 2004/2005). le ton donnée à la série par Jeph Loeb est plus léger et plus pétillant : le personnage de Sélina Kyle a comme un lien de parenté avec le rôle interprété par Grace Kelly dans un film comme La Main au collet. Loeb réussit à capturer la sophistication de ces femmes complexes et à en parer Selina Kyle. Ce titre sort des références du roman noir pour aller vers celle des films d'Alfred Hitchcock. Le style de Tim Sale a également un peu évolué. Il affectionne toujours autant les grandes cases bien larges et les à-plats de noir très solides. Mais il a choisi d'adoucir ses cases en intégrant des nuances de gris rendues par de l'encre appliquée au pinceau. Dave Stewart (le metteur en couleur) se met à l'unisson de ce choix en utilisant une gamme de couleurs oscillant entre le sombre pour les scènes nocturnes et le pastel pour les scènes diurnes. Tim Sale a choisi de faire également évoluer la silhouette de Catwoman. Il se calque à la fois sur l'interprétation de Jim Balent (attributs mammaires généreux au delà du raisonnable), mais aussi sur une jeune femme légèrement bodybuildée et apte à mettre sa silhouette en valeur grâce à la haute couture. de ce fait Selina Kyle s'étoffe d'une vraie personnalité à la fois grâce au scénario, et à la fois grâce aux choix graphiques pas si banals et convenus qu'il peut y paraître. Vous l'aurez compris, When in Rome n'est pas une suite calquée sur ses illustres prédécesseurs, c'est une histoire relativement courte possédant sa propre identité. Selina Kyle est l'héroïne à part entière de cette quête de parents, le ton et le style de l'histoire évoquent l'atmosphère de films légèrement désabusés tels que Diamants sur canapé.
Jack Joseph - Soudeur sous-marin
Deuxième BD de Lemire que je lis et je suis dans une bonne impression globale. D'ailleurs je note déjà quelques similitudes dans les BD, notamment le sujet central avec le rapport père-enfant. L'histoire est ici bien centrée sur son personnage et ses tourments liés à la plongée et à la disparition du père. L'histoire comporte une légère part de fantastique, mais qui semble bien métaphorique. J'ai personnellement vu l'histoire comme une métaphore de la lâcheté des pères avec la naissance. C'est comme ça que j'ai compris le personnage principal qui abandonne tout et tente de s'enfuir lorsque sa femme va accoucher, refusant la réalité pour plonger dans ses rêves et souvenirs, là où il est seul. C'est une théorie personnelle, qui est sans doute liée à la façon dont j'ai vu la paternité chez plusieurs personnes. La BD est servie par le dessin que je reconnais désormais, avec une utilisation de la pleine page pour des cases et une utilisation du temps franchement bien mené. Le rythme est lent, mais maitrisé. Il manipule l'étirement du temps entre les cases et les moments de plongée silencieux pour donner une ambiance pesante qui va avec le ton du récit. En tout cas, on sent le travail derrière. Une BD grave et sérieuse, qui m'a semblé surtout jouer d'une métaphore précise pour développer un propos sur la façon d'être père et les angoisses qui arrivent à ce moment. C'est une BD assez prenante, je recommande !
Sur la route de Whiskyville
J'ai passé un très bon moment. Ce n'est pas une BD qui me marquera, mais si un autre tome venait à sortir je le lirais avec grand plaisir. J'ai apprécié le ton de l'histoire, qui mélange habilement sérieux et absurdité, ce qui permet de faire passer certaines situations un peu trop faciles. Les deux compagnons sont vraiment amusants, certaines répliques font sourire, et des scènes comme les funérailles du vagabond m'ont fait exploser de rire. Ce n'est pas parfait, mais c'est une lecture agréable et sans prise de tête, que j'ai également aimé pour sa représentation réaliste de la violence - non pas que j'apprécie la violence en soi, mais j'aime qu'elle soit dépeinte sans filtre quand elle est présente. L'intrigue est plutôt pas mal et les différents personnages que l'on rencontre sont tous intéressants, avec une mention spéciale pour le roi des clochards qui m'a rappelé La Cour des Miracles. Le style du dessin est réussi, surtout en ce qui concerne les décors que j'ai vraiment appréciés, même si j'ai un peu moins aimé le trait des personnages. Et j'ai trouvé la colorisation plus que réussi, elle compense parfaitement le manque de détails sur certaines planches. 3,5 que j'arrondis à 4 pour le bon moment passé.
Kivu
J'ai beaucoup aimé cette série qui ne peut pas laisser le lecteur insensible. J'étais un peu dubitatif au départ car je me méfie de la vision paternaliste voire condescendante des occidentaux sur l'Afrique. Je me suis trompé. JVH et Christophe Simon réalisent une belle série coup de gueule sur l'impensable réalité de la région du Kivu. Le talent et la maîtrise de JVH permettent de proposer un récit qui mixte reportage journalistique insoutenable et fiction aventurière classique mais réconfortante et bien construite. JVH évite tout manichéisme en mêlant Blancs et Noirs parmi les (très) méchants face au réconfort que l'on peut aussi s'unir pour faire prospérer la paix. Comme le souligne la belle préface de Colette Braeckman cette région qui devrait être un paradis pour ses habitants s'est transformée en enfer depuis plus d'un siècle. Aujourd'hui c'est la folie du développement du portable et de cette course à la nouveauté qui entretient la surexploitation et le pillage du Coltan pour la richesse de quelques-uns et l'esclavage de nombreux autres. Presque 150 ans après Berlin et les abominations de l'Administration coloniale de cette époque on reste sidéré de voir que les mêmes prédateurs peuvent agir en quasi-impunités sur les mêmes victimes. Les auteurs ont pris le temps de produire un vrai récit qui peut atteindre un large public sans ennuyer par un côté moralisateur trop prononcé. Les thématiques sont très lourdes et ne peuvent convenir aux plus jeunes. C'est dommage car certains pourraient prendre conscience du coût réel de ces petits écrans empoisonnés. Le graphisme de Simon est très classique voire académique comme le souligne d'autres avis. Toutefois il est très agréable travaille très bien les décors de Bukavu et des paysages environnants. Cela manque un peu de dynamisme mais les nombreuses explications nécessaires ralentissent le rythme. Ce n'est pas très grave. Une très belle série qui provoque admiration pour les uns et indignité pour les autres. Il manque la clé pour faire changer les choses.