La Neige était sale

Note: 4.17/5
(4.17/5 pour 6 avis)

La déchéance volontaire peut-elle conduire à la rédemption ?


1939 - 1945 : La Seconde Guerre Mondiale Adaptations de romans en BD Europe centrale et orientale Georges Simenon Hislaire / Yslaire Maisons closes et prostitution

Frank est le fils de Lotte, tenancière de la maison close que fréquentent les forces d'occupation de cette ville moyenne d'Europe de l'Est jamais nommée, figée dans les pénuries, le froid et la sourde horreur des années de guerre. Il a 17 ans et les filles n'ont plus de secrets pour lui, puisqu'il a les pensionnaires de sa mère à disposition. Sans savoir ce qu'il cherche, Frank se laisse glisser sur la pente du banditisme, assassine, sans raison matérielle ni patriotique, un occupant particulièrement répugnant, vole et tue une vieille femme qu'il connaît depuis l'enfance, et plonge dans un avilissement que seule éclaire l'image idéalisée de Sissy, sa chaste voisine, éperdument amoureuse de lui.

Scénario
Oeuvre originale
Dessin
Couleurs
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 26 Janvier 2024
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série La Neige était sale © Dargaud 2024
Les notes
Note: 4.17/5
(4.17/5 pour 6 avis)
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01/02/2024 | Mac Arthur
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Par Ro
Note: 3/5
L'avatar du posteur Ro

Je réalise en écrivant cet avis que j'ai été moins touché par cette BD que les lecteurs précédents. J'ai d'abord été perplexe. Perplexe en me demandant quel était le contexte : visiblement un pays européen mais teinté tantôt d'Europe Centrale et tantôt de France ou de Belgique, visiblement sous une occupation dont on ne voit jamais vraiment si c'est bien celle des Nazis même si ça ne laisse guère de doute au final. Perplexe surtout en découvrant le personnage principal, un pourri au sens littéral du terme, un gamin tellement gâté qu'il a pourri sur place, ne ressentant plus d'empathie pour l'humanité, tuant sans émotion et se foutant du monde qui l'entoure tandis qu'il l'abîme et le salit. Un tel manque d'empathie et d'émotion m'a notamment fait penser à l'Etranger de Camus, que j'ai vu ensuite cité dans le texte épilogue de l'album et dont le dernier tiers de l'histoire s'apparente beaucoup à celui de cette BD. Mais il est faux de dire qu'il est totalement sans émotion puisqu'au contraire il se révèle plus profond, certes toujours détestable mais poussé par une drôle de passion frustrée pour une femme qu'il n'arrive pas à atteindre comme il le voudrait alors même qu'elle s'offre totalement à lui. Le tout est mis en image par Yslaire avec le talent qu'on lui connait. Ses décors et son ambiance chromatique sont bons, ses personnages sont marqués, même si le héros m'est aussi détestable visuellement que moralement. Et c'est justement ce mépris envers cet anti-héros et la distance qu'instinctivement je place entre lui et moi qui m'a probablement empêché de savourer autant cet album que mes prédécesseurs. Il m'a été un peu pénible, intrigant certes mais pénible et haïssable. Et même si j'ai trouvé la toute fin relativement touchante, avec cette humanité soudaine qu'il retrouve enfin, je ne peux m'empêcher de ne pas avoir vraiment apprécié cette lecture.

26/07/2024 (modifier)
L'avatar du posteur bamiléké

J'ai déjà été séduit par plusieurs créations de Fromental (Le Coup de Prague, Miss Chat) dans des genres différents mais là je trouve qu'il s'est surpassé. De Simenon je connais ses romans parus chez Gallimard et bien sûr Maigret en version TV. "La neige était sale" est donc une découverte et malgré les excellents avis j'ai commencé ma lecture sans apriori. Fromental a fait un travail extraordinaire dans l'équilibre quasi parfait du texte off de Simenon, de ses dialogues et de la narration graphique de Yslaire. Comme le souligne l'auteur il y a beaucoup de l'intime familial de Simenon dans le personnage de Frank. Fromental réussit la prouesse de nous faire comprendre les mécanismes qui ont permis l'éclosion de ce chef-d'œuvre. Yslaire nous fait voyager dans une ambiance totalitaire sans distinction politique mais qui imprègne l'atmosphère du quasi huis clos dans laquelle se cloitre Frank. L'excellente postface de Fromental nous ouvre les yeux sur la parenté de l'œuvre avec L'Etranger de Camus. Frank est le stéréotype du personnage qui vit hors de soi. Il reste dans l'indifférence totale de son environnement et des conséquences de ses actions qui sont pour lui sans signification. L'étude psychologique que proposent les auteurs est très fine, à la fois dans son intelligence textuelle mais aussi dans son aspect physique soigné mais impersonnel. Un tout petit geste final lui permettra de réintégrer la communauté humaine. Je n'ai pas tari d'éloge sur le travail de Fromental mais je peux reprendre les mêmes félicitations pour le graphisme de Yslaire. Le travail sur les détails de l'appartement/bordel est exceptionnel. Chaque objet de la cuisine, de la chambre ou du salon renvoie à une ambiance de marché noir en période de pénurie. Les extérieurs nous font voyager à travers de nombreuses capitales d'Europe Centrale sans que l'on sache où poser nos valises Est ou Ouest ? Enfin Frank avec sa gueule d'amour de 18 ans se trouve dans une galerie de caricatures plus ou moins repoussantes à l'exception des jeunes filles. Une lecture marquante par son excellence dans presque tous les domaines pour un réel hommage au talent du romancier belge.

20/05/2024 (modifier)
L'avatar du posteur Tomdelapampa

Un album intriguant et assez hypnotique. Pour moi, en grand inculte que je suis, Simenon ce n’était que Maigret. Je suis ravi de découvrir une nouvelle facette de l’auteur à travers cette collection consacrée à ses romans durs (un terme non usurpé). C’est la première adaptation que je lis mais je me pencherai volontiers sur tout autre. Pourtant à ma sortie de lecture, j’étais plutôt perplexe. Si j’ai aimé l’ambiance et le travail des 2 auteurs, je sentais qu’il y avait des choses qui m’échappaient, je n’ai pas compris le personnage principale (par ex. sans mes prédécesseurs je n’aurai pas saisi l’étoile rose). Nous sommes maintenant quelques semaines après ma lecture, et si je n’ai plus retouché l’album, son histoire a continué à me « hanter ». Honnêtement, Frank continue à être mystérieux et obscur à mes yeux, mais y a un truc obnubilant avec ce personnage, il ne cesse de m’interroger. Le tout est sublimé par 2 auteurs au sommet, la narration et voix off sont ciselées à la perfection, comme les dessins et couleurs qui vous attrapent pour ne plus vous lâcher. Le lecteur est alors entraîné dans un univers glauque et malsain dont il aura bien du mal à s’extirper. Une œuvre sombre et dérangeante qui ne vous laissera pas indifférent.

14/05/2024 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Cacal69

Une lecture qui ne laissera personne insensible. L'adaptation d'un roman dur de Georges Simenon, une postface très instructive de Fromental sur le roman et son auteur. Tu vas suivre la vie, sur une courte période, d'un jeune homme de 18 ans, Frank, pendant l'occupation "nazis" dans une ville d'Europe de l'Est. C'est l'hiver, il fait froid et la neige est le décor de cette tragédie. Frank est une ordure de la pire espèce, né d'une mère maquerelle et d'un père inconnu. Cette mini autobiographie prend aux tripes et cela on le doit à la narration : Une voix off qui tutoie le lecteur, qui l'interpelle, qui le met devant des faits dégueulasses et toi pauvre lecteur, tu ne peux rien y faire, tu subis. Et c'est là toute l'intelligence de Fromental, il m'a rendu ce monstre presque touchant dans son envie d'autodestruction, dont l'issue est inéluctable pour trouver une forme de rédemption. Le dessin d'Yslaire dans des nuances de gris est magnifique. Il est juste rehaussé de rares couleurs qui apportent un vrai plus à l'ambiance nauséabonde et feutré que dégage ce récit. Ces couleurs ont aussi un rôle narratif important, elles ne sont pas posées au hasard. En particulier ces différents roses omniprésents, dont le "cuisse de nymphe" pour les lieux de perdition. Même l'étoile jaune de Frank est rose... Et en y regardant bien, tu pourras découvrir sur de rares cases le mot SWING sur son étoile. Alors, acte solidaire ou de sabordage ? Gros coup de cœur. Un album dur, dérangeant et glauque que je recommande chaudement. Pour découvrir la signification de SWING : https://www.fondationresistance.org/pages/rech_doc/amis-des-juifs-les-resistants-aux-etoiles_cr_lecture54.htm

26/04/2024 (modifier)

En ce début d’année, après quelques très très bonnes lectures dont celles partagées sur ce site (Le Fauve de Corleone, À mourir entre les bras de ma nourrice), je m’extasie enfin devant la première pépite de 2024. Pas réellement une découverte puisqu’elle provient de deux auteurs chevronnés à la bibliographie passé déjà remarquable. Je ne connais pas le bouquin original de Simenon dont est issue cette oeuvre, Mais à la lecture, je n’ai à aucun moment pensé que cette BD ne se suffisait pas à elle-même. Sentiment que l’on peut ressentir quand on a l’impression que le parti pris de l’adaptation a laissé sur le trottoir une partie du texte. Cette BD est donc un petit bijou, ou le moindre détail du trio texte/dialogue/dessin est finement ciselé. Tout comme dans Contrition (une des perles de l’année dernière), cette histoire sonde les tréfonds de l’âme humaine, ici à travers le destin de Frank. Jeune Adulte d’une rare noirceur, privé de sentiment, celui-ci va se complaire à se détruire pour enfin atteindre une forme de rédemption et d’épanouissement. Malgré la froideur du personnage et la répulsion attendue générée par un personnage aussi détestable dans ses pensées et ses actes, une attirance malsaine est à l’œuvre tant nous sommes fasciné par ce démon au visage d’ange. Le dessin d’Yslaire est juste magique. A l’image de notre héros (avant de se faire salement amocher), chaque planche se révèle d’une beauté gracieuse, mais là ou on ne ressent que froideur en lui, le dessin réhaussé par un choix de couleurs subtils et délicats dégage à l’opposé une chaleur soyeuse et ce malgré un temps hivernal et une neige omniprésente qui sert de fil rouge à l'intrigue jusqu'à se retrouver dans le titre. Sublime.

29/02/2024 (modifier)
L'avatar du posteur Mac Arthur

Un véritable uppercut au foie ! La neige était sale est l’adaptation d’un roman dur de Georges Simenon. Un roman extrêmement noir dans lequel le romancier nous livre le portrait d’un jeune homme au comportement destructeur (pour lui comme pour son entourage) et en quête de rédemption. Une rédemption qu’il est convaincu de ne pouvoir atteindre que dans la mort. Si vous cherchez un chouette truc à lire au coin du feu, un enfant posé sur les genoux, je pense que ça ne va pas le faire. Par contre, si vous voulez fouiller l’âme sombre de l’être humain, vous enfoncer dans la fange ad nauseam. Là, clairement, vous avez fait une bonne pioche ! Les atouts sont multiples. Il y a tout d’abord le talent de Georges Simenon pour créer ce type de profil. Frank, fils d’une mère maquerelle, fasciné puis dégouté par le caïd local, s’enfonce progressivement dans la violence et le dégoût de lui-même. C’est le portrait puissant d’une petite racaille qui ne peut s’imaginer un avenir heureux, au point de préférer s’autodétruire (tout en détruisant son entourage). Il y a ensuite l’adaptation de Fromental, avec cette narration tutoyée dont on ne sait si elle provient d’un narrateur extérieur ou s’il s’agit de la conscience de Frank venue le torturer. A moins qu’il ne s’agisse simplement de nous, lecteurs voyeurs qui assistons avec un dégoût jubilatoire à ce plongeon sans fin dans l’abîme. Enfin, il y a le dessin exceptionnel d’Yslaire. Son style et sa colorisation continuent de dégager un romantisme noir envoutant. De prime abord, je n’imaginais pas qu’il pouvait convenir pour ce type de récit mais, à la lecture, je trouve le résultat tout simplement parfait. Alors, clairement, ce n’est pas l’histoire qui va vous donner le sourire, la pèche, espoir en l’humanité… mais quel uppercut !

01/02/2024 (modifier)