Les derniers avis (38759 avis)

Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série L'Arleri
L'Arleri

Le plus beau rôle : la muse. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première édition date de 2008. Il a été entièrement réalisé par Edmond Baudouin, auteur de bandes dessinées depuis 1980. Dans le studio du peintre Paul, une modèle est en train de poser nue, debout les bras croisés derrière la tête, pendant qu'il est en train de la peindre. La modèle (la muse) lui fait observer qu'il est vieux. Elle lui demande son âge. Il lui répond qu'elle lui fait penser à sa mère. Il lui propose de faire une pause et de prendre un thé. Elle revêt une robe rouge et lui demande quel est son plus ancien souvenir. Il répond qu'une fois il a été chassé du paradis, mais qu'il ne se souvient plus de ce jour. La muse étant étonnée, il clarifie son propos : il parle de son expulsion du ventre de sa mère, du fait que l'invention du Paradis correspond à la nostalgie du temps avant la naissance. Il continue en indiquant qu'il a passé sa vie à retourner le plus souvent possible dans les femmes, avec ses faibles moyens. Mais cette quête lui a surtout appris à mesurer la distance qui sépare l'homme de la femme. Paul continue d'évoquer son apprentissage des différences entre les hommes et les femmes. Il se rappelle qu'à la cour d'école, les garçons étaient déjà dans une sorte de compétition, pour pisser le plus loin, sauter le plus haut, courir le plus vite, oser dire les mots les plus cochons, etc. Au contraire, les petites filles se livraient à des jeux dont la compétition était exclue. Pour lui, c'est lié au fait qu'elles avaient déjà la conviction inconsciente qu'elles pourraient continuer le monde avec leur ventre, ce qui les rend sereines. Il ajoute que cette course des garçons à inventer des compensations fait l'Histoire. Elle lui demande de lui raconter l'histoire. Il accepte, mais elle doit recommencer à poser. Il énumère la liste de toutes les activités de compensation que les hommes entreprennent : maîtriser, dominer ordonner, créer, posséder, civiliser, construire, détruire, faire à son image. Il parle ensuite de ses 14 ans, quand il réparait sa mobylette en vue d'une course avec un copain, et que Julie est passée devant lui, dans une robe rose, sans lui adresser la parole comme à son habitude. Il n'a pas pu s'empêcher de lui dire qu'elle n'était même pas belle. Ce à quoi elle a répondu que son opinion est le dernier de ses soucis. Tout d'un coup, sa mobylette avait perdu tout intérêt pour lui. Cette bande dessinée s'apparente donc à un long discours sur la nature des différences entre les hommes et les femmes, tenu par un homme ayant essayé de comprendre ces différences, de mesurer la distance séparant les 2 genres et de bâtir un pont par-dessus ce gouffre. D'une certaine manière, il est possible de considérer cet ouvrage comme un essai sur ce thème, avec le discours de ce vieil homme disposant d'une longue expérience et s'étant livré lui-même à cette quête, avec quelques questions de sa muse pour qu'il éclaircisse un point de son argumentation. Le lecteur découvre des pages avec une densité importante de mots, sans qu'ils ne mangent les images, sans qu'ils ne donnent l'impression d'une lecture pesante ou fastidieuse. La prose de l'auteur est claire et simple, offrant une lecture agréable et légère. Ce roman graphique s'apparente donc une œuvre entre psychologie et philosophie. Baudoin indique rapidement que pour lui les différences homme/femme proviennent d'une différence unique : la capacité de la femme de donner la vie, d'enfanter, chose qui reste inatteignable pour l'homme. Il évoque cette conviction dès la page 7. Elle revient régulièrement tout au long des 100 pages de BD, et il la reprend dans sa conclusion en page 97. Pour autant, Edmond Baudoin ne se contente pas de dérouler un texte tout ficelé en le collant dans des phylactères accolés à des têtes en train de parler. Plusieurs surprises attendent le lecteur à commencer par une suppression du quatrième mur, et la muse n'est pas une simple potiche, une chambre d'écho ou un artifice narratif. De la même manière, le déroulé du raisonnement de l'auteur ne se limite pas à un exposé théorique. Quand Paul se met à raconter l'histoire, il raconte la sienne, son histoire avec les femmes. Il évoque ainsi son premier amour, sa première relation sexuelle, les autres femmes, la mère de ses enfants, etc. Baudoin évoque la manière dont Paul se heurte à la réalité, comment chaque rencontre avec une femme l'oblige à revoir ses préjugés, à prendre conscience de la fausseté de ses représentations. Cela commence doucement avec la réalité basique de la différence des jeux entre filles et garçons dans la cour d'école. Cela continue avec des considérations plus sociologiques comme les caractéristiques discriminantes des sociétés patriarcales vis-à-vis des femmes, l'évolution de la représentation des pénis durs de façon imagée avec les pistolets dans les films, la différence entre amour et sexe, la dissociation entre amour et fidélité, l'impossibilité de posséder une femme, les différences de comportement post-coïtal, etc. L'auteur n'hésite pas à aborder les questions de manière frontale, avec des termes explicites, mais sans vulgarité, ni grivoiserie. Il s'interroge honnêtement sur ses idées préconçues, les femmes lui indiquant leur façon de penser. En fonction de son expérience personnelle, le lecteur se reconnaît dans certaines façons de penser, dans certaines remarques, dans le décalage entre ses attentes et la réalité, qu'il soit homme ou femme. Il apprécie la délicatesse, la franchise et la retenue de l'auteur, y compris du point de vue visuel. L'exposé et le fil de vie de Paul abordent sa relation avec les femmes, à chaque fois à partir de son désir sexuel et des relations qui s'en suivent. Edmond Baudoin ne se montre pas hypocrite et représente donc les corps dénudés. Pour autant, il ne s'agit pas d'un ouvrage pornographique (aucun gros plan anatomique ou de pénétration), ni même d'un ouvrage érotique magnifiant une représentation descriptive du corps féminin (ou parfois masculin), encore moins d'un manuel passant en revue les positions. La muse apparaît nue de face dès la première page, sa silhouette détourée d'un trait dont l'épaisseur varie, avec quelques courts traits noirs pour évoquer la toison pubienne, et juste un gros point noir pour le téton gauche. L'artiste s'amuse à reprendre cette représentation simplifiée en page 3, dans un cadrage de la toile du peintre débutant juste en dessous du cou et s'arrêtant à mi-cuisse, avec à nouveau ces quelques tâches noires pour la toison pubienne et les mamelons. Il n'y a pas d'érotisme à proprement parler, mais plus une impression poétique. Ce phénomène se répète en page 9 quand le corps allongé de la muse se dédouble dans cette nouvelle pose, indiquant sa silhouette physique et le début d'interprétation qu'en fait le peintre. De même quand Julie retire son teeshirt sur le lit de Paul adolescent, elle est de trois-quarts de dos, et son torse est détouré d'un trait rouge orangé, sans précision photographique. Baudoin varie sa technique de représentation en fonction de la nature de la scène, de l'état d'esprit des personnages, de la tension sexuelle, de l'attente. Il applique les mêmes modalités de représentation au corps masculin dénudé. S'il n'y est pas sensible ou attentif, il faut un peu de temps pour que le lecteur prenne pleinement conscience de la subtilité de la narration de visuelle. Il ne s'agit pas d'un simple tête-à-tête entre la muse et l'artiste dans son atelier, car lorsque Paul évoque ses souvenirs, ils sont représentés dans les cases, les images montrant le lieu et les personnes évoquées. Edmond Baudoin choisit sa technique de représentation en fonction de la nature de la scène. Il peut détourer les formes avec un trait encré, ou un trait de contour réalisé au pinceau avec une couleur noir, comme il peut passer en mode aquarelle sans trait de contour, parfois même de simples tâches de couleurs pour évoquer la forme d'une tête et de sa chevelure, sans traits de visage. En page 29, le lecteur a la surprise de découvrir une photographie des berges de Seine à Paris, intégrée en l'état, technique utilisée de manière sporadique, la photographie étant parfois retouchée à l'encre ou à la couleur. L'artiste ne s'aventure pas sur le terrain de l'abstraction ou de l'art conceptuel, mais il n'hésite pas à passer en mode impressionniste ou expressionniste quand il souhaite s'exprimer de cette façon. Il ne s'agit pas pour lui d'apporter de la variété au gré de sa fantaisie, mais bien d'exprimer des ressentis en mettant différentes techniques au service de sa narration visuelle. Au fil des pages, le lecteur ressent pleinement cette adéquation entre flux du discours ou des dialogues et caractéristiques visuelles de la séquence. Il perçoit la fibre émotionnelle, l'affect accompagnant les propos. Edmond Baudoin joue également sur la mise en page pour faire fluctuer le rythme, insérant quelques dessins en pleine page, des images juxtaposées sans bordure, même si la majeure partie du temps il s'en tient à des cases rectangulaires avec bordure, sagement alignées en bande. Le lecteur prend donc grand plaisir à découvrir la vision personnelle de l'auteur sur la différence entre femme et homme. Il constate que la différence de la capacité à donner la vie constitue une caractéristique qui éclaire les différences de comportement à la fois sur le plan sexuel et sur le plan du genre. Ce discours aborde également la question de la différence entre amour affectif et amour physique, ainsi que la question de la fidélité. Il se termine avec une ouverture en forme de rapprochement entre l'amour et la peinture, une façon d'être attentif à l'autre et d'être présent, et sur une profession de foi quant à la nature de la vie, la manière de vivre en sachant que la mort suit l'individu toujours à trois pas derrière. Cette bande dessinée est à la fois une thèse sur l'essence de la différence entre les hommes et les femmes, une biographie vue à partir des relations amoureuses, une narration visuelle d'une sophistication et d'une richesse aussi discrètes que justes, une façon d'envisager la vie aussi personnelle qu'attentive à l'autre. En considérant les avancées sociales gagnées par les femmes, l'auteur ne peut constater que l'homme n'est toujours en mesure d'enfanter. Citation : Les plus grands poèmes sur la liberté ont été écrits par des humains privés de liberté. Les hommes ont écrit les beaux poèmes sur l'amour. Est-ce parce qu'ils en sont interdits ? Parce qu'ils le magnifient pour qu'il soit impossible à atteindre ? Toujours ailleurs, dans le paradis perdu du ventre de leur mère.

24/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Ils brûlent
Ils brûlent

Belle claque, rien d'autre à dire. Si, bien sûr qu'il y a des choses à dire. Déjà, la figure de la sorcière est à mes yeux fascinante, à la fois conséquence de la diabolisation des femmes et des sciences rejetées par les religions monothéistes, et figure monstrueuse (ou en tout cas vue comme telle) sous forme humaine, elle est source de bons nombres de bonnes histoires. Ici, la sorcière est utilisée pour symboliser la peur, la peur d'autrui, la peur de soi-même, la peur de ce qu'on est capable de faire. Les scènes sont viscérales, les personnages vivent des choses horribles, sont capables de choses tout aussi horribles, sont traqués comme des animaux, … L'histoire prend aux tripes, en tout cas elle m'a prise aux tripes. Les violences corporelles, les défigurations, les émotions et passés chaotiques des personnages, les noms étranges et pourtant si significatifs, les dessins aux traits parfois tremblant, les visages déformés, la belle bichromie, … Vraiment, tout ça m'a fait rentrer dans l'histoire très vite et a maintenu mon attention jusqu'au bout. Coup de cœur, hâte de lire la suite.

23/02/2025 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5
Couverture de la série Proies faciles
Proies faciles

3.5 Une série de polar qui fait la part belle au sociale. Le principal intérêt selon moi n'est pas de découvrir le coupable, surtout lorsque l'auteur montre rapidement qui sont les coupables comme dans le tome 2, mais la manière dont Prado décrit des problèmes sociaux du monde moderne. Il y a beaucoup de cynisme et on voit à quel point des gens peuvent s'en prendre à des plus vulnérables pour de l'argent. Les histoires sont bien faites et le dessin de Prado est élégant. J'aime particulièrement les couleurs. Le seul défaut selon moi est que les deux personnages principaux ne sont pas particulièrement attachants ou intéressants. Ils sont même un peu clichés, sortant de n'importe quelle série policière aux personnages et scénarios interchangeables.

23/02/2025 (modifier)
Par Mashiro
Note: 4/5
Couverture de la série S.
S.

J’ai pris du temps à comprendre S., et je ne suis toujours pas sûr d’avoir tout compris mais ce dont je suis certain c’est que Gipi est toujours un génie à mes yeux ! S. est une multi-œuvre : une œuvre sur la guerre, ses destructions, ses peurs, ses abus, sa violence ; une œuvre sur la famille et les générations qui passent, les souvenirs qui se mélangent et parfois se contredisent ; une œuvre sur la figure du père qui inspire, dirige, frustre, radote, protège ; enfin une œuvre sur le contraste entre le passé et le présent avec la banalisation de la violence, la réappropriation des symboles, et sur la mort qui finit par prendre forme un jour où l’autre ; dans S., Gipi rend hommage à son père Sergio en racontant ses différents souvenirs qu’il lui a transmit, et ce en utilisant différentes fresque temporelles qui se mélangent (et qui se trouve être finalement très mélangeant pour le lecteur !) ; malgré S. est une très œuvre dans le fond et dans la forme ; fidèle à lui même, l’aquarelle et les coups de crayon de Gipi sont magnifiques ; un auteur à ne pas manquer !

23/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Peau d'Homme
Peau d'Homme

Cet album a reçu bon nombre d'éloges, je compte bien m'ajouter. L'histoire est bonne, plus fine et réfléchie que l'on pourrait croire à l'introduction, et compte bien explorer et remettre en question les différences d'expressions et d'attentes du genre (ou des genres) dans la société, ainsi que la fâcheuse tendance qu'on certaines personnes se présentant comme vertueuses de vouloir vilifier et contrôler les personnes qu'elles jugent comme inférieures, impures et tentatrices (les femmes, les homosexuel-le-s, …). Tout le cœur du récit tourne autour de Bianca, mariée par ses parents à un homme qu'elle a à peine rencontré jusqu'ici, et qui, souhaitant en apprendre davantage sur son nouveau mari, va revêtir l'un des objets les plus précieux de sa famille : une peau permettant à quiconque l'enfile de devenir en tout point (en tout cas physiquement) un homme. Bianca devient donc Lorenzo et se rapproche de Giovanni, son mari, tombant progressivement amoureuse de lui. Sauf qu'un petit bémol va lui apparaître : Giovanni est homosexuel, et bien qu'il tombe éperdument amoureux de Lorenzo, Bianca ne pourra jamais réellement être aimée de lui comme elle l'aime. Doit-elle oublier sa vie de femme et ne plus être qu'un homme ? Doit-elle continuer d'espérer qu'un jour Giovanni aime autant Bianca qu'il aime Lorenzo ? Est-il judicieux de goûter à la liberté et à un monde que l'on affectionne quand tout ce qui nous entoure nous maintient que cela nous est inaccessible ? Surtout que le frère de Bianca, nouvel ecclésiastique zélé, compte visiblement purifier le lupanar que semble être devenue la ville à ses yeux. Un récit intéressant, une situation prenante, des personnages mine de rien complexes, un questionnement des codes de genres, un discours très à propos sur le regard et le vice, … L'album est très bon, que dire de plus ? Ah, si, que le dessin de Zanzim est très joli !

22/02/2025 (modifier)
Par ethanos
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Revoir Comanche
Revoir Comanche

Bon, je ne vais pas trop m'étaler, tout à déjà été dit ou presque, et puis : 5/5 + coup de cœur, tout le monde aura compris ce que je pense de la BD. A priori, j'étais pourtant un peu sceptique au départ, quel rapport, me disais je, entre Hermann et romain Renard ? Ou entre Commanche / Red Dust et Melville ?, pour le dire autrement. Sauf que, rien à dire, c'est vraiment de la belle ouvrage. C'est fin, bien amené, et, même les aspects un peu 'attendus' (comme l'acmé finale, une fois arrivés au ranch) passent très bien. On retrouve notre Red Dust, vieilli, et gris comme le dessin qui lui redonne vie, symbole d'un monde qui disparaît (ou a déjà disparu). L'opposition avec l'autre protagoniste, une jeune femme enceinte, cette opposition est donc poussée au maximum, leur sexe, leur âge, leur trajectoire personnelle, lui donne la mort quand elle donne la vie, bref, difficile de pousser plus loin le ressort antagoniste, et pourtant, une réelle affection, un profond respect mutuel, une forme de compréhension réciproque intime va naître progressivement entre ces deux là, que tout opposait au départ. Une fois encore, on pourrait critiquer, et dire que l'on s'y attend, rapidement, pour ne pas dire dès le départ, mais, c'est tellement bien construit, qu'on marche à fond. Enfin, bien sûr, impossible de ne pas dire un mot sur le dessin, vraiment envoutant, qui met en valeur cette nature à la fois belle et presque aussi menaçante que la nature humaine, par moments. Je pourrais dire un mot du superbe travail sur les angles de vue aussi, qui fait de romain Renard, un véritable metteur en scène. On se prend d'ailleurs à imaginer une adaptation cinématographique d'une telle œuvre, avec, imaginons, un Eastwood derrière la caméra (puisqu'on parlait de vieux messieurs symboles d'une époque qui passe...), le scénario lui irait très bien en tout cas, bref, on se plaît à évoluer, et à rester dans cet univers. Une grande et belle BD, vraiment.

22/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Les Enquêtes d'Enola Holmes
Les Enquêtes d'Enola Holmes

Je ne m'attendais certainement pas à autant apprécier cette lecture, et pourtant j'avoue même avoir eu un petit coup de cœur. Je ne connais les romans dont cette série est adaptée que de nom, et n'avais jusque là qu'une vague idée du scénario. J'avais peur à l'origine qu'Enola soit un simple ersatz féminin de Sherlock Holmes mais je trouve que l'autrice a su bien individualiser cette benjamine de la famille. Enola n'aime pas les corsets, Enola ne veut pas se marier, sa mère a toujours désirée la laisser développer son désir d'indépendance et lui a inculquée une vision des droits de la femme bien inspirée des suffragettes. Alors, quand sa mère disparaît mystérieusement le jour de son quatorzième anniversaire et que ses deux frères (ayant plus ou moins abandonné leur famille il y a de ça belle-lurette) reviennent avec l'intention d'envoyer Enola dans un pensionnat, elle décide de fuir. De fil en aiguille, Enola se retrouvera à jouer les enquêtrices de fortunes, cherchant à aider les infortuné-e-s, tout en devant changer sans cesse de costumes et d'alias afin d'échapper à ses frères. Chaque album est une aventure indépendante, mais du premier jusqu'au sixième album nous suivons également l'intrigue familiale d'Enola et son enquête pour retrouver sa mère. J'ai beaucoup aimé cette série, donc. D'une part Enola est adorable (je dis ça à la fois pour son caractère très empathique, sa droiture, sa fougue, et surtout pour la jolie bouille que lui donnent les dessins de Serena Blasco), d'autre part j'ai trouvé qu'elle s'insérait dans le canon de Conan Doyle de manière mine de rien assez maligne. Tout aussi brillant qu'il soit, Sherlock reste un homme de son époque et sa vision des égalités homme-femme est, il faut le dire, vraiment misogyne, mais contrairement à ce que certaines personnes pourraient dire (j'anticipe) cela n'est pas du tout une extrapolation de Nancy Springer. J'invite qui que ce soit qui en douterait à lire (ou relire) "Un scandale en Bohême", pas forcément l'histoire la plus connue du public mais contenant un personnage lui bien plus connu : Irène Adler. Tout le sel de cette enquête, le fait que les gens ont retenu le nom d'Irène Adler (la rendant presque essentielle au canon de l'œuvre selon de nombreuses adaptations) c'est qu'elle est parvenue à se montrer plus maligne que Sherlock. Le grand Sherlock, brillant mais également très orgueilleux, homme de son époque, n'avait pas anticipé qu'une femme puisse lui jouer une entourloupe et ce sont ses préjugés qui lui ont coûté la réussite de cette affaire. Si Sherlock tient Irène en respect, c'est parce qu'elle lui a ainsi rappelé que même lui n'était pas infaillible et qu'à trop sous-estimer ses adversaires on risque la défaite. Alors étendre cette idée et continuer d'appuyer que sa vision souvent condescendante du genre féminin l'empêche de réussir à gérer sa sœur chaotique et l'empêche de trouver les solutions d'affaires concernant des femmes aussi vite qu'elle est assez pertinent. Les idéaux féministes d'Enola sont eux aussi bien géré, on ne les rends pas anachroniques : Enola se bat et croit en des droits intemporels comme la liberté et l'égalité, ou bien des droits liés aux problématiques de l'époque comme les corsets étouffants et les mariages forcés. Au delà des propos féministes, j'ai trouvé les récits en eux-même assez bien écrits. Les enquêtes ne sont pas très complexes mais rondement menées, bien narrées, le dessin se permet quelques petites folies de mise en scène, l'intrigue familiale des Holmes est prenante, les codes sont assez amusants à déchiffrer (la série aime BEAUCOUP les messages codés, préparez-vous à en voir souvent) et j'ai trouvé que les petits carnets de dessins et de notes (censés être extraits du journal d'Enola) présents à chaque fin d'album étaient un plus vraiment bienvenu. Je le redis, la lecture me fut très agréable, la série est de très bonne facture. Je suis d'ailleurs surprise qu'il n'y ai pas plus d'avis sur elle que ça. Une excellente série pour les jeunes et pré-adolescent-e-s. (Note réelle 3,5)

22/02/2025 (modifier)
Par Brodeck
Note: 4/5
Couverture de la série Sphères
Sphères

Je viens de refermer l'album et je me suis régalé. C'est certainement classique dans le genre, " On a déjà vu ça mille fois " diront sans doute des lecteurs ès science-fiction, mais que c'est bien fait ! Le dessin, très détaillé, est superbe (le souci de l'esthétisme et celui de la vraisemblance sont visibles jusque dans les tenues des personnages), on en prend plein les yeux : appartements futuristes, ruelles à l'atmosphère palpable, paysages immenses et personnages bien typés, charismatiques (je vous conseille de prendre connaissance du trombinoscope avant de vous lancer). A cela s'ajoutent de bons dialogues dans l'ensemble, des vaisseaux crédibles et qui ont de l'allure, alors attachez votre ceinture et c'est parti, dépaysement garanti ! Plusieurs quêtes se mêlent, on passe d'un lieu à l'autre, mais l'ensemble demeure fluide et prenant et on apprécie l'intrigue bien ficelée. C'est pour l'instant un très bon tome d'introduction, l'histoire avance doucement, mais les personnages et les enjeux sont exposés clairement. Alors oui, il y a peut-être un passage notamment qui sent la testostérone, mais je ne me suis pas ennuyé une seconde. Hâte de découvrir le prochain tome !

22/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Sa Majesté des Mouches
Sa Majesté des Mouches

Je n’ai jamais lu le roman – pourtant célèbre – de Golding, mais je connais depuis longtemps les grandes lignes de cette histoire. Cette adaptation a été l’occasion de me plonger un peu plus dans cette histoire qui donne une vision très noire – et hélas réaliste – de la nature humaine. Golding l’a écrite au sortir de la seconde guerre mondiale – à laquelle il a participé – et cette noirceur trouve probablement son origine dans cette boucherie. L’album est épais, mais se lit relativement rapidement. D’abord parce que la narration, très fluide, est captivante. Ensuite parce qu’il n’y a pas beaucoup de dialogues. Mais De Jongh, avec une économie de moyens, arrive facilement à faire passer l’essentiel – en restant je pense fidèle au texte d’origine. C’est ainsi que ces enfants, seuls rescapés d’un accident d’avion, sur une île déserte, vont peu à peu passer de vacanciers sur une plage idyllique à participants d’un drame sauvage. Le basculement progressif est bien montré. Et, au final, le récit est glaçant, mettant à nu le mal, qui d’habitude est davantage masqué. Avec une fin édifiante et là encore très noire : c’est un navire militaire, sombre et menaçant, qui apporte les « secours ». Comme s’il n’y avait finalement pas d’échappatoire. Le dessin de De Jongh est lui aussi très bon. Fluide et dynamique, avec une colorisation jouant sur un assombrissement progressif. Bref, une lecture hautement recommandable !

22/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Une Aventure de Jeanne Picquigny
Une Aventure de Jeanne Picquigny

Le premier tome donne le ton, et nous emporte dans une aventure qui, même si elle se situe dans le premier tiers du XXème siècle, fait penser aux romans de Rider Haggard sur la découverte des trésors cachés de l’Afrique. Il y a aussi un peu du souffle romanesque hollywoodien de la grande époque (quelques scènes avec les porteurs et quelques aventures m’ont aussi fait penser aux Tarzan avec Weissmuller que j’ai regardés enfant). Même si Fred Bernard apporte beaucoup de légèreté à son récit, en faisant de Jeanne une héroïne forte, une femme moderne et libérée. L’album suivant la voit partager vedette et récit avec Love Peacock, aventurier inclassable : on s’écarte de l’Afrique et de la quête du père, pour entrer dans quelque chose de plus décousu – mais pas moins intéressant, vers l’Amérique du sud et caribéenne. Les personnages secondaires – féminins surtout – apportent originalité et dynamisme à l’intrigue. (J’ai lu ces deux albums dans un album intégrale les regroupant) « La patience du tigre », nous envoie en Asie et « La paresse du Panda » prend la suite, les deux albums (à la pagination très conséquente) se laissent lire agréablement, même si j’ai été un chouia moins captivé par ce qui s’y passait que dans le tome inaugural. Mais globalement ça reste une série plus que sympathique. Le dessin faussement brouillon (un peu inégal parfois) de Bernard est agréable, et beaucoup de personnages secondaires – eux-aussi féminins – donnent du coffre à cette série, qui a su revisiter quelques lieux communs de l’aventure exotique et romanesque. Note réelle 3,5/5.

22/02/2025 (modifier)