Effectivement, c'est dans doute l'album de Cosey le moins abordable (il me reste "Zélie nord-sud" à découvrir). Je comprends aisément que la plupart des lecteurs soient décontenancés tant la narration est étrange. En mêlant histoires fantasmées et histoires réelles, en alternant diapositives en gaufrier et paysages en cinémascope, Cosey bouleverse la narration et le découpage habituel du monde de la bande dessinée. Rien que pour ça, ce livre vaut le détour.
Sur le fond, je suis également séduit. L'auteur aborde avec pudeur et force l'ensemble des thèmes qui ont construit son oeuvre : la paternité ("Orchidéa", "Le voyage en Italie"), l'absence ("A la recherche de Peter Pan"...) et la (re)découverte de l'autre. Nombres de ses oeuvres précédentes ont un lien avec l'Asie du sud-est mais il plonge pour la première fois ses personnages au coeur de cette partie du globe; ses dessins sont magnifiques, Cosey arrive à retranscrire parfaitement les méandres du Mékong ou l'atmosphère de Luang Prabang, chose que je n'ai jamais ressentie ailleurs.
Oh là là !
Oh là là !
J'ai découvert ça chez une amie qui a beaucoup de goût. Elle me parlait depuis longtemps d'une BD à l'atmosphère envoûtante, aux dessins exquis, au scénario ensorceleur...
Djinn est un véritable bijou, ciselé par l'orfèvre jean Dufaux (décidément un excellent scénariste), serti dans un écrin sublime réalisé par Ana Miralles, une dessinatrice fantastique. Son style confine à un réalisme un peu "facile", proche de Léo, ou Pavlovic, pour s'échapper (dans les moments où la moiteur ne peut s'empêcher de s'accumuler sur votre nuque) vers un trait sensuel, troublant pour les deux sexes...
Entièrement d'accord avec ArzaK, "La fille aux Ibis" est une vraie réussite. Giroud mêle avec talent Histoire et histoire. L'histoire d'amour racontée sur fond de révolution roumaine est poignante parce que justement, elle est intimement liée aux bouleversements que vit le pays. Giroud utilise pleinement le contexte historique pour magnifier la petite histoire, un drame poignant raconté avec beaucoup de tact et de pudeur.
Lax, qui pourtant renie plus ou moins ce travail antérieur à "Azrayen", produit des planches magnifiques et aussi subtiles que l'histoire. De la BD intelligente et touchante, la définition du plaisir selon "Aire Libre".
Tardi est talentueux, c'est indéniable. "Le cri de peuple" n'a pas le charme d'un "Nestor Burma", le contexte politique est parfois un peu mis sous l'éteignoir, ce qui est un comble vu le thème, mais ça n'empêche pas l'ensemble d'être passionnant et diablement beau.
Le format à l'italienne est tout à fait adapté au dessin de Tardi qui tire sa quintessence de l'espace qui lui est alloué. On peut regretter que ses personnages évoluent de manière parfois un peu déconnectée de l'environnement révolutionnaire (qui n'est jamais occulté, ceci dit) mais Tardi nous entraîne, par leur intermédiaires, des dorures de la préfecture aux bas-fonds des XVIIIème et XIXème arrondissement dans un Paris que je ne connaissais pas (forcément, vu l'époque) et j'ai envie de dire que l'essentiel est là. Tardi raconte Paris sous fond de Commune et il le fait mieux que personne. Il serait cependant temps de conclure, un 5ème tome serait de trop.
Binet a un tel humour qu'il parvient à nous rendre ce couple beauf et minable aussi sympathique que si on se regardait soi-même. Robert et Raymonde sont plein d'humanité, et voir leur petite vie dépeinte par Binet me fait le plus souvent éclater de rire.
Bref, je suis très sensible à cet humour, et je trouve que les Bidochons sont un monument de la BD satirique du monde moderne.
Une très très bonne bd ! Un très bon western, pas conventionnel, certes (c'est à dire que Clint ne va pas débarquer sur une musique d'Ennio Morriconne :)), mais vraiment bon !
Sur un fond de fantastique avec des pierres indiennes bien spéciales, Tiburce Oger nous raconte la vie pas ordinaire d'un héros qui ne voulait pas forcément en être un...
Une histoire en tout cas bien prenante qui est un peu confuse dans les premières pages de la bd (il faut s'accrocher) mais après, c'est du bonheur ! A quand le tome 4 !?! :)
Sinon coté dessins, c'est assez particulier, ça donne un impression de fouillis, de dessins restés à l'état de crayonnés mais en fait, le dynamisme est bien présent, c'est super efficace ! Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est à tomber le cul par terre mais c'est assez joli...
Enfin bref une très bonne bd qui mériterait d'être plus connue
(et merci aux 2 zouaves ;))
Pour moi, je n'irai pas jusqu'à la note BD culte, mais c'est vraiment bon tout de même. Beaucoup de BD de SF tournent autour d’évènements plus ou moins guerriers ou violents, de batailles inter cosmiques, d'extraterrestres plus ou moins humanoïdes etc...Ici, les mondes sont vraiment fouillés, l'innovation est présente à chaque page (un peu trop parfois), les personnages ne sont pas des super héros, mais des gens tout à fait communs. Enfin bref, une série très rafraîchissante et de plus tout à fait abordable d'un point de vue financier
Larcenet... Un auteur étonnant qui confirme avec ce titre un pouvoir énorme pour une évocation sensible et profonde de la vie.
Plus encore que ses oeuvres récentes, j'ai adoré cet album, une perle autant sur le fond que sur la forme. Le dessin est magistral, sombre à souhait et qui se marie à la perfection avec un propos implacable. Car le ton employé est réellement superbe dans cet album. C'est puissant et angoissant à la fois, comme un cri au sortir d'un cauchemar en pleine nuit.
Profitant des heures du petit matin, lorsqu'on ignore si l'on rêve encore ou non, le narrateur se penche sur son passé, sur ses souvenirs. Les angoisses ressurgissent, à mi-chemin entre l'irréel et le présent.
Il est 7h38 et la cité se réveille peu à peu. La parenthèse se referme, la vie reprend...
"Ayako" est vraiment une série passionnante. J'ai parfois eu l'impression d'être proche des événements racontés, ici. Bref, vous oubliez tous vos soucis.
Pourtant le sujet de ce manga est plutôt dramatique, mais l'histoire est tellement bien écrite que vous pénétrez sans retenue dans l'univers de cet auteur.
Cet auteur en question est Osamu Tezuka, et le récit qu'il nous propose est de toute beauté. La famille Tengé, de riches agriculteurs japonnais, sont impliqués malgré eux dans un complot politique qui aboutira sur un meurtre. Pour sauver leur honneur et leur réputation, les membres de ce clan vont sacrifier Ayako, une gamine de 4 ans (au début du récit) qui a été indirectement impliquée dans cet homicide.
En toile de fond, le Japon, à la fin de la seconde guerre mondiale. A cette époque, le climat politique est assez instable, et la présence des américains ne fait qu'envenimer la situation. C'est donc dans cette atmosphère plutôt glauque qu'évoluent les personnages. A travers cela, Tezuka nous offre un scénario troublant et passionnant. Chacun des protagonistes du récit est très bien présenté, leurs différents caractères sont bien mis en valeur et leurs idéaux sont présentés avec beaucoup de crédibilité. En ce qui concerne Ayako, je dois dire que la voir grandir au fil des pages lui donne un côté attachant. On amerait la prendre dans ses bras et la sortir de ce mauvais pas. Ce manga pourrait être comparé à un fait-divers tragique. Cependant, le mangaka évite les lourdeurs avec brio et donc le ton est léger et le climat est moins malsain qu'il n'y paraît.
On ne peut pas dire que le dessin de l'auteur soit convaincant. De plus, on y voit parfois des erreurs dans le mouvement des personnages. Disons que son coup de pinceau a un certain charme et je dois dire que l'on s'habitue très vite à son graphisme si particulier.
Voilà donc une série que j'ai trouvé vraiment très bien écrite. Tezuka a beaucoup de talent.
A lire impérativement !!!
Ibn Al Rabin fait dans le minimalisme, parfois dans l'abstrait, et certainement dans l'atypique et le recherché. Pour autant, cet aspect de "recherche" transparaît à peine quand on n'y fait pas attention.
Le graphisme de "Retour Ecrémé" (passé la couverture assez laide...) est minimaliste. Même Trondheim à côté pourrait passer pour en faire beaucoup. Les personnages ici sont tout en silhouette, très ronds et très simples. Et le tour de force de l'auteur consiste à réussir une excellente expressivité, malgré cette sobriété extrême. La simple inclinaison d'un corps, la courbure d'une bouche, la position d'une touffe de cheveux (tout ceci vu en "ombre chinoise", bien sûr) fait passer une attitude, un sentiment, la position de tout le personnage...
"Retour Ecrémé" s'affranchit également pour une large part des classiques cases et de leur disposition en gaufrier plus ou moins régulier. Ici la page est blanche, et les cases y sont disposées un peu comme on pourrait épingler des notes sur un tableau en liège. Mais encore une fois, l'expressivité de l'ensemble reste excellente. Mieux : elle est améliorée par une utilisation véritablement intelligente de l'espace de la page, qui se traduit également par une disposition complètement novatrice des textes. Chaque bulle est reliée au personnage qui la prononce par un trait, mais en même temps, c'est parfois l'ordre des bulles -- hors des cases -- qui va déterminer l'ordre de lecture des cases en question, alors que c'est tradtionnellement l'inverse. Les bulles deviennent des objets graphiques aussi importants que les cases et à ce titre complètent, égalent et parfois supplantent ces cases dans le domaine de l'ordre de lecture et de l'importance.
Et pourtant, à la lecture ça n'a l'air de rien. C'est complètement naturel et presque transparent...
L'histoire quant à elle, est à cheval entre les vieux films d'horreur de série Z, une parodie parfois franchement savoureuse, et une dénonciation amusante et pas virulente du racisme et de la connerie en général. Enfin, je ne parlerai pas de ce dernier point, lisez l'album et jugez par vous-même. Côté humour, par contre, c'est complètement décalé : les dialogues sont absolument savoureux, certains passages très parodiques (le débat télévisé, la séance de presse du porte-parole du gouvernement, etc.), et le dessin lui-même fait rire parfois tant il est mignon.
Les zombies ne sont pas ici de gros monstres sans cerval, ce sont littéralement des morts-vivants. Des gens normaux, qui sont morts, mais qui revivent... et qui tombent en miettes...
Alors voilà, c'est mignon (pas la couverture, hein), c'est inventif, c'est drôle, et j'aime.
Côté mauvais points, quand même, il y a l'objet lui-même, qui est a priori de bonne qualité : papier et carton sont très épais... mais c'est peut-être trop épais, et il faut des doigts très musclés pour tout lire sans casser le dos du bouquin...
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Zeke raconte des histoires
Effectivement, c'est dans doute l'album de Cosey le moins abordable (il me reste "Zélie nord-sud" à découvrir). Je comprends aisément que la plupart des lecteurs soient décontenancés tant la narration est étrange. En mêlant histoires fantasmées et histoires réelles, en alternant diapositives en gaufrier et paysages en cinémascope, Cosey bouleverse la narration et le découpage habituel du monde de la bande dessinée. Rien que pour ça, ce livre vaut le détour. Sur le fond, je suis également séduit. L'auteur aborde avec pudeur et force l'ensemble des thèmes qui ont construit son oeuvre : la paternité ("Orchidéa", "Le voyage en Italie"), l'absence ("A la recherche de Peter Pan"...) et la (re)découverte de l'autre. Nombres de ses oeuvres précédentes ont un lien avec l'Asie du sud-est mais il plonge pour la première fois ses personnages au coeur de cette partie du globe; ses dessins sont magnifiques, Cosey arrive à retranscrire parfaitement les méandres du Mékong ou l'atmosphère de Luang Prabang, chose que je n'ai jamais ressentie ailleurs.
Djinn
Oh là là ! Oh là là ! J'ai découvert ça chez une amie qui a beaucoup de goût. Elle me parlait depuis longtemps d'une BD à l'atmosphère envoûtante, aux dessins exquis, au scénario ensorceleur... Djinn est un véritable bijou, ciselé par l'orfèvre jean Dufaux (décidément un excellent scénariste), serti dans un écrin sublime réalisé par Ana Miralles, une dessinatrice fantastique. Son style confine à un réalisme un peu "facile", proche de Léo, ou Pavlovic, pour s'échapper (dans les moments où la moiteur ne peut s'empêcher de s'accumuler sur votre nuque) vers un trait sensuel, troublant pour les deux sexes...
La Fille aux Ibis
Entièrement d'accord avec ArzaK, "La fille aux Ibis" est une vraie réussite. Giroud mêle avec talent Histoire et histoire. L'histoire d'amour racontée sur fond de révolution roumaine est poignante parce que justement, elle est intimement liée aux bouleversements que vit le pays. Giroud utilise pleinement le contexte historique pour magnifier la petite histoire, un drame poignant raconté avec beaucoup de tact et de pudeur. Lax, qui pourtant renie plus ou moins ce travail antérieur à "Azrayen", produit des planches magnifiques et aussi subtiles que l'histoire. De la BD intelligente et touchante, la définition du plaisir selon "Aire Libre".
Le Cri du Peuple
Tardi est talentueux, c'est indéniable. "Le cri de peuple" n'a pas le charme d'un "Nestor Burma", le contexte politique est parfois un peu mis sous l'éteignoir, ce qui est un comble vu le thème, mais ça n'empêche pas l'ensemble d'être passionnant et diablement beau. Le format à l'italienne est tout à fait adapté au dessin de Tardi qui tire sa quintessence de l'espace qui lui est alloué. On peut regretter que ses personnages évoluent de manière parfois un peu déconnectée de l'environnement révolutionnaire (qui n'est jamais occulté, ceci dit) mais Tardi nous entraîne, par leur intermédiaires, des dorures de la préfecture aux bas-fonds des XVIIIème et XIXème arrondissement dans un Paris que je ne connaissais pas (forcément, vu l'époque) et j'ai envie de dire que l'essentiel est là. Tardi raconte Paris sous fond de Commune et il le fait mieux que personne. Il serait cependant temps de conclure, un 5ème tome serait de trop.
Les Bidochon
Binet a un tel humour qu'il parvient à nous rendre ce couple beauf et minable aussi sympathique que si on se regardait soi-même. Robert et Raymonde sont plein d'humanité, et voir leur petite vie dépeinte par Binet me fait le plus souvent éclater de rire. Bref, je suis très sensible à cet humour, et je trouve que les Bidochons sont un monument de la BD satirique du monde moderne.
La Piste des Ombres
Une très très bonne bd ! Un très bon western, pas conventionnel, certes (c'est à dire que Clint ne va pas débarquer sur une musique d'Ennio Morriconne :)), mais vraiment bon ! Sur un fond de fantastique avec des pierres indiennes bien spéciales, Tiburce Oger nous raconte la vie pas ordinaire d'un héros qui ne voulait pas forcément en être un... Une histoire en tout cas bien prenante qui est un peu confuse dans les premières pages de la bd (il faut s'accrocher) mais après, c'est du bonheur ! A quand le tome 4 !?! :) Sinon coté dessins, c'est assez particulier, ça donne un impression de fouillis, de dessins restés à l'état de crayonnés mais en fait, le dynamisme est bien présent, c'est super efficace ! Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est à tomber le cul par terre mais c'est assez joli... Enfin bref une très bonne bd qui mériterait d'être plus connue (et merci aux 2 zouaves ;))
Aldébaran
Pour moi, je n'irai pas jusqu'à la note BD culte, mais c'est vraiment bon tout de même. Beaucoup de BD de SF tournent autour d’évènements plus ou moins guerriers ou violents, de batailles inter cosmiques, d'extraterrestres plus ou moins humanoïdes etc...Ici, les mondes sont vraiment fouillés, l'innovation est présente à chaque page (un peu trop parfois), les personnages ne sont pas des super héros, mais des gens tout à fait communs. Enfin bref, une série très rafraîchissante et de plus tout à fait abordable d'un point de vue financier
Dallas Cowboy
Larcenet... Un auteur étonnant qui confirme avec ce titre un pouvoir énorme pour une évocation sensible et profonde de la vie. Plus encore que ses oeuvres récentes, j'ai adoré cet album, une perle autant sur le fond que sur la forme. Le dessin est magistral, sombre à souhait et qui se marie à la perfection avec un propos implacable. Car le ton employé est réellement superbe dans cet album. C'est puissant et angoissant à la fois, comme un cri au sortir d'un cauchemar en pleine nuit. Profitant des heures du petit matin, lorsqu'on ignore si l'on rêve encore ou non, le narrateur se penche sur son passé, sur ses souvenirs. Les angoisses ressurgissent, à mi-chemin entre l'irréel et le présent. Il est 7h38 et la cité se réveille peu à peu. La parenthèse se referme, la vie reprend...
Ayako
"Ayako" est vraiment une série passionnante. J'ai parfois eu l'impression d'être proche des événements racontés, ici. Bref, vous oubliez tous vos soucis. Pourtant le sujet de ce manga est plutôt dramatique, mais l'histoire est tellement bien écrite que vous pénétrez sans retenue dans l'univers de cet auteur. Cet auteur en question est Osamu Tezuka, et le récit qu'il nous propose est de toute beauté. La famille Tengé, de riches agriculteurs japonnais, sont impliqués malgré eux dans un complot politique qui aboutira sur un meurtre. Pour sauver leur honneur et leur réputation, les membres de ce clan vont sacrifier Ayako, une gamine de 4 ans (au début du récit) qui a été indirectement impliquée dans cet homicide. En toile de fond, le Japon, à la fin de la seconde guerre mondiale. A cette époque, le climat politique est assez instable, et la présence des américains ne fait qu'envenimer la situation. C'est donc dans cette atmosphère plutôt glauque qu'évoluent les personnages. A travers cela, Tezuka nous offre un scénario troublant et passionnant. Chacun des protagonistes du récit est très bien présenté, leurs différents caractères sont bien mis en valeur et leurs idéaux sont présentés avec beaucoup de crédibilité. En ce qui concerne Ayako, je dois dire que la voir grandir au fil des pages lui donne un côté attachant. On amerait la prendre dans ses bras et la sortir de ce mauvais pas. Ce manga pourrait être comparé à un fait-divers tragique. Cependant, le mangaka évite les lourdeurs avec brio et donc le ton est léger et le climat est moins malsain qu'il n'y paraît. On ne peut pas dire que le dessin de l'auteur soit convaincant. De plus, on y voit parfois des erreurs dans le mouvement des personnages. Disons que son coup de pinceau a un certain charme et je dois dire que l'on s'habitue très vite à son graphisme si particulier. Voilà donc une série que j'ai trouvé vraiment très bien écrite. Tezuka a beaucoup de talent. A lire impérativement !!!
Retour écrémé
Ibn Al Rabin fait dans le minimalisme, parfois dans l'abstrait, et certainement dans l'atypique et le recherché. Pour autant, cet aspect de "recherche" transparaît à peine quand on n'y fait pas attention. Le graphisme de "Retour Ecrémé" (passé la couverture assez laide...) est minimaliste. Même Trondheim à côté pourrait passer pour en faire beaucoup. Les personnages ici sont tout en silhouette, très ronds et très simples. Et le tour de force de l'auteur consiste à réussir une excellente expressivité, malgré cette sobriété extrême. La simple inclinaison d'un corps, la courbure d'une bouche, la position d'une touffe de cheveux (tout ceci vu en "ombre chinoise", bien sûr) fait passer une attitude, un sentiment, la position de tout le personnage... "Retour Ecrémé" s'affranchit également pour une large part des classiques cases et de leur disposition en gaufrier plus ou moins régulier. Ici la page est blanche, et les cases y sont disposées un peu comme on pourrait épingler des notes sur un tableau en liège. Mais encore une fois, l'expressivité de l'ensemble reste excellente. Mieux : elle est améliorée par une utilisation véritablement intelligente de l'espace de la page, qui se traduit également par une disposition complètement novatrice des textes. Chaque bulle est reliée au personnage qui la prononce par un trait, mais en même temps, c'est parfois l'ordre des bulles -- hors des cases -- qui va déterminer l'ordre de lecture des cases en question, alors que c'est tradtionnellement l'inverse. Les bulles deviennent des objets graphiques aussi importants que les cases et à ce titre complètent, égalent et parfois supplantent ces cases dans le domaine de l'ordre de lecture et de l'importance. Et pourtant, à la lecture ça n'a l'air de rien. C'est complètement naturel et presque transparent... L'histoire quant à elle, est à cheval entre les vieux films d'horreur de série Z, une parodie parfois franchement savoureuse, et une dénonciation amusante et pas virulente du racisme et de la connerie en général. Enfin, je ne parlerai pas de ce dernier point, lisez l'album et jugez par vous-même. Côté humour, par contre, c'est complètement décalé : les dialogues sont absolument savoureux, certains passages très parodiques (le débat télévisé, la séance de presse du porte-parole du gouvernement, etc.), et le dessin lui-même fait rire parfois tant il est mignon. Les zombies ne sont pas ici de gros monstres sans cerval, ce sont littéralement des morts-vivants. Des gens normaux, qui sont morts, mais qui revivent... et qui tombent en miettes... Alors voilà, c'est mignon (pas la couverture, hein), c'est inventif, c'est drôle, et j'aime. Côté mauvais points, quand même, il y a l'objet lui-même, qui est a priori de bonne qualité : papier et carton sont très épais... mais c'est peut-être trop épais, et il faut des doigts très musclés pour tout lire sans casser le dos du bouquin...