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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Lodger
Lodger

Les voyages forment la jeunesse. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il contient les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2018/2019, coécrits par David & Maria Lapham, dessinés et encrés par David Lapham. Il s'agit d'une bande dessinée en noir & blanc. Ed Piskor a écrit une introduction d'une page, soulignant le fait que les époux Lapham écrivent des personnages complexes qui dépassant les catégories Bons & Méchants, et qu'ils comptent sur l'intelligence du lecteur pour participer activement. le tome comprend également la couverture variante réalisée par Bill Sienkiewcz, ainsi que 8 pages de crayonnés et d'études graphiques. Dans son blog, Lodger évoque son arrivée dans la petite ville de Blossom, 1.400 habitants, située au nord du Lac Supérieur, après avoir passé 2 mois à voyager en bus. Dans un des pavillons, un homme âgé rentre chez lui et se rend dans la chambre où sa femme est alitée. Il indique qu'il a parlé à quelqu'un (peut-être leur fils) et que celui-ci va venir séjourner quelques jours chez eux, ce qui amène un grand sourire sur le visage de sa femme. Il lui rabat son masque sur les yeux pour qu'elle se rendorme. Dans son blog, Lodger continue d'expliquer son périple : il a préféré s'arrêter à Blossom, plutôt que de se rendre à Winnipeg comme il en avait l'intention, la ville lui semblant très accueillante. Ailleurs dans la ville, Ricky arrive au volant d'une voiture et se stationne devant le drugstore. Elle parle à haute voix à un certain Golddigger. Alors qu'elle va pour y entrer, un vieil homme ouvre la porte, en sort et la lui tient ouverte en l'assurant qu'elle sera comblée par les glaces faites maison. Elle se dirige vers le comptoir et se renseigne auprès du barman pour savoir pourquoi il y a autant de voitures de police dans la rue. Ricky indique au barman qu'elle a lu de bonnes appréciations sur le blog de Lodger. Elle lui pose des questions sur les glaces faites maison, et en particulier le parfum Rêve d'Amande. Finalement elle repart sans avoir rien consommé et se rend chez Jeanie Southbird, une habitante louant des chambres près du lac. Sur le pas de la porte, elle remarque le courrier accumulé non ouvert. Elle rentre à l'intérieur et découvre la logeuse inconsciente sur son lit, ses chats en train de la regarder. Il y a des mouches qui baguenaudent sur son visage : elle semble morte, suite à un suicide médicamenteux. Ricky fouille un peu dans ses affaires, puis s'éclipse discrètement par la porte de derrière. Elle s'est éloignée de quelques mètres quand une voix lui intime de s'arrêter, de placer ses mains sur la tête, et de se retourner. Ricky Toledo obtempère à l'injonction des 2 policiers, tout en faisant discrètement tomber son revolver par terre, à leur insu. Ils vérifient son identité et elle leur indique que la veille elle se trouvait au Pine Ranch Lodge, en bordure de la ville d'Omaha. Un policier vérifie ses dires, pendant qu'elle explique à l'autre qu'elle recherchait Freddie, son copain qui l'a laissée tomber. L'autre policier revient en indiquant qu'un autre cadavre vient d'être découvert. Un lecteur avertit en vaut deux et ce ne sera pas de trop. S'il connaît déjà les époux Lapham pour leur série Stray Bullets, le lecteur sait qu'il s'apprête à plonger dans un polar noir et glauque. S'il a lu l'introduction d'Ed Piskor, il sait qu'il va devoir mettre son cerveau à contribution pour une lecture active. Sinon, il découvre une première page attestant déjà d'une narration sophistiquée : les cellules de texte s'apparentant à des entrées de blog de voyage, les dessins montrant des lieux de vacances avec une suite indiquant la progression de celui qui regarde. Dès la deuxième page, il (re)trouve le découpage de planche qu'affectionne David Lapham : une grille de 8 cases répartie en 4 lignes de 2 cases. En fonction de la séquence, l'artiste peut fusionner 4 de ces cases pour n'en former qu'une : les 2 bandes supérieures, ou les 2 bandes intermédiaires, ou encore les deux bandes inférieures. Il s'agit d'une disposition de cases de type gaufrier, reproduite systématiquement, ce qui produit un effet un peu surprenant de prime abord. Elle renforce la force du lien de cause à effet entre les 2 cases de chaque bande, et elle imprime un rythme très régulier. Les auteurs s'en servent pour accenteur la déstabilisation du lecteur. En effet, il faut du temps au lecteur pour remettre les faits dans l'ordre. le récit est construit en rapprochant des séquences qui ne se déroulent pas dans l'ordre chronologique. Comme à chaque fois dans la mise en pratique de cette recomposition temporelle, le lecteur s'interroge sur ce qu'elle apporte à l'expérience de lecture. le premier effet est de maintenir le lecteur sur le qui-vive puisqu'il ne peut pas faire l'économie d'un dessin ou d'une phrase, et qu'il se demande quel lien logique unit ces différentes informations. Il prête également plus d'attention aux informations visuelles, le dessinateur réalisant des images très prosaïques, banales même, mais pouvant pourtant receler un autre sens. Cela commence dès la deuxième scène : que faut-il voir ou comprendre dans les gestes attentionnés de Carl pour Carla-Ann sa femme alitée ? Lapham fait en sorte de dessiner la séquence, les gestes, pour que le lecteur s'interroge sur l'intention réelle du mari. Page 11, le vieux monsieur tapote sur l'épaule de Ricky pour un geste affectueux dénué de sous entendu pervers. Page 21, le lecteur se rend compte qu'il a sous-estimé l'importance de ce geste, surtout parce que le dessin ne montrait pas tout. Pour autant il n'a pas besoin de revenir en arrière pour s'assurer de ce qui s'est passé. le deuxième effet est que chaque séquence génère des sensations et des ressentis plus riches : celui généré par ce qui est montré au premier degré, celui généré par les suppositions que le lecteur est amené à faire, celui qui survient en décalé quand il prend la mesure de ce qui s'est passé. du coup, le lecteur est plus attentif, et le récit exhale plus de saveurs : la forme recomposée de la ligne temporelle se trouve pleinement justifiée. Les dessins réussissent à dégager à la fois une sensation de spontanéité et de rigueur, pour une impression globale surprenante. Prises une par une, les cases comportent un bon niveau de densité d'informations visuelles, concrètes. L'artiste montre la petite ville de Blossom, en bordure du lac, avec ses bâtiments à un étage, bien alignés le long de la rue principale en bordure du lac, les bungalows majoritairement bon marché en périphérie de la ville, la gare routière très fonctionnelle portant déjà les premières marques de l'usure du temps. La majeure partie des retours en arrière se déroulent à Elroy, en Arizona, une ville écrasée par la chaleur, comptant 312 habitants (enfin 312 au début) : le lecteur voit que cette petite ville s'est construite en fonction de la chaleur, pour des habitants avec un budget limité. Tout du long du récit, les personnages évoluent dans une Amérique des classes populaires. Les décors informent donc le lecteur sur leur niveau social et le récit comme l'intrigue sont intrinsèquement liés à ces lieux banals et fonctionnels. Les auteurs s'en servent pour opposer cette normalité au comportement des personnages. La couverture annonce la couleur : une jeune femme sous le coup d'une forte perturbation émotionnelle armée d'un flingue. Il s'est passé quelque chose et ça va dégénérer. Rapidement, le lecteur comprend que Ricky est à la poursuite de l'individu qui tient le blog du Lodger, et qu'il s'est passé quelque chose de traumatisant à Elroy par le passé, quand elle était plus jeune. Dans un premier temps, il hésite à imputer les entrées sur Lodger sur le blog à Dante ou à Ricky elle-même. Cela fait partie de la dimension active de la lecture, et cela rapproche finalement le poursuivant et le poursuivi, montrant que leur état d'esprit est potentiellement plus similaire qu'il n'y paraît. le décalage entre les entrées de blog et ce que montrent les dessins introduit également une forme de schizophrénie car il n'y a pas exacte correspondance entre les 2 points de vue. Cela sous-entend qu'un ou deux personnages, ou peut-être plus ne sont pas forcément bien dans leur tête, que ce soit sur le plan émotionnel, ou sur leur façon d'interpréter la réalité qu'ils captent avec leurs sens. Les températures très élevées d'Elroy (en moyenne et en valeur absolue) échauffent les esprits et affectent les comportements. Ricky fait régulièrement usage de violence et se montre obsédée par l'idée de retrouver Dante. Ce dernier a également une drôle de façon d'envisager sa place dans la société et le rôle qu'il souhaite y jouer. Quand le lecteur arrive à la fin du récit, il se rend compte que toutes les pièces du puzzle se sont assemblées d'elles-mêmes sans qu'il ne doive fournir d'effort supplémentaire, sans qu'il ne doive retourner en arrière. La recomposition de la ligne temporelle s'est avérée un dispositif pertinent et bien utilisé, donnant plus d'impact au drame qui vient de se jouer. Lodger n'est pas une lecture facile et immédiate en cela qu'il faut accepter de participer de manière active pour se demander ce qui se passe réellement, à partir de ce qui est dit et montré, et pour reconstituer progressivement la chronologie des événements. Dans le même temps, c'est un récit qui touche le lecteur directement, du fait des émotions et des états d'esprit des personnages, et de leur léger décalage par rapport à ce que le lecteur considère être comme normal. Alors qu'il observe des endroits banals et communs, il se rend compte des petites bizarreries dans le comportement et les réactions des uns des autres, comme lui-même peut se sentir en décalage avec les personnes qui l'entourent et qu'il côtoie. de séquence en séquence, il mesure à la fois le naturel du comportement de Ricky, de Dante et des autres, ainsi que leur anormalité, éprouvant l'expérience d'être eux. Il ressort bouleversé en ayant compris le manque émotionnel qui habite Ricky.

27/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Savage
Savage

La fin justifie les moyens. - Ce tome fait suite à "Invasion!" (en anglais), l'une des 4 histoires présentes dans le premier numéro de l'hebdomadaire anglais "2000 AD". Il contient une saison complète, découpée en 3 chapitres, initialement parus dans les numéros 1387 à 1396, 1450 à 1459, et 1526 à 1535, de "2000 AD", en 2004 (chapitre I), 2005 (chapitre II) et 2007 (chapitre III). Les 3 chapitres ont été réalisés par Pat Mills (scénario) et Charlie Adlard (dessins et encrage). Il s'agit d'une bande dessinée en noir & blanc, de 190 pages. L'histoire se déroule en 2004, alors que l'Angleterre a été envahie par les Volgans en 1999. Les États-Unis ont signé un pacte de non-intervention avec les volgans. Sur le territoire anglais, la résistance existe et elle dispose d'une organisation structurée. Bill Savage y occupe une place de choix en tant qu'opérateur de terrain, du fait de ses actions d'éclats chroniquées dans "Invasion!". Après avoir s'être fait refait le visage au Canada, il revient en Angleterre, où il usurpe l'identité de son frère Jack, porté disparu, vraisemblablement mort. Sous couvert de sa fausse identité, Bill Savage continue ses actions de sabotage la nuit, en plein Londres avec d'autres résistants. Première mission : libérer Rusty, un compagnon d'armes capturé à la suite de l'accident qui a fait passer Bill pour mort. Puis il faut éviter de se faire prendre, et essayer de retourner l'opinion publique, pour provoquer un soulèvement populaire contre l'occupant. Cette histoire bénéficie d'une courte préface d'une page, écrite par Pat Mills en mars 2007, où il évoque rapidement l'une de ses sources d'inspiration (un voyage à Plovdiv en Bulgarie en 2002), ainsi que sa volonté de donner plus de consistance à la personnalité de Bill Savage. Si cette histoire a connu un regain d'intérêt, et une publication en version française, c'est du fait du dessinateur : Charlie Aldlard, dessinateur professionnel depuis le début des années 1990, mais ayant connu le succès grâce à sa participation à la série Walking Dead de Robert Kirkman dont il est le dessinateur en titre depuis l'épisode 7, en 2004. Le lecteur de Walking Dead retrouve les dessins caractéristiques de cet artiste. Il y a pour commencer cet usage intensif d'aplats de noir massifs, des gros blocs qui donnent du poids à chaque case. Il y a la facilité apparente avec laquelle il dessine des personnages normaux, à la morphologie raisonnable (pas de muscles hypertrophiés), des tenues vestimentaires de tous les jours (sans beaucoup de détails, mais suffisamment pour ne pas donner l'impression que tout le monde est en jean & T-shirt). Les personnages sont aisément reconnaissables du premier coup d'oeil, avec une apparence cohérente du début jusqu'à la fin. Les expressions des visages ne sont pas très nuancées, mais elles sont assez justes pour que le lecteur puisse se faire une idée claire de l'état d'esprit de chaque personnage. Adlard aborde les accessoires de la même manière. Il ne s'agit pas d'en mettre partout dans toutes les cases. Mais il y apporte un soin réel, comme les ordinateurs, les pots à crayons, les voitures, les couverts, ou encore les draps de lit. De séquence en séquence, le lecteur peut constater qu'Adlard apporte une véritable attention dans les décors et les arrière-plans. Il est possible d'identifier certains monuments de Londres, comme Westminster Abbey. Les façades des immeubles ressemblent à celles bien réelles que l'on peut voir dans cette ville. le lecteur constate que le niveau de détails des décors est assez élevé, et qu'ils sont présents très régulièrement, lui permettant de s'immerger dans cette guérilla urbaine. Les séquences d'action sont facilement lisibles et fluides, sans en devenir trop spectaculaires, ce qui aurait constitué un contresens par rapport à la tonalité du récit. Éventuellement le lecteur un peu tatillon pourra se lasser du systématisme dans les aplats de noir, sans réelle logique avec les ombres portées. Ce même lecteur constate qu'en tant que metteur en scène, Adlard manque d'imagination lors des scènes de dialogue, n'hésitant pas s'en tenir à des cases occupées uniquement de têtes en train de parler. Mais il s'agit de défauts mineurs au regard de la qualité de sa narration visuelle. Dans le premier tome "Invasion!", le scénariste Gerry Finley-Day dépeignait Bill Savage comme un individu n'ayant rien à perdre, et ayant juré de massacrer le plus possible de soldats volgans, et même les collaborateurs anglais se trouvant sur son chemin. Pat Mills décide de ramener le personnage au coeur du territoire occupé, à Londres. Il commence par éclaircir la question de la nationalité des volgans, en indiquant qu'il s'agit du nom d'un parti politique créé par le maréchal Vlad Vashkov, en mémoire de Joseph Staline. Page 15, il expose la chronologie des événements ayant mené à l'invasion de l'Angleterre de manière synthétique et concise. Et c'est parti. Le principe de a série reste basique : Bill Savage extermine des volgans à coup de carabine, et continue à tuer sans état d'âme tous les collabos. Les objectifs de la résistance prennent de l'ampleur, jusqu'à préparer l'assassinat de Vlad Vashkov (le chef d'état volgan), lors d'une visite officielle à Londres. Bill Savage est un combattant hors pair, tuant sans hésitation, grand et fort. S'il se tire souvent de situations périlleuses et de pièges, il commet aussi des erreurs qui lui coûtent cher. le lecteur apprécie d'avoir son quota d'action spectaculaire, mais pas trop. Il constate que Pat Mills n'a rien perdu de son inventivité sadique, qu'il s'agisse du goudron pyrophorique (les individus posant le pied dessus prennent feu), ou du sort réservé aux prisonniers (âmes sensibles s'abstenir). Le scénariste a l'art et la manière pour que son intrigue dégage une impression de vraisemblance, à la fois quant aux capacités de Bill Savage, à ses stratégies (même s'il fonce parfois dans le tas pour s'en sortir), et à la politique d'occupation des volgans qui n'a rien de naïve. À plusieurs reprises, le lecteur constate que les actions des uns et des autres évoquent des stratégies réelles mises en place lors de la seconde guerre mondiale, ou dans d'autres pays occupés plus récemment. Petit à petit, le récit prend une dimension horrifique du fait de sa vraisemblance, malgré ses dehors d'anticipation. Pour commencer, Bill Savage lui-même n'est pas un preux chevalier sur son destrier. Il tue sans remords les soldats ennemis, comme s'il ne s'agissait que de pions interchangeables. Or Pat Mills prend la peine à plusieurs reprises de montrer qu'il s'agit de simples troufions, des êtres humains dont le travail est d'être soldat, sans réelle conviction politique. Il ne va pas jusqu'à les dépeindre comme des individus peu consciencieux, juste des êtres humains faisant leur boulot. Effectivement, il insère dans la narration quelques tortionnaires particulièrement impliqués. Mais à la surprise du lecteur, ces tortionnaires peuvent aussi bien être des volgans, que des anglais. Les fanatiques et les profiteurs sont dans les 2 camps, et ils appartiennent aux 2 sexes (la terrible et crédible Svetlana Jaksic pour les volgans). Bill Savage présente la même ambigüité. Certes Pat Mills joue avec le patriotisme anglais, en montrant les anglais bon teint (ouvriers, comme cols blancs) humiliés par l'envahisseur (et même des femmes violées par les soldats volgans, hors caméra, fait malheureusement courant lors d'une invasion). Mais Bill Savage est un individu violent. Il ne mène pas une guerre de salon, ou une guerre propre. Dans sa série La grande guerre de Charlie, Pat Mills a exposé sa façon de concevoir la guerre : une guerre propre est une vue de l'esprit, ça n'existe pas. Il n'est donc pas étonnant que Savage se salisse les mains, et ne fasse pas de détails. Un bon ennemi est un ennemi mort. Il est légitime de résister à l'envahisseur, et c'est même un devoir, mais ça ne grandit en rien le personnage principal. Non seulement Savage n'hésite pas à tuer y compris des anglais, mais ne plus il manipule les autres autour de lui pour sa cause, à savoir la résistance. Il n'éprouve aucun scrupule à se servir de Noddy (le mari de sa sœur Cassie), même si celui-ci n'a plus toute sa tête et ne se rend pas compte des risques qu'il prend. Il n'hésite pas à le menacer physiquement pour obtenir de lui ce qu'il veut. Il doit y avoir une résistance contre l'occupant, mais elle ne sera jamais propre ou même honorable. La fin justifie les moyens, et la vengeance est la motivation première. Pat Mills montre très bien comment les chefs d'état-major ou des gouvernements usent de tous les stratagèmes à leur disposition pour manipuler l'opinion. Bill Savage n'hésite pas à organiser des coups d'éclat pour frapper l'opinion, même si le coût en vie humaine est élevé, tant pis pour les otages détenus par les volgans. Les États-Unis n'hésitent pas à acheter la paix en laissant les anglais à leur triste sort, de l'autre côté de l'océan. Bien sûr, le gouvernement volgan et le maréchal Vashkov sont ceux qui utilisent les moyens les plus perfides, de la torture des prisonniers, à la manipulation par les médias (avec des émissions de télévision calibrées pour faire accepter la situation de manière subliminale), en maquillant le massacre d'otages en exécution de dangereux terroristes, pour conserver une paix précaire, et faire avancer le pays vers la paix, dans une démarche prétendument participative. L'accumulation de ces manipulations et de ces vies humaines gaspillées finit par installer un climat de terreur palpable, une horreur omniprésente et très concrète. Quand Pat Mills joue avec les médias pour montrer comment les hommes de pouvoir les manipulent, il semble décrire une réalité bien concrète et présente, indépendamment du contexte d'occupation du récit. Les médias décrits ne sont pas ceux d'une anticipation farfelue, mais bien ceux en place aujourd'hui, le sous-entendu que le concept de "temps de cerveau disponible" et d'acceptation de l'idéologie en place sert de nombreux intérêts qui ne sont pas forcément ceux du peuple, ou de l'individu. L'intimidation qui pèse sur le journaliste Tom Savage (un frère de Bill) ne semble pas relever que de la pure fiction, mais renvoie à des faits bien réels de menaces pour faire taire les reporters trop compétents. Ce tome peut se lire comme une saison autonome de la série "Savage", autocontenue, Pat Mills prenant soin d'effectuer tous les rappels nécessaires de manière claire et concise, la fin apportant un niveau de résolution satisfaisant. Les dessins de Charlie Adlard décrivent un monde noir et violent, où les faibles sont des victimes toutes désignées. le scénario de Pat Mills dépasse largement le simple cadre du récit d'aventure, ou même de celui de la résistance contre l'occupant, pour emmener le lecteur vers une réflexion sur les exigences des conflits armés, leurs dommages collatéraux, les bobards que le vulgus pecum est prêt à accepter en toute connaissance de cause pour bénéficier de la paix. Ces auteurs ne décrivent pas un monde d'anticipation, mais les différents degrés de totalitarisme qui accompagnent toute forme de gouvernement, par les politiques, par l'argent, par l'idéologie… Pour les plus courageux, Bill Savage continue de se battre dans "The Guv'nor" (en anglais) avec des dessins de Patrick Goddard, et toujours un scénario de Pat Mills.

27/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Scène de crime
Scène de crime

Héritage meurtrier - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Il regroupe les 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 1999, écrits par Ed Brubaker, dessinés par Michael Lark, encrés par Lark (épisode 1), et Sean Phillips (épisodes 2 à 4), avec une mise en couleurs réalisée par James Sinclair. Jack Herriman est un jeune détective privé, peut-être même pas trente ans. Une fin de nuit, il rentre chez lui à pied sous la pluie. Une voiture s'arrête à côté de lui : le sergent en civil Paul Raymonds le salue et lui indique que le lendemain il va recevoir la visite d'une jeune femme qui souhaite lui confier une affaire. Il lui demande de bien la recevoir. Herriman rentre chez lui, enfin à la boutique Scène de Crime, mi-librairie, mi-galerie, tenue par Knut Herriman, son oncle, et sa compagne Molly qui l'ont élevé depuis qu'il a douze ans. Il monte dans sa chambre qui se situe à l'étage. Effectivement, le lendemain, le téléphone sonne vers 10h00 et une jeune femme indique qu'elle vient le voir d'ici une heure. Il est prêt en avance, son bureau se trouvant à deux pièces de sa chambre. Alexandra Jordan lui explique qu'il a été recommandé par Paul Raymonds. Elle continue : elle est venue le trouver parce qu'elle et sa mère s'inquiètent de la disparition de sa jeune sœur Maggie. Voilà presque un mois qu'elle n'a pas donné signe de vie. Elle n'est pas passée chez elle, même pas pour prendre d'autres affaires. Elles ne l'ont pas signalé à la police parce que Maggie a eu un passé agité. En réponse à une question de Jack, elle lui remet une enveloppe avec tous les renseignements nécessaires sur sa sœur. Elle lui tend une photographie et explique qu'elle a retrouvé des prospectus sur une communauté appelée Lunarhouse. Jack lui répond qu'il ne reste plus qu'à signer un contrat et il peut se mettre au travail. S'il n'a rien trouvé de concret, il viendra visiter l'appartement de Maggie dès le lendemain. Après le départ d'Alexandra Jordan, il étudie les documents qu'elle lui a laissés. Il se doute qu'elle doit être l'amante de Paul Raymonds et que c'est pour cette raison qu'il n'a pas souhaité que la police s'en occupe et qu'il l'a dirigée vers lui. Puis il descend pour sortir. Il indique à Knut et Molly qu'il va faire quelques visites concernant l'affaire dont il s'occupe et leur demande de prendre des notes si Whitey appelle avec des renseignements sur une plaque minéralogique. Jack Herriman commence par le plus évident : il se rend à Lunarhouse, l'adresse étant indiquée sur le prospectus. Il s'agit d'une maison à trois étages, fréquentée par des jeunes qui entrent et qui sortent. Il décide d'y aller au culot, comme s'il était normal qu'il soit là. Ça passe tout seul, et il monte à l'étage en passant son nez dans les pièces dont les portes sont ouvertes. Il finit par y avoir quelqu'un qui lui demande ce qu'il cherche : il répond qu'il cherche une copine appelée Maggie. Ça ne convainc pas son interlocuteur qui siffle et Justin Pullwater, un grand balaise, arrive pour s'occuper de son cas. Avant que Jack ne soit vraiment en difficulté, Mitchell Luna en personne vient s'enquérir de ce qui se passe. Paru en 1999, cela fait maintenant 20 ans que cette histoire est régulièrement rééditée par divers éditeurs. Elle constitue deux étapes significatives dans le monde des comics. Pour commencer, c'est le retour en grâce du genre polar. Deuxièmement, c'est la première collaboration entre Brubaker & Phillips, un duo ayant produit par la suite des séries comme Sleeper, Criminal, Incognito, Fatale, Killed or be killed, The Fade Out, Reckless, autant de polars d'une rare qualité. le lecteur retrouve les conventions du polar d'entrée de jeu. Pour commencer une enquête : le détective privé doit retrouver une personne disparue, puis il doit enquêter sur un crime lié directement à la disparition. Comme dans tous les bons polars, l'intrigue s'inscrit dans une réalité sociale et culturelle. L'histoire se déroule à San Francisco, et il reste des traces de l'utopie hippie, de la vie en communauté, de l'amour libre, de l'usage de produits qui ouvrent les portes de la perception (de la drogue). Au fil des séquences, le lecteur découvre d'autres artefacts culturels comme la possession d'armes à feu aux États-Unis, un métier au positionnement moral délicat (photographe de scènes de crime), les manquements des parents dont les conséquences se reportent sur les enfants, qu'il s'agisse de l'incidence des risques de leur profession (policier), d'un délaissement de leur progéniture, d'un mode de vie atypique. Tout ceci fonctionne sur la base de plusieurs mystères qui accrochent le lecteur et l'incitent à essayer de rétablir les liens logiques par lui-même, à anticiper certaines révélations. Cette qualité Polar fonctionne d'autant mieux que la narration visuelle donne de la consistance à aux différents lieux. du début jusqu'à la fin, Michael Lark s'investit dans la représentation des environnements, sans succomber à la tentation d'alléger ses fonds de case pour avancer plus vite dans ses planches. le lecteur peut donc voir la galerie-librairie de Knut & Molly, quelques rues de San Francisco, la pièce qui sert de bureau à Jack, la maison de ville qui sert de lieu d'habitation à la communauté Lunarhouse, le motel où s'est réfugiée Maggie Jordan, et le diner où elle va manger avec Jack, quelques pièces du commissariat où travaille Paul Raymonds comme son bureau et le stand de tir, le bar que fréquente Jack, une chambre d'hôpital, une grande ferme à la campagne. À chaque fois, il décrit ces lieux en montrant leurs dispositions, leurs volumes et des éléments d'aménagement spécifiques qui les rendent uniques, le lecteur éprouvant la sensation qu'il peut s'y projeter, qu'il pourrait tourner la tête et voir ce qu'il y a au-delà de la bordure de la case. Comme indiqué dans la postface de Brubaker, l'encrage de Sean Phillips apporte un aspect moins lissé, et un poids avec des aplats de noir à la surface irrégulière, comme si chaque élément portait à la fois la trace d'usure occasionnée par l'activité humaine, et le fait que le protagoniste ne peut pas enregistrer tous les détails avec exactitude et précision, tout à fait comme agit la perception de chacun. Le dessinateur et l'encreur traitent les personnages de la même manière que les décors : il n'y a pas d'exagération physique ou romantique. Ils mettent en œuvre une direction d'acteur de type naturaliste : les gestes sont mesurés, ceux d'adultes, et les expressions de visage permettent de se faire une bonne idée de l'état d'esprit de chacun, sans que les émotions ne soient à fleur de peau, ou ne soient exacerbées. le lecteur peut ressentir la perplexité de Jack Herriman quand les faits ne s'emboîtent pas de manière logique, son inquiétude quand il sent que la situation lui échappe avec des risques pour sa personne, une forme de résignation sous-jacente quant à ses limites personnelles et aux actes abjects que son enquête met à jour. le lecteur perçoit également le caractère des personnages secondaires, que ce soit la manipulation incontrôlable de Maggie, la rancœur de Suzanne Jordan, les automatismes professionnels de Knut, etc. Cette proximité avec les personnages est accentuée par le flux de pensée de Jack Herriman, très fourni. Il est visible qu'il s'agit d'une oeuvre de jeunesse du scénariste et qu'il met tout ce qu'il peut sur chaque page pour apporter plus de consistance que ce soit à la psychologie de son personnage principal, où aux éléments socioculturels. Accro aux œuvres de Brubaker & Phillips, le lecteur éprouve la curiosité de découvrir comment leur association a commencé. Il plonge dans un polar de bonne qualité, que ce soit pour la narration visuelle, ou l'intrigue, avec une dimension sociale et culturelle bien intégrée, peut-être un peu bavard, avec une forme de révélations encore un peu artificielle

27/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Tout va bien !
Tout va bien !

C’est un recueil un peu fourre-tout et très daté, qui rassemble des travaux plus ou moins courts, le plus souvent prépubliés en revue dans les années 1970 (Fiction, Antirouille, Galaxie et Mefi !), mêlant roman graphique et Science-Fiction. Les premières histoires sont verbeuses, avec un arrière-plan très daté (les revendications et luttes sociales gauchistes post-soixante-huitardes), avec une scène très hot. Cette partie m’a peu convaincu. Par la suite, la SF prend le dessus. C’est très inégal (et parfois encore verbeux), mais certaines histoires sont plus intéressantes. On sent ici l’influence de Moebius, dans les décors épurés, et plus généralement dans le dessin. Volny a un très bon coup de crayon ! Au final, un auteur étonnant, marqué par les années 1960, 1970, dont les albums – celui-ci compris – sont peu courants. A lire à l’occasion, mais j’en suis sorti moyennement convaincu. Note réelle 2,5/5.

27/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Susie
Susie

J’avais bien apprécié Les 4 Amies du même auteur. Du coup, j’étais plutôt curieux de voir une de ses autres productions. Si l’album se lit bien, j’en suis sorti plutôt déçu, j’ai trouvé ça beaucoup moins fun et premier degré. A travers de courts récits, l’auteur met en scène Susie, jeune provinciale partie à la ville. Précisons que cette dernière possède un appétit démesuré pour la « chose », elle sautera sur toutes rencontres masculines. L’histoire est exactement ce qu’elle semble être, pourquoi pas ? Sauf que les situations ne sont vraiment pas bien fines et les chutes assez ratées (sauf la 1ère). Tout ça manque clairement de subtilité et d’humour, je vous passe la carrière choisie par notre héroïne en fin d’album, pour assouvir sa passion et gagner des dollars. En fait, elle ne m’a pas paru spécialement sympathique, le côté ingénu ne passe pas avec son penchant. La partie graphique reste agréable, dans la même veine que ce que l’auteur a pu déjà proposer. Rien de méchant à dire, si ce n’est cette couverture que je trouve vraiment pas terrible et le choix graphique pour la casquette de notre héroïne, ça a renforcé mon antipathie. 2,5

27/04/2024 (modifier)
Par Baervar
Note: 2/5
Couverture de la série Boule & Bill
Boule & Bill

Une des séries qui ont bercé mon enfance ! Sympathique mais datée : qq gags restent mais je ne pense pas les avoir relus depuis 15 ans. Toujours adapté à un jeune public cela dit.

27/04/2024 (modifier)
Par Baervar
Note: 4/5
Couverture de la série Le Cercle
Le Cercle

Perso, un de mes coups de coeur : une histoire prenante, avec ces gens qui des pouvoirs mais sans être des super-héros. Rien n'est totalement manichéen dans le scénario même si on a un grand méchant et une (voire deux) héroïnes : chaque page apporte de l'info, touche par touche. Une série courte que je relis avec plaisir.

27/04/2024 (modifier)
Par Baervar
Note: 3/5
Couverture de la série Renaissance
Renaissance

Je dispose de la BD et du film, que j'apprécie tous deux . Le style polar noir très tranché s'associe bien à cette plongée dans un univers SF classieux mais en fait dystopique. Pas indispensable mais une bonne soirée en perspective.

27/04/2024 (modifier)
Par Baervar
Note: 4/5
Couverture de la série La Trilogie Nikopol
La Trilogie Nikopol

Une œuvre à ne pas lire si vous êtes dépressif : Bilal est un grand angoissé qui traduit ses névroses dans ses œuvres ! Une œuvre magnifique, avec des dessins et des couleurs sublimes dans un style inimitable, pour un scénario mêlant SF, mythologie égyptienne et satire sociale mordante !

27/04/2024 (modifier)
Par Baervar
Note: 4/5
Couverture de la série Le Coup du lapin
Le Coup du lapin

On peut s'en passer mais qu'est-ce que ca fait du bien !! Ces lapins suicidaires ne sont pas crétins (et l'auteur non plus). Le dessin très simple sert parfaitement le propos. Le bouquin à mettre dans les toilettes pour le relire quand on a un peu de vague à l'âme :)

27/04/2024 (modifier)