2 tomes lus.
Oh que voici une agréable surprise !
Alors que je viens de lire Croisade qui se déroule entre les années 1100 et 1300 et qui m'a déçu, je vois cet album avec le mot ''Cathare''. Me doutant que la période serait la même et attiré par une couverture que je trouve vraiment réussie, j'ouvrais donc l'album.
Premier constat, le dessin est vraiment réussi, un vrai plaisir pour mes yeux. Le trait parfois un peu froid et distant est largement compensé par un trait précis, presque crayonné, aux postures et surtout aux cadrages recherchés, des perspectives alléchantes agréables et réussi. Et pourtant de prime abord ça ne paie pas de mine, car figé diront certains. Je ne suis pas d'accord.
Et les couleurs, plutôt pastel, sont elles aussi très réussies avec des bons rendus, des couleurs contrastées et l'utilité de sépia façon vieillot pour les flash-backs parfait au point que cela passerait presque inaperçu de naturel !
Les décors et les ambiances sont surement l'un des atouts majeurs de cette BD avec une belle précision et pas mal de détails. Les couleurs de Claudia Chec y sont forcément pour quelques choses. Sans éclats, sans brillant ni paillette, ses couleurs douces s'ajustent parfaitement aux ambiances et subliment le trait d'Alessandro Calore.
Donc, excellente première nouvelle le dessin dans toutes ses coutures me plait (d'accord, une ou deux expressions de visages notamment la femme affolée du début me gène un peu, mais il faut bien une faille ou deux…).
Ensuite, le scénario est bien ficelé, sans difficulté, malgré quelques allers-retours spatio-temporels déconcertant la première fois. En même temps, lorsque l'on comprend que cela représente aussi l'état d'esprit du héro, tout colle et on comprend mieux alors ce qu'il doit ressentir !
On assiste en fait à l'inquisition de l'église contre les derniers Cathares, quand sans grand discernement, les prêtres brûlaient tous ceux qui de près ou de loin ressemblaient ou avait côtoyé un Cathare…
Guilhem est un Cathare, mais son passé ne le dit plus. Amnésique, il est doué du don puissant de guérison. Dans cet album, nous verrons progressivement son passé le rattraper et les enjeux se nouer. C'est limpide, c'est intriguant, c'est palpitant. Les personnages sont bien pensés et charismatiques.
Par contre, un bout du deuxième tome n'apporte pas grand-chose si ce n'est un éclairage et une mise en avant du carré amoureux formé par Guilhem, son frère, Nita et son ex mari Le défunt conte D'Olac.
Si forcément ce dernier n'est que peu présent, le jeu des trois autres finit par être lassant et traine en longueur. Arnaut notamment est terriblement ennuyeux avec ses phrases à rallonge et ses pensées torturées. Le combat pour l'amour de Nita que l'on sait perdu d'avance aurait surement pu être traité plus rapidement. La tragédie romantique et tragique tourne mal et pour garder les termes du théâtre, la catharsis est raté, à aucun moment nos sentiments ne sont bousculés et nous ne parvenons pas réellement à nous sentir impliqué. Tout reste trop distant.
Sinon, après m'être apitoyé sur ce bout de scénario qui casse un peu cet album, j'admets que le reste est toujours aussi plaisant. Le ton et le rythme calmes et posés de l'histoire me plaisent.
Les personnages ont de vrais caractères énervants parfois, mais au moins ne laissent-ils pas indifférents. Le scénario se déroule sans faille.
De plus, il s'agit selon ce que j'ai pu lire, d'une trilogie. Au moins, nous savons où nous allons et cela me pousse d'autant plus à suivre cette série.
Je ne note pas cet album sur ses capacités à m'instruire, mais bien à m'emmener ailleurs, dans un autre monde fait de rêves. Je note sa capacité à m'avoir emporté et la facilité avec laquelle je parviens à plonger dans son univers.
Mon jugement est complètement subjectif.
Je comprendrais parfaitement que d'autres, désirant ou s'attendant à une BD historique digne de foi soient déçus voir dépités.
Inès est à mes yeux un modèle de sensibilité. Les attitudes de Inès et de sa mère sont décrites de façons remarquables. J'ai été particulièrement touché par les scènes mère/fille et les nombreux non-dits.
Beaucoup d'émotions, qui toucheront particulièrement ceux qui ont été confrontés à la brutalité maritale ou parentale, de près ou de loin. Si en plus, ces mêmes personnes ont (ou ont eu) une petite fille, l'histoire risque de carrément prendre aux tripes.
Et puis, putains de voisins, putains d'inconnus...
Inès, c'est une histoire sans doute relativement banale, à laquelle on n'accorderait que peu d'importance dans la rubrique des faits divers du journal. Il n'empêche que c'est réellement poignant quand on ne se retrouve au cœur (et que c'est bien raconté).
Voici une bande dessinée comme on en croise sûrement rarement.
Allez savoir pourquoi ces deux tomes ont eu autant d'effet sur moi. Spontanément, je serai tenté de réaliser une critique avec le cœur plus qu'avec la tête et le résultat serait dépourvu de logique.
Alors, essayons tout de même d'organiser nos idées.
Premièrement, le dessin.
Allez savoir pourquoi je trouve le trait de l'auteur rempli d'émotion et de simplicité. Malgré l'âge de la BD, malgré la présentation finalement vieillotte, malgré un style pas forcément ultra détaillé, il y a quelque chose qui se dégage de ce dessin. Il y a une vraie atmosphère restituée. On comprend sans mal l'émotion du héros face à ces montagnes sans qu'il soit besoin de l'écrire. Un support visuel qui joue son rôle à fond.
Il y a de jolis cadrages, de jolies mises en pages, aucune faute de perspective ni de proportions, c'est propre, c'est net, c'est beau.
Certes, l'album porte le poids des ans. Le papier n'est pas brillant, les couleurs ne sont pas flashy. Non, mais cela contribue sûrement à rendre cette BD plus crédible, plus humaine, plus proche de nous. Tel un vieux parchemin porteur de vérités.
L'histoire pour sa part est plutôt lente et ne comptez pas sur l'action afin de vous tenir éveillés. Non, tout est dans le titre. A la recherche de Peter Pan. Pour moi instantanément, cela évoque l'enfance, mais surtout le rêve, l'innocence et la course aux chimères. Il fallait oser utiliser ce héros féérique. J'attendais Cosey au tournant mais je n'ai pas été déçu.
Dès le début, Cosey réussit à instaurer une ambiance incroyable. Sur un rythme plutôt lent, il nous emporte avec lui, rêver sur les cimes enneigées des alpes Suisses. L'ambiance feutrée des chalets au coin de l'âtre est parfaitement rendue.
Les personnages sonnent tous vrais, sortant tout droit du terroir. Chacun vit dans une sorte de méditation mélancolique bienheureuse.
Avec des caractères propres, on retrouve dans ces deux tomes toute la richesse, la sensibilité et la sagesse que peut offrir la vie.
La manière de conter de Cosey est vraiment magique et nous avons l'impression dans un sens d'être emportés au pays imaginaire de Peter Pan. La bulle dans laquelle se retrouve le héros nous donne l'impression que le temps suspens son vol le temps d'un scénario en deux volets.
Il y a une partie de mystère, un semblant d'onirisme, une pointe de merveilleux alors que tout cela est bien réel et que les évènements tournent au tragique.
L'auteur nous emporte dans une histoire basée sur le rêve et l'espoir. Le héros, un écrivain à succès cherche son inspiration pour son troisième ouvrage, mais cela tarde à venir. Ces montagnes sauront elles l'aider ?
Je ne suis pas doué dans de tels cas pour exprimer ma pensée.
Tout ce que je peux dire c'est que j'ai volé avec Peter Pan tout au long de l'album. Superbe.
Un véritable dépaysement et une BD qui malgré son âge respectable (dépôt légal en 84 tout de même) n'a rien perdue de sa superbe.
C'est cela le signe d'une grande BD. Elle est capable de traverser les époques sans s'appuyer sur un phénomène de mode, et elle est capable de provoquer des émotions à chaque lecteur.
A lire tout simplement…
Un scénario, c’est comme un p’tit lot, faut l’tenir fermement pour pas qu’il s’égare, mais faut savoir aussi être cool, faut que ça glisse tout seul. Faut une structure, quoi ! Un truc qui guide le pèlerin, sans le prendre pour un con. Et ça, je sais le faire ! Moi, les histoires de mafia, c’est ma branche. Les gros bras un peu lourds, les plans foireux, les embrouilles, je te les maitrise. Et puis un gros bras, c’est facile à manipuler, c’est docile. Ca agit d’abord, et ça pense à réparer après, alors forcément ça donne de la matière. Et puis pour une bonne histoire, faut un final qui pulse ! Un bon p’tit carnage ! Alors les histoires de gangsters, forcément, tu m’comprends …
C’est vrai que j’débute, mais j’suis pas du genre à me laisser marcher sur les pieds. Mon boulot, j’le connais. Alors, quand l’autre vieux m’a filé son scénar’, là j’me suis dit c’est du cinoche. Et j’ai multiplié les angles de vues, je t’ai fait des cadrages façon perso, des gros plans, des plongées, des contre-plongées (bon là, c’est vrai, j’me suis parfois planté). Au début j’étais encore un peu raide, mais bon j’débute. Et puis j’me suis vite lâché et les tronches du casting, j’ai fini par te les gratiner grave. Y a qu’à voir le Maurice, ce gros baveux bigleux avec cette p’tite touffe sur le crâne qui m’rappelle furieusement j’sais plus quelle copine. Mais bon, c’est pas l’sujet …
Ouais ! Mon boulot j’le connais, et avec moi y a pas d’embrouille : c’est propre, c’est net et c’est carré. Point barre.
Ils m’ont dit comme ça : tu t’occupes des couleurs. Alors j’me suis occupée des couleurs. A ma manière : claire et sans bavure. C’est sûr qu’avec moi, faut pas espérer du Michel-Ange. Ma spécialité, c’est la droite, pas la courbe. Je sais où est ma place et je respecte les limites. J’me lâche bien un peu, parfois, sur un jeu d’ombre ou sur un dégradé du ciel, mais j’reste discrète. Je suis une pro, je sais où est ma place !
Et moi, pauvre petit lecteur, je me suis fait massacrer par cette bande de pro. Je n’avais aucune chance. Ils étaient trop forts pour moi. Trop bon, cet « Ocean City » !
Je m’en suis pris plein les yeux.
Culte.
(Je prie messieurs Chauvel et Komorowski ainsi que madame Barroux d’accepter mes plates excuses pour cette parodie d’interview, hommage à leur incontestable talent. Pardon et merci pour ce merveilleux « Ocean City »).
J'ai d'abord été attirée par la couverture et quelle excellente surprise, c'est une nouvelle production de Nancy Peña ! Mais juste scénarisée par elle, le dessin est réalisé par Gabriel Schemoul, et on peut dire que je suis restée scotchée devant ses planches. Le même style graphique que De Crécy, le même coup de crayon, les mêmes tons de couleurs chaleureuses, je vais le suivre à la trace ce dessinateur. Je ferai un seul reproche, qui est celui que je faisais déjà à Nancy, toutes les cases n'ont pas la même finition, certaines ne sont que des esquisses et je les ai trouvées un peu fatigantes à déchiffrer. Je ne vois pas bien le but d'une telle démarche, alors que l'un comme l'autre ont beaucoup de talent niveau dessin. Encore une fois, j'espère que leurs prochaines productions ne suivront pas ce schéma.
Côté scénario on retrouve tout de suite la tendresse qui marque les œuvres de Nancy. Une certaine simplicité mêlée de féminité et de sincérité empreignent les dialogues. Des matelots partent sur la banquise ravitailler une ville prisonnière des glaces, l'un d'eux doit se marier à son retour, mais d'étranges événements vont se produire, tant sur le bateau que sur la jolie robe de mariée de Taïssia.
Entre superstition et fantastique sur fond de réalité, une histoire qui nous porte jusqu'à sa fin, accompagnés par des personnages très attachants.
Connaissez-vous Sa majesté des mouches ?
Il s’agit d’un roman écrit par l’Anglais William Golding en 1954. Un avion transportant des enfants issus de la haute société anglaise se crashe près d’une île déserte. Tous les adultes périssent, et les enfants tentent de s’organiser. Mais très vite ils retournent à un état sauvage, sans retour. Considéré comme une œuvre pour enfants, la violence de l’histoire est pourtant manifeste, et il s’agit d’un classique de la littérature traitant en fait de la fragilité de la civilisation.
C’est un peu à cette œuvre (que je vous recommande) que m’a fait penser « Jolies ténèbres ». On se retrouve dans une microsociété privée d’adultes, et du coup les enfants se retrouvent dans des schémas primaires, jusqu’à sombrer dans la barbarie la plus extrême. Dans une telle société les personnes ayant des troubles psychologiques ne sont plus aidées, et deviennent soit des parias, soit des dominants. Fabien Vehlmann aime bien ce genre de situation, puisqu’il l’exploite également dans sa bonne série Seuls, sur un traitement nettement différent toutefois. Ici il a développé une idée originale de Marie Pommepuy et l’a poussée assez loin (peut-être pas jusqu’au paroxysme, mais assez loin quand même). Le regard porté sur Aurore et ses compagnons est celui d’un sociologue, on pourrait même parler d’entomologie eu égard à la taille des protagonistes. Ici le décalage est renforcé par le dessin des Kerascoët, un côté assez enfantin face à la violence inhérente et suggérée (parfois montrée) du propos. Il ne faut surtout pas croire que parce que le scénariste a écrit cette histoire, il est un sociopathe à tendances meurtrières, ce serait lui faire un mauvais procès… Non, il est juste parti d’une situation donnée et a tenté d’explorer un grand nombre de saynètes découlant de cette situation. Bien qu’il ne soit pas réellement découpé en petits chapitres, c’est ainsi que se présente ce one-shot.
Au-delà du dégoût, de la répulsion que nous évoquent ces scènes, il convient en effet de prendre du recul. Bien sûr, cela peut réveiller des échos dans notre enfance. Certains d'entre nous ont peut-être eu la tentation d'arracher des pattes à des mouches, de manger des fourmis... Cela prouve une chose : ces situations, d’apparence grotesque, ne sont pas impossibles. L’Homme naît-il naturellement bon ? Oui, nous a enseigné Jean-Jacques Rousseau dans nos cours de philo au lycée. Au regard de ces œuvres, mais aussi de beaucoup de choses se passant dans le monde, on est réellement près d’affirmer exactement le contraire. Car l’Homme, laissé à lui-même, pourrait redevenir un animal, guidé par son instinct, sa rancœur ou son ambition.
Le décalage est aussi présent dans le titre. « Jolies » relève du champ sémantique joyeux, appréciatif, alors que « ténèbres » laisse penser qu’il y a des choses sombres, inavouables dans l’album. Le titre est bien choisi, puisqu’après l’entame étrange, les tentatives « gentilles » d’Aurore pour instaurer une microsociété basée sur l’entraide et la bienveillance tombent toutes à plat, face aux caractères et aux ambitions de ses compagnons.
Voilà pour une première analyse à tiroirs.
[SPOILERS]
Du côté de l’histoire proprement dite, il y a plusieurs questionnements qui viennent à l’esprit pendant ou après la lecture. Comment la petite fille est-elle morte ? Pourquoi personne ne la trouve pendant le long moment où se déroule le récit ? L’homme qui se balade à proximité et vit dans une maison proche est-il lié à cette petite fille ? Est-il son assassin, son père ? Remarquons que dans une case, son lit comporte deux oreillers, un grand et un petit.
Qui sont tous ces enfants ? On ne le saura jamais vraiment, mais la façon dont ils apparaissent à Aurore laisse à penser qu’ils sont tous, elle comprise, des morceaux de l’âme d’Aurore, la petite fille morte. Celle qui se fait appeler ainsi ne serait peut-être que la fraction « raisonnée » de son esprit, les autres une partie des penchants naturels de l’âme humaine, suivant la théorie que j’ai développée sans talent au-dessus. Ces différentes facettes disparaissent les unes après les autres, à mesure que l’âme humaine s’échappe (meurt ?) du corps sans vie d’Aurore. Je n’ai pas d’interprétation pour la scène finale, Aurore restant seule face à l’homme sans nom. La dernière réplique trouve peut-être son écho dans la relation (pas claire) entre la petite fille morte et l’homme. C’est une interprétation possible, mais il y en a certainement d’autres. Le talent du scénariste est aussi de laisser la porte ouverte à l’interprétation, de montrer qu’il n’y a pas forcément une seule explication possible, mais autant qu’il y a de lecteurs. C’est une orientation qu’a prise Régis Loisel dans Peter Pan, une orientation qui n’a pas fini de faire jaser ; c’est le propre, selon moi, des œuvres de valeur. Autre point commun entre les deux œuvres, le regard de l’héroïne. Je n’oublierai jamais celui de Clochette, affiché en couverture du tome 6 de Peter Pan, un regard que recèle beaucoup de noirceur. Ce regard, Aurore l’affiche aussi dans la dernière partie de Jolies ténèbres, lorsqu’elle devient une exécutrice au sang froid. Ça donne des frissons.
[FIN SPOILERS]
Au final, il faut vraiment, à mon humble avis, se détacher des contingences civilisationnelles pour vraiment apprécier Jolies ténèbres. Elle mérite d'ailleurs au moins deux lectures successives, et probablement une troisième une fois ces deux premières digérées. Si l’on ne s’attache qu’aux actes, c’est une œuvre gore, à la limite du soutenable, on a envie de venir chercher ces enfants pour les ramener dans un cadre structuré. Car ces enfants sont condamnés à brève échéance, tous.
Pour toutes ces raisons, "Jolies ténèbres" est une œuvre forte, qui ne laissera de toute façon pas indifférent, et c’est dans la polémique qu’elle soulève qu’elle révèle sa véritable profondeur. Et son véritable intérêt. Bien sûr, ce n’est pas une bande dessinée à mettre entre toutes les mains.
"La vérité sort de la bouche des enfants" dit-on... une vérité bien cruelle ici, et c'est peu dire, qui sort du cadavre de cette fillette !
Si la couverture (sublime !) résume parfaitement le contraste permanent que va nous proposer "Jolies Ténèbres", la dureté et la cruauté des personnages ne se révèleront que progressivement pour nous pousser très loin psychologiquement.
Et c'est là la force de cette BD, à mon sens, qui sous ses côtés bon-enfant, et son trait "album jeunesse", nous narre la cruauté simple et implacable dont nos têtes blondes sont parfois capable. Cette ribambelle de prince, princesses, ballerines et autres créatures issues de l'imaginaire enfantin disparaît progressivement de l'histoire de façon plus ou moins dramatique et impromptue, comme un collier de perles qu'on égrainerait au dessus d'une bouche d'égout, les regrets en moins... Car ce qui est le plus dérangeant, c'est justement, cette manière si propre aux enfants de passer à autre chose, sans s'arrêter sur le drame qui vient de se produire... d'autant plus qu'on en est responsable et/ou l'instigateur ! ça vous laisse comme un léger frisson dans le dos...
Graphiquement, j'avoue que j'ai eu beaucoup de mal avec le style de Kerascoët avant de comprendre vraiment de quoi il en retournait. Une fois passé le prologue et cette pleine page (saisissante !) juste avant la page de titre, tout se tient et se justifie. Le contraste affiché entre le fond et la forme nous tient suspendu et moitié hagard jusqu'au bout de cet opus. Les couleurs sont magnifiques, contrastées à souhait, d'une chaleur ou glaciales suivant les ambiances voulues : bravo ! il n'est qu'à voir le travail de la couverture pour en prendre pleinement la mesure !
Attention donc à ne pas laisser cette BD entre toutes les mains, car elle en dérangera plus d'un ! Mais si vous avez l'estomac bien accroché et/ou plutôt l'esprit serein attaquez vous sans plus tarder à cette BD qui ne pourra pas vous laisser de marbre (avec ou sans épitaphe...)
Après Jacques le petit lézard géant, voici "Tralaland" : un monde parallèle au nôtre où les méchants ne sont pas vraiment méchants et les gentils sont fous.
L’ambiance et l’humour sont proches de ceux rencontrés dans "Jacques", si ce n’est que cet album est davantage destiné à un public jeune. J’apprécie toujours autant le trait et l’humour de Libon. Au niveau des personnages, des similitudes sont à noter entre cette bd et "Jacques". Ainsi, le caractère du petit Benoît ressemble à celui du commandant en chef (toujours un peu catastrophé) et le loup Bisou à Jacques (avec son air candide, limite benêt). L’histoire est scindée en petits chapitres plus ou moins indépendants avec un fil conducteur qui consiste à essayer de ramener Benoît chez lui. Car Tralaland est un monde vraiment bizarre et y rester aurait de quoi rendre zinzin.
J’ai bien accroché au ton de l’album, à la fois frais et léger, mâtiné d’un humour bon enfant. Il y a de belles trouvailles. Toutefois, cette bd est davantage un prétexte à des situations cocasses qu’à un récit plus construit et le final pourrait vous décevoir. Toutefois, pour un enfant qui ne portera forcément pas le même regard sur la bd, celle-ci lui conviendra parfaitement...
Avis sur le premier cycle de 4 BDs.
Cette série, allez savoir pourquoi reste pour moi l'une de celle qui continue à hanter mes mémoires de lecteurs de BDs. Surement le thème abordé, cher à mes yeux me rappelle quels bons moments passés entre amis autour d'une table.
Le thème des lycanthropes est aujourd'hui un grand classique et renouveler le genre n'est pas aisé.
Le premier tome de la série d'ailleurs n'est pas convaincant.
Le mythe est bien repris, il n'y a pas défaut mais cela reste sans surprise tout en étant agréable à lire.
Le sujet pourtant bien traité, se laisse lire et le premier tome s'il n'est pas décevant, ne nous bouleverse pas non plus.
Surement sommes nous malgré tout happé par cette introduction par le fait que Gaudin joue sur la corde sensible et ajoute une bonne dose d'émotion avec de vilains carnages qui ne font pas de pitié et laissent quelques enfants esseulés et apeurés.
Le tome 2 est en nette progression.
L'histoire quant à elle, réussit à décoller et à sortir d'une banale histoire de vengeance loups-Garouesque.
L'origine des Garous est sympa, le méchant est méchant, et d'autres méchants sont gentils. Pendant ce temps, un gentil est méchant et celui qui n'est ni méchant ni gentil est ni gentil ni méchant. Enfin, l'auteur brouille les pistes et le scénario gagne en complexité sans devenir confus.
Le mythe parvient à être revisité avec quelques bonnes surprises.
Est c'est ainsi que se clôt le premier cycle des aventures dans lesquelles Tanaris le Héro cherche à se venger de celui qui a massacré sa famille.
Dans le tome suivant, maintenant qu'il s'est bien défoulé les nerfs sur le méchant, il comprend que son geste était égoïste et décide d'éliminer tous les garous, tache Ô combien plus noble mais aussi plus difficile.
Nous nous retrouvons dans un huit clos enfermé dans un monastère.
L'ambiance est glauque à souhait, les garous envahissants, l'hémoglobine un peu partout sur les murs...
Rien que pour cette ambiance bien sombre bien tendue, la série mérite ses étoiles. Sinon, le scénario n'est pas foncièrement original sans tomber dans la banalité. Un peu trop linéaire à mon goût. J'avais deviné l'explication bien avant que l'on ne me la donne.
En revanche, les deux dernières planches se recentrent sur l'histoire de Tanaris et nous font râler de cette escapade scénaristique tant les personnages qui reviennent nous laissent présager de grands moments. Là j'avoue qu'entre le tome 1 où l'on en parle et là, les scénaristes ont bien joué le coup !
Le dernier tome achève donc cette série de manière toujours classique mais bien menée. L'histoire de "Garous" sera finalement prenante mais hésite et oscille entre le classique et l'originalité. Ceux qui aiment les histoires de lycanthropes y trouveront leur bonheur avec deux cycles bien menés.
Les autres, plus sceptiques ou plus critiques diront qu'ici c'est du réchauffé, du déjà vu.
Moi en tout cas, j'ai aimé.
En tant qu'amateur de beaux dessins, j'avais été attiré par les couvertures remarquables de Civiello. Je connaissais son travail et ces planches en sont représentatives. Précises, recherchées, un travail d'une qualité quasi surnaturelle.
Quelle déception en ouvrant la BD et en trouvant des dessins aux traits épais et manquant souvent de précision ! Le dessin de D'Fali quoique finalement passant bien est d'abord assez lourd, employant beaucoup de zones d'ombre et de trait gras. La précision n'est pas son fort non plus mais il la compense par une belle constance.
Les couleurs bien maitrisées ne révolutionnent pas le monde de la BD, mais permettent de se plonger facilement dans ce monde l'horreur et du fantastique.
Je n'en conseille pas l'achat, simplement parce que le tome 4 est devenu introuvable...
C'est une BD documentaire ou plutôt un livre entrecoupé de passages dessinés. Il est indéniable que Ted Rall sait conter ses péripéties à travers l'Asie centrale. Je dois avouer que même si ce n'est pas un livre de géostratégie, j'ai appris pas mal de choses sur la région. Le récit est truffé d'humour noir et l'auteur n'y va pas avec le dos la cuillère. La qualité du dessin ne vole pas haut mais ce n'est pas grave.
Ce qui me chagrine c'est que ce récit arrive un peu tard car les voyages se passent avant le 11 septembre et on sait que depuis la vision du monde a changé. Dans son livre, Ted Rall ne fait pas que raconter ses voyages mais il parle aussi des régions qu'il n'a pas visitées et nous explique la situation géopolitique de la région. Dans cette optique, un chapitre supplémentaire sur les derniers développements de l'actualité aurait été un plus.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
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Je suis Cathare
2 tomes lus. Oh que voici une agréable surprise ! Alors que je viens de lire Croisade qui se déroule entre les années 1100 et 1300 et qui m'a déçu, je vois cet album avec le mot ''Cathare''. Me doutant que la période serait la même et attiré par une couverture que je trouve vraiment réussie, j'ouvrais donc l'album. Premier constat, le dessin est vraiment réussi, un vrai plaisir pour mes yeux. Le trait parfois un peu froid et distant est largement compensé par un trait précis, presque crayonné, aux postures et surtout aux cadrages recherchés, des perspectives alléchantes agréables et réussi. Et pourtant de prime abord ça ne paie pas de mine, car figé diront certains. Je ne suis pas d'accord. Et les couleurs, plutôt pastel, sont elles aussi très réussies avec des bons rendus, des couleurs contrastées et l'utilité de sépia façon vieillot pour les flash-backs parfait au point que cela passerait presque inaperçu de naturel ! Les décors et les ambiances sont surement l'un des atouts majeurs de cette BD avec une belle précision et pas mal de détails. Les couleurs de Claudia Chec y sont forcément pour quelques choses. Sans éclats, sans brillant ni paillette, ses couleurs douces s'ajustent parfaitement aux ambiances et subliment le trait d'Alessandro Calore. Donc, excellente première nouvelle le dessin dans toutes ses coutures me plait (d'accord, une ou deux expressions de visages notamment la femme affolée du début me gène un peu, mais il faut bien une faille ou deux…). Ensuite, le scénario est bien ficelé, sans difficulté, malgré quelques allers-retours spatio-temporels déconcertant la première fois. En même temps, lorsque l'on comprend que cela représente aussi l'état d'esprit du héro, tout colle et on comprend mieux alors ce qu'il doit ressentir ! On assiste en fait à l'inquisition de l'église contre les derniers Cathares, quand sans grand discernement, les prêtres brûlaient tous ceux qui de près ou de loin ressemblaient ou avait côtoyé un Cathare… Guilhem est un Cathare, mais son passé ne le dit plus. Amnésique, il est doué du don puissant de guérison. Dans cet album, nous verrons progressivement son passé le rattraper et les enjeux se nouer. C'est limpide, c'est intriguant, c'est palpitant. Les personnages sont bien pensés et charismatiques. Par contre, un bout du deuxième tome n'apporte pas grand-chose si ce n'est un éclairage et une mise en avant du carré amoureux formé par Guilhem, son frère, Nita et son ex mari Le défunt conte D'Olac. Si forcément ce dernier n'est que peu présent, le jeu des trois autres finit par être lassant et traine en longueur. Arnaut notamment est terriblement ennuyeux avec ses phrases à rallonge et ses pensées torturées. Le combat pour l'amour de Nita que l'on sait perdu d'avance aurait surement pu être traité plus rapidement. La tragédie romantique et tragique tourne mal et pour garder les termes du théâtre, la catharsis est raté, à aucun moment nos sentiments ne sont bousculés et nous ne parvenons pas réellement à nous sentir impliqué. Tout reste trop distant. Sinon, après m'être apitoyé sur ce bout de scénario qui casse un peu cet album, j'admets que le reste est toujours aussi plaisant. Le ton et le rythme calmes et posés de l'histoire me plaisent. Les personnages ont de vrais caractères énervants parfois, mais au moins ne laissent-ils pas indifférents. Le scénario se déroule sans faille. De plus, il s'agit selon ce que j'ai pu lire, d'une trilogie. Au moins, nous savons où nous allons et cela me pousse d'autant plus à suivre cette série. Je ne note pas cet album sur ses capacités à m'instruire, mais bien à m'emmener ailleurs, dans un autre monde fait de rêves. Je note sa capacité à m'avoir emporté et la facilité avec laquelle je parviens à plonger dans son univers. Mon jugement est complètement subjectif. Je comprendrais parfaitement que d'autres, désirant ou s'attendant à une BD historique digne de foi soient déçus voir dépités.
Inès
Inès est à mes yeux un modèle de sensibilité. Les attitudes de Inès et de sa mère sont décrites de façons remarquables. J'ai été particulièrement touché par les scènes mère/fille et les nombreux non-dits. Beaucoup d'émotions, qui toucheront particulièrement ceux qui ont été confrontés à la brutalité maritale ou parentale, de près ou de loin. Si en plus, ces mêmes personnes ont (ou ont eu) une petite fille, l'histoire risque de carrément prendre aux tripes. Et puis, putains de voisins, putains d'inconnus... Inès, c'est une histoire sans doute relativement banale, à laquelle on n'accorderait que peu d'importance dans la rubrique des faits divers du journal. Il n'empêche que c'est réellement poignant quand on ne se retrouve au cœur (et que c'est bien raconté).
A la recherche de Peter Pan
Voici une bande dessinée comme on en croise sûrement rarement. Allez savoir pourquoi ces deux tomes ont eu autant d'effet sur moi. Spontanément, je serai tenté de réaliser une critique avec le cœur plus qu'avec la tête et le résultat serait dépourvu de logique. Alors, essayons tout de même d'organiser nos idées. Premièrement, le dessin. Allez savoir pourquoi je trouve le trait de l'auteur rempli d'émotion et de simplicité. Malgré l'âge de la BD, malgré la présentation finalement vieillotte, malgré un style pas forcément ultra détaillé, il y a quelque chose qui se dégage de ce dessin. Il y a une vraie atmosphère restituée. On comprend sans mal l'émotion du héros face à ces montagnes sans qu'il soit besoin de l'écrire. Un support visuel qui joue son rôle à fond. Il y a de jolis cadrages, de jolies mises en pages, aucune faute de perspective ni de proportions, c'est propre, c'est net, c'est beau. Certes, l'album porte le poids des ans. Le papier n'est pas brillant, les couleurs ne sont pas flashy. Non, mais cela contribue sûrement à rendre cette BD plus crédible, plus humaine, plus proche de nous. Tel un vieux parchemin porteur de vérités. L'histoire pour sa part est plutôt lente et ne comptez pas sur l'action afin de vous tenir éveillés. Non, tout est dans le titre. A la recherche de Peter Pan. Pour moi instantanément, cela évoque l'enfance, mais surtout le rêve, l'innocence et la course aux chimères. Il fallait oser utiliser ce héros féérique. J'attendais Cosey au tournant mais je n'ai pas été déçu. Dès le début, Cosey réussit à instaurer une ambiance incroyable. Sur un rythme plutôt lent, il nous emporte avec lui, rêver sur les cimes enneigées des alpes Suisses. L'ambiance feutrée des chalets au coin de l'âtre est parfaitement rendue. Les personnages sonnent tous vrais, sortant tout droit du terroir. Chacun vit dans une sorte de méditation mélancolique bienheureuse. Avec des caractères propres, on retrouve dans ces deux tomes toute la richesse, la sensibilité et la sagesse que peut offrir la vie. La manière de conter de Cosey est vraiment magique et nous avons l'impression dans un sens d'être emportés au pays imaginaire de Peter Pan. La bulle dans laquelle se retrouve le héros nous donne l'impression que le temps suspens son vol le temps d'un scénario en deux volets. Il y a une partie de mystère, un semblant d'onirisme, une pointe de merveilleux alors que tout cela est bien réel et que les évènements tournent au tragique. L'auteur nous emporte dans une histoire basée sur le rêve et l'espoir. Le héros, un écrivain à succès cherche son inspiration pour son troisième ouvrage, mais cela tarde à venir. Ces montagnes sauront elles l'aider ? Je ne suis pas doué dans de tels cas pour exprimer ma pensée. Tout ce que je peux dire c'est que j'ai volé avec Peter Pan tout au long de l'album. Superbe. Un véritable dépaysement et une BD qui malgré son âge respectable (dépôt légal en 84 tout de même) n'a rien perdue de sa superbe. C'est cela le signe d'une grande BD. Elle est capable de traverser les époques sans s'appuyer sur un phénomène de mode, et elle est capable de provoquer des émotions à chaque lecteur. A lire tout simplement…
Ocean City
Un scénario, c’est comme un p’tit lot, faut l’tenir fermement pour pas qu’il s’égare, mais faut savoir aussi être cool, faut que ça glisse tout seul. Faut une structure, quoi ! Un truc qui guide le pèlerin, sans le prendre pour un con. Et ça, je sais le faire ! Moi, les histoires de mafia, c’est ma branche. Les gros bras un peu lourds, les plans foireux, les embrouilles, je te les maitrise. Et puis un gros bras, c’est facile à manipuler, c’est docile. Ca agit d’abord, et ça pense à réparer après, alors forcément ça donne de la matière. Et puis pour une bonne histoire, faut un final qui pulse ! Un bon p’tit carnage ! Alors les histoires de gangsters, forcément, tu m’comprends … C’est vrai que j’débute, mais j’suis pas du genre à me laisser marcher sur les pieds. Mon boulot, j’le connais. Alors, quand l’autre vieux m’a filé son scénar’, là j’me suis dit c’est du cinoche. Et j’ai multiplié les angles de vues, je t’ai fait des cadrages façon perso, des gros plans, des plongées, des contre-plongées (bon là, c’est vrai, j’me suis parfois planté). Au début j’étais encore un peu raide, mais bon j’débute. Et puis j’me suis vite lâché et les tronches du casting, j’ai fini par te les gratiner grave. Y a qu’à voir le Maurice, ce gros baveux bigleux avec cette p’tite touffe sur le crâne qui m’rappelle furieusement j’sais plus quelle copine. Mais bon, c’est pas l’sujet … Ouais ! Mon boulot j’le connais, et avec moi y a pas d’embrouille : c’est propre, c’est net et c’est carré. Point barre. Ils m’ont dit comme ça : tu t’occupes des couleurs. Alors j’me suis occupée des couleurs. A ma manière : claire et sans bavure. C’est sûr qu’avec moi, faut pas espérer du Michel-Ange. Ma spécialité, c’est la droite, pas la courbe. Je sais où est ma place et je respecte les limites. J’me lâche bien un peu, parfois, sur un jeu d’ombre ou sur un dégradé du ciel, mais j’reste discrète. Je suis une pro, je sais où est ma place ! Et moi, pauvre petit lecteur, je me suis fait massacrer par cette bande de pro. Je n’avais aucune chance. Ils étaient trop forts pour moi. Trop bon, cet « Ocean City » ! Je m’en suis pris plein les yeux. Culte. (Je prie messieurs Chauvel et Komorowski ainsi que madame Barroux d’accepter mes plates excuses pour cette parodie d’interview, hommage à leur incontestable talent. Pardon et merci pour ce merveilleux « Ocean City »).
Mamohtobo
J'ai d'abord été attirée par la couverture et quelle excellente surprise, c'est une nouvelle production de Nancy Peña ! Mais juste scénarisée par elle, le dessin est réalisé par Gabriel Schemoul, et on peut dire que je suis restée scotchée devant ses planches. Le même style graphique que De Crécy, le même coup de crayon, les mêmes tons de couleurs chaleureuses, je vais le suivre à la trace ce dessinateur. Je ferai un seul reproche, qui est celui que je faisais déjà à Nancy, toutes les cases n'ont pas la même finition, certaines ne sont que des esquisses et je les ai trouvées un peu fatigantes à déchiffrer. Je ne vois pas bien le but d'une telle démarche, alors que l'un comme l'autre ont beaucoup de talent niveau dessin. Encore une fois, j'espère que leurs prochaines productions ne suivront pas ce schéma. Côté scénario on retrouve tout de suite la tendresse qui marque les œuvres de Nancy. Une certaine simplicité mêlée de féminité et de sincérité empreignent les dialogues. Des matelots partent sur la banquise ravitailler une ville prisonnière des glaces, l'un d'eux doit se marier à son retour, mais d'étranges événements vont se produire, tant sur le bateau que sur la jolie robe de mariée de Taïssia. Entre superstition et fantastique sur fond de réalité, une histoire qui nous porte jusqu'à sa fin, accompagnés par des personnages très attachants.
Jolies ténèbres
Connaissez-vous Sa majesté des mouches ? Il s’agit d’un roman écrit par l’Anglais William Golding en 1954. Un avion transportant des enfants issus de la haute société anglaise se crashe près d’une île déserte. Tous les adultes périssent, et les enfants tentent de s’organiser. Mais très vite ils retournent à un état sauvage, sans retour. Considéré comme une œuvre pour enfants, la violence de l’histoire est pourtant manifeste, et il s’agit d’un classique de la littérature traitant en fait de la fragilité de la civilisation. C’est un peu à cette œuvre (que je vous recommande) que m’a fait penser « Jolies ténèbres ». On se retrouve dans une microsociété privée d’adultes, et du coup les enfants se retrouvent dans des schémas primaires, jusqu’à sombrer dans la barbarie la plus extrême. Dans une telle société les personnes ayant des troubles psychologiques ne sont plus aidées, et deviennent soit des parias, soit des dominants. Fabien Vehlmann aime bien ce genre de situation, puisqu’il l’exploite également dans sa bonne série Seuls, sur un traitement nettement différent toutefois. Ici il a développé une idée originale de Marie Pommepuy et l’a poussée assez loin (peut-être pas jusqu’au paroxysme, mais assez loin quand même). Le regard porté sur Aurore et ses compagnons est celui d’un sociologue, on pourrait même parler d’entomologie eu égard à la taille des protagonistes. Ici le décalage est renforcé par le dessin des Kerascoët, un côté assez enfantin face à la violence inhérente et suggérée (parfois montrée) du propos. Il ne faut surtout pas croire que parce que le scénariste a écrit cette histoire, il est un sociopathe à tendances meurtrières, ce serait lui faire un mauvais procès… Non, il est juste parti d’une situation donnée et a tenté d’explorer un grand nombre de saynètes découlant de cette situation. Bien qu’il ne soit pas réellement découpé en petits chapitres, c’est ainsi que se présente ce one-shot. Au-delà du dégoût, de la répulsion que nous évoquent ces scènes, il convient en effet de prendre du recul. Bien sûr, cela peut réveiller des échos dans notre enfance. Certains d'entre nous ont peut-être eu la tentation d'arracher des pattes à des mouches, de manger des fourmis... Cela prouve une chose : ces situations, d’apparence grotesque, ne sont pas impossibles. L’Homme naît-il naturellement bon ? Oui, nous a enseigné Jean-Jacques Rousseau dans nos cours de philo au lycée. Au regard de ces œuvres, mais aussi de beaucoup de choses se passant dans le monde, on est réellement près d’affirmer exactement le contraire. Car l’Homme, laissé à lui-même, pourrait redevenir un animal, guidé par son instinct, sa rancœur ou son ambition. Le décalage est aussi présent dans le titre. « Jolies » relève du champ sémantique joyeux, appréciatif, alors que « ténèbres » laisse penser qu’il y a des choses sombres, inavouables dans l’album. Le titre est bien choisi, puisqu’après l’entame étrange, les tentatives « gentilles » d’Aurore pour instaurer une microsociété basée sur l’entraide et la bienveillance tombent toutes à plat, face aux caractères et aux ambitions de ses compagnons. Voilà pour une première analyse à tiroirs. [SPOILERS] Du côté de l’histoire proprement dite, il y a plusieurs questionnements qui viennent à l’esprit pendant ou après la lecture. Comment la petite fille est-elle morte ? Pourquoi personne ne la trouve pendant le long moment où se déroule le récit ? L’homme qui se balade à proximité et vit dans une maison proche est-il lié à cette petite fille ? Est-il son assassin, son père ? Remarquons que dans une case, son lit comporte deux oreillers, un grand et un petit. Qui sont tous ces enfants ? On ne le saura jamais vraiment, mais la façon dont ils apparaissent à Aurore laisse à penser qu’ils sont tous, elle comprise, des morceaux de l’âme d’Aurore, la petite fille morte. Celle qui se fait appeler ainsi ne serait peut-être que la fraction « raisonnée » de son esprit, les autres une partie des penchants naturels de l’âme humaine, suivant la théorie que j’ai développée sans talent au-dessus. Ces différentes facettes disparaissent les unes après les autres, à mesure que l’âme humaine s’échappe (meurt ?) du corps sans vie d’Aurore. Je n’ai pas d’interprétation pour la scène finale, Aurore restant seule face à l’homme sans nom. La dernière réplique trouve peut-être son écho dans la relation (pas claire) entre la petite fille morte et l’homme. C’est une interprétation possible, mais il y en a certainement d’autres. Le talent du scénariste est aussi de laisser la porte ouverte à l’interprétation, de montrer qu’il n’y a pas forcément une seule explication possible, mais autant qu’il y a de lecteurs. C’est une orientation qu’a prise Régis Loisel dans Peter Pan, une orientation qui n’a pas fini de faire jaser ; c’est le propre, selon moi, des œuvres de valeur. Autre point commun entre les deux œuvres, le regard de l’héroïne. Je n’oublierai jamais celui de Clochette, affiché en couverture du tome 6 de Peter Pan, un regard que recèle beaucoup de noirceur. Ce regard, Aurore l’affiche aussi dans la dernière partie de Jolies ténèbres, lorsqu’elle devient une exécutrice au sang froid. Ça donne des frissons. [FIN SPOILERS] Au final, il faut vraiment, à mon humble avis, se détacher des contingences civilisationnelles pour vraiment apprécier Jolies ténèbres. Elle mérite d'ailleurs au moins deux lectures successives, et probablement une troisième une fois ces deux premières digérées. Si l’on ne s’attache qu’aux actes, c’est une œuvre gore, à la limite du soutenable, on a envie de venir chercher ces enfants pour les ramener dans un cadre structuré. Car ces enfants sont condamnés à brève échéance, tous. Pour toutes ces raisons, "Jolies ténèbres" est une œuvre forte, qui ne laissera de toute façon pas indifférent, et c’est dans la polémique qu’elle soulève qu’elle révèle sa véritable profondeur. Et son véritable intérêt. Bien sûr, ce n’est pas une bande dessinée à mettre entre toutes les mains.
Jolies ténèbres
"La vérité sort de la bouche des enfants" dit-on... une vérité bien cruelle ici, et c'est peu dire, qui sort du cadavre de cette fillette ! Si la couverture (sublime !) résume parfaitement le contraste permanent que va nous proposer "Jolies Ténèbres", la dureté et la cruauté des personnages ne se révèleront que progressivement pour nous pousser très loin psychologiquement. Et c'est là la force de cette BD, à mon sens, qui sous ses côtés bon-enfant, et son trait "album jeunesse", nous narre la cruauté simple et implacable dont nos têtes blondes sont parfois capable. Cette ribambelle de prince, princesses, ballerines et autres créatures issues de l'imaginaire enfantin disparaît progressivement de l'histoire de façon plus ou moins dramatique et impromptue, comme un collier de perles qu'on égrainerait au dessus d'une bouche d'égout, les regrets en moins... Car ce qui est le plus dérangeant, c'est justement, cette manière si propre aux enfants de passer à autre chose, sans s'arrêter sur le drame qui vient de se produire... d'autant plus qu'on en est responsable et/ou l'instigateur ! ça vous laisse comme un léger frisson dans le dos... Graphiquement, j'avoue que j'ai eu beaucoup de mal avec le style de Kerascoët avant de comprendre vraiment de quoi il en retournait. Une fois passé le prologue et cette pleine page (saisissante !) juste avant la page de titre, tout se tient et se justifie. Le contraste affiché entre le fond et la forme nous tient suspendu et moitié hagard jusqu'au bout de cet opus. Les couleurs sont magnifiques, contrastées à souhait, d'une chaleur ou glaciales suivant les ambiances voulues : bravo ! il n'est qu'à voir le travail de la couverture pour en prendre pleinement la mesure ! Attention donc à ne pas laisser cette BD entre toutes les mains, car elle en dérangera plus d'un ! Mais si vous avez l'estomac bien accroché et/ou plutôt l'esprit serein attaquez vous sans plus tarder à cette BD qui ne pourra pas vous laisser de marbre (avec ou sans épitaphe...)
Tralaland
Après Jacques le petit lézard géant, voici "Tralaland" : un monde parallèle au nôtre où les méchants ne sont pas vraiment méchants et les gentils sont fous. L’ambiance et l’humour sont proches de ceux rencontrés dans "Jacques", si ce n’est que cet album est davantage destiné à un public jeune. J’apprécie toujours autant le trait et l’humour de Libon. Au niveau des personnages, des similitudes sont à noter entre cette bd et "Jacques". Ainsi, le caractère du petit Benoît ressemble à celui du commandant en chef (toujours un peu catastrophé) et le loup Bisou à Jacques (avec son air candide, limite benêt). L’histoire est scindée en petits chapitres plus ou moins indépendants avec un fil conducteur qui consiste à essayer de ramener Benoît chez lui. Car Tralaland est un monde vraiment bizarre et y rester aurait de quoi rendre zinzin. J’ai bien accroché au ton de l’album, à la fois frais et léger, mâtiné d’un humour bon enfant. Il y a de belles trouvailles. Toutefois, cette bd est davantage un prétexte à des situations cocasses qu’à un récit plus construit et le final pourrait vous décevoir. Toutefois, pour un enfant qui ne portera forcément pas le même regard sur la bd, celle-ci lui conviendra parfaitement...
Garous
Avis sur le premier cycle de 4 BDs. Cette série, allez savoir pourquoi reste pour moi l'une de celle qui continue à hanter mes mémoires de lecteurs de BDs. Surement le thème abordé, cher à mes yeux me rappelle quels bons moments passés entre amis autour d'une table. Le thème des lycanthropes est aujourd'hui un grand classique et renouveler le genre n'est pas aisé. Le premier tome de la série d'ailleurs n'est pas convaincant. Le mythe est bien repris, il n'y a pas défaut mais cela reste sans surprise tout en étant agréable à lire. Le sujet pourtant bien traité, se laisse lire et le premier tome s'il n'est pas décevant, ne nous bouleverse pas non plus. Surement sommes nous malgré tout happé par cette introduction par le fait que Gaudin joue sur la corde sensible et ajoute une bonne dose d'émotion avec de vilains carnages qui ne font pas de pitié et laissent quelques enfants esseulés et apeurés. Le tome 2 est en nette progression. L'histoire quant à elle, réussit à décoller et à sortir d'une banale histoire de vengeance loups-Garouesque. L'origine des Garous est sympa, le méchant est méchant, et d'autres méchants sont gentils. Pendant ce temps, un gentil est méchant et celui qui n'est ni méchant ni gentil est ni gentil ni méchant. Enfin, l'auteur brouille les pistes et le scénario gagne en complexité sans devenir confus. Le mythe parvient à être revisité avec quelques bonnes surprises. Est c'est ainsi que se clôt le premier cycle des aventures dans lesquelles Tanaris le Héro cherche à se venger de celui qui a massacré sa famille. Dans le tome suivant, maintenant qu'il s'est bien défoulé les nerfs sur le méchant, il comprend que son geste était égoïste et décide d'éliminer tous les garous, tache Ô combien plus noble mais aussi plus difficile. Nous nous retrouvons dans un huit clos enfermé dans un monastère. L'ambiance est glauque à souhait, les garous envahissants, l'hémoglobine un peu partout sur les murs... Rien que pour cette ambiance bien sombre bien tendue, la série mérite ses étoiles. Sinon, le scénario n'est pas foncièrement original sans tomber dans la banalité. Un peu trop linéaire à mon goût. J'avais deviné l'explication bien avant que l'on ne me la donne. En revanche, les deux dernières planches se recentrent sur l'histoire de Tanaris et nous font râler de cette escapade scénaristique tant les personnages qui reviennent nous laissent présager de grands moments. Là j'avoue qu'entre le tome 1 où l'on en parle et là, les scénaristes ont bien joué le coup ! Le dernier tome achève donc cette série de manière toujours classique mais bien menée. L'histoire de "Garous" sera finalement prenante mais hésite et oscille entre le classique et l'originalité. Ceux qui aiment les histoires de lycanthropes y trouveront leur bonheur avec deux cycles bien menés. Les autres, plus sceptiques ou plus critiques diront qu'ici c'est du réchauffé, du déjà vu. Moi en tout cas, j'ai aimé. En tant qu'amateur de beaux dessins, j'avais été attiré par les couvertures remarquables de Civiello. Je connaissais son travail et ces planches en sont représentatives. Précises, recherchées, un travail d'une qualité quasi surnaturelle. Quelle déception en ouvrant la BD et en trouvant des dessins aux traits épais et manquant souvent de précision ! Le dessin de D'Fali quoique finalement passant bien est d'abord assez lourd, employant beaucoup de zones d'ombre et de trait gras. La précision n'est pas son fort non plus mais il la compense par une belle constance. Les couleurs bien maitrisées ne révolutionnent pas le monde de la BD, mais permettent de se plonger facilement dans ce monde l'horreur et du fantastique. Je n'en conseille pas l'achat, simplement parce que le tome 4 est devenu introuvable...
La Route de la soie... en lambeaux
C'est une BD documentaire ou plutôt un livre entrecoupé de passages dessinés. Il est indéniable que Ted Rall sait conter ses péripéties à travers l'Asie centrale. Je dois avouer que même si ce n'est pas un livre de géostratégie, j'ai appris pas mal de choses sur la région. Le récit est truffé d'humour noir et l'auteur n'y va pas avec le dos la cuillère. La qualité du dessin ne vole pas haut mais ce n'est pas grave. Ce qui me chagrine c'est que ce récit arrive un peu tard car les voyages se passent avant le 11 septembre et on sait que depuis la vision du monde a changé. Dans son livre, Ted Rall ne fait pas que raconter ses voyages mais il parle aussi des régions qu'il n'a pas visitées et nous explique la situation géopolitique de la région. Dans cette optique, un chapitre supplémentaire sur les derniers développements de l'actualité aurait été un plus.