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Par Emka
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Kaboul Disco
Kaboul Disco

Il est vrai qu’il est facile de se dire que Nicolas Wild, c’est un peu Guy Delisle, en version Christophe de Ponfilly. Mais il a vraiment un style à part avec une bonne dose d’autodérision. On suit les pérégrinations d’un illustrateur français, envoyé en Afghanistan, mais pas pour faire du reportage de guerre, pour bosser pour une sorte d’agence de com’ dont l’équipe en prend pas mal pour son grade. Le ton est léger, on est loin de l’héroïsme. C’est plutôt la chronique d’un type qui se retrouve dans un pays en plein chaos sans vraiment savoir pourquoi il est là. Les dessins sont simples, presque naïfs, ce qui contraste avec la complexité de la situation décrite. Il y a un décalage constant entre le regard de l’Occidental et la réalité afghane. Pas de jugement, juste des faits bruts et des situations absurdes qui s’enchaînent. C’est ce qui fait la force de cette BD : elle ne cherche pas à être morale, elle expose simplement le quotidien d’un expatrié un peu paumé dans un environnement qui le dépasse. Kaboul Disco, c’est un peu comme si l’on regardait un film des frères Coen en direct d’Afghanistan, avec tout ce que cela implique d’humour noir et de fatalisme. C’est une BD qui se lit d’une traite, mais qui laisse une drôle d’impression, celle d’avoir ri jaune face à l’absurdité du monde. Etant particulièrement réceptif à ce genre de récits et ce genre d'humour, c'est un coup de coeur pour moi, une belle découverte.

21/08/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série DesSeins
DesSeins

Rien ne les intimide plus qu'une femme sans complexe, qui s'assume telle qu'elle est. - Ce tome contient sept chapitres, chacun consacré à une femme différente. Sa première édition date de 2016. Il a été réalisé par Olivier Pont le scénario et les dessins, et par Laurence Croix pour les couleurs. Chloé, 12 pages : Sarah & Julie, deux lycéennes papotent en se rendant au cours de natation à la piscine. La discussion porte d'abord le fait que Nico a rompu avec sa copine et qu'il est maintenant libre. Justement, elles arrivent devant les portes de l'établissement et les mecs sont là en train d'attendre : les échanges sont vaguement orientés drague. Dans les vestiaires des filles, les copines continuent de papoter, et la discussion porte maintenant sur la taille de leurs seins, leur développement, la forme qu'ils auront à quarante ans. Derrière elles, une camarade d'origine asiatique se change en silence. Mathilde, onze pages : Au beau milieu de la journée, dans la maison vide de ses occupants, Mathilde enfile son manteau, prend sa valise et s'en va. Dans la rue, les forces de l'ordre embarquent des manifestants dans le panier à salade. Henri, son mari, rentre dans son foyer en fin d'après-midi et il trouve la lettre que son épouse lui a laissé. Il la lit : elle s'adresse à lui en sachant que cette lettre le surprendra sans doute. Depuis le temps, qu'il ne la voit plus, ne l'entend plus, elle doute de sa capacité à anticiper la moindre de ses pensées. Alison, treize pages : Alison, une femme magnifique, est en plein tournage d'une scène romantique où son partenaire l'embrasse, glisse sa main dans son corsage, en dégage le sein gauche pour le peloter. Elle l'arrête dans son geste, se dégage et s'emporte contre le réalisateur Sidney Bridge car son contrat stipule explicitement qu'elle ne tournera pas dans une scène dénudée. Sylvia, treize pages : Slyvia est en train de revêtir sa lingerie chic, sur sa silhouette empâtée. Elle ressasse : les hommes, ils sont comme ça. Ils aiment leur femme et puis ils l'abandonnent. Au début leurs yeux, ils leur disent qu'elle est tout pour eux. Parce qu'elle avait quelque chose qui les attirait et qui leur plaisait. Et puis un jour, ils ne la regardent plus pareil. Ils ont eu ce qui leur avait plus ; il reste ce qui ne leur plaît pas. Fanny, quatorze pages : Fanny, belle femme rousse se promène dans la rue, s'arrête à un kiosque pour acheter de la lecture, prend un café, reprend sa promenade en ville, s'arrête pour noter l'adresse et les coordonnées d'un atelier de nu. Elikya, quatorze pages : dans un petit village de brousse, le père d'Elikya la confie à la famille de son nouveau mari, en échange de la dot promise. Elle ne desserre pas les lèvres. le nouveau mari ne s'en formalise pas : le temps fera son oeuvre. Fleur, dix-huit pages : C'est une petite boutique discrète, sans prétention, dont les habituées diront qu'elle est là depuis toujours. Quand elles en poussent la porte, c'est d'abord pour acheter un peu de tissu, quelques jolies matières qui les mettront en valeur et dans lesquelles elles se sentiront bien. Mais au bout du compte, c'est un peu plus que cela. Le lecteur part avec un a priori en plongeant dans cet ouvrage : des nouvelles réalisées par un homme, un titre qui fait ressortir le mot Sein contenu dans le terme desSeins, une jeune femme à moitié dénudée sur la couverture. Il est probable qu'il s'agit d'un bédéiste faisant une fixette sur les atouts mammaires de la gent féminine et qu'il y aura une dimension érotique. À la lecture, la tonalité n'apparaît pas exactement celle-ci. Certes, l'artiste représente la poitrine nue de Chloé (et celle de Julie) pour la première histoire, puis celle de Mathilde et de quelques compagnes de manifestation, d'Alison dans la scène de cinéma, de Sylvia pendant l'amour, de Fanny lorsqu'elle pose nue dans un atelier d'élèves artistes, d'Elikya sous la pluie, et d'une cliente de Fleur. À chaque fois, le contexte s'y prête et cette nudité partielle joue un rôle significatif dans l'histoire, même s'il aurait été envisageable de réaliser des dessins simplement suggestifs de décolletés, ou de dos, ou en ombre chinoise, ou encore avec un élément en premier plan masquant le sein que l'on ne saurait voir. D'un autre côté, les plans de prises de vue et les représentations en elles-mêmes ne correspondent pas à une obsession sur cette partie sexualisée de l'anatomie féminine, ou à des codes visuels de nature érotique, encore moins pornographique. D'ailleurs la narration visuelle s'avère posée plutôt qu'excitée, dans un registre naturaliste et descriptif avec un savant dosage de la densité d'informations dans chaque case. La première histoire s'ouvre avec une case de la largeur de la page montrant les deux adolescentes marcher dans la rue. le lecteur devine les immeubles de deux ou trois étages en arrière-plan, les trottoirs, avec une voiture et un scooter garés, d'autres jeunes gens en train de marcher, l'ambiance est plutôt lumineuse. Tout du long de ces cinq récits, l'artiste représente de nombreux environnements différents : le grand bassin de la piscine et ses circulations périphériques, les vestiaires, l'intérieur d'une demeure bourgeoise avec la décoration de différentes pièces et une lumière tamisée, un plateau de tournage avec ses caméras, le spacieux bureau d'un producteur de premier plan avec ses affiches, un simple diner au bord d'une route traversant une zone sauvage à perte de vue, un appartement plus modeste, un atelier de dessin avec les chevalets des élèves et l'estrade de pose du modèle, une zone désertique en Afrique avec un maigre village, un boutique de sous-vêtements féminins tranquille, discrète et accueillante. le lecteur apprécie le trait fin et souple utilisé pour les détourages, les détails rendant chaque lieu unique avec également des éléments plus génériques pour apporter une consistance complète. le lecteur observe également que la mise en couleur apporte une ambiance lumineuse particulière pour chaque histoire en fonction de l'environnement dans lequel elle se déroule. Les personnages apparaissent très vivants : des silhouettes variées, des origines diversifiées, une expressivité un peu soutenue pour les visages faisant passer les émotions et les états d'esprit avec plus de conviction. Leur rendu présente une cohérence tout du long de chaque nouvelle, et du tome dans son ensemble, avec, lorsque la scène ou l'instant le requiert, un peu plus de sérieux, ou un sourire plus blanc et plus grand, ou une mine renfrognée, un visage moins lisse et marqué par les rides, une expression de dégout en mode comique, une expression tragique de résignation, un calme et une sérénité imperturbables reflétant un choix mûrement réfléchi, un entrain et une ingénuité pour un jeune adolescent, un grand plaisir éprouvé à s'adonnant à une activité préférée ou même en accomplissant son métier au quotidien. Toutes ces caractéristiques participent à modeler la personnalité de chaque protagoniste, premiers comme seconds rôles, et même pour les figurants, neutralisant de fait toute forme de relations dépersonnalisées, ou de corps objectifiés. Pour autant, l'auteur raconte bien des histoires dans lesquelles la poitrine féminine constitue un élément indispensable du récit. Dans la première, les adolescentes constatent avec plaisir le développement physiologique, à l'exception d'une. Dans le deuxième, la poitrine dénudée devient un instrument d'affirmation de son indépendance. Dans la troisième, une femme a décidé de ne plus accepter que ses seins soient instrumentalisés par les réalisateurs. Puis une autre décide de s'en servir comme une arme dans un assassinat, une autre décide au contraire de les mettre en avant lors d'une séance de pose nue, ceux de la suivante servent d'inspiration. Enfin dans la dernière histoire, le choix de soutien-gorge par différentes clientes reflète la manière dont elles s'approprient cette partie de leur corps. de fait, l'auteur raconte chaque histoire, à l'exception de la sixième, du point de vue de la femme dont le prénom donne le titre au chapitre. Il adopte le point de vue de chacune d'entre elles, avec un a priori bienveillant, même pour la meurtrière. La poitrine féminine, quelle que soit sa forme, apparaît comme un point commun, une caractéristique physique qu'aucune ne peut ignorer et que chacune doit intégrer, en fonction de son histoire de vie, de ses aspirations, de son mode de vie. Olivier Pont ne porte pas de jugement sur l'une ou l'autre, se mettant au service de chacune, faisant preuve d'une démarche empathique sincère et honnête pour se mettre à la place de Chloé, Mathilde, Alison, Sylvia, Fanny, Elikya et Fleur afin de les faire exister. Il se projette en elles, se mettant à leur place, afin qu'elles s'incarnent pour la lectrice, le lecteur. La couverture et le titre laissent supposer un ouvrage d'une nature doucement érotique, avec une fixation sur les seins. La lecture révèle des histoires avec une sensibilité d'une belle justesse, dans lesquelles la poitrine féminine joue un rôle capital mais pas exclusif de tout autre. Le lecteur découvre une tranche de vie de sept femmes différentes, un peu plus avec deux ou trois rôles secondaires, de milieux différentes, d'origines différentes et vivant dans une autre partie du globe pour Elikya, avec une narration visuelle bienveillante sans être mièvre, consistante et facile à lire. Il se sent projeté dans leur vie et prend conscience de la présence inéluctable de cet attribut féminin, et des différentes manières dont il est considéré par chaque femme.

21/08/2024 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5
Couverture de la série X-Men - La vie, la mort
X-Men - La vie, la mort

Un comics qui peut paraître un peu fourre-tout au premier abord puisqu'il reprend les numéros 186, 198, 205, 214 et 53 des X-MEN. Mais avec cet album vous allez pouvoir découvrir tous les numéros dessinés par Barry Windsor-Smith. Et ça, ce n'est pas rien ! Chris Claremont, le père des nouveaux X-MEM, est au scénario pour les quatre premiers chapitres, il sera secondé par BWS pour les numéros 198 et 205. Les deux premières histoires mettent en avant Ororo Monroe (Tornade), elle a perdu ses pouvoirs de mutante. Deux récits sur la fragilité du personnage, son rôle de femme, sa place dans le monde avec sa quête d'identité sur sa terre kényane. L'action est au second plan. Deux épisodes importants pour comprendre ce que deviendra le personnage. Wolverine sera la vedette du troisième chapitre, un numéro tout en muscle, et bien plus violent, avec toujours cette dualité : homme/animal. Un récit qui sera le terreau sur lequel BWS va s'appuyer pour réaliser Wolverine - Arme X. Un quatrième chapitre dès plus classique avec les X-MEM au complet. Des récits qui peuvent se lire indépendamment sans forcément bien connaître les X-MEM de cette période. Mais Il vaut mieux avoir des bases solides pour les apprécier à leur juste valeur. Barry Windsor-Smith réalise la totalité des planches pour un résultat différent suivant qui encre ses esquisses. Pour le numéro 186, c'est le talentueux Terry Austin qui s'y colle et le rendu est réussi, on reconnaît le style inimitable de BWS. Pour les épisodes 198 et 205 c'est le jackpot, BWS réalise l'encrage et la colorisation. Et là... Wahou ! Enfin, c'est Bob Wiacek qui s'occupe du numéro 214 et le résultat est pas mal. Sinon, toujours cette science maîtrisée de la mise en page. Un régal. En bonus, une introduction sur la genèse des X-MEM et un dossier sur les auteurs et quelques personnages. En conclusion, un comics patrimonial qui sent bon les années 80. La nostalgie aidant, un bon 4 étoiles. BWS est une mine d'or et ce comics une pépite avec un bel éclat. Oups, j'ai oublié le dernier chapitre (1968), il est scénarisé par Arnold Drake. Et le dessin du débutant BWS sous l'encrage de Michael Dee est une horreur. Rien à sauver.

21/08/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Shanna
Shanna

Pas seulement sublime - Ce tome regroupe les 7 épisodes de la minisérie parue en 2005/2006, écrite et illustrée par Frank Cho. Il y a 3 ans, 10 mois et 23 jours une équipe militaire s'est écrasée sur une vaste île déserte. Depuis ils survivent sous la houlette de l'un d'eux surnommé Doc. Lors d'une opération de reconnaissance du territoire, en quête de nourriture et de médicaments, ils découvrent avec étonnement un immense complexe scientifique souterrain, siglé de croix nazies. L'exploration de ce complexe les amène devant des éprouvettes géantes contenant des corps de femmes génétiquement cultivées. L'intrusion des soldats dans cette salle a déclenché un processus de réveil préprogrammé et l'une d'entre elles prend conscience. Au détour d'un couloir, 2 soldats découvrent une scientifique qui a survécu jusqu'ici. Mais un vélociraptor s'est également introduit dans le complexe en quête de nourriture et il attaque plusieurs soldats. Je vous assure, ce court paragraphe est fidèle à la première moitié du premier épisode. Frank Cho a souvent expliqué que ce qu'il préfère dessiner sont les femmes et les dinosaures. À cette époque, chez Marvel, Joe Quesada avait pris l'habitude de proposer à des artistes triés sur le volet de travailler sur un projet susceptible de leur plaire, dans la branche estampillée Marvel Knights. Donc Frank Cho dessine des femmes et des dinosaures. Il reprend le personnage de Shanna (O'Hara Plunder) apparue pour la première fois en 1972. Au fil des ans, cette héroïne de la jungle avait été rapprochée de Ka-Zar (Kevin Plunder) qu'elle a épousé. Ensemble ils se sont installés dans la Terre Sauvage et ils ont eu un fils Matthew. Il est possible de retrouver cette version de Shanna dans Ka-Zar par Mark Waid & Andy Kubert (en anglais), ou plus récemment dans The burning season (en anglais) de Paul Jenkins. Dans la présente histoire, Frank Cho ne garde que le nom de Shanna the She-Devil, et il réinvente tout depuis le départ ; il s'agit donc d'une version alternative qui connaitra une autre aventure Survival of the Fittest (en anglais), mais sans Frank Cho. Quand Frank Cho dit aimer les dinosaures, il ne ment pas. Il dessine avec amour et exactitude les vélociraptors et les tyrannosaures. Il reproduit fidèlement les peaux écailleuses, les formes de visages, la morphologie et le comportement de ces deux espèces, au mieux de l'état de la science en la matière. Sa minutie fait penser au travail tout aussi remarquable (et sur plus d'espèces) de Ricardo Delgado dans Age of Reptiles. Les personnages se distinguent facilement les uns des autres (et je ne pense pas seulement à Shanna). Les scènes d'action sont haletantes et pleines de suspense. Comme la plupart des dessinateurs américains, Cho se désintéresse des décors au fur et à mesure des épisodes. Ce phénomène reste dans une proportion supportable, d'autant plus que Cho s'est facilité la vie en choisissant des lieux plutôt simples et désolés qui ne demandent pas trop de travail pour les dessiner (et puis des grands ciels dégagés). Aussi étonnant que ça puisse paraître, Frank Cho se révèle un scénariste plus intelligent que prévu. Il ne se limite pas à afficher la plastique de Shanna à toutes les pages, il sait créer une ambiance assez particulière. Il y a ce parfum simple et très agréable émanant de l'aventure premier degré qui mélange l'exploration d'un territoire inconnu et sauvage, avec une faune dangereuse et des expériences scientifiques interdites et improbables. Il y a la personnalité du Doc, développée et réaliste avec de vrais sentiments, accessible grâce à de brèves notes dans son journal de bord. Il y a le mystère de la personnalité de Shanna, personnage à la fois superficiel et impénétrable, mais aussi trouble et difficile à cerner, parfois même menaçant. Il glisse également des explications logiques pour des points étranges tels que le costume de Shanna, ou encore son nom (2 justifications pertinentes et évidentes). Il apparaît quelques maladresses telles que le fait que les soldats n'aient pas encore exploré tout le territoire au bout de 3 ans, ou que le lecteur n'ait le droit à aucune explication concernant ces fameux dinosaures. Donc cette histoire constitue une aventure agréable, avec suffisamment d'éléments pour qu'elle ne soit pas creuse et superficielle. Voilà, tout est dit. Un dernier petit détail : Shanna est magnifique de bout en bout. Cho doit sa réputation de dessinateur à la plastique irréprochable de ses héroïnes, et leur aspect craquant (la série Liberty Meadows par exemple). Il représente Shanna comme une femme solidement charpentée, sans être une culturiste. Ses rondeurs sont mises en avant du début jusqu'à la fin et le lecteur masculin se délectera des mouvements de son opulente poitrine dans chaque scène d'action. La légende raconte que ces épisodes étaient au départ destinés à être publiés dans la collection MAX, que les illustrations étaient plus coquines et qu'elles ont été retouchées par Cho pour la collection Marvel Knights (soupirs et regrets éternels). Par la suite, Cho a présidé aux aventures d'une autre Jungle Girl, mais en ne dessinant que les couvertures.

20/08/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Dylan Dog (Panini Comics)
Dylan Dog (Panini Comics)

4 équipes artistiques s'approprient le personnage de Dylan Dog dans des récits courts. - Ce tome comprend 4 histoires courtes, récentes, et en couleurs, ayant comme personnage principal Dylan Dog. Il s'agit de la traduction en français du numéro 2 de la série Dylan Dog color fest, initialement paru en août 2008. La planète des morts (scénario d'Alessandro Bilotta, dessins de Carmine di Giandomenico) - Londres de nos jours, ou juste un peu plus tard, les humains vivent en bonne intelligence (tout est relatif) avec les zombies qui sont cantonnés à des tâches subalternes dans la société. Il se produit encore quelques incidents au cours desquels un zombie ou un autre s'en prend à un humain pour étancher sa faim de chair fraîche (mais il s'agit d'incidents isolés). Dylan Dog travaille pour la police et a l'impression que certains zombies essayent de communiquer avec lui. Son supérieur a décidé que les zombies représentent une menace trop importante pour l'humanité et que la coexistence n'est plus possible. Il fait suivre Dog par Bree qui ne tarde pas à se ranger de son coté. Il semble que le principe des numéros Color fest soit de permettre aux artistes d'utiliser le personnage de Dylan Dog, dans des histoires ne se déroulant pas forcément dans l'environnement traditionnel du personnage. Ici, Bilotta imagine une réalité où les zombies côtoient les humains, avec une condition sociale inférieure. di Giandomenico réalise des dessins très soignés, avec une forte personnalité au niveau des visages pour lesquels son objectif n'est pas de faire joli, mais de faire ressortir leur coté adulte, sans recourir au photoréalisme. le résultat est très convaincant, et fonctionne également très bien sûr les zombies qui sont repoussants, sans être sanguinolents. Giandomenico effectue également un travail impressionnant pour les décors, que ce soit les rues de Londres ou la décoration intérieure du bureau du supérieur de Dog, ou celle du laboratoire de Lord Wells (où il est possible de reconnaître Ranxerox, Kermit la grenouille, et Pinocchio). Au départ, le scénario de Bilotta semble très linéaire, avec une interprétation des zombies un peu trop sage pour être intéressante. Petit à petit, le lecteur s'aperçoit que Dylan Dog prend le parti des zombies, position pour le moins discutable. Et son juron favori Nom d'un Judas funambule sonne toujours aussi faux et artificiel. Petit à petit, le scénario révèle la complexité de la situation dans laquelle se trouve le héros, ainsi que l'ambigüité de sa position morale. Billota ajoute un élément onirique qui renforce l'ambiance de manière remarquable. Et l'apparition de Groucho achève le lecteur. 5 étoiles pour un récit ambitieux qui révèle toute sa saveur petit à petit. - Videokiller (scénario de Paola Barbato, dessins d'Angelo Stano) - Dylan Dog a reçu une vidéo dans laquelle il se voit en train de contempler un mur dans une pièce d'un appartement où une partie du papier peint est déchirée et laisse voir une inscription DYD 666 your fate !. Par la fenêtre, il est possible d'apercevoir Big Ben. Puis un homme avec une hache apparaît sur l'écran et agresse Dylan Dog. Ce dernier se rend chez un expert de Big Ben, à bord de sa Coccinelle décapotable immatriculée DYD 666 pour essayer de déterminer l'emplacement de l'appartement disposant d'une telle vue sur Big Ben. Le lecteur retrouve Angelo Stano, l'un des dessinateurs historiques de la série (il a dessiné le premier épisode réédité dans L'aube des morts-vivants). Stano réalise également la mise en couleurs par peinture. le résultat est classique dans sa forme, facilement lisible, avec une très belle évocation de Londres et de Big Ben, sans saveur marquée pour les personnages. Barbato propose un suspense psychologique, mâtiné de thriller, dans lequel Dog doit découvrir les règles d'une partie de cache-cache bizarre. le résultat n'est pas entièrement convaincant : l'ambiance est bien étrange, mais pas tout à fait assez inquiétante. le final repose sur une chute fort prévisible établissant un cycle peu palpitant. 3 étoiles. - Le magicien des affaires (scénario de Pasquale Ruju, dessins de Nicola Mari) - Ethan Warwick est le nouveau golden boy de la City. Après avoir gagné 2 millions de livres sterlings en une matinée, il se rend dans son restaurant préféré. Il s'aperçoit qu'il est suivi par un étrange individu en chemise rouge et veste noire. Il se remémore son ascension sociale, son ascendant sur les femmes, et sa jeunesse sur l'île isolée d'Anglesey, recueilli par un vieux monsieur appelé Gellar. Mais que lui veut cet individu qui lui suit à la trace ? Nicola Mari utilise un style qui s'approche de celui de di Giandomenico, avec un peu plus de concession sur le plan esthétique. le lecteur peut à nouveau pleinement se projeter dans cet environnement, dans Londres, dans les différents appartements. On pourra juste reprocher à Mari une forme d'hypocrisie pour la jeune femme étendue pour le sacrifice (une position avilissante, mais pas de nudité), et une liberté de mouvement surprenante pour la victime d'après uniquement attachée par les mains et pas par les pieds (un oubli qui vient fort à propos pour faciliter le retournement de situation). Les responsables des couleurs ont également décidé que tout devait être nimbé d'un halo lumineux qui finit par être aussi systématique que pénible. Ruju fait le nécessaire pour étoffer l'histoire d'Ethan Warwick, mais il a du mal à dépasser les clichés de ce type d'histoire. Par contre, il développe une ambiance dense et convaincante. 4 étoiles. - L'enfer sur terre (scénario de Giovanni Gualdoni, dessins de Roberto de Angelis) - Dylan Dog sort de chez lui prendre l'air, après avoir pris congé de Groucho. Alors qu'il circule en voiture dans Londres, il se retrouve bloqué par un barrage établi par l'armée, pour contrôle d'identité. Il descend de voiture pour estimer ce qui se passe et le temps que ça prendra. Une jeune femme enceinte est prise à partie par les soldats. Dog la prend en pitié et s'occupe d'elle. le trajet jusqu'à un hôpital pour l'accouchement va s'avérer un véritable parcours du combattant, dans une ville de Londres soumise à la loi martiale, et dévastée par un conflit intangible. Cette histoire constitue un nouveau dérapage dans une réalité alternative où Londres est une ville sous la menace d'une guerre dans laquelle il n'est pas possible d'identifier l'ennemi, un état de guerre tellement épuré qu'il en devient conceptuel. De Angelis dispose lui aussi d'un style réaliste, sans être photoréaliste, qui plonge le lecteur dans cet environnement délétère et angoissant. Il n'y a que la double page consacrée à une vision onirique du conflit (avec un squelette chevauchant une bombe) qui ressort comme trop outrée par contraste. le scénario combine les actions de protection de Dog vis-à-vis de la femme enceinte, avec la découverte progressive de l'état de siège de Londres, dans une dégradation croissante de la situation. La fin est peu prévisible et apporte une autre touche onirique des plus adaptées. La conclusion et la morale sont délivrées par Groucho très en verve et très pertinent. 5 étoiles.

20/08/2024 (modifier)
Couverture de la série Gunnm
Gunnm

Les anciens mangas enchaînent vraiment les séries cultes, dont celle-ci en fait partie mais dans un thème SF-Cyberpunk. Nous avons ici un univers que l'on découvre en même temps que notre héroïne Gally, car cette dernière a été reconstituée dans un corps de cyborg depuis sa dépouille retrouvée dans une décharge. Notre héroïne redécouvre la vie et son passé grâce à son "père" adoptif Ido, mais elle rencontrera dans son aventure beaucoup d'antagonistes plus mauvais les uns que les autres qui donneront des affrontements des plus épiques. La décharge est la ville où évolue notre protagoniste mais c'est aussi le dépotoir de la cité au zénith "Zalem". Cette cité dans les hauteurs qui attise le mystère et toutes les convoitises des habitants de la décharge. Nous assistons à des thèmes assez révolutionnaires pour l'époque, qui sont joliment retranscrits par le trait de Kishiro Yukito. L'ambiance est sale, lugubre et puissante à la fois, ceci dit notre héroïne rend cela très agréable à la lecture par sa personnalité innocente mais très caractérielle. Sur la lecture de la série, le début tome 1 et la fin tome 9 ont un rythme trop rapide, par contre cela se conclue plutôt bien. Malheureusement je vous déconseille la suite "the last order", car celle-ci est largement en dessous de l'oeuvre originale. Que ce soit sur l'histoire, qui est sur du Shonen pure à la dragon ball Z; en passant par le dessin qui perd son authenticité à cause de la numérisation... Pour conclure, Gunnm se suffit à lui-même.

20/08/2024 (modifier)
Par GREG
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Les aventures de Philip et Francis
Les aventures de Philip et Francis

Encore une parodie de Veys. Avec son camarade Barral, on retrouve l'esprit de Baker street: à savoir une parodie très bien documentée, avec des traits un peu caricaturaux, couplés à des décors bien léchés. Ici, c'est Blake et Mortimer qui subit l'imagination débridée de Veys. Le premier tome y va à la dynamite, avec un ajout aussi inattendu qu'hilarant: le personnage du premier ministre n'est autre que Winston Churchill, qui en prend sacrément pour son grade. Blake est présenté comme un gamin n'ayant jamais vraiment grandi (il vit chez sa mère), Mortimer en gras du bide qui tente (faiblement) de perdre du poids et dont les inventions "géniales" ont en commun de toujours mener à une catastrophe (quand elles ne servent pas simplement de prétexte, Mortimer construisant une fusée spatiale pour des raisons loufoques). Et enfin Olrik qui fait office de loser magnifique. Notons toutefois que Barral adopte un trait plus proche de Jacobs dans les tomes 2 et 3, bien moins caricatural. Le premier tome est le meilleur, les deux auteurs se sont lâchés pour nous offrir un opus complètement déjanté et unique, avec des références à la culture pop, comme Brigitte Bardot, ou bien Bruce Lee. Le deuxième tome lui lorgne plus fortement vers "le piège diabolique", et la parodie directe d'un tome existant. Toutefois, cela reste d'un très haut niveau. Le troisième tome est le plus faiblard des trois, et lui penche beaucoup plus vers la culture pop, avec des allusions fortes à orange mécanique, la série TV le prisonnier, et Dr Jekyll et Mr Hyde. Cela fait preuve de moins d'imagination, mais reste malgré tout très drôle, la seule faiblesse étant la disparition soudaine du "Mr Hyde" qui aurait mérité mieux. Bref, on a quand même une très bonne série qui mériterait un 4ème tome.

20/08/2024 (modifier)
Par GREG
Note: 4/5
Couverture de la série Baker Street
Baker Street

Baker Street est une parodie extrêmement bien documentée de Sherlock Holmes. Le dessin de Barral est en plus un mélange dosé entre traits volontairement caricaturaux, et décors franchement magnifiques. Parodie dans le sens où le caractère des personnages est retravaillé soigneusement: 1)Sherlock Holmes est certes toujours un génie, mais pas forcément des plus honnêtes, nanti d'un égo surdimensionné qui va souvent l'aveugler, et d'un caractère assez atroce, Watson servant souvent de souffre-douleur. 2)Un Watson encore plus naïf qu'à l’accoutumée, tout en étant quelque porté sur la dive bouteille, victime souvent de quiproquos ou d'enchaînement de situations involontaires. 3)Un Lestrade complètement idiot dont chaque apparition vaut à elle-seule le détour. 4)Et puis enfin un professeur Moriarty qui subit des crises d'hystérie à la seule mention du nom de son adversaire, et qui se révèle être son parfait double, leur caractère étant assez similaires. La série est composée de 5 tomes, assez inégaux: Les tomes 1 et 2 sont de vraies enquêtes, bien pensées, ce qui ajoute au plaisir: on a des mystères "mystérieux" doublés d'une parodie savoureuse. Ces deux tomes frisent la perfection. Les tomes 3 et 4 sont un diptyque, une forme de chasse au trésor, et disons-le franchement, ce concept ne marche pas aussi bien. Cela reste distrayant, mais c'est un cran en-dessous des deux premiers tomes. Enfin le tome 5 est un recueil de plusieurs histoires qui tentent de renouer avec l'esprit des deux premiers opus, sans véritablement y parvenir totalement.

20/08/2024 (modifier)
Par Jeïrhk
Note: 4/5
Couverture de la série Kleos
Kleos

Excellent, je ne m'attendais pas du tout à cette histoire en découvrant la couverture (de l'intégrale). j'ai beaucoup aimé, je regrette que ça soit si court ! j'aurais tellement aimé lire la suite de son parcours. Parcours que j'ai adoré car rien ne se déroule comme on pourrait l'imaginer, et c'est là la grande force de ce récit. On est embarqué dans l'aventure réaliste d'un homme qui rêve de vengeance et d'héroïsme, mais qui se heurte à la dure réalité de sa situation. Contrairement à d'autres récits où le héros devient un combattant du jour au lendemain grâce à sa seule force de volonté, ici, il comprend malgré lui qu'il doit se contenter des qualités qu'il a déjà acquises avec le temps : la pêche, la poésie, et son tempérament audacieux, qui l'a mené dans cette aventure à la fois passionnante et éprouvante. Le dessin est superbe et ça m'a donné envie de lire d'autres BD sur la Grèce antique.

20/08/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Aliens - Absolution (Salvation)
Aliens - Absolution (Salvation)

En milieu hostile - Ce tome contient un récit complet, mettant en scène des Aliens, tels que créés par Hans Ruedi Giger, et filmé par Ridley Scott en 1979. Cette histoire de 47 pages de bande dessinée, est initialement parue en 1993, avec un scénario de Dave Gibbons, des dessins de Mike Mignola, un encrage de Kevin Nowlan, et une mise en couleurs de Matt Hollingsworth. Sur une planète éloignée, avec une proportion d'eau, une capsule de secours du vaisseau spatial Nova Maru a atterri dans une eau peu profonde, en bordure de plage. À son bord se trouvent deux rescapés : le capitaine Foss, et l'enseigne Selkirk. Ce dernier est un homme pieu qui se morigène pour avoir péché. le capitaine Foss est sérieusement blessé à l'œil droit, et au bras droit. Il dispose d'une arme et de munition, ainsi que d'un kit médical, avec des antidouleurs. Le Nova Maru était affrété par la Compagnie, et transportait un cargo de nature inconnue pour l'équipage, mais bien connu du capitaine (et des lecteurs). le séjour sur cette planète ne s'annonce pas de tout repos. L'eau n'est pas tout à fait potable. Les oiseaux ne sont pas vraiment comestibles. En plus le capitaine Foss est un peu paranoïaque sur les bords (et un peu au milieu aussi). À l'évidence, Dave Gibbons est plutôt connu pour être le dessinateur de Watchmen d'Alan Moore, que pour être un grand scénariste. Néanmoins, il a réussi quelques récits sympathiques comme l'excellent Superman et Batman : L'Etoffe des Héros (dessiné par Steve Rude), ou encore le sympathique premier crossover entre Batman et Predator. Il se livre à un exercice un peu piégé : raconter une histoire dont le lecteur devine aisément le déroulement, à un ou deux détails près. Les pauvres survivants vont être confrontés à des Aliens bien baveux et acides, et tout à leur obsession d'assurer leur reproduction, sans beaucoup d'espoir de s'en sortir ou alors de justesse, et pas forcément en bon état. À partir de là, comment intéresser le lecteur ? Le suspense se trouve réduit à se demander quand les survivants vont affronter les horribles bestioles, et comment ils vont finir dans d'atroces souffrances. le scénariste doit donc soit se montrer très imaginatif dans la construction de sa course-poursuite, soit créer des personnages attachants, soit donner une dimension métaphorique à l'extermination. le plus simple est bien sûr de mettre en scène les Aliens comme l'ultime manifestation de l'élan vital, une espèce toute entière dévouée à sa perpétuation, sans notion d'individualité, sans autre occupation qui pourrait divertir leur énergie vitale. Et en plus ils sont coriaces. Dave Gibbons opte pour la mise en scène d'un individu à la personnalité particulière. Selkirk est un croyant, dans une foi qui n'est pas nommée, mais qui reprend à gros trait l'idée d'un Dieu unique ayant défini un code moral assorti de péchés. le lecteur a accès aux pensées de Selkirk par le biais de petites cellules de texte. Il constate rapidement que la foi de Selkirk est basique : une déité omnisciente, un Dieu de colère proche de celui de l'Ancien Testament. Selkirk doit respecter les commandements sous peine de se retrouver en Enfer. Le scénariste a le bon goût de ne pas transformer Selkirk en un fanatique, mais il force un peu sur l'autocritique, et sur la propension à assimiler tout comportement à un péché. Il a aussi le bon goût d'éviter le rapprochement simpliste entre Aliens et Diable. le lecteur assiste donc aux bévues commises par Selkirk cherchant à survivre, et transgressant les interdits. Au départ, le lecteur se dit que Gibbons se montrera plus subtil avec la question de la survie sur une planète non adaptée à la vie humaine. Selkirk et Foss ne sont pas bien sûr de la composition de l'air qu'ils respirent, l'eau contient des trucs nocifs, et les animaux ont une chair incompatibles avec les estomacs humains. Mais cet aspect-là de la narration est vite oublié au profit de la course-poursuite. À l'évidence, le lecteur intéressé par cette histoire l'est surtout parce qu'elle a été dessinée par Mike Mignola. C'est l'un des derniers récits qu'il a réalisé avant de lancer sa série Hellboy en 1994. Juste avant il avait collaboré avec Howard Chaykin sur le Cycle des épées (1991, encré par Al Williamson), puis Ironwolf (1992, encré par P. Craig Russell). Ici il bénéficie de l'encrage très respectueux de Kevin Nowlan qui ne cherche pas à arrondir ses aplats de noir, qui ne cherche pas à rajouter des détails, là où Mignola a opté pour une simplification. Il n'y a que quelques traits parfois un peu plus fins que ceux qu'auraient utilisés Mignola qui peuvent trahir le fait qu'il ne s'est pas encré lui-même. Tout au long de ce récit, le lecteur constate que la transition entre des dessins descriptifs de Mignola, et une approche plus expressionnistes est déjà proche d'aboutir au stade final. Les visages sont soient mangés par des gros traits figurant une ombre portée exagérée, soit plus esquissés que finalisés quand ils se retrouvent en pleine lumière, en particulier pour ce qui est des lèvres (deux gros boudins) ou des yeux représentés avec des gros traits, sans pupille visible. Les silhouettes sont assez massives, et taillées à grands coups de serpe. Tous les personnages n'ont pas encore les épaules tombantes, comme ça sera le cas par la suite chez cet artiste. Par contre, les ombres portées conduisent à des morphologies bizarres, à commencer par Selkirk qui semble avoir une poitrine un peu surdéveloppée, une fois sa chemise déchirée. Les petits traits qui marquent la peau de Dean neutralisent tout voyeurisme ou forme de séduction. Elle ne peut pas être réduite à un objet du désir, dans la mesure où Mignola la représente sans grâce (même la case où elle apparaît avec un marcel mouillé). Par rapport à la série Hellboy, le lecteur constate que la densité d'informations visuelles reste élevée. Mike Mignola n'a pas encore pris le parti d'une épuration graphique systématique. Il représente les arrière-plans, soit avec des détails concrets, soit avec des formes tirant vers l'abstraction. Ce compromis dans les images assure un bon niveau d'immersion pour le lecteur, ce qui est plutôt agréable dans le cadre d'un récit de science-fiction. Et les vraies vedettes de l'histoire ? Mike Mignola fait des merveilles pour leur rendre toute leur étrangeté, et leur dangerosité. Dans le cadre des comics, l'une des difficultés auxquelles se heurtent les dessinateurs, est de trouver comment conserver leur part d'horreur aux Aliens. Avec une bande dessinée, il n'est pas possible de jouer sur la fugacité de leur apparition, ou sur la soudaineté de leur attaque. Le dessin reste sous les yeux du lecteur qui peut le regarder aussi longtemps qu'il le souhaite. C'est lui qui maîtrise le rythme de la lecture, par opposition au cinéma. La deuxième difficulté à laquelle le dessinateur est confronté, c'est l'apparence qu'il donne à l'Alien. Au vu du nombre d'images, il n'est pas possible d'aboutir à un niveau de détails similaire à celui d'Hans Rudolf Giger (l'artiste qui les a créés), et même si l'artiste disposait du temps nécessaire le résultat serait trop figé. Il reste la possibilité de jouer sur les textures comme le fit Richard Corben (voir Aliens: Alchemy), mais là encore trop de détails finit par banaliser ces créatures. L'approche graphique de Mike Mignola constitue le juste milieu. Il peut représenter des Aliens à découvert, tout en leur conservant leur part de mystère, par l'usage d'aplats de noir mangeant une partie de leur silhouette ou le détail exact de leur morphologie. Il peut choisir de ne faire ressortir que quelques traits saillants évoquant leur silhouette. Il sait aussi tirer les surfaces noires de leur peau, vers l'abstraction pour leur donner une apparence conceptuelle. Avec cette histoire, Mike Mignola se révèle être un des artistes parfaits pour mettre en scène les Aliens sans rien perdre de leur horreur et de leur fugacité. Dans ce court récit (47 pages), Dave Gibbons fait l'effort d'inclure des éléments particuliers pour éviter l'effet d'une histoire générique avec des Aliens. Il ne développe leur rôle comme incarnation pure de la perpétuation d'une espèce, les cantonnant au rôle de monstres horrifiques. Il choisit un personnage principal aux convictions religieuses bien ancrées, obligé de transgresser plusieurs interdits pour assurer sa survie. Son récit correct mais pas inoubliable bénéficie de la mise en images très personnelle de Mike Mignola. Cet artiste n'a pas complètement achevé sa mutation vers l'abstraction à base d'aplats de noir rocailleux, mais ses choix graphiques permettent de conserver tout le mystère des Aliens, et toute leur horreur souvent suggérée.

19/08/2024 (modifier)