Je rejoins les avis positifs sur cette série.
C'est une bonne série quoiqu'un peu exigeante pour le lecteur. J'étais un peu confus au début tant le récit est complexe. Ce n'est pas le genre de bande dessinée qu'on peut lire facilement en 10 minutes. Les deux albums sont longs, denses et remplis d'informations. L'intrigue est prenante et cohérente malgré sa complexité. Je pense que pour accrocher il faut tout de même un peu aimer l'histoire et la mythologie antique parce que je ne vois pas comment quelqu'un qui n'aime pas ces deux sujets peut aimer le second tome qui est très érudit dans ces matières.
Le dessin est bon et j'ai aimé qu'il soit en noir et blanc car c'est le genre de trait qui semble moins bon avec la couleur.
C’est quand même fou comment Foerster réussit à se renouveler, en faisant pourtant toujours la même chose, hein !?
En effet, les huit histoires qui composent cet album reprennent les bonnes vieilles recettes de l’auteur.
A savoir un dessin aux petits oignons (je l’aime vraiment beaucoup), usant d’un beau Noir et Blanc, tout à fait raccord avec les ambiances gothiques développées dans ces histoires. Les personnages ont tous des trognes (et des noms – très « Groland » quand j’y pense) pas possibles, souvent filiformes (comme pour le décor avec des immeubles ou maisons qui s’élèvent bien haut, comme les plafonds, le tout plus ou moins brinquebalant), ou alors hydrocéphales.
Pour ce qui est des histoires, un peu d’humour noir saupoudre un fantastique qui ne mise jamais sur une surenchère, mais qui au contraire joue sur de petites touches, des transformations par étapes. Je me dis que Foerster devait aimer « Alfred Hitchcock raconte » ou « La quatrième dimension », car on y retrouve aussi parfois ce malaise instillé jusqu’à la chute finale. Et cette chute est le plus souvent réussie. Ici, plusieurs jouent sur le thème de l’observateur observé dans le retournement final.
Bref, voilà un auteur à suivre, bien sûr, et un album qui ravira ses amateurs – même s’il n’est pas tout jeune. D’ailleurs, je me fais la réflexion à chaque fois que j’avise les albums de Foerster, il ne semble pas avoir beaucoup de lecteurs. C’est vraiment dommage, car il a du talent.
Note réelle 3,5/5.
Annoncé comme la bande dessinée à lire en 2018, je me suis finalement lancé dans ce one-shot de plus de 330 pages.
Je dois dire que j’ai adoré le dessin en noir et blanc de Peeters, qui mérite amplement qu’on s’y attarde. Il excelle aussi bien dans les scènes d’actions, que celles se déroulant à Paris et même les planches muettes sont superbes ! Vraiment du très bon Peeters sur le coup. Superbe travail !
Côté scénario, la première partie va crescendo et l’intrigue nous tient en haleine constamment au fil des pages, on sent la tension monter. Et puis vers la fin, j’avoue que le recours aux légendes du Judaïsme, même si je m’y attendais, a un peu refroidi ma lecture. C’est sans doute mon côté rationnel qui en prend un coup.
En mêlant le destin de Max le Corbeau à celui de la mystérieuse créature, on finit par ne plus savoir le rôle de chacun, comme si le scénariste Serge Lehman, ne savait pas comment achever son récit de manière linéaire. A trop mélanger les légendes, on finit par s’y perdre et avoir un goût d’inachevé, une fois le livre reposé. Le rôle de Max devient encore plus obscur au final , et je ne crois pas avoir vu d’explication précise sur l’origine de ce personnage.
Reste un très bon travail des deux auteurs, une réflexion sur les origines, et les silences au sein d’une famille assez particulière, il faut dire.
Avec Les Passagers du vent (dans un autre registre), « Fort Wheeling » a été pour moi l’une des portes d’entrée vers la Bande Dessinée adulte. C’est en tout cas une série qui m’avait beaucoup marqué lorsque je l’avais découverte en bibliothèque – il y a bien longtemps maintenant, au début des années 1980.
Il faut dire que j’étais déjà intéressé, passionné par le monde indien, et que j’avais lu à la même époque le Cycle de Bas-de-Cuir de Fenimore Cooper : j’étais alors réellement passionné par ces coureurs des bois, à cheval sur plusieurs cultures et vivant une pleine mais sauvage liberté.
J’ai depuis acheté l’intégrale. Les albums ont été colorisés (je ne sais que penser de ce changement). Mais de toute façon cette intégrale est bien fichue, puisqu’aux deux tomes elle ajoute un dossier final présentant les biographies des principaux protagonistes, des cartes, et plusieurs cahiers graphiques : de superbes dessins à l’aquarelle de Pratt, dans un style différent de Wheeling.
Pratt s’est donc beaucoup documenté, pour nous narrer ces événements, qui se déroulent dans le dernier quart du XVIIIème siècle, au moment du début de la Guerre d’indépendance américaine. Au milieu de cet événement, pour lequel chacun doit choisir son camp, Pratt présente des protagonistes très divers, qu’ils soient Blancs ou Indiens.
Ceux qui ont déjà lu Sergent Kirk savent que Pratt s’est depuis longtemps intéressé à cette région et ses sous-bois, ainsi qu’aux liens unissant/désunissant Blancs et Indiens, mais aussi les progrès de son dessin ! Pratt a d’ailleurs traité certains de ces aspects (avec moins d’amplitude il est vrai) dans plusieurs autres albums, que ce soit Ticonderoga ou Billy James (je n’ai toujours pas pu mettre la main sur ce dernier !). Et les amoureux du sujet pourront se référer à L'Homme de la Nouvelle Angleterre de Battaglia, ou aux très beaux mais plus récents albums de Prugne.
Pour en revenir à « Fort Wheeling », si l’on fait abstraction du style graphique de Pratt (que je trouve ici très beau – mais qui semble faire débat), certains aspects de la narration peuvent dérouter. En particulier la volonté de Pratt de montrer « au plus près » les protagonistes, leurs relations, qu’elles soient amicales ou violentes, d’une manière dépassionnée. Il y a parfois un côté pointilliste, tout n’est pas expliqué ou développé : mais j’ai bien aimé cette narration.
Certes, on aurait pu avoir quelques personnalités davantage développées, ou alors l’accent mis sur des types marquants de ces « frontaliers » (comme le tueur d’Indiens Lewis Wetzel, aussi intrigant que flippant). Mais ce n’était pas la volonté de Pratt.
Mon seul réel bémol concerne essentiellement le second tome. Si celui-ci – réalisé quelques années après le premier est parfois plus « lisible » (cases plus grandes, avec un texte lui aussi moins dense et une police de caractères plus grande), j’ai trouvé qu’il était un chouia moins « enlevé » que le précédent. Plus linéaire, il prend moins les chemins de traverse, porte moins vers la rêverie je trouve. Par ailleurs le dessin a évolué – lorgnant parfois vers le trait de Tardi.
Surtout, j’ai trouvé la fin un peu abrupte, comme si Pratt avait décidé brusquement de mettre fin à une intrigue sans avoir eu le temps de réellement la conclure (une suite était-elle envisagée par lui ?).
Bon, sinon, le charme de ma première lecture n’est pas rompu, et je garde encore en tête le grand plaisir ressenti à découvrir cette série (d’où le coup de cœur). C’est probablement l’œuvre de Pratt qui m’a le plus marqué.
Il est vrai que le titre donne un peu la tonalité de ce documentaire sur les services spécialisés en soin palliatif. Il ne s’agit plus de guérir mais de soigner pour soulager la douleur avant l’heure fatidique. Ce genre de service a vu le jour dans le milieu des années 80 en France alors que cela existait depuis une bonne vingtaine d’années dans d’autres pays européens notamment au Royaume-Uni. Encore une fois, notre pays était un peu à la traîne souvent pour des raisons bassement financières.
La question de l’euthanasie sera également abordée. On apprendra que seuls les pays du Benelux l’ont autorisé légalement. Il s'agit d’éviter l’agonie d’une personne et d'abréger au plus vite ses souffrances. Pour autant, car le débat est plus complexe qu’il n’y paraît, le personnel des soins palliatif n’est visiblement pas préparé pour cela car il poursuit une autre voie à savoir la gestion des souffrances physiques et psychiques.
Cet ouvrage est une sorte de documentaire sur le travail du personnel soignant dans les services de soins palliatifs. Il met en valeur leur travail un peu particulier. Le contexte géographique est celui de la ville de Roubaix, l’une des plus pauvres de France avec un taux d’espérance de vie considérablement faible par rapport à la moyenne nationale.
La lecture a été assez fluide ce qui permet une bonne compréhension. On voit des situations de tous les jours avec parfois beaucoup de peine mais parfois un peu d’humour. Il n’y a point de dramatisation à outrance. Il y a beaucoup d’humanité ce qui fait du bien. Tout sonne vraiment juste.
Un mot sur le dessin. Le graphisme est doux avec des aquarelles de nuances de gris. On notera un trait assez fin.
Je mets 4 étoiles à une œuvre qui le mérite bien. Il est vrai que nos sociétés prônent le culte de la jeunesse et qu’on préfère aisément éluder ces sujets peu réjouissants. Cependant, il faut également envisager sa mort ou celle d’un proche afin de mieux gérer cette phase car on y sera tous confrontés un jour ou l’autre.
Après lecture de ce roman graphique, on peut l’affirmer : oui, Ulli Lust est une fille bien ! Il faudra peut-être à certains surmonter leur circonspection vis-à-vis d’un graphisme très scolaire et peu engageant, surtout dans les premières pages, et d’un récit qui prend un certain temps à démarrer. Une fois ce cap franchi, les choses finissent par se mettre en place et, alors que le fond s’impose doucement mais sûrement, la forme passe au second plan. On est peu à peu immergé dans ce pavé de plus de 300 pages et on pourra même reconnaître des qualités à un dessin parfois maladroit mais touchant dans sa sincérité voire poétique, en particulier pour les scènes d’amour. Très certainement à l’image de son auteure (non je n’utiliserai pas l’affreux néologisme « autrice » qui fait saigner mes oreilles), chez qui l’on sent une certaine fragilité, doublée d’une volonté de bien faire (tout est dans le titre) et de ne pas négliger les détails.
J’ignore si « Lust » est un pseudo. Si ce n’est pas le cas, cela tendrait à accréditer l’idée qu’un patronyme pèse sur la destinée de celui qui le porte. Car de plaisir sexuel il est beaucoup question dans cette autobiographie honnête et courageuse. Son dessin explicite ne cherche pas à nous faire rincer l’œil, il présente l’acte sexuel comme une chose belle et naturelle. Ulli Lust est une féministe de son temps, qui ne revendique rien mais vit sa vie juste comme elle l’entend, en explorant son désir sexuel sans hypocrisie, sans peur du qu’en-dira-t-on. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça ne plait pas toujours. Non seulement à ses voisins-voisines, que l’hédonisme d’Ulli renvoie à leurs propres frustrations, mais surtout, et là on est au cœur du sujet, à son amant africain Kimata. Au départ dépeint comme un homme gentil, celui-ci va révéler au fur et à mesure sa jalousie maladive jusqu’à son paroxysme de haine et de violence, qui ne laissera pas sa partenaire indemne. Malgré cela, Ulli parvient à éviter l’écueil d’un racisme trop facile, évitant tout jugement de valeur sur la tradition africaine, caractérisée par un paternalisme déroutant pour l’Occidental lambda. L’auteure au contraire se contente d’être factuelle, mettant en lumière les préjugés et la bêtise de Kim (« tu fais partie de ces femmes blanches qui aiment les hommes noirs ? »), malgré ses tentatives pour être tolérant. Cela corrobore d’une certaine façon l’idée que le racisme peut être aussi le fait de ceux qui en sont les premières victimes, a fortiori dans un pays comme l’Autriche - où se déroule l’histoire -, un pays où l’extrême-droite a eu à plusieurs reprises l’accès au pouvoir. D’ailleurs, comme pour éviter la récupération politique, Ulli Lust n’oublie pas de faire allusion à certains comportements machistes et xénophobes dans son pays.
L’auteure autrichienne réussit à traiter de front les thématiques de la violence conjugale et de la différence culturelle en prenant bien soin de faire la part des choses. Parallèlement, « Alors que j’essayais d’être quelqu’un de bien » aborde aussi la problématique de la fidélité… à soi-même, de l’importance de ne pas se renier dans le cadre du couple. C’est ce qui fait toute la richesse de ce roman très personnel, qu’on apprécie pour sa subtilité et son évitement des clichés, quand bien même il laisse un goût amer. A situation compliquée, il ne saurait y avoir de réponse simple, et Ulli Lust se garde bien d’en fournir…
Voici une BD que j'ai eu envie de lire juste par sa couverture, et je ne me suis pas planté dans mes choix. Les auteurs n'en sont plus à leurs coups d'essais, la scénariste a déjà réalisé l'excellente Betty Boob qui avait attiré toutes les éloges lors de sa sortie. Et cette BD confirme totalement le talent des deux conjugués !
La première chose que j'ai vraiment apprécié, c'est le dessin. Très beau, détaillé et attractif, il m'a fait rentrer dans l'histoire en moins de temps que je n'aurais cru. J'étais parti pour feuilleter deux pages, j'ai lu tout l'album d'une traite. Et j'en remangerais volontiers, tant j'ai été captivé par cette BD.
L'histoire avait tout pour me plaire : une romance teinté de fantastique, c'est toujours un plaisir à lire. Et quand c'est bien manié comme ici, c'est un régal. Les auteurs jouent des codes qu'on pourrait pensé éculés (l'idée peut sembler être reprise de Ghost, le film avec Demi Moore), mais qui sont reprises d'une façon originale. Et qui d'ailleurs m'a surpris par sa fin, puisque je m'étais fourvoyé dans mon interprétation. C'est toujours un plaisir de découvrir que les auteurs peuvent surprendre.
En partant d'une idée bien exploitée, le duo d'auteures parvient à nous pondre une BD traitant de bien des sujets, l'amour et le couple, la norme, les angoisses, la solitude et la maladie mentale. J'ai eu l'impression de plusieurs niveaux de lectures dans cette relation entre un fantôme et une solitaire. C'est beau et tendre, c'est très réussi sur tout les plans. J'ai fermé la BD avec une agréable sensation de merveilleux et le sourire aux lèvres pour la journée. Je crois que c'est largement suffisant pour justifier un conseil d'achat.
Et puis, c'est quand même une belle histoire d'amour, quoi ! Je ne pouvais pas rester insensible !
Ah Mars… Le théâtre et terrain de jeu favoris de bon nombre d’esprits créatifs, qu’ils soient passionnés de science-fiction ou de fantastique. Des immenses succès comme John Carter d’Edgar Rice Burroughs à la Trilogie de Mars de Kim Stanley Robinson, en passant par Philip K. Dick (Total Recall et autres nouvelles) ou Ray Bradbury (Chroniques Martiennes), on en passe des pires, des meilleurs, des plus anciens au plus récents. Et ce sous tous les formats ; du film comédie Mars Attacks !, du survival horror Ghosts of Mars ou du navet d’exploration Mission to Mars, sans oublier la prolifération de jeux vidéos ou de bande dessinée prenant pour cadre ce décor rocailleux. La liste est exhaustive et témoigne de la puissante attractivité qu’exerce la petite planète rouge dans la culture de l’imaginaire.
Autrefois la tendance générale des auteurs étaient de percevoir Mars comme un environnement plutôt hostile, peuplé d’êtres vivants appelés « petits hommes verts » ou gris, et qui nous voulaient du bien ou du mal selon ce que cherchait à raconter l’écrivaillon. Le récit concocté par Sylvain Runberg se situe plutôt dans la nouvelle tendance qui est de voir Mars comme une surface potentiellement viable, une sorte de terre promise à atteindre pour les générations futures (une fois que la planète Terre aura été bien bousillé). Là où ça devient intéressant c’est de raconter que cet Eden n’est en réalité qu’un paradis artificiel construit sur une montagne de cadavres, ceux de bagnards envoyés là-bas pour purger leur peine. Médias et gouvernements font croire aux masses que ces exilés se sacrifient pour le bien commun et le devenir de l’humanité alors qu’ils ne sont que de la main d’œuvre bon marché aisément remplaçable. Dans ce futur dystopique le niveau de moralité a sérieusement chuté, la devise c’est « marche ou crève ».
À travers quelques personnages bien campés dont l’héroïne Jasmine Stenford, digne héritière du lieutenant Ripley niveau badassitude, le lecteur suit la non-vie difficile de ces prisonniers dans ce qui n’est ni plus ni moins qu’un camp de travaux forcés. En même temps que notre héroïne se frotte à la dure réalité du microcosme carcéral, plusieurs sous-intrigues sortent de terre et annoncent un futur mouvementé. Les prisonniers vont-ils mener une révolte d’indépendance façon Red Faction et déclarer Mars comme leur (on se souvient que la colonisation de l’Australie a débuté par la fondation d’un camp pénitentiaire) ? Quel rôle joue le prédicateur Xavier Rojas : véritable bienfaiteur altruiste ou gourou sectaire, cousin de Kane le leader de la confrérie du N.O.D dans les jeux vidéos Command & Conquer ? Qui sont les solitaires ? D’ex-prisonniers évadés ou bien un peuple libre inspiré des Fremen du cycle de Dune ? Que de suspens.
Une histoire que j’ai trouvé pour le moment fort sympathique mais surtout brillamment mise en image par Grun dont j’avais déjà apprécié la patte sur Metronom', moins le scénario de Corbeyran. C’est du pur dessin contemplatif. On a choisi le dessinateur idéal pour ce type de récit et ce type de décor. Mars, ce n’est pourtant que de la roche rouge orangé, quelques verdures parce que la terraformation est en marche, et pourtant c’est magnifique. Grun possède un trait semi-réaliste d’une grande précision, tout y est merveilleusement bien détaillé et dans de justes proportion. Sa recherche graphique et sa capacité a imaginer des vaisseau spatiaux et des bâtiments futuristes m’a de même grandement impressionné. Bien évidemment les personnages sont eux aussi nickel chrome. Nous avons là à faire à un artiste de premier plan.
Vraiment, l’histoire même si on ne sait pas encore si elle saura nous surprendre, au moins peut-on parier sur un bon divertissement, sauf catastrophe industrielle. On pourra toujours se rabattre sur la qualité graphique dont on peut être sûr qu’elle sera au rendez-vous.
Le Punisher est un personnage que j'aime bien à petite dose (du genre si je lis deux ou trois histoires sur lui d’affilée je commence à m'ennuyer un peu) mais j'ai tout de même lu les deux grosses intégrales qui présentent le travail de Garth Ennis sur le Punisher dans l'univers de Marvel Comics qu'on connait bien (ensuite il fera ses histoires de Punisher sous le label Max et les histoires se situent dans une autre version de l'univers Marvel qui est plus sombre et plus adulte).
J'ai bien aimé généralement les récits et pour l'instant Ennis est le meilleur scénariste du Punisher que je connaisse. Les points forts d'Ennis sont son humour noir et sa capacité à créer des personnages secondaires mémorables. C'est très bien illustré dans la première histoire qui était une mini-série en douze épisodes. La violence est tellement exagérée par moments qu'on dirait un cartoon et j'ai bien aimé cette ambiance. Ennis renouvelle bien ses scénarios qui ne se résument pas qu'à une suite de récits où Punisher tue des méchants très méchants encore et encore.
J'ai tout de même trouvé une certaine baisse de régime vers le milieu du tome 2, notamment parce que le ton des récits devenaient plus sérieux, qu'il y avait moins de l'humour qui m'avait conquis dans le premier tome. Heureusement, le récit final contient de l'humour, il est vraiment agréable à lire et est une bonne conclusion pour le run d'Ennis. On retrouve aussi dans ce second tome un one-shot qu'Ennis a écrit dans les années 90 et qui voit le Punisher tuer tous les super-héros et super-vilains de l'univers Marvel. C'est un gros délire qui est sympathique à lire.
Je suis pas fan du genre de dessin réaliste que fait Steve Dillon, mais à force j'ai fini par m'habituer et j'ai même été déstabilisé quand il était temporairement remplacé par d'autres dessinateurs sur certaines histoires.
En tout cas, cela m'a bien donné envie de continuer de relire le premier tome de Preacher et de lire le reste !
« Merdre ». C’est sur cette épenthèse scatologique que s’ouvre « Ubu Roi », la pièce d’Alfred Jarry qui déclencha les sifflets des spectateurs et l’ire de la critique lors de la première. Jarry, qui avait fini par s’identifier à son personnage d’Ubu, aimait à provoquer les milieux mondains de l’époque. Par son humour grinçant, il n’avait de cesse de bousculer les codes de bienséance en tendant un miroir pas toujours reluisant à ceux dont il croisait le chemin. De façon ostentatoire, cet être hors-norme, grand admirateur de Rabelais, revendiquait sa liberté et son attachement à la doctrine d’Epicure. Rodolphe et Daniel Casanave dressent ici un portrait original et extrêmement vivant de celui qui allait laisser une empreinte indélébile dans le monde des arts et lettres du début du XXe siècle, préfigurant le mouvement surréaliste avec ses néologismes déconcertants et sa fameuse « science » pataphysique…
Etayé par une documentation fouillée, « MeRDrE » nous fait découvrir (ou re-découvrir) cet auteur original et attachant, au final assez méconnu, en nous livrant nombre d’anecdotes sur l’homme et ses contemporains. On y apprend notamment que le douanier Rousseau s’est lancé dans la peinture sous les injonctions de Jarry. Personnage fantasque et haut en couleur, irrévérencieux et imprévisible, Alfred Jarry fascinait tellement qu’il était devenu la coqueluche du Tout-Paris, un rôle qu’il acceptait de bonne grâce sans qu’il n’ait besoin de mentir et lui permettait de satisfaire son goût pour la bonne chère, lui qui était plus cigale que fourmi - et donc chroniquement désargenté. En dehors du Douanier Rousseau, il avait son cercle d’amis fidèles dont faisait partie Guillaume Apollinaire, ses pas avaient même croisé ceux d’Oscar Wilde, qui était alors sur le déclin après des années de harcèlement judiciaire, ce qui donnera lieu à une scène touchante entre les deux hommes accoudés au zinc. Mort à 34 ans, notre « surmâle », doté d’une énergie hors du commun, toujours muni d’un revolver, capable d’enfourcher son « Clément Luxe 96 » après avoir éclusé moult rasades d’absinthe, son « herbe sainte », eut une vie aussi courte que riche. Tel une sorte de punk avant l’heure, clown blanc à la fois aérien et frénétique, il a traversé le monde terrestre de façon fulgurante, trop vite usé par sa roide pesanteur.
Avec cet ouvrage, c’est un bien bel hommage que lui ont rendu Rodolphe et Casanave. Rodolphe, vieux routier prolifique dans le scénario de BD, s’essaie pour la seconde fois au genre biographique après Stevenson, le pirate intérieur (une évocation de la vie de Robert-Louis Stevenson), et c’est une réussite. Très équilibrée, la narration évite une trop grande linéarité, maintenant la chronologie des événements tout en insérant plusieurs digressions fantaisistes sur l’œuvre de Jarry. Quant à Daniel Casanave, il poursuit sa voie dans l’exploration des grands écrivains. Fort logiquement, celui-ci, qui avait déjà adapté en bande dessiné « Ubu Roi », s’attaque cette fois-ci à son auteur, dont la vie avait quasiment fusionné avec l’œuvre. Comme il l’avait fait avec le récent Nerval l'inconsolé, Casanave nous entraîne une fois encore dans une folle sarabande qui nous rend Alfred Jarry très proche, comme si son époque était aussi la nôtre. Et son trait vif et virevoltant y est forcément pour quelque chose. Une biographie passionnante sur un artiste totalement fascinant qui a privilégié sa propre liberté sans compromission au détriment d’un confort anesthésiant, un vrai poète, à coup sûr invivable, mais qui savait dire « merdre » sans crainte des conséquences.
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Les Princesses Egyptiennes
Je rejoins les avis positifs sur cette série. C'est une bonne série quoiqu'un peu exigeante pour le lecteur. J'étais un peu confus au début tant le récit est complexe. Ce n'est pas le genre de bande dessinée qu'on peut lire facilement en 10 minutes. Les deux albums sont longs, denses et remplis d'informations. L'intrigue est prenante et cohérente malgré sa complexité. Je pense que pour accrocher il faut tout de même un peu aimer l'histoire et la mythologie antique parce que je ne vois pas comment quelqu'un qui n'aime pas ces deux sujets peut aimer le second tome qui est très érudit dans ces matières. Le dessin est bon et j'ai aimé qu'il soit en noir et blanc car c'est le genre de trait qui semble moins bon avec la couleur.
Nuits blanches (Foerster)
C’est quand même fou comment Foerster réussit à se renouveler, en faisant pourtant toujours la même chose, hein !? En effet, les huit histoires qui composent cet album reprennent les bonnes vieilles recettes de l’auteur. A savoir un dessin aux petits oignons (je l’aime vraiment beaucoup), usant d’un beau Noir et Blanc, tout à fait raccord avec les ambiances gothiques développées dans ces histoires. Les personnages ont tous des trognes (et des noms – très « Groland » quand j’y pense) pas possibles, souvent filiformes (comme pour le décor avec des immeubles ou maisons qui s’élèvent bien haut, comme les plafonds, le tout plus ou moins brinquebalant), ou alors hydrocéphales. Pour ce qui est des histoires, un peu d’humour noir saupoudre un fantastique qui ne mise jamais sur une surenchère, mais qui au contraire joue sur de petites touches, des transformations par étapes. Je me dis que Foerster devait aimer « Alfred Hitchcock raconte » ou « La quatrième dimension », car on y retrouve aussi parfois ce malaise instillé jusqu’à la chute finale. Et cette chute est le plus souvent réussie. Ici, plusieurs jouent sur le thème de l’observateur observé dans le retournement final. Bref, voilà un auteur à suivre, bien sûr, et un album qui ravira ses amateurs – même s’il n’est pas tout jeune. D’ailleurs, je me fais la réflexion à chaque fois que j’avise les albums de Foerster, il ne semble pas avoir beaucoup de lecteurs. C’est vraiment dommage, car il a du talent. Note réelle 3,5/5.
L'Homme gribouillé
Annoncé comme la bande dessinée à lire en 2018, je me suis finalement lancé dans ce one-shot de plus de 330 pages. Je dois dire que j’ai adoré le dessin en noir et blanc de Peeters, qui mérite amplement qu’on s’y attarde. Il excelle aussi bien dans les scènes d’actions, que celles se déroulant à Paris et même les planches muettes sont superbes ! Vraiment du très bon Peeters sur le coup. Superbe travail ! Côté scénario, la première partie va crescendo et l’intrigue nous tient en haleine constamment au fil des pages, on sent la tension monter. Et puis vers la fin, j’avoue que le recours aux légendes du Judaïsme, même si je m’y attendais, a un peu refroidi ma lecture. C’est sans doute mon côté rationnel qui en prend un coup. En mêlant le destin de Max le Corbeau à celui de la mystérieuse créature, on finit par ne plus savoir le rôle de chacun, comme si le scénariste Serge Lehman, ne savait pas comment achever son récit de manière linéaire. A trop mélanger les légendes, on finit par s’y perdre et avoir un goût d’inachevé, une fois le livre reposé. Le rôle de Max devient encore plus obscur au final , et je ne crois pas avoir vu d’explication précise sur l’origine de ce personnage. Reste un très bon travail des deux auteurs, une réflexion sur les origines, et les silences au sein d’une famille assez particulière, il faut dire.
Fort Wheeling
Avec Les Passagers du vent (dans un autre registre), « Fort Wheeling » a été pour moi l’une des portes d’entrée vers la Bande Dessinée adulte. C’est en tout cas une série qui m’avait beaucoup marqué lorsque je l’avais découverte en bibliothèque – il y a bien longtemps maintenant, au début des années 1980. Il faut dire que j’étais déjà intéressé, passionné par le monde indien, et que j’avais lu à la même époque le Cycle de Bas-de-Cuir de Fenimore Cooper : j’étais alors réellement passionné par ces coureurs des bois, à cheval sur plusieurs cultures et vivant une pleine mais sauvage liberté. J’ai depuis acheté l’intégrale. Les albums ont été colorisés (je ne sais que penser de ce changement). Mais de toute façon cette intégrale est bien fichue, puisqu’aux deux tomes elle ajoute un dossier final présentant les biographies des principaux protagonistes, des cartes, et plusieurs cahiers graphiques : de superbes dessins à l’aquarelle de Pratt, dans un style différent de Wheeling. Pratt s’est donc beaucoup documenté, pour nous narrer ces événements, qui se déroulent dans le dernier quart du XVIIIème siècle, au moment du début de la Guerre d’indépendance américaine. Au milieu de cet événement, pour lequel chacun doit choisir son camp, Pratt présente des protagonistes très divers, qu’ils soient Blancs ou Indiens. Ceux qui ont déjà lu Sergent Kirk savent que Pratt s’est depuis longtemps intéressé à cette région et ses sous-bois, ainsi qu’aux liens unissant/désunissant Blancs et Indiens, mais aussi les progrès de son dessin ! Pratt a d’ailleurs traité certains de ces aspects (avec moins d’amplitude il est vrai) dans plusieurs autres albums, que ce soit Ticonderoga ou Billy James (je n’ai toujours pas pu mettre la main sur ce dernier !). Et les amoureux du sujet pourront se référer à L'Homme de la Nouvelle Angleterre de Battaglia, ou aux très beaux mais plus récents albums de Prugne. Pour en revenir à « Fort Wheeling », si l’on fait abstraction du style graphique de Pratt (que je trouve ici très beau – mais qui semble faire débat), certains aspects de la narration peuvent dérouter. En particulier la volonté de Pratt de montrer « au plus près » les protagonistes, leurs relations, qu’elles soient amicales ou violentes, d’une manière dépassionnée. Il y a parfois un côté pointilliste, tout n’est pas expliqué ou développé : mais j’ai bien aimé cette narration. Certes, on aurait pu avoir quelques personnalités davantage développées, ou alors l’accent mis sur des types marquants de ces « frontaliers » (comme le tueur d’Indiens Lewis Wetzel, aussi intrigant que flippant). Mais ce n’était pas la volonté de Pratt. Mon seul réel bémol concerne essentiellement le second tome. Si celui-ci – réalisé quelques années après le premier est parfois plus « lisible » (cases plus grandes, avec un texte lui aussi moins dense et une police de caractères plus grande), j’ai trouvé qu’il était un chouia moins « enlevé » que le précédent. Plus linéaire, il prend moins les chemins de traverse, porte moins vers la rêverie je trouve. Par ailleurs le dessin a évolué – lorgnant parfois vers le trait de Tardi. Surtout, j’ai trouvé la fin un peu abrupte, comme si Pratt avait décidé brusquement de mettre fin à une intrigue sans avoir eu le temps de réellement la conclure (une suite était-elle envisagée par lui ?). Bon, sinon, le charme de ma première lecture n’est pas rompu, et je garde encore en tête le grand plaisir ressenti à découvrir cette série (d’où le coup de cœur). C’est probablement l’œuvre de Pratt qui m’a le plus marqué.
Quelques jours à vivre
Il est vrai que le titre donne un peu la tonalité de ce documentaire sur les services spécialisés en soin palliatif. Il ne s’agit plus de guérir mais de soigner pour soulager la douleur avant l’heure fatidique. Ce genre de service a vu le jour dans le milieu des années 80 en France alors que cela existait depuis une bonne vingtaine d’années dans d’autres pays européens notamment au Royaume-Uni. Encore une fois, notre pays était un peu à la traîne souvent pour des raisons bassement financières. La question de l’euthanasie sera également abordée. On apprendra que seuls les pays du Benelux l’ont autorisé légalement. Il s'agit d’éviter l’agonie d’une personne et d'abréger au plus vite ses souffrances. Pour autant, car le débat est plus complexe qu’il n’y paraît, le personnel des soins palliatif n’est visiblement pas préparé pour cela car il poursuit une autre voie à savoir la gestion des souffrances physiques et psychiques. Cet ouvrage est une sorte de documentaire sur le travail du personnel soignant dans les services de soins palliatifs. Il met en valeur leur travail un peu particulier. Le contexte géographique est celui de la ville de Roubaix, l’une des plus pauvres de France avec un taux d’espérance de vie considérablement faible par rapport à la moyenne nationale. La lecture a été assez fluide ce qui permet une bonne compréhension. On voit des situations de tous les jours avec parfois beaucoup de peine mais parfois un peu d’humour. Il n’y a point de dramatisation à outrance. Il y a beaucoup d’humanité ce qui fait du bien. Tout sonne vraiment juste. Un mot sur le dessin. Le graphisme est doux avec des aquarelles de nuances de gris. On notera un trait assez fin. Je mets 4 étoiles à une œuvre qui le mérite bien. Il est vrai que nos sociétés prônent le culte de la jeunesse et qu’on préfère aisément éluder ces sujets peu réjouissants. Cependant, il faut également envisager sa mort ou celle d’un proche afin de mieux gérer cette phase car on y sera tous confrontés un jour ou l’autre.
Alors que j'essayais d'être quelqu'un de bien
Après lecture de ce roman graphique, on peut l’affirmer : oui, Ulli Lust est une fille bien ! Il faudra peut-être à certains surmonter leur circonspection vis-à-vis d’un graphisme très scolaire et peu engageant, surtout dans les premières pages, et d’un récit qui prend un certain temps à démarrer. Une fois ce cap franchi, les choses finissent par se mettre en place et, alors que le fond s’impose doucement mais sûrement, la forme passe au second plan. On est peu à peu immergé dans ce pavé de plus de 300 pages et on pourra même reconnaître des qualités à un dessin parfois maladroit mais touchant dans sa sincérité voire poétique, en particulier pour les scènes d’amour. Très certainement à l’image de son auteure (non je n’utiliserai pas l’affreux néologisme « autrice » qui fait saigner mes oreilles), chez qui l’on sent une certaine fragilité, doublée d’une volonté de bien faire (tout est dans le titre) et de ne pas négliger les détails. J’ignore si « Lust » est un pseudo. Si ce n’est pas le cas, cela tendrait à accréditer l’idée qu’un patronyme pèse sur la destinée de celui qui le porte. Car de plaisir sexuel il est beaucoup question dans cette autobiographie honnête et courageuse. Son dessin explicite ne cherche pas à nous faire rincer l’œil, il présente l’acte sexuel comme une chose belle et naturelle. Ulli Lust est une féministe de son temps, qui ne revendique rien mais vit sa vie juste comme elle l’entend, en explorant son désir sexuel sans hypocrisie, sans peur du qu’en-dira-t-on. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça ne plait pas toujours. Non seulement à ses voisins-voisines, que l’hédonisme d’Ulli renvoie à leurs propres frustrations, mais surtout, et là on est au cœur du sujet, à son amant africain Kimata. Au départ dépeint comme un homme gentil, celui-ci va révéler au fur et à mesure sa jalousie maladive jusqu’à son paroxysme de haine et de violence, qui ne laissera pas sa partenaire indemne. Malgré cela, Ulli parvient à éviter l’écueil d’un racisme trop facile, évitant tout jugement de valeur sur la tradition africaine, caractérisée par un paternalisme déroutant pour l’Occidental lambda. L’auteure au contraire se contente d’être factuelle, mettant en lumière les préjugés et la bêtise de Kim (« tu fais partie de ces femmes blanches qui aiment les hommes noirs ? »), malgré ses tentatives pour être tolérant. Cela corrobore d’une certaine façon l’idée que le racisme peut être aussi le fait de ceux qui en sont les premières victimes, a fortiori dans un pays comme l’Autriche - où se déroule l’histoire -, un pays où l’extrême-droite a eu à plusieurs reprises l’accès au pouvoir. D’ailleurs, comme pour éviter la récupération politique, Ulli Lust n’oublie pas de faire allusion à certains comportements machistes et xénophobes dans son pays. L’auteure autrichienne réussit à traiter de front les thématiques de la violence conjugale et de la différence culturelle en prenant bien soin de faire la part des choses. Parallèlement, « Alors que j’essayais d’être quelqu’un de bien » aborde aussi la problématique de la fidélité… à soi-même, de l’importance de ne pas se renier dans le cadre du couple. C’est ce qui fait toute la richesse de ce roman très personnel, qu’on apprécie pour sa subtilité et son évitement des clichés, quand bien même il laisse un goût amer. A situation compliquée, il ne saurait y avoir de réponse simple, et Ulli Lust se garde bien d’en fournir…
Les Petites Distances
Voici une BD que j'ai eu envie de lire juste par sa couverture, et je ne me suis pas planté dans mes choix. Les auteurs n'en sont plus à leurs coups d'essais, la scénariste a déjà réalisé l'excellente Betty Boob qui avait attiré toutes les éloges lors de sa sortie. Et cette BD confirme totalement le talent des deux conjugués ! La première chose que j'ai vraiment apprécié, c'est le dessin. Très beau, détaillé et attractif, il m'a fait rentrer dans l'histoire en moins de temps que je n'aurais cru. J'étais parti pour feuilleter deux pages, j'ai lu tout l'album d'une traite. Et j'en remangerais volontiers, tant j'ai été captivé par cette BD. L'histoire avait tout pour me plaire : une romance teinté de fantastique, c'est toujours un plaisir à lire. Et quand c'est bien manié comme ici, c'est un régal. Les auteurs jouent des codes qu'on pourrait pensé éculés (l'idée peut sembler être reprise de Ghost, le film avec Demi Moore), mais qui sont reprises d'une façon originale. Et qui d'ailleurs m'a surpris par sa fin, puisque je m'étais fourvoyé dans mon interprétation. C'est toujours un plaisir de découvrir que les auteurs peuvent surprendre. En partant d'une idée bien exploitée, le duo d'auteures parvient à nous pondre une BD traitant de bien des sujets, l'amour et le couple, la norme, les angoisses, la solitude et la maladie mentale. J'ai eu l'impression de plusieurs niveaux de lectures dans cette relation entre un fantôme et une solitaire. C'est beau et tendre, c'est très réussi sur tout les plans. J'ai fermé la BD avec une agréable sensation de merveilleux et le sourire aux lèvres pour la journée. Je crois que c'est largement suffisant pour justifier un conseil d'achat. Et puis, c'est quand même une belle histoire d'amour, quoi ! Je ne pouvais pas rester insensible !
On Mars
Ah Mars… Le théâtre et terrain de jeu favoris de bon nombre d’esprits créatifs, qu’ils soient passionnés de science-fiction ou de fantastique. Des immenses succès comme John Carter d’Edgar Rice Burroughs à la Trilogie de Mars de Kim Stanley Robinson, en passant par Philip K. Dick (Total Recall et autres nouvelles) ou Ray Bradbury (Chroniques Martiennes), on en passe des pires, des meilleurs, des plus anciens au plus récents. Et ce sous tous les formats ; du film comédie Mars Attacks !, du survival horror Ghosts of Mars ou du navet d’exploration Mission to Mars, sans oublier la prolifération de jeux vidéos ou de bande dessinée prenant pour cadre ce décor rocailleux. La liste est exhaustive et témoigne de la puissante attractivité qu’exerce la petite planète rouge dans la culture de l’imaginaire. Autrefois la tendance générale des auteurs étaient de percevoir Mars comme un environnement plutôt hostile, peuplé d’êtres vivants appelés « petits hommes verts » ou gris, et qui nous voulaient du bien ou du mal selon ce que cherchait à raconter l’écrivaillon. Le récit concocté par Sylvain Runberg se situe plutôt dans la nouvelle tendance qui est de voir Mars comme une surface potentiellement viable, une sorte de terre promise à atteindre pour les générations futures (une fois que la planète Terre aura été bien bousillé). Là où ça devient intéressant c’est de raconter que cet Eden n’est en réalité qu’un paradis artificiel construit sur une montagne de cadavres, ceux de bagnards envoyés là-bas pour purger leur peine. Médias et gouvernements font croire aux masses que ces exilés se sacrifient pour le bien commun et le devenir de l’humanité alors qu’ils ne sont que de la main d’œuvre bon marché aisément remplaçable. Dans ce futur dystopique le niveau de moralité a sérieusement chuté, la devise c’est « marche ou crève ». À travers quelques personnages bien campés dont l’héroïne Jasmine Stenford, digne héritière du lieutenant Ripley niveau badassitude, le lecteur suit la non-vie difficile de ces prisonniers dans ce qui n’est ni plus ni moins qu’un camp de travaux forcés. En même temps que notre héroïne se frotte à la dure réalité du microcosme carcéral, plusieurs sous-intrigues sortent de terre et annoncent un futur mouvementé. Les prisonniers vont-ils mener une révolte d’indépendance façon Red Faction et déclarer Mars comme leur (on se souvient que la colonisation de l’Australie a débuté par la fondation d’un camp pénitentiaire) ? Quel rôle joue le prédicateur Xavier Rojas : véritable bienfaiteur altruiste ou gourou sectaire, cousin de Kane le leader de la confrérie du N.O.D dans les jeux vidéos Command & Conquer ? Qui sont les solitaires ? D’ex-prisonniers évadés ou bien un peuple libre inspiré des Fremen du cycle de Dune ? Que de suspens. Une histoire que j’ai trouvé pour le moment fort sympathique mais surtout brillamment mise en image par Grun dont j’avais déjà apprécié la patte sur Metronom', moins le scénario de Corbeyran. C’est du pur dessin contemplatif. On a choisi le dessinateur idéal pour ce type de récit et ce type de décor. Mars, ce n’est pourtant que de la roche rouge orangé, quelques verdures parce que la terraformation est en marche, et pourtant c’est magnifique. Grun possède un trait semi-réaliste d’une grande précision, tout y est merveilleusement bien détaillé et dans de justes proportion. Sa recherche graphique et sa capacité a imaginer des vaisseau spatiaux et des bâtiments futuristes m’a de même grandement impressionné. Bien évidemment les personnages sont eux aussi nickel chrome. Nous avons là à faire à un artiste de premier plan. Vraiment, l’histoire même si on ne sait pas encore si elle saura nous surprendre, au moins peut-on parier sur un bon divertissement, sauf catastrophe industrielle. On pourra toujours se rabattre sur la qualité graphique dont on peut être sûr qu’elle sera au rendez-vous.
Punisher (Ennis/Dillon)
Le Punisher est un personnage que j'aime bien à petite dose (du genre si je lis deux ou trois histoires sur lui d’affilée je commence à m'ennuyer un peu) mais j'ai tout de même lu les deux grosses intégrales qui présentent le travail de Garth Ennis sur le Punisher dans l'univers de Marvel Comics qu'on connait bien (ensuite il fera ses histoires de Punisher sous le label Max et les histoires se situent dans une autre version de l'univers Marvel qui est plus sombre et plus adulte). J'ai bien aimé généralement les récits et pour l'instant Ennis est le meilleur scénariste du Punisher que je connaisse. Les points forts d'Ennis sont son humour noir et sa capacité à créer des personnages secondaires mémorables. C'est très bien illustré dans la première histoire qui était une mini-série en douze épisodes. La violence est tellement exagérée par moments qu'on dirait un cartoon et j'ai bien aimé cette ambiance. Ennis renouvelle bien ses scénarios qui ne se résument pas qu'à une suite de récits où Punisher tue des méchants très méchants encore et encore. J'ai tout de même trouvé une certaine baisse de régime vers le milieu du tome 2, notamment parce que le ton des récits devenaient plus sérieux, qu'il y avait moins de l'humour qui m'avait conquis dans le premier tome. Heureusement, le récit final contient de l'humour, il est vraiment agréable à lire et est une bonne conclusion pour le run d'Ennis. On retrouve aussi dans ce second tome un one-shot qu'Ennis a écrit dans les années 90 et qui voit le Punisher tuer tous les super-héros et super-vilains de l'univers Marvel. C'est un gros délire qui est sympathique à lire. Je suis pas fan du genre de dessin réaliste que fait Steve Dillon, mais à force j'ai fini par m'habituer et j'ai même été déstabilisé quand il était temporairement remplacé par d'autres dessinateurs sur certaines histoires. En tout cas, cela m'a bien donné envie de continuer de relire le premier tome de Preacher et de lire le reste !
MeRDrE - Jarry, le père d'Ubu
« Merdre ». C’est sur cette épenthèse scatologique que s’ouvre « Ubu Roi », la pièce d’Alfred Jarry qui déclencha les sifflets des spectateurs et l’ire de la critique lors de la première. Jarry, qui avait fini par s’identifier à son personnage d’Ubu, aimait à provoquer les milieux mondains de l’époque. Par son humour grinçant, il n’avait de cesse de bousculer les codes de bienséance en tendant un miroir pas toujours reluisant à ceux dont il croisait le chemin. De façon ostentatoire, cet être hors-norme, grand admirateur de Rabelais, revendiquait sa liberté et son attachement à la doctrine d’Epicure. Rodolphe et Daniel Casanave dressent ici un portrait original et extrêmement vivant de celui qui allait laisser une empreinte indélébile dans le monde des arts et lettres du début du XXe siècle, préfigurant le mouvement surréaliste avec ses néologismes déconcertants et sa fameuse « science » pataphysique… Etayé par une documentation fouillée, « MeRDrE » nous fait découvrir (ou re-découvrir) cet auteur original et attachant, au final assez méconnu, en nous livrant nombre d’anecdotes sur l’homme et ses contemporains. On y apprend notamment que le douanier Rousseau s’est lancé dans la peinture sous les injonctions de Jarry. Personnage fantasque et haut en couleur, irrévérencieux et imprévisible, Alfred Jarry fascinait tellement qu’il était devenu la coqueluche du Tout-Paris, un rôle qu’il acceptait de bonne grâce sans qu’il n’ait besoin de mentir et lui permettait de satisfaire son goût pour la bonne chère, lui qui était plus cigale que fourmi - et donc chroniquement désargenté. En dehors du Douanier Rousseau, il avait son cercle d’amis fidèles dont faisait partie Guillaume Apollinaire, ses pas avaient même croisé ceux d’Oscar Wilde, qui était alors sur le déclin après des années de harcèlement judiciaire, ce qui donnera lieu à une scène touchante entre les deux hommes accoudés au zinc. Mort à 34 ans, notre « surmâle », doté d’une énergie hors du commun, toujours muni d’un revolver, capable d’enfourcher son « Clément Luxe 96 » après avoir éclusé moult rasades d’absinthe, son « herbe sainte », eut une vie aussi courte que riche. Tel une sorte de punk avant l’heure, clown blanc à la fois aérien et frénétique, il a traversé le monde terrestre de façon fulgurante, trop vite usé par sa roide pesanteur. Avec cet ouvrage, c’est un bien bel hommage que lui ont rendu Rodolphe et Casanave. Rodolphe, vieux routier prolifique dans le scénario de BD, s’essaie pour la seconde fois au genre biographique après Stevenson, le pirate intérieur (une évocation de la vie de Robert-Louis Stevenson), et c’est une réussite. Très équilibrée, la narration évite une trop grande linéarité, maintenant la chronologie des événements tout en insérant plusieurs digressions fantaisistes sur l’œuvre de Jarry. Quant à Daniel Casanave, il poursuit sa voie dans l’exploration des grands écrivains. Fort logiquement, celui-ci, qui avait déjà adapté en bande dessiné « Ubu Roi », s’attaque cette fois-ci à son auteur, dont la vie avait quasiment fusionné avec l’œuvre. Comme il l’avait fait avec le récent Nerval l'inconsolé, Casanave nous entraîne une fois encore dans une folle sarabande qui nous rend Alfred Jarry très proche, comme si son époque était aussi la nôtre. Et son trait vif et virevoltant y est forcément pour quelque chose. Une biographie passionnante sur un artiste totalement fascinant qui a privilégié sa propre liberté sans compromission au détriment d’un confort anesthésiant, un vrai poète, à coup sûr invivable, mais qui savait dire « merdre » sans crainte des conséquences.