Première réalisation du trio Brubacker/Lark/Philipps, "Scène de crime" place la barre très haut dans le genre pour nous proposer un polar pesant, poisseux, où la noirceur de l'âme humaine ne fait pas qu'effleurer mais nous pète à la gueule tout au fil des pages.
C'est avant tout cette kyrielle de personnages tous plus marqués, traumatisés, tordus ou dépassés qui pose le "LA" de tranches de vies qui sonnent aussi juste qu'une guitare désaccordée ; y'a toujours moyen de jouer avec, mais ça sonne forcément faux à un moment. Et là je ne parle pas du scénario qui lui se déroule comme du papier à musique, mais bien de ces personnages qui pensent toujours pouvoir s'en sortir et échapper à ces cycles dramatiques qui les poursuivent sans pouvoir y couper. On a beau le savoir, on veut y croire avec eux ; c'est aussi ça la force de ce récit qui crée rapidement une empathie pour les personnages principaux que l'on va croiser. Mais le Styx est un long fleuve tranquille et on finit toujours par arriver à destination...
Dessin, encrage et mise en couleur ne font qu'appuyer ce ressenti et enfoncent le dernier clou d'une bière qu'il ne reste plus qu'à descendre bien tranquillement au fond de son trou. Vous vouliez du noir ? Vous allez être servis ! Garçon, la même chose !
Plutôt fan du fantastique et de ses précurseurs que furent Poe et Lovecraft, je n'avais jusqu'ici pas trouvé d'adaptation qui tienne correctement la route concernant ce dernier. Il aura fallu attendre ce manga en deux tomes et tout le talent de Gou Tanabe pour qu'enfin le miracle se produise.
Ce n'est pourtant pas à l’œuvre la plus simple à laquelle il s'est attaqué, mais il s'en sort avec brio en réussissant à nous restituer ce qui pour moi fait toute la différence chez Lovecraft : ces ambiances si singulières.
Mention spéciale d'emblée au soin apporté à l'objet : cette couverture en simili cuir qui lui donne un petit côté suranné et impose déjà une ambiance. Vient ensuite le trait de Gou Tanabe. Cette approche très réaliste de son dessin aurait pu rapidement être casse-gueule dès qu'il s'est agit de représenter les créatures monstrueuses imaginées par Lovecraft, mais il n'en est rien. Tout se tient et vient s'imbriquer parfaitement pour nous restituer au fils de ces quelques 600 pages une adaptation des plus réussie. Le seul regret que l'on pourrait avoir tient au format imposé par le manga ; certaines planches auraient juste méritées un grand format pour nous restituer toute leur puissance.
Amateurs de l'univers de Lovecraft, vous tenez là un petit bijou servi sur un bien bel écrin, que même les détracteurs du manga apprécieront j'en suis sûr !
[Petit aparté en préambule après modification de la notice de la série que j'ai passé en ados/adultes ; désolé Eric, mais cette série n'est vraiment pas destinée à un public jeunesse (j'entends - de 12 ans). Ados oui, jeunesse non]
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Avec "Obscurcia", Boriau (scénario) et Steven Dhondt (dessin) nous font repasser de l'autre côté du miroir. Mais retour non pas du côté féérique et merveilleux des rêves, mais plutôt dans sa version cauchemardesque.
L'album commence d'ailleurs très fort avec cette scène où Alex, notre jeune héros, hurle dans un désert chaotique et énigmatique en essayant de contenir le sang d'une grave blessure que Laecia a reçu en combattant un énorme monstre. Puis... brusque retour à la "réalité" 17h plus tôt pour faire connaissance avec nos protagonistes et découvrir le contexte qui les entoure. Alex et Nina vivent seuls avec leur père qui semble très occupé professionnellement. Un soir en ramenant ses enfants de l'école il écrase malencontreusement leur chat en arrivant à la maison, tout occupé à réprimander le comportement d'Alex à l'école. C'est la nuit venue que tout bascule quand tout à coup, leur chat "zombifié" réapparait et vient réveiller Alex. S'en suit une altercation entre les deux durant laquelle Alex trébuche, tombe contre le miroir de son armoire... et passe au travers. Là tout s’accélère, et avant qu'il ne comprenne où il a atterri, il va devoir affronter de terribles créatures aidé d'une jeune femme : Laecia. On découvre alors un univers cauchemardesque où tout n'est que détritus et monstres tous plus dangereux les uns que les autres. Puis vient la rencontre avec Bidibidou, personnage à part, à la tête d'une tripotée de créatures toutes aussi étranges, qui collectionne tout ce qui appartient aux humains. Alors avoir un VRAI humain sous la main, on sent bien que ça le fait défaillir ! sauf que celui-ci ne se révèle pas conforme à l'image qu'il s'était construite de cette espèce...
Bref, vous l'aurez saisi, ce premier tome nous embarque dans un univers plutôt noir s'inspirant des cauchemars d'enfant mais pas que. La narration est intensive, les scènes d'action ne manquent pas et l'univers dans lequel évoluent nos personnages très riche. Le dessin de Steven Dhondt est assez typé et dynamique, ce qui colle plutôt bien à l'univers qu'on nous propose. Il manque peut-être parfois un peu d'assurance ou de régularité, mais pour ce qui semble être un premier album c'est déjà très réussi, et les couleurs de Yoann Guillo valorisent très bien son découpage et son dessin épuré.
Voilà en tout cas un premier tome prometteur qui m'a donné envie de lire la suite. Les amateurs d'Alice au Pays des Merveilles devraient y trouver leur compte.
*** tome 2 ***
Voilà un second tome qui confirme largement ce que je précisais pour le premier : ce n'est vraiment pas une BD pour les enfants !
En effet, ce second opus enfonce le clou (Et PAF ! ça gicle en plus !!!) en devenant encore plus sombre. Ce cher Bidibidou se révèle être un véritable psychopathe adepte de la scie circulaire et les scènes de combats qui égayent l'album sont d'une rare violence. On sent que Steven Dhondt s'est fait plaisir à chorégraphier ces dernières et qu'il sait le partager !
Car notre jeune Alex va avoir fort à faire pour tout simplement rester en vie mais également sauver Laecia. Car pour cela il va falloir se défaire de Bidibidou et de ses sbires, et pour ce faire, ça va saigner un peu !
Bref, un deuxième opus qui garde un rythme d'enfer, et qui garde toute sa singularité graphique épurée et tonique. J'espère que la fin sera à la hauteur de ce que nous promettent les auteurs, mais pour l'instant c'est du tout bon !
*** Tome 3 ***
Wow ! Quel final mes amis ! Moi qui avais déjà beaucoup apprécié les deux premiers tomes de cette trilogie, David Borion nous réserve pour la conclusion de son histoire un final grandiose.
On retrouve ce contraste saisissant entre cet univers enfantin et ce côté trash des affrontements entre les protagonistes, qui donne à cet univers toute son ampleur cauchemardesque. Et c'est là que tout le talent de Steven Dhondt, qui nous embarque complètement avec un découpage et un coup de crayon faussement minimaliste. On plonge dans un monde imprévisible où chaque page tournée peut nous lacher son lot de surprises en s'accrochant à une narration très fluide lancée au grand galop.
Voilà donc une très bonne série, bien acérée et efficace, tant au niveau du graphisme que du récit. A lire !
Cette série est vraiment une belle réussite du genre, sans doute la meilleure que Frollo ait réalisée.
D’abord son trait très fin, quasi stylisé, très bien mis en valeur par l’utilisation de crayonnés à peine retouchés ou encrés : son dessin précis est très beau. En particulier pour les dessous féminins, et plus généralement les décors et ambiances de la Belle époque, dans laquelle se déroulent les petites histoires. Dessin très fouillé, ne sacrifiant pas les détails. On dirait parfois des dessins de mode.
Mona, fausse ingénue, narre ses aventures (de son initiation aux plaisirs du sexe, à recevoir et à donner), amours le plus souvent lesbiens, mais aussi hétérosexuels. Frollo alterne ainsi les scènes (mais avec un réel effort de scénario) et, comme pour le dessin très léché (pardonnez-moi cette image ici), il mise sur une certaine élégance, une ambiance bourgeoise rétro. Rien ici d’extraordinaire, les femmes – Mona la première – ne sont pas des bombasse aux seins gonflés, et les scènes de sexe relèvent souvent plus d’un érotisme raffiné (mais non dénué de perversité, jouant souvent sur des penchants sadomasochistes) que d’une pornographie endiablée.
Frollo en profite aussi pour se moquer de la fausse pudibonderie, de la morale hypocrite de la haute société américaine, ce côté ironique, souligné par les commentaires de Mona, n’étant pas désagréable.
Le résultat est vraiment très bon, émoustillant, très agréable à lire : c’est une lecture recommandable donc.
On connaît presque tous Heidi, la petite fille des montagnes alpines qui va vivre avec son grand-père au milieu des troupeaux de chèvres. Le trait de cette bd est assez naïve et enfantine. On pourrait presque croire à un véritable dessin animée. Il n'en n'est rien !
C'est plutôt une version fantasmée de Heidi qui après son passage chez Clara à Francfort revient vivre avec son grand-père alors qu'elle est une adolescente qui s'ennuie. Dans cette version, elle va s'envoyer en l'air des montagnes avec son Peter, le gardien du troupeau. Les étreintes ne passeront pas inaperçues.
Le titre est Heidi au printemps mais on aura droit aussi à l'été. Et cela ne sera pas une mince affaire ! Il faut dire également que pendant l'hiver, elle s'est bien ennuyée.
J'ai bien aimé cette version un peu subversive. Cela change de la gentille petite fille bien sage. On aura droit aux charmes de la montagne. On ne verra plus Heidi de la même façon. On a également grandit tout comme elle... :8
The promised Neverland est un bon manga, qu'on se le dise. Il est vrai qu'avec la prolifération actuelle, il est parfois difficile de repérer ce genre de titre qui va faire vraiment la différence.
Tout commence dans un orphelinat où tout va bien dans le meilleur des mondes jusqu'à une découverte assez terrifiante par certains pensionnaires. Il est vrai qu'on ne va pas nécessairement s'attacher aux personnages mais plutôt à cet environnement clos qui rappelle des thématiques exploités dans des films comme le Labyrinthe par exemple ou encore le Village de Night Shyamalan.
J'aime beaucoup ce genre d'ambiance. Et puis, il est question de stratégie pour ne pas se faire prendre. Bref, on entre tout de suite dans le vif du sujet sans fioriture. C'est plutôt réussi dans l'ensemble avec certes quelques petits défauts mais qui s'effacent vite.
Eh bien, en refermant l'album, je me suis senti un peu désemparé.
J'ai eu l'impression de lire quelque chose de rare, d'original, d'un peu abstrus également. Enfin, "lire" est un grand mot, car 95% de l'album est muet.
J'avais bien aimé Un océan d'amour, lui aussi entièrement ou presque muet, lui aussi se déroulant en partie dans le milieu maritime, lui aussi parlant de disparition. On retrouve donc certains éléments récurrents chez Panaccione dans ce nouvel album, qui doit se lire posément, et peut-être d'une traite, ce que je n'ai pu faire.
J'ai aimé -mais il s'agit de mes goûts personnels- l'intrusion du fantastique dans ce séjour pas facile de Lucie dans une famille qu'elle semble ne pas connaître (ce qui me semble quelque peu étrange et imprudent de la part de sa mère ; mais je me trompe peut-être, ou bien je n'ai pas à la juger). Le choix de faire un récit muet me semble assez judicieux, car la fillette semble ne pas parler ni comprendre un seul mot d'italien ; par ailleurs l'universalité du langage ne passe pas que par la parole, et heureusement, car on voit que Lucie finit par s'habituer à cette nouvelle vie, en grande partie grâce à la gentillesse de ses... oncle et tantes ? et l'amitié d'un garçon rencontré sur la plage.
Alors bien sûr le fantastique s'installe peu à peu, la fillette y est de plus en plus confrontée, et le récit nous permet de comprendre un peu ce qu'il s'est passé en 1947 à proximité de Gallinaria, mais aussi le lien -ténu- qu'elle entretient avec ce drame. Il y a quand même des petites choses un peu capillotractées dans ce cheminement, dans ces liens. Il faut aussi prendre certaines séquences comme de la métaphore ou de l'onirisme, sinon on risque de décrocher. Mais j'ai bien aimé ces séquences un peu décalées, un peu bizarroïdes, même si elles ne me semblent pas toutes répondre à la logique interne du lien qu'elle entretient avec les personnages... L'album est un poil trop long également, je pense que deux ou trois séquences sont redondantes.
Son trait est assez surprenant ; on dirait parfois des croquis assez poussés, un style hésitant entre de la ligne claire et de l'école Spirou (à l'instar de Clarke). C'est loin d'être désagréable, même si je pense que l'auteur tâtonne encore un peu pour stabiliser son style.
Mais à la réflexion, je pense que j'ai bien aimé.
C'est sur la base des avis du site que je me suis lancé dans "Sutures". Je n'étais pas spécialement emballé par l'histoire de départ, ni par ma première impression générale lorsque j'ai vu l'album. Mais j'ai fait confiance aux lecteurs unanimes et enthousiastes. Et j'ai drôlement bien fait.
"Sutures" est un récit autobiographique. David Small est issu d'une famille plutôt aisée (père médecin radiologue) mais on sent que cela n'a pas toujours été le cas. Il s'agit d'une famille qui semble entrer dans ce nouveau monde, et encore ancrée dans un mode de vie "économique", où l'argent "ne pousse pas sur les arbres", comme il est répété en permanence au petit David. En fait, j'ai eu l'impression d'une famille qui devient bourgeoise mais continue de vivre, et de se voir comme une classe moyenne.
Ses parents sont englués dans une vie morne, qui ne leur correspond pas, et où personne ne se dit rien. On sent que Small a souffert de ça, et c'est très bien retranscrit. On ne tombe jamais dans le pathos ni le larmoyant. Il explique seulement la façon dont il a vécu et surmonté les choses. C'est toujours très juste, dans le bon ton.
La bande dessinée se lit bien et assez vite, il y a plusieurs pages sans textes ; et c'est là qu'on peut admirer le dessin. Il est très spécial, et quand j'ai vu que David Small était illustrateur notamment au magazine "The New Yorker", cela ne m'a pas étonné. J'ai déjà lu quelques numéros, et ils sont peuplés d'illustrations en noir et blanc, avec des personnages dans des styles parfois différents, mais toujours dans le même esprit. Le dessin de David Small est épuré, les personnages sont longs, ont peu d'expressions, et sont terrifiants de normalité. Il n'y a pas de personnages beaux, ou charismatiques : ils sont désespérément normaux et banals.
Quoi de mieux pour illustrer un récit peuplé de non-dits, de gens égoïstes englués dans une vie qu'ils n'aiment pas ou tout simplement rongés par la folie ? Le dessin colle parfaitement au récit, on passe notre récit à avoir envie de se mettre une balle, mais on en sort content pour David Small, qui semble aujourd'hui en paix avec lui-même.
Bon, ayé z'êtes chauds ? Z'avez bien travaillé les zygo' ? Faudrait pas voir à s'blesser non plus sur un gag qu'on a pas vu v'nir ou un truc du genre quoi !
Alors oui, Fabcaro nous revient dans une lignée très zaïzaïzaïzaïenne, mais non pas avec un récit complet mais une suite de gags en une planche. On retrouve cet humour absurde qui fait maintenant sa marque de fabrique et qui lui permet de poser un regard acéré et complètement décalé sur les travers de notre société et de notre quotidien. On ne peut s'empêcher de se dire "Ah mais ouiiiii !!! C'est vrai qu'ils disent tout le temps ça !!!" ou quelque chose du genre en lisant certains de ses gags.
C'est frais, c'est con, c'est drôle, parfois très et Fabcaro nous fait une nouvelle fois passer un très bon moment de lecture en réussissant à me faire marrer à haute voix plusieurs fois au fil de son album, ce qui n'est pas donné à beaucoup d'auteurs. Rien que pour ça, j'en redemande !
Allez, poilez-vous bien aussi !
Comment ne pas aimer un livre comme ça?
Le dessin est magnifique, même si je n’aime pas beaucoup la couleur, c’est une histoire de famille complexe et secrète, centrée sur le personnage principal d’Ascension, et pourtant racontée d’une manière simple, poétique, parfois onirique mais toujours ancrée.
(Excusez mon français).
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Scène de crime
Première réalisation du trio Brubacker/Lark/Philipps, "Scène de crime" place la barre très haut dans le genre pour nous proposer un polar pesant, poisseux, où la noirceur de l'âme humaine ne fait pas qu'effleurer mais nous pète à la gueule tout au fil des pages. C'est avant tout cette kyrielle de personnages tous plus marqués, traumatisés, tordus ou dépassés qui pose le "LA" de tranches de vies qui sonnent aussi juste qu'une guitare désaccordée ; y'a toujours moyen de jouer avec, mais ça sonne forcément faux à un moment. Et là je ne parle pas du scénario qui lui se déroule comme du papier à musique, mais bien de ces personnages qui pensent toujours pouvoir s'en sortir et échapper à ces cycles dramatiques qui les poursuivent sans pouvoir y couper. On a beau le savoir, on veut y croire avec eux ; c'est aussi ça la force de ce récit qui crée rapidement une empathie pour les personnages principaux que l'on va croiser. Mais le Styx est un long fleuve tranquille et on finit toujours par arriver à destination... Dessin, encrage et mise en couleur ne font qu'appuyer ce ressenti et enfoncent le dernier clou d'une bière qu'il ne reste plus qu'à descendre bien tranquillement au fond de son trou. Vous vouliez du noir ? Vous allez être servis ! Garçon, la même chose !
Les Montagnes hallucinées (Tanabe)
Plutôt fan du fantastique et de ses précurseurs que furent Poe et Lovecraft, je n'avais jusqu'ici pas trouvé d'adaptation qui tienne correctement la route concernant ce dernier. Il aura fallu attendre ce manga en deux tomes et tout le talent de Gou Tanabe pour qu'enfin le miracle se produise. Ce n'est pourtant pas à l’œuvre la plus simple à laquelle il s'est attaqué, mais il s'en sort avec brio en réussissant à nous restituer ce qui pour moi fait toute la différence chez Lovecraft : ces ambiances si singulières. Mention spéciale d'emblée au soin apporté à l'objet : cette couverture en simili cuir qui lui donne un petit côté suranné et impose déjà une ambiance. Vient ensuite le trait de Gou Tanabe. Cette approche très réaliste de son dessin aurait pu rapidement être casse-gueule dès qu'il s'est agit de représenter les créatures monstrueuses imaginées par Lovecraft, mais il n'en est rien. Tout se tient et vient s'imbriquer parfaitement pour nous restituer au fils de ces quelques 600 pages une adaptation des plus réussie. Le seul regret que l'on pourrait avoir tient au format imposé par le manga ; certaines planches auraient juste méritées un grand format pour nous restituer toute leur puissance. Amateurs de l'univers de Lovecraft, vous tenez là un petit bijou servi sur un bien bel écrin, que même les détracteurs du manga apprécieront j'en suis sûr !
Obscurcia
[Petit aparté en préambule après modification de la notice de la série que j'ai passé en ados/adultes ; désolé Eric, mais cette série n'est vraiment pas destinée à un public jeunesse (j'entends - de 12 ans). Ados oui, jeunesse non] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Avec "Obscurcia", Boriau (scénario) et Steven Dhondt (dessin) nous font repasser de l'autre côté du miroir. Mais retour non pas du côté féérique et merveilleux des rêves, mais plutôt dans sa version cauchemardesque. L'album commence d'ailleurs très fort avec cette scène où Alex, notre jeune héros, hurle dans un désert chaotique et énigmatique en essayant de contenir le sang d'une grave blessure que Laecia a reçu en combattant un énorme monstre. Puis... brusque retour à la "réalité" 17h plus tôt pour faire connaissance avec nos protagonistes et découvrir le contexte qui les entoure. Alex et Nina vivent seuls avec leur père qui semble très occupé professionnellement. Un soir en ramenant ses enfants de l'école il écrase malencontreusement leur chat en arrivant à la maison, tout occupé à réprimander le comportement d'Alex à l'école. C'est la nuit venue que tout bascule quand tout à coup, leur chat "zombifié" réapparait et vient réveiller Alex. S'en suit une altercation entre les deux durant laquelle Alex trébuche, tombe contre le miroir de son armoire... et passe au travers. Là tout s’accélère, et avant qu'il ne comprenne où il a atterri, il va devoir affronter de terribles créatures aidé d'une jeune femme : Laecia. On découvre alors un univers cauchemardesque où tout n'est que détritus et monstres tous plus dangereux les uns que les autres. Puis vient la rencontre avec Bidibidou, personnage à part, à la tête d'une tripotée de créatures toutes aussi étranges, qui collectionne tout ce qui appartient aux humains. Alors avoir un VRAI humain sous la main, on sent bien que ça le fait défaillir ! sauf que celui-ci ne se révèle pas conforme à l'image qu'il s'était construite de cette espèce... Bref, vous l'aurez saisi, ce premier tome nous embarque dans un univers plutôt noir s'inspirant des cauchemars d'enfant mais pas que. La narration est intensive, les scènes d'action ne manquent pas et l'univers dans lequel évoluent nos personnages très riche. Le dessin de Steven Dhondt est assez typé et dynamique, ce qui colle plutôt bien à l'univers qu'on nous propose. Il manque peut-être parfois un peu d'assurance ou de régularité, mais pour ce qui semble être un premier album c'est déjà très réussi, et les couleurs de Yoann Guillo valorisent très bien son découpage et son dessin épuré. Voilà en tout cas un premier tome prometteur qui m'a donné envie de lire la suite. Les amateurs d'Alice au Pays des Merveilles devraient y trouver leur compte. *** tome 2 *** Voilà un second tome qui confirme largement ce que je précisais pour le premier : ce n'est vraiment pas une BD pour les enfants ! En effet, ce second opus enfonce le clou (Et PAF ! ça gicle en plus !!!) en devenant encore plus sombre. Ce cher Bidibidou se révèle être un véritable psychopathe adepte de la scie circulaire et les scènes de combats qui égayent l'album sont d'une rare violence. On sent que Steven Dhondt s'est fait plaisir à chorégraphier ces dernières et qu'il sait le partager ! Car notre jeune Alex va avoir fort à faire pour tout simplement rester en vie mais également sauver Laecia. Car pour cela il va falloir se défaire de Bidibidou et de ses sbires, et pour ce faire, ça va saigner un peu ! Bref, un deuxième opus qui garde un rythme d'enfer, et qui garde toute sa singularité graphique épurée et tonique. J'espère que la fin sera à la hauteur de ce que nous promettent les auteurs, mais pour l'instant c'est du tout bon ! *** Tome 3 *** Wow ! Quel final mes amis ! Moi qui avais déjà beaucoup apprécié les deux premiers tomes de cette trilogie, David Borion nous réserve pour la conclusion de son histoire un final grandiose. On retrouve ce contraste saisissant entre cet univers enfantin et ce côté trash des affrontements entre les protagonistes, qui donne à cet univers toute son ampleur cauchemardesque. Et c'est là que tout le talent de Steven Dhondt, qui nous embarque complètement avec un découpage et un coup de crayon faussement minimaliste. On plonge dans un monde imprévisible où chaque page tournée peut nous lacher son lot de surprises en s'accrochant à une narration très fluide lancée au grand galop. Voilà donc une très bonne série, bien acérée et efficace, tant au niveau du graphisme que du récit. A lire !
Mona Street
Cette série est vraiment une belle réussite du genre, sans doute la meilleure que Frollo ait réalisée. D’abord son trait très fin, quasi stylisé, très bien mis en valeur par l’utilisation de crayonnés à peine retouchés ou encrés : son dessin précis est très beau. En particulier pour les dessous féminins, et plus généralement les décors et ambiances de la Belle époque, dans laquelle se déroulent les petites histoires. Dessin très fouillé, ne sacrifiant pas les détails. On dirait parfois des dessins de mode. Mona, fausse ingénue, narre ses aventures (de son initiation aux plaisirs du sexe, à recevoir et à donner), amours le plus souvent lesbiens, mais aussi hétérosexuels. Frollo alterne ainsi les scènes (mais avec un réel effort de scénario) et, comme pour le dessin très léché (pardonnez-moi cette image ici), il mise sur une certaine élégance, une ambiance bourgeoise rétro. Rien ici d’extraordinaire, les femmes – Mona la première – ne sont pas des bombasse aux seins gonflés, et les scènes de sexe relèvent souvent plus d’un érotisme raffiné (mais non dénué de perversité, jouant souvent sur des penchants sadomasochistes) que d’une pornographie endiablée. Frollo en profite aussi pour se moquer de la fausse pudibonderie, de la morale hypocrite de la haute société américaine, ce côté ironique, souligné par les commentaires de Mona, n’étant pas désagréable. Le résultat est vraiment très bon, émoustillant, très agréable à lire : c’est une lecture recommandable donc.
Heidi au printemps
On connaît presque tous Heidi, la petite fille des montagnes alpines qui va vivre avec son grand-père au milieu des troupeaux de chèvres. Le trait de cette bd est assez naïve et enfantine. On pourrait presque croire à un véritable dessin animée. Il n'en n'est rien ! C'est plutôt une version fantasmée de Heidi qui après son passage chez Clara à Francfort revient vivre avec son grand-père alors qu'elle est une adolescente qui s'ennuie. Dans cette version, elle va s'envoyer en l'air des montagnes avec son Peter, le gardien du troupeau. Les étreintes ne passeront pas inaperçues. Le titre est Heidi au printemps mais on aura droit aussi à l'été. Et cela ne sera pas une mince affaire ! Il faut dire également que pendant l'hiver, elle s'est bien ennuyée. J'ai bien aimé cette version un peu subversive. Cela change de la gentille petite fille bien sage. On aura droit aux charmes de la montagne. On ne verra plus Heidi de la même façon. On a également grandit tout comme elle... :8
The Promised Neverland
The promised Neverland est un bon manga, qu'on se le dise. Il est vrai qu'avec la prolifération actuelle, il est parfois difficile de repérer ce genre de titre qui va faire vraiment la différence. Tout commence dans un orphelinat où tout va bien dans le meilleur des mondes jusqu'à une découverte assez terrifiante par certains pensionnaires. Il est vrai qu'on ne va pas nécessairement s'attacher aux personnages mais plutôt à cet environnement clos qui rappelle des thématiques exploités dans des films comme le Labyrinthe par exemple ou encore le Village de Night Shyamalan. J'aime beaucoup ce genre d'ambiance. Et puis, il est question de stratégie pour ne pas se faire prendre. Bref, on entre tout de suite dans le vif du sujet sans fioriture. C'est plutôt réussi dans l'ensemble avec certes quelques petits défauts mais qui s'effacent vite.
Un été sans maman
Eh bien, en refermant l'album, je me suis senti un peu désemparé. J'ai eu l'impression de lire quelque chose de rare, d'original, d'un peu abstrus également. Enfin, "lire" est un grand mot, car 95% de l'album est muet. J'avais bien aimé Un océan d'amour, lui aussi entièrement ou presque muet, lui aussi se déroulant en partie dans le milieu maritime, lui aussi parlant de disparition. On retrouve donc certains éléments récurrents chez Panaccione dans ce nouvel album, qui doit se lire posément, et peut-être d'une traite, ce que je n'ai pu faire. J'ai aimé -mais il s'agit de mes goûts personnels- l'intrusion du fantastique dans ce séjour pas facile de Lucie dans une famille qu'elle semble ne pas connaître (ce qui me semble quelque peu étrange et imprudent de la part de sa mère ; mais je me trompe peut-être, ou bien je n'ai pas à la juger). Le choix de faire un récit muet me semble assez judicieux, car la fillette semble ne pas parler ni comprendre un seul mot d'italien ; par ailleurs l'universalité du langage ne passe pas que par la parole, et heureusement, car on voit que Lucie finit par s'habituer à cette nouvelle vie, en grande partie grâce à la gentillesse de ses... oncle et tantes ? et l'amitié d'un garçon rencontré sur la plage. Alors bien sûr le fantastique s'installe peu à peu, la fillette y est de plus en plus confrontée, et le récit nous permet de comprendre un peu ce qu'il s'est passé en 1947 à proximité de Gallinaria, mais aussi le lien -ténu- qu'elle entretient avec ce drame. Il y a quand même des petites choses un peu capillotractées dans ce cheminement, dans ces liens. Il faut aussi prendre certaines séquences comme de la métaphore ou de l'onirisme, sinon on risque de décrocher. Mais j'ai bien aimé ces séquences un peu décalées, un peu bizarroïdes, même si elles ne me semblent pas toutes répondre à la logique interne du lien qu'elle entretient avec les personnages... L'album est un poil trop long également, je pense que deux ou trois séquences sont redondantes. Son trait est assez surprenant ; on dirait parfois des croquis assez poussés, un style hésitant entre de la ligne claire et de l'école Spirou (à l'instar de Clarke). C'est loin d'être désagréable, même si je pense que l'auteur tâtonne encore un peu pour stabiliser son style. Mais à la réflexion, je pense que j'ai bien aimé.
Sutures
C'est sur la base des avis du site que je me suis lancé dans "Sutures". Je n'étais pas spécialement emballé par l'histoire de départ, ni par ma première impression générale lorsque j'ai vu l'album. Mais j'ai fait confiance aux lecteurs unanimes et enthousiastes. Et j'ai drôlement bien fait. "Sutures" est un récit autobiographique. David Small est issu d'une famille plutôt aisée (père médecin radiologue) mais on sent que cela n'a pas toujours été le cas. Il s'agit d'une famille qui semble entrer dans ce nouveau monde, et encore ancrée dans un mode de vie "économique", où l'argent "ne pousse pas sur les arbres", comme il est répété en permanence au petit David. En fait, j'ai eu l'impression d'une famille qui devient bourgeoise mais continue de vivre, et de se voir comme une classe moyenne. Ses parents sont englués dans une vie morne, qui ne leur correspond pas, et où personne ne se dit rien. On sent que Small a souffert de ça, et c'est très bien retranscrit. On ne tombe jamais dans le pathos ni le larmoyant. Il explique seulement la façon dont il a vécu et surmonté les choses. C'est toujours très juste, dans le bon ton. La bande dessinée se lit bien et assez vite, il y a plusieurs pages sans textes ; et c'est là qu'on peut admirer le dessin. Il est très spécial, et quand j'ai vu que David Small était illustrateur notamment au magazine "The New Yorker", cela ne m'a pas étonné. J'ai déjà lu quelques numéros, et ils sont peuplés d'illustrations en noir et blanc, avec des personnages dans des styles parfois différents, mais toujours dans le même esprit. Le dessin de David Small est épuré, les personnages sont longs, ont peu d'expressions, et sont terrifiants de normalité. Il n'y a pas de personnages beaux, ou charismatiques : ils sont désespérément normaux et banals. Quoi de mieux pour illustrer un récit peuplé de non-dits, de gens égoïstes englués dans une vie qu'ils n'aiment pas ou tout simplement rongés par la folie ? Le dessin colle parfaitement au récit, on passe notre récit à avoir envie de se mettre une balle, mais on en sort content pour David Small, qui semble aujourd'hui en paix avec lui-même.
Open Bar
Bon, ayé z'êtes chauds ? Z'avez bien travaillé les zygo' ? Faudrait pas voir à s'blesser non plus sur un gag qu'on a pas vu v'nir ou un truc du genre quoi ! Alors oui, Fabcaro nous revient dans une lignée très zaïzaïzaïzaïenne, mais non pas avec un récit complet mais une suite de gags en une planche. On retrouve cet humour absurde qui fait maintenant sa marque de fabrique et qui lui permet de poser un regard acéré et complètement décalé sur les travers de notre société et de notre quotidien. On ne peut s'empêcher de se dire "Ah mais ouiiiii !!! C'est vrai qu'ils disent tout le temps ça !!!" ou quelque chose du genre en lisant certains de ses gags. C'est frais, c'est con, c'est drôle, parfois très et Fabcaro nous fait une nouvelle fois passer un très bon moment de lecture en réussissant à me faire marrer à haute voix plusieurs fois au fil de son album, ce qui n'est pas donné à beaucoup d'auteurs. Rien que pour ça, j'en redemande ! Allez, poilez-vous bien aussi !
Ascension
Comment ne pas aimer un livre comme ça? Le dessin est magnifique, même si je n’aime pas beaucoup la couleur, c’est une histoire de famille complexe et secrète, centrée sur le personnage principal d’Ascension, et pourtant racontée d’une manière simple, poétique, parfois onirique mais toujours ancrée. (Excusez mon français).