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Couverture de la série Tout seul
Tout seul

Tout seul est un peu à la BD, ce que Charlie Chaplin fut au cinéma.... pratiquement aucune parole, les sentiments et l'ambiance n'étant retranscrits que par le dessin. Alerté et intrigué par la publicité faite autour de cette BD, je me suis laissé tenter par sa lecture. Au premier abord, en feuilletant les pages, mon premier avis fut :"Oh mon dieu comme c'est vide, pas de couleurs, peu de lecture... mouais" Cette BD, au format roman, se lit vite, il est vrai, mais chaque case doit s'apprécier à sa juste valeur, chaque scène étant savamment découpée par Chabouté. Au final, en s'y attardant plus longuement, on finit par être totalement immergé, bloqué dans ce phare, perdu au milieu de l'immensité de la mer, lieu récurrent de cette BD. Seuls les "boums" viennent perturber le calme omniprésent des scènes. Boums dont l'origine est très surprenante et viennent argumenter la première page de l'œuvre où figure la définition du mot Imagination. J'ai d'ailleurs particulièrement aimé les scènes imaginaires précédant la définition du mot laissant au lecteur le soin de deviner le mot mystérieux ainsi que le passage de la corde m'arrachant un sourire à la dernière page... ceux qui l'ont lu comprendront certainement. Le noir et blanc dessert parfaitement l'ambiance du livre, renforce ce sentiment de solitude et permet de mieux se concentrer sur le dessin. En résumé, une œuvre atypique dans le paysage actuel de la BD. A lire. Originalité : 5/5 Histoire : 4/5 Dessin (x2) : 3,5/5 Mise en couleur : - NOTE GLOBALE : 16/20

20/03/2009 (modifier)
Par Chalybs
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Je suis Cathare
Je suis Cathare

2 tomes lus. Oh que voici une agréable surprise ! Alors que je viens de lire Croisade qui se déroule entre les années 1100 et 1300 et qui m'a déçu, je vois cet album avec le mot ''Cathare''. Me doutant que la période serait la même et attiré par une couverture que je trouve vraiment réussie, j'ouvrais donc l'album. Premier constat, le dessin est vraiment réussi, un vrai plaisir pour mes yeux. Le trait parfois un peu froid et distant est largement compensé par un trait précis, presque crayonné, aux postures et surtout aux cadrages recherchés, des perspectives alléchantes agréables et réussi. Et pourtant de prime abord ça ne paie pas de mine, car figé diront certains. Je ne suis pas d'accord. Et les couleurs, plutôt pastel, sont elles aussi très réussies avec des bons rendus, des couleurs contrastées et l'utilité de sépia façon vieillot pour les flash-backs parfait au point que cela passerait presque inaperçu de naturel ! Les décors et les ambiances sont surement l'un des atouts majeurs de cette BD avec une belle précision et pas mal de détails. Les couleurs de Claudia Chec y sont forcément pour quelques choses. Sans éclats, sans brillant ni paillette, ses couleurs douces s'ajustent parfaitement aux ambiances et subliment le trait d'Alessandro Calore. Donc, excellente première nouvelle le dessin dans toutes ses coutures me plait (d'accord, une ou deux expressions de visages notamment la femme affolée du début me gène un peu, mais il faut bien une faille ou deux…). Ensuite, le scénario est bien ficelé, sans difficulté, malgré quelques allers-retours spatio-temporels déconcertant la première fois. En même temps, lorsque l'on comprend que cela représente aussi l'état d'esprit du héro, tout colle et on comprend mieux alors ce qu'il doit ressentir ! On assiste en fait à l'inquisition de l'église contre les derniers Cathares, quand sans grand discernement, les prêtres brûlaient tous ceux qui de près ou de loin ressemblaient ou avait côtoyé un Cathare… Guilhem est un Cathare, mais son passé ne le dit plus. Amnésique, il est doué du don puissant de guérison. Dans cet album, nous verrons progressivement son passé le rattraper et les enjeux se nouer. C'est limpide, c'est intriguant, c'est palpitant. Les personnages sont bien pensés et charismatiques. Par contre, un bout du deuxième tome n'apporte pas grand-chose si ce n'est un éclairage et une mise en avant du carré amoureux formé par Guilhem, son frère, Nita et son ex mari Le défunt conte D'Olac. Si forcément ce dernier n'est que peu présent, le jeu des trois autres finit par être lassant et traine en longueur. Arnaut notamment est terriblement ennuyeux avec ses phrases à rallonge et ses pensées torturées. Le combat pour l'amour de Nita que l'on sait perdu d'avance aurait surement pu être traité plus rapidement. La tragédie romantique et tragique tourne mal et pour garder les termes du théâtre, la catharsis est raté, à aucun moment nos sentiments ne sont bousculés et nous ne parvenons pas réellement à nous sentir impliqué. Tout reste trop distant. Sinon, après m'être apitoyé sur ce bout de scénario qui casse un peu cet album, j'admets que le reste est toujours aussi plaisant. Le ton et le rythme calmes et posés de l'histoire me plaisent. Les personnages ont de vrais caractères énervants parfois, mais au moins ne laissent-ils pas indifférents. Le scénario se déroule sans faille. De plus, il s'agit selon ce que j'ai pu lire, d'une trilogie. Au moins, nous savons où nous allons et cela me pousse d'autant plus à suivre cette série. Je ne note pas cet album sur ses capacités à m'instruire, mais bien à m'emmener ailleurs, dans un autre monde fait de rêves. Je note sa capacité à m'avoir emporté et la facilité avec laquelle je parviens à plonger dans son univers. Mon jugement est complètement subjectif. Je comprendrais parfaitement que d'autres, désirant ou s'attendant à une BD historique digne de foi soient déçus voir dépités.

04/01/2008 (MAJ le 20/03/2009) (modifier)
Couverture de la série Inès
Inès

Inès est à mes yeux un modèle de sensibilité. Les attitudes de Inès et de sa mère sont décrites de façons remarquables. J'ai été particulièrement touché par les scènes mère/fille et les nombreux non-dits. Beaucoup d'émotions, qui toucheront particulièrement ceux qui ont été confrontés à la brutalité maritale ou parentale, de près ou de loin. Si en plus, ces mêmes personnes ont (ou ont eu) une petite fille, l'histoire risque de carrément prendre aux tripes. Et puis, putains de voisins, putains d'inconnus... Inès, c'est une histoire sans doute relativement banale, à laquelle on n'accorderait que peu d'importance dans la rubrique des faits divers du journal. Il n'empêche que c'est réellement poignant quand on ne se retrouve au cœur (et que c'est bien raconté).

20/03/2009 (modifier)
Couverture de la série Le Tour de Valse
Le Tour de Valse

Une belle histoire d’amour sur un fond historique intéressant. Le trait de Pellejero, une fois de plus, me séduit. Faussement naïf, excellent dans ses jeux d’ombres et de lumières, il est en plus extrêmement efficace dans l’expression des visages. Le cadre historique, à savoir les camps de travail sibériens après la seconde guerre mondiale, m’a interpellé. J’ai senti chez Lapierre un souci d’authenticité très appréciable. L’auteur s’est, à mon avis, bien documenté avant de se lancer dans ce récit. Et celui-ci y gagne en sincérité. L’histoire d’amour, elle, est très classique. Elle ne déborde pas d’originalité mais reste prenante. Un bel album, au final, qui vaut plus par son cadre et son illustration que par l’intrigue centrale, mais qui m’a laissé une très bonne impression.

20/03/2009 (modifier)
Couverture de la série Effleurés
Effleurés

Si vous voulez apprécier cet album, il vous faudra accepter le postulat de départ. Christophe, un des deux principaux protagonistes, est un gros con balourd que le passé de sa nouvelle copine n’intéresse absolument pas. J’ai du mal à y croire. En tout cas, personnellement, je ne saurais pas avoir une relation sérieuse avec une personne dont le parcours me laisse tellement indifférent que je préfère l’ignorer. Malgré cela, et dès que l’on a accepté ce point de départ, Effleurés est vraiment un très bel album. Le ton est personnel, le rythme agréable, l’analyse des comportements est fine et Fleur est très attachante. J’ai adoré certains dialogues et l’ensemble respire la spontanéité, la simplicité et la fraîcheur. Quant au dessin … on s’y fait. Ce n’est pas un style que j’affectionne, car le graphisme est assez simpliste, mais il est très bon au niveau des visages, expressifs au possible. Les couleurs ne sont pas non plus ce que j’ai vu de plus beau, mais elles conviennent finalement assez bien à l’ambiance du livre. Vraiment, je ne saurais mieux dire que ce « on s’y fait » qui peut paraître péjoratif ou réducteur mais qui convient parfaitement à mon sentiment. Il ne m’a pas séduit mais ce dessin aura contribué à mon appréciation de l’ensemble. Au final, cet album m’a bien plu jusque dans son titre, très joliment choisi. Mais comment peut-on prétendre aimer quelqu’un sans s’appliquer à l’écouter ?

20/03/2009 (modifier)
Couverture de la série Le Bouddha d'Azur
Le Bouddha d'Azur

Avec cette histoire d’amour, Cosey retrouvait un peu du charme de A la recherche de Peter Pan. Ce « Bouddha d’Azur » est une belle histoire sur un solide fond historique mais malheureusement plus « bavarde » que les meilleurs opus de l’auteur. La narration n’est pas aussi fluide, aussi naturelle mais le scénario nous tient en haleine. C’est très bon (et j’arrête là mes comparaisons). Cosey nous fait sentir son amour pour un pays et ses traditions. Sa culture semble ne plus avoir aucun secret pour lui (ce dont j’étais déjà convaincu à la lecture de « Jonathan »), mais ce récit est bien plus qu’une carte postale. Il y a un vrai souffle épique dans les mésaventures du couple Porridge-Lhahl, couple improbable et charismatique. Le dessin de Cosey reste égal à lui-même. Les décors de montagne sont sa plaine de jeu. Certaines planches sont superbes, envoutantes. Les différentes ethnies sont joliment et fidèlement illustrées et les visages des protagonistes sont toujours aussi expressifs. Seul petit bémol, certaines planches tiennent plus du documentaire scolaire que de l’illustration bd. Heureusement, elles sont rares et ne ralentissent pas trop le rythme du récit. Un très beau récit et une belle réussite pour un auteur sensible et talentueux.

20/03/2009 (modifier)
Couverture de la série Bessy
Bessy

Cette série a bercé mon enfance. Bessy était LA bd d’aventure pour les enfants et les jeunes adolescents belges. Vendue à un prix modeste, extrêmement classique et symptomatique d’une époque, elle combinait culture et aventure avec un réel talent. Si toutes les histoires se déroulaient en Amérique du Nord à l’époque des pionniers, elles ne se limitaient pas à des histoires de cow-boys et d’indiens, mais abordaient différents aspects de la colonisation de ce continent (je me souviens avec émotion d’un récit se déroulant dans le grand Nord : « les chasseurs d’ivoire », si ma mémoire est bonne). La variété des thèmes abordés, la simplicité des histoires, la multitude des rebondissements, … et le fait que mes parents lui reconnaissaient une valeur éducative ont fait de moi un grand fan de cette série. Le dessin du studio Vandersteen est excellent dans son genre. Réaliste et très lisible, il peut paraître simpliste de nos jours, mais à l’époque, c’était le top dans sa catégorie. De plus, alors que les dessinateurs se succédaient, le style restait cohérent et je n’ai compris que bien plus tard que plusieurs personnes en étaient les auteurs. N’ayant découvert la série qu’au début des années ’70, je ne connais pas les albums antérieurs, mais ceux situés entre les tomes 75 et 120 environs ont « imagé » mon enfance, la peuplant de courageux aventuriers, d’intrépides indiens, d’ignobles bandits et de nobles animaux, Bessy en tête. Elle est cependant très datée et je crains qu’un jeune lecteur actuel ne la trouve sans intérêts. Mais pour moi, cette série était franchement bien.

20/03/2009 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5
Couverture de la série Angelot du lac
Angelot du lac

Voilà clairement la meilleure BD d'Yvan Pommaux à mes yeux. Je connaissais ce dernier par ses différentes publications dans le magazine Astrapi et les albums qui en ont découlé (Marion Duval, etc...). J'aime bien son trait ligne claire mais jusqu'à présent celui-ci m'avait paru un peu simpliste, pas toujours très soigné ou trop épuré. Mais les planches d'Angelot du lac sont le plus souvent proprement superbes ! Du grand art en matière de ligne claire, de mise en page et d'esthétique. J'ai encore en tête des planches que j'adorerais encadrer et accrocher sur les murs de chez moi (la scène pluvieuse visible dans la galerie de la série en fait partie). J'ai lu la version couleurs des albums indépendants (l'intégrale est parue en noir et blanc, elle) et ces couleurs sont très réussies également. Bref, pour une série jeunesse, c'est une bande très bien dessinée. Le récit se place durant la Guerre de Cent Ans. C'est en quelque sorte une version pour enfants d'un récit tel que Les Compagnons du Crépuscule, le côté fantastique en moins. Les intrigues sont crédibles et mettent en scène de manière très vivante la vie médiévale de l'époque. L'ensemble est instructif pour les enfants désireux de découvrir le moyen-âge tout en offrant des aventures prenantes et de bons personnages. Le ton est parfois un peu dur mais les gentils gagnent heureusement à la fin, malgré l'amertume que certaines victoires impliquent. A lire ! Pour les jeunes comme pour les moins jeunes, c'est une très bonne et belle BD.

20/03/2009 (modifier)
Par Miranda
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Mamohtobo
Mamohtobo

J'ai d'abord été attirée par la couverture et quelle excellente surprise, c'est une nouvelle production de Nancy Peña ! Mais juste scénarisée par elle, le dessin est réalisé par Gabriel Schemoul, et on peut dire que je suis restée scotchée devant ses planches. Le même style graphique que De Crécy, le même coup de crayon, les mêmes tons de couleurs chaleureuses, je vais le suivre à la trace ce dessinateur. Je ferai un seul reproche, qui est celui que je faisais déjà à Nancy, toutes les cases n'ont pas la même finition, certaines ne sont que des esquisses et je les ai trouvées un peu fatigantes à déchiffrer. Je ne vois pas bien le but d'une telle démarche, alors que l'un comme l'autre ont beaucoup de talent niveau dessin. Encore une fois, j'espère que leurs prochaines productions ne suivront pas ce schéma. Côté scénario on retrouve tout de suite la tendresse qui marque les œuvres de Nancy. Une certaine simplicité mêlée de féminité et de sincérité empreignent les dialogues. Des matelots partent sur la banquise ravitailler une ville prisonnière des glaces, l'un d'eux doit se marier à son retour, mais d'étranges événements vont se produire, tant sur le bateau que sur la jolie robe de mariée de Taïssia. Entre superstition et fantastique sur fond de réalité, une histoire qui nous porte jusqu'à sa fin, accompagnés par des personnages très attachants.

20/03/2009 (modifier)
Par Spooky
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Jolies ténèbres
Jolies ténèbres

Connaissez-vous Sa majesté des mouches ? Il s’agit d’un roman écrit par l’Anglais William Golding en 1954. Un avion transportant des enfants issus de la haute société anglaise se crashe près d’une île déserte. Tous les adultes périssent, et les enfants tentent de s’organiser. Mais très vite ils retournent à un état sauvage, sans retour. Considéré comme une œuvre pour enfants, la violence de l’histoire est pourtant manifeste, et il s’agit d’un classique de la littérature traitant en fait de la fragilité de la civilisation. C’est un peu à cette œuvre (que je vous recommande) que m’a fait penser « Jolies ténèbres ». On se retrouve dans une microsociété privée d’adultes, et du coup les enfants se retrouvent dans des schémas primaires, jusqu’à sombrer dans la barbarie la plus extrême. Dans une telle société les personnes ayant des troubles psychologiques ne sont plus aidées, et deviennent soit des parias, soit des dominants. Fabien Vehlmann aime bien ce genre de situation, puisqu’il l’exploite également dans sa bonne série Seuls, sur un traitement nettement différent toutefois. Ici il a développé une idée originale de Marie Pommepuy et l’a poussée assez loin (peut-être pas jusqu’au paroxysme, mais assez loin quand même). Le regard porté sur Aurore et ses compagnons est celui d’un sociologue, on pourrait même parler d’entomologie eu égard à la taille des protagonistes. Ici le décalage est renforcé par le dessin des Kerascoët, un côté assez enfantin face à la violence inhérente et suggérée (parfois montrée) du propos. Il ne faut surtout pas croire que parce que le scénariste a écrit cette histoire, il est un sociopathe à tendances meurtrières, ce serait lui faire un mauvais procès… Non, il est juste parti d’une situation donnée et a tenté d’explorer un grand nombre de saynètes découlant de cette situation. Bien qu’il ne soit pas réellement découpé en petits chapitres, c’est ainsi que se présente ce one-shot. Au-delà du dégoût, de la répulsion que nous évoquent ces scènes, il convient en effet de prendre du recul. Bien sûr, cela peut réveiller des échos dans notre enfance. Certains d'entre nous ont peut-être eu la tentation d'arracher des pattes à des mouches, de manger des fourmis... Cela prouve une chose : ces situations, d’apparence grotesque, ne sont pas impossibles. L’Homme naît-il naturellement bon ? Oui, nous a enseigné Jean-Jacques Rousseau dans nos cours de philo au lycée. Au regard de ces œuvres, mais aussi de beaucoup de choses se passant dans le monde, on est réellement près d’affirmer exactement le contraire. Car l’Homme, laissé à lui-même, pourrait redevenir un animal, guidé par son instinct, sa rancœur ou son ambition. Le décalage est aussi présent dans le titre. « Jolies » relève du champ sémantique joyeux, appréciatif, alors que « ténèbres » laisse penser qu’il y a des choses sombres, inavouables dans l’album. Le titre est bien choisi, puisqu’après l’entame étrange, les tentatives « gentilles » d’Aurore pour instaurer une microsociété basée sur l’entraide et la bienveillance tombent toutes à plat, face aux caractères et aux ambitions de ses compagnons. Voilà pour une première analyse à tiroirs. [SPOILERS] Du côté de l’histoire proprement dite, il y a plusieurs questionnements qui viennent à l’esprit pendant ou après la lecture. Comment la petite fille est-elle morte ? Pourquoi personne ne la trouve pendant le long moment où se déroule le récit ? L’homme qui se balade à proximité et vit dans une maison proche est-il lié à cette petite fille ? Est-il son assassin, son père ? Remarquons que dans une case, son lit comporte deux oreillers, un grand et un petit. Qui sont tous ces enfants ? On ne le saura jamais vraiment, mais la façon dont ils apparaissent à Aurore laisse à penser qu’ils sont tous, elle comprise, des morceaux de l’âme d’Aurore, la petite fille morte. Celle qui se fait appeler ainsi ne serait peut-être que la fraction « raisonnée » de son esprit, les autres une partie des penchants naturels de l’âme humaine, suivant la théorie que j’ai développée sans talent au-dessus. Ces différentes facettes disparaissent les unes après les autres, à mesure que l’âme humaine s’échappe (meurt ?) du corps sans vie d’Aurore. Je n’ai pas d’interprétation pour la scène finale, Aurore restant seule face à l’homme sans nom. La dernière réplique trouve peut-être son écho dans la relation (pas claire) entre la petite fille morte et l’homme. C’est une interprétation possible, mais il y en a certainement d’autres. Le talent du scénariste est aussi de laisser la porte ouverte à l’interprétation, de montrer qu’il n’y a pas forcément une seule explication possible, mais autant qu’il y a de lecteurs. C’est une orientation qu’a prise Régis Loisel dans Peter Pan, une orientation qui n’a pas fini de faire jaser ; c’est le propre, selon moi, des œuvres de valeur. Autre point commun entre les deux œuvres, le regard de l’héroïne. Je n’oublierai jamais celui de Clochette, affiché en couverture du tome 6 de Peter Pan, un regard que recèle beaucoup de noirceur. Ce regard, Aurore l’affiche aussi dans la dernière partie de Jolies ténèbres, lorsqu’elle devient une exécutrice au sang froid. Ça donne des frissons. [FIN SPOILERS] Au final, il faut vraiment, à mon humble avis, se détacher des contingences civilisationnelles pour vraiment apprécier Jolies ténèbres. Elle mérite d'ailleurs au moins deux lectures successives, et probablement une troisième une fois ces deux premières digérées. Si l’on ne s’attache qu’aux actes, c’est une œuvre gore, à la limite du soutenable, on a envie de venir chercher ces enfants pour les ramener dans un cadre structuré. Car ces enfants sont condamnés à brève échéance, tous. Pour toutes ces raisons, "Jolies ténèbres" est une œuvre forte, qui ne laissera de toute façon pas indifférent, et c’est dans la polémique qu’elle soulève qu’elle révèle sa véritable profondeur. Et son véritable intérêt. Bien sûr, ce n’est pas une bande dessinée à mettre entre toutes les mains.

20/03/2009 (modifier)