Putzi

Marchand d'art dans le New York bohème des années 1910, musicien à ses heures, Ernst Hanfstaengl devint dix ans plus tard le confident et le pianiste d'Hitler.
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Cet excentrique était fasciné par le chef des nazis, à qui il offrit de l'argent notamment pour remettre à flot l'organe de presse du mouvement, le Völkischer Beobachter. Il lui fit rencontrer la famille Wagner. Il rêvait d'honneurs et d'une alliance entre l'Allemagne et les États-Unis, ses deux patries. Nommé responsable de la presse étrangère du Reich en 1933, il crût à son destin. Jalousé par Goebbels et Göring, il n'obtint que la disgrâce. Son incroyable exil le conduisit au président Roosevelt, qui fit de lui son principal informateur sur le Fuhrer. Traître pour les uns, bouffon sans conséquence pour les autres, il fut l'un des artisans du mal. Thomas Snégaroff s'est allié avec Louison (Marilyn - Dernières séances) pour adapter son roman à succès en bande dessinée.
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Date de parution | 05 Juin 2024 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis


Le paon est de retour. Il ne marche plus, il vole. - Ce tome contient un récit de nature autobiographique, réalisé à partir du roman de Thomas Snégaroff : Putzi: Le pianiste d'Hitler (2020) qui a reçu le prix Prix Jean-Lacouture en 2022. Son édition originale date de 2024. La bande dessinée a été réalisée par Louison (Louise Angelergues), pour l’adaptation, les dessins et les couleurs. Il comprend cent-trente-huit pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec une préface rédigée par Snégaroff évoquant son émotion à voir ses images mentales prendre vie, ses longues journées dans les archives à Munich et à Washington, le vertige de honte ou d’inquiétude, éprouvé par la dessinatrice en enchaînant les croix gammées et en prenant plaisir à dessiner les traits gargantuesques de Putzi. Il conclut en disant qu’il ne sait toujours pas si cet homme fut un monstre ou clown, et il laisse le lecteur être happé par ce destin qui éclaire, à sa manière, ce siècle de bruit et de fureur. Fraternité. Ernst Hanfstaengl est dans l’entrée dans sa maison. Il met son chapeau sur la tête et il endosse son manteau. Il vérifie son apparence dans le miroir et il sort avec son invité : Adolf Hitler. L’année 1924 s’achève. Quelques jours plus tôt, Hitler a été libéré de la prison de Landsberg. Il n’y a purgé qu’une infime partie de sa condamnation après le piteux échec du putsch de la Brasserie en novembre 1923. On lui interdit de prendre la parole en public. Que lui importe la liberté dans ces conditions ? À peine libéré, il s’est rendu chez les Hanstaengl, Ernst et Hélène. Putzi, le surnom d’Ernst, est l’un des fidèles d’Hitler. Sa visite le comble. C’est lui qui a été choisi, et pas l’un des incultes qui gravitent autour d’Hitler. Mais il n’est pas dupe. Il sait que son ami n’est pas venu uniquement pour lui. Hitler nourrit une passion pour Hélène. C’est par elle que le Führer est devenu, dès le début de 1923, un de leurs invités les plus réguliers. Après un meeting qu’Hitler avait tenu au cirque Krone de Munich, Putzi lui avait présenté son épouse. Les yeux plantés dans ceux d’Hélène, le dirigeant politique avait accepté l’invitation à dîner d’Hanfstaengl. Depuis, leur demeure était devenue un foyer de substitution. Il y passait de longues soirées à monologuer sur la renaissance de l’Empire allemand. Ou encore à jouer avec le petit Egon. Il lui racontait ses souvenirs de la Première Guerre mondiale en imitant le bruit des canons… tout en jetant des regards furtifs à Hélène. Putzi n’était pas jaloux. Il avait vite compris qu’Hitler était incapable de céder à la tentation. Les contacts physiques le dégoûtaient. Des années plus tard, après avoir malgré tout cherché à lui trouver une femme, Putzi confiera à des amis : Hitler est asexuel. Mais là n’était pas la seule raison de son absence de jalousie. Le fait que Putzi n’aimait pas cette femme épousée en toute hâte en 1920, parce que, à son âge, il fallait bien se marier. À en croire Hélène qui aimait beaucoup Hitler, celui-ci lui devait la vie. Durant la nuit du 8 novembre 1923, le putsch de la Brasserie avait été un échec pour le dirigeant. Pire, ce fut un bain de sang. Il fut blessé. Putzi, lui, avait été prévenu en chemin qu’il devait se mettre à l’abri. S’il se renseigne au préalable sur Ernst Hanfstaengl (1887-1975), le lecteur apprend qu’il s’agit d’un homme de la haute société munichoise, devenu cadre du parti national-socialiste (NSDAP), chargé des relations avec la presse étrangère, et qualifié de pianiste d’Hitler. Il a été surnommé Putzi, ce qui signifie petit homme, par dérision puisqu’il mesurait 1,93m. L’adaptation se fonde essentiellement sur le texte original de la biographie : c’est-à-dire que court le flux du narrateur omniscient dans des cartouches de texte. Pour autant, l’adaptatrice a pris le parti de faire la plus grande place possible aux dessins avec des illustrations en pleine page (au nombre de trente-huit), voire en double page (au nombre six), et majoritairement des découpages de planche en trois cases de la largeur de la page (à l’exception de sept pages). La couverture donne un aperçu des partis pris graphiques de l’artiste. Le lecteur fait donc connaissance avec le personnage principal dès la troisième planche. Son visage présente un énorme menton en galoche. Le lecteur remarque également son regard doux, un peu perdu dans ses pensées. Puis il boutonne son manteau et ses doigts apparaissent bien propres, et un peu épais par rapport aux boutons. Il arbore un sourie d’autosatisfaction un peu fat. Plus tard, ses lunettes lui donnent une apparence un peu perdue. En fait, s’il ignore qu’il s’agit de l’adaptation d’un livre, le lecteur apprécie la narration visuelle et sa qualité aérée, sans ressentir qu’il puisse s’agir d’extraits de livre. Il ressent l’effet du narrateur omniscient, apportant un point de vue sur la personnalité de cet individu à la vie hors du commun, ainsi que le jugement de valeur qu’il contient. Sa représentation aux caractéristiques physiques légèrement exagérées fait sens : au vu de sa stature, il ne peut que ressortir par rapport à n’importe qui d’autre. En 1924, Adolf Hitler a trente-cinq ans : en page neuf, il apparaît plutôt comme un bel homme, avec sa mèche caractéristique bien fournie, et sa petite moustache un peu plus large, ce qui lui fait un visage agréable, avec une silhouette bien dessinée dans son costume. Il apparaît pour la dernière fois en page quatre-vingt-sept, cette fois-ci en uniforme avec des traits plus tirés et un visage plus dur, beaucoup moins sympathique. Le romancier évoque cette situation assez particulière : celle de la dessinatrice ayant la sensation de braver un interdit en dessinant autant de croix gammées dans ses planches, et en représentant autant de fois le Führer. En fonction des pages, il peut s’apparenter à un enfant en colère, ou à un individu énigmatique et malveillant. Les autres personnages présentent une personnalité graphique moins forte : Helene Hanfstaengl une simple jeune femme prévenante, les enfants sympathiques et remuants, un nombre de personnages secondaires et de figurants très réduits, la majeure partie des pages ne comprenant que Putzi. Lors d’un repas avec Winston Churchill, on aperçoit uniquement le bas de son visage, et son cigare bien sûr. Ainsi le personnage principal ressort à la fois par les observations du narrateur omniscient, à la fois par sa présence dans toutes les pages sauf huit. Quatre dans lesquelles le récit se focalise sur ce moment décisif entre Hitler et Helene Hanfstaengl. Quatre autres qui correspondent à un petit mot laissé par Eva Braun (1912-1945) à l’attention de son futur amoureux, une autre où le chapeau de Putzi dérive dans l’océan, une où le corps du Führer se calcine dans l’incendie, et une dernière où il ne reste que ses lunettes posées sur la table. Tout du long l’artiste représente les environnements et les accessoires avec consistance, et de temps à autre une pointe d’humour discret. Ainsi le lecteur découvre l’intérieur du riche pavillon de la famille Hanstaengl, quelques rues de Berlin après un trajet en voiture, dont le Luna Park, des tableaux exposés dans un musée, l’appartement dans lequel Putzi séjourne à New York, un gigantesque rassemblement d’une puissante organisation nazie américaine qui remplit le Madison Square Garden à New York en mai 1934, des cabines de plage au bord de la Baltique, un voyage à haut risque dans un avion militaire allemand avec sûrement un saut en parachute à la clé, un voyage en train pour fuir, un séjour dans un camp que Churchill a décidé d’installer au Canada, etc. Le lecteur sourit par exemple en voyant Putzi se tenant bien droit à la proue d’un paquebot évoquant Titanic. Il sent son regard s’arrêter sur des détails inattendus : le décor en fer forgé de la porte d’entrée du pavillon des Hanfstaengl, les aiguilles à tricoter d’Helene, le visage hilare démesuré de l’entrée du Luna Park, les montures d’écaille des lunettes de Putzi, son uniforme nazi fait sur mesure, une mer de canotiers, le dossier S, etc. Dès son introduction, le romancier indique qu’il s’interroge sur cet homme au destin hors du commun. Était-il un monstre ? Était-il un clown ? Le lecteur est vite pris par le flux narratif : la description d’un individu à la fois pusillanime, à la fois confiant en lui-même. D’un côté, il a épousé une femme pour laquelle il n’éprouve pas d’amour, il semble un père quelque peu lointain, il aime se réfugier dans l’art, et il lui arrive de boire plus que de raison. D’un autre côté, il est fasciné par Adolf Hitler et il le suit avec une forme de courage ou d’inconscience selon les circonstances, de qui l’amène à réaliser des missions de prestige. Les auteurs indiquent explicitement que Ernst Hanfstaengl éprouve une amitié intense pour le Führer, ce qui le galvanise, et aussi ce qui lui donne de l’importance. Ce qui l’amène également à épouser ses combats les plus abjects. Dans le même temps, ses convictions personnelles fluctuent entre un refus de la haine, et un antisémitisme inconscient qui revient régulièrement à la surface, avec parfois des moments de lucidité quand son instinct de survie reprend le dessus. En cours d’ouvrage, le lecteur comprend que les auteurs ont puisé leur matière dans les copieux mémoires rédigés par Ernst Hanfstaengl : débutés en 1942, entre les murs d’une base américaine. Il raconte tout dans ce qu’il appelle le projet S, S pour Sedgwick, le nom de sa mère. À plusieurs reprises, le lecteur se découvre une situation incroyable. Les circonstances dans lesquelles Helene sauve la vie d’Hitler en l’empêchant de se suicider. Putzi dînant avec Churchill alors qu’Hitler n’est pas au rendez-vous tout en se trouvant dans le même restaurant. Putzi se retrouvant dans un camp au Canada : dans ce camp construit dans la précipitation et la confusion, on commet l’épouvantable erreur de mélanger des prisonniers nazis comme Putzi et des Juifs ayant fui l’Europe. Ou encore Putzi allant consulter Carl Gustav Jung (1875-1961) et celui-ci faisant le constat que : Ce qui est impressionnant avec le système allemand, c’est qu’un homme visiblement possédé est parvenu à infecter une nation entière. Hitler est l’inconscient de soixante-dix-huit millions d’Allemands, c’est ce qui le rend si puissant. Sans le peuple, il n’est rien. Le petit bonhomme, le pianiste d’Hitler, celui sans qui le Führer ne serait sans doute jamais devenu celui qu’on connaît : qui est cet homme ? La narration visuelle dresse le portrait d’un individu ne pouvant pas passer inaperçu du fait de sa haute taille, tout en n’ayant rien de martial. Le narrateur omniscient en fait une personne entretenant une amitié intense avec un futur dictateur, à la fois conscient des atrocités commises, à la fois enivré par l’importance de son rôle dans l’Histoire. Un monstre ou un clown ?
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