Avec Virus Sylvain Ricard et Rica jouent sur une des cordes sensible des grandes peurs du moment : la pandémie. Ajoutez à cela un huis-clos grand format sur un paquebot de croisière, et nous avons là tous les ingrédients idéals pour nous tenir en haleine.
Guillaume Roblès est un scientifique travaillant pour les services secrets français sur un virus qu'ils modifient génétiquement. Celui-ci disparait du jour au lendemain sans prévenir personne, même pas sa compagne. On le retrouve à bord d'un de ces immenses paquebot de croisière où il cherche à se faire oublier... Voilà donc le pitch d'une série qui s'annonce plutôt prometteuse et qui sait accrocher son lectorat. D'une part, on est rapidement intrigué par ce personnage central pour qui rien ne semble plus avoir d'importance et qui va rapidement partir en live avec une jeune femme qui cherche à profiter pleinement de cette croisière pour s'éclater ; d'autre part le dessin tout en nuances de gris de Rica nous immerge complètement dans cette aventure. Son trait fin et détaillé fourmillant de détails est des plus efficace ; il fait des merveilles quant aux expressions des personnages et pour nous restituer la tension qui monte au fil des pages
Voilà donc un premier tome très réussi qui ne demande qu'un suite toute aussi convaincante pour parfaire cette série !
Sixtine est une série destinée aux grands enfants et aux jeunes adolescents. On découvre le personnage, jeune fille imaginative et dynamique (du moins, pour ce qui l’intéresse), le jour où sa mère épand les cendres de son défunt mari sur la plage. Jour crucial dans la vie de la gamine puisqu’elle rencontre sur cette même plage les fantômes de trois pirates… qui ne vont plus la quitter.
Les auteurs jouent habilement de plusieurs thèmes. Pirates et amis imaginaires se confondent dans l’esprit de la mère et des amis de Sixtine, ne prenant pas l’enfant au sérieux alors qu’elle parle sincèrement de ses nouveaux compagnons. Et lorsque celle-ci grandit, le mystère autour de ses compagnons, de son père et de sa famille paternelle ne cesse de s’étoffer tandis que Sixtine se trouve certains pouvoirs. Et comme, par ailleurs, ce récit n’oublie pas de parler du quotidien de Sixtine et de sa maman, prestidigitatrice du dimanche cumulant les petits boulots pour garder le foyer à flots, on se retrouve face à un récit très riche, qui allie aventure, fantastique et mystère d’une part, et chronique sociale (vie scolaire, difficultés financières, rapports avec les chipies de la classe) d’autre part.
Après deux tomes, je suis assez convaincu par le résultat. Il se passe toujours quelque chose dans cette série et les mystères ne cessent de s’accumuler. Les personnages sont sympathiques ou terrifiants en fonction des besoins, mais surtout ils ne sont pas parfaits et commettent des erreurs, ce qui humanise grandement ce récit.
Attention toutefois au fait qu’il s’agit d’une série ‘à suivre’ et si le premier tome pouvait encore se lire d’une manière relativement indépendante, le tome 2 se termine en plein cœur de l’action, rendant la lecture du tome 3 (à venir) indispensable.
Au niveau du dessin, j’aime bien le style frais et expressif d’Aude Soleilhac, qui fait très franco-belge à la Dupuis mais avec des cases plus grandes. Ces grandes cases, qui garantissent une lecture rapide des tomes, sont suffisamment bien construites et meublées pour ne pas laisser d’impression de vide.
Franchement, dans sa catégorie, cette série a tout pour séduire, raison pour laquelle j’accorde un 4/5 pour les deux premiers tomes. J’espère juste qu’elle ne se tirera pas trop en longueur, je serais triste de me lasser d’un si attachant personnage.
J’ai lu cet album avec mes deux fils de 6 et 8 ans, ils ont adoré et on a passé un excellent moment de lecture.
Le personnage de Séverin est adorable, notamment sa résilience face aux caprices du pirate amnésique. Ses idées ingénieuses pour lui rendre la mémoire sont amusantes et font preuve d’une imagination débordante. J’aime le fait que malgré le ton jeunesse, il y a une logique méthodique, presque scientifique dans la démarche de Séverin (même si les résultats laissent souvent à désirer, pour le plus grand plaisir des lecteurs).
Mes enfants ont beaucoup rigolé sur certaines scènes (genre Séverin qui se fait éjecter par la fenêtre du bateau), ou sur certains détails rigolos (la dame qui tousse dans la boutique, les pense-bêtes collés de partout).
Le dessin est maitrisé et rempli de détails, et la mise en couleur superbe. La pleine page avec le bateau est magnifique (voir galerie).
Un excellent album jeunesse.
On l'attendait un peu, ce retour de Lapinot, malgré la fin si particulière de la série d'origine...
Trondheim avait sans doute encore pas mal de choses à dire, et sa série fétiche devait lui manquer. Fort d'un peu plus de bouteille, mais aussi par envie de marquer la rupture, il revient chez l'un de ses éditeurs de jeunesse, l'Association, qui innove du coup en matière de format avec cette collection 48 CC.
Et ce retour est fort réussi, totalement dans le ton de la série-mère, avec ces petites choses de la vie, ce don inouï pour les dialogues qui sans être m'as-tu-vu sont plutôt crédibles. Après, comme toujours ou presque dans un Lapinot, ça dérape, parfois très loin, mais on sent la maîtrise du récit chez Trondheim.
Dans le tome 2 l'auteur surprend encore son monde en réalisant un album muet, en couleurs, avec... un dessin par page, lequel a été publié sur son compte instagram chaque jour de l'année 2018. Pour une histoire très forte d'ailleurs. Dans le tome 3 nous avons une histoire complètement folle sur (entre autres) le prosélytisme et ses dérives. C'est bluffant.
Le tome 5 montre une nouvelle facette -fortement déplaisante- de l'humanité. On bascule assez vite dans l'absurde, pas si incroyable cependant. Et j'avoue que le "coup de théâtre" qui survient à la fin m'a encore surpris. J'ai lu le tome 7 avant le 6, mais celui-ci met quelque part (encore une fois ?) en vedette Richard, plutôt que Lapinot, on sent que Trondheim a beaucoup de tendresse pour ce personnage secondaire dont le franc-parler est une arme redoutable.
Graphiquement c'est du T. pur jus, c'est très lisible, surtout avec les couleurs de Brigitte Findakly.
Content de ce retour et hâte de lire la suite.
J'ai bien aimé ce témoignage de la journaliste sur un autre regard du Yémen, plus connu généralement pour être un nid à terroriste. Il faut dire que la femme yéménite n'est pas une femme comme les autres ou du moins elle l'est mais sans les libertés.
Il y a des expériences qui sont partagés comme la rencontre avec l'un des cheiks les plus importants de la capitale Sanaa ou encore le drame des attaques de drones sans compter le trafic d'enfants entre le Yémen et l'Arabie saoudite.
J'ai également apprécié le ton qui oscille entre des sujets graves et une certaine légèreté qui fait du bien. On voit des gestes de la vie courante qui nous permet de comprendre ce peuple un peu isolé et surtout marqué par la guerre depuis 2014.
Descender aurait pu n’être qu’un space-opera comme il en existe tant. On retrouve en effet dans ce récit les éléments essentiels du genre : une flopée de personnages d’importance (comptez-en une bonne dizaine), des mondes multiples et variés, des combats spatiaux, une lutte entre les ‘organiques’ et les ‘technologiques’, un personnage central objet de toutes les convoitises et catalyseur des passions.
Oui, Descender aurait pu n’être que cela… et ç’aurait déjà été pas mal. Sauf que ses deux auteurs ont, grâce à leurs talents respectifs, su placer la série un cran plus haut.
Au niveau du dessin, Dustin Nguyen nous propose un rendu personnel et original. Je trouve passablement injuste de traiter ce travail de brouillon ou de ne voir que de simples esquisses là où chaque planche est une peinture. Et si les arrière-plans des scènes se déroulant dans des vaisseaux peuvent choquer par leur blancheur, ce choix se justifie pleinement puisque nous sommes à l’intérieur de vaisseaux à l’éclairage clinique et froid. Après, c’est une question de goût et je peux parfaitement comprendre que ce style ne charme pas tout le monde. A titre personnel, j’ai beaucoup aimé, justement parce que c’était différent de ce que l’on m’offre d’habitude, tout en restant soigné, fignolé, très lisible, expressif et typé. Bien dans la ligné de ce que propose Jeff Lemire quand il est aux pinceaux (et je le soupçonne d’avoir réalisé beaucoup de croquis préparatoires) mais avec un rendu plus abouti et plus de profondeur dans les planches.
Au niveau du scénario, Jeff Lemire excelle une fois de plus dans la construction de ses personnages, classiques et complexes à la fois. Un des personnages essentiels de ce récit, personnage auquel en tant que lecteur nous sommes amenés à nous identifier, est lâche, faible et menteur. C’est, je trouve, hyper-casse-gueule de partir dans ce genre d’aventure avec un tel personnage comme ‘héros’, d’autant plus qu’il ne compense pas ses faiblesses par un sens de l’humour imparable ou une belle gueule… et pourtant ce personnage me touche. Je l’aime et le déteste à la fois : il est humain. Multipliez ce type de profil par 10, ajoutez des rôles secondaires marquants et vous comprendrez ma fascination pour le panel de personnages proposés.
Au niveau de la mise en page, le travail du duo est impressionnant. Structures en flash-backs, chapitres sans paroles où trois actions se déroulent dans trois lieux différents sur le même laps de temps, sauts constants d’un lieu à un autre, d’une époque à une autre… et pourtant tout cela reste d’une simplicité de compréhension remarquable. J’ai aimé ce renouvellement constant, j’ai aimé les multiples recoupements qu’offre ce scénario… et j’ai adoré le fait que tout reste toujours d’une grande lisibilité. Pas besoin de revenir en arrière pour comprendre un passage, pas besoin d’avoir fumé un joint pour entrer dans un délire d’auteur, tout est ‘simple’, bien raconté et profondément humain.
Enfin, le final est à la hauteur de mes espérances… même s’il annonce un nouveau cycle (sous la forme d’une nouvelle série). Car il s’agit bel et bien d’une vraie fin, conforme à l’esprit de la série, belle et triste à la fois.
Je suis rentré dans Descender en me disant que c’était pas mal. J’en sors totalement conquis.
Deux femmes est un manhwa coréen que je m’empresserais de conseiller à tous les amateurs de romans graphiques, et surtout aux lecteurs réticents à se lancer dans ces récits venus d’Asie ! Parce que, cornebique, c’est exactement le genre de récit qui peut permettre à un certain lectorat de passer du genre européen au genre asiatique sans ressentir aucune douleur. En fait, s’il n’y avait le contexte de cette histoire, je pense même qu’une majorité de lecteurs ne remarqueront pas de différences techniques entre cet album et un album européen. Même sens de lecture, un trait dépouillé et expressif mais sans tomber dans la caricature agressive, une ambiance générale bien posée, une lente progression narrative : c’est non seulement du beau travail, mais aussi fort similaire à celui que réalisent les auteurs du genre en Europe ou ailleurs.
Le thème du livre est d’ailleurs universel puisqu’il nous parle de la situation féminine, en Corée dans le cas présent mais cette situation n’est fondamentalement pas vraiment différente de la situation en Europe ou aux Etats-Unis, sociétés traditionnellement bâties sur une dominance de l’homme et un statut de la femme active encore précaire. Et au travers de ses deux personnages, Song Aram va nous dresser un tableau réaliste et humble du statut actuel et du mal-être des jeunes femmes coréennes d’aujourd’hui.
Pourtant il s’agit bien d’une œuvre asiatique, et je l’ai ressenti dans la justesse du ton employé. Song Aram analyse ses personnages avec un recul qui peut ressembler à de la froideur. Ses deux personnages, alors qu’elles sont amies, ignorent beaucoup d’aspects de la vie de l’autre. Il y a dans l’approche de l’autre et la manière de se dévoiler une pudeur, une distanciation, une réserve qui passent souvent pour de la froideur aux yeux d’un Occidental mais qui sont avant tout des marques de respect… qui ne sont pas sans conséquences puisqu’elles peuvent entraîner certaines incompréhensions entre les personnages. Ce récit est d’une grande finesse, sa lente progression et sa construction nous permettent de saisir ces deux personnages dans leurs contradictions. C’est non seulement un beau récit mais aussi une belle occasion de saisir l’état d’esprit de ces jeunes Coréennes.
Bon, je m’arrête là parce que je vais finir par vous saouler. Mais si vous aimez les romans graphiques, je n’ai qu’un conseil à vous donner : foncer !
Une BD que je note large, mais plus parce que son sujet est important. Car oui, en vrai cette BD est à mon sens assez raté sur certains points, et je préfère commencer par eux.
Déjà, le dessin n'est franchement pas agréable. C'est souvent moche et pas très clair dans les cases, sans compter que le texte est prépondérant dans la BD, au point que j'ai du mal à la qualifier d'adaptation. C'est presque du littéral illustré, à ce stade-là.
Et justement, c'est ce que je trouve dommage : la bande-dessinée semble être utilisée ici comme moyen de communication mais sans en exploiter les avantages. C'est purement et simplement une transcription chapitres par chapitres du livre de Howard Zinn. Rien de plus, pas de tentatives de rendre ceci plus accessible par le dessin et la mise en page. C'est du gâchis de l'utilisation de la BD, et je trouve ça dommage.
Mais alors, pourquoi noter tellement bien une telle BD, me diriez-vous ? Eh bien parce que cette BD a le mérite de tenter de populariser quelque chose que j'admire beaucoup et pour lequel je me bat depuis des années également : l'histoire populaire.
Ce n'est pas si fréquent que ça de voir de la vulgarisation de l'histoire populaire, l'histoire qui va à l'encontre de celle qui est dite officielle, celle qu'on apprends par cœur sur les bancs de l'école et qu'on nous ressert à la télévision (que ce soit avec Stephane Bern ou le petit nouveau Laurent Deutsch). Une histoire des gens d'en bas, du peuple, de nous quoi. Une histoire qui prend à parti de dénoncer toutes les exactions des puissants, mais aussi tout ce qui a agité les masses. Incarné pendant un moment par Henri Guillemin chez nous, cette histoire qui tente de comprendre autrement les évènements du siècle à toute son importance aujourd'hui, et peut-être même plus d'importance. A l'heure de l'information facilement accessible, de la télé qui ne prend plus la peine de chercher une vérité, il y a encore des historiens et des historiennes qui travaillent à une compréhension du monde qui ne passe pas juste par les dirigeants. Et c'est là tout le travail derrière ce livre.
On pourrait se demander pourquoi ne pas lire tout de suite le livre, et je vous répondrais que c'est sans doute une bonne idée (bien que ne l'ayant pas lu moi-même), mais le passage par la bande-dessinée permettra peut-être à certains, dubitatif devant un pavé littéraire, de tenter la lecture. Et je trouve cela très sain, justement, de voir une lecture très différente de l'Histoire. Une lecture qui nous laisse apparaitre et tente de nous mettre en avant, la majorité silencieuse. C'est une lecture qui fait prendre conscience de notre place dans l'Histoire, qui existe, et qui peut aussi nous autoriser à penser différemment le monde. Nous sommes légitimes à le changer, et il n'est pas obligatoire d'être président ou ministre pour provoquer quelque chose. Et avec les nombreux débats qui fleurissent aujourd'hui, ce genre de livres a une place plus qu'essentielle : il est important.
Ah, la voilà, la première série jeunesse réalisée par Chandre ! Il y a dans le trait de ce dessinateur une malice, une rondeur, qui le prédisposent à réaliser des récits pour les jeunes. Une clarté dans le trait, dans la gestion des couleurs, aussi.
Il le prouve donc de manière éclatante avec Séverin Blaireau, l'histoire de ce personnage débonnaire et intelligent qui rend service à son prochain. Ici il s'agit d'une jeune pirate, dont le galion s'est échoué dans la forêt, après qu'elle ait oublié le chemin pour repartir... Simple sur le papier, cette histoire est pourtant bien menée, sans temps mort, on ne lâche pas le livre jusqu'à sa conclusion.
Même s'il ne donne pas toute sa générosité, sa maturité dans ce récit jeunesse, le sens de la mise en scène de Chandre (la pleine page où l'on découvre le bateau !) permet d'en prendre plein les yeux. Les préados adorent.
A bientôt pour de nouvelles aventures avec Séverin Blaireau !
Située dans la petite ville de Colville de l'Ontario du Canada, David est un adolescent à problèmes en conditionnelle suite à un cambriolage raté.
Il lui faudrait un dernier coup pour changer sa vie de ce bled pourri et s'enfuir loin d'ici avec sa petite amie Tracy. Une seule issue pour éditer le comics qu'il a lui même dessiné et changer enfin de vie : accepter une dernière embrouille en volant une moto cross au hells angels local et la revendre au plus vite pour empocher 1000 dollars salutaires.
Mais rien n'est rose à Colville et rien ne va se dérouler comme prévu...
À l'origine de ce récit noir, Steven Gilbert est un fan absolu de comics et surtout un autodidacte. Le récit entamé il y a plus de 20 ans ne faisait que 64 pages et restait en soi inachevé malgré une conclusion déjà bien sombre et plus de nouvelles de l'auteur devenu libraire entre temps.
Un éditeur italien convaincu de la qualité de cet ouvrage raviva les espoirs de Steven Gilbert qui le compléta d'une centaine de pages additionnelles. C'est aujourd'hui cette édition intégrale augmentée que le tout nouvel éditeur Revival propose au public francophone.
Restons honnêtes, si la couverture et les premières pages n'attirent guère l'attention par un dessin noir et blanc hachuré et aux proportions de personnages non respectées, l'intérêt grandit au fur et à mesure. Les cases bien souvent muettes trouvent davantage de saveur dans l'exposition de décors silencieux couvrant la petite ville de Colville. Gilbert parvient à trouver un souffle salvateur dans la description d'un quotidien de paille au travers de personnages perturbés et perturbants trahissant ses influences, le Blue Velvet de David Lynch n'est jamais loin ainsi que les influences assumées de Charles Burns et de Daniel Clowes.
Sans en égaler le talent, Colville ne manque aucunement de qualité pour qui acceptera volontiers de s'immerger dans un récit dont l'issue semble fatale dès les premières pages. Il s'agit avant tout d'une question d'ambiance et de points de vue au travers de sombres personnages qui vont se révéler au fur et à mesure du récit...
Hommage également à Nick Cave dont le récit partage la mélancolie et à Brian de Palma pour ses histoires à tiroir, Colville rappelle les années 90 sans jamais les dénaturer (voir l'utilisation du téléphone dans des cabines qui revient plusieurs fois dans le récit) mais propose également de nombreuses scènes violentes à ne pas mettre devant tous les yeux par le biais d'un psychopathe amateur de snuff movies.
La fin n'en sera que plus cruelle malgré une toute petite lueur d'espoir disséminée dans les dernières planches.
Pourvu de décors écrasants et d'un éclairage étouffant, Colville se révèle comme une bien belle surprise dans un registre pourtant bien représenté dans le 9ème art.
Davantage COLDville que COOLville, le récit sort clairement des sentiers battus et mérite grandement d'être découvert ou redécouvert.
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Avec Virus Sylvain Ricard et Rica jouent sur une des cordes sensible des grandes peurs du moment : la pandémie. Ajoutez à cela un huis-clos grand format sur un paquebot de croisière, et nous avons là tous les ingrédients idéals pour nous tenir en haleine. Guillaume Roblès est un scientifique travaillant pour les services secrets français sur un virus qu'ils modifient génétiquement. Celui-ci disparait du jour au lendemain sans prévenir personne, même pas sa compagne. On le retrouve à bord d'un de ces immenses paquebot de croisière où il cherche à se faire oublier... Voilà donc le pitch d'une série qui s'annonce plutôt prometteuse et qui sait accrocher son lectorat. D'une part, on est rapidement intrigué par ce personnage central pour qui rien ne semble plus avoir d'importance et qui va rapidement partir en live avec une jeune femme qui cherche à profiter pleinement de cette croisière pour s'éclater ; d'autre part le dessin tout en nuances de gris de Rica nous immerge complètement dans cette aventure. Son trait fin et détaillé fourmillant de détails est des plus efficace ; il fait des merveilles quant aux expressions des personnages et pour nous restituer la tension qui monte au fil des pages Voilà donc un premier tome très réussi qui ne demande qu'un suite toute aussi convaincante pour parfaire cette série !
Sixtine
Sixtine est une série destinée aux grands enfants et aux jeunes adolescents. On découvre le personnage, jeune fille imaginative et dynamique (du moins, pour ce qui l’intéresse), le jour où sa mère épand les cendres de son défunt mari sur la plage. Jour crucial dans la vie de la gamine puisqu’elle rencontre sur cette même plage les fantômes de trois pirates… qui ne vont plus la quitter. Les auteurs jouent habilement de plusieurs thèmes. Pirates et amis imaginaires se confondent dans l’esprit de la mère et des amis de Sixtine, ne prenant pas l’enfant au sérieux alors qu’elle parle sincèrement de ses nouveaux compagnons. Et lorsque celle-ci grandit, le mystère autour de ses compagnons, de son père et de sa famille paternelle ne cesse de s’étoffer tandis que Sixtine se trouve certains pouvoirs. Et comme, par ailleurs, ce récit n’oublie pas de parler du quotidien de Sixtine et de sa maman, prestidigitatrice du dimanche cumulant les petits boulots pour garder le foyer à flots, on se retrouve face à un récit très riche, qui allie aventure, fantastique et mystère d’une part, et chronique sociale (vie scolaire, difficultés financières, rapports avec les chipies de la classe) d’autre part. Après deux tomes, je suis assez convaincu par le résultat. Il se passe toujours quelque chose dans cette série et les mystères ne cessent de s’accumuler. Les personnages sont sympathiques ou terrifiants en fonction des besoins, mais surtout ils ne sont pas parfaits et commettent des erreurs, ce qui humanise grandement ce récit. Attention toutefois au fait qu’il s’agit d’une série ‘à suivre’ et si le premier tome pouvait encore se lire d’une manière relativement indépendante, le tome 2 se termine en plein cœur de l’action, rendant la lecture du tome 3 (à venir) indispensable. Au niveau du dessin, j’aime bien le style frais et expressif d’Aude Soleilhac, qui fait très franco-belge à la Dupuis mais avec des cases plus grandes. Ces grandes cases, qui garantissent une lecture rapide des tomes, sont suffisamment bien construites et meublées pour ne pas laisser d’impression de vide. Franchement, dans sa catégorie, cette série a tout pour séduire, raison pour laquelle j’accorde un 4/5 pour les deux premiers tomes. J’espère juste qu’elle ne se tirera pas trop en longueur, je serais triste de me lasser d’un si attachant personnage.
Séverin Blaireau
J’ai lu cet album avec mes deux fils de 6 et 8 ans, ils ont adoré et on a passé un excellent moment de lecture. Le personnage de Séverin est adorable, notamment sa résilience face aux caprices du pirate amnésique. Ses idées ingénieuses pour lui rendre la mémoire sont amusantes et font preuve d’une imagination débordante. J’aime le fait que malgré le ton jeunesse, il y a une logique méthodique, presque scientifique dans la démarche de Séverin (même si les résultats laissent souvent à désirer, pour le plus grand plaisir des lecteurs). Mes enfants ont beaucoup rigolé sur certaines scènes (genre Séverin qui se fait éjecter par la fenêtre du bateau), ou sur certains détails rigolos (la dame qui tousse dans la boutique, les pense-bêtes collés de partout). Le dessin est maitrisé et rempli de détails, et la mise en couleur superbe. La pleine page avec le bateau est magnifique (voir galerie). Un excellent album jeunesse.
Les Nouvelles Aventures de Lapinot
On l'attendait un peu, ce retour de Lapinot, malgré la fin si particulière de la série d'origine... Trondheim avait sans doute encore pas mal de choses à dire, et sa série fétiche devait lui manquer. Fort d'un peu plus de bouteille, mais aussi par envie de marquer la rupture, il revient chez l'un de ses éditeurs de jeunesse, l'Association, qui innove du coup en matière de format avec cette collection 48 CC. Et ce retour est fort réussi, totalement dans le ton de la série-mère, avec ces petites choses de la vie, ce don inouï pour les dialogues qui sans être m'as-tu-vu sont plutôt crédibles. Après, comme toujours ou presque dans un Lapinot, ça dérape, parfois très loin, mais on sent la maîtrise du récit chez Trondheim. Dans le tome 2 l'auteur surprend encore son monde en réalisant un album muet, en couleurs, avec... un dessin par page, lequel a été publié sur son compte instagram chaque jour de l'année 2018. Pour une histoire très forte d'ailleurs. Dans le tome 3 nous avons une histoire complètement folle sur (entre autres) le prosélytisme et ses dérives. C'est bluffant. Le tome 5 montre une nouvelle facette -fortement déplaisante- de l'humanité. On bascule assez vite dans l'absurde, pas si incroyable cependant. Et j'avoue que le "coup de théâtre" qui survient à la fin m'a encore surpris. J'ai lu le tome 7 avant le 6, mais celui-ci met quelque part (encore une fois ?) en vedette Richard, plutôt que Lapinot, on sent que Trondheim a beaucoup de tendresse pour ce personnage secondaire dont le franc-parler est une arme redoutable. Graphiquement c'est du T. pur jus, c'est très lisible, surtout avec les couleurs de Brigitte Findakly. Content de ce retour et hâte de lire la suite.
L'Épouse Yéménite
J'ai bien aimé ce témoignage de la journaliste sur un autre regard du Yémen, plus connu généralement pour être un nid à terroriste. Il faut dire que la femme yéménite n'est pas une femme comme les autres ou du moins elle l'est mais sans les libertés. Il y a des expériences qui sont partagés comme la rencontre avec l'un des cheiks les plus importants de la capitale Sanaa ou encore le drame des attaques de drones sans compter le trafic d'enfants entre le Yémen et l'Arabie saoudite. J'ai également apprécié le ton qui oscille entre des sujets graves et une certaine légèreté qui fait du bien. On voit des gestes de la vie courante qui nous permet de comprendre ce peuple un peu isolé et surtout marqué par la guerre depuis 2014.
Descender
Descender aurait pu n’être qu’un space-opera comme il en existe tant. On retrouve en effet dans ce récit les éléments essentiels du genre : une flopée de personnages d’importance (comptez-en une bonne dizaine), des mondes multiples et variés, des combats spatiaux, une lutte entre les ‘organiques’ et les ‘technologiques’, un personnage central objet de toutes les convoitises et catalyseur des passions. Oui, Descender aurait pu n’être que cela… et ç’aurait déjà été pas mal. Sauf que ses deux auteurs ont, grâce à leurs talents respectifs, su placer la série un cran plus haut. Au niveau du dessin, Dustin Nguyen nous propose un rendu personnel et original. Je trouve passablement injuste de traiter ce travail de brouillon ou de ne voir que de simples esquisses là où chaque planche est une peinture. Et si les arrière-plans des scènes se déroulant dans des vaisseaux peuvent choquer par leur blancheur, ce choix se justifie pleinement puisque nous sommes à l’intérieur de vaisseaux à l’éclairage clinique et froid. Après, c’est une question de goût et je peux parfaitement comprendre que ce style ne charme pas tout le monde. A titre personnel, j’ai beaucoup aimé, justement parce que c’était différent de ce que l’on m’offre d’habitude, tout en restant soigné, fignolé, très lisible, expressif et typé. Bien dans la ligné de ce que propose Jeff Lemire quand il est aux pinceaux (et je le soupçonne d’avoir réalisé beaucoup de croquis préparatoires) mais avec un rendu plus abouti et plus de profondeur dans les planches. Au niveau du scénario, Jeff Lemire excelle une fois de plus dans la construction de ses personnages, classiques et complexes à la fois. Un des personnages essentiels de ce récit, personnage auquel en tant que lecteur nous sommes amenés à nous identifier, est lâche, faible et menteur. C’est, je trouve, hyper-casse-gueule de partir dans ce genre d’aventure avec un tel personnage comme ‘héros’, d’autant plus qu’il ne compense pas ses faiblesses par un sens de l’humour imparable ou une belle gueule… et pourtant ce personnage me touche. Je l’aime et le déteste à la fois : il est humain. Multipliez ce type de profil par 10, ajoutez des rôles secondaires marquants et vous comprendrez ma fascination pour le panel de personnages proposés. Au niveau de la mise en page, le travail du duo est impressionnant. Structures en flash-backs, chapitres sans paroles où trois actions se déroulent dans trois lieux différents sur le même laps de temps, sauts constants d’un lieu à un autre, d’une époque à une autre… et pourtant tout cela reste d’une simplicité de compréhension remarquable. J’ai aimé ce renouvellement constant, j’ai aimé les multiples recoupements qu’offre ce scénario… et j’ai adoré le fait que tout reste toujours d’une grande lisibilité. Pas besoin de revenir en arrière pour comprendre un passage, pas besoin d’avoir fumé un joint pour entrer dans un délire d’auteur, tout est ‘simple’, bien raconté et profondément humain. Enfin, le final est à la hauteur de mes espérances… même s’il annonce un nouveau cycle (sous la forme d’une nouvelle série). Car il s’agit bel et bien d’une vraie fin, conforme à l’esprit de la série, belle et triste à la fois. Je suis rentré dans Descender en me disant que c’était pas mal. J’en sors totalement conquis.
Deux femmes
Deux femmes est un manhwa coréen que je m’empresserais de conseiller à tous les amateurs de romans graphiques, et surtout aux lecteurs réticents à se lancer dans ces récits venus d’Asie ! Parce que, cornebique, c’est exactement le genre de récit qui peut permettre à un certain lectorat de passer du genre européen au genre asiatique sans ressentir aucune douleur. En fait, s’il n’y avait le contexte de cette histoire, je pense même qu’une majorité de lecteurs ne remarqueront pas de différences techniques entre cet album et un album européen. Même sens de lecture, un trait dépouillé et expressif mais sans tomber dans la caricature agressive, une ambiance générale bien posée, une lente progression narrative : c’est non seulement du beau travail, mais aussi fort similaire à celui que réalisent les auteurs du genre en Europe ou ailleurs. Le thème du livre est d’ailleurs universel puisqu’il nous parle de la situation féminine, en Corée dans le cas présent mais cette situation n’est fondamentalement pas vraiment différente de la situation en Europe ou aux Etats-Unis, sociétés traditionnellement bâties sur une dominance de l’homme et un statut de la femme active encore précaire. Et au travers de ses deux personnages, Song Aram va nous dresser un tableau réaliste et humble du statut actuel et du mal-être des jeunes femmes coréennes d’aujourd’hui. Pourtant il s’agit bien d’une œuvre asiatique, et je l’ai ressenti dans la justesse du ton employé. Song Aram analyse ses personnages avec un recul qui peut ressembler à de la froideur. Ses deux personnages, alors qu’elles sont amies, ignorent beaucoup d’aspects de la vie de l’autre. Il y a dans l’approche de l’autre et la manière de se dévoiler une pudeur, une distanciation, une réserve qui passent souvent pour de la froideur aux yeux d’un Occidental mais qui sont avant tout des marques de respect… qui ne sont pas sans conséquences puisqu’elles peuvent entraîner certaines incompréhensions entre les personnages. Ce récit est d’une grande finesse, sa lente progression et sa construction nous permettent de saisir ces deux personnages dans leurs contradictions. C’est non seulement un beau récit mais aussi une belle occasion de saisir l’état d’esprit de ces jeunes Coréennes. Bon, je m’arrête là parce que je vais finir par vous saouler. Mais si vous aimez les romans graphiques, je n’ai qu’un conseil à vous donner : foncer !
Une Histoire Populaire de l'Empire Américain
Une BD que je note large, mais plus parce que son sujet est important. Car oui, en vrai cette BD est à mon sens assez raté sur certains points, et je préfère commencer par eux. Déjà, le dessin n'est franchement pas agréable. C'est souvent moche et pas très clair dans les cases, sans compter que le texte est prépondérant dans la BD, au point que j'ai du mal à la qualifier d'adaptation. C'est presque du littéral illustré, à ce stade-là. Et justement, c'est ce que je trouve dommage : la bande-dessinée semble être utilisée ici comme moyen de communication mais sans en exploiter les avantages. C'est purement et simplement une transcription chapitres par chapitres du livre de Howard Zinn. Rien de plus, pas de tentatives de rendre ceci plus accessible par le dessin et la mise en page. C'est du gâchis de l'utilisation de la BD, et je trouve ça dommage. Mais alors, pourquoi noter tellement bien une telle BD, me diriez-vous ? Eh bien parce que cette BD a le mérite de tenter de populariser quelque chose que j'admire beaucoup et pour lequel je me bat depuis des années également : l'histoire populaire. Ce n'est pas si fréquent que ça de voir de la vulgarisation de l'histoire populaire, l'histoire qui va à l'encontre de celle qui est dite officielle, celle qu'on apprends par cœur sur les bancs de l'école et qu'on nous ressert à la télévision (que ce soit avec Stephane Bern ou le petit nouveau Laurent Deutsch). Une histoire des gens d'en bas, du peuple, de nous quoi. Une histoire qui prend à parti de dénoncer toutes les exactions des puissants, mais aussi tout ce qui a agité les masses. Incarné pendant un moment par Henri Guillemin chez nous, cette histoire qui tente de comprendre autrement les évènements du siècle à toute son importance aujourd'hui, et peut-être même plus d'importance. A l'heure de l'information facilement accessible, de la télé qui ne prend plus la peine de chercher une vérité, il y a encore des historiens et des historiennes qui travaillent à une compréhension du monde qui ne passe pas juste par les dirigeants. Et c'est là tout le travail derrière ce livre. On pourrait se demander pourquoi ne pas lire tout de suite le livre, et je vous répondrais que c'est sans doute une bonne idée (bien que ne l'ayant pas lu moi-même), mais le passage par la bande-dessinée permettra peut-être à certains, dubitatif devant un pavé littéraire, de tenter la lecture. Et je trouve cela très sain, justement, de voir une lecture très différente de l'Histoire. Une lecture qui nous laisse apparaitre et tente de nous mettre en avant, la majorité silencieuse. C'est une lecture qui fait prendre conscience de notre place dans l'Histoire, qui existe, et qui peut aussi nous autoriser à penser différemment le monde. Nous sommes légitimes à le changer, et il n'est pas obligatoire d'être président ou ministre pour provoquer quelque chose. Et avec les nombreux débats qui fleurissent aujourd'hui, ce genre de livres a une place plus qu'essentielle : il est important.
Séverin Blaireau
Ah, la voilà, la première série jeunesse réalisée par Chandre ! Il y a dans le trait de ce dessinateur une malice, une rondeur, qui le prédisposent à réaliser des récits pour les jeunes. Une clarté dans le trait, dans la gestion des couleurs, aussi. Il le prouve donc de manière éclatante avec Séverin Blaireau, l'histoire de ce personnage débonnaire et intelligent qui rend service à son prochain. Ici il s'agit d'une jeune pirate, dont le galion s'est échoué dans la forêt, après qu'elle ait oublié le chemin pour repartir... Simple sur le papier, cette histoire est pourtant bien menée, sans temps mort, on ne lâche pas le livre jusqu'à sa conclusion. Même s'il ne donne pas toute sa générosité, sa maturité dans ce récit jeunesse, le sens de la mise en scène de Chandre (la pleine page où l'on découvre le bateau !) permet d'en prendre plein les yeux. Les préados adorent. A bientôt pour de nouvelles aventures avec Séverin Blaireau !
Colville
Située dans la petite ville de Colville de l'Ontario du Canada, David est un adolescent à problèmes en conditionnelle suite à un cambriolage raté. Il lui faudrait un dernier coup pour changer sa vie de ce bled pourri et s'enfuir loin d'ici avec sa petite amie Tracy. Une seule issue pour éditer le comics qu'il a lui même dessiné et changer enfin de vie : accepter une dernière embrouille en volant une moto cross au hells angels local et la revendre au plus vite pour empocher 1000 dollars salutaires. Mais rien n'est rose à Colville et rien ne va se dérouler comme prévu... À l'origine de ce récit noir, Steven Gilbert est un fan absolu de comics et surtout un autodidacte. Le récit entamé il y a plus de 20 ans ne faisait que 64 pages et restait en soi inachevé malgré une conclusion déjà bien sombre et plus de nouvelles de l'auteur devenu libraire entre temps. Un éditeur italien convaincu de la qualité de cet ouvrage raviva les espoirs de Steven Gilbert qui le compléta d'une centaine de pages additionnelles. C'est aujourd'hui cette édition intégrale augmentée que le tout nouvel éditeur Revival propose au public francophone. Restons honnêtes, si la couverture et les premières pages n'attirent guère l'attention par un dessin noir et blanc hachuré et aux proportions de personnages non respectées, l'intérêt grandit au fur et à mesure. Les cases bien souvent muettes trouvent davantage de saveur dans l'exposition de décors silencieux couvrant la petite ville de Colville. Gilbert parvient à trouver un souffle salvateur dans la description d'un quotidien de paille au travers de personnages perturbés et perturbants trahissant ses influences, le Blue Velvet de David Lynch n'est jamais loin ainsi que les influences assumées de Charles Burns et de Daniel Clowes. Sans en égaler le talent, Colville ne manque aucunement de qualité pour qui acceptera volontiers de s'immerger dans un récit dont l'issue semble fatale dès les premières pages. Il s'agit avant tout d'une question d'ambiance et de points de vue au travers de sombres personnages qui vont se révéler au fur et à mesure du récit... Hommage également à Nick Cave dont le récit partage la mélancolie et à Brian de Palma pour ses histoires à tiroir, Colville rappelle les années 90 sans jamais les dénaturer (voir l'utilisation du téléphone dans des cabines qui revient plusieurs fois dans le récit) mais propose également de nombreuses scènes violentes à ne pas mettre devant tous les yeux par le biais d'un psychopathe amateur de snuff movies. La fin n'en sera que plus cruelle malgré une toute petite lueur d'espoir disséminée dans les dernières planches. Pourvu de décors écrasants et d'un éclairage étouffant, Colville se révèle comme une bien belle surprise dans un registre pourtant bien représenté dans le 9ème art. Davantage COLDville que COOLville, le récit sort clairement des sentiers battus et mérite grandement d'être découvert ou redécouvert.