Je continue d'explorer la bibliographie de Loisel avec cette série que j'avais en visu depuis des années et que j'ai enfin pu trouver à la bibliothèque du quartier, avec les quatre volumes enfin disponibles.
Et je dois dire que malgré quelques clichés parfois un peu redondants et pas nécessaire, la série se laisse très bien lire avec quelques commentaires intéressants à l'intérieur. Le récit est porté par des personnages bien campés, surtout féminins d'ailleurs, dans une histoire qui profite de son cadre de jungle pour parler de violence masculine, thématique centrale à cette BD et exploitée sous différente formes. L'exploitation de l'homme blanc (de la nature, des femmes, des autres ....) est aussi présente en permanence avec cette façon violente de toujours régler chaque problème.
Le dessin de Olivier Pont convient à merveille à cette aventure, avec la jungle présente comme un immense décor dangereux, tout en ayant une réelle patte graphique sur les têtes. Une jolie maitrise qui ne faiblit jamais tout au long de quatre tomes ! J'avais déjà grandement apprécié son style avec DesSeins et je confirme mon gout.
Comme dit plus haut, le récit est parfois émaillé de petits détails qui m'ont fait tiquer et n'auraient pas été indispensable selon moi. J'ai noté par exemple la course-poursuite ou la fusillade finale qui semblent un peu trop récit d'action, pas forcément indispensable (notamment pour l'émotion) ni parfaitement bien intégré. Ça fait un peu artificiel, comme s'il fallait relancer le récit avec ces moments de tensions avant la relâche de chaque fin de tome, et personnellement j'ai trouvé que ça faisait trop.
Ces détails mis à part, je dois dire que j'ai adoré ma lecture. Plaisante, entrainante, posant plusieurs comportements problématiques et indiquant clairement ce qu'ils en pensent, les deux auteurs ont accouchés d'une bonne série que je recommande.
Bon, il n'y a pas à dire, j'aime énormément le style de Fujimoto !
Ce mélange de tragique et de fantaisie, ces dialogues qui sonnent on ne peut plus banals et pourtant si joliment dits, cette noirceur de l'humain (dans sa cruauté et son égoïsme) qui permet de mettre en lumière ces qualités (l'attachement et l'affection notamment), tout ça me parle et me touche sincèrement !
"Adieu Eri" nous raconte l'histoire de Yûta, un lycéen qui a pris pour habitude de capturer sur son portable chaque instant de sa vie depuis que sa mère lui a expressément demandé de la filmer jusqu'à son dernier souffle. De cette demande mine de rien cruelle de la part de sa mère, Yûta créé à titre posthume un court métrage qu'il présente à ces camarades lycéen-ne-s lors d'un festival, mais contre toute attente tout le monde trouve le résultat abject, ignoble, de mauvais goût. Personne, au grand personne, ne comprend pourquoi Yûta a décidé de terminer son court-métrage par lui refusant de filmer sa mère le jour de son trépas et par l'hôpital où elle se trouvait explosant. Raillé par ses camardes, n'ayant toujours pas réussi à intériorisé ce qu'il s'est passé avec sa mère non plus, Yûta décide de mettre fin à ses jours, et, alors qu'il allait sauter du toit, fait la rencontre d'Eri, une jeune fille étrange qui va l'embarquer dans un nouveau projet : réaliser un nouveau film dans le but d'arracher des larmes à tous-tes celleux qui l'ont conspué !
C'est une œuvre qui m'a profondément touchée. Par son traitement du sujet du deuil, du trauma qu'à subi Yûta, de la relation qu'il développe avec Eri, du propos filé sur le pouvoir des images et l'importance du ressenti qu'elles nous procurent, c'est une lecture qui parvient toujours à me donner la larme à l’œil.
Le traitement du fantastique et de la fantaisie comme fuite mais aussi et surtout comme extériorisation des douleurs, comme une façon de s'exprimer et de représenter le réel à par entière, est très bien vu. J'aime particulièrement le fait que plus le récit avance et plus la frontière entre fiction et réalité se confondent.
Le dessin de Fujimoto est toujours très léché, il a une belle patte pour les visages très expressifs avec pourtant si peu de détails, et ici il s'amuse pleinement avec le parti pris "found footage" de l'album. On saute très régulièrement d'un instant T à un autre, la netteté même des images est variable selon la scène, l'auteur se permet même des jeux d'arrière plans et d'hors cadres intimistes lors de passages où la caméra n'est pas tournée sur la scène et où l'on devine ce qu'il s'y passe par les sons et le peu de décor que l'on peut voir, où l'on met en avant les non-dits aussi.
C'est un récit que je trouve magnifique, traitant son sujet du deuil, de la fuite et de la création artistique avec beaucoup de justesse, et même si je me doute qu'il ne touchera pas tout le monde comme il a su me toucher cela reste une œuvre qui a su pleinement résonner avec moi.
En tout cas, à mes yeux, même s'il n'est pas parfait pour autant, c'est un album qui mérite facilement la note maximale et un gros coup de cœur.
"Mais... Pourquoi avoir tout fait sauter à la fin ?"
C'est l'histoire de deux jeunes filles, l'une rêvant de gloire et de pouvoir raconter des histoires qui plaisent à tous-tes et l'autre terriblement associale mais au talent graphique indéniable, qui se rencontrent par hasard en primaire, se jalousent, s'admirent, se rapprochent, deviennent amies et décident de se lancer dans la création de mangas amateurs. Elles se font très vite remarquer, se lancent enfin dans la création officielle... et se séparent. L'une devient une mangaka à succès et l'autre part faire ses études pour se perfectionner davantage.
"Look Back" est une très jolie histoire sur la création artistique, la séparation, le regret, cette envie de revenir en arrière et de pouvoir tout changer, sur le deuil aussi.
C'est une histoire très jolie et avec un énorme potentiel et pourtant j'en ressors mitigée. Le trait de Fujimoto est toujours aussi bon, les personnages ont toujours l'air si humains dans leurs réactions et leurs incohérences, le scénario est touchant, la fin tente même de jolies idées narratives, et pourtant quelque chose cloche. Ce n'est pas très grave et pourtant un détail sur lequel je n'arrive pas à mettre pleinement le doigt me chiffonne à la lecture. Est-ce l'arrivée du fantastique dans la narration qui m'a semblé trop soudaine ? Est-ce le sentiment qu'avec un brin de développement en plus l'histoire aurait pu réaliser tout son potentiel ?
Bah je ne sais pas. Je trouve l'arrivée du fantastique intéressante et le caractère court du récit lui donne aussi une partie de son charme (la vie est trop courte, tout va si vite), alors pourquoi ai-je le sentiment qu'il manque un truc ? Un je ne sais-quoi ?
Mystère et boule de gomme...
En tout cas l'album reste très bon !
(Note réelle 3,5)
L’artiste ne doit pas imiter la nature, mais exprimer sa propre vision de choses.
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Ce tome constitue une biographie de l’artiste Gabriele Münter. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Mayte Alvarado pour le scénario, les dessins et les couleurs, avec une traduction de l'espagnol par Christilla Vasserot. Il comprend soixante-dix-huit pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec une introduction de l’autrice qui a choisi cinq tableaux de la peintre, des moments qui font partie de son œuvre, des instants suspendus dans le temps qui se sont transformés en œuvre d’art, et qui constituent le point de départ de la bande dessinée. Elle indique qu’elle peut imaginer Gabriele Münter à partir de son œuvre, et elle a choisi cinq tableaux à cet effet, cinq fragments de vie. Il se termine avec une brève biographie de l’artiste en deux pages, puis la liste des onze œuvres citées visuellement dans l’ouvrage. Enfin vient une rapide biographie de l’autrice.
Là où les montagnes si bleues émergeant des brumes grises brillent au loin. Là où le soleil rougit, où les nuages se rejoignent, là il voudrait être ! Ceval paisible fera taire la peine et la douleur. Là où sur la roche les primevères méditent au calme et le vent souffle en douceur, il voudrait être ! Vers la forêt pensive la pousse la force de l’amour, intime tourment. Rien ne l’éloignerait d’ici, chère aimée, s’il pouvait être toujours auprès d’elle. Depuis sa fenêtre, Gabriele Münter observe le petit-déjeuner des oiseaux. Elle déguste une tasse de thé tout en écoutant la radio. La voix du présentateur indique qu’ils viennent d’écrouter : Là où les montagnes si bleues, une œuvre de Ludwig van Beethoven issue de son cycle de lieder pour voix et piano, intitulée À la bien-aimée lointaine. Il ajoute qu’ils interrompent à présent leur programmation musicale pour diffuser le discours prononcé par le Führer lors de l’inauguration de la première grande exposition d’art allemand. La voix d’Adolf Hitler se fait entendre : Il tient à proclamer sa décision irrévocable de débarrasser dès à présent la vie artistique allemande des phrases vides de sens. La voix continue : Les œuvres d’art incompréhensibles qui ont besoin d’un mode d’emploi sophistiqué pour justifier leur propre existence et camoufler leur fade et impudente vacuité ne se trouveront plus désormais sur le chemin du peuple allemand !
Le discours du Führer continue : Expérience intérieure, sentiment puissant, volonté robuste, perception pleine d’avenir, authenticité, primitivisme… Toutes ces expressions stupides et trompeuses ne sauraient justifier des produits totalement dépourvus de valeur et tout simplement ineptes. Des estropiés difformes, des femmes qui ne suscitent que de l’horreur, des hommes qui ressemblent plus à des bêtes qu’à des hommes ! Voilà ce que ces effroyables amateurs ont le culot de présenter au monde comme l’art de notre temps. […] Gabriele finit par tourner le bouton du poste pour couper court à ce discours. La sonnerie du téléphone retentit. Elle indique à l’opératrice qu’elle prend l’appel. Elle salue ensuite Johannes. Elle lui raconte qu’elle prenait son café, qu’elle avait fini. Elle continue : elle a eu de la visite ce matin, des oiseaux sont venus la voir, ils voletaient de branche en branche sur les arbres devant sa fenêtre.
La narration visuelle évoque d’entrée de jeu et tout du long l’approche graphique de la peintre. L’artiste en respecte plus l’esprit que la lettre, une certaine façon d’envisager les formes et les couleurs. Dans l’introduction, l’autrice indique qu’à la base elle s’est inspirée de cinq tableaux : Petit déjeuner des oiseaux (1934), Vue de la fenêtre de Griesbarü (1908), Promenade en canot (1910), Arbre au bord de la Seine (1930), La maison de Münter à Murnau (1931). Elle développe son point de vue et sa démarche : approcher d’un tableau comme s’il s’agissait d’une fenêtre. Il suffit de l’ouvrir pour que la scène s’anime et invite les spectateurs à y prendre part. On écoute une conversation entre amies, on sent la brise sur son visage, ou le soleil qui aveugle. On hume la bonne odeur du café. On ne peut peut-être pas avoir connaissance de tous ces détails, mais on peut les imaginer. L’autrice peut imaginer Gabriele Münter à partir de son œuvre, et elle a choisi cinq tableaux à cet effet. Cinq fragments de vie. En effet, elle fait la part belle aux images, réalisant trente pages dépourvues de tout mot. Gabriele en train de peindre un tableau, une promenade à vélo dans la campagne autour de Murnau, une balade en canoë sur le lac, le retour dans la maison de Murnau, une balade dans la neige, le vol d’oiseaux.
Première caractéristique qui marque le lecteur : la palette de couleurs, car elles sont assez claires, induisant une belle luminosité. En particulier : le beau ciel bleu sur lequel se détache le rouge-gorge, la fresque colorée sur la rambarde de l’escalier de la maison de Murnau, les couleurs extraordinaires du village quand Münter sort faire un tour de bicyclette, le vert foncé de la frondaison des arbres ressortant sur le vert plus clair de la prairie avec un vert entre deux tons pour leur ombres dans une magnifique vue du ciel, le rose des fleurs de cette même prairie, le vert incroyable de la prairie pendant le pique-nique, le jeu du vert et du bleu à l’occasion de la balade en canoë sur le lac, le blanc de la neige en hiver se teintant de nuances de rose et de parme pour un effet poétique d’une grande sensibilité. L’artiste s’est inspirée de la palette de la peintre, en la transposant dans des tons un peu plus clairs pour certains éléments picturaux. Elle simplifie également le contour des formes, en particulier celles de l’extérieur des maisons, et elle fait bon usage du glissement expressionniste mesuré à l’occasion des moments silencieux qui prennent alors une intensité émotionnelle à couper le souffle. L’effet produit exhale des saveurs singulières : entre touches d’art naïf, impressions de paysage et compositions sophistiquées dans des prises de vue narratives limpides. Le lecteur voit par lui-même que l’artiste applique le précepte de la peintre à la lettre : L’artiste ne doit pas imiter la nature, mais exprimer sa propre vision des choses.
L’autrice réalise une biographie assez libre, dans le sens où elle a retenu cinq périodes de la vie de l’artiste, qu’elle accroche sur une saison différente à chaque fois, pour faire un cycle complet : hiver, printemps, été, automne, et un deuxième hiver. Lors de la première saison, Gabriele Münter écoute un discours d’Hitler à la radio, annonçant la première grande exposition d’art allemand. Celle-ci se tiendra huit fois de 1937 à 1944 à Munich, avec en parallèle de la première l’exposition d'art dégénéré dans la même ville. Ce premier chapitre trouve la peintre dans sa demeure du village Murnau, et le lecteur peut voir le petit-déjeuner des oiseaux par la fenêtre, puis découvrir l’intérieur du foyer du salon à l’atelier à l’étage. Au cours de la conversation avec Johannes Eichner (1886–1958), elle évoque ladite exposition d’art dégénéré, ainsi que le bûcher à venir pour ces toiles proscrites par le régime. Elle est sous le choc de la possibilité que toutes leurs idées, tout leur travail avec le Cavalier bleu puisse être réduit en cendres. Elle a mis à l’abri dans sa cave des œuvres de Vassily Kandinsky (1866-1944), Franz Marc (1880-1916), Alexej von Jawlensky (1864-1941), Marianne von Werefkin (1860-1938), Paul Klee (1879-1940).
Le deuxième chapitre se déroule donc au printemps : Gabriele Münter séjourne à Murnau en compagnie de Vassily Kandinsky, à qui elle rappelle qu’elle n’est plus son élève, et que ce serait merveilleux qu’elle achète une maison ici. Le lecteur en déduit que ce printemps doit se situer au tout début des années 1910. C’est l’occasion d’une extraordinaire balade à vélo : une expérience esthétique peu commune, huit pages muettes à l’exception d’un unique phylactère, le lecteur se délecte de voir le paysage par les yeux de la peintre. Elle exprime sa propre vision des choses : ou plutôt la bédéaste projette l’interprétation qu’elle fait du processus au fil duquel Gabriele Münter a abouti à ses toiles. Elle a littéralement imaginé le monde que montre le tableau Vue de la fenêtre de Griesbarü (1908), telle une fenêtre ouverte vers l’extérieur, ainsi que retourné le principe pour imaginer les circonstances ayant conduit la peintre à réaliser ce tableau. Le troisième chapitre se déroulant pendant l’été est encore plus enthousiasmant sur le plan esthétique : un pique-nique et une promenade en barque enchanteurs, magnifiques, extraordinaires. En découvrant la conversation entre Gabriele Münter, Vassily Kandinsky, Alexej von Jawlensky et Marianne von Werefkin, le lecteur comprend qu’il assiste à la naissance du groupe d’artistes Le cavalier Bleu, pour créer un art de leur temps qui soit à la fois éternel et universel. Il ne s’agit pas de fonder un mouvement ou une école, mais un lieu de rencontre entre artistes, qui partagent les mêmes inquiétudes.
Le lecteur passe alors à l’automne pour une séquence qui se déroule à Paris pour se conclure par le retour à Murnau, vraisemblablement dans les années1930. Au cours d’une discussion avec une amie, Münter évoque sa facilité à dessiner, et son apprentissage de la peinture, difficile au début. Le lecteur découvre une vision de la capitale française aussi épurée que fantasmée. Le tome se termine par un dernier hiver, celui des quatre-vingts ans de la peintre. C’est l’occasion d’un regard en arrière pour contempler le chemin parcouru et le plaisir que procure la reconnaissance. C’est aussi l’occasion d’une ultime balade autour de Murnau dans un paysage enneigé, splendide. Le lecteur en ressort fort ému, conscient d’une œuvre qui se confond avec la vie, et d’une vie consacrée à la création. Dans une lecture très paisible, il a fait l’expérience de voir par les yeux de la peintre, de pouvoir ressentir le monde avec elle, interprété par la vision qu’elle porte dessus.
Une biographie de Gabriele Münter ? Pas tout à fait. L’autrice choisit cinq moments précis de la vie de la peintre qu’elle répartit sur le cycle des saisons, de l’hiver à l’automne avec un hiver supplémentaire, en s’affranchissant de l’ordre chronologique en imaginant ces scènes à partir d’un tableau différent à chaque fois, et en s’inspirant d’autres. Une esthétique qui respecte l’esprit de la peintre, une narration visuelle douce et belle. Une évocation parcellaire, et aussi éclairante, dans son rapport à la perception personnelle du monde, et l’incidence du contexte historique. Singulier.
J'ai lu cette série sans même savoir son sujet. Je l'ai prise tout d'abord pour ce qu'elle me présentait seulement : le récit d'un enfant dans les années 80 qui vit seul avec sa mère, lui étant eurasien et elle purement française, et s'interrogeant sur son père absent. J'ai trouvé cette longue introduction touchante car elle reflétait bien pour moi l'ambiance de ces années 80 quand j'étais moi-même enfant, tout en présentant avec justesse les questions qu'on peut se poser à cet âge là et les réactions faites de tristesse et de colère qu'on peut ressentir face à un sentiment d'injustice touchant à son être intime. En cela, j'ai trouvé intéressant cette relation de haine et de rapprochement avec l'enfant plus âgé qui harcèle un peu le héros avant de révéler qu'ils sont bien plus proches qu'ils ne le pensaient. Puis quand j'ai constaté que la mère du héros parlait khmer au téléphone (merci Google Lens), j'ai compris que la clé du mystère de l'absence du père se trouvait dans le génocide cambodgien mais aussi que cela allait être pour le héros et le lecteur une nouvelle quête de vérité pour savoir si ce père était un héros, un traitre ou un simple homme du commun, et comprendre pourquoi sa mère repousse tant le moment où elle acceptera enfin de parler de lui à son fils. Autant le premier tome reste purement dans un décor français et le flou complet sur ce qu'il a pu se passer, autant le second rentre plus clairement dans le dévoilement du génocide perpétré par les Khmers rouges au Cambodge et ses répercussions jusqu’en France. A travers les non-dits et le racisme ordinaire auquel il est confronté. Loo Hui Phang aborde ce thème à hauteur humaine, mêlant la grande Histoire et l’intime, et parsème son récit de métaphores visuelles fortes, comme l’oiseau messager des morts ou le trou dans le sol qui symbolisent ce qui ronge le personnage.
La narration, à la fois initiatique, historique et introspective, progresse patiemment, alternant poésie et réalisme. Le second tome, plus ancré dans la tragédie cambodgienne, gagne en intensité émotionnelle et en clarté narrative, avec des moments d’une grande puissance, parfois bouleversants. L’écriture est sensible et nuancée, et le ton évite autant la froideur documentaire que l’austérité militante.
Graphiquement, les trouvailles visuelles marquent, mais je note quelques limites : un trait parfois trop simple, des personnages manquant d’expressivité dans le premier tome ou, au contraire, se ressemblant trop dans le second, ce qui peut nuire à la lisibilité. Certaines planches m’ont semblé moins abouties, comme si elles avaient été finalisées dans l’urgence.
Malgré ces réserves, c’est un diptyque fort et touchant, qui mêle mémoire, quête identitaire et drame historique avec intelligence. Une œuvre que je relirai volontiers, une fois le temps passé, pour replonger dans cette histoire à la fois personnelle et universelle.
Ce n'est pas moi qui vais dissoner sur ce coup-là : L'épouvanteur est assurément une bonne BD jeunesse que j'ai pris plaisir à lire.
Le dessin m'a beaucoup plu. Il assume sa différence avec sa texture grasse et son trait épais. Le trait de Benjamin Bachelier ne manque clairement pas de personnalité, ni d’expressivité. Il est parfaitement accordé sur cette histoire de sorcières et sait également être effrayant au moment opportun. Car oui, les trognes des « méchants » font réellement peur, et le dessin engoncé dans la matière renforce ce sentiment. Les dialogues fonctionnent bien, les situations sont bien posées, tout avance de concert, sans superflu, même si le scénario n’est pas d’une originalité folle.
Je n’ai jamais lu le roman de Delanay et ne suis pas en mesure de les comparer. Mais bon, il n’y a pas forcément lieu de le faire, même si cela bien entendu peu jouer sur l’avis. Cette BD tient bien toute seule et ça me va bien.
Je viens de relire le premier tome de L'âge d'eau. On est enveloppé par l'humanité qui se dégage de ce récit, on sent aussi l'inquiétude de son auteur, préoccupé par l'état du monde actuel et celui à venir, mais le poète continue de nous émerveiller avec ces planches superbes, cette façon tendre et chaleureuse de croquer ses personnages au détour de quelques mots ou de brefs regards échangés.
L'histoire se situe dans les Pays de la Loire, les terres sont en grande partie submergées, mais ici ou là, quelques individus s'obstinent à vivre au fil de l'eau et tentent d'échapper aux fonctionnaires zélés du gouvernement qui voit d'un mauvais œil ces brebis égarées. Au chaos du monde et à une sécurité relative (face à la montée des eaux, la plupart préfèrent se regrouper derrière des digues de plus en plus hautes et suivre sans broncher les directives d'un gouvernement de plus en plus autoritaire), Flao oppose l'espoir, la volonté farouche de liberté de ses personnages et la poésie.
De l'aveu même de son auteur, l'écriture du tome 2 ne fut pas facile, Flao a cherché longtemps le bon angle avant de poursuivre son histoire, mais j'ai hâte de retrouver Hans, l'intrépide activiste, son frère, Gorza, un gentil géant taiseux et leur compagnon, un intrigant chien bleu, semblant venir de temps immémoriaux, magnétique narrateur de ce récit qui observe avec sagacité et magnanimité les personnages qu'il est amené à croiser et qui nous donne à voir la beauté vibrante du monde. Et ça tombe bien, le tome 2 sort bientôt !
Edit tome 2 :
Cet album va probablement diviser, mais j'ai trouvé cette conclusion réussie.
Au début, j'ai eu peur que Flao se perde et nous perde avec lui, mais à l'arrivée, les nuages se sont dissipés (à l'image des horizons éclatants de la dernière partie) et j'ai été pris une fois de plus par ce voyage au fil de l'eau.
Il y a des cases somptueuses, de véritables peintures, des situations cocasses (deux ou trois scènes franchement drôles
), un parti pris politique qui pourra agacer ou interpeller, c'est selon, on sent que l'auteur s'intéresse aux diverses formes de résistance, de contestation qui ont commencé à émerger ici ou là.
J'ai aimé la vision crédible qu'il donne de ce monde non pas post-apocalyptique, mais simplement de notre monde tel qu'il pourrait l'être bientôt, j'ai aimé comment il a visiblement nourri son œuvre de ce qu'il a déjà observé au cours de ses multiples voyages à travers le monde et ce n'est pas la moindre des qualités de L'âge d'eau que de réinventer le carnet de voyage à travers ce récit d'anticipation. Son expérience de voyageur irrigue L'âge d'eau. La vision de ce que nous deviendrons bientôt peut-être se mêle à ce qu'il a déjà observé ailleurs et ces moments, ces lieux qui s'entremêlent collent parfaitement à son récit qui souligne les liens quasi sacrés entre toutes les manifestations du vivant depuis les origines de notre monde.
Flao nous livre donc un témoignage sensible. Voyageur toujours sur le départ, assoiffé de grands espaces, il nous livre sa vision forcément inquiète du monde actuel, mais à l'image de ces cases lumineuses, il semble nous dire que l'espoir est toujours là, que nous pouvons encore changer, selon nos rêves et nos aspirations, notre rapport au monde.
Après La voix des bêtes, le sang des hommes, j'avais résolu de suivre Thomas Gilbert. Et je suis bien content de m'être tenu à cette idée car Caballero Bueno est à nouveau une très belle réussite.
Je retrouve son trait agréable et précis, ici un chouïa plus gras, et rehaussé de couleurs plus franches, ce qui sied parfaitement à l'ambiance oppressante de ce huis-clos de polar. Huis-clos ou presque puisque se déroulant entièrement sur le petit caillou inhospitalier de l'Ile de Pâques. Ça pleut presque en permanence, ce qui ajoute encore à l'atmosphère pesante. Et c'est dans ce cadre qu'évoluent des personnages aussi bien taillés que les statues qui ornent les pentes de l'île. L'inspecteur Valverde est bien entendu celui qui focalise l’attention, avec son bon gros quintal, son cigare et ses yeux oranges vifs, jouant habilement avec les clichés, mais la place est faite aux autres protagonistes dont les caractères émergent progressivement, ainsi que leur raison d’être et tout ce qui les anime.
Je ne suis habituellement pas très fan du genre polar, mais l’ambiance graphique forte a fait le reste. En outre, le scénar, basé sur l’expérience du grand-père de Thomas Lavachery, est bien troussé et la tension ne fait que s’accroitre. Du tout bueno !
Le sous-titre « une enquête de l’inspecteur Valverde » laisse en effet auguré d’une suite possible. Affaire à suivre…
Maxime de Lisle a publié l'an dernier un album traitant en grande partie du même sujet, Pillages. Mais c'était plutôt un docu-fiction. Il revient ici sur le sujet dans un documentaire pur et bien plus complet.
Le hasard a voulu que je lise juste avant Histoire de la mer, qui vient de sortir, un très bon documentaire au nom explicite, qui se terminait par un chapitre sur les menaces auxquelles la Grande Bleue est confrontée. Eh bien ce "On a mangé la mer" est dans le prolongement, et en constitue un parfait complément - tout aussi intéressant et réussi.
En effet, sont passés en revue tous les problèmes posés par la surpêche, en présentant très bien les faits - chiffrés et mis en perspective - ainsi que causes et conséquences, et ce de façon quasi exhaustive. D'autres problèmes connexes sont aussi évoqués (la construction de barrages sur les fleuves ; La prolifération de certaines algues, etc.).
Et tout ça est très documenté et surtout très fluide. Et donc plus qu'énervant ! Mais quelques pistes sont proposées vers la fin, rien n'est irrémédiable, comme pour le changement climatique. Mais un changement sociétal révolutionnaire est nécessaire, ainsi que des débats éclairés pour les citoyens, là aussi comme pour le changement climatique. La recherche du profit immédiat vide les océans.
Il s’agit effectivement d’une excellente BD. L’histoire est touchante et sa protagoniste forte et attachante, j’ai vibré avec elle, ri avec elle, pleuré avec elle. J’ai beaucoup aimé découvrir le chamanisme et les croyances et modes de vie inuites, même si je suis resté un peu hermétique aux double-pages « le chant de… ». La fin est belle et juste, mais un peu abrupte, je trouve.
La mise en image est réussie. Le trait est maitrisé - j’adore la représentation des personnages, et puis surtout la mise en couleur aquarelle est sublime. J’ai pris beaucoup de plaisir à admirer les paysages du Grand Nord.
Une lecture humaine, prenante et marquante… un coup de cœur !
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Un putain de salopard
Je continue d'explorer la bibliographie de Loisel avec cette série que j'avais en visu depuis des années et que j'ai enfin pu trouver à la bibliothèque du quartier, avec les quatre volumes enfin disponibles. Et je dois dire que malgré quelques clichés parfois un peu redondants et pas nécessaire, la série se laisse très bien lire avec quelques commentaires intéressants à l'intérieur. Le récit est porté par des personnages bien campés, surtout féminins d'ailleurs, dans une histoire qui profite de son cadre de jungle pour parler de violence masculine, thématique centrale à cette BD et exploitée sous différente formes. L'exploitation de l'homme blanc (de la nature, des femmes, des autres ....) est aussi présente en permanence avec cette façon violente de toujours régler chaque problème. Le dessin de Olivier Pont convient à merveille à cette aventure, avec la jungle présente comme un immense décor dangereux, tout en ayant une réelle patte graphique sur les têtes. Une jolie maitrise qui ne faiblit jamais tout au long de quatre tomes ! J'avais déjà grandement apprécié son style avec DesSeins et je confirme mon gout. Comme dit plus haut, le récit est parfois émaillé de petits détails qui m'ont fait tiquer et n'auraient pas été indispensable selon moi. J'ai noté par exemple la course-poursuite ou la fusillade finale qui semblent un peu trop récit d'action, pas forcément indispensable (notamment pour l'émotion) ni parfaitement bien intégré. Ça fait un peu artificiel, comme s'il fallait relancer le récit avec ces moments de tensions avant la relâche de chaque fin de tome, et personnellement j'ai trouvé que ça faisait trop. Ces détails mis à part, je dois dire que j'ai adoré ma lecture. Plaisante, entrainante, posant plusieurs comportements problématiques et indiquant clairement ce qu'ils en pensent, les deux auteurs ont accouchés d'une bonne série que je recommande.
Adieu Eri
Bon, il n'y a pas à dire, j'aime énormément le style de Fujimoto ! Ce mélange de tragique et de fantaisie, ces dialogues qui sonnent on ne peut plus banals et pourtant si joliment dits, cette noirceur de l'humain (dans sa cruauté et son égoïsme) qui permet de mettre en lumière ces qualités (l'attachement et l'affection notamment), tout ça me parle et me touche sincèrement ! "Adieu Eri" nous raconte l'histoire de Yûta, un lycéen qui a pris pour habitude de capturer sur son portable chaque instant de sa vie depuis que sa mère lui a expressément demandé de la filmer jusqu'à son dernier souffle. De cette demande mine de rien cruelle de la part de sa mère, Yûta créé à titre posthume un court métrage qu'il présente à ces camarades lycéen-ne-s lors d'un festival, mais contre toute attente tout le monde trouve le résultat abject, ignoble, de mauvais goût. Personne, au grand personne, ne comprend pourquoi Yûta a décidé de terminer son court-métrage par lui refusant de filmer sa mère le jour de son trépas et par l'hôpital où elle se trouvait explosant. Raillé par ses camardes, n'ayant toujours pas réussi à intériorisé ce qu'il s'est passé avec sa mère non plus, Yûta décide de mettre fin à ses jours, et, alors qu'il allait sauter du toit, fait la rencontre d'Eri, une jeune fille étrange qui va l'embarquer dans un nouveau projet : réaliser un nouveau film dans le but d'arracher des larmes à tous-tes celleux qui l'ont conspué ! C'est une œuvre qui m'a profondément touchée. Par son traitement du sujet du deuil, du trauma qu'à subi Yûta, de la relation qu'il développe avec Eri, du propos filé sur le pouvoir des images et l'importance du ressenti qu'elles nous procurent, c'est une lecture qui parvient toujours à me donner la larme à l’œil. Le traitement du fantastique et de la fantaisie comme fuite mais aussi et surtout comme extériorisation des douleurs, comme une façon de s'exprimer et de représenter le réel à par entière, est très bien vu. J'aime particulièrement le fait que plus le récit avance et plus la frontière entre fiction et réalité se confondent. Le dessin de Fujimoto est toujours très léché, il a une belle patte pour les visages très expressifs avec pourtant si peu de détails, et ici il s'amuse pleinement avec le parti pris "found footage" de l'album. On saute très régulièrement d'un instant T à un autre, la netteté même des images est variable selon la scène, l'auteur se permet même des jeux d'arrière plans et d'hors cadres intimistes lors de passages où la caméra n'est pas tournée sur la scène et où l'on devine ce qu'il s'y passe par les sons et le peu de décor que l'on peut voir, où l'on met en avant les non-dits aussi. C'est un récit que je trouve magnifique, traitant son sujet du deuil, de la fuite et de la création artistique avec beaucoup de justesse, et même si je me doute qu'il ne touchera pas tout le monde comme il a su me toucher cela reste une œuvre qui a su pleinement résonner avec moi. En tout cas, à mes yeux, même s'il n'est pas parfait pour autant, c'est un album qui mérite facilement la note maximale et un gros coup de cœur. "Mais... Pourquoi avoir tout fait sauter à la fin ?"
Look Back
C'est l'histoire de deux jeunes filles, l'une rêvant de gloire et de pouvoir raconter des histoires qui plaisent à tous-tes et l'autre terriblement associale mais au talent graphique indéniable, qui se rencontrent par hasard en primaire, se jalousent, s'admirent, se rapprochent, deviennent amies et décident de se lancer dans la création de mangas amateurs. Elles se font très vite remarquer, se lancent enfin dans la création officielle... et se séparent. L'une devient une mangaka à succès et l'autre part faire ses études pour se perfectionner davantage. "Look Back" est une très jolie histoire sur la création artistique, la séparation, le regret, cette envie de revenir en arrière et de pouvoir tout changer, sur le deuil aussi. C'est une histoire très jolie et avec un énorme potentiel et pourtant j'en ressors mitigée. Le trait de Fujimoto est toujours aussi bon, les personnages ont toujours l'air si humains dans leurs réactions et leurs incohérences, le scénario est touchant, la fin tente même de jolies idées narratives, et pourtant quelque chose cloche. Ce n'est pas très grave et pourtant un détail sur lequel je n'arrive pas à mettre pleinement le doigt me chiffonne à la lecture. Est-ce l'arrivée du fantastique dans la narration qui m'a semblé trop soudaine ? Est-ce le sentiment qu'avec un brin de développement en plus l'histoire aurait pu réaliser tout son potentiel ? Bah je ne sais pas. Je trouve l'arrivée du fantastique intéressante et le caractère court du récit lui donne aussi une partie de son charme (la vie est trop courte, tout va si vite), alors pourquoi ai-je le sentiment qu'il manque un truc ? Un je ne sais-quoi ? Mystère et boule de gomme... En tout cas l'album reste très bon ! (Note réelle 3,5)
Gabriele Münter - Les Terres bleues
L’artiste ne doit pas imiter la nature, mais exprimer sa propre vision de choses. - Ce tome constitue une biographie de l’artiste Gabriele Münter. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Mayte Alvarado pour le scénario, les dessins et les couleurs, avec une traduction de l'espagnol par Christilla Vasserot. Il comprend soixante-dix-huit pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec une introduction de l’autrice qui a choisi cinq tableaux de la peintre, des moments qui font partie de son œuvre, des instants suspendus dans le temps qui se sont transformés en œuvre d’art, et qui constituent le point de départ de la bande dessinée. Elle indique qu’elle peut imaginer Gabriele Münter à partir de son œuvre, et elle a choisi cinq tableaux à cet effet, cinq fragments de vie. Il se termine avec une brève biographie de l’artiste en deux pages, puis la liste des onze œuvres citées visuellement dans l’ouvrage. Enfin vient une rapide biographie de l’autrice. Là où les montagnes si bleues émergeant des brumes grises brillent au loin. Là où le soleil rougit, où les nuages se rejoignent, là il voudrait être ! Ceval paisible fera taire la peine et la douleur. Là où sur la roche les primevères méditent au calme et le vent souffle en douceur, il voudrait être ! Vers la forêt pensive la pousse la force de l’amour, intime tourment. Rien ne l’éloignerait d’ici, chère aimée, s’il pouvait être toujours auprès d’elle. Depuis sa fenêtre, Gabriele Münter observe le petit-déjeuner des oiseaux. Elle déguste une tasse de thé tout en écoutant la radio. La voix du présentateur indique qu’ils viennent d’écrouter : Là où les montagnes si bleues, une œuvre de Ludwig van Beethoven issue de son cycle de lieder pour voix et piano, intitulée À la bien-aimée lointaine. Il ajoute qu’ils interrompent à présent leur programmation musicale pour diffuser le discours prononcé par le Führer lors de l’inauguration de la première grande exposition d’art allemand. La voix d’Adolf Hitler se fait entendre : Il tient à proclamer sa décision irrévocable de débarrasser dès à présent la vie artistique allemande des phrases vides de sens. La voix continue : Les œuvres d’art incompréhensibles qui ont besoin d’un mode d’emploi sophistiqué pour justifier leur propre existence et camoufler leur fade et impudente vacuité ne se trouveront plus désormais sur le chemin du peuple allemand ! Le discours du Führer continue : Expérience intérieure, sentiment puissant, volonté robuste, perception pleine d’avenir, authenticité, primitivisme… Toutes ces expressions stupides et trompeuses ne sauraient justifier des produits totalement dépourvus de valeur et tout simplement ineptes. Des estropiés difformes, des femmes qui ne suscitent que de l’horreur, des hommes qui ressemblent plus à des bêtes qu’à des hommes ! Voilà ce que ces effroyables amateurs ont le culot de présenter au monde comme l’art de notre temps. […] Gabriele finit par tourner le bouton du poste pour couper court à ce discours. La sonnerie du téléphone retentit. Elle indique à l’opératrice qu’elle prend l’appel. Elle salue ensuite Johannes. Elle lui raconte qu’elle prenait son café, qu’elle avait fini. Elle continue : elle a eu de la visite ce matin, des oiseaux sont venus la voir, ils voletaient de branche en branche sur les arbres devant sa fenêtre. La narration visuelle évoque d’entrée de jeu et tout du long l’approche graphique de la peintre. L’artiste en respecte plus l’esprit que la lettre, une certaine façon d’envisager les formes et les couleurs. Dans l’introduction, l’autrice indique qu’à la base elle s’est inspirée de cinq tableaux : Petit déjeuner des oiseaux (1934), Vue de la fenêtre de Griesbarü (1908), Promenade en canot (1910), Arbre au bord de la Seine (1930), La maison de Münter à Murnau (1931). Elle développe son point de vue et sa démarche : approcher d’un tableau comme s’il s’agissait d’une fenêtre. Il suffit de l’ouvrir pour que la scène s’anime et invite les spectateurs à y prendre part. On écoute une conversation entre amies, on sent la brise sur son visage, ou le soleil qui aveugle. On hume la bonne odeur du café. On ne peut peut-être pas avoir connaissance de tous ces détails, mais on peut les imaginer. L’autrice peut imaginer Gabriele Münter à partir de son œuvre, et elle a choisi cinq tableaux à cet effet. Cinq fragments de vie. En effet, elle fait la part belle aux images, réalisant trente pages dépourvues de tout mot. Gabriele en train de peindre un tableau, une promenade à vélo dans la campagne autour de Murnau, une balade en canoë sur le lac, le retour dans la maison de Murnau, une balade dans la neige, le vol d’oiseaux. Première caractéristique qui marque le lecteur : la palette de couleurs, car elles sont assez claires, induisant une belle luminosité. En particulier : le beau ciel bleu sur lequel se détache le rouge-gorge, la fresque colorée sur la rambarde de l’escalier de la maison de Murnau, les couleurs extraordinaires du village quand Münter sort faire un tour de bicyclette, le vert foncé de la frondaison des arbres ressortant sur le vert plus clair de la prairie avec un vert entre deux tons pour leur ombres dans une magnifique vue du ciel, le rose des fleurs de cette même prairie, le vert incroyable de la prairie pendant le pique-nique, le jeu du vert et du bleu à l’occasion de la balade en canoë sur le lac, le blanc de la neige en hiver se teintant de nuances de rose et de parme pour un effet poétique d’une grande sensibilité. L’artiste s’est inspirée de la palette de la peintre, en la transposant dans des tons un peu plus clairs pour certains éléments picturaux. Elle simplifie également le contour des formes, en particulier celles de l’extérieur des maisons, et elle fait bon usage du glissement expressionniste mesuré à l’occasion des moments silencieux qui prennent alors une intensité émotionnelle à couper le souffle. L’effet produit exhale des saveurs singulières : entre touches d’art naïf, impressions de paysage et compositions sophistiquées dans des prises de vue narratives limpides. Le lecteur voit par lui-même que l’artiste applique le précepte de la peintre à la lettre : L’artiste ne doit pas imiter la nature, mais exprimer sa propre vision des choses. L’autrice réalise une biographie assez libre, dans le sens où elle a retenu cinq périodes de la vie de l’artiste, qu’elle accroche sur une saison différente à chaque fois, pour faire un cycle complet : hiver, printemps, été, automne, et un deuxième hiver. Lors de la première saison, Gabriele Münter écoute un discours d’Hitler à la radio, annonçant la première grande exposition d’art allemand. Celle-ci se tiendra huit fois de 1937 à 1944 à Munich, avec en parallèle de la première l’exposition d'art dégénéré dans la même ville. Ce premier chapitre trouve la peintre dans sa demeure du village Murnau, et le lecteur peut voir le petit-déjeuner des oiseaux par la fenêtre, puis découvrir l’intérieur du foyer du salon à l’atelier à l’étage. Au cours de la conversation avec Johannes Eichner (1886–1958), elle évoque ladite exposition d’art dégénéré, ainsi que le bûcher à venir pour ces toiles proscrites par le régime. Elle est sous le choc de la possibilité que toutes leurs idées, tout leur travail avec le Cavalier bleu puisse être réduit en cendres. Elle a mis à l’abri dans sa cave des œuvres de Vassily Kandinsky (1866-1944), Franz Marc (1880-1916), Alexej von Jawlensky (1864-1941), Marianne von Werefkin (1860-1938), Paul Klee (1879-1940). Le deuxième chapitre se déroule donc au printemps : Gabriele Münter séjourne à Murnau en compagnie de Vassily Kandinsky, à qui elle rappelle qu’elle n’est plus son élève, et que ce serait merveilleux qu’elle achète une maison ici. Le lecteur en déduit que ce printemps doit se situer au tout début des années 1910. C’est l’occasion d’une extraordinaire balade à vélo : une expérience esthétique peu commune, huit pages muettes à l’exception d’un unique phylactère, le lecteur se délecte de voir le paysage par les yeux de la peintre. Elle exprime sa propre vision des choses : ou plutôt la bédéaste projette l’interprétation qu’elle fait du processus au fil duquel Gabriele Münter a abouti à ses toiles. Elle a littéralement imaginé le monde que montre le tableau Vue de la fenêtre de Griesbarü (1908), telle une fenêtre ouverte vers l’extérieur, ainsi que retourné le principe pour imaginer les circonstances ayant conduit la peintre à réaliser ce tableau. Le troisième chapitre se déroulant pendant l’été est encore plus enthousiasmant sur le plan esthétique : un pique-nique et une promenade en barque enchanteurs, magnifiques, extraordinaires. En découvrant la conversation entre Gabriele Münter, Vassily Kandinsky, Alexej von Jawlensky et Marianne von Werefkin, le lecteur comprend qu’il assiste à la naissance du groupe d’artistes Le cavalier Bleu, pour créer un art de leur temps qui soit à la fois éternel et universel. Il ne s’agit pas de fonder un mouvement ou une école, mais un lieu de rencontre entre artistes, qui partagent les mêmes inquiétudes. Le lecteur passe alors à l’automne pour une séquence qui se déroule à Paris pour se conclure par le retour à Murnau, vraisemblablement dans les années1930. Au cours d’une discussion avec une amie, Münter évoque sa facilité à dessiner, et son apprentissage de la peinture, difficile au début. Le lecteur découvre une vision de la capitale française aussi épurée que fantasmée. Le tome se termine par un dernier hiver, celui des quatre-vingts ans de la peintre. C’est l’occasion d’un regard en arrière pour contempler le chemin parcouru et le plaisir que procure la reconnaissance. C’est aussi l’occasion d’une ultime balade autour de Murnau dans un paysage enneigé, splendide. Le lecteur en ressort fort ému, conscient d’une œuvre qui se confond avec la vie, et d’une vie consacrée à la création. Dans une lecture très paisible, il a fait l’expérience de voir par les yeux de la peintre, de pouvoir ressentir le monde avec elle, interprété par la vision qu’elle porte dessus. Une biographie de Gabriele Münter ? Pas tout à fait. L’autrice choisit cinq moments précis de la vie de la peintre qu’elle répartit sur le cycle des saisons, de l’hiver à l’automne avec un hiver supplémentaire, en s’affranchissant de l’ordre chronologique en imaginant ces scènes à partir d’un tableau différent à chaque fois, et en s’inspirant d’autres. Une esthétique qui respecte l’esprit de la peintre, une narration visuelle douce et belle. Une évocation parcellaire, et aussi éclairante, dans son rapport à la perception personnelle du monde, et l’incidence du contexte historique. Singulier.
Cent mille journées de prières
J'ai lu cette série sans même savoir son sujet. Je l'ai prise tout d'abord pour ce qu'elle me présentait seulement : le récit d'un enfant dans les années 80 qui vit seul avec sa mère, lui étant eurasien et elle purement française, et s'interrogeant sur son père absent. J'ai trouvé cette longue introduction touchante car elle reflétait bien pour moi l'ambiance de ces années 80 quand j'étais moi-même enfant, tout en présentant avec justesse les questions qu'on peut se poser à cet âge là et les réactions faites de tristesse et de colère qu'on peut ressentir face à un sentiment d'injustice touchant à son être intime. En cela, j'ai trouvé intéressant cette relation de haine et de rapprochement avec l'enfant plus âgé qui harcèle un peu le héros avant de révéler qu'ils sont bien plus proches qu'ils ne le pensaient. Puis quand j'ai constaté que la mère du héros parlait khmer au téléphone (merci Google Lens), j'ai compris que la clé du mystère de l'absence du père se trouvait dans le génocide cambodgien mais aussi que cela allait être pour le héros et le lecteur une nouvelle quête de vérité pour savoir si ce père était un héros, un traitre ou un simple homme du commun, et comprendre pourquoi sa mère repousse tant le moment où elle acceptera enfin de parler de lui à son fils. Autant le premier tome reste purement dans un décor français et le flou complet sur ce qu'il a pu se passer, autant le second rentre plus clairement dans le dévoilement du génocide perpétré par les Khmers rouges au Cambodge et ses répercussions jusqu’en France. A travers les non-dits et le racisme ordinaire auquel il est confronté. Loo Hui Phang aborde ce thème à hauteur humaine, mêlant la grande Histoire et l’intime, et parsème son récit de métaphores visuelles fortes, comme l’oiseau messager des morts ou le trou dans le sol qui symbolisent ce qui ronge le personnage. La narration, à la fois initiatique, historique et introspective, progresse patiemment, alternant poésie et réalisme. Le second tome, plus ancré dans la tragédie cambodgienne, gagne en intensité émotionnelle et en clarté narrative, avec des moments d’une grande puissance, parfois bouleversants. L’écriture est sensible et nuancée, et le ton évite autant la froideur documentaire que l’austérité militante. Graphiquement, les trouvailles visuelles marquent, mais je note quelques limites : un trait parfois trop simple, des personnages manquant d’expressivité dans le premier tome ou, au contraire, se ressemblant trop dans le second, ce qui peut nuire à la lisibilité. Certaines planches m’ont semblé moins abouties, comme si elles avaient été finalisées dans l’urgence. Malgré ces réserves, c’est un diptyque fort et touchant, qui mêle mémoire, quête identitaire et drame historique avec intelligence. Une œuvre que je relirai volontiers, une fois le temps passé, pour replonger dans cette histoire à la fois personnelle et universelle.
L'Épouvanteur
Ce n'est pas moi qui vais dissoner sur ce coup-là : L'épouvanteur est assurément une bonne BD jeunesse que j'ai pris plaisir à lire. Le dessin m'a beaucoup plu. Il assume sa différence avec sa texture grasse et son trait épais. Le trait de Benjamin Bachelier ne manque clairement pas de personnalité, ni d’expressivité. Il est parfaitement accordé sur cette histoire de sorcières et sait également être effrayant au moment opportun. Car oui, les trognes des « méchants » font réellement peur, et le dessin engoncé dans la matière renforce ce sentiment. Les dialogues fonctionnent bien, les situations sont bien posées, tout avance de concert, sans superflu, même si le scénario n’est pas d’une originalité folle. Je n’ai jamais lu le roman de Delanay et ne suis pas en mesure de les comparer. Mais bon, il n’y a pas forcément lieu de le faire, même si cela bien entendu peu jouer sur l’avis. Cette BD tient bien toute seule et ça me va bien.
L'Âge d'eau
Je viens de relire le premier tome de L'âge d'eau. On est enveloppé par l'humanité qui se dégage de ce récit, on sent aussi l'inquiétude de son auteur, préoccupé par l'état du monde actuel et celui à venir, mais le poète continue de nous émerveiller avec ces planches superbes, cette façon tendre et chaleureuse de croquer ses personnages au détour de quelques mots ou de brefs regards échangés. L'histoire se situe dans les Pays de la Loire, les terres sont en grande partie submergées, mais ici ou là, quelques individus s'obstinent à vivre au fil de l'eau et tentent d'échapper aux fonctionnaires zélés du gouvernement qui voit d'un mauvais œil ces brebis égarées. Au chaos du monde et à une sécurité relative (face à la montée des eaux, la plupart préfèrent se regrouper derrière des digues de plus en plus hautes et suivre sans broncher les directives d'un gouvernement de plus en plus autoritaire), Flao oppose l'espoir, la volonté farouche de liberté de ses personnages et la poésie. De l'aveu même de son auteur, l'écriture du tome 2 ne fut pas facile, Flao a cherché longtemps le bon angle avant de poursuivre son histoire, mais j'ai hâte de retrouver Hans, l'intrépide activiste, son frère, Gorza, un gentil géant taiseux et leur compagnon, un intrigant chien bleu, semblant venir de temps immémoriaux, magnétique narrateur de ce récit qui observe avec sagacité et magnanimité les personnages qu'il est amené à croiser et qui nous donne à voir la beauté vibrante du monde. Et ça tombe bien, le tome 2 sort bientôt ! Edit tome 2 : Cet album va probablement diviser, mais j'ai trouvé cette conclusion réussie. Au début, j'ai eu peur que Flao se perde et nous perde avec lui, mais à l'arrivée, les nuages se sont dissipés (à l'image des horizons éclatants de la dernière partie) et j'ai été pris une fois de plus par ce voyage au fil de l'eau. Il y a des cases somptueuses, de véritables peintures, des situations cocasses (deux ou trois scènes franchement drôles ), un parti pris politique qui pourra agacer ou interpeller, c'est selon, on sent que l'auteur s'intéresse aux diverses formes de résistance, de contestation qui ont commencé à émerger ici ou là. J'ai aimé la vision crédible qu'il donne de ce monde non pas post-apocalyptique, mais simplement de notre monde tel qu'il pourrait l'être bientôt, j'ai aimé comment il a visiblement nourri son œuvre de ce qu'il a déjà observé au cours de ses multiples voyages à travers le monde et ce n'est pas la moindre des qualités de L'âge d'eau que de réinventer le carnet de voyage à travers ce récit d'anticipation. Son expérience de voyageur irrigue L'âge d'eau. La vision de ce que nous deviendrons bientôt peut-être se mêle à ce qu'il a déjà observé ailleurs et ces moments, ces lieux qui s'entremêlent collent parfaitement à son récit qui souligne les liens quasi sacrés entre toutes les manifestations du vivant depuis les origines de notre monde. Flao nous livre donc un témoignage sensible. Voyageur toujours sur le départ, assoiffé de grands espaces, il nous livre sa vision forcément inquiète du monde actuel, mais à l'image de ces cases lumineuses, il semble nous dire que l'espoir est toujours là, que nous pouvons encore changer, selon nos rêves et nos aspirations, notre rapport au monde.
Caballero Bueno - Une enquête de l'inspecteur Valverde
Après La voix des bêtes, le sang des hommes, j'avais résolu de suivre Thomas Gilbert. Et je suis bien content de m'être tenu à cette idée car Caballero Bueno est à nouveau une très belle réussite. Je retrouve son trait agréable et précis, ici un chouïa plus gras, et rehaussé de couleurs plus franches, ce qui sied parfaitement à l'ambiance oppressante de ce huis-clos de polar. Huis-clos ou presque puisque se déroulant entièrement sur le petit caillou inhospitalier de l'Ile de Pâques. Ça pleut presque en permanence, ce qui ajoute encore à l'atmosphère pesante. Et c'est dans ce cadre qu'évoluent des personnages aussi bien taillés que les statues qui ornent les pentes de l'île. L'inspecteur Valverde est bien entendu celui qui focalise l’attention, avec son bon gros quintal, son cigare et ses yeux oranges vifs, jouant habilement avec les clichés, mais la place est faite aux autres protagonistes dont les caractères émergent progressivement, ainsi que leur raison d’être et tout ce qui les anime. Je ne suis habituellement pas très fan du genre polar, mais l’ambiance graphique forte a fait le reste. En outre, le scénar, basé sur l’expérience du grand-père de Thomas Lavachery, est bien troussé et la tension ne fait que s’accroitre. Du tout bueno ! Le sous-titre « une enquête de l’inspecteur Valverde » laisse en effet auguré d’une suite possible. Affaire à suivre…
On a mangé la mer - Une enquête au coeur de la crise de la pêche en France
Maxime de Lisle a publié l'an dernier un album traitant en grande partie du même sujet, Pillages. Mais c'était plutôt un docu-fiction. Il revient ici sur le sujet dans un documentaire pur et bien plus complet. Le hasard a voulu que je lise juste avant Histoire de la mer, qui vient de sortir, un très bon documentaire au nom explicite, qui se terminait par un chapitre sur les menaces auxquelles la Grande Bleue est confrontée. Eh bien ce "On a mangé la mer" est dans le prolongement, et en constitue un parfait complément - tout aussi intéressant et réussi. En effet, sont passés en revue tous les problèmes posés par la surpêche, en présentant très bien les faits - chiffrés et mis en perspective - ainsi que causes et conséquences, et ce de façon quasi exhaustive. D'autres problèmes connexes sont aussi évoqués (la construction de barrages sur les fleuves ; La prolifération de certaines algues, etc.). Et tout ça est très documenté et surtout très fluide. Et donc plus qu'énervant ! Mais quelques pistes sont proposées vers la fin, rien n'est irrémédiable, comme pour le changement climatique. Mais un changement sociétal révolutionnaire est nécessaire, ainsi que des débats éclairés pour les citoyens, là aussi comme pour le changement climatique. La recherche du profit immédiat vide les océans.
De pierre et d'os
Il s’agit effectivement d’une excellente BD. L’histoire est touchante et sa protagoniste forte et attachante, j’ai vibré avec elle, ri avec elle, pleuré avec elle. J’ai beaucoup aimé découvrir le chamanisme et les croyances et modes de vie inuites, même si je suis resté un peu hermétique aux double-pages « le chant de… ». La fin est belle et juste, mais un peu abrupte, je trouve. La mise en image est réussie. Le trait est maitrisé - j’adore la représentation des personnages, et puis surtout la mise en couleur aquarelle est sublime. J’ai pris beaucoup de plaisir à admirer les paysages du Grand Nord. Une lecture humaine, prenante et marquante… un coup de cœur !