Les derniers avis (39343 avis)

Par Blue Boy
Note: 4/5
Couverture de la série Animabilis
Animabilis

D’emblée, ce conte gothique et fantastique qui commence par une comptine médiévale intrigue au plus haut point. Avec une narration qui tranche avec ce qui se fait habituellement dans le genre, Thierry Murat a choisi la sobriété, enjoignant ainsi aux amateurs de sensations fortes et de fantastique un peu trivial, via la voix du narrateur Victor, de passer leur chemin, avec même une pointe de moquerie : « Si ton âme trop timide ne trouve pas la force d’accoster sur ces territoires aux émanations sauvages et voluptueuses, tourne les talons dès maintenant tant qu’il en est encore temps. » Quant aux images, elles sont la plupart du temps suggestives et renferment une puissante beauté poétique. Son auteur mériterait bien l’appellation de poète du neuvième art, lui qui semble davantage appartenir à un autre siècle et nous avait déjà ébloui avec Etunwan - Celui-qui-regarde, une échappée lyrique dans l’Ouest sauvage des pionniers. L’atmosphère hivernale, lugubre à souhait, évoque immédiatement Edgar Allan Poe, avec ce corbeau de mauvais augure, figure récurrente dans le livre. Ce qui est la fois intéressant - et peut-être déroutant pour certains -, c’est que cette histoire où il est question au départ de sorcellerie, de lycanthropie et de magie noire évolue vers tout autre chose au fil des pages. Thierry Murat, qui semble plus que circonspect vis-à-vis des croyances ancestrales, de la religion – chrétienne dans ce contexte –, et des pratiques ésotériques à la mode à cette époque, va opérer un twist savant en franchissant une dimension purement poétique, avec l’apparition d’une femme belle et mystérieuse prénommée Mëy, qui semble avoir élu domicile dans les bois environnants. Il va ainsi extirper son récit des funestes ténèbres pour le transcender, le porter vers une lumière bienfaisante, tentant de faire partager au lecteur l’extase liée à une nature généreuse et omniprésente, quelque chose qui se rapprocherait de l’amour, tout simplement. Certes, il s’agit d’une lecture exigeante, étoffée par de très beaux textes. Mais comme toute lecture exigeante, on en ressortira grandi. Fatigué peut-être, mais vivifié et changé à tout jamais. « Le poète, nous dit l’auteur, parle à l’âme humaine à l’état brut. C’est pour cela qu’il sauvera le monde avec un seul murmure. » C’est aussi pour cela qu’on aime Thierry Murat.

23/05/2019 (modifier)
Par Jetjet
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Prestige de l'uniforme
Prestige de l'uniforme

Traiter de la genèse des Super-héros n'est pas une entrée inédite en la matière notamment depuis les années 80 et l'école Moore-Miller et leurs œuvres fondatrices respectives. Pourtant la scénariste Loo Hui Phang propose un point de vue audacieux en s’immisçant dans le quotidien d'un loser qui a tout loupé, de sa vie familiale sur le point d'imploser et d'un quotidien professionnel écrasant et pessimiste. Le trait charbonneux de Hugues Micol rappelant par moments celui de Blutch appuie tout à fait un scénario anxiogène : les couleurs sont ternes afin de plomber encore plus un destin qui échappe à tout contrôle. Un grand pouvoir engage de grandes responsabilités. C'est ici tout à fait le contraire : Paul Forvolino travaille dans une entreprise pharmaceutique à une cadence infernale. Les employés sont socialement désignés par la couleur de la blouse qu'ils portent. Sa vie de couple n'est pas des plus sereines. Il ne voit sa gamine qu'au coucher et réchauffe régulièrement ses plats pendant que son épouse Rebecca trompe cet ennui conjugal par des pratiques libertines Sado Maso. C'est à la suite d'une fausse manipulation à base de lichen que Paul va muer en une espèce d'être bleu rappelant Docteur Manhattan. Il lui sera par ensuite impossible de vivre normalement avec ce nouveau corps. Adieu boulot et libido, Paul va se terrer comme une bête incomprise jusqu'au déclic final qui fera de lui un héros ou un éternel solitaire ? Malgré quelques facilités, il faut prendre Le Prestige de l'Uniforme pour ce qu'il est et n'a jamais cessé d'être : un conte social d'une extrême noirceur. Plus proche de l'adaptation de La Mouche par Cronenberg que de Spider-Man (dont Paul emprunte le masque pour cacher sa nouvelle apparence), ce récit est à la fois d'une poésie extrême avec de savoureux dialogues qu'un constat amer sur l'isolement. Le couple Paul-Rebecca est parfaitement mis en lumière et sans concessions. Hugues Micol se révèle une fois de plus l'artiste idéal pour illustrer cette histoire. Certains de ses cadrages (notamment lors de la transformation/rêverie) sont tout simplement époustouflants. On peut regretter certains choix mais pas la direction artistique qui fait du Prestige de l'Uniforme une pépite comme on peut rarement en lire. Dommage que la couverture de la réédition en fera fuir plus d'un, les autres lecteurs qui passeront ce cap vont se retrouver avec un condensé de dépression sous haute tension. La fin est de surcroît juste parfaite.

23/05/2019 (modifier)
Couverture de la série No War
No War

Cette série a vraiment un énorme potentiel et devrait séduire plus d’un lecteur. Tout d’abord vient son cadre : un petit archipel de l’Atlantique Nord répondant au nom de Vukland. Un archipel qui n’est pas sans rappeler l’Islande d’avant la crise bancaire mais créé de toutes parts par Anthony Pastor. L’artiste dote au passage cet archipel d’une culture quasi-chamanique défendue par une peuplade ancestrale de l’Ile. Tout est donc réuni pour, petit a) nous dépayser, petit b) nous placer dans un contexte encore d’actualité, petit c) nous intriguer. Et franchement, c’est très réussi. A un point tel que j’ai vraiment cru à l’existence de ce Vukland, jusqu’à chercher à en savoir plus sur cet archipel et sur la culture des Kiviks. Ensuite vient l’intrigue. Elle mêle habilement une enquête policière et une dimension fantastique dans un contexte reprenant quelques grands thèmes d’actualité. Politique, écologie, économie, médecine, droits sociaux : voilà autant de thèmes abordés par cette série… mais sans que rien ne soit lourdingue car ces éléments demeurent le décors de l'intrigue. Ce pays au bord de la guerre civile, à la tête duquel un régime d'extrême-droite a pris le pouvoir -lors d'élections controversées à l'origine des manifestations violentes qui perturbent la capitale-, face à des choix économiques, écologiques et culturels -cristallisés autour d'un projet de barrage soutenu par les politiciens au pouvoir et les industriels les plus influents au mépris des habitants du lieu- ce pays est on ne peut plus en résonance avec notre propre actualité. Les camps fermés, les manifestations sanglantes, le musellement de la presse, tous ces sujets qui, malheureusement, sont chaque jour au coeur de nos infos quotidiennes trouvent leur place dans ce théâtre sombre et réaliste. Viennent se greffer à cela des personnages, nombreux et charismatiques. Il n'y a pas ici de super-héros mais un florilège de personnages rongés par des sentiments contradictoires. Au plus la série avance, au plus ces personnages dévoilent des facettes différentes, les rendant plus humains, plus complexes. Et jusqu'à présent, seul le responsable de la sécurité du territoire, grand méchant de ce récit, demeure dans la caricature -une caricature qui se vérifie malheureusement aussi souvent dans la réalité, de Jan Jambon en Belgique à Sándor Pintér en Hongrie, en passant par bien d'autres. Franchement, j’ai eu le sentiment d’être dans une très bonne série nordique, genre Millenium, mais avec une dimension supplémentaire. Les dialogues sont nerveux et sonnent de manière naturelle. L'action est constamment au rendez-vous dans ce pays en plein chaos. les rebondissements sont multiples et bien amenés. Enfin vient le dessin. Anthony Pastor change totalement de style par rapport à ses dernières œuvres pour nous livrer un trait brut ciselé dans un bloc de granit à coups de haches… qui convient en fait merveilleusement à l’esprit de ce récit. Le trait est gras, la colorisation est réduite au strict minimum -juste suffisant pour faire ressortir les personnages de décors chaotiques- mais les personnages sont parfaitement typés, facilement identifiables. Les décors m'ont immergé dans cet univers parfois urbain, parfois aride (on voyage entre la ville et une île volcanique faiblement peuplée). Après la lecture des deux premiers tomes, je n’attends qu’une seule chose : la conclusion de cette enquête, qui est loin de nous avoir révélé tous ses secrets. Edit après lecture du tome 3 : rahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh, font chier, ces séries dont on nous garantit la conclusion en trois tomes et pour lesquelles la fin du tome trois ne peut même pas s'apparenter à une fin de cycle. J'aime toujours bien la série (même si le tome 3 m'a moins captivé) et je continuerai à la suivre mais, 'tain ! je déteste ces fausses promesses.

02/01/2019 (MAJ le 22/05/2019) (modifier)
Par Erik
Note: 4/5
Couverture de la série Le Dernier des étés
Le Dernier des étés

Cette bd est sans doute autobiographique pour l’auteur espagnol qui a vécu une expérience en amitié assez douloureuse. Il venait en vacances chaque été dans un petit village au bord de la mer. Il rencontra celui qui était surnommé Poil de carottes à cause de ses cheveux roux. Une sincère amitié se lia et se renforça au fil des années. Puis un jour à savoir le dernier des étés, il décida unilatéralement d’y mettre un terme et ne retourna plus jamais dans ce village. Il est à la veille de se marier 20 ans plus tard et décide de faire un séjour en solitaire pour retrouver sa trace. Ce thème de l’amitié déchue me tient particulièrement à cœur. Parfois, il suffit d’un silence ou d’un regard d’incompréhension pour signer la fin d’une amitié. La blessure peut être par la suite immense. Il faut la combler et cela peut prendre des années. Ce qui est refoulé peut resurgir un jour. C’est le voyage qu’entreprend l’auteur à l’aide de photos prises à l’époque. Il se remémore les bons moments passés ensemble. Sur la forme, je n’ai rien à redire. J’ai apprécié la qualité du trait. Il y a également certaines trouvailles comme ce papier calque au milieu de certaines pages qui donne de la perspective entre le passé et le présent. C’est ingénieux. L’ouvrage est publié sur un support de bonne qualité avec même un protège-cahier. Bref, le cahier des charges est respecté plus qu’honorablement. A noter que cette bd va jouer sur une espèce d'ambiguïté qui va lui conférer toute sa force. Une œuvre sensible d'une belle nostalgie que j'ai beaucoup aimée.

21/05/2019 (modifier)
Par Salèn
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Basara
Basara

Basara est un manga de Yumi Tamura (et l’un des plus grands succès de l’autrice, qui s’était fait connaître avec la série Tomoe Ga Yuku ! quelques années plus tôt), publié dans le magazine Betsucomi de l’éditeur Shogakukan entre 1990 et 1998. Cette bande dessinée est un classique du manga des années 90 et a eu un énorme succès au Japon. Le manga a été publié en France entre 2001 et 2006 par Kana ; il s’agit historiquement du tout premier shojo publié par l’éditeur. Si l’on devait résumer Basara en un mot, ce serait : épique. En effet ce manga mélange à merveille les deux mondes : les intrigues politiques et grandes batailles d’un violent monde post-apocalyptique, et le savoir-faire du shojo, c’est-à-dire une psychologie très fouillée de chaque personnage et de leurs sentiments, notamment amoureux, mais pas que. Si vous pensez que les shonens sont épiques, dites vous que Basara est encore plus épique qu’eux. La plupart des gens ont du mal à passer le cap du premier tome, mais j’ai tout de suite trouvé la série intéressante, pour ensuite devenir addict dès le tome 2. Si un sentiment de déjà-vu et de cliché peut survenir dans le premier tome, c’est parce que Basara EST le manga ayant pavé la voie pour le reste des shojos d’aventure des années 90, son influence est considérable. Plus on avance dans la série et plus l’histoire se complexifie, et je trouve qu’elle évite toujours les clichés et le manichéisme, pour mon plus grand plaisir. Sarasa, qui prend l’identité de son frère mort Tatara pour maintenir la rébellion contre le souverain et les différents rois gérant les régions du pays, se rend vite compte qu’un soulèvement a besoin d’une figure forte pour les porter, mais que cela ne suffit pas, chaque personne est essentielle pour changer les choses. Le fait de devoir maintenir une fausse identité lui causera également des soucis, car elle a l’impression de se perdre, elle a dû « tuer » Sarasa pour devenir l’espoir du peuple libre ; il n’y a que lorsqu’elle est avec Shuri qu’elle peut être elle-même. Concernant le Roi rouge (qui est en fait Shuri), ennemi mortel de Tatara, sa position n’est que le fruit des événements, et il effectuera tout un travail sur lui-même pour changer son état d’esprit et faire oublier ses crimes passés. Exemple en est d’une scène impressionnante vers le tome 11, où Shuri a une crise existentielle en se demandant pourquoi il veut vraiment chasser le souverain du trône et être Empereur. La relation amoureuse entre les deux personnages principaux, qui ignorent leurs vraies identités, est un point important de l’histoire mais n’en est pas le point central, aussi la romance est très peu présente, cela rassurera ceux qui n’en sont pas très friands. Concernant le dessin, il soulève parfois des réactions hypodermiques peu compréhensibles : oui, il est spécial et daté, certains diront approximatif mais d’autres auteurs comme Yoshihiro Togashi ont un style tout aussi approximatif sans que personne y trouve à redire. Et puis certains passages un peu embrouillés sont compensés par des magnifiques doubles pages, et des choix de mise en scène où Yumi Tamura démontre tout l’étendue de son talent. Quoi qu’il en soit, on reconnaît son trait entre mille, ce qui est l’apanage des grands artistes. Je ne peux pas trop en raconter sans dévoiler des pans de l’intrigue, mais Basara soulève tout au long de ses 27 tomes (25 tomes d’histoires principale plus deux tomes d’histoires bonus d’excellente qualité) des questionnements très intéressants sur la liberté, la démocratie, la volonté, la sexualité, la guerre, la liberté des journalistes, etc. Basara est une œuvre complète qui mélange de l’aventure, de l’action, de l’amour, du drame, de la violence, de l’humour, avec une grande agilité. Ce qui fait également le sel de ce manga est son impressionnante galerie de personnages (plus d’une centaine) ayant tous une personnalité bien définie, aucun n’est laissé de côté dans le déroulement de l’histoire. Pour ma part, j’aime beaucoup Chacha, la chef des pirates rencontrée dans le tome 3, et également Sarasa/Tatara qui est un personnage très fouillé ; elle est forte et déterminée, mais elle se donne le droit de douter, de pleurer, de faire des erreurs, car elle est humaine. Mais mon personnage favori est sans conteste Papillon de Nuit (Ageha en VO), un être fascinant, tantôt homme tantôt femme, guerrier du désert et premier allié de Tatara/Sarasa, partisan de la démocratie, sans pitié avec les ennemis de la paix, un observateur du monde aspirant à devenir acteur de celui-ci. Il a aussi une relation trouble avec Shido, le bras droit du Roi Rouge, qui ajoute du drame et du piment à son personnage. C’est probablement l’un des plus beaux personnages tout mangas confondus pour moi. Au final, lire Basara a été une si belle expérience que cela m’a redonné envie de lire des mangas alors que je les avais délaissés depuis plusieurs années. Un souffle indescriptible traverse cette grande aventure, si bien que le dernier volume fermé, les yeux humides, on a l’impression de revenir d’un long et merveilleux voyage.

20/05/2019 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série I hate fairyland
I hate fairyland

Huhuuuhuuhuuh !!! Le voilà l'album LSD de ce début d'année ! "I hate fairyland" nous sort l'artillerie lourde pour taper juste et fort ! Si le jeu du contraste entre un univers "flashypopguimauve" et un personnage principal hors cadre, bourrin et grossier n'est pas nouveau, quand c'est fait de si belle manière, on ne peut que saluer cette réussite. Car notre jeune Gertrude catapultée dans ce Fairyland du haut de ses 6 ans est aussi peu douée pour retrouver la clé qui lui permettrait de retrouver son monde qu'elle excelle à coller des coups de hache. Faut dire qu'au bout de 27 ans à rester coincée dans son corps de 6, on comprend qu'elle puisse jurer la "poupinette" ! Ce qui est d'ailleurs un des ressorts comique de la série, puisque tous les jurons sont édulcorés façon pâtisserie ou sucrerie, "petit monde féérique" oblige :P J'ai également beaucoup apprécié son "ange gardien", une espèce de mouche défoncée qui lui sert de Jimini Cricket ; un excellent faire valoir du personnage principal à l'humour décapant qui permettent à l'auteur de nous gratifier de dialogues assez hallucinants ! Côté dessin Skottie Young accorde son trait et sa palette à cet univers à la Alice où "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil... ou presque !". Couleurs flashies, trait marqué voire caricatural, tout est fait pour accentuer les contrastes nécessaires au ressort de son récit et c'est très réussi ! Alors si l'envie de passer un gros moment de détente dans un univers déglingué avec des personnages pas piqués des hannetons, "I hate fairyland" est fait pour vous ! Il y a longtemps que je m'étais pas autant marré avec une série BD ! Hâte de lire la suite ! *** tomes 2 à 4 *** Passé la surprise totale du premier tome et les bon mots et gags en cascade, Skottie Young poursuit sa série sur la même verve mais avec il faut le dire une perte d'efficacité au fil des tomes. Le tome 4 est même assez décevant comparé au plaisir jubilatoire que m'avait procuré le premier. Mais bon, tout n'est pas a jeter, loin de là et je maintiens ma note de 4/5 même si tout cet ensemble foutraque sent quand même l'improvisation au long cours traversé par quelques éclairs de génie :) Bref, une série improbable qui aura eu le mérite d'avoir une conclusion (ce qui n'était pas gagné je pense ^^) avec laquelle on dépose le cerveau pour quelques bonnes tranches (bien saignantes) de rigolade !

06/05/2017 (MAJ le 20/05/2019) (modifier)
Par Blue Boy
Note: 4/5
Couverture de la série Ainsi se tut Zarathoustra
Ainsi se tut Zarathoustra

Nicolas Wild s’est emparé ici d’un sujet rare, celui d’une religion méconnue : le zoroastrisme. Cette religion millénaire a pris ses racines dans l’empire perse (ancien nom de l’Iran) et reste aujourd’hui très minoritaire dans la république islamique, voire menacée de disparition, alors que ses adeptes y sont réduits au statut de quasi-paria. Considérée comme l’un des plus anciens monothéismes, Zarathoustra en était son prophète et postulait que l’existence se jouait sur l’opposition entre le bien et le mal, la lumière et les ténèbres. L’ouvrage s’ouvre ainsi sur le procès de l’assassin présumé de Cyrus pour embrayer en quelque sorte sur les faits qui ont amené l’auteur à produire ce reportage où il se met en scène à la manière d’un Guy Delisle. Tout commence à Paris, au bord du canal St Martin, un quartier que les réfugiés afghans ont choisi comme point de chute. Nicolas Wild, qui revient d’Afghanistan, a appris le persan et va tout naturellement à leur rencontre. De fil en aiguille et au gré des rencontres, l’auteur de « Kaboul Disco » retournera en Iran, et sillonnera le pays pour découvrir, en compagnie de Sofia, la fille de Cyrus, les quelques lieux emblématiques de la communauté zoroastrienne. Oscillant entre le reportage et les faits historiques, Nicolas Wild dresse un état des lieux de cette religion caractérisée par son humanisme et qui tente de trouver sa place au sein d’un régime islamique totalitaire. Avec humilité et discrétion, il nous invite à l’empathie vis-à-vis de cette population qui s’efforce de garder la tête haute face au harcèlement du gouvernement et au mépris des Iraniens en général. Le style graphique traduit bien l’état d’esprit de l’auteur alsacien. Dénué d’effets spectaculaires mais méticuleux dans les détails, avec une rondeur plaisante à l’œil. Ce que l’on apprécie aussi chez Nicolas Wild, c’est qu’il a su avec finesse injecter à la narration un certain humour, et ce à travers plusieurs anecdotes qui viennent dédramatiser un sujet foncièrement tragique. Et le tout de susciter immédiatement la sympathie. Bénéficiant d’un traitement didactique très enrichissant sur le zoroastrisme, « Ainsi se tut Zarathoustra » aborde aussi en filigrane la problématique des migrants, qui en 2007, date d’écriture de l’ouvrage, commençait déjà à devenir prégnante, conséquence du terrorisme religieux au Moyen-Orient et des guerres menées par l’Occident dans cette région du monde. Ce documentaire captivant, narré par un auteur des plus attachants, a été récompensé à juste titre par le prix France Info lors de sa date de sortie en 2014.

19/05/2019 (modifier)
Par Erik
Note: 4/5
Couverture de la série L'Homme à la fourrure
L'Homme à la fourrure

C'est l'histoire d'un écrivain autrichien Sacher-Masoch qui à vécu au XIXeme siècle. Il est connu pour avoir écrit « La vénus à la fourrure », une œuvre sur un fantasme sexuel qui inspira le masochisme. C'est lui qui est un peu à l'origine de 50 nuances de Grey. En effet, il s'agit d'une déviation sexuelle dans laquelle le sujet ne trouve le plaisir que dans la douleur physique et les humiliations qui lui sont infligées. Il a écrit bien d'autres œuvres plus sérieuses et plus intéressantes comme une histoire galicienne ou le legs de Caïn. Mais rien n'y fera. Son nom restera attaché derrière ce mot peu convenable. Le comble, ce n'est pas de lui mais d'un célèbre psychiatre dans la lignée de Freud. Or, les générations futures ne retiendront que ce mot. Il n'est plus un écrivain mais un symptôme d'une maladie psychiatrique ! J'ai bien aimé cette biographie de ce personnage qu'on ne connaissait pas vraiment. Il y a toute une histoire fort intéressante. A noter qu'il fut honoré par la France en recevant la légion d'honneur en 1883. Comme quoi ! Au-delà de tout cela, c'est tout le débat sur une œuvre qui échappe à son créateur pour devenir autre chose qu'on n'avait pas prévu. Les auteurs de cette bd ont sans doute voulu le réhabiliter et c'est plutôt réussi dans l'intention. Sur le graphisme, un dessin monochrome tout à fait correct. Sinon, il n'y aura aucune scènes choquantes pouvant faire classer cette œuvre dans l'érotisme. C'est une biographie de ce qu'il y a de plus sérieux et très soft. Autrement, il faudra se rabattre sur 50 nuances pour les autres lubriques.

19/05/2019 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5
Couverture de la série Tom Strong
Tom Strong

3.5 J'ai profité de la republication de la série par Urban Comics pour relire la série qui ne m'avait pas trop plus il y a quelques années. J'ai lu le premier tome de cette réédition qui contient les 19 premiers numéros de la série et surprise j'ai beaucoup mieux accroché que la première fois que j'ai lu ses histoires. Comme souvent avec Moore, cette série est un hommage et celle-ci est un hommage aux vieux pulps et au vieux comics. C'est ainsi que l'on va avoir droit à une ambiance de vieille série du genre Doc Savage. Habituellement, je n'aime pas trop ce genre de vieux récit de science-fiction, mais Alan Moore réussit à rendre les aventures de ce Tom Strong intéressant. Certes, le héros est un peu terne au niveau du charisme, mais j'aime bien l'univers créé par les auteurs et surtout l'intelligence du scénario. Alan Moore fait un bon mélange de premier et de second degré et j'aime comment plusieurs épisodes se conclus avec des solutions logiques qui sont assez original (je pense notamment de la manière dont Strong vain un ennemi qui a téléchargez sa mémoire sur internet). Moore fait bien pleins de clin d’œil et de références, mais contrairement à d'autres de ses séries (genre les derniers épisodes de La ligue des gentleman extraordinaire), cela ne rends pas le scénario incompréhensible et lorsqu'il donne des explications, ce ne sont pas des longs discours qui semblent durer des dizaines de pages pour rien et qui sont chiant à lire. Le but premier de Tom Strong est de divertir et Moore réussit bien dans ce domaine.

01/09/2013 (MAJ le 19/05/2019) (modifier)
Par Erik
Note: 4/5
Couverture de la série La Venin
La Venin

J'ai toujours eu un faible pour les femmes de caractère qui ne font pas dans la concession. J'adore la vénin même si elle va provoquer un déluge de feu dans une paisible bourgade américaine en l'an 1900. Il s'agit d'une vengeance dont on ne connaît pas encore tous les aboutissants mais cela viendra. En effet, l'histoire oscille entre son passé de jeune fille dont la mère était prostituée dans un saloon et 13 ans après où elle revient pour régler ses comptes au gouverneur de l'Arizona. J'avoue avoir passé un agréable moment de lecture même s'il n'y a rien de vraiment nouveau sous le soleil. Au final, un bon premier tome qui inaugure d'un bon western dans la plus pure tradition de l'Ouest. Dessin et mise en scène sont au rendez-vous pour une bonne série.

19/05/2019 (modifier)