Un premier tome prometteur.
Un album tous publics qui ravira principalement les adolescents, mais pas seulement, j'en suis la preuve.
Daniel Freedman au scénario (Kali) et Crom au dessin, citent Miyazaki ou encore le jeux vidéo Dark Souls comme sources d’inspirations. Ce Birdking est leur deuxième collaboration après "Raiders".
Les auteurs nous entraînent dans de la dark fantasy sombre et légère à la fois.
Bianca, jeune apprentie forgeronne, est forcée de fuir son pays en guerre et de partir à la recherche d'Atlas, une terre légendaire, elle sera accompagnée par le silencieux et imposant Birdking, l'esprit d'un roi.
Un album qui ne révolutionne pas le genre, mais il prend le temps de s'attarder sur Bianca et ainsi de s'attacher à cette délicieuse jeune fille au tempérament bien trempé.
Un premier tome qui met en place un univers dense, complexe et mystique dont il reste encore beaucoup à découvrir.
Le début d'une saga rondement menée, c'est fluide, palpitant et très agréable à lire.
Le titre prend tout son sens.
Je découvre Crom et je suis sous le charme de son dessin au trait vif, précis et expressif. Un dessin singulier me rappelant celui de Mike Mignola mais avec une touche de manga, notamment dans l'expression excessive de certains visages. Un délicieux mélange.
J'ai aimé le choix des couleurs et la créativité dont Crom a fait preuve pour les personnages, ainsi que pour les rares décors.
Sobre, mais très efficace !
Une très belle découverte et vivement la suite.
Livre 2.
Un second opus qui confirme, beaucoup plus dans l'action, on entre de plein fouet dans cette saga, ce qui permet d'en connaître beaucoup plus sur ces mondes mystérieux. Du déjà vu, mais la réalisation est parfaite et les surprises seront au rendez-vous. Un dosage parfait entre scènes de batailles et moment plus calme pour développer les - nouveaux - personnages.
Visuellement, toujours autant de plaisir.
Livre 3.
Un troisième tome moins dans l'action, beaucoup plus dans la réflexion. Il faut savoir à qui donner sa confiance. Pour l'adulte que je suis c'est assez simpliste, mais ça conviendra parfaitement pour un jeune public.
J'aime toujours autant le travail de Crom.
Plus qu'un tome à attendre pour connaître la conclusion.
Le don s’est transmis, le rêve s’est caché.
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2024. Le scénario est de Serge Lehman, les dessins et les nuances de gris de Stéphane de Caneva. Il comprend cent-quatre-vingt-dix-huit pages de bande dessinée. L’histoire est découpée en huit chapitres comprenant entre vingt et trente pages. Il se termine avec un post-scriptum de trois pages, écrit par le scénariste, avec deux illustrations d’Odilon Redon (L’œil ballon, Le polype cyclope), et une carte des berges des anciens lits de la Seine et de la Marne, datant de 1869, dressée par Eugène Belgrand.
Paris, la Butte-aux-Caille au printemps 2020, un livreur arrive dans les locaux des éditions du Saule, un bouquet de fleurs à la main. Il se présente à la secrétaire à l’accueil et elle hèle Maxime Faubert qui sort d’un bureau avec le patron Sébastien Saule. La secrétaire taquine Maxime sur le fait qu’il ait une admiratrice. Il lit la carte qui accompagne le bouquet : elle est signée M. de M. Il explique : Maya de Montmorency, une poétesse assez marrante, il l’a interviewée pour la revue, elle quatre-vingt-deux ans. Maxime raccompagne Sébastien jusqu’à sa voiture. Ce dernier lui parle à nouveau, à propos de la revue : le marketing voudrait rediscuter d’un passage au tout-numérique. Sébastien sait que Maxime est contre. Mais il perd un tiers des lecteurs chaque année et ce n’est pas en publiant des poétesses octogénaires qu’il va inverser la tendance ? Il le quitte en indiquant qu’ils en reparleront la semaine prochaine. En se dirigeant vers la station de métro la plus proche, Maxime rappelle son ami Arthur Morgue qui avait tenté de le joindre. Ce dernier l’informe que Neige est revenue.
Maxime se souvient de sa rencontre avec ses deux amis, qu’il connaît depuis qu’il a onze ans. Avec ses parents et sa sœur, ils venaient de s’installer rue du Panorama, et il angoissait parce qu’il allait devoir faire sa rentrée au collège de Clamart, où il ne connaissait personne. Il aidait son père à jeter les cartons du déménagement quand il avait vu Arthur en train d’escalader une des grilles du square. Ils avaient fait connaissance, s’étaient présentés, et Arthur lui avait expliqué qu’il explorait la rue. Maxime avait remarqué que le garçon riait à chaque phrase et que son sac à dos était trois fois trop grand pour lui. La rencontre avec Sébastien avait été plus compliquée. Il portait encore le nom de sa mère à l’époque, il vivait avec elle dans une des plus belles maisons de la rue. Il avait presque un an de plus qu’eux et il s’habillait comme un adulte, ce qui les impressionnait. Maxime avait d’abord trouvé Sébastien snob. Mais un jour ce dernier leur avait montré sa collection de disques. Dans sa chambre, il avait mis le premier album de Van Halen et avait indiqué qu’Eddie est le meilleur guitariste depuis Hendrix. Maxime n’avait pas la moindre idée de qui était Jimi Hendrix, mais il avait dit oui. Ils sont instantanément devenus amis. À la rentrée, ils se sont retrouvé tous les trois dans la même classe et ils ne se sont plus quittés.
Une magnifique présentation : un ouvrage épais, avec un dos toilé, une couverture superbe avec une encre dorée, tout en ombres, un papier agréable au toucher. Le lecteur anticipe le plaisir de s’immerger dans un récit long. Il trouve rapidement ses marques : une forme de roman, l’amitié entre trois garçons à partir du tout début de l’adolescence, l’irruption d’une adolescente au milieu d’eux, et forcément une histoire d’amour, ainsi qu’un incident mystérieux dont les conséquences se font encore sentir à l’âge adulte alors que Neige revient à Clamart et qu’il se produit un phénomène surnaturel. Toutes les promesses implicites dans ces éléments sont tenues. Le scénariste prend bien soin d’apporter des éléments personnels à chaque personnage, que ce soient les relations de Maxime avec son ex-épouse Alice et leur fils Eliott, les circonstances dans lesquelles Arthur est devenu handicapé et sa relation avec ses tantes jumelles, ou encore la froideur de Sébastien découlant pour partie de la distance d’avec ses parents. Dans le même temps, le dessinateur accomplit un travail remarquable pour inscrire le récit dans une réalité palpable, au travers des villes de banlieues chacune avec leur architecture, de quelques quartiers de Paris, des pavillons et de quelques belles demeures, des autoroutes urbaines, les modèles de véhicules, etc. Ainsi ancré dans la banalité d’une réalité concrète et familière, le récit devient d’autant plus mystérieux que le contraste se trouve être saisissant avec le surnaturel.
Par ailleurs, les auteurs font montre d’un solide savoir-faire dans la pratique de leur métier. Le lecteur retrouve le scénariste enchanteur des séries La brigade chimérique et L’Œil de la nuit, très attaché à la France. Il sait réenchanter le quotidien de Paris et de sa banlieue. Il rend explicite la référence à l’une des sources de son inspiration : l’artiste Odilon Redon (Bertrand Redon, 1840-1916), peintre et graveur symboliste français, ayant participé à la huitième et dernière exposition des impressionnistes (1886). Il s’inspire et rend hommage en particulier à sa période de gravures et dessins : des eau-forte, trois pointes sèches, ainsi que des lithographies et des dessins. S’il a déjà eu l’occasion de voir une partie de ces œuvres, le lecteur aura lui aussi été frappé par leur singularité, mêlant onirisme, mystères et inquiétude. En auteur aguerri, Lehman imagine un disciple de Redon, Pierre-Marie Ferdinand Krebs (1854-1910), son amie Jeanne Latour, et même une école de la Bièvre. Le dessinateur s’inspire des dessins de Redon pour les monstres surnaturels. En fonction de son inclination, le lecteur peut également apprécier comment le scénariste nourrit son intrigue avec d’autres références à un pan de la culture française en mentionnant les écrivains Jean Lorrain (1855-1906), Joris-Karl Huysmans (1848-1907), Pierre Mac Orlan (1882-1970), et Jean Cocteau (1889-1963). Ainsi l’intrigue s’inscrit dans cette culture, s’en nourrit et en est indissociable, une mythologie particulière, sans relation avec la culture hégémonique de divertissement américaine.
À l’unisson, la narration visuelle montre des paysages bien identifiés, à commencer par la Butte-aux-Cailles, le métro parisien avec ses stations reconnaissables, la porte de Chatillon, Clamart, etc. Les visuels inscrivent également le récit dans une zone géographique concrète, vierge de toute mythologie outre-Atlantique. L’artiste réalise des dessins en noir & blanc rehaussé de nuances de gris, dans un registre descriptif et réaliste, avec des traits de contours précis et souples. Il intègre des éléments d’informations purement visuels comme les noms sur les teeshirts de Maxime : Metallica, Radiohead, Magma, Rush (le connaisseur appréciera également l’écoute collective de la reprise de You really got me figurant sur le premier album de Van Halen sorti en 1978, et la mention du groupe Tin Machine fondé en 1987 par David Bowie et Reeves Gabrels). Ils participent ainsi à définir la personnalité de chaque protagoniste : jean et teeshirt pour Maxime, tenue plus randonnée pour Arthur, et chemise blanche impeccable avec veste pour Sébastien. Il s’agit de dessins qui montrent des endroits réels dans lesquels évoluent des individus normaux, tout en restituant leurs particularités, caractéristiques essentielles à l’intrigue qui évoquent des éléments historiques également très concrets.
Ainsi, ce récit d’amitié entre trois adolescents devenus adultes dégage sa propre personnalité dans un environnement parisien et de banlieue, avec des personnages plausibles et crédibles, ayant chacun leur histoire. Ils se retrouvent confrontés à une manifestation surnaturelle singulière, une autre dimension issue de l’histoire de la région, même si elle a été enfouie sous un urbanisme dense et bétonné. Le dessinateur marque la présence du surnaturel avec des fonds de page qui passent du blanc pour les gouttières, au noir, et par la disparition des nuances de gris, les personnages évoluant alors dans un monde littéralement noir & blanc. À nouveau, les caractéristiques du dessin et les éléments fantastiques restent dans un registre franco-belge et d’inspiration locale (avec une très belle page de forte pluie dans un dessin en pleine page p.191 à la Frank Miller période Sin City). Le développement de l’intrigue implique à la fois les travaux de l’ingénieur Eugène Belgrand (1810-1878) et sa carte des berges des anciens lits de la Seine et de la Marne datant de 1869, ainsi que la brigade fluviale de Paris, un service de la préfecture de police, créé en 1900 par arrêté du préfet de police, Louis Lépine (1846-1933).
Le lecteur suit essentiellement Maxime Faubert dans cette aventure, entre arrêt du développement et père divorcé, retour d’un amour de jeunesse, puis disparition lors d’une manifestation surnaturelle. Les auteurs mettent ainsi en scène trois adultes dont la vie porte la marque de leur adolescence, ainsi que la force de cette amitié adolescente qui perdure à l’âge adulte. La vie de chacun de ces trois hommes a continué, dans des directions différentes, des intérêts différents, les amenant dans une situation où les potentiels de la jeunesse se sont restreints au fur et à mesure de leurs choix de vie. Au fur et à mesure de leur enquête pour retrouver Neige Agopian, ils se heurtent à des degrés divers à certaines de ces aspirations qu’ils ont abandonnées, et aussi à un événement traumatique et banal vécu par l’un d’eux, et ressenti par les deux autres. Au travers de ces aventures, ils font face à une réalité qui leur était inaccessible, comme si les événements les contraignaient à progresser plus loin vers l’état adulte, à accepter des faits alors que le déni leur offrait une certaine forme de confort.
Une très belle couverture qui promet une aventure surnaturelle avec un imaginaire original. Ces promesses sont tenues dans un récit bien ancré dans le réel de quartiers parisiens et de banlieues, avec des éléments fantastiques trouvant leur source chez l’artiste Odilon Redon. Scénariste et dessinateur donnent une consistance peu commune à cet environnement français, nourrissant une mythologie propre, et racontant une aventure à la trame classique, rendue originale par des éléments historiques spécifiques à l’Île-de-France, et par des personnages possédant leur propre histoire. Déstabilisant.
Ideal se découvre comme un OVNI dans les parutions. ce long récit nous parle du temps, de la vie, de l'amour, des regrets, de l'art, de l’intelligible, de la robotisation, de l'intelligence artificielle, de la morale, des cycles de l'histoire, du sens, de l'absolu, le la faiblesse, de tradition, de l'humain. De tout cela et bien plus, dans un style graphique épuré qui nous rappelle les estampes japonaises. Comme pour donner un support clair et limpide à une pensée complexe et profonde. En fait cet album est un écrin pour laisser vagabonder sa pensée tout comme le jardin Japonais est une ode à la méditation de la pensée Zen.
En guise d'introduction, une séquence éblouissante de plus de 30 planches muettes nous permet de découvrir les trois protagonistes principaux. Tout est déjà là, derrière la simplicité d'un trait simplifié à l’extrême se cachent déjà des drames intérieurs bouleversants. Ces personnages vont ensuite se mettre à parler, à échanger et l'on découvrira d'autres individus pour former une étrange société. Arrivent alors les sujets de robotisation humanoïde et d'intelligence artificielle et là encore point de repos, le propos est clair, froid mais implacable. Sa simplicité déconcertante vient contraster avec les pulsions, peurs et fantômes conscients ou non des humains. A ce sujet, la scène du chat et de l'oiseau pourrait à elle seule faire l'objet de mémoires tant cela me semble beaucoup moins anodin qu'il n'y parait. Outre que nous n'avions pas vraiment vu venir la chose tant ces éléments semblent former un contexte pour montrer des éléments des personnages jusque là, j'y vois une réflexion sur la fin de vie assez terrible. Chacun se fera libre interprète mais l'oiseau n'est il pas plus heureux dans ce final que dans sa position de prison, et n'est-ce pas justement cela que l'IA a perçu, le don de soi ? Encore une fois subtil, sans jugement et sans morale, c'est lourd, c'est dur, c'est magnifique.
Le dessin fait une synthèse entre les estampes japonaises et le douanier Rousseau. Cet art naïf nous propose un écrin vers les profondeurs complexes de nos douleurs, questionnements, névroses et incertitudes rendant l'exploration supportable. Car comment ne pas voir un triptyque de miroir en relation au temps perdu ? Il y a ce temps passé lourd de combats internes qui bloque l'action et aboutit à une lâcheté dans le présent, il y a ce passé glorieux, plus atteignable mais qui refuse d'abdiquer et rend l'action manipulatrice, violente, insupportable. Il y a ce lourd passé, qui hante encore le présent mais dans lequel le parti pris est de continuer de vivre. " Mais la vie continue" dira Knut Hamsun dans son triptyque nordique, Ici nous sommes au Japon mais l'humain a les mêmes doutes et faiblesses.
Cette œuvre vous retourne et ne peut vous laisser indifférent, elle fait partie de ces récits auxquels vous repensez des semaines, des mois, des années encore après. Elle vous questionnera sur vos propres incertitudes, le tout dans une absence de jugement qui fait du bien. A aucun moment les actes ne semblent forcés, le scénario ficelé et les propos indigestes.
Mais la faiblesse est qu'elle n'est pas accessible et ne plaira pas à tous, combien verront même que ce n'est pas une BD muette comme ou pourrait le croire dans les premières planches. Il faut se laisser imprégner, prendre le temps de contempler et seulement ensuite on y trouvera la profondeur que les planches ne laissent pas apparaitre de prime abord. La narration est ici magnifiée par des cadrages et une scénographie montrant une maitrise incroyable de l'art séquentiel. Juxtaposition de cases à priori non liées, (équivalent du zeugma littéraire), succession de prises de vues sous différents angles, le tout est taillé comme un bon film avec une simplification extrême pour contraster avec la complexité des humeurs. Magistral !
Et puis que dire, enfin une production qui ne vous dit pas ce qu'il est bon de penser quand on est un bon citoyen, ici pas de déconstruction, de leçon de morale ou de "y'a qu'à, faut qu'on", l'humain est là entier dans ses paradoxes et ses jours laids, dans sa faiblesse et sa beauté : on prend et on ne laisse pas, rien que pour celà j'aurai presque mis . Oui c'est lent, c'est plein de drames intérieurs, il n'y a pas de super héros, il n'y a pas de message lourd qui vous disent qu'il faut penser ainsi, même les politiques dans leur bassesse ne sont pas présentés comme des abrutis ! J'aime, j'adore, Merci pour ce moment atemporel
Malgré ma bonne notation, je reste perplexe après ma lecture. Le récit est construit sur les genres journalistique et historique au sein d'une fiction qui donne du lien au différentes situations. Cela donne une narration très dynamique presque à suspens tant le rythme est élevé et l'enchaînement bien huilé. Toutefois la qualité de la narration peut être perçu comme un défaut tant la personne de Malik est assez peu présente alors qu'il est la pierre angulaire et la victime de cette absurde affaire qui n'aurait jamais du exister.
En 86 je revenais de ma coopé, diplômes en poche et je commençais ma vie pro dans une paisible ville des Ardennes. Comme j'avais suivi des filières sélectives je n'étais pas franchement dans le bain des évènements estudiantins de Paris. Toutefois on ne pouvait pas passer à côté des images très violentes du parvis des Invalides où les forces de l'ordre faisaient du "tir direct" sur les manifestants (parfois très jeunes avec leurs parents) au risque de blessures très graves. Bollée et Puchol n'abordent pas cette partie de grande tension depuis deux semaines qui explique ( sans la justifier) l'utilisation disproportionnée et criminelle de la violence au sein des VPN. Il vaut mieux connaître le contexte dans lequel s'inscrit cette triste nuit du 5 décembre pour comprendre l'attitude et la dureté des ordres du capitaine et du brigadier-chef. Car le paradoxe est que cette soirée du 5 fut assez calme, les étudiants obéissants sans trop de difficultés aux ordres d'évacuation et de dispersion.
Non nous n'étions pas en état de guerre civile malgré certaines prises de positions ahurissantes de responsables médiatiques. Car je trouve qu'il n'y a pas une grande différence entre nommer ses compatriotes "des zombies" atteints "de sida mental" que "les cafards" de la radio des mille collines huit ans plus tard. C'est la cohésion nationale qui est en jeu.
Le pauvre Malik se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Avec sa Bible et sa carte de la très sage et sélective Paris-Dauphine dans la poche, il n'avait rien d'un casseur armé jusqu'aux dents, lui le solitaire qui sortait d'une boîte pour écouter du jazz. Oui cette situation est emblématique des dérives d'un Etat qui outrepasse illégalement ses prérogatives. Aucun couvre feu n'était décrété, aucun juge n'avait interdit de se promener la nuit dans Paris, et même un simple contrôle ne peut s'accompagner d'une telle violence.
Ce sont toutes ces questions fondamentales qui ressurgissent de temps à autres que soulève la série de Puchol et Bollée.
J'aurais bien noté avec un beau 5 mais je trouve que l'ajout de situations diverses ( l'amourette des étudiants, la stigmatisation des séropositifs dans ces années, la prise de conscience du petit voyou) diluent un peu le propos même si cela lui donne de la densité en l'ancrant dans le réel de l'époque.
Un mot sur le très beau N&B de Jeanne Puchol qui participe au dynamisme et à la dramatisation de ces quelques heures qui sont entrées dans l'Histoire de la cohabitation.
Une lecture qui m'a passionné et un très beau devoir de mémoire pour la famille de Malik bien injustement meurtrie .
Poétique, tragique et brillamment construit
Look Back est un one-shot intense et émouvant qui montre toute la maîtrise narrative de Fujimoto. En quelques dizaines de pages, il explore l’amitié, la création artistique, le deuil et la culpabilité avec une finesse rare. Le dessin, sobre mais expressif, sert parfaitement le propos. La fin, ouverte à l’interprétation, bouleverse et invite à la réflexion. Une œuvre courte, mais marquante, que je recommande vivement.
Je n'avais pas envie de lire cette série parce que je ne suis pas du tout intéressé par tout ces mangas qui parlent de gastronomie, même si celui-ci se passe dans un univers de fantasy. Et puis j'ai lu sur internet d'excellentes critiques sur la série et j'ai fini par la lire.
Au début j'étais à moitié convaincu, les personnages sont attachants et le dessin est bon, mais le mixe entre la fantasy et la gastronomie me semblait un peu bizarre et les passages où on explique les bienfaits d'une alimentation saine ou comment préparer un bon repas sont un peu ennuyeux. Puis au fil des tomes, le scénario devient plus complexe, et à mesure que l'on a des informations sur cet univers et sur la vie passée des personnages je me suis rendu compte que l'autrice maitrisait bien son scénario. Elle a créé un monde plutôt original dans ce donjon même si elle utilise les éléments récurrents de ce genre (des elfes, des nains, des filles-chattes...). Il y a beaucoup de surprises dans ce récit qui passé les premiers tomes est très prenant et au final le mélange univers de fantasy de type RPG et la gastronomie fait plein de sens et est bien exploité dans les derniers tomes.
Contrairement à pleins d'autres séries de manga qui me lassent après quelques tomes, cette série s'améliore au fil des tomes. Une des meilleures séries de fantasy japonaise que je connaisse !
Personnellement j'ai bien apprécié cette petite série qui m'a souvent fait sourire. Un sourire crispé par moment tellement Duchazeau charge le portrait de ces jumeaux plus rednecks que nature. J'y ai lu comme un négatif des "Blues Brothers" avec certaines scènes où les amateurs de Country ne sont pas à leur avantage. Perso j'aime assez ce mélange de violon et de banjo qui procure une sonorité séduisante.
Duchazeau en grand amateur de musique US ne peut pas faire le procès de ce genre mais plutôt de la farce cruelle qui s'est jouée sur les bords de la mythique route 66 dans certains endroits où la justice était à géométrie variable. Woody et Jerry m'ont souvent fait penser à des doubles bêtes, méchants et cruels à l'extrême de nos sympathiques Dupondts. Duchazeau s'en donne à cœur joie pour faire le pamphlet cette Amérique inculte et violente. La caricature est extrême et partiale mais elle m'a souvent fait sourire. On lit certaines répliques aux second degré de bêtise crasse des personnages.
Duchazeau propose son crayonné en N&B qui rend particulièrement bien cette ambiance isolée et poussiéreuse de l'Oklahoma. Le dessin est faussement simple car il fourmille de petits détails qui donnent une ambiance parfaitement réussie. Que ce soit pour Conoco ou pour Nashville j'ai admiré la finesse des détails des bâtiments et des extérieurs.
Une lecture qui nous plonge dans une bouffonnerie cruelle qui n'est pas sans parenté avec Ubu. 3.5
La première BD de Gao Yan, une jeune taïwanaise qui s'est inspirée de son amour de l'écriture, de la musique et d'un voyage au Japon (pour acheter l'album Kasemachi Roman), pour se lancer dans ce projet graphique.
Elle avait déjà réalisé, en auto-édition, une première version de 32 pages de cette histoire. Mais c'est après avoir illustrée une couverture d'un roman de Haruki Murakami qu'elle l'étoffe pour atteindre plus de 500 pages.
J'ai dévoré ces 2 tomes en un après-midi, une lecture cocooning pour un instant suspendu.
C'est l'histoire de Lu, une jeune fille d'une vingtaine d'années qui étudie à Taipei. Une jeune fille timide et introvertie qui a un rapport viscérale avec la musique et l'écriture. Elle va faire la connaissance d'un jeune homme, Nanjun, et ils vont se découvrir des goûts communs (il est musicien dans un groupe) qui vont les rapprocher. Le début d'une belle amitié, mais Lu, doucement, va ressentir bien plus que cela.
Je vais mettre en garde de suite, si vous cherchez de l'action, passez votre chemin. Nous avons ici un récit intimiste sur les premiers émois de Lu, avec en caisse de résonance la pop culture japonaise. Un récit duveteux, tendre et amer. Lu est touchante et attachante. Mais c'est surtout l'ambiance musicale qui m'a marqué, avec la découverte de nombreux artistes de la scène japonaise (il y a plein de bonnes surprises).
Une narration globalement maîtrisée, un bémol sur certains passages un peu trop long à mon goût et sur l'apparition de l'amie providentielle. Mais rien de bien gênant.
Je lis peu de manga, la faute à un graphisme qui ne me convient pas d'ordinaire. Ce n'est pas le cas sur ces deux albums. Le trait de Gao Yan est délicat et d'une finesse extrême. Les personnages sont beaux, les décors magnifiques (en particulier ceux des concerts) et les longs moments de silence font passer les émotions.
Superbe.
Un 4 étoiles pour le dépaysement, pour la découverte de la pop culture japonaise et pour la sincérité qui émane de Lu.
Dans ces lieux coupés du monde, un univers à part fait de glace, de neige et de roc, il est impossible de préciser une date... sans doute quelque part au 19e siècle. Il fait nuit, toute la famille dort sous l'abri de leur grand igloo quand Uqsuralik se lève et sort pour constater qu'elle a ses premières règles. Au même moment, la mer se déchaine et brise la banquise, séparant la jeune femme de sa famille qui part à la dérive sur la glace. Son père a tout juste le temps de lui lancer une peau d'ours et un harpon qui malheureusement se casse à l'impact. Uqsuralik n'a plus que cela et la compagnie d'un petit groupe des chiens de traineau de sa famille pour survivre dans l'hiver qui est encore loin de se terminer. C'est le début d'un périple pour la survie puis pour son existence elle-même de cette femme inuite que l'on va suivre sur les nombreuses années durant lesquelles elle nous fera découvrir la rudesse du quotidien dans le grand Nord, face aux éléments, face aux hommes et au destin. Et à travers elle, nous découvrirons la culture Inuite, en particulier ses mythes shamaniques qui font partie intégrante de leur façon d'agir et de penser, en accord avec la Nature et les esprits.
De pierre et d'os est l'adaptation d'un roman de Bérengère Cournut, autrice dont les multiples oeuvres se focalisent souvent sur les peuples rares du monde, et leur rapport à la nature et à la spiritualité. Bien documentée, elle fait revivre de l'intérieur la culture et les traditions inuites, et nous entraine dans le conte d'une vie entière, faite de danger et d'épreuves, mais aussi de soulagements, de bonheur, d'amour, et d'un fort rapport au shamanisme et aux esprits.
Jean-Paul Krassinsky met le récit en image dans un style à l'aquarelle empreint de beauté, de réalisme et d'onirisme. Le format presque carré de l'album permet des planches qui sortent des sentiers battus, emplies d'ambiance, de décors de glace, de neige et de nuit, mais aussi de réconfort et de la chaleur des abris humains. Sa manière semi-réaliste de dessiner les humains apporte une touche de légèreté qui contrebalance l'austérité du récit et rend plus amène et fluide la lecture, l'éloignant d'un documentaire aride. Il y a une vraie intensité dans ces planches. C'est une plongée dépaysante dans un univers visuel qui rend parfaitement hommage à la beauté cruelle de l'Arctique et au monde Inuit et à sa culture.
L'album est long, son contenu souvent cruel et malheureux, mais c'est aussi le récit d'une vie, de la vie en général, avec d'innombrables moments de beauté, de bonheur simple malgré la tourmente, de force et d'émotion. Le personnage d'Uqsuralik est particulièrement judicieux car c'est à la fois une femme faible face aux éléments et à la volonté des hommes mauvais, mais aussi une personne intelligente, bonne chasseuse grâce à l'enseignement de son père, très consciente du monde qui l'entoure et de ses légendes, et compensant ses faiblesses par de la méfiance, de la méthode et beaucoup de courage et de volonté. On s'attache à elle et à travers elle à son peuple et à son monde, avec l'envie qu'elle trouve enfin le bonheur, pour elle et la famille qu'elle se construit.
J'ai été proprement transporté par ce récit, intense et beau, exotique et instructif. C'est le récit d'un parcours humain, avec des émotions fortes et qui ont su me toucher, voire me mettre la larme à l'œil, larme de bonheur comme d'amertume. Et d'ailleurs, j'aurais presque préféré que le récit s'arrête avec son épilogue car cette fin là était à mes yeux bien plus émouvante que les quelques pages d'épilogue qui la suivent.
C'est ma BD de l'année 2025 jusqu'à présent !
Personnellement j'ai apprécié ce thriller classique mais bien construit autour du personnage de Betty Page. La narration est fluide et l'enquête pas à pas des deux lieutenants n'est pas expédiée en trois planches grâce à une découverte inespérée.
La série hésite souvent entre le thriller et l'érotique avec la profusion de scènes de nues. Cela est compréhensible puisque Betty anime un spectacle de striptease. Comme au Crazy horse les canons pour participer au spectacle sont assez restrictifs et correspondent à un fantasme sexué de l'imaginaire masculin. Toutefois j'entends la réserve de certains avis car les auteurs insistent sur le sujet avec des scènes superflues de la vie familiale et intime des lieutenants de police. De même Rodolphe propose un récit soft malgré l'horreur des crimes mais ce parti pris donne une ambiance légère et pas sordide qui me convient bien.
Le graphisme de Bignon donne un travail précis sur l'ambiance du NY des années 50 avec un beau rendu des costumes, des ruelles ou des bars de l'époque. Les cadrages sont bons et cela donne un visuel dynamique, seule la mise en couleur n'est pas séduisante.
Une note un peu généreuse pour un récit récréatif à mon goût.
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Birdking
Un premier tome prometteur. Un album tous publics qui ravira principalement les adolescents, mais pas seulement, j'en suis la preuve. Daniel Freedman au scénario (Kali) et Crom au dessin, citent Miyazaki ou encore le jeux vidéo Dark Souls comme sources d’inspirations. Ce Birdking est leur deuxième collaboration après "Raiders". Les auteurs nous entraînent dans de la dark fantasy sombre et légère à la fois. Bianca, jeune apprentie forgeronne, est forcée de fuir son pays en guerre et de partir à la recherche d'Atlas, une terre légendaire, elle sera accompagnée par le silencieux et imposant Birdking, l'esprit d'un roi. Un album qui ne révolutionne pas le genre, mais il prend le temps de s'attarder sur Bianca et ainsi de s'attacher à cette délicieuse jeune fille au tempérament bien trempé. Un premier tome qui met en place un univers dense, complexe et mystique dont il reste encore beaucoup à découvrir. Le début d'une saga rondement menée, c'est fluide, palpitant et très agréable à lire. Le titre prend tout son sens. Je découvre Crom et je suis sous le charme de son dessin au trait vif, précis et expressif. Un dessin singulier me rappelant celui de Mike Mignola mais avec une touche de manga, notamment dans l'expression excessive de certains visages. Un délicieux mélange. J'ai aimé le choix des couleurs et la créativité dont Crom a fait preuve pour les personnages, ainsi que pour les rares décors. Sobre, mais très efficace ! Une très belle découverte et vivement la suite. Livre 2. Un second opus qui confirme, beaucoup plus dans l'action, on entre de plein fouet dans cette saga, ce qui permet d'en connaître beaucoup plus sur ces mondes mystérieux. Du déjà vu, mais la réalisation est parfaite et les surprises seront au rendez-vous. Un dosage parfait entre scènes de batailles et moment plus calme pour développer les - nouveaux - personnages. Visuellement, toujours autant de plaisir. Livre 3. Un troisième tome moins dans l'action, beaucoup plus dans la réflexion. Il faut savoir à qui donner sa confiance. Pour l'adulte que je suis c'est assez simpliste, mais ça conviendra parfaitement pour un jeune public. J'aime toujours autant le travail de Crom. Plus qu'un tome à attendre pour connaître la conclusion.
Les Navigateurs
Le don s’est transmis, le rêve s’est caché. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2024. Le scénario est de Serge Lehman, les dessins et les nuances de gris de Stéphane de Caneva. Il comprend cent-quatre-vingt-dix-huit pages de bande dessinée. L’histoire est découpée en huit chapitres comprenant entre vingt et trente pages. Il se termine avec un post-scriptum de trois pages, écrit par le scénariste, avec deux illustrations d’Odilon Redon (L’œil ballon, Le polype cyclope), et une carte des berges des anciens lits de la Seine et de la Marne, datant de 1869, dressée par Eugène Belgrand. Paris, la Butte-aux-Caille au printemps 2020, un livreur arrive dans les locaux des éditions du Saule, un bouquet de fleurs à la main. Il se présente à la secrétaire à l’accueil et elle hèle Maxime Faubert qui sort d’un bureau avec le patron Sébastien Saule. La secrétaire taquine Maxime sur le fait qu’il ait une admiratrice. Il lit la carte qui accompagne le bouquet : elle est signée M. de M. Il explique : Maya de Montmorency, une poétesse assez marrante, il l’a interviewée pour la revue, elle quatre-vingt-deux ans. Maxime raccompagne Sébastien jusqu’à sa voiture. Ce dernier lui parle à nouveau, à propos de la revue : le marketing voudrait rediscuter d’un passage au tout-numérique. Sébastien sait que Maxime est contre. Mais il perd un tiers des lecteurs chaque année et ce n’est pas en publiant des poétesses octogénaires qu’il va inverser la tendance ? Il le quitte en indiquant qu’ils en reparleront la semaine prochaine. En se dirigeant vers la station de métro la plus proche, Maxime rappelle son ami Arthur Morgue qui avait tenté de le joindre. Ce dernier l’informe que Neige est revenue. Maxime se souvient de sa rencontre avec ses deux amis, qu’il connaît depuis qu’il a onze ans. Avec ses parents et sa sœur, ils venaient de s’installer rue du Panorama, et il angoissait parce qu’il allait devoir faire sa rentrée au collège de Clamart, où il ne connaissait personne. Il aidait son père à jeter les cartons du déménagement quand il avait vu Arthur en train d’escalader une des grilles du square. Ils avaient fait connaissance, s’étaient présentés, et Arthur lui avait expliqué qu’il explorait la rue. Maxime avait remarqué que le garçon riait à chaque phrase et que son sac à dos était trois fois trop grand pour lui. La rencontre avec Sébastien avait été plus compliquée. Il portait encore le nom de sa mère à l’époque, il vivait avec elle dans une des plus belles maisons de la rue. Il avait presque un an de plus qu’eux et il s’habillait comme un adulte, ce qui les impressionnait. Maxime avait d’abord trouvé Sébastien snob. Mais un jour ce dernier leur avait montré sa collection de disques. Dans sa chambre, il avait mis le premier album de Van Halen et avait indiqué qu’Eddie est le meilleur guitariste depuis Hendrix. Maxime n’avait pas la moindre idée de qui était Jimi Hendrix, mais il avait dit oui. Ils sont instantanément devenus amis. À la rentrée, ils se sont retrouvé tous les trois dans la même classe et ils ne se sont plus quittés. Une magnifique présentation : un ouvrage épais, avec un dos toilé, une couverture superbe avec une encre dorée, tout en ombres, un papier agréable au toucher. Le lecteur anticipe le plaisir de s’immerger dans un récit long. Il trouve rapidement ses marques : une forme de roman, l’amitié entre trois garçons à partir du tout début de l’adolescence, l’irruption d’une adolescente au milieu d’eux, et forcément une histoire d’amour, ainsi qu’un incident mystérieux dont les conséquences se font encore sentir à l’âge adulte alors que Neige revient à Clamart et qu’il se produit un phénomène surnaturel. Toutes les promesses implicites dans ces éléments sont tenues. Le scénariste prend bien soin d’apporter des éléments personnels à chaque personnage, que ce soient les relations de Maxime avec son ex-épouse Alice et leur fils Eliott, les circonstances dans lesquelles Arthur est devenu handicapé et sa relation avec ses tantes jumelles, ou encore la froideur de Sébastien découlant pour partie de la distance d’avec ses parents. Dans le même temps, le dessinateur accomplit un travail remarquable pour inscrire le récit dans une réalité palpable, au travers des villes de banlieues chacune avec leur architecture, de quelques quartiers de Paris, des pavillons et de quelques belles demeures, des autoroutes urbaines, les modèles de véhicules, etc. Ainsi ancré dans la banalité d’une réalité concrète et familière, le récit devient d’autant plus mystérieux que le contraste se trouve être saisissant avec le surnaturel. Par ailleurs, les auteurs font montre d’un solide savoir-faire dans la pratique de leur métier. Le lecteur retrouve le scénariste enchanteur des séries La brigade chimérique et L’Œil de la nuit, très attaché à la France. Il sait réenchanter le quotidien de Paris et de sa banlieue. Il rend explicite la référence à l’une des sources de son inspiration : l’artiste Odilon Redon (Bertrand Redon, 1840-1916), peintre et graveur symboliste français, ayant participé à la huitième et dernière exposition des impressionnistes (1886). Il s’inspire et rend hommage en particulier à sa période de gravures et dessins : des eau-forte, trois pointes sèches, ainsi que des lithographies et des dessins. S’il a déjà eu l’occasion de voir une partie de ces œuvres, le lecteur aura lui aussi été frappé par leur singularité, mêlant onirisme, mystères et inquiétude. En auteur aguerri, Lehman imagine un disciple de Redon, Pierre-Marie Ferdinand Krebs (1854-1910), son amie Jeanne Latour, et même une école de la Bièvre. Le dessinateur s’inspire des dessins de Redon pour les monstres surnaturels. En fonction de son inclination, le lecteur peut également apprécier comment le scénariste nourrit son intrigue avec d’autres références à un pan de la culture française en mentionnant les écrivains Jean Lorrain (1855-1906), Joris-Karl Huysmans (1848-1907), Pierre Mac Orlan (1882-1970), et Jean Cocteau (1889-1963). Ainsi l’intrigue s’inscrit dans cette culture, s’en nourrit et en est indissociable, une mythologie particulière, sans relation avec la culture hégémonique de divertissement américaine. À l’unisson, la narration visuelle montre des paysages bien identifiés, à commencer par la Butte-aux-Cailles, le métro parisien avec ses stations reconnaissables, la porte de Chatillon, Clamart, etc. Les visuels inscrivent également le récit dans une zone géographique concrète, vierge de toute mythologie outre-Atlantique. L’artiste réalise des dessins en noir & blanc rehaussé de nuances de gris, dans un registre descriptif et réaliste, avec des traits de contours précis et souples. Il intègre des éléments d’informations purement visuels comme les noms sur les teeshirts de Maxime : Metallica, Radiohead, Magma, Rush (le connaisseur appréciera également l’écoute collective de la reprise de You really got me figurant sur le premier album de Van Halen sorti en 1978, et la mention du groupe Tin Machine fondé en 1987 par David Bowie et Reeves Gabrels). Ils participent ainsi à définir la personnalité de chaque protagoniste : jean et teeshirt pour Maxime, tenue plus randonnée pour Arthur, et chemise blanche impeccable avec veste pour Sébastien. Il s’agit de dessins qui montrent des endroits réels dans lesquels évoluent des individus normaux, tout en restituant leurs particularités, caractéristiques essentielles à l’intrigue qui évoquent des éléments historiques également très concrets. Ainsi, ce récit d’amitié entre trois adolescents devenus adultes dégage sa propre personnalité dans un environnement parisien et de banlieue, avec des personnages plausibles et crédibles, ayant chacun leur histoire. Ils se retrouvent confrontés à une manifestation surnaturelle singulière, une autre dimension issue de l’histoire de la région, même si elle a été enfouie sous un urbanisme dense et bétonné. Le dessinateur marque la présence du surnaturel avec des fonds de page qui passent du blanc pour les gouttières, au noir, et par la disparition des nuances de gris, les personnages évoluant alors dans un monde littéralement noir & blanc. À nouveau, les caractéristiques du dessin et les éléments fantastiques restent dans un registre franco-belge et d’inspiration locale (avec une très belle page de forte pluie dans un dessin en pleine page p.191 à la Frank Miller période Sin City). Le développement de l’intrigue implique à la fois les travaux de l’ingénieur Eugène Belgrand (1810-1878) et sa carte des berges des anciens lits de la Seine et de la Marne datant de 1869, ainsi que la brigade fluviale de Paris, un service de la préfecture de police, créé en 1900 par arrêté du préfet de police, Louis Lépine (1846-1933). Le lecteur suit essentiellement Maxime Faubert dans cette aventure, entre arrêt du développement et père divorcé, retour d’un amour de jeunesse, puis disparition lors d’une manifestation surnaturelle. Les auteurs mettent ainsi en scène trois adultes dont la vie porte la marque de leur adolescence, ainsi que la force de cette amitié adolescente qui perdure à l’âge adulte. La vie de chacun de ces trois hommes a continué, dans des directions différentes, des intérêts différents, les amenant dans une situation où les potentiels de la jeunesse se sont restreints au fur et à mesure de leurs choix de vie. Au fur et à mesure de leur enquête pour retrouver Neige Agopian, ils se heurtent à des degrés divers à certaines de ces aspirations qu’ils ont abandonnées, et aussi à un événement traumatique et banal vécu par l’un d’eux, et ressenti par les deux autres. Au travers de ces aventures, ils font face à une réalité qui leur était inaccessible, comme si les événements les contraignaient à progresser plus loin vers l’état adulte, à accepter des faits alors que le déni leur offrait une certaine forme de confort. Une très belle couverture qui promet une aventure surnaturelle avec un imaginaire original. Ces promesses sont tenues dans un récit bien ancré dans le réel de quartiers parisiens et de banlieues, avec des éléments fantastiques trouvant leur source chez l’artiste Odilon Redon. Scénariste et dessinateur donnent une consistance peu commune à cet environnement français, nourrissant une mythologie propre, et racontant une aventure à la trame classique, rendue originale par des éléments historiques spécifiques à l’Île-de-France, et par des personnages possédant leur propre histoire. Déstabilisant.
Idéal
Ideal se découvre comme un OVNI dans les parutions. ce long récit nous parle du temps, de la vie, de l'amour, des regrets, de l'art, de l’intelligible, de la robotisation, de l'intelligence artificielle, de la morale, des cycles de l'histoire, du sens, de l'absolu, le la faiblesse, de tradition, de l'humain. De tout cela et bien plus, dans un style graphique épuré qui nous rappelle les estampes japonaises. Comme pour donner un support clair et limpide à une pensée complexe et profonde. En fait cet album est un écrin pour laisser vagabonder sa pensée tout comme le jardin Japonais est une ode à la méditation de la pensée Zen. En guise d'introduction, une séquence éblouissante de plus de 30 planches muettes nous permet de découvrir les trois protagonistes principaux. Tout est déjà là, derrière la simplicité d'un trait simplifié à l’extrême se cachent déjà des drames intérieurs bouleversants. Ces personnages vont ensuite se mettre à parler, à échanger et l'on découvrira d'autres individus pour former une étrange société. Arrivent alors les sujets de robotisation humanoïde et d'intelligence artificielle et là encore point de repos, le propos est clair, froid mais implacable. Sa simplicité déconcertante vient contraster avec les pulsions, peurs et fantômes conscients ou non des humains. A ce sujet, la scène du chat et de l'oiseau pourrait à elle seule faire l'objet de mémoires tant cela me semble beaucoup moins anodin qu'il n'y parait. Outre que nous n'avions pas vraiment vu venir la chose tant ces éléments semblent former un contexte pour montrer des éléments des personnages jusque là, j'y vois une réflexion sur la fin de vie assez terrible. Chacun se fera libre interprète mais l'oiseau n'est il pas plus heureux dans ce final que dans sa position de prison, et n'est-ce pas justement cela que l'IA a perçu, le don de soi ? Encore une fois subtil, sans jugement et sans morale, c'est lourd, c'est dur, c'est magnifique. Le dessin fait une synthèse entre les estampes japonaises et le douanier Rousseau. Cet art naïf nous propose un écrin vers les profondeurs complexes de nos douleurs, questionnements, névroses et incertitudes rendant l'exploration supportable. Car comment ne pas voir un triptyque de miroir en relation au temps perdu ? Il y a ce temps passé lourd de combats internes qui bloque l'action et aboutit à une lâcheté dans le présent, il y a ce passé glorieux, plus atteignable mais qui refuse d'abdiquer et rend l'action manipulatrice, violente, insupportable. Il y a ce lourd passé, qui hante encore le présent mais dans lequel le parti pris est de continuer de vivre. " Mais la vie continue" dira Knut Hamsun dans son triptyque nordique, Ici nous sommes au Japon mais l'humain a les mêmes doutes et faiblesses. Cette œuvre vous retourne et ne peut vous laisser indifférent, elle fait partie de ces récits auxquels vous repensez des semaines, des mois, des années encore après. Elle vous questionnera sur vos propres incertitudes, le tout dans une absence de jugement qui fait du bien. A aucun moment les actes ne semblent forcés, le scénario ficelé et les propos indigestes. Mais la faiblesse est qu'elle n'est pas accessible et ne plaira pas à tous, combien verront même que ce n'est pas une BD muette comme ou pourrait le croire dans les premières planches. Il faut se laisser imprégner, prendre le temps de contempler et seulement ensuite on y trouvera la profondeur que les planches ne laissent pas apparaitre de prime abord. La narration est ici magnifiée par des cadrages et une scénographie montrant une maitrise incroyable de l'art séquentiel. Juxtaposition de cases à priori non liées, (équivalent du zeugma littéraire), succession de prises de vues sous différents angles, le tout est taillé comme un bon film avec une simplification extrême pour contraster avec la complexité des humeurs. Magistral ! Et puis que dire, enfin une production qui ne vous dit pas ce qu'il est bon de penser quand on est un bon citoyen, ici pas de déconstruction, de leçon de morale ou de "y'a qu'à, faut qu'on", l'humain est là entier dans ses paradoxes et ses jours laids, dans sa faiblesse et sa beauté : on prend et on ne laisse pas, rien que pour celà j'aurai presque mis
. Oui c'est lent, c'est plein de drames intérieurs, il n'y a pas de super héros, il n'y a pas de message lourd qui vous disent qu'il faut penser ainsi, même les politiques dans leur bassesse ne sont pas présentés comme des abrutis ! J'aime, j'adore, Merci pour ce moment atemporel
Contrecoups
Malgré ma bonne notation, je reste perplexe après ma lecture. Le récit est construit sur les genres journalistique et historique au sein d'une fiction qui donne du lien au différentes situations. Cela donne une narration très dynamique presque à suspens tant le rythme est élevé et l'enchaînement bien huilé. Toutefois la qualité de la narration peut être perçu comme un défaut tant la personne de Malik est assez peu présente alors qu'il est la pierre angulaire et la victime de cette absurde affaire qui n'aurait jamais du exister. En 86 je revenais de ma coopé, diplômes en poche et je commençais ma vie pro dans une paisible ville des Ardennes. Comme j'avais suivi des filières sélectives je n'étais pas franchement dans le bain des évènements estudiantins de Paris. Toutefois on ne pouvait pas passer à côté des images très violentes du parvis des Invalides où les forces de l'ordre faisaient du "tir direct" sur les manifestants (parfois très jeunes avec leurs parents) au risque de blessures très graves. Bollée et Puchol n'abordent pas cette partie de grande tension depuis deux semaines qui explique ( sans la justifier) l'utilisation disproportionnée et criminelle de la violence au sein des VPN. Il vaut mieux connaître le contexte dans lequel s'inscrit cette triste nuit du 5 décembre pour comprendre l'attitude et la dureté des ordres du capitaine et du brigadier-chef. Car le paradoxe est que cette soirée du 5 fut assez calme, les étudiants obéissants sans trop de difficultés aux ordres d'évacuation et de dispersion. Non nous n'étions pas en état de guerre civile malgré certaines prises de positions ahurissantes de responsables médiatiques. Car je trouve qu'il n'y a pas une grande différence entre nommer ses compatriotes "des zombies" atteints "de sida mental" que "les cafards" de la radio des mille collines huit ans plus tard. C'est la cohésion nationale qui est en jeu. Le pauvre Malik se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Avec sa Bible et sa carte de la très sage et sélective Paris-Dauphine dans la poche, il n'avait rien d'un casseur armé jusqu'aux dents, lui le solitaire qui sortait d'une boîte pour écouter du jazz. Oui cette situation est emblématique des dérives d'un Etat qui outrepasse illégalement ses prérogatives. Aucun couvre feu n'était décrété, aucun juge n'avait interdit de se promener la nuit dans Paris, et même un simple contrôle ne peut s'accompagner d'une telle violence. Ce sont toutes ces questions fondamentales qui ressurgissent de temps à autres que soulève la série de Puchol et Bollée. J'aurais bien noté avec un beau 5 mais je trouve que l'ajout de situations diverses ( l'amourette des étudiants, la stigmatisation des séropositifs dans ces années, la prise de conscience du petit voyou) diluent un peu le propos même si cela lui donne de la densité en l'ancrant dans le réel de l'époque. Un mot sur le très beau N&B de Jeanne Puchol qui participe au dynamisme et à la dramatisation de ces quelques heures qui sont entrées dans l'Histoire de la cohabitation. Une lecture qui m'a passionné et un très beau devoir de mémoire pour la famille de Malik bien injustement meurtrie .
Look Back
Poétique, tragique et brillamment construit Look Back est un one-shot intense et émouvant qui montre toute la maîtrise narrative de Fujimoto. En quelques dizaines de pages, il explore l’amitié, la création artistique, le deuil et la culpabilité avec une finesse rare. Le dessin, sobre mais expressif, sert parfaitement le propos. La fin, ouverte à l’interprétation, bouleverse et invite à la réflexion. Une œuvre courte, mais marquante, que je recommande vivement.
Gloutons & Dragons
Je n'avais pas envie de lire cette série parce que je ne suis pas du tout intéressé par tout ces mangas qui parlent de gastronomie, même si celui-ci se passe dans un univers de fantasy. Et puis j'ai lu sur internet d'excellentes critiques sur la série et j'ai fini par la lire. Au début j'étais à moitié convaincu, les personnages sont attachants et le dessin est bon, mais le mixe entre la fantasy et la gastronomie me semblait un peu bizarre et les passages où on explique les bienfaits d'une alimentation saine ou comment préparer un bon repas sont un peu ennuyeux. Puis au fil des tomes, le scénario devient plus complexe, et à mesure que l'on a des informations sur cet univers et sur la vie passée des personnages je me suis rendu compte que l'autrice maitrisait bien son scénario. Elle a créé un monde plutôt original dans ce donjon même si elle utilise les éléments récurrents de ce genre (des elfes, des nains, des filles-chattes...). Il y a beaucoup de surprises dans ce récit qui passé les premiers tomes est très prenant et au final le mélange univers de fantasy de type RPG et la gastronomie fait plein de sens et est bien exploité dans les derniers tomes. Contrairement à pleins d'autres séries de manga qui me lassent après quelques tomes, cette série s'améliore au fil des tomes. Une des meilleures séries de fantasy japonaise que je connaisse !
Les Jumeaux de Conoco Station
Personnellement j'ai bien apprécié cette petite série qui m'a souvent fait sourire. Un sourire crispé par moment tellement Duchazeau charge le portrait de ces jumeaux plus rednecks que nature. J'y ai lu comme un négatif des "Blues Brothers" avec certaines scènes où les amateurs de Country ne sont pas à leur avantage. Perso j'aime assez ce mélange de violon et de banjo qui procure une sonorité séduisante. Duchazeau en grand amateur de musique US ne peut pas faire le procès de ce genre mais plutôt de la farce cruelle qui s'est jouée sur les bords de la mythique route 66 dans certains endroits où la justice était à géométrie variable. Woody et Jerry m'ont souvent fait penser à des doubles bêtes, méchants et cruels à l'extrême de nos sympathiques Dupondts. Duchazeau s'en donne à cœur joie pour faire le pamphlet cette Amérique inculte et violente. La caricature est extrême et partiale mais elle m'a souvent fait sourire. On lit certaines répliques aux second degré de bêtise crasse des personnages. Duchazeau propose son crayonné en N&B qui rend particulièrement bien cette ambiance isolée et poussiéreuse de l'Oklahoma. Le dessin est faussement simple car il fourmille de petits détails qui donnent une ambiance parfaitement réussie. Que ce soit pour Conoco ou pour Nashville j'ai admiré la finesse des détails des bâtiments et des extérieurs. Une lecture qui nous plonge dans une bouffonnerie cruelle qui n'est pas sans parenté avec Ubu. 3.5
The Song about Green
La première BD de Gao Yan, une jeune taïwanaise qui s'est inspirée de son amour de l'écriture, de la musique et d'un voyage au Japon (pour acheter l'album Kasemachi Roman), pour se lancer dans ce projet graphique. Elle avait déjà réalisé, en auto-édition, une première version de 32 pages de cette histoire. Mais c'est après avoir illustrée une couverture d'un roman de Haruki Murakami qu'elle l'étoffe pour atteindre plus de 500 pages. J'ai dévoré ces 2 tomes en un après-midi, une lecture cocooning pour un instant suspendu. C'est l'histoire de Lu, une jeune fille d'une vingtaine d'années qui étudie à Taipei. Une jeune fille timide et introvertie qui a un rapport viscérale avec la musique et l'écriture. Elle va faire la connaissance d'un jeune homme, Nanjun, et ils vont se découvrir des goûts communs (il est musicien dans un groupe) qui vont les rapprocher. Le début d'une belle amitié, mais Lu, doucement, va ressentir bien plus que cela. Je vais mettre en garde de suite, si vous cherchez de l'action, passez votre chemin. Nous avons ici un récit intimiste sur les premiers émois de Lu, avec en caisse de résonance la pop culture japonaise. Un récit duveteux, tendre et amer. Lu est touchante et attachante. Mais c'est surtout l'ambiance musicale qui m'a marqué, avec la découverte de nombreux artistes de la scène japonaise (il y a plein de bonnes surprises). Une narration globalement maîtrisée, un bémol sur certains passages un peu trop long à mon goût et sur l'apparition de l'amie providentielle. Mais rien de bien gênant. Je lis peu de manga, la faute à un graphisme qui ne me convient pas d'ordinaire. Ce n'est pas le cas sur ces deux albums. Le trait de Gao Yan est délicat et d'une finesse extrême. Les personnages sont beaux, les décors magnifiques (en particulier ceux des concerts) et les longs moments de silence font passer les émotions. Superbe. Un 4 étoiles pour le dépaysement, pour la découverte de la pop culture japonaise et pour la sincérité qui émane de Lu.
De pierre et d'os
Dans ces lieux coupés du monde, un univers à part fait de glace, de neige et de roc, il est impossible de préciser une date... sans doute quelque part au 19e siècle. Il fait nuit, toute la famille dort sous l'abri de leur grand igloo quand Uqsuralik se lève et sort pour constater qu'elle a ses premières règles. Au même moment, la mer se déchaine et brise la banquise, séparant la jeune femme de sa famille qui part à la dérive sur la glace. Son père a tout juste le temps de lui lancer une peau d'ours et un harpon qui malheureusement se casse à l'impact. Uqsuralik n'a plus que cela et la compagnie d'un petit groupe des chiens de traineau de sa famille pour survivre dans l'hiver qui est encore loin de se terminer. C'est le début d'un périple pour la survie puis pour son existence elle-même de cette femme inuite que l'on va suivre sur les nombreuses années durant lesquelles elle nous fera découvrir la rudesse du quotidien dans le grand Nord, face aux éléments, face aux hommes et au destin. Et à travers elle, nous découvrirons la culture Inuite, en particulier ses mythes shamaniques qui font partie intégrante de leur façon d'agir et de penser, en accord avec la Nature et les esprits. De pierre et d'os est l'adaptation d'un roman de Bérengère Cournut, autrice dont les multiples oeuvres se focalisent souvent sur les peuples rares du monde, et leur rapport à la nature et à la spiritualité. Bien documentée, elle fait revivre de l'intérieur la culture et les traditions inuites, et nous entraine dans le conte d'une vie entière, faite de danger et d'épreuves, mais aussi de soulagements, de bonheur, d'amour, et d'un fort rapport au shamanisme et aux esprits. Jean-Paul Krassinsky met le récit en image dans un style à l'aquarelle empreint de beauté, de réalisme et d'onirisme. Le format presque carré de l'album permet des planches qui sortent des sentiers battus, emplies d'ambiance, de décors de glace, de neige et de nuit, mais aussi de réconfort et de la chaleur des abris humains. Sa manière semi-réaliste de dessiner les humains apporte une touche de légèreté qui contrebalance l'austérité du récit et rend plus amène et fluide la lecture, l'éloignant d'un documentaire aride. Il y a une vraie intensité dans ces planches. C'est une plongée dépaysante dans un univers visuel qui rend parfaitement hommage à la beauté cruelle de l'Arctique et au monde Inuit et à sa culture. L'album est long, son contenu souvent cruel et malheureux, mais c'est aussi le récit d'une vie, de la vie en général, avec d'innombrables moments de beauté, de bonheur simple malgré la tourmente, de force et d'émotion. Le personnage d'Uqsuralik est particulièrement judicieux car c'est à la fois une femme faible face aux éléments et à la volonté des hommes mauvais, mais aussi une personne intelligente, bonne chasseuse grâce à l'enseignement de son père, très consciente du monde qui l'entoure et de ses légendes, et compensant ses faiblesses par de la méfiance, de la méthode et beaucoup de courage et de volonté. On s'attache à elle et à travers elle à son peuple et à son monde, avec l'envie qu'elle trouve enfin le bonheur, pour elle et la famille qu'elle se construit. J'ai été proprement transporté par ce récit, intense et beau, exotique et instructif. C'est le récit d'un parcours humain, avec des émotions fortes et qui ont su me toucher, voire me mettre la larme à l'œil, larme de bonheur comme d'amertume. Et d'ailleurs, j'aurais presque préféré que le récit s'arrête avec son épilogue car cette fin là était à mes yeux bien plus émouvante que les quelques pages d'épilogue qui la suivent. C'est ma BD de l'année 2025 jusqu'à présent !
Les 4 morts de Betty Page
Personnellement j'ai apprécié ce thriller classique mais bien construit autour du personnage de Betty Page. La narration est fluide et l'enquête pas à pas des deux lieutenants n'est pas expédiée en trois planches grâce à une découverte inespérée. La série hésite souvent entre le thriller et l'érotique avec la profusion de scènes de nues. Cela est compréhensible puisque Betty anime un spectacle de striptease. Comme au Crazy horse les canons pour participer au spectacle sont assez restrictifs et correspondent à un fantasme sexué de l'imaginaire masculin. Toutefois j'entends la réserve de certains avis car les auteurs insistent sur le sujet avec des scènes superflues de la vie familiale et intime des lieutenants de police. De même Rodolphe propose un récit soft malgré l'horreur des crimes mais ce parti pris donne une ambiance légère et pas sordide qui me convient bien. Le graphisme de Bignon donne un travail précis sur l'ambiance du NY des années 50 avec un beau rendu des costumes, des ruelles ou des bars de l'époque. Les cadrages sont bons et cela donne un visuel dynamique, seule la mise en couleur n'est pas séduisante. Une note un peu généreuse pour un récit récréatif à mon goût.