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Couverture de la série Spirite
Spirite

C'est en consultant le site que je me suis aperçu que seuls les deux premiers tomes étaient disponibles pour le moment. Je souhaite vraiment que Drakoo n'interrompe pas la série de Mara car j'ai trouvé bien du plaisir à cette lecture tout public. Dans un esprit de comédie type "SOS fantômes" avec un zest de Voldemort, l'autrice délivre un scénario bien ficelé et très tonique. Les personnages principaux sont très attachants bien que très classiques. L'adjonction de l'aviatrice Mary Pickett presque en hommage à l'aviatrice pionnière Bessie Coleman héroïne de Black Squaw est très sympathique. Cela permet d'introduire la thématique du racisme de façon soft mais réelle. J'ai lu les deux tomes avec plaisir même si, ça et là on peut chicaner sur quelques détails de facilité. Graphiquement j'aime bien les deux couvertures proposées par l'éditeur. Le dessin fait un peu dessin animé mais reste agréable. On se situe toujours dans un registre comique assez jeunesse même pour des scènes avec des morts. A l'image du scénario c'est vif et très expressif. La mise en couleur (avec Morgane Bride et Violette Nouvel) propose une belle variété de tons pour coller au différentes ambiances. J'espère une suite dans pas trop longtemps. Je me permets une "petite" MAJ après la lecture d'un excellent T3. Mara y complexifie la personnalité de ses personnages dans un récit flashback à deux voix. C'est très bien huilé et cette double vision donne beaucoup de sel à la narration. On glisse doucement d'un "tout public" à un "Youg Adult" comme le précise la quatrième. En effet Mara introduit des thématiques et des dialogues qui peuvent être moins accessibles à un jeune public. Le fort rebondissement du tome introduit plusieurs nouveaux sujets comme l'être et le paraître, l'homosexualité, les effets pervers d'une découverte scientifique. En effet ce T3 flashback met le personnage d'Anya au centre du récit avec une culture scientifique qui rappelle celle de Marie Curie. Mara équilibre ainsi son récit entre le fantastique/spiritisme (très en vogue à l'époque) et le réalisme historique de la découverte de l'uranium ( porteuse de grands espoirs à cette même époque). C'est très intelligemment construit et donne un récit qui m'a enthousiasmé. Pour le reste nous sommes dans la continuité graphique des deux premiers tomes avec une très très belle couverture. Une série qui a vraiment de "la gueule" dans la forme et le fond. Si le T4 est de la même force je n'hésiterai pas à monter ma note au max.

08/10/2024 (MAJ le 25/02/2025) (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Passions
Passions

Je ne suis plus un enfant monsieur Braddock. - Ce tome constitue un recueil de 9 histoires courtes, d'une page à 16 pages. Elles sont toutes en couleurs. L'album comprend 44 planches de bandes dessinées. Il a été réalisé par Daniel Goossens qui a tout fait : scénario, dessins, couleurs. La première édition date de 2014. (1) Les bidoches (4 pages) - Louis indique à Georges qu'il souhaite réaliser une adaptation de la célèbre bande dessinée des Bidoches, mais à sa manière, parce que la vie en HLM ça ne fait pas rêver, et en ajoutant aussi du drame parce que l'humour ça ne suffit pas. Le titre : Autant en emporte la Bidoche. (2) La piste des Magombos (16 pages) - Le guide Mac Cabe conduit Brenda Willis à travers la brousse jusqu'à la mission où se trouve son mari. Elle tombe sous le charme du chasseur Butch Braddock, un individu qui n'a plus son bras gauche. Elle l'accompagne dans la brousse. Il lui fait rencontrer les indigènes de la tribu Magombos, et elle assiste à une scène terrible de mise à mort d'un bébé sauvage, avec récupération de couche sale. (3) - Chagrin (5 pages) - Louis rend visite à sa mère ; il est assis dans le fauteuil en face d'elle, son chapeau à la main, pendant qu'elle tricote. Il évoque une femme qu'il voyait en bas d'un immeuble qu'il ne pouvait pas aborder faut d'avoir de quoi se payer ses tarifs. Ensuite, il évoque le sourire vertical, celui de la braguette ouverte. (4) Charmes (2 pages) - Louis continue à parler avec sa mère de son besoin d'argent pour aller voir une prostituée, qui a besoin d'argent pour se faire refaire la poitrine. Ils parlent ensuite de son charme, ou plutôt de son absence de charme à lui. (5) Solitude (1 page) - Louis papote avec sa mère et évoque sa difficulté à mettre des femmes dans son lit. Il arrive à les faire bailler, parfois à les faire rire ; sa mère ne réagit pas. (6) Place aux jeunes (2 pages) - La mère de Louis revient de faire les courses et son fils l'attend pour lui demander de l'argent afin d'aller voir une professionnelle. Sa mère lui fait observer qu'il s'est déjà reproduit. (7) Une fille formidable (5 pages) - Louis lit un poème en prose à Georges, écrit par une femme et d'un érotisme torride. Il lui indique qu'il va rejoindre l'autrice qui est dans la pièce d'à côté. (8) La fureur du désir (3 pages) - Georges et Louis sont sur leur transat dans le joli jardin de leur pavillon. Pour sortir de la routine, Louis envisage le fait que Georges soit une péripatéticienne et que lui Louis soit son client, ce qui les met en indélicatesse face à son mac qui fait irruption dans la chambre. (9) Passions (6 pages) - Louis et Georges sont sur leur transat dans le joli jardin de leur pavillon et Louis indique à Georges qu'il ne le fait plus rêver, en se laissant pousser des doubles mentons. Ils entrent se reposer dans leur fauteuil devant la cheminée, et Louis évoque sa vie rêvée de conquêtes amoureuses. Daniel Goossens participe à la revue Fluide Glacial depuis 1977, ce qui en fait de lui un des piliers. Il est connu et reconnu pour son humour absurde s'exprimant aussi bien contre les bébés dans L'encyclopédie des bébés , que pour révéler La vie d'Einstein . Il n'y a pas de raison objective ou logique à découvrir l'œuvre de cet auteur à l'humour fin, froid, glacé et sophistiqué, par cet album plutôt qu'un autre, ou le contraire. Le lecteur plonge donc dans une suite d'histoires courtes et il remarque que pour une raison inexplicable et qui reste inexpliquée, celle portant le titre de Le sourire vertical n'est pas répertoriée dans le sommaire, et que les pages des histoires (3) à (6) sont en fait numérotées comme s'il s'agissait d'une unique histoire. Le lecteur observe que l'auteur met en scène Louis dans toutes ses histoires sauf une (la numéro 2), sans que cela n'ait non plus d'importance. Il ne peut rien déduire non plus du nombre de pages par histoire ou du nombre de personnages mis en scène. Il ne lui reste plus qu'à prendre ces séquences comme elles viennent, sans essayer d'y retrouver un horizon d'attentes sans fondement. Daniel Goossens fait comme tout le monde et appâte le lecteur avec une magnifique couverture, vaguement évocatrice du souvenir que le lecteur peut se faire d'Autant en emporte le vent. Il observe un coup de crayon agile et élégant qui croque des personnages avec un gros nez. Il n'y a que les protagonistes du récit La piste des Magombos qui échappent à un appendice nasal surdéveloppé. Étrangement, ça ne les rend pas plus crédibles. Au contraire, l'auteur se déchaîne avec l'humour absurde, ce qui ne fait que plus ressortir le ridicule de la tonalité romantique de ces beaux acteurs. Les gros nez deviennent la manifestation de l'intention comique, l'élément qui assure la cohérence des personnages avec leur fonction de ressort comique. Pour le reste, le lecteur est frappé par la qualité descriptive des dessins et leur richesse. En tant qu'artiste Goossens réalise des planches à l'identique de ce qu'il ferait pour une comédie dramatique ou un récit d'aventures. Les acteurs présentent des morphologies bien distinctes. Ils bénéficient de tenues vestimentaires spécifiques, parfois teintées d'une touche d'exagération : le décolleté pigeonnant du chemisier rouge de Brenda Willis, les pagnes et les parures stéréotypées des Magombos, la robe et les charentaises très confortables de la mère de Louis, les tenues racoleuses et voyantes des différentes prostituées. De séquence en séquence, le lecteur peut se projeter dans chaque endroit grâce à un travail soigné du chef décorateur. La recréation du salon d'une maison de riches propriétaires du Sud est consistante et cohérente. La page d'ouverture du deuxième récit montre les différents animaux qu'évoque le guide : serpent, alligator, toucan, calaos, grenouille du Brésil. Le Citroën type H (utilitaire léger de type fourgon automobile) est d'une authenticité remarquable. Le salon de la mère de louis est confortable et accueillant. Le lecteur se dit qu'il aimerait bien profiter du soleil sur un transat, dans le jardin de Georges et Louis (mais de préférence sans eux). L'opulence des différents intérieurs décrits dans la dernière histoire atteste de l'aisance financière des différentes femmes de Louis. Pour ses découpages de planche, Goossens privilégie les cases bien détourées et sagement alignées. Le nombre de case par page est en moyenne de 6, mais il peut monter jusqu'à 12 quand il s'agit d'une discussion entre Louis et sa mère, et que l'intérêt visuel réside dans le langage corporel des interlocuteurs : variation des postures, expressions des visages. Il n'y a que dans l'histoire Une fille formidable, où Goossens se lâche un peu avec des dessins différents coexistant au sein d'une même case, ou des cases sans bordure, pour que la forme de la narration soit à l'unisson du poème en prose. Le lecteur plonge dans une suite de 10 saynètes (ou 5, ça dépend comment il compte, mais on ne va pas revenir dessus) grâce à des images soignées, des acteurs avec une trogne marquée, mais avec un jeu d'acteur naturaliste, des décors réalistes et détaillés. En total décalage, dès la première histoire, il est confronté sans ménagement à l'humour puissant de l'auteur. Cela commence par un jeu sur une référence, celle aux Bidochon et à Binet dont les noms sont écorchés. Par la suite, Goossens effectue d'autres références plus ou moins marquées, parfois à ses propres œuvres (L'encyclopédie des bébés), parfois à des films précis ( Autant en emporte le vent dans la première histoire), parfois de manière plus générique (le héros viril et marqué par ses aventures), parfois à des stéréotypes culturels (à de nombreuses reprises sur les prostituées dans ce tome), d'autres fois à des humoristes comme Fabrice Luchini ou Édika (une maladie imaginaire appelée Delirium Profondicum). Il peut aussi effectuer des variations humoristiques sur des expressions toutes faites comme Femme qui rit à moitié dans son lit, Couvrir une femme de bijoux, Un individu dans sa tour d'ivoire. Il s'amuse également beaucoup avec les conventions propres aux publicités télévisuelles pour les couches. Enfin il n'hésite pas à utiliser une citation totalement inventée de René Chateaubriand : Le désespoir, c'est une culotte vide ; à quoi bon mettre les mains dans le désespoir ? Le lecteur peut prendre la première saynète comme une aimable moquerie des producteurs ou auteurs se lançant dans l'adaptation cinématographique d'une œuvre (ici une série de bande dessinée) sans rien en connaître et en la transformant tellement qu'il ne reste plus rien de la création originelle. La deuxième histoire commence comme un pastiche d'une comédie dramatique où une femme va découvrir les vraies valeurs de la vie au contact d'un homme marquée par la nature, et des indigènes africains. Mais rapidement, l'histoire se transforme en une réclame pour les couches pour bébé (avec les petites fronces à l'entrejambe), aboutissant à un manteau de couches sales que même Lady Gaga n'aurait pas eu l'audace de concevoir. Goossens met en œuvre un humour absurde à froid, en utilisant des conventions et des stéréotypes de différents genres littéraires en dehors de leur contexte, à contretemps, les désamorçant totalement. Parfois, le lecteur a besoin de prendre un peu de recul pour mesurer l'absurdité d'une situation allant jusqu'à l'obscène, par exemple Louis taxant sa mère pour aller voir les prostituées, en lui expliquant leurs difficultés économiques. En fonction de son état d'esprit, le lecteur peut trouver les situations juste absurdes sans aucune dimension comique (les blagues filées sur les couches souillées), ou au contraire d'une perspicacité pénétrante et élégante (la transposition des formes de poitrine et de seins, à la forme des portefeuilles des hommes). Dans tous les cas, il sait que l'auteur maîtrise chaque abus de langage, chaque situation absurde, et qu'il le fait sciemment. L'appréciation de ce tome et de cette forme d'humour dépend beaucoup de l'état d'esprit du lecteur. Le savoir-faire et les compétences de l'auteur apparaissent comme une évidence, qu'il s'agisse de la qualité de ses dessins et de sa narration visuelle, ou de l'inventivité des différentes situations. Pour ressentir l'effet comique des situations et des propos, le lecteur doit y participer activement, en se moquant de ce qui lui est montré, soit de la bêtise des personnages, soit de leur misère affective. Ce sens de l'absurde repose sur la conviction profonde que la vie est dépourvue de sens et que chacun est prisonnier de sa finitude ce qui fait de lui un idiot se heurtant à ses limites. De ce point de vue, il devient drôle que Louis s'ouvre de sa misère sexuelle à sa mère, ou que la frustration soit au cœur de la vie de tout être humain, sans espoir d'y échapper. C'est un humour qui ne peut pas laisser indifférent, mais qui peut aussi s'avérer très dérangeant. Une inventivité extraordinaire, et une vision de la vie peut-être trop décapante, trop décillée qui fait que le lecteur n'éprouve pas d'envie de s'identifier aux personnages.

25/02/2025 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5
Couverture de la série Léviathan (Ki-oon)
Léviathan (Ki-oon)

Un manga horrifique comme je l'aime. Dans le futur, un groupe d'étudiant sont en voyage dans l'espace et tout va bien jusqu'à ce que le vaisseau soit victime d'une catastrophe qui va l'endommager et il y a rien à faire sauf attendre et espérer que les secours arrivent avant le manque d'oxygène... On sait déjà que cela va mal se finir parce qu'on suit un groupe de pilleurs de vaisseaux qui sont tombés sur le journal d'un des étudiants, mais cela reste un scénario qui contient des surprises et des retournements de situations tout le long des 3 tomes. Le scénario est prenant et l'auteur explore bien ce qui peut arriver lorsque des ados sont laissé à eux-mêmes dans une situation où un seul a une chance de survivre. On va aborder plusieurs thèmes qui sont bien utilisés, j'ai aimé l'ambiance huis-clos du vaisseau et il y a une bonne ambiance qui se dégage du dessin. L'intrigue se passe dans un futur où la terre est dirigée par une dictature. On ne voit pas grand chose de ce qui se passe sur Terre et dans les colonies, mais l'auteur distille bien les informations et on comprend facilement la situation actuelle des humains dans cet univers. Je regrette toutefois que certains élèves soient un peu difficiles à différencier et aussi par moment on dirait qu'il y avait des nouveaux élèves qui semblaient sortir de nulle part. On tombe aussi sur le cliché du récit se passant dans le passé narré par une personne et il y a des scènes sans le narrateur !

24/02/2025 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5
Couverture de la série Love My Life
Love My Life

Aimer les filles ou les garçons, c'est aimer de toute façon. On va découvrir au travers plusieurs histoires le parcours d'une jeune fille, Ichiko. On va suivre son parcours amoureux de lesbienne aux travers différentes thématiques (certaines ne sont pas spécifiques à l'homosexualité) : le coming out, le premier amour, le regard des autres, la jalousie, le plaisir de la chair, la peur d'être rejetée, la relation à distance. Bref, la découverte de soi, un passage obligé pour grandir. Évidemment, pour apprécier cette lecture il faut un minimum aimer la romance, ce qui est mon cas. J'ai trouvé Ichiko très touchante, on ressent ses doutes et ses questionnements de jeune fille (on ne peut pas lui demander de penser comme une personne de 30/40 ans) qui va entrer dans le monde des adultes. Ici, pas de pupilles bandées ou de biceps amoureux mais plutôt un sourire qui pleure. Le ton est léger et les dialogues sont justes. Alors oui, elles font souvent l'amour, mais n'est-ce pas de leur âge ? Graphiquement, un dessin qui m'a charmé avec son trait simple, fin et épuré. Une belle lecture.

24/02/2025 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
Couverture de la série L'Ère de l'égoïsme
L'Ère de l'égoïsme

Ce n'est pas le premier Darryl Cunningham que je lis, et même si je ne suis pas en total accord avec lui sur certains points, je reconnais que ses documentaires ont l'avantage de ne pas être trop partisans, permettant ainsi de toucher un plus large public par des faits examinés scrupuleusement. Cette BD est un bon pendant à d'autres sur l'économie (je pense à Economix, Capital & Idéologie ou encore La Survie de l'Espèce) avec une centralisation ici sur le néolibéralisme et la façon dont celui-ci a conduit à la crise bancaire de 2008. La BD s'ouvre de manière originale en présentant une autrice que je ne connaissais pas, mais qui a eu une pensée politique importante dans la construction de plusieurs personnes devenues par la suite importantes dans la politique américaine. Et franchement, cette dame fait froid dans le dos. Son discours, sa pensée, sa façon d'être la font passer pour une fasciste s'imaginant libératrice de l'humanité. Une femme impressionnante, mais pas dans le bon sens du terme. C'est assez originale de présenter cette autrice en premier lieu, puisque cette idéologie de l'égoïsme est ce qui transparait par la suite. Sauf que finalement, les crises (notamment donc celle de 2008) présentent bel et bien les limites de ces pensées. Le déroulé du discours est glaçant, en même temps qu'il montre implacablement l'incapacité du néo-libéralisme à tenir ses promesses. Ce qu'il crée comme monde, nous le connaissons désormais bien : l'enrichissement des plus riches, l'appropriation du monde par une petite élite, la privatisation de tout, le délaissement de tout ceux qui n'ont rien. La plus belle dystopie que le monde capitaliste pouvait nous vendre ... Cette BD est franchement bien faite, malgré son dessin simplifié au maximum. L'exposé est clair, démontrant dès l'origine les défauts de cette pensée et du système qui le défend. Les trois parties, bien équilibrées et très claires dans leurs propositions, mettent en lumière tous les rouages qui se sont imbriqués les uns dans les autres jusqu'à un final incroyable. Décortiquer l'opposition droite-gauche sous un angle psychologique est assez fou, même si je trouve que sa démonstration semble vouloir proposer un sophisme du juste milieu ("Nous avons besoin des deux"). En tout cas, malgré plusieurs lectures à ce sujet, j'ai encore appris des choses. Et surtout, j'ai été étonné de découvrir Alan Greenspan surpris que sa pensée politique soit finalement mauvaise, après quarante années à la défendre. Je retirerais surtout de cette BD que l'égoïsme est lié par essence au néo-libéralisme, mais aussi que Ayn Rand est l'autrice préférée de Donald Trump. Et que si la pensée de gauche a disparu de nos radars, il nous appartient de faire renaitre dans l'espace public la défense de l'entraide et de la solidarité.

24/02/2025 (modifier)
Couverture de la série La Baleine bibliothèque
La Baleine bibliothèque

Je connaissais le Zidrou humoriste, policier, fantastique voire historique ou presque gore (Marina) et même au centre d'une polémique de stéréotype raciste, mais je n'avais pas encore rencontré le Zidrou poète. C'est chose faite avec cette série qui m'a vraiment beaucoup plu. Les auteurs nous proposent un véritable poème (romantique) d'amour chargé d'une belle émotion. Sa construction est assez étonnante. J'ai emprunté ce volume dans la section jeunesse et effectivement cela débute sur un mode d'illustrations d'un conte pour enfants sur un sujet que je ne connaissais pas: la poste maritime. Cette accroche m'a tout de suite intéressé d'autant qu'elle introduit la thématique principale sur l'amour de la mer et l'amour de son métier. Comme ce poème est aussi conte, le fantastique a droit de cité dans la rencontre avec une baleine vieille comme la terre et la culture humaine. Puis le réalisme reprend ses droits avec un amour à sa belle et quelques planches surprenantes si on les imagine entre les mains de jeunes enfants. Malheureusement même par une belle nuit de mai, les chants les plus beaux … Zidrou se fait alors porteur de la poésie Romantique où la souffrance ( d'un accouchement par césarienne ?) est moteur de la création la plus belle. Il serait injuste de réduire cette œuvre au travail de Zidrou tellement le graphisme de Judith Vanistendael apporte à la série. Ses peintures sont à la fois belles et touchantes. Judith propose un équilibre subtil entre l'illustration posée et le dynamisme des cases BD. C'est une succession de temps forts et de temps faibles qui nous conduit à travers la houle et le danger de vivre toujours présents. Une œuvre surprise bien plus riche qu'il n'y paraît et à découvrir. J'ai été complétement sous le charme.

24/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Forté
Forté

Je me suis vraiment régalé à lire cette série pleine de fraicheur. A travers un scénario d'une grande fluidité les autrices mettent en valeur la thématique du mérite. Flavia expérimente la fameuse maxime sur le génie "1% d'inspiration et le reste de transpiration". Manon Heugel fait de sa petite brésilienne issue d'une favela de Belem une illustration parfaite, touchante et crédible d'un tel parcours. Le second personnage clé de la série est l'Ecole Normale de Musique de Paris qui forme dans l'excellence les concertistes de musique classique. Sans tomber dans un côté documentaire aride les auteurs dépeignent avec une belle humanité le très difficile apprentissage vers l'excellence. Le côté universel du langage de la musique est bien rendu par cette population étudiante issue d'un nombre important de pays. Les autrices y glissent aussi une chronique très réaliste de la vie étudiante où recherche d'argent , isolement de la famille ou attirances sentimentales trouvent une petite place dans un quotidien qui ne tolère pas de relâchement. Le graphisme de Kim Consigny au trait fin donne une allure de reportage à cette histoire. La narration graphique développe ainsi une grande tonicité . Sa belle fluidité vous colle à ce récit qui propose de très belles valeurs sans être guimauve à mes yeux. Une mise en couleur classique mais adéquat participe au grand plaisir que j'ai eu à lire cette série.

24/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Paroles d'honneur
Paroles d'honneur

Cette série relate les rencontres de l'auteure marocaine Leïla Slimani à la suite de son essai sur la sexualité des femmes marocaines. Le récit s'appuie sur des témoignages souvent bouleversants de femmes qui rencontrent de grandes difficultés à vivre une sexualité épanouissante et libre. Elle souligne ainsi les contradictions au sein d'une société qui doit équilibrer progressisme et tradition dans le respect de l'Islam. Il y a beaucoup de passages très intéressants même si je me suis senti en dehors de la thématique. La réflexion et le débat portés par Slimani s'adressent avant tout aux législateurs de son pays. Le message est aussi fort envers ses compatriotes masculins pour qu'ils s'interrogent sereinement sur leur position vis à vis de la sexualité féminine. Le graphisme de Laetitia Coryn est très classique parfois un peu scolaire et rigide mais il accompagne très bien un texte fourni et intelligent. Comme il y a beaucoup d'entretiens cela produit un visuel un peu statique mais la multiplication des témoignages permet une dynamique qui favorise la narration. Une lecture intéressante pour un ouvrage courageux. Je pousse un peu ma note pour tirer le général vers le haut. 3.5 me convient bien

24/02/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série De Cape et de Mots
De Cape et de Mots

Dans un royaume qui rappelle la France de Versailles, une jeune noble sans le sou mais volontaire et intelligente quitte sa famille pour devenir demoiselle de compagnie de la reine. Elle va découvrir les manigances qui se trament dans les alcôves du château et devra mettre en action toute sa finesse d'esprit et sa bonté d'âme pour s'en sortir et aider le vieux roi. Quitte pour cela à jouer le rôle de bouffon du royaume... J'ai passé un excellent moment à la lecture de cette BD. Ce que je croyais au départ être la trame d'une aventure historique se rapproche en définitive bien plus du conte pour la jeunesse. Il y a des méchants pas trop méchants, des gentils un peu naïfs, un cadre de palais entre le conte de fées et le Versailles du Roi Soleil, et une héroïne très débrouillarde qui réussit à se sortir de toutes les péripéties par son astuce, sa maîtrise de la langue française, son ouverture d'esprit et sa générosité. C'est une aventure empreinte de bienveillance, peuplée de personnages charmants, de situations pleines de finesse et d'humour, et d'une tonalité aérienne qui illumine la lecture. Le dessin, lui aussi, s'épanouit dans une légèreté lumineuse qui réchauffe le cœur et suscite le sourire. Une lecture chaleureuse, divertissante, dépaysante et pleine d'optimisme. Pour tous publics, même si je trouve que la cible principale est aux alentours de 12 ou 13 ans.

24/02/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série L'Arleri
L'Arleri

Le plus beau rôle : la muse. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première édition date de 2008. Il a été entièrement réalisé par Edmond Baudouin, auteur de bandes dessinées depuis 1980. Dans le studio du peintre Paul, une modèle est en train de poser nue, debout les bras croisés derrière la tête, pendant qu'il est en train de la peindre. La modèle (la muse) lui fait observer qu'il est vieux. Elle lui demande son âge. Il lui répond qu'elle lui fait penser à sa mère. Il lui propose de faire une pause et de prendre un thé. Elle revêt une robe rouge et lui demande quel est son plus ancien souvenir. Il répond qu'une fois il a été chassé du paradis, mais qu'il ne se souvient plus de ce jour. La muse étant étonnée, il clarifie son propos : il parle de son expulsion du ventre de sa mère, du fait que l'invention du Paradis correspond à la nostalgie du temps avant la naissance. Il continue en indiquant qu'il a passé sa vie à retourner le plus souvent possible dans les femmes, avec ses faibles moyens. Mais cette quête lui a surtout appris à mesurer la distance qui sépare l'homme de la femme. Paul continue d'évoquer son apprentissage des différences entre les hommes et les femmes. Il se rappelle qu'à la cour d'école, les garçons étaient déjà dans une sorte de compétition, pour pisser le plus loin, sauter le plus haut, courir le plus vite, oser dire les mots les plus cochons, etc. Au contraire, les petites filles se livraient à des jeux dont la compétition était exclue. Pour lui, c'est lié au fait qu'elles avaient déjà la conviction inconsciente qu'elles pourraient continuer le monde avec leur ventre, ce qui les rend sereines. Il ajoute que cette course des garçons à inventer des compensations fait l'Histoire. Elle lui demande de lui raconter l'histoire. Il accepte, mais elle doit recommencer à poser. Il énumère la liste de toutes les activités de compensation que les hommes entreprennent : maîtriser, dominer ordonner, créer, posséder, civiliser, construire, détruire, faire à son image. Il parle ensuite de ses 14 ans, quand il réparait sa mobylette en vue d'une course avec un copain, et que Julie est passée devant lui, dans une robe rose, sans lui adresser la parole comme à son habitude. Il n'a pas pu s'empêcher de lui dire qu'elle n'était même pas belle. Ce à quoi elle a répondu que son opinion est le dernier de ses soucis. Tout d'un coup, sa mobylette avait perdu tout intérêt pour lui. Cette bande dessinée s'apparente donc à un long discours sur la nature des différences entre les hommes et les femmes, tenu par un homme ayant essayé de comprendre ces différences, de mesurer la distance séparant les 2 genres et de bâtir un pont par-dessus ce gouffre. D'une certaine manière, il est possible de considérer cet ouvrage comme un essai sur ce thème, avec le discours de ce vieil homme disposant d'une longue expérience et s'étant livré lui-même à cette quête, avec quelques questions de sa muse pour qu'il éclaircisse un point de son argumentation. Le lecteur découvre des pages avec une densité importante de mots, sans qu'ils ne mangent les images, sans qu'ils ne donnent l'impression d'une lecture pesante ou fastidieuse. La prose de l'auteur est claire et simple, offrant une lecture agréable et légère. Ce roman graphique s'apparente donc une œuvre entre psychologie et philosophie. Baudoin indique rapidement que pour lui les différences homme/femme proviennent d'une différence unique : la capacité de la femme de donner la vie, d'enfanter, chose qui reste inatteignable pour l'homme. Il évoque cette conviction dès la page 7. Elle revient régulièrement tout au long des 100 pages de BD, et il la reprend dans sa conclusion en page 97. Pour autant, Edmond Baudoin ne se contente pas de dérouler un texte tout ficelé en le collant dans des phylactères accolés à des têtes en train de parler. Plusieurs surprises attendent le lecteur à commencer par une suppression du quatrième mur, et la muse n'est pas une simple potiche, une chambre d'écho ou un artifice narratif. De la même manière, le déroulé du raisonnement de l'auteur ne se limite pas à un exposé théorique. Quand Paul se met à raconter l'histoire, il raconte la sienne, son histoire avec les femmes. Il évoque ainsi son premier amour, sa première relation sexuelle, les autres femmes, la mère de ses enfants, etc. Baudoin évoque la manière dont Paul se heurte à la réalité, comment chaque rencontre avec une femme l'oblige à revoir ses préjugés, à prendre conscience de la fausseté de ses représentations. Cela commence doucement avec la réalité basique de la différence des jeux entre filles et garçons dans la cour d'école. Cela continue avec des considérations plus sociologiques comme les caractéristiques discriminantes des sociétés patriarcales vis-à-vis des femmes, l'évolution de la représentation des pénis durs de façon imagée avec les pistolets dans les films, la différence entre amour et sexe, la dissociation entre amour et fidélité, l'impossibilité de posséder une femme, les différences de comportement post-coïtal, etc. L'auteur n'hésite pas à aborder les questions de manière frontale, avec des termes explicites, mais sans vulgarité, ni grivoiserie. Il s'interroge honnêtement sur ses idées préconçues, les femmes lui indiquant leur façon de penser. En fonction de son expérience personnelle, le lecteur se reconnaît dans certaines façons de penser, dans certaines remarques, dans le décalage entre ses attentes et la réalité, qu'il soit homme ou femme. Il apprécie la délicatesse, la franchise et la retenue de l'auteur, y compris du point de vue visuel. L'exposé et le fil de vie de Paul abordent sa relation avec les femmes, à chaque fois à partir de son désir sexuel et des relations qui s'en suivent. Edmond Baudoin ne se montre pas hypocrite et représente donc les corps dénudés. Pour autant, il ne s'agit pas d'un ouvrage pornographique (aucun gros plan anatomique ou de pénétration), ni même d'un ouvrage érotique magnifiant une représentation descriptive du corps féminin (ou parfois masculin), encore moins d'un manuel passant en revue les positions. La muse apparaît nue de face dès la première page, sa silhouette détourée d'un trait dont l'épaisseur varie, avec quelques courts traits noirs pour évoquer la toison pubienne, et juste un gros point noir pour le téton gauche. L'artiste s'amuse à reprendre cette représentation simplifiée en page 3, dans un cadrage de la toile du peintre débutant juste en dessous du cou et s'arrêtant à mi-cuisse, avec à nouveau ces quelques tâches noires pour la toison pubienne et les mamelons. Il n'y a pas d'érotisme à proprement parler, mais plus une impression poétique. Ce phénomène se répète en page 9 quand le corps allongé de la muse se dédouble dans cette nouvelle pose, indiquant sa silhouette physique et le début d'interprétation qu'en fait le peintre. De même quand Julie retire son teeshirt sur le lit de Paul adolescent, elle est de trois-quarts de dos, et son torse est détouré d'un trait rouge orangé, sans précision photographique. Baudoin varie sa technique de représentation en fonction de la nature de la scène, de l'état d'esprit des personnages, de la tension sexuelle, de l'attente. Il applique les mêmes modalités de représentation au corps masculin dénudé. S'il n'y est pas sensible ou attentif, il faut un peu de temps pour que le lecteur prenne pleinement conscience de la subtilité de la narration de visuelle. Il ne s'agit pas d'un simple tête-à-tête entre la muse et l'artiste dans son atelier, car lorsque Paul évoque ses souvenirs, ils sont représentés dans les cases, les images montrant le lieu et les personnes évoquées. Edmond Baudoin choisit sa technique de représentation en fonction de la nature de la scène. Il peut détourer les formes avec un trait encré, ou un trait de contour réalisé au pinceau avec une couleur noir, comme il peut passer en mode aquarelle sans trait de contour, parfois même de simples tâches de couleurs pour évoquer la forme d'une tête et de sa chevelure, sans traits de visage. En page 29, le lecteur a la surprise de découvrir une photographie des berges de Seine à Paris, intégrée en l'état, technique utilisée de manière sporadique, la photographie étant parfois retouchée à l'encre ou à la couleur. L'artiste ne s'aventure pas sur le terrain de l'abstraction ou de l'art conceptuel, mais il n'hésite pas à passer en mode impressionniste ou expressionniste quand il souhaite s'exprimer de cette façon. Il ne s'agit pas pour lui d'apporter de la variété au gré de sa fantaisie, mais bien d'exprimer des ressentis en mettant différentes techniques au service de sa narration visuelle. Au fil des pages, le lecteur ressent pleinement cette adéquation entre flux du discours ou des dialogues et caractéristiques visuelles de la séquence. Il perçoit la fibre émotionnelle, l'affect accompagnant les propos. Edmond Baudoin joue également sur la mise en page pour faire fluctuer le rythme, insérant quelques dessins en pleine page, des images juxtaposées sans bordure, même si la majeure partie du temps il s'en tient à des cases rectangulaires avec bordure, sagement alignées en bande. Le lecteur prend donc grand plaisir à découvrir la vision personnelle de l'auteur sur la différence entre femme et homme. Il constate que la différence de la capacité à donner la vie constitue une caractéristique qui éclaire les différences de comportement à la fois sur le plan sexuel et sur le plan du genre. Ce discours aborde également la question de la différence entre amour affectif et amour physique, ainsi que la question de la fidélité. Il se termine avec une ouverture en forme de rapprochement entre l'amour et la peinture, une façon d'être attentif à l'autre et d'être présent, et sur une profession de foi quant à la nature de la vie, la manière de vivre en sachant que la mort suit l'individu toujours à trois pas derrière. Cette bande dessinée est à la fois une thèse sur l'essence de la différence entre les hommes et les femmes, une biographie vue à partir des relations amoureuses, une narration visuelle d'une sophistication et d'une richesse aussi discrètes que justes, une façon d'envisager la vie aussi personnelle qu'attentive à l'autre. En considérant les avancées sociales gagnées par les femmes, l'auteur ne peut constater que l'homme n'est toujours en mesure d'enfanter. Citation : Les plus grands poèmes sur la liberté ont été écrits par des humains privés de liberté. Les hommes ont écrit les beaux poèmes sur l'amour. Est-ce parce qu'ils en sont interdits ? Parce qu'ils le magnifient pour qu'il soit impossible à atteindre ? Toujours ailleurs, dans le paradis perdu du ventre de leur mère.

24/02/2025 (modifier)