Marie Bardiaux-Vaiente et Gally ont fait le pari d'intéresser leurs lectrices et lecteurs à un sujet sorti tout droit du Dalloz pour étudiants de Sciences-Po. C'est audacieux et louable car les autrices font le choix de la curiosité et de l'intelligence.
Personnellement je trouve le pari réussi. En effet qui dans le grand public connait vraiment le Conseil Constitutionnel ? C'est pourtant une instance originale et novatrice qui garantit nos libertés démocratiques. Les autrices proposent un schéma narratifs qui s'appuie sur trois axes forts: l'histoire, la fonction et des anecdotes signifiantes.
L'histoire nous renvoie au général De Gaulle et à la création de la cinquième République. La question fondatrice est simple mais fondamentale : qu'est ce qui prime: la loi ou la constitution ? Outil assez peu utilisé jusqu'en 1971 et "la décision liberté d'association".
Par quelques schémas les autrices montrent ensuite la place du Conseil dans la place du Droit Français. Elle concluent par sa fonction la plus spectaculaire lors des élections présidentielles.
Le récit n'est pas aride grâce à l'exploitation d'anecdotes signifiantes qui montrent comment tout individu peut à travers une QPC (Question prioritaire de constitutionnalité) peut faire modifier la loi française.
Le dessin plein d'humour de Gally fait contrepoids au sérieux du propos. C'est toujours léger et drôle tout en respectant l'institution.
Une lecture étonnante où j'ai appris de nombreuses choses sur les institutions. A lire dès le lycée.
Ouh, voilà un album avec une base classique mais une exécution efficace !
J'ai décidé de lire cet album sur un coup de tête, la couverture m'avait attiré l'œil et les quelques pages mises à disposition sur le site m'avaient donné envie de lire l'histoire.
C'est un genre de récit qui marche beaucoup sur moi, mêlant réflexions profondes sur la vie et l'humain et une forme fantasque. Ici, il est question de mort, de suicide, d'erreurs, de choix, de l'importance de chaque actions et décisions que l'on prend.
Catalina est seule, Catalina est amoureuse d'un homme qui la trompe avec sa propre colocataire, Catalina ne sait plus quoi faire, Catalina se tranche les veines sur un coup de tête. Sauf qu'au lieu de mourir, Catalina reçoit la visite d'une étrange jeune femme du nom de Karmen, dont le nom va très rapidement nous faire comprendre le rôle qu'elle va jouer dans cette histoire : celui du juge karmique.
L'histoire est efficace, en tout cas c'est le genre d'histoire qui me parle énormément. J'aime les récits où les fonctionnements naturels de l'univers sont régis par des êtres parfaitement humains (en tout cas humanoïdes), influençant personnellement le fonctionnement des choses. J'aime aussi les récits où un élément fantastique vient chambouler le quotidien, où une vie tout ce qu'il y a de plus banale change du jour au lendemain à cause d'un évènement paranormal, où la vie quotidienne d'antan prend toute sa saveur face aux conséquences du fantastique. J'aime enfin le sujet de la mort, son inéluctabilité, ses symboliques, la valeur qu'elle donne à la vie par contraste, et aussi ses conséquences pour les vivant-e-s. Comme beaucoup, malheureusement, je suis familière avec le sujet du suicide, l'isolement, le poids de l'idée, le risque parfois de passer à l'acte sur un coup de tête. Peut-être est-ce pour cela, d'ailleurs, que l'album m'a autant touché. En tout cas, j'ai pleuré à chaudes larmes.
Je ne peux que conseiller cet album, cela a été une excellente surprise pour moi.
(Et je vais de ce pas rappeler les personnes que j'aime).
"Speak", comme le mot peut l'indiquer (ou pas), raconte l'histoire d'une jeune fille qui se mure dans son silence, qui se renferme sur elle-même, qui se nécrose à petit feu.
C'est l'histoire d'une jeune fille comme il en existe malheureusement tant d'autres, isolée, harcelée, effacée, désespérée, et qui cache en elle un secret qui la détruit morceau par morceau. Ce qui la détruit ne nous est pas directement raconté mais se devine petit à petit, puis nous est suggérée, puis montré et enfin nommé : Mélinda s'est fait violer il y a de ça un an. Ce rythme de la révélation, mis en parallèle avec la situation de Mélinda qui nous parait de plus en plus catastrophique, marche beaucoup. On se sent étouffé comme elle par ce qui lui est arrivé, par ce que les autres lui font subir sans vraiment chercher à comprendre ce qu'elle vit, par ce besoin de plus en plus viscéral de faire quelque chose, d'exploser, de parler.
La montée en tension, l'acte immonde qui se devine progressivement, le mal-être profond de la protagoniste, ce besoin de plus en plus irrépressible de crier, de dire, d'agir face à tout ce qui lui arrive… l'album maintient l'attention tout du long, on voit à peine les pages passer.
Le récit est réaliste, retranscrit très bien le fonctionnement chaotique et souvent cruel des jeunes ados, les "punitions sociales" typiques de cet âge, et surtout les conséquences du viol et du trauma qui s'en suit. Les mots employés, les réactions, l'image du corps, tout semble vrai et joue sur le côté prenant et terrible de l'album.
Dans la préface, l'autrice du roman d'origine parle très rapidement du travail cathartique qu'a été d'écrire cette histoire, nul doute que le côté réaliste vient donc de sa propre expérience.
La mise à disposition de numéros d'urgences à la fin de l'album est un très bon ajout.
Voilà une histoire bien fichue, vraiment prenante. Une nouvelle fois, Vehlmann a pondu un très bon scénario, bien huilé, fluide. Et qui sait ménager quelques surprises, malgré une intrigue somme-toute assez linéaire. En effet, on se débarrasse régulièrement de personnages importants, que l’on pensait destinés à nous accompagner plus longtemps.
Le premier chapitre semblait nous amener vers un récit préhistorique, avec uniquement des animaux pensant et parlant comme protagonistes. La suite se révèle plus complexe. J’ai bien aimé ce récit âpre, violent, un long voyage qui fait suite à une catastrophe (qui la prolonge plutôt). Ni la catastrophe, ni l’univers dans lequel se déroule l’intrigue ne sont réellement expliqués, mais on est quand même embarqué sans être frustré.
L’histoire est d’autant plus agréable à lire que le dessin et la colorisation de Roger sont eux-aussi réussis, chouettes.
On a là un album plaisant.
L'album nous raconte l'histoire de trois grands spationautes, Jim, Mike et John, partis fouler de leur pied le sol jusque là inexploré de notre voisine rouge. Leur épopée stellaire sera semée d'embûches, comme les problèmes de communication avec leurs supérieurs ou encore des rencontres extraterrestres angoissantes (même si l'une tournera rapidement en amour torride et compliqué façon telenovela).
Sans surprise, comme pour les autres collaborations entre Fabcaro et Fabrice Erre, ici nous avons droit à de l'humour con. Du vrai, du brut, celui reposant uniquement sur l'incommensurable connerie de chacun des personnages.
Si on aime le genre (ce qui est mon cas), la lecture est très agréable.
(Note réelle 3,5)
Si vous cherchez un fil conducteur, un semblant de narration cohérente, passez votre chemin : ici, on suit vaguement des personnages, jouant des rôles plus clichés et absurdes les uns que les autres, le scénario n'a aucun sens, ... Franchement, le serveur du café a raison, ce n'est pas avec ça que Fabcaro vendra plus 8 albums.
Mais bon, c'est facile à dire quand on se contente de lire l'histoire, parce que l'auteur est au bord de la dépression et tout le monde s'en fout. Alors ça lui fait une belle jambe de devoir écrire une histoire qui a du sens quand lui-même ne sait plus où il va. Et en plus il faudrait réparer la clôture !
Nan, vraiment, dans ces conditions, comment voulez-vous pondre une histoire qui ait du sens ?
(Note réelle 3,5)
On prend la même idée d'histoire sans queue ni tête que dans La Clôture, on rend ça encore plus décousu, encore plus con, on saupoudre le tout d'un propos sur le temps qui passe, le passage à l'âge adulte et une esthétique parodique de western et on obtient "-20% sur l'esprit de la forêt".
Contrairement à La Clôture, nous n'assistons pas ici à un simple craquage nerveux, cet album est en réalité un peu plus profond : le propos sur le passage à l'âge adulte et le temps qui passe n'est pas qu'accessoire, c'est véritablement le fil conducteur de l'œuvre. Bien qu'il n'y ait pas de réel conclusion, ce récit nous partage quand-même les pensées et le sentiment de vieillissement de l'auteur, ressassant le passé avec sa tante et se remémorant sa jeunesse. Il y a un véritable sentiment de déprime, de peur de se perdre, de ne plus savoir vraiment qui l'on est, qui l'on a été ou ce que l'on devient qui se dégage de ce récit.
Et ce n'est pas pour ce côté touchant et déprimant que j'aime autant cet album (enfin pas que), c'est surtout parce qu'il me fait sincèrement rire. Aux éclats. Je suis très sensible à l'humour con et absurde de Fabcaro et là on est encore sur une œuvre de bonne facture. La lecture est on ne peut plus recommandée pour moi.
J'ai un faible pour les histoires à la forme légère et humoristique et au fond plus lourd.
Comme à son habitude depuis déjà plusieurs albums, Fabcaro nous propose ici un récit faussement sérieux, avec de grandes tirades absurdement ampoulées pour illustrer les dialogues les plus idiots possibles, avec un dessin là aussi faussement sérieux.
L'histoire se veut ici noire, un polar sombre au coeur du tournage d'un western à Hollywood. Tout du moins, ça c'est la version officielle, parce que dans les faits le crime est absurde (quelqu'un a dessiné une bite sur la joue de l'actrice principale), on nous révèle le coupable sur les premières pages, et l'enquête n'a ni queue ni tête.
Mais cet aspect chaotique est compréhensible, écrire une histoire si ambitieuse n'est pas de tout repos. Surtout quand l'auteur souffre d'une terrible hernie, menaçant ainsi de mettre fin à sa carrière à tout moment, qu'il faut aller chercher le foin chez la fermière acariâtre, et qu'il faut survivre face aux railleries de ses proches qui ne cessent de lui répéter que "quand-même, cette histoire de bite sur la joue, c'est un peu la honte".
De toute façon, c'était ça ou "les aventures de Testicule la libellule", alors...
C'est du Fabcaro classique, mais mené comme à son habitude avec talent. En tout cas je ne m'en lasse pas, j'éclate de rire à chaque relecture.
Fable écolo sur fond de surexploitation de la forêt amazonienne : les très belles planches de l'album nous emmènent à la chasse aux papillons.
Matz est un auteur que l'on connaît bien et que l'on apprécie beaucoup (la série Le Tueur, c'est lui), mais on ne le connaissait pas collectionneur de papillons !
Entre deux polars, il s'est autorisé une petite parenthèse écolo avec Frédéric Bézian pour nous emmener à la chasse aux papillons en Amazonie : Les papillons ne meurent pas de vieillesse.
Matz s'est même permis un petit clin d’œil à ses fans puisqu'il a baptisé son papillon impossible le Parides Ascanius Nolentus (son nom de ville est Alexis Nolent) !
Au fil de leur courte existence de quelques jours "les papillons, fragiles et vulnérables, ne meurent pas de vieillesse, mais de mort violente".
Voilà bien une sympathique fable écolo sur fond de surexploitation de la forêt amazonienne : un roman d'aventures, un thriller politique qui met en scène les enjeux complexes de la région.
Le dessin de Frédéric Bézian est une réussite avec un beau dégradé de gris que viennent illuminer de temps à autre seulement les parures colorées des papillons : un pari audacieux mais vraiment gagné. Le gris pointillé évoque les gravures scientifiques d'antan.
Pour profiter des changements de rythme qu'autorise la BD (F. Bézian aime à dire qu'il ne fait pas du cinéma sur papier), l'album est émaillé de planches d'entomologie 'vintage' et même de quelques beaux haïkus comme celui-ci du poète japonais Arakida Mortake :
« [...] Tombé de la branche
Une fleur y est retournée :
C'était un papillon. »
L'album semble appeler une suite, d'autant qu'une douce complicité va se nouer entre la jeune Géraldine et le brésilien Candido ... ! On attend déjà avec impatience !
La réapparition d'espèces disparues de papillons n'est pas de la science-fiction. Il y a bien sûr quelques "lâchers" volontaires pour réintroduire certains insectes mais les entomologistes découvrent également des résurrections tout à fait naturelles comme par exemple celle de la Nonagrie soulignée dans nos marais atlantiques. Cela vient compenser un petit peu les trop nombreuses extinctions.
Camille est un expert entomologiste et grand collectionneur de papillons.
Il emploie au Brésil un chasseur local, Candido.
Chez lui en France, il héberge sa jeune cousine, Géraldine qui l'aide à trier ses bestioles.
Camille et Géraldine vont rejoindre Candido en Amazonie.
Cette histoire aurait pu s'intituler l'histoire du "chasseur de papillons qui n'existent pas" ... puisque l'intrigue se noue en Amazonie lorsque l'on capture par hasard un papillon censé avoir disparu depuis de nombreuses années.
« [...] - Quel est le problème ?
- Le problème c'est que ce papillon est un Parides Ascanius Nolentus.
Le problème c'est qu'il vivait dans les marais de Rio de Janeiro ... !
... et si je dis "vivait", c'est qu'il a disparu depuis des années ... !
Regarde Candido, mon chasseur, travaille dans l'état du Roraima, au nord du Brésil, à des centaines, voire des milliers de kilomètres de Rio de Janeiro !
Tu comprends le problème, maintenant ? »
Un doux rêveur (Camille) et sa jeune cousine (Géraldine) vont accompagner le chasseur de papillons (Candido) au cœur de la forêt vierge pour confirmer la découverte énigmatique.
Jusque là tout va bien pour cette petite équipe qui joue les Tintin en Amazonie, mais on se doute qu'avec Matz au scénario, la balade des gentils écolos ne sera pas de tout repos.
Ainsi Camille rédige un article pour le National Geographic et appelle à sanctuariser le secteur pour le protéger de la déforestation : évidemment les sociétés multinationales ne voient pas d'un très bon œil les projecteurs de l'écologie soudainement braqués sur une région où ils prospéraient jusqu'ici à l'abri des regards et nos héros devront également faire face à l'hostilité des paysans locaux qui exploitent ces terres pour l'orpaillage et le pâturage.
Au détour d'une belle planche d'entomologiste (page 25), l'album nous apprendra que le mot papillon vient du grec psukhê qui signifie souffle, le souffle de la vie qui caresse ce qu'il touche et par extension âme puisque celle-ci s'envole dans notre dernier soupir.
Cette série jeunesse m'a procuré une belle lecture à la fois classique et surprenante. Le schéma central est classique avec ce jeune Wally à la recherche du père et voulant resouder le noyau familial avec l'aide merveilleuse d'une renarde espiègle. Les auteurs proposent un univers qui équilibre le merveilleux, le fantastique et une comédie familiale. La surprise provient de ce troisième volet où le récit familial introduit des thématiques décalées: une fratrie de type Cain/Abel et un comportement maternel qui prend à rebours les stéréotypes usuels. C'est une volonté scénaristique qui ouvre la lecture à un lectorat plus adulte mais qui risque de désorienter des lecteur-ices plus jeunes. Toutefois le récit n'est jamais ennuyeux et présente des rebondissements qui entretiennent le rythme et l'intérêt de la lecture. Le final sous forme d'une morale sociale est bien dans l'esprit du récit.
J'ai beaucoup apprécié le graphisme qui m'a fait penser à du Sfar jeunesse ( Héliotrope, le petit prince ou les Sardines). Comme je possède la nouvelle édition grand format et en couleur j'ai goûté les belles planches dans une mise en scène très dynamique. Comme il y a beaucoup de situations nocturnes la mise en couleur bleutée est très importante pour bien faire passer l'ambiance. De ce côté le travail réalisé est une vraie réussite qui apporte un excellent confort de lecture pour tous les âges.
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Marie Bardiaux-Vaiente et Gally ont fait le pari d'intéresser leurs lectrices et lecteurs à un sujet sorti tout droit du Dalloz pour étudiants de Sciences-Po. C'est audacieux et louable car les autrices font le choix de la curiosité et de l'intelligence. Personnellement je trouve le pari réussi. En effet qui dans le grand public connait vraiment le Conseil Constitutionnel ? C'est pourtant une instance originale et novatrice qui garantit nos libertés démocratiques. Les autrices proposent un schéma narratifs qui s'appuie sur trois axes forts: l'histoire, la fonction et des anecdotes signifiantes. L'histoire nous renvoie au général De Gaulle et à la création de la cinquième République. La question fondatrice est simple mais fondamentale : qu'est ce qui prime: la loi ou la constitution ? Outil assez peu utilisé jusqu'en 1971 et "la décision liberté d'association". Par quelques schémas les autrices montrent ensuite la place du Conseil dans la place du Droit Français. Elle concluent par sa fonction la plus spectaculaire lors des élections présidentielles. Le récit n'est pas aride grâce à l'exploitation d'anecdotes signifiantes qui montrent comment tout individu peut à travers une QPC (Question prioritaire de constitutionnalité) peut faire modifier la loi française. Le dessin plein d'humour de Gally fait contrepoids au sérieux du propos. C'est toujours léger et drôle tout en respectant l'institution. Une lecture étonnante où j'ai appris de nombreuses choses sur les institutions. A lire dès le lycée.
Karmen
Ouh, voilà un album avec une base classique mais une exécution efficace ! J'ai décidé de lire cet album sur un coup de tête, la couverture m'avait attiré l'œil et les quelques pages mises à disposition sur le site m'avaient donné envie de lire l'histoire. C'est un genre de récit qui marche beaucoup sur moi, mêlant réflexions profondes sur la vie et l'humain et une forme fantasque. Ici, il est question de mort, de suicide, d'erreurs, de choix, de l'importance de chaque actions et décisions que l'on prend. Catalina est seule, Catalina est amoureuse d'un homme qui la trompe avec sa propre colocataire, Catalina ne sait plus quoi faire, Catalina se tranche les veines sur un coup de tête. Sauf qu'au lieu de mourir, Catalina reçoit la visite d'une étrange jeune femme du nom de Karmen, dont le nom va très rapidement nous faire comprendre le rôle qu'elle va jouer dans cette histoire : celui du juge karmique. L'histoire est efficace, en tout cas c'est le genre d'histoire qui me parle énormément. J'aime les récits où les fonctionnements naturels de l'univers sont régis par des êtres parfaitement humains (en tout cas humanoïdes), influençant personnellement le fonctionnement des choses. J'aime aussi les récits où un élément fantastique vient chambouler le quotidien, où une vie tout ce qu'il y a de plus banale change du jour au lendemain à cause d'un évènement paranormal, où la vie quotidienne d'antan prend toute sa saveur face aux conséquences du fantastique. J'aime enfin le sujet de la mort, son inéluctabilité, ses symboliques, la valeur qu'elle donne à la vie par contraste, et aussi ses conséquences pour les vivant-e-s. Comme beaucoup, malheureusement, je suis familière avec le sujet du suicide, l'isolement, le poids de l'idée, le risque parfois de passer à l'acte sur un coup de tête. Peut-être est-ce pour cela, d'ailleurs, que l'album m'a autant touché. En tout cas, j'ai pleuré à chaudes larmes. Je ne peux que conseiller cet album, cela a été une excellente surprise pour moi. (Et je vais de ce pas rappeler les personnes que j'aime).
Speak
"Speak", comme le mot peut l'indiquer (ou pas), raconte l'histoire d'une jeune fille qui se mure dans son silence, qui se renferme sur elle-même, qui se nécrose à petit feu. C'est l'histoire d'une jeune fille comme il en existe malheureusement tant d'autres, isolée, harcelée, effacée, désespérée, et qui cache en elle un secret qui la détruit morceau par morceau. Ce qui la détruit ne nous est pas directement raconté mais se devine petit à petit, puis nous est suggérée, puis montré et enfin nommé : Mélinda s'est fait violer il y a de ça un an. Ce rythme de la révélation, mis en parallèle avec la situation de Mélinda qui nous parait de plus en plus catastrophique, marche beaucoup. On se sent étouffé comme elle par ce qui lui est arrivé, par ce que les autres lui font subir sans vraiment chercher à comprendre ce qu'elle vit, par ce besoin de plus en plus viscéral de faire quelque chose, d'exploser, de parler. La montée en tension, l'acte immonde qui se devine progressivement, le mal-être profond de la protagoniste, ce besoin de plus en plus irrépressible de crier, de dire, d'agir face à tout ce qui lui arrive… l'album maintient l'attention tout du long, on voit à peine les pages passer. Le récit est réaliste, retranscrit très bien le fonctionnement chaotique et souvent cruel des jeunes ados, les "punitions sociales" typiques de cet âge, et surtout les conséquences du viol et du trauma qui s'en suit. Les mots employés, les réactions, l'image du corps, tout semble vrai et joue sur le côté prenant et terrible de l'album. Dans la préface, l'autrice du roman d'origine parle très rapidement du travail cathartique qu'a été d'écrire cette histoire, nul doute que le côté réaliste vient donc de sa propre expérience. La mise à disposition de numéros d'urgences à la fin de l'album est un très bon ajout.
Le Dieu-Fauve
Voilà une histoire bien fichue, vraiment prenante. Une nouvelle fois, Vehlmann a pondu un très bon scénario, bien huilé, fluide. Et qui sait ménager quelques surprises, malgré une intrigue somme-toute assez linéaire. En effet, on se débarrasse régulièrement de personnages importants, que l’on pensait destinés à nous accompagner plus longtemps. Le premier chapitre semblait nous amener vers un récit préhistorique, avec uniquement des animaux pensant et parlant comme protagonistes. La suite se révèle plus complexe. J’ai bien aimé ce récit âpre, violent, un long voyage qui fait suite à une catastrophe (qui la prolonge plutôt). Ni la catastrophe, ni l’univers dans lequel se déroule l’intrigue ne sont réellement expliqués, mais on est quand même embarqué sans être frustré. L’histoire est d’autant plus agréable à lire que le dessin et la colorisation de Roger sont eux-aussi réussis, chouettes. On a là un album plaisant.
Mars !
L'album nous raconte l'histoire de trois grands spationautes, Jim, Mike et John, partis fouler de leur pied le sol jusque là inexploré de notre voisine rouge. Leur épopée stellaire sera semée d'embûches, comme les problèmes de communication avec leurs supérieurs ou encore des rencontres extraterrestres angoissantes (même si l'une tournera rapidement en amour torride et compliqué façon telenovela). Sans surprise, comme pour les autres collaborations entre Fabcaro et Fabrice Erre, ici nous avons droit à de l'humour con. Du vrai, du brut, celui reposant uniquement sur l'incommensurable connerie de chacun des personnages. Si on aime le genre (ce qui est mon cas), la lecture est très agréable. (Note réelle 3,5)
La Clôture
Si vous cherchez un fil conducteur, un semblant de narration cohérente, passez votre chemin : ici, on suit vaguement des personnages, jouant des rôles plus clichés et absurdes les uns que les autres, le scénario n'a aucun sens, ... Franchement, le serveur du café a raison, ce n'est pas avec ça que Fabcaro vendra plus 8 albums. Mais bon, c'est facile à dire quand on se contente de lire l'histoire, parce que l'auteur est au bord de la dépression et tout le monde s'en fout. Alors ça lui fait une belle jambe de devoir écrire une histoire qui a du sens quand lui-même ne sait plus où il va. Et en plus il faudrait réparer la clôture ! Nan, vraiment, dans ces conditions, comment voulez-vous pondre une histoire qui ait du sens ? (Note réelle 3,5)
-20% sur l'esprit de la forêt
On prend la même idée d'histoire sans queue ni tête que dans La Clôture, on rend ça encore plus décousu, encore plus con, on saupoudre le tout d'un propos sur le temps qui passe, le passage à l'âge adulte et une esthétique parodique de western et on obtient "-20% sur l'esprit de la forêt". Contrairement à La Clôture, nous n'assistons pas ici à un simple craquage nerveux, cet album est en réalité un peu plus profond : le propos sur le passage à l'âge adulte et le temps qui passe n'est pas qu'accessoire, c'est véritablement le fil conducteur de l'œuvre. Bien qu'il n'y ait pas de réel conclusion, ce récit nous partage quand-même les pensées et le sentiment de vieillissement de l'auteur, ressassant le passé avec sa tante et se remémorant sa jeunesse. Il y a un véritable sentiment de déprime, de peur de se perdre, de ne plus savoir vraiment qui l'on est, qui l'on a été ou ce que l'on devient qui se dégage de ce récit. Et ce n'est pas pour ce côté touchant et déprimant que j'aime autant cet album (enfin pas que), c'est surtout parce qu'il me fait sincèrement rire. Aux éclats. Je suis très sensible à l'humour con et absurde de Fabcaro et là on est encore sur une œuvre de bonne facture. La lecture est on ne peut plus recommandée pour moi. J'ai un faible pour les histoires à la forme légère et humoristique et au fond plus lourd.
Moon River
Comme à son habitude depuis déjà plusieurs albums, Fabcaro nous propose ici un récit faussement sérieux, avec de grandes tirades absurdement ampoulées pour illustrer les dialogues les plus idiots possibles, avec un dessin là aussi faussement sérieux. L'histoire se veut ici noire, un polar sombre au coeur du tournage d'un western à Hollywood. Tout du moins, ça c'est la version officielle, parce que dans les faits le crime est absurde (quelqu'un a dessiné une bite sur la joue de l'actrice principale), on nous révèle le coupable sur les premières pages, et l'enquête n'a ni queue ni tête. Mais cet aspect chaotique est compréhensible, écrire une histoire si ambitieuse n'est pas de tout repos. Surtout quand l'auteur souffre d'une terrible hernie, menaçant ainsi de mettre fin à sa carrière à tout moment, qu'il faut aller chercher le foin chez la fermière acariâtre, et qu'il faut survivre face aux railleries de ses proches qui ne cessent de lui répéter que "quand-même, cette histoire de bite sur la joue, c'est un peu la honte". De toute façon, c'était ça ou "les aventures de Testicule la libellule", alors... C'est du Fabcaro classique, mais mené comme à son habitude avec talent. En tout cas je ne m'en lasse pas, j'éclate de rire à chaque relecture.
Les Papillons ne meurent pas de vieillesse
Fable écolo sur fond de surexploitation de la forêt amazonienne : les très belles planches de l'album nous emmènent à la chasse aux papillons. Matz est un auteur que l'on connaît bien et que l'on apprécie beaucoup (la série Le Tueur, c'est lui), mais on ne le connaissait pas collectionneur de papillons ! Entre deux polars, il s'est autorisé une petite parenthèse écolo avec Frédéric Bézian pour nous emmener à la chasse aux papillons en Amazonie : Les papillons ne meurent pas de vieillesse. Matz s'est même permis un petit clin d’œil à ses fans puisqu'il a baptisé son papillon impossible le Parides Ascanius Nolentus (son nom de ville est Alexis Nolent) ! Au fil de leur courte existence de quelques jours "les papillons, fragiles et vulnérables, ne meurent pas de vieillesse, mais de mort violente". Voilà bien une sympathique fable écolo sur fond de surexploitation de la forêt amazonienne : un roman d'aventures, un thriller politique qui met en scène les enjeux complexes de la région. Le dessin de Frédéric Bézian est une réussite avec un beau dégradé de gris que viennent illuminer de temps à autre seulement les parures colorées des papillons : un pari audacieux mais vraiment gagné. Le gris pointillé évoque les gravures scientifiques d'antan. Pour profiter des changements de rythme qu'autorise la BD (F. Bézian aime à dire qu'il ne fait pas du cinéma sur papier), l'album est émaillé de planches d'entomologie 'vintage' et même de quelques beaux haïkus comme celui-ci du poète japonais Arakida Mortake : « [...] Tombé de la branche Une fleur y est retournée : C'était un papillon. » L'album semble appeler une suite, d'autant qu'une douce complicité va se nouer entre la jeune Géraldine et le brésilien Candido ... ! On attend déjà avec impatience ! La réapparition d'espèces disparues de papillons n'est pas de la science-fiction. Il y a bien sûr quelques "lâchers" volontaires pour réintroduire certains insectes mais les entomologistes découvrent également des résurrections tout à fait naturelles comme par exemple celle de la Nonagrie soulignée dans nos marais atlantiques. Cela vient compenser un petit peu les trop nombreuses extinctions. Camille est un expert entomologiste et grand collectionneur de papillons. Il emploie au Brésil un chasseur local, Candido. Chez lui en France, il héberge sa jeune cousine, Géraldine qui l'aide à trier ses bestioles. Camille et Géraldine vont rejoindre Candido en Amazonie. Cette histoire aurait pu s'intituler l'histoire du "chasseur de papillons qui n'existent pas" ... puisque l'intrigue se noue en Amazonie lorsque l'on capture par hasard un papillon censé avoir disparu depuis de nombreuses années. « [...] - Quel est le problème ? - Le problème c'est que ce papillon est un Parides Ascanius Nolentus. Le problème c'est qu'il vivait dans les marais de Rio de Janeiro ... ! ... et si je dis "vivait", c'est qu'il a disparu depuis des années ... ! Regarde Candido, mon chasseur, travaille dans l'état du Roraima, au nord du Brésil, à des centaines, voire des milliers de kilomètres de Rio de Janeiro ! Tu comprends le problème, maintenant ? » Un doux rêveur (Camille) et sa jeune cousine (Géraldine) vont accompagner le chasseur de papillons (Candido) au cœur de la forêt vierge pour confirmer la découverte énigmatique. Jusque là tout va bien pour cette petite équipe qui joue les Tintin en Amazonie, mais on se doute qu'avec Matz au scénario, la balade des gentils écolos ne sera pas de tout repos. Ainsi Camille rédige un article pour le National Geographic et appelle à sanctuariser le secteur pour le protéger de la déforestation : évidemment les sociétés multinationales ne voient pas d'un très bon œil les projecteurs de l'écologie soudainement braqués sur une région où ils prospéraient jusqu'ici à l'abri des regards et nos héros devront également faire face à l'hostilité des paysans locaux qui exploitent ces terres pour l'orpaillage et le pâturage. Au détour d'une belle planche d'entomologiste (page 25), l'album nous apprendra que le mot papillon vient du grec psukhê qui signifie souffle, le souffle de la vie qui caresse ce qu'il touche et par extension âme puisque celle-ci s'envole dans notre dernier soupir.
Wally Doyle et le Passe-Mémoire
Cette série jeunesse m'a procuré une belle lecture à la fois classique et surprenante. Le schéma central est classique avec ce jeune Wally à la recherche du père et voulant resouder le noyau familial avec l'aide merveilleuse d'une renarde espiègle. Les auteurs proposent un univers qui équilibre le merveilleux, le fantastique et une comédie familiale. La surprise provient de ce troisième volet où le récit familial introduit des thématiques décalées: une fratrie de type Cain/Abel et un comportement maternel qui prend à rebours les stéréotypes usuels. C'est une volonté scénaristique qui ouvre la lecture à un lectorat plus adulte mais qui risque de désorienter des lecteur-ices plus jeunes. Toutefois le récit n'est jamais ennuyeux et présente des rebondissements qui entretiennent le rythme et l'intérêt de la lecture. Le final sous forme d'une morale sociale est bien dans l'esprit du récit. J'ai beaucoup apprécié le graphisme qui m'a fait penser à du Sfar jeunesse ( Héliotrope, le petit prince ou les Sardines). Comme je possède la nouvelle édition grand format et en couleur j'ai goûté les belles planches dans une mise en scène très dynamique. Comme il y a beaucoup de situations nocturnes la mise en couleur bleutée est très importante pour bien faire passer l'ambiance. De ce côté le travail réalisé est une vraie réussite qui apporte un excellent confort de lecture pour tous les âges.