La société ne porte-t-elle au moins une part de responsabilité ?
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Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre, s’appuyant sur une série de crimes réels. Son édition originale date de 2010. Il a été réalisé par Peer Meter pour le scénario, Barbara Yelin pour les dessins, et Paul Derouet pour la traduction à partir de l’allemand. Il comprend cent-quatre-vingt-dix pages de bande dessinée, en noir & blanc avec des nuances de gris. Il se termine avec une postface de quatre pages présentant les faits historiques, puis les rôles de Friedrich Leopold Voget (avocat de la meurtrière), le docteur Franz Friedrich Droste (sénateur et président du tribunal criminel), et le pasteur Heinrich Wilhelm Rotermund (pasteur et confesseur de la criminelle emprisonnée), puis le devenir des actes du procès, et une présentation de la pierre du crachat à Brême.
Un train à vapeur progresse à bonne allure sur ses rails. Dans un des compartiments, une mère explique à sa fille : Sa dernière œuvre devait en fait s’intituler Le soc, pour bien montrer qu’il s’agit dans ce livre d’un retournement de la morale dominante. Et il continue d’y travailler, bien qu’il soit presque aveugle et ne dispose de personne pour le soigner. Lou répond qu’elle est très impatiente de lui être présentée à Rome. La mère continue : elles découvriront bien assez tôt son fameux professeur Nietzsche. En outre, Rome attendra car elles doivent d’abord régler d’importantes questions éditoriales à Hambourg. Sa famille s’extasie sur le fait que Hoffman & Campe publie les mémoires de sa mère. Lorsqu’elle pense à Heinrich Heine que sa mère a côtoyé presque chaque jour durant ses dernières années parisiennes et à…
Lou est interrompue par le contrôleur qui vient de pénétrer dans leur wagon pour annoncer qu’ils n’atteindront pas Hambourg à l’heure dite. Il faudra plutôt compter avec un gros retard, car leur train doit être détourné par Brême : un accident a coupé la voie vers Hambourg. Un transport militaire a explosé ce matin. Quinze personnes y auraient laissé la vie, et dix-neuf souffriraient d’atroces blessures à l’hôpital de Hambourg. Lou remarque que sa mère est soudain très pâle et elle le lui fait observer. Une femme s’emporte contre le contrôleur car l’annonce lui a causé du désagrément ; il lui présente ses excuses. Lou suggère à sa mère qu’elle aille consulter un médecin lorsqu’elles seront à Hambourg. Sa mère explique que de même que l’arôme d’une madeleine trempée dans le thé peut soudain faire renaître toute une enfance, l’idée du contact imminent avec Brême a ranimé un monde profondément enfoui en elle. Il lui faut d’abord faire le tri. À son propre étonnement, ressurgissent devant elle des événements anciens, aussi frais que s’ils s’étaient produits voici deux mois, et non un demi-siècle. Elle explique qu’elle était à peine plus âgée que sa fille aujourd’hui, lorsque deux journées à Brême menacèrent l’espace d’un instant de bouleverser le cours de son existence. À la demande de sa fille, elle raconte toute l’histoire : c’était en avril de l’année 1831. Il n’y avait pas encore de trains permettant un voyage confortable, tout était pénible.
Une couverture très austère. Un texte de quatrième de couverture qui indique que ce drame historique est basé sur une histoire vraie, celle de Gesche Margarethe Gottfried (1785-1831), surnommée L’ange de Brême. Le lecteur relève trois références littéraires et philosophiques dans le chapitre d’introduction à bord du train : Friedrich Nietzsche (1844-1900), Heinrich Heine (1797-1856) et la madeleine de Marcel Proust (1871-1922), évoquée dans Du côté de chez Swann (1913). Il constate au cours de sa lecture que le personnage principal, la journaliste chargée de réaliser un reportage sur la ville de Brême, n’est jamais nommée. Toutefois, la référence à Nietzsche, associée au prénom Lou qui se rend à Rome pour le rencontrer évoque Lou Andreas-Salomé (1861-1937) qui fut emmenée en Italie par sa mère Louise Wilm (1823-1913) pour des raisons de santé. Toutefois la narratrice est supposée avoir une vingtaine d’années au moment de l’exécution de la meurtrière en 1831, ce qui ne correspond pas avec sa date de naissance, ni avec le fait qu’elle aurait passé plusieurs années avec Heine. Cette dame est également l’amie de Bettina von Arnim (1785-1859) une femme de lettres et une nouvelliste romantique allemande. Au cours de la lecture, peu importe qu’il s’agisse bien de Louise Wilm ou pas, car cela n’a pas d’incidence sur le déroulement du récit. En revanche, les autres références historiques permettent de comprendre l’état d’esprit de l’autrice au cours de ses découvertes, ainsi que son jugement de valeur.
L’illustration de couverture envoûte littéralement le lecteur : ce regard si intense et indéchiffrable, la masse noire et compacte du buste, la coiffe qui cache les cheveux. Il est prêt à juger cette femme sur son apparence. Il entame sa lecture : une illustration en pleine page, la locomotive qui avance dans une sorte de brouillard ou dans le froid, un véritable tableau impressionniste. La séquence introductive dans le train présente des dessins avec des traits de contour parfois un peu lâche, un usage appuyé des zones de gris pour apporter de la consistance à chaque forme détourée, un niveau de détails fluctuant, pour un registre oscillant entre réalisme descriptif et ressenti. Il se retrouve avec une impression partagée : d’un côté des dessins à l’ambiance prenante, de l’autre des représentations parfois un peu naïves car trop simplifiées en particulier pour les représentations de voirie. Oui, mais quand même… Quand même, la vue du port de Brême en page seize présente clairement la disposition des maisons le long du quai, la forme du quai, les bateaux, une petite activité sur les quais, les escaliers d’accès, c’est-à-dire une description consistante et cohérente de ce lieu. Ainsi à plusieurs reprises, le lecteur prend le temps de lire un dessin correspondant à une prise de vue complexe et détaillée : le déploiement de la passerelle pour permettre aux passagers de débarquer, l’ombre agréable sous les arcades, les façades des bâtiments autour de la grand-place, un tonneau roulé sur les pavés, une perspective de la chambre louée par Louise évoquant celle du tableau La Chambre de Van Gogh à Arles (1888), une toiture en tuiles, les poutres apparentes dans la salle d’une auberge, la magnifique promenade pour sortir de la ville, les colonnades du bâtiment abritant la prison, les caves attenantes à l’auberge, la scène de foule à l’occasion de l’exécution publique.
D’ailleurs cette séquence d’exécution capitale met en lumière la qualité particulière de la narration visuelle. Très vite le choix des nuances de gris fait sens : l’écrivaine s’enfonce dans un monde assez sombre qu’elle ne soupçonnait pas, prenant tout d’abord conscience de la monstruosité du comportement meurtrier de la Gottfried, puis s’interrogeant sur ce qui a pu la conduire à empoisonner autant de personnes, dont beaucoup de sa famille la plus proche (jusqu’à ses propres enfants), s’inquiétant que ces affres trouvent un écho dans ses propres sensations de mal-être. De ce fait, l’attention du lecteur se détourne d’un mode représentatif réaliste, pour mieux apprécier le mode émotionnel. Il voit comment les cases font ressentir des sentiments et émotions complexes : le désarroi profond de Louise en apprenant que le train va stationner à Brême, la réserve prudente à chaque fois qu’elle s’adresse à un homme attestant d’une forme de bienséance sociale voulant que chaque femme se montre accommodante avec les hommes qui s’adressent à elle, le comportement très inapproprié du pasteur qui semble compenser une forme de manque de confiance vis-à-vis des femmes en se montrant agressif, l’étonnement sans borne de Louise quand on lui reproche son comportement qui était pour elle une réaction normale, l’attitude très officielle jusqu’à en être théâtrale du président du tribunal quand il prononce sa sentence sur l’échafaud. Et puis, l’attention du lecteur est parfois attirée par la longueur d’une séquence (par exemple l’exécution) ou par ce qui semblent être un décalage dans ce que montrent les images (par exemple ce charretier qui fouette son cheval avec libéralité) et le texte.
Le titre de l’ouvrage promet de découvrir l’histoire de ces crimes d’une tueuse en série, ainsi que peut-être le procès afférent. Le lecteur se rend compte que le récit est entièrement raconté du point de vue de l’écrivaine qui vient réaliser un reportage sur la ville, et qui se trouve confrontée à plusieurs personnes qui souhaitent lui parler de l’exécution imminente et des crimes. Il découvre donc ces meurtres et l’empoisonneuse par personnes interposées, à l’exception d’extraits de compte-rendu d’interrogatoire qui rapportent la parole de Gesch Gottfried. Par ce mode indirect, les crimes sont bien racontés, ainsi que les interrogations des différents interlocuteurs sur la personnalité de l’empoisonneuse, sur ses motivations réelles, avec des points de vue contradictoires sur ces dernières, en fonction de la personne qui raconte. L’écrivaine sert donc de candide découvrant progressivement l’affaire, et de personnage dans lequel le lecteur peut se projeter, lui aussi étant un étranger dans cette ville inconnue.
Au fil des pages, Louise en apprend plus sur les crimes, sur les victimes, sur le mode opératoire, sur ce qui les rend inacceptables dans cette société, cet endroit du monde, à cette époque. Dès le début, le lecteur constate la stature sociale très relative de l’écrivain : elle voyage seule, les aléas de voyage lui ayant conféré une véritable autonomie, tout étant soumise à l’autorité plus ou moins explicite des hommes, parfois simplement d’un point de vue économique d’autre fois social, un vrai patriarcat sous-jacent. Elle finit par se faire la remarque : Il est triste qu’ici aussi, une femme ne soit considérée que comme l’animal de compagnie d’un homme ! Elle constate que certains de ses interlocuteurs ont une idée bien arrêtée sur les motivations de l’empoisonneuse, pour répondre à la question : Quel motif peut-il bien conduire une femme à tuer ou à tourmenter autant de gens avec du poison ? Ainsi celui qui estime que : Une femme devrait rembourser la dette de la vie non par l’action mais par la souffrance, par les douleurs de l’enfantement et la soumission à l’homme, pour qui elle doit être une compagne patiente et agréable. L’avocat estime que : Le juge ne peut être remplacé par le médecin, et il regrette d’avoir dû plaider l’irresponsabilité, contre ses convictions morales.
Or l’écrivaine sent que : Il était de retour ce vague à l’âme qui la prenait parfois. Elle ne se connaissait pas elle-même et elle voulait écrire sur les autres. Mais comment l’être humain peut-il se connaître ? Il n’est qu’une chose sombre et cachée. Tout naturellement elle ressent une forme d’empathie pour la femme Gesche Gottfried, sans pour autant cautionner ses meurtres, ce qui l’amène à s’interroger : La société ne porte-t-elle au moins une part de responsabilité ? Elle constate que plus les habitants l’entraînent dans leur affaire criminelle, plus l’échec d’une société devient évident. Ils ne pouvaient, en aucun cas, ne fusse qu’évoquer l’idée qu’ils avaient devant eux une femme dont l’âme et l’esprit étaient malades. C’eut été avouer que durant des années ils étaient restés indifférents aux pulsions meurtrières d’une femme malade. Ils n’avaient plus d’autre choix que voir en Gesche Gottfried une femme tuant froidement et par pur égoïsme, qui avait su, toutes ces années, tromper froidement son entourage. Et tout ce qui risquait d’abimer cette image était aussitôt étouffé dans l’œuf. Elle se souvient également d’une réflexion de Novalis (1772-1801) : il était convaincu d’un lien profond et mystérieux entre luxure, religion et cruauté. Elle conclut : Il semble à la lumière de tout ceci, qu’une autre présentation des faits soit possible. Que cette Gesche Gottfried n’est rien d’autre qu’un exemple, poussé jusqu’à la plus complète absurdité, d’une société agressive, sans scrupules, et atteinte dans son âme et son esprit. Le lecteur rapproche cette réflexion de la maltraitance du cheval par le commerçant, comme une métaphore. Et elle se demande si elle avait des points communs avec une femme qui s’était comportée de manière aussi extrême à l’égard de ses contemporains ? Se sentait-elle, elle aussi, dans ce monde dominé par les hommes, comme broyée par de gigantesques meules ? Et tandis que l’écrivaine essayait de supporter cette impuissance par l’écriture, Gottfried avait-elle sombré dans la folie ?
Quel regard intense sur cette couverture ! Le récit d’une empoisonneuse à Brême ayant ainsi tué plus d’une quinzaine de personnes, au travers d’une enquête menée par une journaliste au début du dix-neuvième siècle. Une narration visuelle très grise jouant sur les sensations de malaise de la narratrice. Au fur et à mesure, un vrai polar qui sonde les mécanismes sous-jacents d’une société oppressive. Accablant.
Je rejoins les avis très positifs sur ce comics !
Je n'ai jamais lu le roman, mais j'ai vu jeune la série animée des années 2000 qui apparemment est plus légère que l'histoire originale, et malgré tout je trouvais déjà que le ton de la série était souvent glauque ! Et maintenant que j'ai lu ce qui semble être une adaptation plus fidèle, je vois à quel point ce n'est pas pour les enfants !
Le récit est rapidement prenant et j'ai été captivé du début jusqu'à la fin. Les personnages sont terriblement attachants et j'avais vraiment envie de les voir gagner le droit de vivre enfin en paix après tout ce qu'ils ont vécu ! L'histoire explore des thèmes forts et j'aime bien comment est décrite la vie des lapins. Ils ont même leurs propres mythologies et tout est cohérent. Il y a des scènes fortes, comme la fin qui a réussi à me faire verser une larme. Le dessin est très bon et la mise en scène est dynamique. Alors certes, c'est un peu difficile de différencier les lapins, alors que dans le dessin animé c'était plus facile vu qu'ils avaient des voix différentes, mais cela ne m'a pas trop dérangé, même s'il faut se concentrer pour bien se souvenir de qui est qui.
Une très bonne adaptation qui m'a donné envie de lire le roman !
Un comics qui commence sur les chapeaux de roue avec l'assassinat de Daredevil par l'un de ses pires ennemis : Bullseye. Une scène ultra violente.
Brian Bendis et David Mack sont des habitués de l'homme sans peur, ils avaient déjà coopéré sur Daredevil - Cauchemar. Ils placent le récit dans un futur indéterminé et centrent l'intrigue après la mort de Daredevil, avec l'enquête du journaliste Ben Urich sur les derniers jours de Daredevil et sur la signification du dernier mot sorti de sa bouche : Mapone.
Je rassure de suite, il n'est pas nécessaire de bien connaître le passé de Daredevil / Matt Murdock pour apprécier ce comics.
Une intrigue qui se rapproche du polar avec les investigations de Ben Urich, elles l'amèneront à côtoyer des personnages peu fréquentables tel que Le Hibou, Elektra, Black Window, le Punisher et bien d'autres... Des personnages emblématiques de la série.
Il flotte une atmosphère poisseuse et sombre tout le long de l'histoire. Je note quelques longueurs mais dans l'ensemble c'est captivant, les rebondissements sont bien amenés et surtout tu vas savoir ce qui se cache derrière ce Mapone.
Un petit pitch sur la presse écrite, les mots ont du pouvoir.
Une lecture plaisante qui doit beaucoup à la partie graphique. C'est Klaus Janson (celui-là même qui avait encré les crayonnés de Franck Miller sur Daredevil) qui s'occupe de cette partie sur la majorité du récit. L'encrage de Bill Sienkiewicz fait des merveilles, il sublime les crayonnés de Janson, c'est noir et oppressant.
En cadeau, deux planches entièrement réalisées par Alex Maleev (chapitre 4 et 6), mais c'est surtout la participation de David Mack sur trois chapitres, où il donne corps à de superbes planches (surtout dans le troisième chapitre), qui illumineront vos rétines. Il avait déjà réalisé un travail de fou sur Daredevil / Echo - Quête de Vision (Daredevil - Echo).
Les couleurs sont au diapason.
Une mise en scène très thriller avec de magnifiques gros plans, elle rend la lecture oppressante.
Du très bon boulot.
Un comics qui vaut le détour.
Une modernité incroyable, des fringues aux décors, cette histoire de la petite américaine des années 50 ravira encore aujourd'hui toutes les gamines de 15 ans (l'âge de l’héroïne).
Cela fût pour moi d'une influence extraordinaire pour ma féminité.
Les histoires étaient marrantes et simples.
Sa maladresse était charmante, et tous les repères de ces années là y étaient.
Je le conseille à tous, même adultes, rien que pour les dessins très détaillés.
Incroyable, superbe, moderne.
Je note sans doute généreusement cet album, mais les quelques petits points positifs m’ont un peu fait oublier la grande légèreté de l’ensemble.
C’est avec cet album que j’ai découvert le dessin de Bane Kerac, et je dois dire qu’il a un chouette coup de crayons. Son style réaliste, avec un trait fin, est très agréable. Et le choix du Noir et Blanc est plutôt bon, car l’apport de couleurs (voir la couverture) me parait amoindrir la qualité visuelle.
Formellement, l’histoire s’inscrit dans le genre super héros à l’américaine. Un genre qu’a priori je goûte peu. Mais ici Kerac a pris le parti de la parodie, en donnant à l’intrigue, aux postures, aux dialogues et aux situations dans lesquelles se retrouvent les personnages, un côté exagéré, parfois grotesque (parfois lourdingue il faut le dire, aussi).
C’est ce côté bordélique et déconne qui donne de l’intérêt à cette histoire – car l’intrigue elle-même est légère et peu crédible, aussi fine que le string qui parfois recouvre une partie des fesses de l’héroïne.
Car, en plus d’un humour plus ou moins forcé (voir les jeux de mots sur les noms, les allusions graveleuses), Kerac joue aussi la carte d’un certain érotisme. Mise à part une journaliste un peu nunuche, toutes les femmes sont hyper sexuées, des bombasses à forte poitrine, au corps assez peu camouflé par leurs vêtements (qui laissent apparaitre bas, porte-jarretelles), et se baladant immanquablement en talons aiguilles (ce qui pour notre super héroïne ne doit pas être trop pratique – même si elle semble s’en accommoder). Là aussi, Kerac ne craint pas le ridicule, et tombe aisément dans une certaine caricature du genre.
L’intrigue donc. Des méchants (à tête de citrouille !), des flics pas malins, et donc La Chatte, super héroïne dont je n’ai pas encore compris quels sont réellement ses super pouvoirs, qui forcément triomphe des méchants.
Oubliez crédibilité ou approfondissement de l’intrigue ou de la psychologie des personnages, Kerac semble avoir eu pour unique objectif de s’amuser à détourner un peu les clichés du genre (super héros infaillibles, super méchants cons, hommes bodybuildés, femmes sexy, bastons permanente pour entretenir le rythme, etc.).
L’album est marqué sur la tranche comme étant le tome 1. Mais ça se lit comme un one-shot de toute façon. Si vous avez l’occasion de tomber dessus (sa rencontre n’est pas hyper fréquente), jetez-y un coup d’œil, c’est un petit défouloir qui peut procurer une lecture détente.
L’ensemble est un peu inégal, et toutes les histoires ne sont pas au niveau des quatre étoiles.
Mais globalement, ce petit album d’une centaine de pages procure vraiment une lecture très plaisante. C’est assez vite lu, car il n’y a pas beaucoup de texte ou d’intrigues hyper élaborées. Mais dans la quasi-totalité des histoires composant ce recueil, la chute est vraiment bonne, jouant sur de l’humour noir, un peu de cynisme ou de dérision.
Comme le titre l’indique, il n’y a quasiment pas de dialogues, l’essentiel de la narration se fait par l’entremise d’une voie off, qui scande un petit récit généralement bien fichu.
Rien d’extraordinaire dans cet ensemble, mais des petites histoires la plupart du temps roublardes, fraiches. Un album recommandable donc.
Note réelle 3,5/5.
Une lecture rapide, sympathique, sans plus. Disons que j’ai connu James plus caustique et punchy. Ici, ça reste constamment bon enfant et à la surface des choses.
Le titre peut s’entendre au premier degré, une sorte de « parenthèse » pour l’auteur, qui le voit être invité dans un festival du livre à Nancy. Mais aussi ça fait allusion à la librairie (aussi un peu maison d’éditions) spécialisée en BD qui l’a invité, et qui porte justement le nom de Parenthèse.
L’auteur présente son projet (il doit rédiger un petit reportage sur le salon) : il est à la fois « reporter » et auteur en dédicace. Ce dernier aspect lui donne l’occasion d’un peu d’autodérision (à la façon de Fabcaro sur On n'est pas là pour réussir - entre autres, car depuis d’autres auteurs ont montré cet aspect désenchanté des dédicaces en salon, surtout lorsqu’on n’est pas connu et placé pas loin de têtes de gondoles).
Les personnages animaliers traditionnels de James passent bien, mais ça accentue sans doute le côté un peu trop léger de l’album, très vite lu.
Note réelle 2,5/5.
Les Quatre Filles du docteur March, un titre que je connaissais tellement bien que j'étais persuadé de l'avoir déjà lu ou d'avoir vu des épisodes du dessin animé des années 80. C'est en lisant cette adaptation que je me rends compte que ce n'était pas le cas.
On suit ici un peu plus d'une année dans le quotidien d'une famille de la campagne américaine, composée d'une mère et de ses quatre filles âgées de 12 à 16 ans, tandis que leur père est parti soutenir les soldats de l'Union pendant la Guerre de Sécession. La famille ne vit pas dans la pauvreté, mais n'appartient pas non plus à la haute société. Les filles n'ont rien d'extraordinaire, elles ne vivent pas de grandes aventures, mais elles ont chacune leur caractère, et on les suit dans leurs jeux, leurs liens familiaux, leurs amitiés, notamment avec le jeune voisin du même âge. C'est un peu comme un feuilleton de la vie ordinaire, avec des personnages auxquels on s'attache et pour qui on espère des choses positives, en particulier autour d'une ou deux histoires d'amour qui ne disent pas leur nom.
Je n'ai pas été profondément emporté par cette lecture, mais je l'ai trouvée agréable. Elle offre un aperçu intéressant de la vie quotidienne des Américains ordinaires au 19e siècle, du quotidien des jeunes filles et de leur désir d'émancipation. C'est mignon sans être mièvre, simple sans être creux. Je n'ai pas ressenti beaucoup d'émotions, mais j'ai passé un bon moment.
2.5
Un thriller qui se laisse lire, mais qui ne marquera pas le genre et qui est tout de même un peu cliché.
Une femme est accusée d'avoir tué sa famille et le corps de son fils a disparu. Une journaliste stagiaire ne croit pas qu'elle est coupable et va lui parler en prison. La femme continue d'affirmer qu'elle est coupable, mais elle va commencer à lui faire des confidences ce qui fait que l'héroïne va être la seule pour une raison quelconque qui va avoir une relation spéciale avec la peut-être tueuse. L'héroïne va donc enquêter et essayer de trouver la solution au mystère.
Un récit qui est sens souvent le déjà vu avec notamment la potentiel meurtrière qui agit comme tous les génies criminels manipulateurs qu'on retrouve dans la fiction depuis Hannibal Lecter. Il y a des facilités dans le scénario. Même le dessin manque de personnalité, c'est le style qu'on retrouve dans pleins de polars en comics. Cela se laisse tout de même lire et ce n'est pas vraiment ennuyeux si on est fan du genre.
J'ai du lire l'album deux fois pour décortiquer ce qui me parle et ce qui me dégoûte . Je l'ai acheté pour soutenir les éditions Ici-même et le post-apo vu depuis l'Australie, ça m'a intriguée...
Cela peut se lire comme une allégorie du capitalisme mondialisé. Son story telling si puissant vend l'exode vers le nord, comme un voyage vers la réussite alors même que toutes les informations son accessibles pour voir que la plupart des migrants seront très maltraités et n'auront comme destin, pour les plus chanceux, que le retour au bercail plus pauvre que jamais... Et dans "La fange", pour les autres... la perte de membres, la maladie, la mort.
Un monde caca d'oie où tout est laid ou presque, et le dessin aux cases très remplies pourrait faire penser à Jano, mais sans cette joie colorée du déglingué, et avec un cynisme qui rappelle un peu Hitchkock par les mécanismes d'escroquerie qui ressemble un peu à ceux de l'espionnage anglais... (Drôle de rapprochement !)
Par ailleurs c'est une histoire familiale, de deux frères avec une mère qui a son préféré, Lippy (pour Lipton). L'exemple type de la mauvaise mère, qui fait les mauvais choix et aime son fils uniquement parce qu'il est le reflet d'elle-même.
C'est aussi l'ambiance d'une ville où le seul mode de survie et soit d'être escroc, soit d'être escroqué. Et les deux héros qui échappent à cette alternative sont ceux auxquels on s'identifie : l'autre fils Penn, ("qui a oublié d'être moche" selon sa propre constatation) et une gamine rouquine qui ne sait pas mentir.
Sans ces deux personnages qui portent un regard en biais, et espèrent confusément autre chose, on ne pourrait rien sauver de cet univers... mais justement ils sont là...
Ce maelström de dégoût et d'espoir finit par faire son boulot.
Je me reconnais bien dans l'avis de Sloane, et je suis curieuse de voir effectivement si une suite pourrait me surprendre...
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L'Empoisonneuse
La société ne porte-t-elle au moins une part de responsabilité ? - Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre, s’appuyant sur une série de crimes réels. Son édition originale date de 2010. Il a été réalisé par Peer Meter pour le scénario, Barbara Yelin pour les dessins, et Paul Derouet pour la traduction à partir de l’allemand. Il comprend cent-quatre-vingt-dix pages de bande dessinée, en noir & blanc avec des nuances de gris. Il se termine avec une postface de quatre pages présentant les faits historiques, puis les rôles de Friedrich Leopold Voget (avocat de la meurtrière), le docteur Franz Friedrich Droste (sénateur et président du tribunal criminel), et le pasteur Heinrich Wilhelm Rotermund (pasteur et confesseur de la criminelle emprisonnée), puis le devenir des actes du procès, et une présentation de la pierre du crachat à Brême. Un train à vapeur progresse à bonne allure sur ses rails. Dans un des compartiments, une mère explique à sa fille : Sa dernière œuvre devait en fait s’intituler Le soc, pour bien montrer qu’il s’agit dans ce livre d’un retournement de la morale dominante. Et il continue d’y travailler, bien qu’il soit presque aveugle et ne dispose de personne pour le soigner. Lou répond qu’elle est très impatiente de lui être présentée à Rome. La mère continue : elles découvriront bien assez tôt son fameux professeur Nietzsche. En outre, Rome attendra car elles doivent d’abord régler d’importantes questions éditoriales à Hambourg. Sa famille s’extasie sur le fait que Hoffman & Campe publie les mémoires de sa mère. Lorsqu’elle pense à Heinrich Heine que sa mère a côtoyé presque chaque jour durant ses dernières années parisiennes et à… Lou est interrompue par le contrôleur qui vient de pénétrer dans leur wagon pour annoncer qu’ils n’atteindront pas Hambourg à l’heure dite. Il faudra plutôt compter avec un gros retard, car leur train doit être détourné par Brême : un accident a coupé la voie vers Hambourg. Un transport militaire a explosé ce matin. Quinze personnes y auraient laissé la vie, et dix-neuf souffriraient d’atroces blessures à l’hôpital de Hambourg. Lou remarque que sa mère est soudain très pâle et elle le lui fait observer. Une femme s’emporte contre le contrôleur car l’annonce lui a causé du désagrément ; il lui présente ses excuses. Lou suggère à sa mère qu’elle aille consulter un médecin lorsqu’elles seront à Hambourg. Sa mère explique que de même que l’arôme d’une madeleine trempée dans le thé peut soudain faire renaître toute une enfance, l’idée du contact imminent avec Brême a ranimé un monde profondément enfoui en elle. Il lui faut d’abord faire le tri. À son propre étonnement, ressurgissent devant elle des événements anciens, aussi frais que s’ils s’étaient produits voici deux mois, et non un demi-siècle. Elle explique qu’elle était à peine plus âgée que sa fille aujourd’hui, lorsque deux journées à Brême menacèrent l’espace d’un instant de bouleverser le cours de son existence. À la demande de sa fille, elle raconte toute l’histoire : c’était en avril de l’année 1831. Il n’y avait pas encore de trains permettant un voyage confortable, tout était pénible. Une couverture très austère. Un texte de quatrième de couverture qui indique que ce drame historique est basé sur une histoire vraie, celle de Gesche Margarethe Gottfried (1785-1831), surnommée L’ange de Brême. Le lecteur relève trois références littéraires et philosophiques dans le chapitre d’introduction à bord du train : Friedrich Nietzsche (1844-1900), Heinrich Heine (1797-1856) et la madeleine de Marcel Proust (1871-1922), évoquée dans Du côté de chez Swann (1913). Il constate au cours de sa lecture que le personnage principal, la journaliste chargée de réaliser un reportage sur la ville de Brême, n’est jamais nommée. Toutefois, la référence à Nietzsche, associée au prénom Lou qui se rend à Rome pour le rencontrer évoque Lou Andreas-Salomé (1861-1937) qui fut emmenée en Italie par sa mère Louise Wilm (1823-1913) pour des raisons de santé. Toutefois la narratrice est supposée avoir une vingtaine d’années au moment de l’exécution de la meurtrière en 1831, ce qui ne correspond pas avec sa date de naissance, ni avec le fait qu’elle aurait passé plusieurs années avec Heine. Cette dame est également l’amie de Bettina von Arnim (1785-1859) une femme de lettres et une nouvelliste romantique allemande. Au cours de la lecture, peu importe qu’il s’agisse bien de Louise Wilm ou pas, car cela n’a pas d’incidence sur le déroulement du récit. En revanche, les autres références historiques permettent de comprendre l’état d’esprit de l’autrice au cours de ses découvertes, ainsi que son jugement de valeur. L’illustration de couverture envoûte littéralement le lecteur : ce regard si intense et indéchiffrable, la masse noire et compacte du buste, la coiffe qui cache les cheveux. Il est prêt à juger cette femme sur son apparence. Il entame sa lecture : une illustration en pleine page, la locomotive qui avance dans une sorte de brouillard ou dans le froid, un véritable tableau impressionniste. La séquence introductive dans le train présente des dessins avec des traits de contour parfois un peu lâche, un usage appuyé des zones de gris pour apporter de la consistance à chaque forme détourée, un niveau de détails fluctuant, pour un registre oscillant entre réalisme descriptif et ressenti. Il se retrouve avec une impression partagée : d’un côté des dessins à l’ambiance prenante, de l’autre des représentations parfois un peu naïves car trop simplifiées en particulier pour les représentations de voirie. Oui, mais quand même… Quand même, la vue du port de Brême en page seize présente clairement la disposition des maisons le long du quai, la forme du quai, les bateaux, une petite activité sur les quais, les escaliers d’accès, c’est-à-dire une description consistante et cohérente de ce lieu. Ainsi à plusieurs reprises, le lecteur prend le temps de lire un dessin correspondant à une prise de vue complexe et détaillée : le déploiement de la passerelle pour permettre aux passagers de débarquer, l’ombre agréable sous les arcades, les façades des bâtiments autour de la grand-place, un tonneau roulé sur les pavés, une perspective de la chambre louée par Louise évoquant celle du tableau La Chambre de Van Gogh à Arles (1888), une toiture en tuiles, les poutres apparentes dans la salle d’une auberge, la magnifique promenade pour sortir de la ville, les colonnades du bâtiment abritant la prison, les caves attenantes à l’auberge, la scène de foule à l’occasion de l’exécution publique. D’ailleurs cette séquence d’exécution capitale met en lumière la qualité particulière de la narration visuelle. Très vite le choix des nuances de gris fait sens : l’écrivaine s’enfonce dans un monde assez sombre qu’elle ne soupçonnait pas, prenant tout d’abord conscience de la monstruosité du comportement meurtrier de la Gottfried, puis s’interrogeant sur ce qui a pu la conduire à empoisonner autant de personnes, dont beaucoup de sa famille la plus proche (jusqu’à ses propres enfants), s’inquiétant que ces affres trouvent un écho dans ses propres sensations de mal-être. De ce fait, l’attention du lecteur se détourne d’un mode représentatif réaliste, pour mieux apprécier le mode émotionnel. Il voit comment les cases font ressentir des sentiments et émotions complexes : le désarroi profond de Louise en apprenant que le train va stationner à Brême, la réserve prudente à chaque fois qu’elle s’adresse à un homme attestant d’une forme de bienséance sociale voulant que chaque femme se montre accommodante avec les hommes qui s’adressent à elle, le comportement très inapproprié du pasteur qui semble compenser une forme de manque de confiance vis-à-vis des femmes en se montrant agressif, l’étonnement sans borne de Louise quand on lui reproche son comportement qui était pour elle une réaction normale, l’attitude très officielle jusqu’à en être théâtrale du président du tribunal quand il prononce sa sentence sur l’échafaud. Et puis, l’attention du lecteur est parfois attirée par la longueur d’une séquence (par exemple l’exécution) ou par ce qui semblent être un décalage dans ce que montrent les images (par exemple ce charretier qui fouette son cheval avec libéralité) et le texte. Le titre de l’ouvrage promet de découvrir l’histoire de ces crimes d’une tueuse en série, ainsi que peut-être le procès afférent. Le lecteur se rend compte que le récit est entièrement raconté du point de vue de l’écrivaine qui vient réaliser un reportage sur la ville, et qui se trouve confrontée à plusieurs personnes qui souhaitent lui parler de l’exécution imminente et des crimes. Il découvre donc ces meurtres et l’empoisonneuse par personnes interposées, à l’exception d’extraits de compte-rendu d’interrogatoire qui rapportent la parole de Gesch Gottfried. Par ce mode indirect, les crimes sont bien racontés, ainsi que les interrogations des différents interlocuteurs sur la personnalité de l’empoisonneuse, sur ses motivations réelles, avec des points de vue contradictoires sur ces dernières, en fonction de la personne qui raconte. L’écrivaine sert donc de candide découvrant progressivement l’affaire, et de personnage dans lequel le lecteur peut se projeter, lui aussi étant un étranger dans cette ville inconnue. Au fil des pages, Louise en apprend plus sur les crimes, sur les victimes, sur le mode opératoire, sur ce qui les rend inacceptables dans cette société, cet endroit du monde, à cette époque. Dès le début, le lecteur constate la stature sociale très relative de l’écrivain : elle voyage seule, les aléas de voyage lui ayant conféré une véritable autonomie, tout étant soumise à l’autorité plus ou moins explicite des hommes, parfois simplement d’un point de vue économique d’autre fois social, un vrai patriarcat sous-jacent. Elle finit par se faire la remarque : Il est triste qu’ici aussi, une femme ne soit considérée que comme l’animal de compagnie d’un homme ! Elle constate que certains de ses interlocuteurs ont une idée bien arrêtée sur les motivations de l’empoisonneuse, pour répondre à la question : Quel motif peut-il bien conduire une femme à tuer ou à tourmenter autant de gens avec du poison ? Ainsi celui qui estime que : Une femme devrait rembourser la dette de la vie non par l’action mais par la souffrance, par les douleurs de l’enfantement et la soumission à l’homme, pour qui elle doit être une compagne patiente et agréable. L’avocat estime que : Le juge ne peut être remplacé par le médecin, et il regrette d’avoir dû plaider l’irresponsabilité, contre ses convictions morales. Or l’écrivaine sent que : Il était de retour ce vague à l’âme qui la prenait parfois. Elle ne se connaissait pas elle-même et elle voulait écrire sur les autres. Mais comment l’être humain peut-il se connaître ? Il n’est qu’une chose sombre et cachée. Tout naturellement elle ressent une forme d’empathie pour la femme Gesche Gottfried, sans pour autant cautionner ses meurtres, ce qui l’amène à s’interroger : La société ne porte-t-elle au moins une part de responsabilité ? Elle constate que plus les habitants l’entraînent dans leur affaire criminelle, plus l’échec d’une société devient évident. Ils ne pouvaient, en aucun cas, ne fusse qu’évoquer l’idée qu’ils avaient devant eux une femme dont l’âme et l’esprit étaient malades. C’eut été avouer que durant des années ils étaient restés indifférents aux pulsions meurtrières d’une femme malade. Ils n’avaient plus d’autre choix que voir en Gesche Gottfried une femme tuant froidement et par pur égoïsme, qui avait su, toutes ces années, tromper froidement son entourage. Et tout ce qui risquait d’abimer cette image était aussitôt étouffé dans l’œuf. Elle se souvient également d’une réflexion de Novalis (1772-1801) : il était convaincu d’un lien profond et mystérieux entre luxure, religion et cruauté. Elle conclut : Il semble à la lumière de tout ceci, qu’une autre présentation des faits soit possible. Que cette Gesche Gottfried n’est rien d’autre qu’un exemple, poussé jusqu’à la plus complète absurdité, d’une société agressive, sans scrupules, et atteinte dans son âme et son esprit. Le lecteur rapproche cette réflexion de la maltraitance du cheval par le commerçant, comme une métaphore. Et elle se demande si elle avait des points communs avec une femme qui s’était comportée de manière aussi extrême à l’égard de ses contemporains ? Se sentait-elle, elle aussi, dans ce monde dominé par les hommes, comme broyée par de gigantesques meules ? Et tandis que l’écrivaine essayait de supporter cette impuissance par l’écriture, Gottfried avait-elle sombré dans la folie ? Quel regard intense sur cette couverture ! Le récit d’une empoisonneuse à Brême ayant ainsi tué plus d’une quinzaine de personnes, au travers d’une enquête menée par une journaliste au début du dix-neuvième siècle. Une narration visuelle très grise jouant sur les sensations de malaise de la narratrice. Au fur et à mesure, un vrai polar qui sonde les mécanismes sous-jacents d’une société oppressive. Accablant.
Watership Down
Je rejoins les avis très positifs sur ce comics ! Je n'ai jamais lu le roman, mais j'ai vu jeune la série animée des années 2000 qui apparemment est plus légère que l'histoire originale, et malgré tout je trouvais déjà que le ton de la série était souvent glauque ! Et maintenant que j'ai lu ce qui semble être une adaptation plus fidèle, je vois à quel point ce n'est pas pour les enfants ! Le récit est rapidement prenant et j'ai été captivé du début jusqu'à la fin. Les personnages sont terriblement attachants et j'avais vraiment envie de les voir gagner le droit de vivre enfin en paix après tout ce qu'ils ont vécu ! L'histoire explore des thèmes forts et j'aime bien comment est décrite la vie des lapins. Ils ont même leurs propres mythologies et tout est cohérent. Il y a des scènes fortes, comme la fin qui a réussi à me faire verser une larme. Le dessin est très bon et la mise en scène est dynamique. Alors certes, c'est un peu difficile de différencier les lapins, alors que dans le dessin animé c'était plus facile vu qu'ils avaient des voix différentes, mais cela ne m'a pas trop dérangé, même s'il faut se concentrer pour bien se souvenir de qui est qui. Une très bonne adaptation qui m'a donné envie de lire le roman !
Daredevil - End of Days
Un comics qui commence sur les chapeaux de roue avec l'assassinat de Daredevil par l'un de ses pires ennemis : Bullseye. Une scène ultra violente. Brian Bendis et David Mack sont des habitués de l'homme sans peur, ils avaient déjà coopéré sur Daredevil - Cauchemar. Ils placent le récit dans un futur indéterminé et centrent l'intrigue après la mort de Daredevil, avec l'enquête du journaliste Ben Urich sur les derniers jours de Daredevil et sur la signification du dernier mot sorti de sa bouche : Mapone. Je rassure de suite, il n'est pas nécessaire de bien connaître le passé de Daredevil / Matt Murdock pour apprécier ce comics. Une intrigue qui se rapproche du polar avec les investigations de Ben Urich, elles l'amèneront à côtoyer des personnages peu fréquentables tel que Le Hibou, Elektra, Black Window, le Punisher et bien d'autres... Des personnages emblématiques de la série. Il flotte une atmosphère poisseuse et sombre tout le long de l'histoire. Je note quelques longueurs mais dans l'ensemble c'est captivant, les rebondissements sont bien amenés et surtout tu vas savoir ce qui se cache derrière ce Mapone. Un petit pitch sur la presse écrite, les mots ont du pouvoir. Une lecture plaisante qui doit beaucoup à la partie graphique. C'est Klaus Janson (celui-là même qui avait encré les crayonnés de Franck Miller sur Daredevil) qui s'occupe de cette partie sur la majorité du récit. L'encrage de Bill Sienkiewicz fait des merveilles, il sublime les crayonnés de Janson, c'est noir et oppressant. En cadeau, deux planches entièrement réalisées par Alex Maleev (chapitre 4 et 6), mais c'est surtout la participation de David Mack sur trois chapitres, où il donne corps à de superbes planches (surtout dans le troisième chapitre), qui illumineront vos rétines. Il avait déjà réalisé un travail de fou sur Daredevil / Echo - Quête de Vision (Daredevil - Echo). Les couleurs sont au diapason. Une mise en scène très thriller avec de magnifiques gros plans, elle rend la lecture oppressante. Du très bon boulot. Un comics qui vaut le détour.
Aggie
Une modernité incroyable, des fringues aux décors, cette histoire de la petite américaine des années 50 ravira encore aujourd'hui toutes les gamines de 15 ans (l'âge de l’héroïne). Cela fût pour moi d'une influence extraordinaire pour ma féminité. Les histoires étaient marrantes et simples. Sa maladresse était charmante, et tous les repères de ces années là y étaient. Je le conseille à tous, même adultes, rien que pour les dessins très détaillés. Incroyable, superbe, moderne.
La Chatte (Kerac)
Je note sans doute généreusement cet album, mais les quelques petits points positifs m’ont un peu fait oublier la grande légèreté de l’ensemble. C’est avec cet album que j’ai découvert le dessin de Bane Kerac, et je dois dire qu’il a un chouette coup de crayons. Son style réaliste, avec un trait fin, est très agréable. Et le choix du Noir et Blanc est plutôt bon, car l’apport de couleurs (voir la couverture) me parait amoindrir la qualité visuelle. Formellement, l’histoire s’inscrit dans le genre super héros à l’américaine. Un genre qu’a priori je goûte peu. Mais ici Kerac a pris le parti de la parodie, en donnant à l’intrigue, aux postures, aux dialogues et aux situations dans lesquelles se retrouvent les personnages, un côté exagéré, parfois grotesque (parfois lourdingue il faut le dire, aussi). C’est ce côté bordélique et déconne qui donne de l’intérêt à cette histoire – car l’intrigue elle-même est légère et peu crédible, aussi fine que le string qui parfois recouvre une partie des fesses de l’héroïne. Car, en plus d’un humour plus ou moins forcé (voir les jeux de mots sur les noms, les allusions graveleuses), Kerac joue aussi la carte d’un certain érotisme. Mise à part une journaliste un peu nunuche, toutes les femmes sont hyper sexuées, des bombasses à forte poitrine, au corps assez peu camouflé par leurs vêtements (qui laissent apparaitre bas, porte-jarretelles), et se baladant immanquablement en talons aiguilles (ce qui pour notre super héroïne ne doit pas être trop pratique – même si elle semble s’en accommoder). Là aussi, Kerac ne craint pas le ridicule, et tombe aisément dans une certaine caricature du genre. L’intrigue donc. Des méchants (à tête de citrouille !), des flics pas malins, et donc La Chatte, super héroïne dont je n’ai pas encore compris quels sont réellement ses super pouvoirs, qui forcément triomphe des méchants. Oubliez crédibilité ou approfondissement de l’intrigue ou de la psychologie des personnages, Kerac semble avoir eu pour unique objectif de s’amuser à détourner un peu les clichés du genre (super héros infaillibles, super méchants cons, hommes bodybuildés, femmes sexy, bastons permanente pour entretenir le rythme, etc.). L’album est marqué sur la tranche comme étant le tome 1. Mais ça se lit comme un one-shot de toute façon. Si vous avez l’occasion de tomber dessus (sa rencontre n’est pas hyper fréquente), jetez-y un coup d’œil, c’est un petit défouloir qui peut procurer une lecture détente.
Voies off
L’ensemble est un peu inégal, et toutes les histoires ne sont pas au niveau des quatre étoiles. Mais globalement, ce petit album d’une centaine de pages procure vraiment une lecture très plaisante. C’est assez vite lu, car il n’y a pas beaucoup de texte ou d’intrigues hyper élaborées. Mais dans la quasi-totalité des histoires composant ce recueil, la chute est vraiment bonne, jouant sur de l’humour noir, un peu de cynisme ou de dérision. Comme le titre l’indique, il n’y a quasiment pas de dialogues, l’essentiel de la narration se fait par l’entremise d’une voie off, qui scande un petit récit généralement bien fichu. Rien d’extraordinaire dans cet ensemble, mais des petites histoires la plupart du temps roublardes, fraiches. Un album recommandable donc. Note réelle 3,5/5.
Un week-end entre parenthèses
Une lecture rapide, sympathique, sans plus. Disons que j’ai connu James plus caustique et punchy. Ici, ça reste constamment bon enfant et à la surface des choses. Le titre peut s’entendre au premier degré, une sorte de « parenthèse » pour l’auteur, qui le voit être invité dans un festival du livre à Nancy. Mais aussi ça fait allusion à la librairie (aussi un peu maison d’éditions) spécialisée en BD qui l’a invité, et qui porte justement le nom de Parenthèse. L’auteur présente son projet (il doit rédiger un petit reportage sur le salon) : il est à la fois « reporter » et auteur en dédicace. Ce dernier aspect lui donne l’occasion d’un peu d’autodérision (à la façon de Fabcaro sur On n'est pas là pour réussir - entre autres, car depuis d’autres auteurs ont montré cet aspect désenchanté des dédicaces en salon, surtout lorsqu’on n’est pas connu et placé pas loin de têtes de gondoles). Les personnages animaliers traditionnels de James passent bien, mais ça accentue sans doute le côté un peu trop léger de l’album, très vite lu. Note réelle 2,5/5.
Les Quatre Filles du docteur March
Les Quatre Filles du docteur March, un titre que je connaissais tellement bien que j'étais persuadé de l'avoir déjà lu ou d'avoir vu des épisodes du dessin animé des années 80. C'est en lisant cette adaptation que je me rends compte que ce n'était pas le cas. On suit ici un peu plus d'une année dans le quotidien d'une famille de la campagne américaine, composée d'une mère et de ses quatre filles âgées de 12 à 16 ans, tandis que leur père est parti soutenir les soldats de l'Union pendant la Guerre de Sécession. La famille ne vit pas dans la pauvreté, mais n'appartient pas non plus à la haute société. Les filles n'ont rien d'extraordinaire, elles ne vivent pas de grandes aventures, mais elles ont chacune leur caractère, et on les suit dans leurs jeux, leurs liens familiaux, leurs amitiés, notamment avec le jeune voisin du même âge. C'est un peu comme un feuilleton de la vie ordinaire, avec des personnages auxquels on s'attache et pour qui on espère des choses positives, en particulier autour d'une ou deux histoires d'amour qui ne disent pas leur nom. Je n'ai pas été profondément emporté par cette lecture, mais je l'ai trouvée agréable. Elle offre un aperçu intéressant de la vie quotidienne des Américains ordinaires au 19e siècle, du quotidien des jeunes filles et de leur désir d'émancipation. C'est mignon sans être mièvre, simple sans être creux. Je n'ai pas ressenti beaucoup d'émotions, mais j'ai passé un bon moment.
Bury the Lede
2.5 Un thriller qui se laisse lire, mais qui ne marquera pas le genre et qui est tout de même un peu cliché. Une femme est accusée d'avoir tué sa famille et le corps de son fils a disparu. Une journaliste stagiaire ne croit pas qu'elle est coupable et va lui parler en prison. La femme continue d'affirmer qu'elle est coupable, mais elle va commencer à lui faire des confidences ce qui fait que l'héroïne va être la seule pour une raison quelconque qui va avoir une relation spéciale avec la peut-être tueuse. L'héroïne va donc enquêter et essayer de trouver la solution au mystère. Un récit qui est sens souvent le déjà vu avec notamment la potentiel meurtrière qui agit comme tous les génies criminels manipulateurs qu'on retrouve dans la fiction depuis Hannibal Lecter. Il y a des facilités dans le scénario. Même le dessin manque de personnalité, c'est le style qu'on retrouve dans pleins de polars en comics. Cela se laisse tout de même lire et ce n'est pas vraiment ennuyeux si on est fan du genre.
La Fange
J'ai du lire l'album deux fois pour décortiquer ce qui me parle et ce qui me dégoûte . Je l'ai acheté pour soutenir les éditions Ici-même et le post-apo vu depuis l'Australie, ça m'a intriguée... Cela peut se lire comme une allégorie du capitalisme mondialisé. Son story telling si puissant vend l'exode vers le nord, comme un voyage vers la réussite alors même que toutes les informations son accessibles pour voir que la plupart des migrants seront très maltraités et n'auront comme destin, pour les plus chanceux, que le retour au bercail plus pauvre que jamais... Et dans "La fange", pour les autres... la perte de membres, la maladie, la mort. Un monde caca d'oie où tout est laid ou presque, et le dessin aux cases très remplies pourrait faire penser à Jano, mais sans cette joie colorée du déglingué, et avec un cynisme qui rappelle un peu Hitchkock par les mécanismes d'escroquerie qui ressemble un peu à ceux de l'espionnage anglais... (Drôle de rapprochement !) Par ailleurs c'est une histoire familiale, de deux frères avec une mère qui a son préféré, Lippy (pour Lipton). L'exemple type de la mauvaise mère, qui fait les mauvais choix et aime son fils uniquement parce qu'il est le reflet d'elle-même. C'est aussi l'ambiance d'une ville où le seul mode de survie et soit d'être escroc, soit d'être escroqué. Et les deux héros qui échappent à cette alternative sont ceux auxquels on s'identifie : l'autre fils Penn, ("qui a oublié d'être moche" selon sa propre constatation) et une gamine rouquine qui ne sait pas mentir. Sans ces deux personnages qui portent un regard en biais, et espèrent confusément autre chose, on ne pourrait rien sauver de cet univers... mais justement ils sont là... Ce maelström de dégoût et d'espoir finit par faire son boulot. Je me reconnais bien dans l'avis de Sloane, et je suis curieuse de voir effectivement si une suite pourrait me surprendre...