Un récit autobiographique qui part d’une intention intéressante, mais dont le rythme extrêmement lent finit par lasser. “Dans la prison de Hanawa” se veut réaliste et minutieux, mais cette obsession du détail tourne vite à la répétition. Le quotidien carcéral est décrit avec froideur, sans véritable tension dramatique ni attachement aux personnages.
L’approche presque clinique pourra séduire certains lecteurs curieux de la vie carcérale japonaise, mais pour ma part, j’ai trouvé l’ensemble trop statique et monotone. L’absence d’évolution ou de réflexion plus profonde m’a laissé à distance. Une lecture que j’ai terminée plus par devoir que par intérêt.
King Kong louchait.
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Ce tome contient une histoire complète, approchant de l’autofiction, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2005. Il a été réalisé par Céline Wagner, en collaboration avec Edmond Baudoin. Il comprend quatre-vingt-cinq pages de bande dessinée en noir & blanc. Il s’ouvre avec une introduction sous la forme d’un entretien avec les deux auteurs répondant à huit questions. À quel public La patience du grand singe s’adresse-t-il ? Comment est né La patience du grand singe ? Pourquoi être entré dans ce jeu ? Edmond se voit-il en père spirituel ? Pourquoi un gorille ? Le personnage qui vit dans Gorille, n’est-ce pas une allusion à Gavroche qui vit dans l’éléphant de la place de la Bastille ? En quoi l’histoire de La patience du grand singe se connecte à l’histoire de Céline ? S’il fallait attribuer un genre à La patience du grand singe ? Les deux auteurs avaient déjà collaboré pour Les Yeux dans le mur (2003).
Un grand centre commercial avec des enseignes connues, et son immense parking. D’énormes panneaux publicitaires de part et d’autre de la voie qui y mène. Alors que son père conduit, Céline observe les clôtures, les panneaux. Elle lui demande s’il est sûr qu’à l’époque de la préhistoire, il n’y avait rien. Il répond que oui, c’est-à-dire il y avait des choses, mais rien de tout ce qu’elle voit aujourd’hui. Elle insiste : Même pas un briquet ? Il confirme : Rien… Les hommes marchaient pieds nus. Ils peignaient avec de la terre sur les murs des grottes. Il y a longtemps, plus de trente mille ans. Les scientifiques auraient même retrouvé des traces de pas d’enfants près des parois… Quand il a découvert la peinture, l’homme n’était plus un simple prédateur. Pour la première fois, il exprimait un univers intérieur, plein de rite, de jeu et d’imagination. Comme un petit matin après la nuit des temps.
Céline et son père sont arrivés à la zone commerciale : ils se garent au parking, et descendent de voiture. Elle se tient devant l’énorme singe de plusieurs étages de haut, et elle demande à son père s’il croit qu’on est obligé de mourir. Celui-ci répond qu’elle a tout le temps, elle devra mourir quand elle sera une vieille dame, dans soixante-dix ans peut-être plus. Elle trouve que ça fait bientôt. Il ajoute que ce n’est pas pareil, qu’il lui reste moins de temps, trente ans environ. Elle s’exclame : Ho non ! Il la rassure : elle n’a pas à s’inquiéter, ils n’y sont pas encore, et puis quand elle sera une femme, tout cela lui fera moins peur. Pour changer de sujet, il lui suggère de regarder King Kong, le grand singe décoratif. Ça ne l’enthousiasme pas, de toute façon, c’est un faux. Elle n’est pas contente, parce que bientôt ils vont mourir. Elle a dix ans, il ne lui reste que six fois à vivre ce qu’elle a déjà vécu ; c’est pas beaucoup, et tout le temps où elle était bébé ne compte pas. Son père lui fait remarquer qu’on a le droit de désapprendre à compter. Ils observent ensemble le gigantesque singe. Elle lui demande s’il est sûr que c’est un faux. Il répond : Non, regarde ses narines, elles bougent. Et il se met à rire.
S’il appartient à la catégorie de ceux qui lisent l’introduction avant la bande dessinée, le lecteur prend connaissance de la nature du récit, avec la première réponse de Baudoin. Il explique qu’avant ce récit, il y a eu l’histoire entre Céline et lui. Elle le fascinait aussi par ses origines, cette banlieue, un monde tellement éloigné du sien qu’il ait voulu le peindre. Cela a donné Les yeux dans le mur, où il dessinait selon ses réparties, il n’inventait pas les bulles. Dans La patience du grand singe, tout est inversé. Céline a tout écrit et tout dessiné. Après il n’a fait que coller le personnage du père sur quelque chose qui était déjà dessiné. C’est un jeu très complexe et ce n’est pas tout à fait une œuvre à quatre mains. Il s’agit donc d’une œuvre particulière dans la bibliographie de ce créateur : l’éditeur José Jover et lui ont sciemment choisi de se servir de la locomotive Baudoin pour l’éditer, avec la chance que cela soit un peu plus vu. C’est aussi une histoire d’amour qui se prolonge. L’autrice confirme que ça l’a mise en confiance quand Baudoin a mis mille paires de gants pour lui proposer sa collaboration, en disant que peut-être que s’il faisait quelque chose dans le livre de Céline, juste l’effleurer, ils auraient plus de chance de le publier. Elle ajoute qu’il n’y a pas de problème d’orgueil entre eux. Enfin, l’un et l’autre expliquent qu’ils ont autant appris dans leur rapport, en particulier Edmond par la volonté d’exister de Céline, et elle par l’action de transmission d’Edmond.
Ainsi prévenu, le lecteur comprend qu’il s’agit d’un ouvrage conçu par Céline Wagner, relatant une facette de son enfance, transformée par le prisme de la fiction, ou de l’autofiction, un genre qu’elle qualifie du terme : Introspection surréaliste. Le récit se déroule dans un temps ramassé sur une journée : se rendre au centre commercial, et évoquer cet immense fac-similé d’un gorille, que la fille et le père ont tôt fait d’appeler King Kong. Pour le lecteur ayant quelques décennies au compteur, cette effigie pourra évoquer celle du groupe commercial Mammouth (1968-1996) qui mettait cet animal en avant comme point de repère, même s’il s’agissait de grands panneaux publicitaires, et pas de statues. Le regard du lecteur s’arrête sur la couverture, à la composition évoquant le principe du collage, entre ces éléments qui semblent sans rapport : King Kong en couleurs, la fille et le père en noir & blanc, l’immeuble en couleurs derrière, et le ciel aux couleurs étranges, le titre en blanc comme barrant l’image, et les noms des auteurs en jaune vif. Puis il plonge dans les pages intérieures, pour une sensation étrange. Les dessins présentent une forme de naïveté qu’il est possible d’associer aussi bien à une œuvre de jeunesse qu’au caractère enfantin du personnage principal qui est encore une enfant. Il retrouve cette naïveté dans les représentations des voitures, des affiches publicitaires, dans le corps de la fillette et de ses expressions, parfois dans certaines attitudes du père, etc. Dans le même temps, il découvre des représentations découlant d’un regard adulte : un arbre magnifique, des minéraux, un crâne, les animaux dans le vivarium, l’extérieur de la zone commerciale, etc.
Partagé entre ces deux sensibilités, enfantine et adulte, le lecteur fait rapidement l’expérience également de rapprochements visuels, à caractère onirique, et parfois psychologique. Ils peuvent prendre la forme du détournement des panneaux publicitaires avec des marques revisitées, ou des logos modifiés (La vache qui rit en animal horrifique fait vraiment peur). Ils peuvent également relever du dispositif de collage : le crâne placé en surimpression des peintures rupestres, les fourmis formant un point d’interrogation géant, une sorte de rébus surréaliste quand le père effectue une déduction sur la présence d’une personne à l’intérieur de King Kong, la tête de girafe d’une chaîne de magasin de jouets, etc. Des rapprochements pouvant relever de l’allégorie, comme les fourmis en lieu et place des traits de visage des consommateurs poussant leur caddie. Des dessins plus primitifs pour évoquer les forces de la nature, telles les fumées d’un volcan ou un véritable torrent se déversant du ciel d’orage. La narration visuelle porte ainsi une grande part de ressentis, de sensations. Le lecteur se rend également compte de la diversité des constructions de pages, certaines très inventives : souvent des cases de la largeur de la page avec ou sans bordure, parfois des éléments d’une case qui débordent sur une autre, des symboles mathématiques, une page avec huit cadres contenant chacun quatre cases pour un effet extraordinaire de synthèse et de concentration des éléments, etc.
L’histoire s’avère simple et linéaire : la fille finit par écouter ce que le père sait du King Kong, et de l’individu qui habite à l’intérieur. Une fois devenue jeune femme, elle aura l’occasion de pénétrer dans cette statue géante. Ce fil narratif sert de support à des discussions abordant divers thèmes : la préhistoire et l’art rupestre, le caractère récent de tout ce que peut voir Céline de part et d’autre de la route (il n’y avait rien de tout cela à la préhistoire), une discussion sur la durée de vie (elle toute jeune la trouvant trop courte, le père relativisant avec le recul des décennies passées), l’importance relative des rats par rapport aux serpents ou aux êtres humains, le temps que ça prend pour savoir dessiner (toute une vie, mais la nature est bien faite : quand on meurt, on est fatigué de dessiner), la véritable nature de l’Être Mystérieux qui habite le King Kong, la raison pour laquelle la laideur fait peur. Ainsi, se dessine l’évolution de Céline. Le lecteur retrouve bien ce qu’elle annonce dans l’entretien en ouverture : Ses parents étaient séparés et son père était le seul lien qu’elle avait avec la poésie, la littérature. Dans le même temps, le lecteur peut interpréter ce qu’elle dessine comme l’expression de sa vie intérieure, c’est-à-dire bien plus que la simple représentation d’objets ou de décors. Les affiches et les slogans déformés, les éléments représentés par différence avec ceux absents : tout témoigne de sa vie intérieure, de ses associations d’idées, des images qui s’impriment durablement dans son esprit, en particulier de manière inconsciente. En cela, la séquence du bain devient une évidence, alors qu’elle rêvasse de dauphins, dont elle rapproche la forme des frites que lui prépare son père, et dont l’odeur vient lui titiller l’odorat. Il est également possible de voir les fluctuations de durée comme une expression de son inconscient, quand elle s’imagine revenir à des temps préhistoriques pour pouvoir rencontrer le mystérieux habitant de King Kong.
Selon toute vraisemblance, l’éditeur avait bien raison en suggérant à l’autrice d’accepter la présence de Baudoin pour attirer plus de lecteur. Les réponses aux questions dans l’introduction annonce honnêtement qu’il s’agit plus d’une bande dessinée d’elle que de lui, tout en étant également une prolongation de leur relation. Elle parvient à merveille à restituer l’émerveillement propre aux enfants, rendant possible cette fable sur un Être Mystérieux logeant dans le grand singe, avec une narration visuelle en apparence enfantine, et très construite et sophistiquée dans le fond. Un conte pour adulte, du réalisme poétique nourrissant une introspection surréaliste.
Furioso est la transposition dans un cadre d'heroic-fantasy du poème épique de l'italien L'Arioste, Orlando furioso. Celui-ci prend pour cadre la guerre entre Charlemagne et les Sarrasins et imagine un chevalier Roland rendu furieux par la fuite de la femme dont il s'est épris et qui exerce sa vengeance sur les Maures et tous ceux qui ne s'allient pas à lui. En parallèle se déroule le récit du chevalier Roger, au service des Maures, mais amoureux de la guerrière chrétienne Bradamante qui est dans l'autre camp.
Philippe Paelez n'en fait pas une adaptation rigoureuse mais il met en place un récit de fantasy qui en reprend les éléments principaux. Les Maures sont ici remplacés par l'armée des Morts. Et le chevalier Roger, ici renommé Garalt, a lui-même été ressuscité alors qu'il avait été tué par Roland et il revient non pas vraiment pour se venger mais plutôt pour revoir son amour perdu.
L'histoire mêle plusieurs mythologies, un peu de grecque par-ci, un peu de celtique par-là, et on retrouve également sous l'aspect de la fameuse île des Morts du peintre Böcklin une version de l'île d'Avallon avec Morgane et Merlin/Myrddin. Ajouté à cela cette transposition du Royaume de Charlemagne et de la Chanson de Roland et on obtient une univers épique complexe dans lequel le lecteur est directement plongé sans explication et dont il doit démêler les fils en cours de lecture. C'est un peu compliqué et la première lecture est assez laborieuse. Mais c'est bien plus clair en seconde lecture.
Le dessin est de très belle facture, avec une vraie personnalité et une beauté certaine, mais lui aussi est souvent assez confus. Son abondance de traits, aussi souples et maîtrisés soient-ils, manque de contraste et même en relecture, il y a certaines scènes que je ne comprends que par les dialogues car l'image elle-même est difficilement lisible. C'est le cas par exemple d'une portion de la scène d'introduction du premier tome. Ceci étant dit, le graphisme a un véritable charme et je trouve que c'est une belle BD.
Du fait de la complexité de l'intrigue et de ses nombreux personnages, ce n'est pas un ouvrage facile à appréhender, mais il séduit par la force évocatrice de son dessin et par la poésie épique qui se dégage de son intrigue en forme de tragédie mythique.
Je reste imperméable à l'érotisme de Varenne, mais j'ai trouvé son dessin ici un peu plus satisfaisant que dans d'autres albums qui me rebutaient autant sur le plan graphique que narratif.
L'album propose cinq histoires courtes totalement indépendantes, occupant la moitié de l'ouvrage. L'autre moitié est constituée d'illustrations accompagnées de textes, qui s'intercalent entre les récits. On est donc davantage face à un ouvrage graphique qu'à une histoire en bande dessinée au sens classique.
Graphiquement, le travail n'est pas mauvais. Je n'aime toujours pas le style de Varenne, que je trouve trop daté, marqué par un réalisme adulte des années 70-80, mais je reconnais une belle maîtrise technique et une certaine élégance. L'encrage me paraît ici plus soigné que dans d'autres de ses livres, que je trouvais trop relâchés. Les personnages sont beaux, les traits constants. Les scènes érotiques ont un côté vieillot, mais elles sont bien dessinées.
En revanche, les illustrations me semblent trop réalistes et froides, sans le charme nécessaire pour me troubler. C'est aussi le cas des textes qui les accompagnent : lyriques, pseudo-poétiques, ils me laissent de marbre, voire m'ennuient.
Même ressenti pour les histoires, chacune illustrant un fantasme différent, mais toujours de manière convenue, presque théâtrale, avec des personnages qui semblent jouer un rôle. Cela manque de vie, de charme, et de ce qui rend une scène véritablement sexy ou excitante.
Sans compter certains fantasmes qui me rebutent franchement : viol, douche dorée, prostitution...
Numéro Invalide est, à l’origine, un webtoon lancé en 2014 par l’autrice, qui y racontait ses déboires médicaux après une opération ayant mal tourné lorsqu’elle était adolescente. À 15 ans, on lui diagnostique une absence d’utérus et une malformation du vagin. Elle ne pourra pas avoir d’enfant, mais il lui est possible de corriger le second point pour avoir une sexualité normale. La solution proposée consiste en une opération encore expérimentale : remplacer l’intérieur du vagin par une portion du gros intestin. Effrayée, résignée mais surtout mal informée, la jeune fille accepte. Après quelques jours qui semblent normaux, l’opération échoue, apparemment à cause d’une erreur médicale. Ce sera le début d’un calvaire : interventions à répétition, douleurs chroniques, complications multiples, le tout aggravé par des comportements abusifs du corps médical, qui refuse d’assumer toute responsabilité.
Après des années de publication en ligne, le webtoon a été adapté en manga cette année. Il a été entièrement redessiné, et tant mieux : le webtoon avait un charme visuel certain, mais restait très amateur. Le manga, plus propre et un peu plus pro dans l’encrage, reste encore hésitant techniquement, mais l’effort est notable. Le format n'est pas la même et les images sont agencées différemment pour tenir sur des pages en papier. Au-delà de quelques pages inédites d'introduction, ce sont peu ou prou les mêmes scènes et le même découpage que le webtoon, avec quelques corrections amenées par un peu plus de recul sur l'œuvre avec les années. On perd la couleur, mais ce n’est pas un mal, et la mise en page s’en sort bien, avec quelques tentatives de mise en scène réussies.
Quant à l’histoire, elle est à la fois bouleversante et difficile à juger.
Bouleversante, parce que ce qui arrive à cette adolescente est atroce. Sa vie est fracassée par les conséquences d’une opération qu’elle aurait préféré éviter et aurait sans doute refusé si elle avait été mieux informée. Erreur médicale, douleurs ignorées, négligences dans son suivi, comportement injuste voire maltraitant des soignants, jusqu’à l’abandonner handicapée en rejetant la faute sur elle ainsi que sur sa relation trop fusionnelle avec sa mère. Si tout est vrai, c’est accablant. Difficile de ne pas imaginer un procès finissant par lui donner raison et condamner les responsables.
Mais le problème, c’est dans la mise en scène qui est tellement à charge qu'elle instille instinctivement le doute sur son impartialité.
Après prise d'un peu de renseignements sur Internet, il y a bien eu procès et son jugement accrédite une partie des accusations de l'autrice (faute de l'hôpital sur l’obtention de son consentement libre et éclairé), mais il ne semble rien dire des maltraitances et des conséquences qu'elle raconte ensuite, ou du moins le manga ne me permet pas d'en juger. Du coup, on n'a que la vision de l'autrice et c'est difficile de se faire sa propre opinion. Les premières pages, pourtant cruciales évacuent très vite la présentation préalable des solutions médicales alors que la clé du problème réside là, le fait qu'on n'ait pas ou mal expliqué les tenants et aboutissants de ce qui était proposé. Et de fait en deux pages à peine, l’héroïne rejette catégoriquement une autre solution, certes pénible mais bien moins risquée, ce qui donne déjà une impression de victimisation. Et ensuite, c’est un enchaînement de figures hostiles : médecins, infirmières, administratifs, anciennes amies, beau-père (dépeint comme un salaud), tous sont montrés comme des ordures. Tous, sauf la mère (et encore, son rôle est flou), quelques ambulanciers et un kiné brièvement rencontrés qui vont dans le sens de l’héroïne. C’est le souci : on n’a que son point de vue, celui de la victime, et jamais la version des autres. Les dialogues laissent entendre qu’ils mentent ou se dédouanent, mais on n’a aucune contradiction impartiale. Et la mise en scène n’aide pas : la mère, censée être fusionnelle, paraît souvent absente, ne facilite pas la communication avec les médecins, se contente de râler en marge et semble tolérer le comportement inacceptable du beau-père. Et l'héroïne elle-même s'enfonce régulièrement dans le dégoût d'elle-même et la peur d'exprimer à l'oral ce qu'elle pense vraiment, ce qui est certes crédible mais rend l’ensemble encore plus confus.
Bref, ce genre de témoignage, très orienté, me met mal à l’aise. Surtout que dans un tel ouvrage autobiographique, on a toujours peur qu'une critique de l'ouvrage soit considérée comme une critique de l'auteur en tant que personne. Je ne remets absolument pas en question le traumatisme vécu ni ses conséquences durables, mais la façon dont tout cela est raconté, avec une telle lourdeur accusatrice, fait douter instinctivement de l’impartialité du propos ce qui est terrible au vu de ce qu'elle a subi. Je le précise à nouveau, je parle là de la manière dont les choses sont racontées et mises en scène, je ne conteste pas la véracité des faits. Je pense que pour un meilleur impact, l'ouvrage aurait bénéficié d'un avis tiers qui aurait permis de mieux situer la réalité des faits. En l’état, c’est difficile à encaisser, et ça ne donne franchement pas envie de se faire opérer en Belgique.
Une nouvelle – j’allais dire énième – série d’Arleston, dans un univers Fantasy qu’il a quand même déjà pas mal balayé. La surprise vient de le retrouver chez Drakko et non chez Soleil.
Quant à l’intrigue, elle est bâtie sur des fondations assez classiques, pas vues : un méchant oncle/régent faisant tout pour s’emparer du pouvoir au détriment du gentil héritier (qui cache le fait que c’est une héritière !), un monde menacé, ce qui amène un petit groupe à partir chercher la solution.
Mais bon, ça se laisse lire. En tout cas le premier tome, car le second m’a un peu laissé sur ma faim (déjà la fin un peu facile du premier, notre héritier se débarrassant de façon improbable de l’un de ses ennemis).
En fait ce second tome empile les facilités, et surtout, l’univers qui a été développé précédemment laisse finalement presque une coquille vide : c’est un peu trop creux et « gentil », au point que je pense que le lectorat visé est avant tout adolescent.
Ce qui m’a aussi refroidi dans ce second tome, c’est le dessin. En effet, dès le début de ce tome, je l’ai trouvé moins précis, avec des têtes plus « enfantines » pour plusieurs personnages, alors même qu’à plusieurs reprises les visages surjouent les expressions à la manière du manga – ce que je n’aime pas vraiment – avec des visages un peu grotesques parfois. Quant aux scènes de combats, je ne les ai pas trouvées à mon goût (dans les deux tomes pour le coup).
C’est dommage, car l’univers, les décors, et la colorisation lumineuse (elle aussi moins précise avec le changement de la coloriste dans le second tome) sont plutôt agréables.
Un diptyque qui se laisse lire, mais qui globalement m’a laissé sur ma faim.
Note réelle 2,5/5.
Je ne connais pas la nouvelle ici adaptée – et le très peu que je connaisse de Gogol ne m’a pas vraiment attiré sur son œuvre.
J’ai emprunté ce diptyque au hasard, et j’en suis sorti déçu. Les deux albums se laisse lire, sans enthousiasme, mais très rapidement. Il faut dire qu’il y a peu de dialogues, et que l’intrigue est quand même squelettique. Ce qui ne m’a pas empêché d’être à la limite de m’ennuyer !
Les aspects fantastiques introduits parcimonieusement ne suffisent pas à dynamiser une histoire trop légère.
Quant au dessin, il n’est pas forcément ma tasse de thé. Mais ce trait moderne peu tout à fait contenter d’autres lecteurs. C’est plutôt l’histoire elle-même qui m’a laissé de côté.
Mouais. J’ai clairement été moins conquis par cet album que Pol. J’avais déjà tâté de l’auteur avec Grenadine, qui m’avais aussi laissé sur ma faim.
Je retrouve ici un dessin un peu simpliste, pas vraiment mon truc, mais qui pourrait tout à fait passer sir le reste me convenait, ce qui n’est hélas pas le cas.
L’humour qui cherche à percer de-ci de-là ne m’a pas convaincu. Certes, il y a parfois quelques pointes vaguement trash, mais c’est généralement peu percutant, et surtout ça ne m’a jamais fait rire ou sourire.
Reste donc l’histoire en elle-même (une suite de quatre cases qui s’assemblent pour former une histoire complète avec le plus souvent une « chute » en fin de page), que je n’ai pas trouvée transcendante. Des réflexions sur l’amour (physique ou cérébral) qui ne m’ont que rarement intéressé.
Affaire de goût peut-être, mais je pense que ce que produit Zalewski n’est pas ma came.
Dans un futur proche, la Russie est redevenue un empire autoritaire, dirigé par un dictateur illuminé qui prétend entrevoir l'avenir au gré de ses visions sous LSD. Convaincu d'être la réincarnation de Gengis Khan, il dépêche ses agents à la recherche de la momie d'un moine bouddhiste, censée faciliter son retour. En parallèle, un derviche fanatique s'approche lui aussi, sans le savoir, de cette même momie, porté par une foi sanglante et aveugle.
J'y ai retrouvé les régimes grotesques et brutaux à la Enki Bilal, mais surtout une déferlante mystique si délirante qu'on croirait lire un scénario de Jodorowsky. Le grotesque se mêle à la violence dans un chaos narratif constant. Et très franchement, ce n'est pas ma tasse de thé. Les délires ésotériques m'ont vite lassé. Tout y passe : bouddhisme, réincarnations, islam soufi, orthodoxie, ufologie… pour un résultat si confus qu'on ne sait jamais si l'auteur est sérieux ou s'il se moque du lecteur.
Difficile aussi de s'attacher à qui que ce soit : les personnages meurent souvent avant d'avoir eu le temps d'exister, ou bien sont réduits à des caricatures de fous mystiques ou de soldats fanatisés. J'ai tout de même lu la trilogie jusqu'au bout, intrigué de savoir où cela mènerait, mais l'ensemble m'a paru si incohérent et décousu que je serais bien en peine d'en proposer un résumé intelligible. Un trip narratif aussi extravagant que vain, dont je suis ressorti plus perplexe que fasciné.
Numéro invalide est l’une de ces œuvres qui devrait être connues de tous. C’est un manga bien narré, avec des dessins percutants qui arrivent à nous faire ressentir toutes les émotions et l’enfer que la mangaka a vécus. La mangaka est très douée pour synthétiser et rendre accessible des informations médicales. C’est une œuvre difficile à lire par sa violence mais nécessaire. À recommander en masse.
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Dans la prison
Un récit autobiographique qui part d’une intention intéressante, mais dont le rythme extrêmement lent finit par lasser. “Dans la prison de Hanawa” se veut réaliste et minutieux, mais cette obsession du détail tourne vite à la répétition. Le quotidien carcéral est décrit avec froideur, sans véritable tension dramatique ni attachement aux personnages. L’approche presque clinique pourra séduire certains lecteurs curieux de la vie carcérale japonaise, mais pour ma part, j’ai trouvé l’ensemble trop statique et monotone. L’absence d’évolution ou de réflexion plus profonde m’a laissé à distance. Une lecture que j’ai terminée plus par devoir que par intérêt.
La Patience du Grand Singe
King Kong louchait. - Ce tome contient une histoire complète, approchant de l’autofiction, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2005. Il a été réalisé par Céline Wagner, en collaboration avec Edmond Baudoin. Il comprend quatre-vingt-cinq pages de bande dessinée en noir & blanc. Il s’ouvre avec une introduction sous la forme d’un entretien avec les deux auteurs répondant à huit questions. À quel public La patience du grand singe s’adresse-t-il ? Comment est né La patience du grand singe ? Pourquoi être entré dans ce jeu ? Edmond se voit-il en père spirituel ? Pourquoi un gorille ? Le personnage qui vit dans Gorille, n’est-ce pas une allusion à Gavroche qui vit dans l’éléphant de la place de la Bastille ? En quoi l’histoire de La patience du grand singe se connecte à l’histoire de Céline ? S’il fallait attribuer un genre à La patience du grand singe ? Les deux auteurs avaient déjà collaboré pour Les Yeux dans le mur (2003). Un grand centre commercial avec des enseignes connues, et son immense parking. D’énormes panneaux publicitaires de part et d’autre de la voie qui y mène. Alors que son père conduit, Céline observe les clôtures, les panneaux. Elle lui demande s’il est sûr qu’à l’époque de la préhistoire, il n’y avait rien. Il répond que oui, c’est-à-dire il y avait des choses, mais rien de tout ce qu’elle voit aujourd’hui. Elle insiste : Même pas un briquet ? Il confirme : Rien… Les hommes marchaient pieds nus. Ils peignaient avec de la terre sur les murs des grottes. Il y a longtemps, plus de trente mille ans. Les scientifiques auraient même retrouvé des traces de pas d’enfants près des parois… Quand il a découvert la peinture, l’homme n’était plus un simple prédateur. Pour la première fois, il exprimait un univers intérieur, plein de rite, de jeu et d’imagination. Comme un petit matin après la nuit des temps. Céline et son père sont arrivés à la zone commerciale : ils se garent au parking, et descendent de voiture. Elle se tient devant l’énorme singe de plusieurs étages de haut, et elle demande à son père s’il croit qu’on est obligé de mourir. Celui-ci répond qu’elle a tout le temps, elle devra mourir quand elle sera une vieille dame, dans soixante-dix ans peut-être plus. Elle trouve que ça fait bientôt. Il ajoute que ce n’est pas pareil, qu’il lui reste moins de temps, trente ans environ. Elle s’exclame : Ho non ! Il la rassure : elle n’a pas à s’inquiéter, ils n’y sont pas encore, et puis quand elle sera une femme, tout cela lui fera moins peur. Pour changer de sujet, il lui suggère de regarder King Kong, le grand singe décoratif. Ça ne l’enthousiasme pas, de toute façon, c’est un faux. Elle n’est pas contente, parce que bientôt ils vont mourir. Elle a dix ans, il ne lui reste que six fois à vivre ce qu’elle a déjà vécu ; c’est pas beaucoup, et tout le temps où elle était bébé ne compte pas. Son père lui fait remarquer qu’on a le droit de désapprendre à compter. Ils observent ensemble le gigantesque singe. Elle lui demande s’il est sûr que c’est un faux. Il répond : Non, regarde ses narines, elles bougent. Et il se met à rire. S’il appartient à la catégorie de ceux qui lisent l’introduction avant la bande dessinée, le lecteur prend connaissance de la nature du récit, avec la première réponse de Baudoin. Il explique qu’avant ce récit, il y a eu l’histoire entre Céline et lui. Elle le fascinait aussi par ses origines, cette banlieue, un monde tellement éloigné du sien qu’il ait voulu le peindre. Cela a donné Les yeux dans le mur, où il dessinait selon ses réparties, il n’inventait pas les bulles. Dans La patience du grand singe, tout est inversé. Céline a tout écrit et tout dessiné. Après il n’a fait que coller le personnage du père sur quelque chose qui était déjà dessiné. C’est un jeu très complexe et ce n’est pas tout à fait une œuvre à quatre mains. Il s’agit donc d’une œuvre particulière dans la bibliographie de ce créateur : l’éditeur José Jover et lui ont sciemment choisi de se servir de la locomotive Baudoin pour l’éditer, avec la chance que cela soit un peu plus vu. C’est aussi une histoire d’amour qui se prolonge. L’autrice confirme que ça l’a mise en confiance quand Baudoin a mis mille paires de gants pour lui proposer sa collaboration, en disant que peut-être que s’il faisait quelque chose dans le livre de Céline, juste l’effleurer, ils auraient plus de chance de le publier. Elle ajoute qu’il n’y a pas de problème d’orgueil entre eux. Enfin, l’un et l’autre expliquent qu’ils ont autant appris dans leur rapport, en particulier Edmond par la volonté d’exister de Céline, et elle par l’action de transmission d’Edmond. Ainsi prévenu, le lecteur comprend qu’il s’agit d’un ouvrage conçu par Céline Wagner, relatant une facette de son enfance, transformée par le prisme de la fiction, ou de l’autofiction, un genre qu’elle qualifie du terme : Introspection surréaliste. Le récit se déroule dans un temps ramassé sur une journée : se rendre au centre commercial, et évoquer cet immense fac-similé d’un gorille, que la fille et le père ont tôt fait d’appeler King Kong. Pour le lecteur ayant quelques décennies au compteur, cette effigie pourra évoquer celle du groupe commercial Mammouth (1968-1996) qui mettait cet animal en avant comme point de repère, même s’il s’agissait de grands panneaux publicitaires, et pas de statues. Le regard du lecteur s’arrête sur la couverture, à la composition évoquant le principe du collage, entre ces éléments qui semblent sans rapport : King Kong en couleurs, la fille et le père en noir & blanc, l’immeuble en couleurs derrière, et le ciel aux couleurs étranges, le titre en blanc comme barrant l’image, et les noms des auteurs en jaune vif. Puis il plonge dans les pages intérieures, pour une sensation étrange. Les dessins présentent une forme de naïveté qu’il est possible d’associer aussi bien à une œuvre de jeunesse qu’au caractère enfantin du personnage principal qui est encore une enfant. Il retrouve cette naïveté dans les représentations des voitures, des affiches publicitaires, dans le corps de la fillette et de ses expressions, parfois dans certaines attitudes du père, etc. Dans le même temps, il découvre des représentations découlant d’un regard adulte : un arbre magnifique, des minéraux, un crâne, les animaux dans le vivarium, l’extérieur de la zone commerciale, etc. Partagé entre ces deux sensibilités, enfantine et adulte, le lecteur fait rapidement l’expérience également de rapprochements visuels, à caractère onirique, et parfois psychologique. Ils peuvent prendre la forme du détournement des panneaux publicitaires avec des marques revisitées, ou des logos modifiés (La vache qui rit en animal horrifique fait vraiment peur). Ils peuvent également relever du dispositif de collage : le crâne placé en surimpression des peintures rupestres, les fourmis formant un point d’interrogation géant, une sorte de rébus surréaliste quand le père effectue une déduction sur la présence d’une personne à l’intérieur de King Kong, la tête de girafe d’une chaîne de magasin de jouets, etc. Des rapprochements pouvant relever de l’allégorie, comme les fourmis en lieu et place des traits de visage des consommateurs poussant leur caddie. Des dessins plus primitifs pour évoquer les forces de la nature, telles les fumées d’un volcan ou un véritable torrent se déversant du ciel d’orage. La narration visuelle porte ainsi une grande part de ressentis, de sensations. Le lecteur se rend également compte de la diversité des constructions de pages, certaines très inventives : souvent des cases de la largeur de la page avec ou sans bordure, parfois des éléments d’une case qui débordent sur une autre, des symboles mathématiques, une page avec huit cadres contenant chacun quatre cases pour un effet extraordinaire de synthèse et de concentration des éléments, etc. L’histoire s’avère simple et linéaire : la fille finit par écouter ce que le père sait du King Kong, et de l’individu qui habite à l’intérieur. Une fois devenue jeune femme, elle aura l’occasion de pénétrer dans cette statue géante. Ce fil narratif sert de support à des discussions abordant divers thèmes : la préhistoire et l’art rupestre, le caractère récent de tout ce que peut voir Céline de part et d’autre de la route (il n’y avait rien de tout cela à la préhistoire), une discussion sur la durée de vie (elle toute jeune la trouvant trop courte, le père relativisant avec le recul des décennies passées), l’importance relative des rats par rapport aux serpents ou aux êtres humains, le temps que ça prend pour savoir dessiner (toute une vie, mais la nature est bien faite : quand on meurt, on est fatigué de dessiner), la véritable nature de l’Être Mystérieux qui habite le King Kong, la raison pour laquelle la laideur fait peur. Ainsi, se dessine l’évolution de Céline. Le lecteur retrouve bien ce qu’elle annonce dans l’entretien en ouverture : Ses parents étaient séparés et son père était le seul lien qu’elle avait avec la poésie, la littérature. Dans le même temps, le lecteur peut interpréter ce qu’elle dessine comme l’expression de sa vie intérieure, c’est-à-dire bien plus que la simple représentation d’objets ou de décors. Les affiches et les slogans déformés, les éléments représentés par différence avec ceux absents : tout témoigne de sa vie intérieure, de ses associations d’idées, des images qui s’impriment durablement dans son esprit, en particulier de manière inconsciente. En cela, la séquence du bain devient une évidence, alors qu’elle rêvasse de dauphins, dont elle rapproche la forme des frites que lui prépare son père, et dont l’odeur vient lui titiller l’odorat. Il est également possible de voir les fluctuations de durée comme une expression de son inconscient, quand elle s’imagine revenir à des temps préhistoriques pour pouvoir rencontrer le mystérieux habitant de King Kong. Selon toute vraisemblance, l’éditeur avait bien raison en suggérant à l’autrice d’accepter la présence de Baudoin pour attirer plus de lecteur. Les réponses aux questions dans l’introduction annonce honnêtement qu’il s’agit plus d’une bande dessinée d’elle que de lui, tout en étant également une prolongation de leur relation. Elle parvient à merveille à restituer l’émerveillement propre aux enfants, rendant possible cette fable sur un Être Mystérieux logeant dans le grand singe, avec une narration visuelle en apparence enfantine, et très construite et sophistiquée dans le fond. Un conte pour adulte, du réalisme poétique nourrissant une introspection surréaliste.
Furioso (Drakoo)
Furioso est la transposition dans un cadre d'heroic-fantasy du poème épique de l'italien L'Arioste, Orlando furioso. Celui-ci prend pour cadre la guerre entre Charlemagne et les Sarrasins et imagine un chevalier Roland rendu furieux par la fuite de la femme dont il s'est épris et qui exerce sa vengeance sur les Maures et tous ceux qui ne s'allient pas à lui. En parallèle se déroule le récit du chevalier Roger, au service des Maures, mais amoureux de la guerrière chrétienne Bradamante qui est dans l'autre camp. Philippe Paelez n'en fait pas une adaptation rigoureuse mais il met en place un récit de fantasy qui en reprend les éléments principaux. Les Maures sont ici remplacés par l'armée des Morts. Et le chevalier Roger, ici renommé Garalt, a lui-même été ressuscité alors qu'il avait été tué par Roland et il revient non pas vraiment pour se venger mais plutôt pour revoir son amour perdu. L'histoire mêle plusieurs mythologies, un peu de grecque par-ci, un peu de celtique par-là, et on retrouve également sous l'aspect de la fameuse île des Morts du peintre Böcklin une version de l'île d'Avallon avec Morgane et Merlin/Myrddin. Ajouté à cela cette transposition du Royaume de Charlemagne et de la Chanson de Roland et on obtient une univers épique complexe dans lequel le lecteur est directement plongé sans explication et dont il doit démêler les fils en cours de lecture. C'est un peu compliqué et la première lecture est assez laborieuse. Mais c'est bien plus clair en seconde lecture. Le dessin est de très belle facture, avec une vraie personnalité et une beauté certaine, mais lui aussi est souvent assez confus. Son abondance de traits, aussi souples et maîtrisés soient-ils, manque de contraste et même en relecture, il y a certaines scènes que je ne comprends que par les dialogues car l'image elle-même est difficilement lisible. C'est le cas par exemple d'une portion de la scène d'introduction du premier tome. Ceci étant dit, le graphisme a un véritable charme et je trouve que c'est une belle BD. Du fait de la complexité de l'intrigue et de ses nombreux personnages, ce n'est pas un ouvrage facile à appréhender, mais il séduit par la force évocatrice de son dessin et par la poésie épique qui se dégage de son intrigue en forme de tragédie mythique.
Les Larmes du sexe
Je reste imperméable à l'érotisme de Varenne, mais j'ai trouvé son dessin ici un peu plus satisfaisant que dans d'autres albums qui me rebutaient autant sur le plan graphique que narratif. L'album propose cinq histoires courtes totalement indépendantes, occupant la moitié de l'ouvrage. L'autre moitié est constituée d'illustrations accompagnées de textes, qui s'intercalent entre les récits. On est donc davantage face à un ouvrage graphique qu'à une histoire en bande dessinée au sens classique. Graphiquement, le travail n'est pas mauvais. Je n'aime toujours pas le style de Varenne, que je trouve trop daté, marqué par un réalisme adulte des années 70-80, mais je reconnais une belle maîtrise technique et une certaine élégance. L'encrage me paraît ici plus soigné que dans d'autres de ses livres, que je trouvais trop relâchés. Les personnages sont beaux, les traits constants. Les scènes érotiques ont un côté vieillot, mais elles sont bien dessinées. En revanche, les illustrations me semblent trop réalistes et froides, sans le charme nécessaire pour me troubler. C'est aussi le cas des textes qui les accompagnent : lyriques, pseudo-poétiques, ils me laissent de marbre, voire m'ennuient. Même ressenti pour les histoires, chacune illustrant un fantasme différent, mais toujours de manière convenue, presque théâtrale, avec des personnages qui semblent jouer un rôle. Cela manque de vie, de charme, et de ce qui rend une scène véritablement sexy ou excitante. Sans compter certains fantasmes qui me rebutent franchement : viol, douche dorée, prostitution...
Numéro Invalide
Numéro Invalide est, à l’origine, un webtoon lancé en 2014 par l’autrice, qui y racontait ses déboires médicaux après une opération ayant mal tourné lorsqu’elle était adolescente. À 15 ans, on lui diagnostique une absence d’utérus et une malformation du vagin. Elle ne pourra pas avoir d’enfant, mais il lui est possible de corriger le second point pour avoir une sexualité normale. La solution proposée consiste en une opération encore expérimentale : remplacer l’intérieur du vagin par une portion du gros intestin. Effrayée, résignée mais surtout mal informée, la jeune fille accepte. Après quelques jours qui semblent normaux, l’opération échoue, apparemment à cause d’une erreur médicale. Ce sera le début d’un calvaire : interventions à répétition, douleurs chroniques, complications multiples, le tout aggravé par des comportements abusifs du corps médical, qui refuse d’assumer toute responsabilité. Après des années de publication en ligne, le webtoon a été adapté en manga cette année. Il a été entièrement redessiné, et tant mieux : le webtoon avait un charme visuel certain, mais restait très amateur. Le manga, plus propre et un peu plus pro dans l’encrage, reste encore hésitant techniquement, mais l’effort est notable. Le format n'est pas la même et les images sont agencées différemment pour tenir sur des pages en papier. Au-delà de quelques pages inédites d'introduction, ce sont peu ou prou les mêmes scènes et le même découpage que le webtoon, avec quelques corrections amenées par un peu plus de recul sur l'œuvre avec les années. On perd la couleur, mais ce n’est pas un mal, et la mise en page s’en sort bien, avec quelques tentatives de mise en scène réussies. Quant à l’histoire, elle est à la fois bouleversante et difficile à juger. Bouleversante, parce que ce qui arrive à cette adolescente est atroce. Sa vie est fracassée par les conséquences d’une opération qu’elle aurait préféré éviter et aurait sans doute refusé si elle avait été mieux informée. Erreur médicale, douleurs ignorées, négligences dans son suivi, comportement injuste voire maltraitant des soignants, jusqu’à l’abandonner handicapée en rejetant la faute sur elle ainsi que sur sa relation trop fusionnelle avec sa mère. Si tout est vrai, c’est accablant. Difficile de ne pas imaginer un procès finissant par lui donner raison et condamner les responsables. Mais le problème, c’est dans la mise en scène qui est tellement à charge qu'elle instille instinctivement le doute sur son impartialité. Après prise d'un peu de renseignements sur Internet, il y a bien eu procès et son jugement accrédite une partie des accusations de l'autrice (faute de l'hôpital sur l’obtention de son consentement libre et éclairé), mais il ne semble rien dire des maltraitances et des conséquences qu'elle raconte ensuite, ou du moins le manga ne me permet pas d'en juger. Du coup, on n'a que la vision de l'autrice et c'est difficile de se faire sa propre opinion. Les premières pages, pourtant cruciales évacuent très vite la présentation préalable des solutions médicales alors que la clé du problème réside là, le fait qu'on n'ait pas ou mal expliqué les tenants et aboutissants de ce qui était proposé. Et de fait en deux pages à peine, l’héroïne rejette catégoriquement une autre solution, certes pénible mais bien moins risquée, ce qui donne déjà une impression de victimisation. Et ensuite, c’est un enchaînement de figures hostiles : médecins, infirmières, administratifs, anciennes amies, beau-père (dépeint comme un salaud), tous sont montrés comme des ordures. Tous, sauf la mère (et encore, son rôle est flou), quelques ambulanciers et un kiné brièvement rencontrés qui vont dans le sens de l’héroïne. C’est le souci : on n’a que son point de vue, celui de la victime, et jamais la version des autres. Les dialogues laissent entendre qu’ils mentent ou se dédouanent, mais on n’a aucune contradiction impartiale. Et la mise en scène n’aide pas : la mère, censée être fusionnelle, paraît souvent absente, ne facilite pas la communication avec les médecins, se contente de râler en marge et semble tolérer le comportement inacceptable du beau-père. Et l'héroïne elle-même s'enfonce régulièrement dans le dégoût d'elle-même et la peur d'exprimer à l'oral ce qu'elle pense vraiment, ce qui est certes crédible mais rend l’ensemble encore plus confus. Bref, ce genre de témoignage, très orienté, me met mal à l’aise. Surtout que dans un tel ouvrage autobiographique, on a toujours peur qu'une critique de l'ouvrage soit considérée comme une critique de l'auteur en tant que personne. Je ne remets absolument pas en question le traumatisme vécu ni ses conséquences durables, mais la façon dont tout cela est raconté, avec une telle lourdeur accusatrice, fait douter instinctivement de l’impartialité du propos ce qui est terrible au vu de ce qu'elle a subi. Je le précise à nouveau, je parle là de la manière dont les choses sont racontées et mises en scène, je ne conteste pas la véracité des faits. Je pense que pour un meilleur impact, l'ouvrage aurait bénéficié d'un avis tiers qui aurait permis de mieux situer la réalité des faits. En l’état, c’est difficile à encaisser, et ça ne donne franchement pas envie de se faire opérer en Belgique.
La Baroque Épopée du monde qui ne voulait plus tourner
Une nouvelle – j’allais dire énième – série d’Arleston, dans un univers Fantasy qu’il a quand même déjà pas mal balayé. La surprise vient de le retrouver chez Drakko et non chez Soleil. Quant à l’intrigue, elle est bâtie sur des fondations assez classiques, pas vues : un méchant oncle/régent faisant tout pour s’emparer du pouvoir au détriment du gentil héritier (qui cache le fait que c’est une héritière !), un monde menacé, ce qui amène un petit groupe à partir chercher la solution. Mais bon, ça se laisse lire. En tout cas le premier tome, car le second m’a un peu laissé sur ma faim (déjà la fin un peu facile du premier, notre héritier se débarrassant de façon improbable de l’un de ses ennemis). En fait ce second tome empile les facilités, et surtout, l’univers qui a été développé précédemment laisse finalement presque une coquille vide : c’est un peu trop creux et « gentil », au point que je pense que le lectorat visé est avant tout adolescent. Ce qui m’a aussi refroidi dans ce second tome, c’est le dessin. En effet, dès le début de ce tome, je l’ai trouvé moins précis, avec des têtes plus « enfantines » pour plusieurs personnages, alors même qu’à plusieurs reprises les visages surjouent les expressions à la manière du manga – ce que je n’aime pas vraiment – avec des visages un peu grotesques parfois. Quant aux scènes de combats, je ne les ai pas trouvées à mon goût (dans les deux tomes pour le coup). C’est dommage, car l’univers, les décors, et la colorisation lumineuse (elle aussi moins précise avec le changement de la coloriste dans le second tome) sont plutôt agréables. Un diptyque qui se laisse lire, mais qui globalement m’a laissé sur ma faim. Note réelle 2,5/5.
Le Portrait
Je ne connais pas la nouvelle ici adaptée – et le très peu que je connaisse de Gogol ne m’a pas vraiment attiré sur son œuvre. J’ai emprunté ce diptyque au hasard, et j’en suis sorti déçu. Les deux albums se laisse lire, sans enthousiasme, mais très rapidement. Il faut dire qu’il y a peu de dialogues, et que l’intrigue est quand même squelettique. Ce qui ne m’a pas empêché d’être à la limite de m’ennuyer ! Les aspects fantastiques introduits parcimonieusement ne suffisent pas à dynamiser une histoire trop légère. Quant au dessin, il n’est pas forcément ma tasse de thé. Mais ce trait moderne peu tout à fait contenter d’autres lecteurs. C’est plutôt l’histoire elle-même qui m’a laissé de côté.
Love Not Dead
Mouais. J’ai clairement été moins conquis par cet album que Pol. J’avais déjà tâté de l’auteur avec Grenadine, qui m’avais aussi laissé sur ma faim. Je retrouve ici un dessin un peu simpliste, pas vraiment mon truc, mais qui pourrait tout à fait passer sir le reste me convenait, ce qui n’est hélas pas le cas. L’humour qui cherche à percer de-ci de-là ne m’a pas convaincu. Certes, il y a parfois quelques pointes vaguement trash, mais c’est généralement peu percutant, et surtout ça ne m’a jamais fait rire ou sourire. Reste donc l’histoire en elle-même (une suite de quatre cases qui s’assemblent pour former une histoire complète avec le plus souvent une « chute » en fin de page), que je n’ai pas trouvée transcendante. Des réflexions sur l’amour (physique ou cérébral) qui ne m’ont que rarement intéressé. Affaire de goût peut-être, mais je pense que ce que produit Zalewski n’est pas ma came.
Jihad (L'Empereur-Océan)
Dans un futur proche, la Russie est redevenue un empire autoritaire, dirigé par un dictateur illuminé qui prétend entrevoir l'avenir au gré de ses visions sous LSD. Convaincu d'être la réincarnation de Gengis Khan, il dépêche ses agents à la recherche de la momie d'un moine bouddhiste, censée faciliter son retour. En parallèle, un derviche fanatique s'approche lui aussi, sans le savoir, de cette même momie, porté par une foi sanglante et aveugle. J'y ai retrouvé les régimes grotesques et brutaux à la Enki Bilal, mais surtout une déferlante mystique si délirante qu'on croirait lire un scénario de Jodorowsky. Le grotesque se mêle à la violence dans un chaos narratif constant. Et très franchement, ce n'est pas ma tasse de thé. Les délires ésotériques m'ont vite lassé. Tout y passe : bouddhisme, réincarnations, islam soufi, orthodoxie, ufologie… pour un résultat si confus qu'on ne sait jamais si l'auteur est sérieux ou s'il se moque du lecteur. Difficile aussi de s'attacher à qui que ce soit : les personnages meurent souvent avant d'avoir eu le temps d'exister, ou bien sont réduits à des caricatures de fous mystiques ou de soldats fanatisés. J'ai tout de même lu la trilogie jusqu'au bout, intrigué de savoir où cela mènerait, mais l'ensemble m'a paru si incohérent et décousu que je serais bien en peine d'en proposer un résumé intelligible. Un trip narratif aussi extravagant que vain, dont je suis ressorti plus perplexe que fasciné.
Numéro Invalide
Numéro invalide est l’une de ces œuvres qui devrait être connues de tous. C’est un manga bien narré, avec des dessins percutants qui arrivent à nous faire ressentir toutes les émotions et l’enfer que la mangaka a vécus. La mangaka est très douée pour synthétiser et rendre accessible des informations médicales. C’est une œuvre difficile à lire par sa violence mais nécessaire. À recommander en masse.