Les derniers avis (31694 avis)

Par Cacal69
Note: 4/5
Couverture de la série Captain America - La Vérité
Captain America - La Vérité

Robert Morales était avant tout un journaliste et un rédacteur en chef pour de nombreux magazines dans les années 80 à 2000. C'est au début des années 2000 qu'il a commencé à scénariser quelques comics chez Marvel où il aimait traiter de façon différente les super-héros au travers de sujets d'actualité. Dans ce récit sur Captain-America, il donne une nouvelle dimension aux origines de celui-ci, avec en toile de fond la suprématie blanche sur les afro-américains. Pour cela il va s'inspirer d'un fait réel, celui de l'étude de Tuskeggee sur la syphilis. Des expériences illégales où contre leur volonté des hommes noirs étaient les cobayes. Un sujet qui le touche, il était lui-même afro-portoricain. C'est exactement ce qui va se dérouler dans cette histoire où il faut créer le super-soldat pour vaincre l'Allemagne nazie. L'armée américaine ne veut pas prendre le risque de perdre des soldats blancs dans ces expériences, alors elle va se rabattre sur un bataillon de soldats noirs. Et ainsi donner naissance au premier Captain-America en la personne d’Isaiah Bradley. Un récit qui dégage de la puissance tout en prenant le temps de découvrir les différents personnages. Une narration linéaire et sans réelle surprise, mais je ne me suis jamais ennuyé pendant ma lecture Le graphisme lui aussi sort des sentiers battus. Kyle Baker nous propose un style caricatural, minimaliste et très expressif où les proportions ne sont pas toujours respectées. Il en ressort parfois un effet cartoon avec ce côté humour/absurde qui va à contre emploi de la séquence en question, mais sans la dénaturer. Par contre sur certaines scènes, la chambre à gaz ou lorsque Isaiah Bradley se trouve avec son épouse par exemple, son seul dessin sans cet effet cartoon n'a besoin d'aucun dialogue pour faire passer les émotions. Ça passe ou ça casse. Moi, j'ai aimé. Ce comics engagé est une vraie curiosité. Un 4 étoiles généreux pour les choix audacieux des auteurs.

25/06/2025 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5
Couverture de la série La Fabrique des insurgées - 1869 : La première grève d'ouvrières
La Fabrique des insurgées - 1869 : La première grève d'ouvrières

Fidèle à son goût pour les luttes sociales (voire anarchistes), Bruno Loth nous propose avec cet album de (re)découvrir une des premières grève ouvrière féminine en France : les ovalistes de Lyon. Ovalistes ? Kézako ??? Ce sont les ouvrières qui filaient la soie. En cette fin de XIXe, Lyon est l'un des grands centres européen de la filature de soie. Journées de 12 heures, salaires de misère, droit de cuissage, conditions de travail déplorables au niveau sanitaire qui mènent très souvent à des tuberculoses : Ya Basta ! Ces dames en ont soupé de se tuer à la tâche pour partir les pieds devant ! C'est ainsi que va démarrer la première grève ouvrière de France. Bruno Loth a le sens du récit et pose parfaitement le contexte de l'époque qui mène ces jeunes femmes désargentées arrivant souvent de la campagne "à la ville" pour trouver un travail. Entre les promesses faites et la réalité du salaire et de ses conditions, ces demoiselles déchantent rapidement mais n'ont guère le choix. Heureusement la solidarité de ces ouvrières leur permet de s'en sortir. Mais les violences psychologiques et sexuelles des chefs d'atelier ainsi que les amendes qu'ils dressent pour n'importe quel motif finira par soulever ces femmes et mener à cette grande grève historique. C'est bien mené, et le dessin réaliste tout en rondeur de Bruno Loth rend cette lecture très agréable et fluide en nous faisant suivre le destin tragique d'une famille de paysans. A travers le destin de ces trois enfants malheureux la misère et le sentiment de révolte sont rapidement partagés tant l'injustice sociale était de mise à l'époque. Une belle découverte !

25/06/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Mat
Mat

Peut-être que tu n’as plus besoin de rêver ? - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Son édition originale date de 1996. Il a été réalisé par Edmond Baudoin pour le scénario et les dessins. Il comprend cent-douze pages de bande dessinée, en noir & blanc. Quelque part dans une ville côtière, peut-être Nice, sur le parking d’un hypermarché, une bande de garçons joue au foot, se donnant à fond. Parmi eux, Mat se distingue par sa précision et son habileté. Il marque un but et les garçons de son équipe l’acclament. Puis la bande décide d’aller à Carrefour, mais Mat décline l’invitation : il a des trucs à faire. Ils se séparent en se disant à demain. De son côté, le petit groupe prend conscience qu’il ne se connaissent pas tant que ça Mat, qu’ils ne savent même pas où il habite, qu’il est toujours seul, et qu’il est vraiment fort au foot. Un sac à la main, Mat sort de la ville il traverse une zone abandonnée, et il descend dans une gorge un peu escarpée. Il arrive devant une toute petite cabane faite de tôles ondulées. Il en ouvre la porte de fortune et il retrouve la buse qui y est enfermée. Il lui parle gentiment : il constate qu’elle a l’air d’aller mieux. Il lui dit qu’il lui a apporté à manger, c’est un pigeon qu’une voiture a écrasé. À son avis, si elle mange bien, dans une semaine elle pourra de nouveau voler. Alors, les plombs du chasseur ne seront qu’un mauvais souvenir. Mais il faut déjà qu’il parte. Il lui dit à demain. Il remonte la pente de la gorge. Il parvient à un point haut, duquel il peut voir la ville et la baie. Il se dirige vers une petite maison située dans une zone défavorisée, un terrain vague. Il y entre et son père, assis sur une chaise, l’accueille agressivement. Il lui reproche de n’arriver que maintenant, alors qu’il lui avait fixé cinq heures. Il l’accuse d’avoir traîné avec ses amis arabes, des voyous. Il l’accuse également de préférer leur compagnie à celle de son père. Le père de Mat continue ses reproches : lui il a combattu les parents des amis de son fils. Il estime que ce dernier le trahit, comme l’a fait sa mère. Il raconte que pendant la guerre, en Algérie, il a été blessé, handicapé à vie par une balle arabe, peut-être tirée par le père d’un ami de son fils. Il répète que Mat le trahit. Et lui il garde sous son toit un traître qui est son fils et qui ne jamais lui parle. Le père ne se souvient même pas du son de la voix de son fils. Voilà quelle est sa vie. Mat décide de sortir, et de laisser son père à ses récriminations. Il va s’accouder à la rambarde d’un pont au-dessus d’une autoroute, et il contemple les véhicules passer. Il finit par s’éloigner et par gagner le bord du rivage, par monter dans un petit bateau abandonné là, posé sur des cales. Il s’adosse à l’’extérieur sur l’avant de la cabine et il se met à rêvasser. Il imagine qu’il vogue sur l’océan à bord de ce petit bateau à moteur. Il voit les mouettes voler dans le ciel, et une île se profiler à l’horizon. Il laisse son bateau s’échouer sur la plage de sable, et il en descend. Il se tient sur un promontoire à regarder l’océan sans être conscient des Indiens arrivant dans son dos. Ils le capturent, l’emmènent dans leur camp et l’attachent à un poteau de torture, entamant une danse rituelle autour de lui. Edmond Baudoin a commencé sa carrière d’auteur de bande dessinée en 1981 ; cet album est déjà le vingt-et-unième de sa carrière. Cette œuvre s’inscrit dans ses œuvres de fiction, plutôt que celles autobiographiques, tout en exhalant avec la même intensité la personnalité de son auteur. Dès la couverture, le lecteur retrouve sa personnalité graphique si forte : des traits de pinceaux épais, des formes qui évoquent souvent des esquisses capturant toute la spontanéité du moment, du geste, de l’expression, de la posture, et de temps à autre une case avec des éléments encrés finement. Chaque dessin correspond à la vision personnelle de l’artiste, à ce qu’il ressent du moment, à la perception idiosyncrasique qu’il en éprouve. Il est à un stade de sa carrière où il conserve une mise en page à base de cases rectangulaires, avec des bordures, elles aussi tracées avec un trait épais, au pinceau. Les dimensions de cet ouvrage sont plus petites que le format traditionnel d’une bande dessinée : environ treize centimètres par trente-et-un, au lieu de vingt-deux par trente. Cela induit un nombre de cases également plus petit de trois à cinq par page, parfois uniquement deux ou un dessin en pleine page. Parfois certains éléments se retrouvent trop à l’étroit dans une bordure, et dépasse sur la case inférieure : un ballon de foot qui caracole, un mouvement du pied impétueux, un poisson qui se débat au bout d’un hameçon, une buse qui s’envole… Cela confère également à l’ouvrage une sensation plus intime. Comme l’annonce le titre, le récit se focalise sur quelques jours de la vie d’un garçon, peut-être tout juste adolescent vivant dans une ville côtière, peut-être Nice, évoquant différents aspects de son quotidien : les parties de foot avec des garçons de son âge, la relation toxique avec son père, la rencontre avec une fille de son âge, les promenades en solitaire. Le lecteur pourrait craindre un récit plombant, chargé de pathos et de dépression : il suit un garçon plein de vie dont le comportement s’est adapté tout naturellement aux circonstances de la vie, par des mécanismes psychologiques inconscients. Comme à son habitude, Baudoin se tient à l’écart de toute approche psychologique ou psychanalytique, il se contente de mettre en scène, de raconter, de vivre avec son personnage. Il laisse le lecteur totalement libre de réagir comme il l’entend à ce qui lui est montré, sa narration étant dépourvue de jugement de valeur. Les autres garçons ne savent rien de la vie de Mat : c’est comme ça. Le lecteur peut en déduire que Mat garde tout pour lui, qu’il a un caractère introverti, qu’il est taiseux, ou même qu’il préfère se tenir à l’écart des autres en dehors de cette activité aux règles établies qu’est le football. Élodie se montre curieuse vis-à-vis de Mat : il s’agit d’une inclination personnelle montrée factuellement, son intérêt étant manifeste par sa volonté de discuter avec le garçon, de savoir de quoi il rêve et d’y participer, et ça s’arrête là sans narrateur omniscient venant apporter des informations, sans accès au flux de pensées de la jeune fille. Dans le même temps, par sa mise en scène, par son jeu d’acteurs, la narration visuelle rend les personnages très proches. Sous cette apparence esquissée, Mat est vivant et expressif : le plaisir alors qu’il s’adonne entièrement au foot, entièrement convaincu lorsqu’il parle à la buse, sa réserve mutique pour se protéger lorsque son père déblatère des insanités méchantes et blessantes, son comportement romantique alors qu’il rêve d’une aventure qui l’emmène sur une île et qu’il rencontre la princesse de la tribu, sa sollicitude bienveillante quand il s’enquiert du pourquoi des larmes d’Élodie et qu’il s’active pour la rasséréner, ses larmes d’impuissance alors qu’il contemple les voitures circuler sous le pont où il se trouve, son empathie jusqu’à l’identification avec son père lorsque celui-ci pêche. Son admiration pour Élodie quand elle parvient à marcher en équilibre sur le câble tendu, son air dépité alors qu’il ne parvient pas à se lancer dans une nouvelle rêverie sur le bateau échoué, etc. La capacité du dessinateur à faire ainsi ressentir les émotions de son personnage relève de la pratique et une maîtrise de l’art pictural et séquentiel. Le lecteur se sent tout aussi proche d’Élodie et même du père de Mat, ne parvenant pas à le mépriser malgré son comportement méchant. Le lecteur se retrouve tout autant sous le charme des autres dimensions de la narration visuelle. Il peut constater que l’artiste utilise des dispositifs très classiques en termes de découpage d’une action, de cadrage, de simplification des formes, de plans fixes, ou encore d’absence de représentation du décor en arrière-plan. Toutefois, ces caractéristiques, parfois indicatrices d’une économie de moyens, participent ici d’une cohérence globale de sens. En fonction des moments et des cases, le lecteur peut voir les représentations devenir plus lâches, plus vagues, parfois plus conceptuelles flirtant avec l’abstraction, ou plus naïves (les habits folkloriques de la tribu habitant sur l’île onirique), les visages caricaturaux totalement habités par l’intensité d’une émotion inconsciente, etc. À l’opposé d’un spectacle superficiel, ces modes de représentation relèvent de l’expressionnisme. Baudoin joue également avec des symboles organiques, à commencer par le funambulisme. Mat se concentre sur son équilibre sur ce câble avec une concentration totale, à l’instar de la manière dont il vit pour s’adapter à chaque instant aux circonstances qui lui sont imposées, une image de la traversée de l’adolescence, comme pour Moonshadow (1985-87) de Jean-Marc DeMatteis & Jon Jay Muth. Le lecteur se prend immédiatement d’amitié pour ce jeune garçon peu favorisé par les circonstances de la vie. Il comprend son besoin de secret, son attachement pour cet oiseau blessé, sa souffrance en présence d’un père toxique que son épouse a quitté, son besoin de rêverie, et la forme de respect que lui apporte le foot. Voilà que l’amitié naissante qu’éprouve une jeune fille pour lui introduit un élément mettant en cause cette routine. Mat compense la souffrance de certains aspects de sa vie par l’évasion, et il semble que cet intérêt peut-être amoureux soit de nature à lui apporter un apaisement. Le lecteur sent ses propres sentiments remuer. Il s’interroge sur ce que la vue des voitures passant sur l’autoroute sous lui apporte au garçon : la certitude que tout passe, tout est fugace et impermanent, le principe que lui aussi pourrait passer et s’éloigner de cet ici, le ressenti qu’il est à l’écart de ce flux en mouvement ? La buse blessée constitue-t-elle une métaphore de ce garçon lui aussi blessé dans son développement normal, par la maltraitance psychologique des abus verbaux de son père ? Le funambulisme sur le câble est-il une métaphore du fait que Mat parvient à conserver son équilibre mental ? Ces interprétations tombent sous le sens, relèvent du sens commun. Le déroulement du récit vient remettre en question cette façon de voir : la buse guérira et partira, le père évoluera et la capacité de rêve et d’équilibre de Mat sera remise en question. Le lecteur voit alors plus dans le funambulisme une sorte de stase, d’adaptation comportementale étouffant et empêchant le développement naturel. Un petit garçon malheureux sous la coupe d’un père abusif, s’échappant par le foot, les soins apportés à un oiseau blessé et le rêve d’aventure… Une histoire bien balisée et larmoyante ? Rien de tout ça. Une narration visuelle d’une sensibilité et d’une justesse rares qui font ressentir les états émotionnels au lecteur avec gentillesse et prévenance, une histoire où l’absence de rêves est un signe de bon rétablissement. Touchant et étonnamment pragmatique.

25/06/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5
Couverture de la série Les Légendes des steppes
Les Légendes des steppes

La Mongolie fait partie des quelques pays que je rêve de voir un jour. C'est la raison pour laquelle j'ai été attiré par cette BD. J'ai découvert un petit pavé sympathique servi par un dessin absolument charmant. Oui, le trait est vraiment remarquable. Si son aspect général évoque bien entendu le manga/manhwa, il est finement exécuté, et me rappelle ce qui se fait de mieux dans le genre, du moins un style qui me plait beaucoup. Pour comparaison, je citerais La forêt magique de Hoshigahara et son dessin croquignolet. J'adore la manière dont l'auteur (ou l'autrice ? Qui se cache derrière ce nom d'Ajnai ?) représente les scènes extérieures, composant de larges plans où semblent perdues les quelques yourtes qui sont pour partie le théâtre de ces histoires. J'aimais moins les yeux des chevaux, très humains, trop humains, mais on comprend sur la fin que cet animal est décidemment un être central et fondamental pour les populations des steppes. Il fallait donc bien lui conférer une âme ! Ces histoires de trois fois rien, façon anecdotes racontées aux petits au coin du feu par le patriarche, baignent dans le mystère et le fantastique. Sans être épiques, elles dégagent un petit souffle frais. Il émane de cette BD un charme indéniable et fragile, comme une petite chose qui tente de survivre dans ce monde de bruit et de fureur. Petit à petit, on se laisse gagner par le rythme lent de ces histoires presque fantomatiques, et on en ressort un peu déboussolé, avec tout de même cette impression tenace d'avoir voyagé, ou d'émerger d'une longue et entêtante rêverie. Pour ma part, cette lecture a conforté mon envie de voyager tout là-bas, dans un monde tout autre. Pour qui souhaite s'extraire du cours tumultueux de l'actualité en vivant un petit dépaysement, ce recueil est du pain bénit.

25/06/2025 (modifier)
Couverture de la série Les Marins perdus
Les Marins perdus

C'est vraiment le type de récit détente polar que j'apprécie particulièrement. C'est bien construit avec une énigme du passé qui se dévoile petit à petit. L'intensité dramatique qui touche les trois marins de façons différentes pour réunir les trois destins dans un final émouvant augmente savamment au fil du récit. De plus la narration policière est complétée par la double ambiance du navire cloué à quai et celle de la ville de Marseille dans ses recoins sombres. La thématique du double amour impossible, la mer ou la femme est assez commune. Elle est pourtant très bien exploitée dans cette série avec une suite de rebondissements qui dynamisent le récit au fur et à mesure de la lecture. Christophe Belin propose ici un graphisme brut qui fait la part belle aux gueules des marins ou aux quartiers interlopes de Marseille. Une belle lecture avec de beaux personnages pour le genre.

25/06/2025 (modifier)
Couverture de la série S'enfuir
S'enfuir

Je ne suis pas un grand fan de Guy Delisle et pourtant j'ai adoré son récit sur la captivité de Christophe André. C'est probablement l'un des meilleurs récits de captivité que j'ai lu. Bien sûr il y a ce côté répétitif d'une vie de poisson rouge privé de liberté qui revit chaque jour le même ennui. Le style très épuré de Delisle respecte à la perfection cette monotonie qui cherche dans la moindre peccadille ( un peu de soupe renversée) un objet d'imprévu pour s'évader intellectuellement hors d'une platitude mortelle. Ce manque "d'actions" ou de dialogues est à la fois un vrai risque narratif mais aussi la garantie d'un récit authentique et sincère qui retranscrit une captivité difficile. Cependant son intégrité physique ou psychique n'est jamais mise à mal: pas de passage à tabac ni de lavage de cerveau. Nous restons dans un crime crapuleux sans syndrome de Stockholm ni empathie pour les ravisseurs. Les 480 pages se lisent assez vite et sans ennui si on accroche au rythme lancinant de la narration un peu comme lorsque l'on s'entraine sur un tapis de course à une allure établie sur une longue distance. La lecture a provoqué chez moi ce cadrage sur un rythme cardiaque fixe qui ne cherche pas la projection au lointain mais simplement la minute qui suit. C'est au point que j'ai vraiment vécu le dénouement avec une réelle excitation preuve que Delisle avait su faire passer chez moi son choix narratif. Evidemment derrière cet épisode dramatique c'est toute la thématique de la liberté injustement supprimée qui revient en mémoire. Des esclaves enchaînés à fond de cale aux enfants contraints aux pires servitudes c'est toute cette humanité devenue objet qui assaille notre mémoire. Je me suis senti très proche de Christophe tout au long de ma lecture. C'est dire si l'auteur a réussi à mes yeux.

25/06/2025 (modifier)
Couverture de la série La Propriété
La Propriété

Je découvre petit à petit l'œuvre de l'auteur israélien Rutu Modan que je trouve intéressante. L'auteur présente avec une vision intérieure des problématiques propres à l'histoire passée ou contemporaine de l’État Hébreu. Ici la thématique centrale est la réappropriation des biens juifs spoliés par les Nazis ou leurs alliés durant la guerre. Régina est une grand mère qui retourne à Varsovie à reculons pour récupérer l'appartement de ses parents assassinés par les occupants. Elle est accompagnée par sa petite fille Mica très déterminée à faire valoir son droit. Le schéma est simple voire simpliste mais se complexifie au fil du récit qui devient une véritable enquête familiale avec des liens sentimentaux anciens ou nouveaux qui vont dépasser la vénalité de l'entreprise initiale. J'ai beaucoup aimé la progression des personnages de Régina et Mica dans l'histoire. Modan décrit ainsi deux modèles féminins forts qu'il veut probablement représentatifs de la société de son pays. L'auteur parsème son récit de beaucoup d'humour pour alléger le contexte mémoriel qui reste très lourd. Il y ajoute un zest de provocation sur le personnage de l'oncle. La dernière réplique de Mica à Tomazs étant une des clés de la construction du récit. J'ai découvert le graphisme de Modan dans Exit Wounds avec ce faux aspect enfantin. Si les extérieurs manquent de détails , les personnages sont très expressifs et impriment un bon rythme à la narration. De plus je suis assez friand de ce type de mise en couleurs douces. Une belle lecture qui m'a bien séduit.

24/06/2025 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5
Couverture de la série Joker of Destiny
Joker of Destiny

3.5 Ben moi je lis des mangas et j'avoue ne pas comprendre en quoi le scénario est confus. Notre héros n'a aucune confiance en lui et il semble victime d'une malédiction: chaque fois qu'il fait un vœu et qu'il se réalise, un malheur lui arrive alors il préfère ne jamais faire de souhait, mais un jour il sera poussé par sa copine à en faire un pour obtenir un emploi, et à partir de là plusieurs choses vont se produire. Le scénario m'a séduit dès le début parce que l'idée de départ est bien trouvée, mais il faudra un peu de temps pour bien voir où l'auteur veut en venir. Au début, je me demandais si l'auteur allait faire un récit à la 'Death Note', vu que les deux personnages principaux ont entre les mains un pouvoir dangereux, puis le tome 2 introduit un nouveau personnage et l'histoire prend une tournure différente. J'ai bien aimé cette histoire souvent touchante, qui fait parfois réfléchir et qui ne dure pas éternellement. Le dessin est pas mal.

24/06/2025 (modifier)
Couverture de la série Le Royaume sans nom
Le Royaume sans nom

Je tourne autour depuis sa sortie, j’ai finalement craqué sur le bon retour de mon libraire. Et bin ça ne révolutionnera pas grand chose mais une lecture forte agréable au final. Pourtant pas spécialement jouasse de prime abord, une couverture plutôt moyenne, des couleurs informatiques, un dessin tout droit sorti du Roi lion … et surtout ce sentiment que ça surfe gentiment sur le succès des 5 Terres. Les récits Fantasy anthropomorphiques ont le vent en poupe : L'Ogre Lion, Sa Majesté des Ours… Le royaume sans nom ajoute sa petite pierre à l’édifice en ajoutant modérément une dramaturgie toute shakespearienne. Passé les premières pages, je suis vite rentré dans cet univers, on peut reprocher des trucs mais j’en suis sorti pas mal conquis. Pas d’énormes surprises au menu cependant les ingrédients fonctionnent très bien. C’est admirablement raconté, malgré la multitude de personnages nous ne sommes jamais perdu, franchement hâte de connaître la suite. Un bel équilibre entre sérieux et humour discret, le dessin est parfait. Je n’attendais pas les auteurs de Blind Dog Rhapsody dans ce registre, bravo à eux. MàJ après tome 2 : Un 2ème tome dans la lignée du premier, c’est toujours bien agréable à suivre. Les persos sont toujours aussi sympas, les masques commencent à tomber, l’histoire avance à grands pas sans se laisser deviner et tout délivrer … bref du chouette boulot. J’attends de pied ferme la conclusion et conseille de bon cœur la série aux amateurs de Game of thrones. MàJ après tome 3 et clap de fin : La conclusion tant attendue arrive enfin, et si je l’ai aimée, j’avoue qu’elle m’a un peu désappointé. J’ai trouvé que ça allait un poil trop vite, on perd en légèreté pour accentuer le côté shakespearien. La mort est omniprésente mais ce qui me gêne le plus, c’est le volte face de certains caractères. Une transition plus douce m’aurait davantage gré. Je reste toutefois sur ma bonne côte, le genre de série que je prendrais plaisir à relire. Une trilogie efficace avec de solides arguments.

15/01/2024 (MAJ le 24/06/2025) (modifier)
Couverture de la série Versatile
Versatile

Le dessin de Clothilde Chauvin est intéressant. Un trait moderne et léger au rendu plaisant. Je note juste un peu d’irrégularité (et un rendu un peu moins soigné sur certaines cases vers la fin). Je n’ai pas non plus accroché au visage de profile de Célimène, surtout son nez, comme atrophié. Mais pour le reste, dessin et colorisation sont plutôt sympas. Le texte est assez littéraire parfois, jusqu’au jeu de mot final qui semble avoir été amené dès le départ et le choix du prénom de l’héroïne. En tout cas les dialogues s’insèrent très bien dans cette vision de la cour de Versailles au XVIIIème siècle (un peu comme avait pu le faire sur un autre registre le très bon film « Ridicule »). Le fait de nommer la cour et le royaume Versatile joue habilement sur le double sens, en sus du mot détourné, cela donne aussi une clé de lecture : quoi de plus mouvant que la réputation à la cour ? C’est dans cet univers que nous suivons Célimène, qui cherche à tout prix – mais vraiment à tout prix ! (Les scrupules ne l’étouffent pas) – à gravir l’échelle sociale le plus vite et le plus haut possible. Obnubilée par cet objectif, elle en oublie de réellement vivre, et refuse de sacrifier cette ascension sociale sur l’autel de l’amitié, de l’amour. Le final assez ironique est cruel, car elle a côtoyé très tôt celui qui aurait pu la contenter dans tous les domaines, mais sa fierté mal placée l’empêche de le voir – c’est-à-dire d’admettre qu’elle s’est trompée, et que la « réussite » d’une vie pouvait être obtenue sans accumuler des « piastres » (la monnaie qui étalonne à Versatile la position de chacun). Un petit conte cruel bien scandé par « l’horloge de la réussite » introduisant chaque chapitre, dont on devine d’emblée que, à l’instar des montres, une fois votre heure passée, la suivante recommence un nouveau cycle : la chute est si près du sommet… Une petite lecture sympathique et recommandable.

24/06/2025 (modifier)