Un bijou de rigueur et de tendresse.
On croit connaître Molière, on croit tout savoir… et pourtant, cette BD fait l’effet d’une redécouverte. Chaque page respire l’amour du théâtre, le respect des faits, et une profonde humanité. On y sent le souffle de la scène, les failles d’un homme, et le travail patient des chercheur·euse·s qui ont éclairé son parcours, notamment Georges Forestier, à qui ce livre rend hommage.
Accessible, intelligent, fidèle aux programmes scolaires, mais surtout bouleversant de justesse.
Merci pour ce morceau de vie, d’histoire, de mémoire.
Voilà un album qui s’éloigne énormément des sentiers battus, et qui devrait être ciblé par les lecteurs curieux. En effet, c’est une histoire qui mêle loufoqueries, poésie, romance improbable, pour un rendu inclassable, mais extrêmement plaisant.
Une intrigue surprenante dans les grandes lignes, mais aussi dans les détails. A commencer par les personnages, du gros Albin, asocial amoureux et maladroit qui peine à déclarer sa flamme à Zélie, jeune femme bien plus dynamique soignant quelques blessures intimes. Autour d’eux gravitent un poisson rouge, des bidules extraterrestres, etc.
Yannick Marchat (auteur que j’ai découvert avec cet album) nous embarque dans son histoire avec quelque chose de simple, dans la narration, mais aussi dans le dessin, qui use d’un chouette Noir et Blanc, avec des cases parfois très détaillées, quand d’autres sont avares de décors et d’arrière-plan.
Voilà un album que j’ai acheté un peu au hasard (la couverture m’avait fait penser à une maquette de Cornélius), hasard qui, comme chacun sait, fait parfois bien les choses. Ça a en tout cas été le cas ici, pour ce coup de cœur.
Au vu du titre je m’attendais à un documentaire, me demandant quand même ce que les corsaires faisaient là. Eh bien en fait ça n’est pas du tout un documentaire, et il n’y a aucun corsaire à l’horizon ! En cela le titre est sans doute la seule chose que j’ai trouvée un peu décevante. Autre petit bémol, la nouvelle couverture, que j’ai trouvée bien moins réussie que celle de la première édition que j’ai lue.
Pour le reste, c’est un récit historique finalement assez classique, mais très réussi dans son genre. Les chapitres permettent de s’attacher aux quelques protagonistes que nous suivons, et de nous familiariser avec cette guerre sous-marine au cœur du récit (dans l’Atlantique nord, mais aussi dans l’océan Indien et dans le Pacifique).
Toutes les parties purement militaires sont bien développées. C’est aussi le cas pour la partie psychologique, autour de ce sous-officier qui, ayant commis deux grosses bourdes, galère auprès de ses supérieurs pour redorer son image et obtenir le commandement d’un sous-marin. La fin de ce bras de fer est quelque peu surprenante, mais ça tient finalement la route.
En épilogue, les auteurs ajoutent une touche quelque peu uchronique et fantastique, autour de lettres laissées par le héros, expliquant sa disparition et celle de son équipage. Une fin surprenante et pas désagréable.
A noter que si le récit guerrier est classique et sans doute old school, le dessin, lui, et plutôt moderne. Et lui aussi agréable et réussi. J’ai bien aimé le rendu en tout cas.
Bref, une histoire de sous-mariniers qui se révèle plaisante à lire.
Mon dieu, quelle horreur... J'ai mis des mois à réussir à lire cette BD que j'ai dû reposer au moins trois ou quatre fois, en ne voulant plus y toucher le temps de me calmer. J'ai rarement été autant énervé par une BD. Réellement énervé, au point de ne pas avoir l'envie de lire la suite et que je me sentais obligé d'aller faire autre chose et ne plus y penser.
Balayons directement la question de la forme : vous avez aimé Algues vertes - L'Histoire interdite ? Foncez, c'est tout aussi bon et clair, didactique et étayé. Le dessin est efficace, la narration pas trop lourde et quelques fulgurances traversent la BD comme cette envolée des paysans qui disparaissent, montant au ciel les bras en croix. Symbole et métaphore, tout est clair.
Pour le reste, par contre... Quelle claque, quelle horreur. A écrire ces mots après une lecture finie récemment, je suis encore plus en colère. Cette BD, ce n'est pas le genre d'informations qui m'a fait comprendre quelque chose qui m'effraye, lié au changement climatique, à la dégradation des sols et l'épuisement des ressources. Elle est allée au-delà, elle m'a mis en fureur. Celle qui m'a fait tourner en rond chez moi en ressassant des pensées pendant des heures. Le sous-titre de catastrophe écologique et sociale est amplement méritée.
Au vu des informations que j'avais déjà et au sortir de cette lecture, j'ose affirmer que ce dont elle parle est probablement la plus grande catastrophe du XXè siècle. Au-delà des génocides, des dictateurs, des bombes nucléaires, ce qui s'est joué là a brisé quelque chose de fondamental dans l'humanité, quelque chose qui s'est construit pendant des milliers d'années et qui a définitivement disparu : la transmission de l'agriculture et des terres, des pratiques, de tout ce qui a été fait. Voir ces paysages dévastés, ces gens méprisés, exploités et désormais devenus esclaves d'une chaine de production, relégués au statut d'ouvrier d'usine mais croulant sous les dettes, toujours moins nombreux sur toujours plus de terre, avec toujours plus de matériel.
Sincèrement, j'ai rarement été énervé à ce point par une BD qui met en lumière ce qu'est réellement ce remembrement, premier acte d'une transformation radicale de l'agriculture. Je pense que personne ne peut mesurer l'ampleur de son action, la dévastation des campagnes, de nos eaux et de nos airs. La façon dont cette transformation de l'agriculture a impacté si fort notre mode de consommation, nos vies, nos systèmes sociaux, notre conception du monde... Il y a des témoignages qui donnent envie de pleurer et d'autres qui donnent envie de sortir le fusil pour aller tuer certaines têtes précises. Mais surtout, la BD oblige presque le lecteur à se battre contre cela, à s'investir pour sauver ce qui peut encore l'être. Nous sommes passés à moins de 400.000 agriculteurs en France, il faudrait au moins 1 million de plus... Qui va y aller ? Parce qu'il devient crucial de le faire...
Quand on sait que le salaire moyen pour une femme à Bucarest est de 400 euros…
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Christophe Bec pour le scénario, par Christian Pacariu pour les dessins, et par Alex Guimares pour la couleur. Il comprend quatre-vingt-dix-sept pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec un texte introductif d’une page, rédigé par le scénariste qui indique que les hasards de la vie l’ont amené à faire plusieurs voyages en Roumanie et à y rester quelque temps. Il continue : en additionnant tous ces séjours, il a en fait vécu plusieurs mois à Bucarest, dans le Secteur 5 précisément, bien loin des parcours de la capitale. Il attire l’attention sur le fait qu’en réalité, le peuple roumain est un peuple latin et non pas slave, accueillant, joyeux et chaleureux. Dans le même temps, en observant, en parlant avec certains habitants, en réfléchissant sur les différences entre la France et la Roumanie, il a eu l’envie d’écrire un récit, et des choses qu’il a pu entrapercevoir, telle l’omniprésence de la corruption, de la mafia et de l’industrie du sexe, à demi dissimulées, l’ont rapidement dirigé vers un récit de genre, entre le polar noir et le Thriller.
À San Diego, dans le sud de la Californie, aux États-Unis, un homme handicapé, nu dans son fauteuil roulant, a plusieurs capteurs et stimulateurs sur le corps, dont un dans la verge. Il mate un écran dont le programme produit un effet stimulant intense, qui se répercute dans son corps, dans son rythme cardiaque. Sans qu’il ne s’en soit aperçu, un homme dont le visage est masqué par une capuche est entré dans la pièce. Quand il s’en rend compte, il est déjà trop tard : l’intrus a augmenté les stimuli à travers les électrodes, et le paralytique succombe à une surexcitation fatale. Au centre régional de transit de Bucarest, Calea Giulesti, dans le secteur 1, Peyo Carbajal ouvre le courrier qu’il a reçu et se frappe la tête contre le montant de son vestiaire : sa demande de mutation dans le secteur 5 a été rejetée une nouvelle fois., ça fait la dixième fois. Ses collègues sortent du vestiaire, le laissant seul. Puis Simona y entre à son tour, une jeune femme avenante, elle lui demande si ça va. Il lui répond que non et qu’il va aller se prendre une murge dans la vieille ville. Elle lui recommande prendre soin de lui.
Peyo Carbajal se rend dans un bar à danseuses, et il s’assoit pour siroter une bière. Une pole-danseuse lui propose de s’isoler et qu’elle lui fasse un extra. Il la repousse sans ménagement. Dans le secteur 5, l’inspecteur Marian Ferentari arrive sur le lieu d’un crime : une villa cossue. Les policiers sont en train d’évacuer les deux enfants et l’épouse. Ils surnomment l’inspecteur avec le terme de Cafard, comme dans les couloirs du commissariat, comme ces cafards qui ne voient jamais le jour. Lorsqu’il passe devant eux, ils le saluent froidement. Il arrive dans le salon où gît encore le cadavre. Il demande au policier présent de lui faire le topo, sans fioriture. Son interlocuteur s’exécute : les deux gamins sont en état de choc, ils ont été amenés dans le secteur 1, à l’hôpital central des enfants.la victime était avocat en droit de la famille, casier vierge. Pas d’ennemi connu, mouillé dans aucune affaire de corruption, aucun lien avec la mafia. Pas de caméra de surveillance.
A priori, une simple série B, un polar au ton dur et cynique de circonstance pour un tel exercice de style, des meurtres répugnants, la traque d’un tueur en série dans Bucarest, pour une affaire forcément liée à une des facettes de l‘industrie du sexe, en cohérence avec la réputation de cette capitale. Le lecteur découvre les premières pages et son a priori se voit confirmé. Un premier crime avec nudité masculine, tueur mystérieux à l’identité cachée par sa capuche, handicapé en pleine pratique d’excitation sexuelle, en solitaire. Petite exagération visuelle avec deux ou trois zones de combustion corporelle. Une bonne densité de cases : une dizaine par page, un gros plan sur le sexe en érection. Une mise en couleurs sombre et un encrage appuyé. Impression confirmée avec les deux scènes suivantes : couleurs cafardeuses, dessins descriptifs et réalistes, avec des contours non lissés, donnant une impression âpre et brut de décoffrage. À nouveau une dizaine de cases par page, voire plus, avec des cadrages donnant une sensation d’étroitesse, entre focalisation sur des détails sordides ou dégradants, et un ressenti d’enfermement dans un quotidien à l’horizon bouché. Enfants témoins de l’assassinat de leur père, mutilation du corps comme pour un rituel évoquant la maladie mentale du meurtrier, studio photographique dans le sous-sol avec des centaines de clichés de femmes nues, des jeunes, des moins jeunes, des vieilles même. Le ton est donné : glauque.
Rapidement, le lecteur ressent bien les conventions du polar, ainsi que la profondeur qu’il attend de ce genre. L’usage des figures de style associées à ce genre vont plus loin que les situations ou les visuels crades pour choquer ou pour racoler. Le personnage principal présente toutes les caractéristiques attendues de l’enquêteur tendance perdant de la vie. Pour une raison ou pour une autre, il a été écarté des affaires sensibles ou intéressantes, il est mal considéré de ses collègues qui le qualifient de cafard, parfois en sa présence quand ils oublient de faire attention. Sa femme l’a quitté, et il se complaît dans cette situation familiale, convaincu que les femmes qu’il juge belles ne sont intéressées que par les hommes disposant d’argent et le dépensant avec libéralité, roulant dans de grosses bagnoles tape-à-l’œil. Il a recours aux prostituées mais uniquement pour des fellations, craignant trop de se choper une maladie. Il se montre brut de décoffrage dans ses relations avec autrui. Il se montre totalement dépourvu d’empathie en interrogeant les deux enfants ayant vu leur père assassiné sous leurs yeux. Il s’avère incapable d’une parole réconfortante vis-à-vis de la veuve prosternée devant lui en l’implorant de retrouver l’assassin. En son for intérieur, il a pleinement conscience de cette faille dans son caractère, il se dit que : Les effusions, l’empathie, ce genre de choses, ça n’a jamais vraiment été sa came, pour ça il est une sorte d’handicapé émotionnel. Il sait qu’il aurait dû serrer cette pauvre femme dans ses bras, la rassurer, mais c’est quelque chose dont il est totalement incapable. Les dessins montrent un individu normalement constitué, avec une carrure un peu carrée, portant un imperméable par-dessus une chemise blanche et une cravate, avec le visage souvent fermé, ne souriant jamais. Le lecteur peut voir un individu n’éprouvant pas de plaisir dans la vie, ni dans ses moments de solitude, ni dans ses relations sociales, tout en restant animé par une forme de vague envie d’être utile dans la fonction de la police.
Les auteurs savent montrer que cette forme de résignation à la fatalité de l’ordre choses tel qu’il habite d’autres personnages comme la camgirl Amalya Buluci, le tueur bien sûr, et quelques autres. Du coup, il suffit du comportement normal des deux policiers Mihai & Stefania pour souligner l’accablement qui pèse sur les autres. Le scénariste fait mener une enquête à son personnage principal, en respectant les phases de recherche d’indice, d’interrogatoire, de chance, un travail professionnel laborieux et sans éclat, lent et incertain. La narration visuelle sait montrer le quotidien très ordinaire de ces phases : être assis à un bureau très quelconque, rentrer chez soi en transport en commun, la solitude du petit appartement, le constat pragmatique des circonstances de la mort sur le lieu d’un crime, les recherches internet, les périodes de réflexion. Le lecteur se rend compte que le nombre élevé de cases par page, leur petite taille fonctionnent parfaitement pour rendre compte de ce quotidien. Les auteurs savent alterner cette routine professionnelle avec le quotidien tout aussi prosaïque du tueur dans son milieu professionnel et dans sa vie privée tout aussi banale et commune, et les moments où il passe à l’acte, des scènes violentes et soudaines, méthodiques et froides. Enfin, il y a donc ces meurtres, presque des exécutions : là encore le scénariste ne s’embarrasse pas de fioritures et le dessinateur reste dans un registre très factuel. Il montre clairement la brutalité et la mort violente, sans en rajouter ni dans le spectaculaire, ni dans une envolée romantique.
Le lecteur en ressort avec sa dose de violence et de sexe, de comportements charriant une forme de renoncement à l’espoir d’un monde meilleur, d’accablement du quotidien et d’une société gangrénée par une criminalité systémique qui ne laisse d’autre choix que d’en être partie prenante. La narration visuelle reste à un niveau terre à terre, rien d’enthousiasmant, si ce n’est son efficacité. D’ailleurs, ces caractéristiques finissent par s’imprimer dans la tête du lecteur : des dessins fonctionnels, en fait à l’unisson d’une narration tout aussi fonctionnelle. Une production d’un trio d’artisans (scénariste, dessinateur, coloriste) maîtrisant leur métier, réalisant un polar très correct. Un peu plus que correct même. Il y a peut-être une exagération dans le sens où ils choisissent les points de vue venant insister sur ces aspects déprimants de la vie, sans jamais en mettre en scène d’autres : zéro chaleur humaine, zéro solidarité, zéro plaisir, juste une accumulation d’éléments négatifs. Le lecteur se dit que cela correspond à la vision que Marian Ferentari a de la vie. Ses pensées intérieures viennent conforter cette impression : les Bucarestois préfèrent s’endetter sur vingt-cinq ans pour acquérir une BM ou une Benz, se serrer la ceinture et remplir le réservoir de gasoil plutôt que le frigo, inhaler à longueur de journée du monoxyde de carbone, du dioxyde d’azote et des particules fines d’hydrocarbures cancérogènes. Ou encore : Quand bien même chaque Bucarestois raquerait docilement pour prendre les transports en commun, cette manne serait détournée pour tomber directement dans les poches d’employés corrompus du ministère, qui s’enverraient l’air avec des escort girls de luxe dans les suites douillettes des cinq étoiles de la capitale. Tout est biaisé, vérolé, rongé jusqu’à la moelle ! Et encore : Les salaires des flics sont une misère, alors pour arrondir les fins de mois, soit on se laisse arroser, soit on tente des coups au jeu ou au casino. Personne n’a le choix ici. De toute façon, c’est la règle quand tout marche de traviole. Des milliers de personnes manifestent devant le parlement depuis des mois, mais rien ne change. Le nouveau président, qui s’est fait élire sur un programme anti-corruption, a dû virer quasiment tout son gouvernement… Trop d’entre eux trempaient dans de sales histoires : drogue, sexe, corruption… Quand c’était pas les trois à la fois.
Un polar de plus, à base d’industrie du sexe et de crimes sans pitié pour attirer le lecteur ? Il y a un peu de ça de prime abord, avec en plus la réputation de Bucarest pour ses filles et sa mafia. D’ailleurs la narration visuelle semble très fonctionnelle, et le scénario plutôt linéaire. D’un autre côté, c’est un polar réussi qui tient en haleine du début à la fin, avec les conventions de genre attendues, et juste ce qu’il faut d’originalité pour ne pas pouvoir être réduit à un produit industriel. L’effet cumulatif se fait progressivement ressentir, entre l’état d’esprit blasé et résigné du personnage principal, la bonne connaissance de la ville et de cette partie de la population, l’intrigue bien construite : une vision prosaïque de la banalité du quotidien, une plausibilité qui finit par faire froid dans le dos, entre la pulsion sexuelle des hommes, et la célébrité internationale des camgirls. Loin d’être inoffensif.
Bon je réécris mon avis car il était, effectivement, bien trop dithyrambique.
J'aime beaucoup cet album et le trouve honnêtement très réussi, mais je m'étais bien trop emballée dans mes propos et ai ensuite essayé de corriger plusieurs fois pour adoucir mon discours sans jamais vraiment parvenir à refléter ce que je pense vraiment de l'album. Alors, après avoir mis cinq étoiles pour appuyer mon ressenti sur la qualité technique de l’œuvre, puis quatre et un coup de cœur pour revenir en arrière mais tout de même appuyer mon ressenti positif, je me rabat finalement sur un quatre étoiles tout rond, bien plus proche de mon ressenti réel.
L'album reste très bon, je le trouve toujours très frais et agréable à lire, mais je vais me montrer plus modérée dans mes paroles.
Pourquoi m'étais-je autant emballée à la base ? Parce que l'album est bon, très bon même. Pas une révolution dans son genre ni une source de réflexions profondes mais une œuvre finement construite. En fait, pour faire court, je trouve la construction de l'album excellente, ne serait-ce que du point de vue technique : le rythme parvient à rester prenant sans jamais réellement faire de pauses, les dialogues sont vifs, le personnage principal est une grande-gueule à l'égo surdimensionné et à la psyché chaotique qui parvient à rester attachante tout du long, le dessin de Lafebre est beau, vif et travaillé, … Bref, sur le plan technique, c'est du bon.
Bon, tout n'est pas parfait non plus. Encore une fois, l'album ne révolutionne pas le genre du polar et ne va pas nécessairement chambouler votre vision du monde (ou même vous pousser à la réflexion sur un sujet), il se contente simplement de raconter une histoire prenante par le simple fait de sa construction narrative sur deux plans et son personnages principal dont la personnalité d'apparence plus que farfelue est moteur de l'intrigue. Du bon, donc, mais encore faut-il apprécier le genre. Personnellement j'aime beaucoup les narrations non-linéaires, les histoires centrées sur la psychologie et les personnages qui sous leur apparence loufoque cache un être plus complexe, donc même si les polars ne sont pas nécessairement mes récits préférés (les poncifs du genre me laissent de marbre) je partais avec de bonnes appréhensions. Mais même si l'album brille par la personnalité d'Eva et ses méthodes peu conventionnelles, l'enquête n'en est pas moins un peu trop simple et convenue par moment.
L'œuvre reste très bonne, une lecture sincèrement très agréable et de très bonne qualité.
Je tenais simplement à venir réécrire cet avis dans lequel je m'étais malheureusement un peu trop emballée.
Voila sans doute l'un des documents les plus précis que je n'ai jamais lus sur l'affaire Dreyfus. Connu et reconnu comme une des plus grandes erreurs judiciaires françaises, elle est surtout la source d'un déchirement profond de la troisième république qui malheureusement restera en souffrance longtemps durant ... Cette affaire parfois résumée dans la caricature légendaire de monsieur Caran-D'Ache est pourtant d'une incroyable richesse pour aujourd'hui. Pensez donc, une affaire politique, sociale, militaire, judiciaire, médiatique, antisémite ... Le tout dans une France encore traumatisé d'une guerre et d'un bain de sang récent, dans une république qui peine encore à s'affirmer. Un vrai feuilleton !
Jean Dytar décide ici de s'amuser sur la forme mais de rester tout à fait formel sur le fond. Reprenant l'affaire dans l'ordre chronologique et avec les mots même de ceux qui la vécurent, proches, amis, parents, journalistes, hommes politiques etc ..., il trace le portrait de cette affaire dont finalement la réalité est le moins intéressant. Dreyfus était innocent, le coupable était Esterhazy. Voila l'essentiel du fond et sans doute le plus inutile. Le reste est par contre passionnant, allant jusqu'à des tentatives s'apparentant à des coups d’État. C'est aussi une bonne représentation du climat politique français de cette époque où se déclarer antisémite était une tendance politique comme on dirait écolo aujourd'hui. La BD arrive à rendre compte des nombreuses voix, parfois pour parfois contre, souvent indécises sur toute cette affaire qui semble si claire aujourd'hui mais qui était bien plus complexe à appréhender à l'époque.
Le format joue sur des outils contemporains (sites d'infos, interview à la Thinkerview, tweets, vidéo à chaud, etc ...), le propos est parfois plus abordable à un contemporain qu'une n-ième compilation de textes lourds et parfois indigestes. La lecture n'est pas rapide pour autant, et j'ai personnellement mis trois jours à finir ce petit pavé bien fourni mais qui apporte son lot de détails parfois hallucinant. La proportion de l'erreur est monumentale une fois toute l'entremise déployée.
Une BD documentaire un peu lourde et épaisse, parfaitement bien mise en scène et en image, qui permet de retracer pour comprendre toute l'histoire singulière de cette affaire si importante. Et je dis cela en étant sincèrement convaincu que nous avons, en 2025, beaucoup à apprendre de l'affaire Dreyfus. Rien que la question de l'importance des médias dans un traitement judiciaire devrait nous faire tilter, ces médias ayant encore plus gagnés en importance ces dernières années, tout comme l'importance des faux documents/témoignages/citations qui fleurissent cette affaire hors-norme. A un moment donné, l'opinion devient plus fort que la vérité, et cela est encore plus fort aujourd'hui à mon goût.
J’ai été d’emblée intrigué par la couverture, qui annonçait une histoire étonnante, et affichait un chouette coup de crayon.
Pour commencer par le côté graphique, disons tout de suite que c’est très largement au niveau des attentes nées de cette couverture. Le dessin de Boulanger est fin, précis, franchement très chouette. J’ai aussi beaucoup aimé la colorisation de Romac. Le rendu d’ensemble vaut le détour, et jusqu’au bout c’est un réel plaisir pour les yeux.
Quant à l’histoire, elle est à la fois surprenante et aride, sèche. Entièrement traitée à la forme indirecte, avec un narrateur nous racontant quelques moments de sa vie autour d’un chenal près d’Oléron, l’intrigue est peut-être un peu hermétique. Cette narration indirecte est assez littéraire, au point que j’ai un temps cru qu’il s’agissait là de l’adaptation d’un roman.
J’ai parlé plus haut d’une narration un peu aride. Mais au bout d’un moment on s’y fait, on est happé par le récit. Qui décrit la vie rude des pêcheurs et de leur famille. Et qui aussi évoque la maladie, le cancer, de façon détournée, métaphorique, poétique. Et là, texte et images se rejoignent, pour donner quelque chose d’étrange et vraiment beau. Et le charme agit, on ne s’étonne plus de voir gambader des Velociraptors, de voir nager des épaulards ou un dangereux liopleurodon au large d’Oléron. Ce fantastique onirique magistralement dessiné donne une touche envoûtante à ce récit, sur lequel j’encourage les lecteurs curieux à jeter un œil.
Je ne sais pas pourquoi je suis si conquis par cette BD. Je n'ai même pas l'excuse de l'avoir achetée et d'avoir envie de lui attribuer une bonne note pour justifier l'achat, on me l'a offerte !
Non, vraiment, je pense juste que cette BD a ce genre de feeling que j'adore, cette petite patte émotionnelle dans un enrobage mignon qui m'enchante.
Muette ou presque, la BD rentre dans cette catégorie de BD feel-good, remplie de bons sentiments et de petits moments de vie, de personnages sympathiques, de situations un peu décalées qui donnent cette envie de goûter à la vie... Vous sentez le côté cucul, l'aspect trop gentil, un peu trop sucré ? Et bien non, même si on le frôle souvent. C'est juste... c'est juste mignon, tout choupi, plein de petits personnages attachants sans qu'ils n'aient besoin de dire un mot et de situations mignonnes qui donnent le sourire.
Mais si je suis si dithyrambique sur cette BD, c'est parce que son dessin très moderne en fait une œuvre toute aussi mignonne à regarder. C'est rempli de petits détails sur la colorisation, sur la mise en page et sur des jeux de temporalités qui font lire l'histoire sans jamais se perdre, comprenant dès l'instant où c'est nécessaire ce qu'il se passe. L'autrice maitrise clairement son dessin et lui donne les atours pour que l'on ne soit jamais déboussolé. C'est plein de ces petits détails qui me font plaisir après tant d'années de lectures de BD parce que j'y reconnais une vraie maitrise du style de narration par le dessin, d'une envie de raconter l'histoire autant visuellement que narrativement, et que chaque élément semble s'emboiter dans l'autre pour en faire ressortir ses qualités. Je suis personnellement très très fan de ce qui a été fait pour rendre la couleur si efficace avec cette petite idée de passage au blanc lorsque quelque chose arrive...
Maintenant, je suis franchement peu objectif sur la BD mais ça faisait franchement longtemps aussi qu'une BD ne m'avait pas amené la larme à l’œil aussi facilement. Il y a eu ce passage, classique et déjà vu, certes, mais qui marche encore une fois. Simple, sobre, sans paroles, juste quelques petits gestes et des petites attentions qui racontent tout. Et à y repenser, ça fait remonter une petite larme, parce que même si on est souvent éduqué à le cacher, ça fait quand même plaisir de se faire remuer les sentiments.
Je suis embêté par mon avis car il est certain que j'ai bien trop vendu la BD et que bon nombre d'entre vous seront déçus de découvrir une BD honnête et mignonne mais qui ne sera pas la révélation de l'année. Et c'est pourquoi je vous propose, si mon avis vous semble élogieux, de l'oublier et juste retomber dessus dans un mois, dans un an, de la lire et passer vous aussi un bon moment.
En butte à son histoire personnelle
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Ce tome comprend une histoire complète indépendante de toute autre. Il contient les 5 épisodes de la minisérie (les numéros 1 et 5 étant doubles) initialement parus en 2018, écrits par Ales Kot, dessinés et encrés par Tradd Moore, avec une mise en couleurs réalisée par Heather Moore, et un design de la publication réalisé par Tom Mueller.
Le 15 avril 2037, plusieurs bombes nucléaires ont explosé dans cinq des plus grandes métropoles des États-Unis, sans qu'aucun groupe ne revendique ces actions. La nation s'est fragmentée en plusieurs gros états dont la Nouvelle Californie qui a remonté la pente économique pour retrouver une véritable prospérité. Ce jour-là, la chasseuse de primes Stella Maris a revêtu son armure pour une mission dans un immeuble désaffecté. Dans le même temps, dans un autre quartier, Kirby Shakaku Miyazaki se fait passer pour un technicien de haute compétence et se rend à son rendez-vous de prise de poste, avec un dénommé Miller, pour le network qui retransmet les interventions de Stella Maris. Cette dernière est montée dans les étages et repère une fillette dans un couloir, à qui elle dit de rentrer dans son appartement. Le criminel surgit derrière Stella avec un flingue, et l'écume aux lèvres. Miller a emmené Kirby Shakaku Miyazaki dans la salle de production, tenue par Jim Molina. Stella Maris passe à l'action et neutralise l'agresseur en tour de main. Elle le plaque au sol, et les téléspectateurs commencent à voter pour savoir s'ils veulent qu'elle le capture, ou qu'elle l'exécute sur le champ.
Alors que le résultat du vote est majoritaire pour l'exécution, Stella Maris refuse de passer à l'acte et préfère faire un prisonnier. Dans le même temps, Kirby Shakaku Miyazaki a quitté subrepticement la salle de production, et même le bâtiment et il actionne un télérupteur déclenchant un module qu'il a laissé dans la salle et qui provoque le piratage des émissions pour diffuser un message : écrasez l'état policier. Le soir, Stella Maris dîne avec son grand père (le président de la Nouvelle Californie). Il lui reproche de ne pas suivre le vote du public, de ne pas exécuter le criminel. Il évoque le professionnalisme de Logan Maximus, un autre chasseur de primes qui n'éprouve aucun état d'âme à suivre l'avis du public. Il souhaite qu'elle soit plus professionnelle, ce qui lui permettra d'accéder à la première place, de détrôner Logan Maximus. Dans la salle de production, Miller sait que ses jours sont comptés. Jim Molina lui indique que le hacker n'a pas été aussi malin qu'il l'a cru et qu'il a laissé des empreintes électroniques qui vont permettre de l'identifier.
Dans l'énorme production de l'éditeur Image Comics dans les années 2010, l'attention du lecteur est attiré à la fois par le nom du scénariste (auteur entre autres de Secret Avengers avec Michael Walsh, de Zero, ou encore de The surface avec Langdon Foss), ou par le nom du dessinateur ayant réalisé Luther Strode avec Justin Jordan, ou All New Ghost Rider avec Felipe Smith. Il note l'aspect psychédélique de la couverture, et l'aspect très rond des dessins. Le récit commence doucement avec sept pages évoquant en des termes brefs l'avènement de New California, pour expliquer que le récit se passe évidemment dans le futur, ce qui permet quelques exagérations d'anticipation. Bien sûr, le lecteur repère rapidement quelques éléments d'actualité comme la notion de célébrité dans une société où tout est spectacle, y compris l'activité de pourchasser les criminels, le principe des décisions interactives, ou encore l'existence d'un mur évoquant celui appelé de tous ses vœux par le quarante-cinquième président des États-Unis. Tradd Moore met à profit cet environnement d'anticipation. Il réalise un travail à la fois esthétisant, à la fois descriptif avec un fort niveau de détails. Moore commence par un dessin en double page de la Maison Blanche en ruine, puis le dessin en double page de la Nouvelle Californie. Le dessinateur sait trouver le juste milieu entre des décors attestant d'avancées technologiques, en matière de construction, d'aménagement, de communication. Le lecteur observe donc la manière dont il joue avec les espaces des appartements, les revêtements de sol ou de mur, les différents types de meubles, les formes d'écran. Moore accentue la fluidité des formes en exagérant l'arrondi de leurs contours. Heather Moore renforce cette vision parfois un peu infantile en utilisant une palette de couleurs pop, très agréable à l'œil, habillant chaque élément de manière vive et claire.
Durant ces cent-cinquante pages de comics, Tradd Moore enchante le lecteur par le degré descriptif de ses dessins. Dans celui en double page présentant la Nouvelle Californie, le lecteur peut prendre le temps de regarder chaque toit, ainsi que les bras de grue qui dépassent, avec une parfaite lisibilité, sans sensation d'étouffement. Quelques pages plus loin, Stella Maris a pénétré dans la cage d'immeuble du forcené, et les murs sont couverts de graffitis qui se chevauchent, sans compter les sacs poubelles abandonnés dans les parties communes. Lors du vote pour savoir si elle doit abattre son prisonnier, la narration montre plusieurs endroits avec des gens en train de voter. Le lecteur se dit qu'il aimerait participer au barbecue organisé sur le toit d'un immeuble à South Central, montré juste dans une case, mais avec un luxe de détails irrésistible. Par la suite le lecteur découvre le palace présidentiel de Griffith Park dans une vue du ciel extraordinaire, à la fois pour son architecture, à la fois pour le parc qui l'entoure. Il a également du mal à croire à la case où Kirby rentre à l'appartement de son père, et où il peut apercevoir dans une unique case : Kirby sur la gauche en train de faire tourner la clé autour de son index, le tapis avec ses motifs, l'escalier qui monte à l'étage, le canapé sur lequel se trouve Clark (le père de Kirby) avec un robot assis à côté de lui, l'écran plat de télévision, les plantes vertes au premier, la table avec les chaises dans un plan plus loin, et encore le coin cuisine en arrière-plan, tout ça avec une lisibilité parfaite.
Tradd Moore se montre tout aussi inventif et personnel pour la représentation des protagonistes : leurs visages, leurs tenues vestimentaires, leur langage corporel. En phase avec sa personnalité, Kirby a adopté une apparence voyante, avec des cheveux blond clair, une cicatrice sur la joue droite, un bandeau de pirate mais qu'il ne rabat pas sur son œil. Le lecteur constate que le souci de l'apparence est partagé par de nombreux individus, en particulier le président avec sa tenue blanche, sa chevelure ondulée mi-longue, et son très long bouc argenté. Il est visible que le dessinateur prend un réel plaisir à imaginer des visages tous différents et très travaillés. Il n'y a que Stella Maris à avoir conservé une apparence naturelle. Il en va de même pour les tenues vestimentaires, souvent extravagantes, sans être totalement impossibles. Le lecteur se divertit à regarder ce sens de la mode orienté pop et flashy. De manière à conserver un niveau de lisibilité satisfaisant, Moore s'en tient à des postures et des mouvements naturalistes pour les personnages, rehaussés par une belle expressivité de leur visage.
Sous réserve qu'il apprécie l'exubérance baroque de la narration visuelle, le lecteur se délecte de l'inventivité de Tradd Moore à chaque page, avec des visions étonnantes, parfois déroutantes, et mémorables. Le lecteur n'est pas près d'oublier la double page de l'affrontement entre Stella Maris et le criminel sous influence (une double page avec uniquement des onomatopées), la vision du satellite dans l'espace (un jeu sur le noir et les contrastes), le dessin en double page dans a boîte de nuit où le regard de Stella rencontre celui de Kirby, la voiture de Mark bondissant hors du garage dans un dessin en pleine page avec une impression psychotrope brillamment exécutée, ou encore la vision du mur séparant la Nouvelle Californie du reste du monde. Au fil des pages, le lecteur se retrouve emporté par cette narration visuelle riche et libérée. Alors qu'Ales Kot peut réaliser des intrigues à la structure complexe, il a ici préféré un fil directeur simple et facile à suivre : Kirby et Stella tombent amoureux et se retrouvent à fuir les autorités qui pourchassent le dangereux agitateur qu'est Kirby. Cette trame simple permet au scénariste de développer des séquences elles aussi surprenantes, sans risque de perdre son lecteur.
Au départ, le lecteur se dit que le scénariste va développer la fibre de la comédie romantique, avec Kirby Straight Edge et très ordonné avec des convictions anti-autoritaristes, attiré par Stella instrument du gouvernement, désordonnée et peu regardante quant à sa nourriture. Cet élément guide effectivement les réactions des personnages, Kirby étant très inquiet de devoir opérer par lui-même Stella pour enlever les mouchards électroniques implantés dans son corps. Mais le récit ne se focalise pas sur cette relation comme centre d'intérêt premier. Outre la dimension politique et sociétale de certaines situations, Ales Kot met en scène également des comportements très humains qui apparaissent comme des stratégies comportementales plus ou moins conscientes. La plus évidente est de Mark Miyazaki, (le père de Kirby), un vétéran qui se désensibilise en consommant de l'alcool de manière à ne plus ressentir les remords et l'impossibilité de trouver une forme d'action concourant à une éventuelle rédemption. Le lecteur prend peu à peu conscience que les choix de vie de Kirby sont guidés par un traumatisme d'enfance quand ses parents ont été arrêtés comme des fuyards. Jim Molina est entièrement prisonnier d'un système l'obligeant à agir sous la contrainte, même si elle ne prend pas la forme d'une menace physique. Logan Maximus refuse d'envisager l'éventualité d'une remise en question, malgré la preuve de sa nécessité incarnée par Mark, son ancien compagnon d'armes. Alors qu'elle quitte tout sur un coup de tête (effectuant une remise en question radicale, mais cohérente avec ses valeurs morales), Stella Maris ne peut pas renoncer à son chat (Godzilla), une forme d'attachement affectif qu'elle ne peut pas sacrifier. Ainsi chaque personnage acquiert une épaisseur et une dimension humaine le rendant unique et permettant au lecteur de reconnaître ses propres questionnements, ses émotions.
Sur la base de la couverture, le lecteur peut croire qu'il s'agit d'une histoire d'amour entre deux individus que tout oppose avec un vague vernis futuriste. À la lecture, il apparaît que Tradd Moore fait preuve d'une implication et d'une inventivité sans retenue pour donner à voir ce futur proche et décalé. Ales Kot propose une intrigue simple qui lui permet de faire ressortir la personnalité de ses personnages, au travers des épreuves peu communes auxquelles ils doivent faire face.
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Molière - Le théâtre de sa vie
Un bijou de rigueur et de tendresse. On croit connaître Molière, on croit tout savoir… et pourtant, cette BD fait l’effet d’une redécouverte. Chaque page respire l’amour du théâtre, le respect des faits, et une profonde humanité. On y sent le souffle de la scène, les failles d’un homme, et le travail patient des chercheur·euse·s qui ont éclairé son parcours, notamment Georges Forestier, à qui ce livre rend hommage. Accessible, intelligent, fidèle aux programmes scolaires, mais surtout bouleversant de justesse. Merci pour ce morceau de vie, d’histoire, de mémoire.
Albin et Zélie
Voilà un album qui s’éloigne énormément des sentiers battus, et qui devrait être ciblé par les lecteurs curieux. En effet, c’est une histoire qui mêle loufoqueries, poésie, romance improbable, pour un rendu inclassable, mais extrêmement plaisant. Une intrigue surprenante dans les grandes lignes, mais aussi dans les détails. A commencer par les personnages, du gros Albin, asocial amoureux et maladroit qui peine à déclarer sa flamme à Zélie, jeune femme bien plus dynamique soignant quelques blessures intimes. Autour d’eux gravitent un poisson rouge, des bidules extraterrestres, etc. Yannick Marchat (auteur que j’ai découvert avec cet album) nous embarque dans son histoire avec quelque chose de simple, dans la narration, mais aussi dans le dessin, qui use d’un chouette Noir et Blanc, avec des cases parfois très détaillées, quand d’autres sont avares de décors et d’arrière-plan. Voilà un album que j’ai acheté un peu au hasard (la couverture m’avait fait penser à une maquette de Cornélius), hasard qui, comme chacun sait, fait parfois bien les choses. Ça a en tout cas été le cas ici, pour ce coup de cœur.
Les Derniers corsaires
Au vu du titre je m’attendais à un documentaire, me demandant quand même ce que les corsaires faisaient là. Eh bien en fait ça n’est pas du tout un documentaire, et il n’y a aucun corsaire à l’horizon ! En cela le titre est sans doute la seule chose que j’ai trouvée un peu décevante. Autre petit bémol, la nouvelle couverture, que j’ai trouvée bien moins réussie que celle de la première édition que j’ai lue. Pour le reste, c’est un récit historique finalement assez classique, mais très réussi dans son genre. Les chapitres permettent de s’attacher aux quelques protagonistes que nous suivons, et de nous familiariser avec cette guerre sous-marine au cœur du récit (dans l’Atlantique nord, mais aussi dans l’océan Indien et dans le Pacifique). Toutes les parties purement militaires sont bien développées. C’est aussi le cas pour la partie psychologique, autour de ce sous-officier qui, ayant commis deux grosses bourdes, galère auprès de ses supérieurs pour redorer son image et obtenir le commandement d’un sous-marin. La fin de ce bras de fer est quelque peu surprenante, mais ça tient finalement la route. En épilogue, les auteurs ajoutent une touche quelque peu uchronique et fantastique, autour de lettres laissées par le héros, expliquant sa disparition et celle de son équipage. Une fin surprenante et pas désagréable. A noter que si le récit guerrier est classique et sans doute old school, le dessin, lui, et plutôt moderne. Et lui aussi agréable et réussi. J’ai bien aimé le rendu en tout cas. Bref, une histoire de sous-mariniers qui se révèle plaisante à lire.
Champs de Bataille - L'histoire enfouie du remembrement
Mon dieu, quelle horreur... J'ai mis des mois à réussir à lire cette BD que j'ai dû reposer au moins trois ou quatre fois, en ne voulant plus y toucher le temps de me calmer. J'ai rarement été autant énervé par une BD. Réellement énervé, au point de ne pas avoir l'envie de lire la suite et que je me sentais obligé d'aller faire autre chose et ne plus y penser. Balayons directement la question de la forme : vous avez aimé Algues vertes - L'Histoire interdite ? Foncez, c'est tout aussi bon et clair, didactique et étayé. Le dessin est efficace, la narration pas trop lourde et quelques fulgurances traversent la BD comme cette envolée des paysans qui disparaissent, montant au ciel les bras en croix. Symbole et métaphore, tout est clair. Pour le reste, par contre... Quelle claque, quelle horreur. A écrire ces mots après une lecture finie récemment, je suis encore plus en colère. Cette BD, ce n'est pas le genre d'informations qui m'a fait comprendre quelque chose qui m'effraye, lié au changement climatique, à la dégradation des sols et l'épuisement des ressources. Elle est allée au-delà, elle m'a mis en fureur. Celle qui m'a fait tourner en rond chez moi en ressassant des pensées pendant des heures. Le sous-titre de catastrophe écologique et sociale est amplement méritée. Au vu des informations que j'avais déjà et au sortir de cette lecture, j'ose affirmer que ce dont elle parle est probablement la plus grande catastrophe du XXè siècle. Au-delà des génocides, des dictateurs, des bombes nucléaires, ce qui s'est joué là a brisé quelque chose de fondamental dans l'humanité, quelque chose qui s'est construit pendant des milliers d'années et qui a définitivement disparu : la transmission de l'agriculture et des terres, des pratiques, de tout ce qui a été fait. Voir ces paysages dévastés, ces gens méprisés, exploités et désormais devenus esclaves d'une chaine de production, relégués au statut d'ouvrier d'usine mais croulant sous les dettes, toujours moins nombreux sur toujours plus de terre, avec toujours plus de matériel. Sincèrement, j'ai rarement été énervé à ce point par une BD qui met en lumière ce qu'est réellement ce remembrement, premier acte d'une transformation radicale de l'agriculture. Je pense que personne ne peut mesurer l'ampleur de son action, la dévastation des campagnes, de nos eaux et de nos airs. La façon dont cette transformation de l'agriculture a impacté si fort notre mode de consommation, nos vies, nos systèmes sociaux, notre conception du monde... Il y a des témoignages qui donnent envie de pleurer et d'autres qui donnent envie de sortir le fusil pour aller tuer certaines têtes précises. Mais surtout, la BD oblige presque le lecteur à se battre contre cela, à s'investir pour sauver ce qui peut encore l'être. Nous sommes passés à moins de 400.000 agriculteurs en France, il faudrait au moins 1 million de plus... Qui va y aller ? Parce qu'il devient crucial de le faire...
Sector 5
Quand on sait que le salaire moyen pour une femme à Bucarest est de 400 euros… - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Christophe Bec pour le scénario, par Christian Pacariu pour les dessins, et par Alex Guimares pour la couleur. Il comprend quatre-vingt-dix-sept pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec un texte introductif d’une page, rédigé par le scénariste qui indique que les hasards de la vie l’ont amené à faire plusieurs voyages en Roumanie et à y rester quelque temps. Il continue : en additionnant tous ces séjours, il a en fait vécu plusieurs mois à Bucarest, dans le Secteur 5 précisément, bien loin des parcours de la capitale. Il attire l’attention sur le fait qu’en réalité, le peuple roumain est un peuple latin et non pas slave, accueillant, joyeux et chaleureux. Dans le même temps, en observant, en parlant avec certains habitants, en réfléchissant sur les différences entre la France et la Roumanie, il a eu l’envie d’écrire un récit, et des choses qu’il a pu entrapercevoir, telle l’omniprésence de la corruption, de la mafia et de l’industrie du sexe, à demi dissimulées, l’ont rapidement dirigé vers un récit de genre, entre le polar noir et le Thriller. À San Diego, dans le sud de la Californie, aux États-Unis, un homme handicapé, nu dans son fauteuil roulant, a plusieurs capteurs et stimulateurs sur le corps, dont un dans la verge. Il mate un écran dont le programme produit un effet stimulant intense, qui se répercute dans son corps, dans son rythme cardiaque. Sans qu’il ne s’en soit aperçu, un homme dont le visage est masqué par une capuche est entré dans la pièce. Quand il s’en rend compte, il est déjà trop tard : l’intrus a augmenté les stimuli à travers les électrodes, et le paralytique succombe à une surexcitation fatale. Au centre régional de transit de Bucarest, Calea Giulesti, dans le secteur 1, Peyo Carbajal ouvre le courrier qu’il a reçu et se frappe la tête contre le montant de son vestiaire : sa demande de mutation dans le secteur 5 a été rejetée une nouvelle fois., ça fait la dixième fois. Ses collègues sortent du vestiaire, le laissant seul. Puis Simona y entre à son tour, une jeune femme avenante, elle lui demande si ça va. Il lui répond que non et qu’il va aller se prendre une murge dans la vieille ville. Elle lui recommande prendre soin de lui. Peyo Carbajal se rend dans un bar à danseuses, et il s’assoit pour siroter une bière. Une pole-danseuse lui propose de s’isoler et qu’elle lui fasse un extra. Il la repousse sans ménagement. Dans le secteur 5, l’inspecteur Marian Ferentari arrive sur le lieu d’un crime : une villa cossue. Les policiers sont en train d’évacuer les deux enfants et l’épouse. Ils surnomment l’inspecteur avec le terme de Cafard, comme dans les couloirs du commissariat, comme ces cafards qui ne voient jamais le jour. Lorsqu’il passe devant eux, ils le saluent froidement. Il arrive dans le salon où gît encore le cadavre. Il demande au policier présent de lui faire le topo, sans fioriture. Son interlocuteur s’exécute : les deux gamins sont en état de choc, ils ont été amenés dans le secteur 1, à l’hôpital central des enfants.la victime était avocat en droit de la famille, casier vierge. Pas d’ennemi connu, mouillé dans aucune affaire de corruption, aucun lien avec la mafia. Pas de caméra de surveillance. A priori, une simple série B, un polar au ton dur et cynique de circonstance pour un tel exercice de style, des meurtres répugnants, la traque d’un tueur en série dans Bucarest, pour une affaire forcément liée à une des facettes de l‘industrie du sexe, en cohérence avec la réputation de cette capitale. Le lecteur découvre les premières pages et son a priori se voit confirmé. Un premier crime avec nudité masculine, tueur mystérieux à l’identité cachée par sa capuche, handicapé en pleine pratique d’excitation sexuelle, en solitaire. Petite exagération visuelle avec deux ou trois zones de combustion corporelle. Une bonne densité de cases : une dizaine par page, un gros plan sur le sexe en érection. Une mise en couleurs sombre et un encrage appuyé. Impression confirmée avec les deux scènes suivantes : couleurs cafardeuses, dessins descriptifs et réalistes, avec des contours non lissés, donnant une impression âpre et brut de décoffrage. À nouveau une dizaine de cases par page, voire plus, avec des cadrages donnant une sensation d’étroitesse, entre focalisation sur des détails sordides ou dégradants, et un ressenti d’enfermement dans un quotidien à l’horizon bouché. Enfants témoins de l’assassinat de leur père, mutilation du corps comme pour un rituel évoquant la maladie mentale du meurtrier, studio photographique dans le sous-sol avec des centaines de clichés de femmes nues, des jeunes, des moins jeunes, des vieilles même. Le ton est donné : glauque. Rapidement, le lecteur ressent bien les conventions du polar, ainsi que la profondeur qu’il attend de ce genre. L’usage des figures de style associées à ce genre vont plus loin que les situations ou les visuels crades pour choquer ou pour racoler. Le personnage principal présente toutes les caractéristiques attendues de l’enquêteur tendance perdant de la vie. Pour une raison ou pour une autre, il a été écarté des affaires sensibles ou intéressantes, il est mal considéré de ses collègues qui le qualifient de cafard, parfois en sa présence quand ils oublient de faire attention. Sa femme l’a quitté, et il se complaît dans cette situation familiale, convaincu que les femmes qu’il juge belles ne sont intéressées que par les hommes disposant d’argent et le dépensant avec libéralité, roulant dans de grosses bagnoles tape-à-l’œil. Il a recours aux prostituées mais uniquement pour des fellations, craignant trop de se choper une maladie. Il se montre brut de décoffrage dans ses relations avec autrui. Il se montre totalement dépourvu d’empathie en interrogeant les deux enfants ayant vu leur père assassiné sous leurs yeux. Il s’avère incapable d’une parole réconfortante vis-à-vis de la veuve prosternée devant lui en l’implorant de retrouver l’assassin. En son for intérieur, il a pleinement conscience de cette faille dans son caractère, il se dit que : Les effusions, l’empathie, ce genre de choses, ça n’a jamais vraiment été sa came, pour ça il est une sorte d’handicapé émotionnel. Il sait qu’il aurait dû serrer cette pauvre femme dans ses bras, la rassurer, mais c’est quelque chose dont il est totalement incapable. Les dessins montrent un individu normalement constitué, avec une carrure un peu carrée, portant un imperméable par-dessus une chemise blanche et une cravate, avec le visage souvent fermé, ne souriant jamais. Le lecteur peut voir un individu n’éprouvant pas de plaisir dans la vie, ni dans ses moments de solitude, ni dans ses relations sociales, tout en restant animé par une forme de vague envie d’être utile dans la fonction de la police. Les auteurs savent montrer que cette forme de résignation à la fatalité de l’ordre choses tel qu’il habite d’autres personnages comme la camgirl Amalya Buluci, le tueur bien sûr, et quelques autres. Du coup, il suffit du comportement normal des deux policiers Mihai & Stefania pour souligner l’accablement qui pèse sur les autres. Le scénariste fait mener une enquête à son personnage principal, en respectant les phases de recherche d’indice, d’interrogatoire, de chance, un travail professionnel laborieux et sans éclat, lent et incertain. La narration visuelle sait montrer le quotidien très ordinaire de ces phases : être assis à un bureau très quelconque, rentrer chez soi en transport en commun, la solitude du petit appartement, le constat pragmatique des circonstances de la mort sur le lieu d’un crime, les recherches internet, les périodes de réflexion. Le lecteur se rend compte que le nombre élevé de cases par page, leur petite taille fonctionnent parfaitement pour rendre compte de ce quotidien. Les auteurs savent alterner cette routine professionnelle avec le quotidien tout aussi prosaïque du tueur dans son milieu professionnel et dans sa vie privée tout aussi banale et commune, et les moments où il passe à l’acte, des scènes violentes et soudaines, méthodiques et froides. Enfin, il y a donc ces meurtres, presque des exécutions : là encore le scénariste ne s’embarrasse pas de fioritures et le dessinateur reste dans un registre très factuel. Il montre clairement la brutalité et la mort violente, sans en rajouter ni dans le spectaculaire, ni dans une envolée romantique. Le lecteur en ressort avec sa dose de violence et de sexe, de comportements charriant une forme de renoncement à l’espoir d’un monde meilleur, d’accablement du quotidien et d’une société gangrénée par une criminalité systémique qui ne laisse d’autre choix que d’en être partie prenante. La narration visuelle reste à un niveau terre à terre, rien d’enthousiasmant, si ce n’est son efficacité. D’ailleurs, ces caractéristiques finissent par s’imprimer dans la tête du lecteur : des dessins fonctionnels, en fait à l’unisson d’une narration tout aussi fonctionnelle. Une production d’un trio d’artisans (scénariste, dessinateur, coloriste) maîtrisant leur métier, réalisant un polar très correct. Un peu plus que correct même. Il y a peut-être une exagération dans le sens où ils choisissent les points de vue venant insister sur ces aspects déprimants de la vie, sans jamais en mettre en scène d’autres : zéro chaleur humaine, zéro solidarité, zéro plaisir, juste une accumulation d’éléments négatifs. Le lecteur se dit que cela correspond à la vision que Marian Ferentari a de la vie. Ses pensées intérieures viennent conforter cette impression : les Bucarestois préfèrent s’endetter sur vingt-cinq ans pour acquérir une BM ou une Benz, se serrer la ceinture et remplir le réservoir de gasoil plutôt que le frigo, inhaler à longueur de journée du monoxyde de carbone, du dioxyde d’azote et des particules fines d’hydrocarbures cancérogènes. Ou encore : Quand bien même chaque Bucarestois raquerait docilement pour prendre les transports en commun, cette manne serait détournée pour tomber directement dans les poches d’employés corrompus du ministère, qui s’enverraient l’air avec des escort girls de luxe dans les suites douillettes des cinq étoiles de la capitale. Tout est biaisé, vérolé, rongé jusqu’à la moelle ! Et encore : Les salaires des flics sont une misère, alors pour arrondir les fins de mois, soit on se laisse arroser, soit on tente des coups au jeu ou au casino. Personne n’a le choix ici. De toute façon, c’est la règle quand tout marche de traviole. Des milliers de personnes manifestent devant le parlement depuis des mois, mais rien ne change. Le nouveau président, qui s’est fait élire sur un programme anti-corruption, a dû virer quasiment tout son gouvernement… Trop d’entre eux trempaient dans de sales histoires : drogue, sexe, corruption… Quand c’était pas les trois à la fois. Un polar de plus, à base d’industrie du sexe et de crimes sans pitié pour attirer le lecteur ? Il y a un peu de ça de prime abord, avec en plus la réputation de Bucarest pour ses filles et sa mafia. D’ailleurs la narration visuelle semble très fonctionnelle, et le scénario plutôt linéaire. D’un autre côté, c’est un polar réussi qui tient en haleine du début à la fin, avec les conventions de genre attendues, et juste ce qu’il faut d’originalité pour ne pas pouvoir être réduit à un produit industriel. L’effet cumulatif se fait progressivement ressentir, entre l’état d’esprit blasé et résigné du personnage principal, la bonne connaissance de la ville et de cette partie de la population, l’intrigue bien construite : une vision prosaïque de la banalité du quotidien, une plausibilité qui finit par faire froid dans le dos, entre la pulsion sexuelle des hommes, et la célébrité internationale des camgirls. Loin d’être inoffensif.
Je suis leur silence
Bon je réécris mon avis car il était, effectivement, bien trop dithyrambique. J'aime beaucoup cet album et le trouve honnêtement très réussi, mais je m'étais bien trop emballée dans mes propos et ai ensuite essayé de corriger plusieurs fois pour adoucir mon discours sans jamais vraiment parvenir à refléter ce que je pense vraiment de l'album. Alors, après avoir mis cinq étoiles pour appuyer mon ressenti sur la qualité technique de l’œuvre, puis quatre et un coup de cœur pour revenir en arrière mais tout de même appuyer mon ressenti positif, je me rabat finalement sur un quatre étoiles tout rond, bien plus proche de mon ressenti réel. L'album reste très bon, je le trouve toujours très frais et agréable à lire, mais je vais me montrer plus modérée dans mes paroles. Pourquoi m'étais-je autant emballée à la base ? Parce que l'album est bon, très bon même. Pas une révolution dans son genre ni une source de réflexions profondes mais une œuvre finement construite. En fait, pour faire court, je trouve la construction de l'album excellente, ne serait-ce que du point de vue technique : le rythme parvient à rester prenant sans jamais réellement faire de pauses, les dialogues sont vifs, le personnage principal est une grande-gueule à l'égo surdimensionné et à la psyché chaotique qui parvient à rester attachante tout du long, le dessin de Lafebre est beau, vif et travaillé, … Bref, sur le plan technique, c'est du bon. Bon, tout n'est pas parfait non plus. Encore une fois, l'album ne révolutionne pas le genre du polar et ne va pas nécessairement chambouler votre vision du monde (ou même vous pousser à la réflexion sur un sujet), il se contente simplement de raconter une histoire prenante par le simple fait de sa construction narrative sur deux plans et son personnages principal dont la personnalité d'apparence plus que farfelue est moteur de l'intrigue. Du bon, donc, mais encore faut-il apprécier le genre. Personnellement j'aime beaucoup les narrations non-linéaires, les histoires centrées sur la psychologie et les personnages qui sous leur apparence loufoque cache un être plus complexe, donc même si les polars ne sont pas nécessairement mes récits préférés (les poncifs du genre me laissent de marbre) je partais avec de bonnes appréhensions. Mais même si l'album brille par la personnalité d'Eva et ses méthodes peu conventionnelles, l'enquête n'en est pas moins un peu trop simple et convenue par moment. L'œuvre reste très bonne, une lecture sincèrement très agréable et de très bonne qualité. Je tenais simplement à venir réécrire cet avis dans lequel je m'étais malheureusement un peu trop emballée.
#J'Accuse...!
Voila sans doute l'un des documents les plus précis que je n'ai jamais lus sur l'affaire Dreyfus. Connu et reconnu comme une des plus grandes erreurs judiciaires françaises, elle est surtout la source d'un déchirement profond de la troisième république qui malheureusement restera en souffrance longtemps durant ... Cette affaire parfois résumée dans la caricature légendaire de monsieur Caran-D'Ache est pourtant d'une incroyable richesse pour aujourd'hui. Pensez donc, une affaire politique, sociale, militaire, judiciaire, médiatique, antisémite ... Le tout dans une France encore traumatisé d'une guerre et d'un bain de sang récent, dans une république qui peine encore à s'affirmer. Un vrai feuilleton ! Jean Dytar décide ici de s'amuser sur la forme mais de rester tout à fait formel sur le fond. Reprenant l'affaire dans l'ordre chronologique et avec les mots même de ceux qui la vécurent, proches, amis, parents, journalistes, hommes politiques etc ..., il trace le portrait de cette affaire dont finalement la réalité est le moins intéressant. Dreyfus était innocent, le coupable était Esterhazy. Voila l'essentiel du fond et sans doute le plus inutile. Le reste est par contre passionnant, allant jusqu'à des tentatives s'apparentant à des coups d’État. C'est aussi une bonne représentation du climat politique français de cette époque où se déclarer antisémite était une tendance politique comme on dirait écolo aujourd'hui. La BD arrive à rendre compte des nombreuses voix, parfois pour parfois contre, souvent indécises sur toute cette affaire qui semble si claire aujourd'hui mais qui était bien plus complexe à appréhender à l'époque. Le format joue sur des outils contemporains (sites d'infos, interview à la Thinkerview, tweets, vidéo à chaud, etc ...), le propos est parfois plus abordable à un contemporain qu'une n-ième compilation de textes lourds et parfois indigestes. La lecture n'est pas rapide pour autant, et j'ai personnellement mis trois jours à finir ce petit pavé bien fourni mais qui apporte son lot de détails parfois hallucinant. La proportion de l'erreur est monumentale une fois toute l'entremise déployée. Une BD documentaire un peu lourde et épaisse, parfaitement bien mise en scène et en image, qui permet de retracer pour comprendre toute l'histoire singulière de cette affaire si importante. Et je dis cela en étant sincèrement convaincu que nous avons, en 2025, beaucoup à apprendre de l'affaire Dreyfus. Rien que la question de l'importance des médias dans un traitement judiciaire devrait nous faire tilter, ces médias ayant encore plus gagnés en importance ces dernières années, tout comme l'importance des faux documents/témoignages/citations qui fleurissent cette affaire hors-norme. A un moment donné, l'opinion devient plus fort que la vérité, et cela est encore plus fort aujourd'hui à mon goût.
Le Chenal
J’ai été d’emblée intrigué par la couverture, qui annonçait une histoire étonnante, et affichait un chouette coup de crayon. Pour commencer par le côté graphique, disons tout de suite que c’est très largement au niveau des attentes nées de cette couverture. Le dessin de Boulanger est fin, précis, franchement très chouette. J’ai aussi beaucoup aimé la colorisation de Romac. Le rendu d’ensemble vaut le détour, et jusqu’au bout c’est un réel plaisir pour les yeux. Quant à l’histoire, elle est à la fois surprenante et aride, sèche. Entièrement traitée à la forme indirecte, avec un narrateur nous racontant quelques moments de sa vie autour d’un chenal près d’Oléron, l’intrigue est peut-être un peu hermétique. Cette narration indirecte est assez littéraire, au point que j’ai un temps cru qu’il s’agissait là de l’adaptation d’un roman. J’ai parlé plus haut d’une narration un peu aride. Mais au bout d’un moment on s’y fait, on est happé par le récit. Qui décrit la vie rude des pêcheurs et de leur famille. Et qui aussi évoque la maladie, le cancer, de façon détournée, métaphorique, poétique. Et là, texte et images se rejoignent, pour donner quelque chose d’étrange et vraiment beau. Et le charme agit, on ne s’étonne plus de voir gambader des Velociraptors, de voir nager des épaulards ou un dangereux liopleurodon au large d’Oléron. Ce fantastique onirique magistralement dessiné donne une touche envoûtante à ce récit, sur lequel j’encourage les lecteurs curieux à jeter un œil.
Quand j'ai froid
Je ne sais pas pourquoi je suis si conquis par cette BD. Je n'ai même pas l'excuse de l'avoir achetée et d'avoir envie de lui attribuer une bonne note pour justifier l'achat, on me l'a offerte ! Non, vraiment, je pense juste que cette BD a ce genre de feeling que j'adore, cette petite patte émotionnelle dans un enrobage mignon qui m'enchante. Muette ou presque, la BD rentre dans cette catégorie de BD feel-good, remplie de bons sentiments et de petits moments de vie, de personnages sympathiques, de situations un peu décalées qui donnent cette envie de goûter à la vie... Vous sentez le côté cucul, l'aspect trop gentil, un peu trop sucré ? Et bien non, même si on le frôle souvent. C'est juste... c'est juste mignon, tout choupi, plein de petits personnages attachants sans qu'ils n'aient besoin de dire un mot et de situations mignonnes qui donnent le sourire. Mais si je suis si dithyrambique sur cette BD, c'est parce que son dessin très moderne en fait une œuvre toute aussi mignonne à regarder. C'est rempli de petits détails sur la colorisation, sur la mise en page et sur des jeux de temporalités qui font lire l'histoire sans jamais se perdre, comprenant dès l'instant où c'est nécessaire ce qu'il se passe. L'autrice maitrise clairement son dessin et lui donne les atours pour que l'on ne soit jamais déboussolé. C'est plein de ces petits détails qui me font plaisir après tant d'années de lectures de BD parce que j'y reconnais une vraie maitrise du style de narration par le dessin, d'une envie de raconter l'histoire autant visuellement que narrativement, et que chaque élément semble s'emboiter dans l'autre pour en faire ressortir ses qualités. Je suis personnellement très très fan de ce qui a été fait pour rendre la couleur si efficace avec cette petite idée de passage au blanc lorsque quelque chose arrive... Maintenant, je suis franchement peu objectif sur la BD mais ça faisait franchement longtemps aussi qu'une BD ne m'avait pas amené la larme à l’œil aussi facilement. Il y a eu ce passage, classique et déjà vu, certes, mais qui marche encore une fois. Simple, sobre, sans paroles, juste quelques petits gestes et des petites attentions qui racontent tout. Et à y repenser, ça fait remonter une petite larme, parce que même si on est souvent éduqué à le cacher, ça fait quand même plaisir de se faire remuer les sentiments. Je suis embêté par mon avis car il est certain que j'ai bien trop vendu la BD et que bon nombre d'entre vous seront déçus de découvrir une BD honnête et mignonne mais qui ne sera pas la révélation de l'année. Et c'est pourquoi je vous propose, si mon avis vous semble élogieux, de l'oublier et juste retomber dessus dans un mois, dans un an, de la lire et passer vous aussi un bon moment.
The New World
En butte à son histoire personnelle - Ce tome comprend une histoire complète indépendante de toute autre. Il contient les 5 épisodes de la minisérie (les numéros 1 et 5 étant doubles) initialement parus en 2018, écrits par Ales Kot, dessinés et encrés par Tradd Moore, avec une mise en couleurs réalisée par Heather Moore, et un design de la publication réalisé par Tom Mueller. Le 15 avril 2037, plusieurs bombes nucléaires ont explosé dans cinq des plus grandes métropoles des États-Unis, sans qu'aucun groupe ne revendique ces actions. La nation s'est fragmentée en plusieurs gros états dont la Nouvelle Californie qui a remonté la pente économique pour retrouver une véritable prospérité. Ce jour-là, la chasseuse de primes Stella Maris a revêtu son armure pour une mission dans un immeuble désaffecté. Dans le même temps, dans un autre quartier, Kirby Shakaku Miyazaki se fait passer pour un technicien de haute compétence et se rend à son rendez-vous de prise de poste, avec un dénommé Miller, pour le network qui retransmet les interventions de Stella Maris. Cette dernière est montée dans les étages et repère une fillette dans un couloir, à qui elle dit de rentrer dans son appartement. Le criminel surgit derrière Stella avec un flingue, et l'écume aux lèvres. Miller a emmené Kirby Shakaku Miyazaki dans la salle de production, tenue par Jim Molina. Stella Maris passe à l'action et neutralise l'agresseur en tour de main. Elle le plaque au sol, et les téléspectateurs commencent à voter pour savoir s'ils veulent qu'elle le capture, ou qu'elle l'exécute sur le champ. Alors que le résultat du vote est majoritaire pour l'exécution, Stella Maris refuse de passer à l'acte et préfère faire un prisonnier. Dans le même temps, Kirby Shakaku Miyazaki a quitté subrepticement la salle de production, et même le bâtiment et il actionne un télérupteur déclenchant un module qu'il a laissé dans la salle et qui provoque le piratage des émissions pour diffuser un message : écrasez l'état policier. Le soir, Stella Maris dîne avec son grand père (le président de la Nouvelle Californie). Il lui reproche de ne pas suivre le vote du public, de ne pas exécuter le criminel. Il évoque le professionnalisme de Logan Maximus, un autre chasseur de primes qui n'éprouve aucun état d'âme à suivre l'avis du public. Il souhaite qu'elle soit plus professionnelle, ce qui lui permettra d'accéder à la première place, de détrôner Logan Maximus. Dans la salle de production, Miller sait que ses jours sont comptés. Jim Molina lui indique que le hacker n'a pas été aussi malin qu'il l'a cru et qu'il a laissé des empreintes électroniques qui vont permettre de l'identifier. Dans l'énorme production de l'éditeur Image Comics dans les années 2010, l'attention du lecteur est attiré à la fois par le nom du scénariste (auteur entre autres de Secret Avengers avec Michael Walsh, de Zero, ou encore de The surface avec Langdon Foss), ou par le nom du dessinateur ayant réalisé Luther Strode avec Justin Jordan, ou All New Ghost Rider avec Felipe Smith. Il note l'aspect psychédélique de la couverture, et l'aspect très rond des dessins. Le récit commence doucement avec sept pages évoquant en des termes brefs l'avènement de New California, pour expliquer que le récit se passe évidemment dans le futur, ce qui permet quelques exagérations d'anticipation. Bien sûr, le lecteur repère rapidement quelques éléments d'actualité comme la notion de célébrité dans une société où tout est spectacle, y compris l'activité de pourchasser les criminels, le principe des décisions interactives, ou encore l'existence d'un mur évoquant celui appelé de tous ses vœux par le quarante-cinquième président des États-Unis. Tradd Moore met à profit cet environnement d'anticipation. Il réalise un travail à la fois esthétisant, à la fois descriptif avec un fort niveau de détails. Moore commence par un dessin en double page de la Maison Blanche en ruine, puis le dessin en double page de la Nouvelle Californie. Le dessinateur sait trouver le juste milieu entre des décors attestant d'avancées technologiques, en matière de construction, d'aménagement, de communication. Le lecteur observe donc la manière dont il joue avec les espaces des appartements, les revêtements de sol ou de mur, les différents types de meubles, les formes d'écran. Moore accentue la fluidité des formes en exagérant l'arrondi de leurs contours. Heather Moore renforce cette vision parfois un peu infantile en utilisant une palette de couleurs pop, très agréable à l'œil, habillant chaque élément de manière vive et claire. Durant ces cent-cinquante pages de comics, Tradd Moore enchante le lecteur par le degré descriptif de ses dessins. Dans celui en double page présentant la Nouvelle Californie, le lecteur peut prendre le temps de regarder chaque toit, ainsi que les bras de grue qui dépassent, avec une parfaite lisibilité, sans sensation d'étouffement. Quelques pages plus loin, Stella Maris a pénétré dans la cage d'immeuble du forcené, et les murs sont couverts de graffitis qui se chevauchent, sans compter les sacs poubelles abandonnés dans les parties communes. Lors du vote pour savoir si elle doit abattre son prisonnier, la narration montre plusieurs endroits avec des gens en train de voter. Le lecteur se dit qu'il aimerait participer au barbecue organisé sur le toit d'un immeuble à South Central, montré juste dans une case, mais avec un luxe de détails irrésistible. Par la suite le lecteur découvre le palace présidentiel de Griffith Park dans une vue du ciel extraordinaire, à la fois pour son architecture, à la fois pour le parc qui l'entoure. Il a également du mal à croire à la case où Kirby rentre à l'appartement de son père, et où il peut apercevoir dans une unique case : Kirby sur la gauche en train de faire tourner la clé autour de son index, le tapis avec ses motifs, l'escalier qui monte à l'étage, le canapé sur lequel se trouve Clark (le père de Kirby) avec un robot assis à côté de lui, l'écran plat de télévision, les plantes vertes au premier, la table avec les chaises dans un plan plus loin, et encore le coin cuisine en arrière-plan, tout ça avec une lisibilité parfaite. Tradd Moore se montre tout aussi inventif et personnel pour la représentation des protagonistes : leurs visages, leurs tenues vestimentaires, leur langage corporel. En phase avec sa personnalité, Kirby a adopté une apparence voyante, avec des cheveux blond clair, une cicatrice sur la joue droite, un bandeau de pirate mais qu'il ne rabat pas sur son œil. Le lecteur constate que le souci de l'apparence est partagé par de nombreux individus, en particulier le président avec sa tenue blanche, sa chevelure ondulée mi-longue, et son très long bouc argenté. Il est visible que le dessinateur prend un réel plaisir à imaginer des visages tous différents et très travaillés. Il n'y a que Stella Maris à avoir conservé une apparence naturelle. Il en va de même pour les tenues vestimentaires, souvent extravagantes, sans être totalement impossibles. Le lecteur se divertit à regarder ce sens de la mode orienté pop et flashy. De manière à conserver un niveau de lisibilité satisfaisant, Moore s'en tient à des postures et des mouvements naturalistes pour les personnages, rehaussés par une belle expressivité de leur visage. Sous réserve qu'il apprécie l'exubérance baroque de la narration visuelle, le lecteur se délecte de l'inventivité de Tradd Moore à chaque page, avec des visions étonnantes, parfois déroutantes, et mémorables. Le lecteur n'est pas près d'oublier la double page de l'affrontement entre Stella Maris et le criminel sous influence (une double page avec uniquement des onomatopées), la vision du satellite dans l'espace (un jeu sur le noir et les contrastes), le dessin en double page dans a boîte de nuit où le regard de Stella rencontre celui de Kirby, la voiture de Mark bondissant hors du garage dans un dessin en pleine page avec une impression psychotrope brillamment exécutée, ou encore la vision du mur séparant la Nouvelle Californie du reste du monde. Au fil des pages, le lecteur se retrouve emporté par cette narration visuelle riche et libérée. Alors qu'Ales Kot peut réaliser des intrigues à la structure complexe, il a ici préféré un fil directeur simple et facile à suivre : Kirby et Stella tombent amoureux et se retrouvent à fuir les autorités qui pourchassent le dangereux agitateur qu'est Kirby. Cette trame simple permet au scénariste de développer des séquences elles aussi surprenantes, sans risque de perdre son lecteur. Au départ, le lecteur se dit que le scénariste va développer la fibre de la comédie romantique, avec Kirby Straight Edge et très ordonné avec des convictions anti-autoritaristes, attiré par Stella instrument du gouvernement, désordonnée et peu regardante quant à sa nourriture. Cet élément guide effectivement les réactions des personnages, Kirby étant très inquiet de devoir opérer par lui-même Stella pour enlever les mouchards électroniques implantés dans son corps. Mais le récit ne se focalise pas sur cette relation comme centre d'intérêt premier. Outre la dimension politique et sociétale de certaines situations, Ales Kot met en scène également des comportements très humains qui apparaissent comme des stratégies comportementales plus ou moins conscientes. La plus évidente est de Mark Miyazaki, (le père de Kirby), un vétéran qui se désensibilise en consommant de l'alcool de manière à ne plus ressentir les remords et l'impossibilité de trouver une forme d'action concourant à une éventuelle rédemption. Le lecteur prend peu à peu conscience que les choix de vie de Kirby sont guidés par un traumatisme d'enfance quand ses parents ont été arrêtés comme des fuyards. Jim Molina est entièrement prisonnier d'un système l'obligeant à agir sous la contrainte, même si elle ne prend pas la forme d'une menace physique. Logan Maximus refuse d'envisager l'éventualité d'une remise en question, malgré la preuve de sa nécessité incarnée par Mark, son ancien compagnon d'armes. Alors qu'elle quitte tout sur un coup de tête (effectuant une remise en question radicale, mais cohérente avec ses valeurs morales), Stella Maris ne peut pas renoncer à son chat (Godzilla), une forme d'attachement affectif qu'elle ne peut pas sacrifier. Ainsi chaque personnage acquiert une épaisseur et une dimension humaine le rendant unique et permettant au lecteur de reconnaître ses propres questionnements, ses émotions. Sur la base de la couverture, le lecteur peut croire qu'il s'agit d'une histoire d'amour entre deux individus que tout oppose avec un vague vernis futuriste. À la lecture, il apparaît que Tradd Moore fait preuve d'une implication et d'une inventivité sans retenue pour donner à voir ce futur proche et décalé. Ales Kot propose une intrigue simple qui lui permet de faire ressortir la personnalité de ses personnages, au travers des épreuves peu communes auxquelles ils doivent faire face.