Cette BD raconte une histoire assez banale d'une manière originale.
C'est la narration graphique qui fait sa force. J'ai cru au départ que ce serait un album complet sous la forme d'un Oubapo ou d'une création de Chris Ware du type Jimmy Corrigan , mais l'auteur n'insiste pas trop sur le côté novateur de sa narration et varie les plaisirs. Ses idées sont multiples en réalité.
Il y a d'abord ce choix d'une représentation de la quasi totalité de ses décors sous la forme d'une perspective isométrique, avec des vues en coupe rappelant un jeu vidéo tel que les Sims. J'adore ce type d'angle de vue, ça me donne toujours envie d'en fouiller les détails et de m'imaginer visiter les lieux. Et cela permet aussi de raconter plusieurs choses en parallèle selon l'endroit où l'on regarde dans ce décor multiple.
Pour l'action elle-même, mais aussi pour les récits parallèles et les nombreux flash-back, l'auteur insère des petits hexagones par-dessus ses décors qui sont autant de cases qui s'imbriquent pour raconter leurs histoires et leurs dialogues. Là encore, les hexagones me rappellent des jeux, de stratégie cette fois. Ils titillent ma fibre ludique et me donnent envie de me lancer dans la lecture.
En contrepartie, je dois admettre que cette originalité narrative ne favorise pas toujours la clarté du récit. A plusieurs moments, l'auteur montre des actions et dialogues simultanés pour insister sur le fait que tout est connecté et que d'autres personnes vivent dans la même ville, et ces passages là sont parfois un peu embrouillés. De même, il m'a fallu un moment pour repérer le code de couleur pour distinguer les récits en flash-back de ceux au présent donc j'étais légèrement perdu entre ce qui tenait du souvenir et ce qui tenait de l'action actuelle.
Concrètement, j'ai dû relire une deuxième fois l'album pour mieux capter ce qui était resté confus pour moi en première lecture. En effet, il m'a fallu arriver à la fin du premier tome pour bien voir qui était qui et les liens entre chacun, et du coup pouvoir mieux comprendre ce que j'avais lu auparavant quand je suis revenu dessus. En deuxième lecture, heureusement, tout est bien plus clair.
Cela pour dire que j'apprécie beaucoup cette originalité narrative et graphique mais qu'elle ne favorise pas forcément la simplicité de la compréhension.
Quant à l'histoire en elle-même, elle se laisse lire mais ne m'a que moyennement passionné.
Elle met en scène une poignée de jeunes adultes dont les parcours se croisent et se décroisent. Chacun des six chapitres du premier tome s'attache à l'un d'entre eux en particulier et on va vite constater qu'on croise la route de tous les autres au fur et à mesure et que, comme le titre l'indique, tout est connecté. Ils ont en majorité un passé en commun, leurs routes se sont écartées et ils se retrouvent à nouveau une paire d'années plus tard. La musique, le rock en particulier, est au centre de la vie de la plupart d'entre eux puisque deux d'entre eux ont formé un petit groupe à un moment donné, qu'une autre est amatrice de concerts et qu'une autre encore est disquaire et organise des concerts. Mais plus globalement, ce sont surtout les choix de vie et les éventuels regrets qui sont au cœur du récit.
Je ne me suis pas tellement attaché à ces personnages et à leur parcours. Leurs problématiques ne me touchent pas et elles ne m'ont pas tellement intéressé.
Mais j'ai tout de même été poussé à la lecture grâce à sa chouette narration, et par la curiosité aussi de lever le voile sur le passé de cette poignée de protagonistes en captant les indices que le récit sème au fil de ses pages. C'est aussi cela qui m'a poussé à une seconde lecture : pour mieux comprendre ce que j'avais capté initialement et être satisfait de voir tout s'éclaircir... ou presque puisqu'il reste encore un mystère à éclaircir, ces colis envoyés à l'un des personnages, et je suppose que l'on en saura plus par la suite.
En définitive, j'ai plutôt bien apprécié ma lecture, surtout grâce à l'originalité de sa construction, mais moins grâce à ses personnages et à son intrigue en elle-même.
J’ai bien aimé l’originalité de ce conte. C’est, je trouve, son gros point fort alors qu’il est quand même difficile d’innover dans ce créneau. Et si le début du récit déroute car il semble dépourvu d’un fil conducteur, les auteurs parviennent rapidement à emboîter les pièces de leur puzzle pour nous offrir un ensemble cohérent et singulier.
Le dessin d’Alfred est lui aussi très agréable à lire car très expressif et bien typé.
En fait, il ne m’aura manqué qu’un peu plus d’émotion pour passer du « pas mal » au « franchement bien ». Les personnages et leur destin n’ont pas la dimension dramatique nécessaire à mes yeux pour que je m’émeuve de leur sort. Ça reste trop gentil, trop en surface à mon goût mais c’est un chouette album et je ne regrette en rien cette lecture.
Si je trouve cette bande dessinée bien réalisée, je finis ma lecture avec un sentiment mitigé, un peu déçu qu’il ne s’agisse en rien d’une histoire vraie alors que l’introduction laissait entrevoir le fait qu’elle était au moins inspirée par des faits réels.
Au rayon des bons points : le dessin de Lucas Varela, la mise en page classique, le découpage tout aussi classique, l’idée de départ et quelques scènes amusantes.
Le dessin de Lucas Varela est d’une parfaite lisibilité. Il apporte également une touche vintage, tant par le trait que par les couleurs, en parfaite harmonie avec l’époque et le thème de l’album. Les personnages ont des traits expressifs. Les décors, dont l’architecture du fameux labo, nous plongent eux aussi dans les années ’70. C’est vraiment agréable au niveau du visuel.
Le découpage qui alterne deux époques est construit d’une manière très classique (introduction qui se déroule dans les années ’70 – passage à l’époque actuelle pour placer la narratrice qui va nous raconter l’histoire de ce labo – retour aux années ’70 pour l’histoire en question – retour à l’époque actuelle pour la conclusion). C’est facile et agréable à suivre, avec une petite trouvaille que j’ai bien appréciée (un film publicitaire placé en début du récit et qui nous explique succinctement le contexte global de l’entreprise familiale).
L’idée de départ -ce labo perdu en pleine cambrousse française et dans lequel vont être créés l’ordinateur personnel, l’internet et même le smartphone- est originale et peut exploiter certains faits réels (quelques personnages de ce récit sont inspirés par des personnes ayant réellement existé).
Le caractère saugrenu du personnage central, son amour pour la course à pied et ses flashs visionnaires apportent un peu d’humour et de légèreté au récit.
Pourtant, je reste sur ce sentiment d’un album anecdotique. Pas déplaisant, facile à lire, mais auquel il manque des moments forts. Surtout j’ai ce sentiment d’avoir eu à lire une œuvre assise le cul entre deux chaises, entre le burlesque de certaines scènes et l’assise historique de certains concepts. Et je pense que c’est là que ça a coincé chez moi.
Ce n’est certainement pas un mauvais album, mais avec autant de qualités, c’est dommage de ne pas avoir réussi à rendre ce récit plus captivant. Pas mal, donc… mais j’en attendais plus.
2.5
J'ai finalement tout lu le run controversé de Tom King et disons que je comprends parfaitement que plusieurs n'aiment pas car j'ai moi même des reproches face à son style.
Je ne suis pas certain de mettre 3 ou 2 notes car je ne suis pas franchement fan des derniers tomes, mais dans les premiers il y a des moments sympathiques. En gros, il y a des idées de King que j'ai trouvé intéressantes et d'autres que j'aime moins et selon moi ça dérape aux huitième tome lorsqu'il y a la noce entre Batman et Catwoman. Je ne vais pas trop dévoiler et pour faire simple je n'aime pas trop le comportement de Batman dans ces tomes et je ne suis pas fan de l'idée qu'un des super-vilains est derrière TOUT ce qui est arrivé à Batman dans ce tome et que tous les méchants travaillent avec lui.
Il y aussi la narration qui m'énerve, peu importe le tome, ça va trop vite et souvent j'ai eu l'impression qu'il manquait des parties à un récit. Certains albums se lisent plus vite qu'une BD de 44 pages et des arcs me semblent inutilement étirés (le pire est le tome 10 à mon avis). Il y aussi le fait que Batman finit toujours par vaincre par un deus ex machina. Ça fait partie des règles du genre, mais ici la plupart du temps c'est mal amené. Il y a aussi le fait que je n'ai pas ressenti beaucoup d'émotions durant la lecture des ces tomes. Il y a pas trop de tension durant les moments 'intenses' et je n'ai pas ressenti les émotions des personnages. La romance entre Batman et Catwoman m'a laissé indifférent. Je trouve aussi que la mise en scène est un peu prétentieuse par moment.
Bon je suis négatif, mais il y a tout de même des bonnes choses. J'ai bien aimé l'utilisation du Ventriloque dans le tome 2 et le Joker est marrant par moment (en revanche sa guerre contre le Sphinx est vraiment ennuyeuse, parce que oui King réussit l'exploit de faire un affrontement entre le Joker et Sphinx ennuyeux).
Donc voilà des aventures de Batman qui m'ont au mieux semblé sympathiques malgré des défauts. À réserver pour les fans uniquement.
Alors, en ce qui me concerne, la note est relativement faible, car je juge la série dans son ensemble. Il y a en effet non pas deux, mais trois cycles Mauro Caldi.
Le personnage principal est un jeune pilote amateur quelque peu naïf dans l’ Italie des années 50, qui rêve de participer aux plus grandes courses. Sa passion lui fera croiser systématiquement la route du crime organisé ou des vendettas familiales.
Le premier cycle regroupe les tome 1 a 3 qui sont les meilleurs : graphiquement, si les personnages sont un peu caricaturaux dans leur design, c’ est pour mieux atténuer la violence. Car disons-le tout de suite : il y a du sang, voire beaucoup de sang, ce qui porte au réalisme du premier cycle. Les décors et les véhicules sont superbes. Ce cycle mérite amplement 4.5 étoiles sur 5.
Le second cycle regroupe les tomes 4 a 5 : graphiquement cela tient toujours la barre, mais les histoires sont nettement aseptisées, avec un final « tout est bien qui finit bien » un peu trop cliché (grosse difference avec le cycle 1 ayant des fins toujours optimistes, mais nuancées). Mais cela se laisse lire.
C’ est dans le troisième cycle que les choses se gâtent sérieusement : les histoires en plus d’ être aseptisées, deviennent franchement sans intérêt, les intrigues sont téléphonées, voire ridicules (des morts du premier cycle reviennent à la vie, Mauro semble devenir plus mature, puis redevient un gamin irresponsable a la limite crétinisé). Pire, le dessin devient franchement mauvais comparé aux tomes précédents. Cela tient a peu près la route dans le tome 6, mais dans les tomes 7 et 8 dessinés 20 ans après, c’ est flagrant : les trais sont flous, voire grossiers, et la plupart des personnages sont devenus méconnaissables.
Moi qui ne suis pourtant pas un fan de Tardi, j’ai vraiment adoré le début de cette histoire. Dessin très léché parfois à la limite de la gravure, contrastant avec des bouilles de personnages très stylisés dans le style caractéristique de Tardi, découpage audacieux utilisant souvent des cases arrondies, des médaillons ou des inserts, didascalies longues mais bien écrites qui donnent au récit un charme suranné, scènes marquantes dès l’ouverture du récit, mystère qui s’épaissit au fur et à mesure, hommage très appuyé à Jules Verne, bref, cela avait tout pour me plaire… jusqu’à la fin du chapitre V.
Dans le chapitre VI, on a l’explication de tout cela. L’idée centrale (celle de l’iceberg) est amusante mais je pense que l’auteur aurait dû s’en tenir là. Tout le reste est un peu too much… Je sais que certains voient cela comme du second degré par rapport aux récits de ce genre, mais les premiers chapitres m’avaient placé dans une autre ambiance et me laissait espérer une fin plus onirique. De la même façon, le basculement du personnage principal tombe comme un cheveu sur la soupe. Cela pourrait peut-être prendre son sens s’il y avait une suite à ce récit, mais il n’y en a pas. Ou alors, c’est aussi un pied-de-nez par rapport aux standards narratifs habituel ; mais si c’est le cas, je n’ai pas été très réceptif à ce type de second degré dans ce contexte.
Quand au chapitre VII qui clôt l’histoire, tout s’y termine de façon un peu trop abrupte et, en l’absence de suite, je ne dirais pas qu’il s’agit d’une conclusion réellement satisfaisante.
Bref, cela reste pas mal, mais c’est vraiment dommage que la fin soit aussi décevante.
Un album atypique et surprenant. Le grand format à l'italienne permet de profiter de superbes dessins au format paysage. J'aimerais bien être aussi doué avec un stylo bic ... C'est tellement stylé qu'on a envie de découper certaines pages et les mettre dans un joli cadre pour les admirer au mur. On pourrait rester devant de longues minutes à scruter le moindre détail.
Bon après l'histoire. Bien bien. C'est pour moi le problème, il n'y en a pas vraiment. On a des thèmes autour de l'écologie, la dégradation de la planète avec un personnage tout jaune qui traverse des étendues ravagées. On essaie de trouver un fil conducteur entre les planches. C'est un peu à chacun de faire sa propre interprétation, comme au musée face à un tableau en fait. Ça nécessiterait bien un guide conférencier.
C'est marrant car j'étais persuadé de lire mon premier Paul, et je découvre dans mes avis que j'ai lu Paul à Québec il y a 8 ans et que j'en ai absolument aucun souvenir. Et si dans l'ensemble j'ai plutôt aimé la version job d'été, il est probable que dans 8 ans j'aurais également oublié cette lecture.
J'ai préféré la seconde partie de l'album, la première contenant un peu trop de détails anecdotiques. C'est à dire des passages avec peu d'importance pour la suite de l'histoire, ou pas spécialement drôles, ni émouvants. La deuxième moitié fonctionne mieux, il y a pas mal d'éléments qui nous renvoient à cette même période de notre vie, premier job d'été, soirées arrosées avec des amis au coin du feu, premiers émois amoureux, etc... La sensibilité que montre Paul face à des ados difficiles (la petite fille aveugle par exemple) est plutôt bien traitée également.
Enfin, ce que je trouve sympathique aussi c'est que cela me rappelle beaucoup le Québec, ses habitants tous plus attachants les uns que les autres et bien sur leur phrasé si typique qui nous fait tant sourire, nous Européens. Les dialogues sont chantants et j'ai l'impression d'entendre les accents des personnages dans ma tête à chaque phylactère.
Une lecture divertissante, qui me plait peut-être plus pour sa localisation que pour ce qu'elle raconte. C'est peut-être pas la meilleure raison pour apprécier cette BD, en tout cas ça me contente largement.
Moore présente cette histoire comme l’autopsie des crimes de Jack l’éventreur. Et le fait est qu’il y a quelque chose de scientifique, de méthodique, de très méticuleux, dans sa façon de procéder.
Car c’est une véritable somme, il prend le temps de développer intrigue, personnalité des personnages clés. Il faut clairement prévoir du temps pour lire ce pavé ! D’autant plus que les textes sont parsemés de multiples références historiques – que ce soit autour de la société victorienne dans laquelle se déroule l’histoire, ou plus lointaines (voir la très longue balade dans Londres – qui occupe tout le chapitre 4 – au cours de laquelle le docteur Gull, dans un très long monologue, refait auprès d’un compagnon passif un historique des quartiers de Londres, de leur architecture, mais aussi des dieux, peuples qui, depuis l’antiquité, ont « habité » ces endroits).
Si c’est bien la version personnelle et partiale de Moore que nous avons ici d’une des affaires criminelles les plus célèbres (et qui a fait couler d’autant plus d’encre qu’elle n’a jamais été officiellement résolue !), c’est en tout cas un ouvrage très documenté. Le long appendice, dans lequel Moore livre les sources, les clés de lecture de certains passages, en est la preuve.
Quant au dessin de Campbell, nerveux et sec, à la fois précis et jouant sur les esquisses plus que sur une profusion de détails, il est globalement très bon (même si inégal, certains passages semblant même bizarrement bâclés). En tout cas j’aime bien son travail en hachures, ratures, assez rageur – un peu comme le dessin de Buzzelli parfois. Mais je pense qu’il aurait été plus lisible sur un format plus grand (même remarques d’ailleurs pour les textes abondants dans les phylactères) : la lecture est parfois difficile.
Jeremiah. L’intégrale. Vol. 7. – Dupuis, 2010.
Et si un jour, la Terre... (T. 25, 2004) [2/5]
Sous un ciel vert pomme, dans un no man’s land saumon aux arbres vitrifiés, Kurdy et Jeremiah chevauchent leurs bécanes mais le carburant vient à manquer et le pont qu’ils devaient franchir est effondré. Surviennent Percy et sa petite bande véhiculée proposant au duo d’amis de l’essence contre une escorte et l’histoire embraye au point mort, en patinage artistique dans la semoule. Avec un tueur aux trousses armé d’un fusil à lunette et une prisonnière illuminée qui fait bien la roue sans petite culotte, le lecteur s’écarquille les yeux afin de bien voir qu’il n’y a rien à voir. L’histoire sans queue ni tête, les multiples incohérences scénaristiques, les couleurs pénibles et le graphisme bâclé d’Hermann apportent à l’ensemble une allure bouffonne, décalée, presque fascinante : « Ha ! Ha ! Tu sais que tu m’amuses, voyageur ! ». Bah ouais ! Mais toi, pas trop ! Le lecteur aimerait bien trouver une ligne directrice à l’ensemble mais des thèmes sont esquissés et rapidement abandonnés, sans l’once d’une explication ou d’une cohérence quelconque ainsi d’une nature mutante, malmenée et vengeresse. Dans quel monde vivons-nous ?
Un port dans l’ombre (T. 26, 2005) [5/5]
Comme un poisson dans l’eau de mer, Kurdy porte secours à la jeune Milova en train de se noyer. Avec Jeremiah, ils vont au village de pêcheurs afin d’emmener Milova au bercail mais les gens du cru, pieux à empaler tous les étrangers considérés d’office comme des suppôts de Satan, les reçoivent avec une sourde hostilité. L’isolement et la rudesse de l’éducation incitent les adolescents à se rebeller. Une guerre sans issue se prépare en sourdine avec Kurdy et Jeremiah pris dans l’étau de la communauté sectaire.
Enfin une histoire qui tient le haut du pavé. Bien que le canevas narratif soit connu d’avance, les héros surgissent, sont malmenés et réagissent, l’histoire ne supporte aucun temps mort. Au contraire, les fils se tendent à mesure que l’aventure avance. Elle est crédible et cohérente. Aucune intervention surnaturelle inexpliquée ne vient gâter la mise de départ. Les dialogues sont enlevés et parfois très drôles. Le dessin est travaillé et les couleurs directes apportent une atmosphère particulière en jouant sur une gamme restreinte de gris et de marron. Finalement, après cette lecture enthousiasmante, on peut penser qu’Hermann dispose encore de plus d’un tour dans son sac.
Elsie et la rue (T. 27, 2007) [3/5]
La vie post-apocalyptique qui ouvre la première aventure de Jeremiah apparaît, après 28 ans et 27 albums, bien conforme à notre époque. Rien ne dénote dans la ville de Langton. On se croirait dans une bourgade américaine près de la frontière mexicaine. Le malfrat de l'histoire est un poussah gominé à fines moustaches. Il commande un mafieux, Blitz, qui dirige violemment une bande de loqueteux. Il s'enrichit à partir des menus larcins, vols et extorsions diverses. Afin de rappeler les règles à ses ouailles, Blitz plonge les "dissimulateurs de gains" dans une baignoire glacée, long tube vertical transparent à la vue de toute la bande, pour leur édification. Elsie se rebelle. Elle veut faire bande à part. Les protagonistes, Kurdy, Jeremiah et Milova, rescapée de l'album précédent, jeune oie blanche bientôt mise au parfum par Elsie, vont croiser leurs chemins avec tout ce petit monde pourri. Tante Martha sermonne, admoneste, voit le mâle partout. Kurdy s'amuse. C'est lui qui va tirer... les ficelles même si le bain bouillant va le refroidir un peu. Les méchants sont curieusement emperruqués. En dépit de dialogues décalés : "Ecoute minable. Ou tu sors tout de suite par la porte qui est derrière toi ou par la fenêtre qui est derrière moi ! - Oh, je suis déçu. Je vous croyais plus poli. - Bon ! J'vois que t'as choisi la fenêtre !", les coups sont accompagnés de jets d'hémoglobine : un coup de crosse par-ci, un coup de poing par là. La morale de l'histoire est qu'il ne faut pas se fier aux apparences : Blitz, le faux dur est un vrai mou ; l'homme de main, Tico, est un penseur. Il aime les prises de tête ; Kurdy se gondole dans la baignoire bouillante en pensant aux petits seins d'Elsie ; Jeremiah est assommant (avec ses poings aussi) ; Milova dissimule un corps de Vénus sous sa robe de bure ; même si Elsie, lesbienne, se laisse bien entreprendre par Kurdy, est-ce bien convenu ? Le gros président véreux reste intouchable mais là les apparences sont pour lui.
Hermann réussit son histoire. Il enfonce un peu moins le clou que d'habitude. Les couleurs directes sont bien appliquées et le trait est lisible. La mise en page est nerveuse. Les cadrages sont efficaces. Il manque évidemment un liant à la série. Peut-être que l'aspect décousu de l’ensemble cherche à montrer la vacuité et l'incohérence du monde ? Les personnages vont et viennent d'une histoire à l'autre, en âne, à cheval, en moto, sans but. Les récits s'accumulent. Où tout cela va-t-il mener ?
Esra va bien (T. 28, 2008) [2,5/5]
Dans un bled posé dans le désert, sur l’ancienne frontière américano-mexicaine, les contrôles de routine sont la règle depuis qu’une série de meurtres et de décapitations se multiplient. Des scientifiques retraités tremblent et craignent les retombées d’anciennes manipulations génétiques dont ils seraient les artisans car les défunts faisaient partie de leur cénacle. Kurdy et Jeremiah, de passage, sont jetés en prison le temps de se faire des ennemis des deux gorilles à la solde du maire, Bart et Marvin, violents, vaniteux et vains. Afin de se venger de l’altercation et de la honte subies à la prison, ils prennent en chasse les deux amis libérés qui ont repris la piste. Leurs motos sabotées vont les laisser à la merci des sinistres mercenaires mais un saurien humain veille.
Hermann rabâche ses thématiques jamais développées et assez peu convaincantes. L’homme est un pourri pour l’homme, la nature, les animaux et pour lui-même. Rien à redire mais c’est un peu court, vieil homme ! Tout l’album consiste en une traque dans le désert et là le « sanglier des Ardennes » y excelle : découpage, cadrage, dessin souple et délié, couleurs directes, paysages parfois somptueux. Si les raisons et l’intrigue échappent au lecteur, le comportement de Kurdy et de Jeremiah, redresseurs de torts malgré eux, fait toujours plaisir à voir mais là s’arrête l’intérêt et c’est trop peu pour un aussi talentueux dessinateur et un aussi piètre scénariste. Le bât blesse là. Hermann Huppen (né en 1938) est sans conteste un dessinateur belge d’une envergure exceptionnelle. Fou de travail, il accumule les séries et les one-shots avec une régularité qui force l’admiration. Son graphisme a évolué depuis les pinceaux des débuts et le rotring et ses mises en couleurs directes. Quand les ambiances sont suffisamment travaillées, elles frappent et bluffent le lecteur le plus blasé. Lorsqu’Hermann accepte le joug d’un bon scénariste (Duval, Greg, Van Hamme, à leurs époques), l’œuvre qui surgit fait mouche sans tache. Dès lors où il travaille sur les histoires de son fils ou sur les siennes, le récit part souvent à vau-l’eau et l’attention du lecteur se délite. Jeremiah est dans cette mouvance décousue et avortée. C’est un mal qui touche les plus grands dessinateurs de bédé. Rares sont ceux qui ont pu imaginer et dessiner une œuvre forte, cohérente et durable à l’instar d’Hergé. Maintenant, si les intégrales parues chez Dupuis sont rafraîchies et complétées d’un dossier comme pour Spirou, elles justifient leur place. Dans le cas de Jeremiah, elles réunissent les albums à l’identique sans rien ajouter d’autre. Quatre aventures pour le prix de trois mais à quoi bon ?
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Cette BD raconte une histoire assez banale d'une manière originale. C'est la narration graphique qui fait sa force. J'ai cru au départ que ce serait un album complet sous la forme d'un Oubapo ou d'une création de Chris Ware du type Jimmy Corrigan , mais l'auteur n'insiste pas trop sur le côté novateur de sa narration et varie les plaisirs. Ses idées sont multiples en réalité. Il y a d'abord ce choix d'une représentation de la quasi totalité de ses décors sous la forme d'une perspective isométrique, avec des vues en coupe rappelant un jeu vidéo tel que les Sims. J'adore ce type d'angle de vue, ça me donne toujours envie d'en fouiller les détails et de m'imaginer visiter les lieux. Et cela permet aussi de raconter plusieurs choses en parallèle selon l'endroit où l'on regarde dans ce décor multiple. Pour l'action elle-même, mais aussi pour les récits parallèles et les nombreux flash-back, l'auteur insère des petits hexagones par-dessus ses décors qui sont autant de cases qui s'imbriquent pour raconter leurs histoires et leurs dialogues. Là encore, les hexagones me rappellent des jeux, de stratégie cette fois. Ils titillent ma fibre ludique et me donnent envie de me lancer dans la lecture. En contrepartie, je dois admettre que cette originalité narrative ne favorise pas toujours la clarté du récit. A plusieurs moments, l'auteur montre des actions et dialogues simultanés pour insister sur le fait que tout est connecté et que d'autres personnes vivent dans la même ville, et ces passages là sont parfois un peu embrouillés. De même, il m'a fallu un moment pour repérer le code de couleur pour distinguer les récits en flash-back de ceux au présent donc j'étais légèrement perdu entre ce qui tenait du souvenir et ce qui tenait de l'action actuelle. Concrètement, j'ai dû relire une deuxième fois l'album pour mieux capter ce qui était resté confus pour moi en première lecture. En effet, il m'a fallu arriver à la fin du premier tome pour bien voir qui était qui et les liens entre chacun, et du coup pouvoir mieux comprendre ce que j'avais lu auparavant quand je suis revenu dessus. En deuxième lecture, heureusement, tout est bien plus clair. Cela pour dire que j'apprécie beaucoup cette originalité narrative et graphique mais qu'elle ne favorise pas forcément la simplicité de la compréhension. Quant à l'histoire en elle-même, elle se laisse lire mais ne m'a que moyennement passionné. Elle met en scène une poignée de jeunes adultes dont les parcours se croisent et se décroisent. Chacun des six chapitres du premier tome s'attache à l'un d'entre eux en particulier et on va vite constater qu'on croise la route de tous les autres au fur et à mesure et que, comme le titre l'indique, tout est connecté. Ils ont en majorité un passé en commun, leurs routes se sont écartées et ils se retrouvent à nouveau une paire d'années plus tard. La musique, le rock en particulier, est au centre de la vie de la plupart d'entre eux puisque deux d'entre eux ont formé un petit groupe à un moment donné, qu'une autre est amatrice de concerts et qu'une autre encore est disquaire et organise des concerts. Mais plus globalement, ce sont surtout les choix de vie et les éventuels regrets qui sont au cœur du récit. Je ne me suis pas tellement attaché à ces personnages et à leur parcours. Leurs problématiques ne me touchent pas et elles ne m'ont pas tellement intéressé. Mais j'ai tout de même été poussé à la lecture grâce à sa chouette narration, et par la curiosité aussi de lever le voile sur le passé de cette poignée de protagonistes en captant les indices que le récit sème au fil de ses pages. C'est aussi cela qui m'a poussé à une seconde lecture : pour mieux comprendre ce que j'avais capté initialement et être satisfait de voir tout s'éclaircir... ou presque puisqu'il reste encore un mystère à éclaircir, ces colis envoyés à l'un des personnages, et je suppose que l'on en saura plus par la suite. En définitive, j'ai plutôt bien apprécié ma lecture, surtout grâce à l'originalité de sa construction, mais moins grâce à ses personnages et à son intrigue en elle-même.
Castelmaure
J’ai bien aimé l’originalité de ce conte. C’est, je trouve, son gros point fort alors qu’il est quand même difficile d’innover dans ce créneau. Et si le début du récit déroute car il semble dépourvu d’un fil conducteur, les auteurs parviennent rapidement à emboîter les pièces de leur puzzle pour nous offrir un ensemble cohérent et singulier. Le dessin d’Alfred est lui aussi très agréable à lire car très expressif et bien typé. En fait, il ne m’aura manqué qu’un peu plus d’émotion pour passer du « pas mal » au « franchement bien ». Les personnages et leur destin n’ont pas la dimension dramatique nécessaire à mes yeux pour que je m’émeuve de leur sort. Ça reste trop gentil, trop en surface à mon goût mais c’est un chouette album et je ne regrette en rien cette lecture.
Le Labo (Bourhis/Varela)
Si je trouve cette bande dessinée bien réalisée, je finis ma lecture avec un sentiment mitigé, un peu déçu qu’il ne s’agisse en rien d’une histoire vraie alors que l’introduction laissait entrevoir le fait qu’elle était au moins inspirée par des faits réels. Au rayon des bons points : le dessin de Lucas Varela, la mise en page classique, le découpage tout aussi classique, l’idée de départ et quelques scènes amusantes. Le dessin de Lucas Varela est d’une parfaite lisibilité. Il apporte également une touche vintage, tant par le trait que par les couleurs, en parfaite harmonie avec l’époque et le thème de l’album. Les personnages ont des traits expressifs. Les décors, dont l’architecture du fameux labo, nous plongent eux aussi dans les années ’70. C’est vraiment agréable au niveau du visuel. Le découpage qui alterne deux époques est construit d’une manière très classique (introduction qui se déroule dans les années ’70 – passage à l’époque actuelle pour placer la narratrice qui va nous raconter l’histoire de ce labo – retour aux années ’70 pour l’histoire en question – retour à l’époque actuelle pour la conclusion). C’est facile et agréable à suivre, avec une petite trouvaille que j’ai bien appréciée (un film publicitaire placé en début du récit et qui nous explique succinctement le contexte global de l’entreprise familiale). L’idée de départ -ce labo perdu en pleine cambrousse française et dans lequel vont être créés l’ordinateur personnel, l’internet et même le smartphone- est originale et peut exploiter certains faits réels (quelques personnages de ce récit sont inspirés par des personnes ayant réellement existé). Le caractère saugrenu du personnage central, son amour pour la course à pied et ses flashs visionnaires apportent un peu d’humour et de légèreté au récit. Pourtant, je reste sur ce sentiment d’un album anecdotique. Pas déplaisant, facile à lire, mais auquel il manque des moments forts. Surtout j’ai ce sentiment d’avoir eu à lire une œuvre assise le cul entre deux chaises, entre le burlesque de certaines scènes et l’assise historique de certains concepts. Et je pense que c’est là que ça a coincé chez moi. Ce n’est certainement pas un mauvais album, mais avec autant de qualités, c’est dommage de ne pas avoir réussi à rendre ce récit plus captivant. Pas mal, donc… mais j’en attendais plus.
Batman Rebirth
2.5 J'ai finalement tout lu le run controversé de Tom King et disons que je comprends parfaitement que plusieurs n'aiment pas car j'ai moi même des reproches face à son style. Je ne suis pas certain de mettre 3 ou 2 notes car je ne suis pas franchement fan des derniers tomes, mais dans les premiers il y a des moments sympathiques. En gros, il y a des idées de King que j'ai trouvé intéressantes et d'autres que j'aime moins et selon moi ça dérape aux huitième tome lorsqu'il y a la noce entre Batman et Catwoman. Je ne vais pas trop dévoiler et pour faire simple je n'aime pas trop le comportement de Batman dans ces tomes et je ne suis pas fan de l'idée qu'un des super-vilains est derrière TOUT ce qui est arrivé à Batman dans ce tome et que tous les méchants travaillent avec lui. Il y aussi la narration qui m'énerve, peu importe le tome, ça va trop vite et souvent j'ai eu l'impression qu'il manquait des parties à un récit. Certains albums se lisent plus vite qu'une BD de 44 pages et des arcs me semblent inutilement étirés (le pire est le tome 10 à mon avis). Il y aussi le fait que Batman finit toujours par vaincre par un deus ex machina. Ça fait partie des règles du genre, mais ici la plupart du temps c'est mal amené. Il y a aussi le fait que je n'ai pas ressenti beaucoup d'émotions durant la lecture des ces tomes. Il y a pas trop de tension durant les moments 'intenses' et je n'ai pas ressenti les émotions des personnages. La romance entre Batman et Catwoman m'a laissé indifférent. Je trouve aussi que la mise en scène est un peu prétentieuse par moment. Bon je suis négatif, mais il y a tout de même des bonnes choses. J'ai bien aimé l'utilisation du Ventriloque dans le tome 2 et le Joker est marrant par moment (en revanche sa guerre contre le Sphinx est vraiment ennuyeuse, parce que oui King réussit l'exploit de faire un affrontement entre le Joker et Sphinx ennuyeux). Donc voilà des aventures de Batman qui m'ont au mieux semblé sympathiques malgré des défauts. À réserver pour les fans uniquement.
Mauro Caldi
Alors, en ce qui me concerne, la note est relativement faible, car je juge la série dans son ensemble. Il y a en effet non pas deux, mais trois cycles Mauro Caldi. Le personnage principal est un jeune pilote amateur quelque peu naïf dans l’ Italie des années 50, qui rêve de participer aux plus grandes courses. Sa passion lui fera croiser systématiquement la route du crime organisé ou des vendettas familiales. Le premier cycle regroupe les tome 1 a 3 qui sont les meilleurs : graphiquement, si les personnages sont un peu caricaturaux dans leur design, c’ est pour mieux atténuer la violence. Car disons-le tout de suite : il y a du sang, voire beaucoup de sang, ce qui porte au réalisme du premier cycle. Les décors et les véhicules sont superbes. Ce cycle mérite amplement 4.5 étoiles sur 5. Le second cycle regroupe les tomes 4 a 5 : graphiquement cela tient toujours la barre, mais les histoires sont nettement aseptisées, avec un final « tout est bien qui finit bien » un peu trop cliché (grosse difference avec le cycle 1 ayant des fins toujours optimistes, mais nuancées). Mais cela se laisse lire. C’ est dans le troisième cycle que les choses se gâtent sérieusement : les histoires en plus d’ être aseptisées, deviennent franchement sans intérêt, les intrigues sont téléphonées, voire ridicules (des morts du premier cycle reviennent à la vie, Mauro semble devenir plus mature, puis redevient un gamin irresponsable a la limite crétinisé). Pire, le dessin devient franchement mauvais comparé aux tomes précédents. Cela tient a peu près la route dans le tome 6, mais dans les tomes 7 et 8 dessinés 20 ans après, c’ est flagrant : les trais sont flous, voire grossiers, et la plupart des personnages sont devenus méconnaissables.
Le Démon des glaces
Moi qui ne suis pourtant pas un fan de Tardi, j’ai vraiment adoré le début de cette histoire. Dessin très léché parfois à la limite de la gravure, contrastant avec des bouilles de personnages très stylisés dans le style caractéristique de Tardi, découpage audacieux utilisant souvent des cases arrondies, des médaillons ou des inserts, didascalies longues mais bien écrites qui donnent au récit un charme suranné, scènes marquantes dès l’ouverture du récit, mystère qui s’épaissit au fur et à mesure, hommage très appuyé à Jules Verne, bref, cela avait tout pour me plaire… jusqu’à la fin du chapitre V. Dans le chapitre VI, on a l’explication de tout cela. L’idée centrale (celle de l’iceberg) est amusante mais je pense que l’auteur aurait dû s’en tenir là. Tout le reste est un peu too much… Je sais que certains voient cela comme du second degré par rapport aux récits de ce genre, mais les premiers chapitres m’avaient placé dans une autre ambiance et me laissait espérer une fin plus onirique. De la même façon, le basculement du personnage principal tombe comme un cheveu sur la soupe. Cela pourrait peut-être prendre son sens s’il y avait une suite à ce récit, mais il n’y en a pas. Ou alors, c’est aussi un pied-de-nez par rapport aux standards narratifs habituel ; mais si c’est le cas, je n’ai pas été très réceptif à ce type de second degré dans ce contexte. Quand au chapitre VII qui clôt l’histoire, tout s’y termine de façon un peu trop abrupte et, en l’absence de suite, je ne dirais pas qu’il s’agit d’une conclusion réellement satisfaisante. Bref, cela reste pas mal, mais c’est vraiment dommage que la fin soit aussi décevante.
Saccage
Un album atypique et surprenant. Le grand format à l'italienne permet de profiter de superbes dessins au format paysage. J'aimerais bien être aussi doué avec un stylo bic ... C'est tellement stylé qu'on a envie de découper certaines pages et les mettre dans un joli cadre pour les admirer au mur. On pourrait rester devant de longues minutes à scruter le moindre détail. Bon après l'histoire. Bien bien. C'est pour moi le problème, il n'y en a pas vraiment. On a des thèmes autour de l'écologie, la dégradation de la planète avec un personnage tout jaune qui traverse des étendues ravagées. On essaie de trouver un fil conducteur entre les planches. C'est un peu à chacun de faire sa propre interprétation, comme au musée face à un tableau en fait. Ça nécessiterait bien un guide conférencier.
Paul a un travail d'été
C'est marrant car j'étais persuadé de lire mon premier Paul, et je découvre dans mes avis que j'ai lu Paul à Québec il y a 8 ans et que j'en ai absolument aucun souvenir. Et si dans l'ensemble j'ai plutôt aimé la version job d'été, il est probable que dans 8 ans j'aurais également oublié cette lecture. J'ai préféré la seconde partie de l'album, la première contenant un peu trop de détails anecdotiques. C'est à dire des passages avec peu d'importance pour la suite de l'histoire, ou pas spécialement drôles, ni émouvants. La deuxième moitié fonctionne mieux, il y a pas mal d'éléments qui nous renvoient à cette même période de notre vie, premier job d'été, soirées arrosées avec des amis au coin du feu, premiers émois amoureux, etc... La sensibilité que montre Paul face à des ados difficiles (la petite fille aveugle par exemple) est plutôt bien traitée également. Enfin, ce que je trouve sympathique aussi c'est que cela me rappelle beaucoup le Québec, ses habitants tous plus attachants les uns que les autres et bien sur leur phrasé si typique qui nous fait tant sourire, nous Européens. Les dialogues sont chantants et j'ai l'impression d'entendre les accents des personnages dans ma tête à chaque phylactère. Une lecture divertissante, qui me plait peut-être plus pour sa localisation que pour ce qu'elle raconte. C'est peut-être pas la meilleure raison pour apprécier cette BD, en tout cas ça me contente largement.
From Hell
Moore présente cette histoire comme l’autopsie des crimes de Jack l’éventreur. Et le fait est qu’il y a quelque chose de scientifique, de méthodique, de très méticuleux, dans sa façon de procéder. Car c’est une véritable somme, il prend le temps de développer intrigue, personnalité des personnages clés. Il faut clairement prévoir du temps pour lire ce pavé ! D’autant plus que les textes sont parsemés de multiples références historiques – que ce soit autour de la société victorienne dans laquelle se déroule l’histoire, ou plus lointaines (voir la très longue balade dans Londres – qui occupe tout le chapitre 4 – au cours de laquelle le docteur Gull, dans un très long monologue, refait auprès d’un compagnon passif un historique des quartiers de Londres, de leur architecture, mais aussi des dieux, peuples qui, depuis l’antiquité, ont « habité » ces endroits). Si c’est bien la version personnelle et partiale de Moore que nous avons ici d’une des affaires criminelles les plus célèbres (et qui a fait couler d’autant plus d’encre qu’elle n’a jamais été officiellement résolue !), c’est en tout cas un ouvrage très documenté. Le long appendice, dans lequel Moore livre les sources, les clés de lecture de certains passages, en est la preuve. Quant au dessin de Campbell, nerveux et sec, à la fois précis et jouant sur les esquisses plus que sur une profusion de détails, il est globalement très bon (même si inégal, certains passages semblant même bizarrement bâclés). En tout cas j’aime bien son travail en hachures, ratures, assez rageur – un peu comme le dessin de Buzzelli parfois. Mais je pense qu’il aurait été plus lisible sur un format plus grand (même remarques d’ailleurs pour les textes abondants dans les phylactères) : la lecture est parfois difficile.
Jeremiah
Jeremiah. L’intégrale. Vol. 7. – Dupuis, 2010. Et si un jour, la Terre... (T. 25, 2004) [2/5] Sous un ciel vert pomme, dans un no man’s land saumon aux arbres vitrifiés, Kurdy et Jeremiah chevauchent leurs bécanes mais le carburant vient à manquer et le pont qu’ils devaient franchir est effondré. Surviennent Percy et sa petite bande véhiculée proposant au duo d’amis de l’essence contre une escorte et l’histoire embraye au point mort, en patinage artistique dans la semoule. Avec un tueur aux trousses armé d’un fusil à lunette et une prisonnière illuminée qui fait bien la roue sans petite culotte, le lecteur s’écarquille les yeux afin de bien voir qu’il n’y a rien à voir. L’histoire sans queue ni tête, les multiples incohérences scénaristiques, les couleurs pénibles et le graphisme bâclé d’Hermann apportent à l’ensemble une allure bouffonne, décalée, presque fascinante : « Ha ! Ha ! Tu sais que tu m’amuses, voyageur ! ». Bah ouais ! Mais toi, pas trop ! Le lecteur aimerait bien trouver une ligne directrice à l’ensemble mais des thèmes sont esquissés et rapidement abandonnés, sans l’once d’une explication ou d’une cohérence quelconque ainsi d’une nature mutante, malmenée et vengeresse. Dans quel monde vivons-nous ? Un port dans l’ombre (T. 26, 2005) [5/5] Comme un poisson dans l’eau de mer, Kurdy porte secours à la jeune Milova en train de se noyer. Avec Jeremiah, ils vont au village de pêcheurs afin d’emmener Milova au bercail mais les gens du cru, pieux à empaler tous les étrangers considérés d’office comme des suppôts de Satan, les reçoivent avec une sourde hostilité. L’isolement et la rudesse de l’éducation incitent les adolescents à se rebeller. Une guerre sans issue se prépare en sourdine avec Kurdy et Jeremiah pris dans l’étau de la communauté sectaire. Enfin une histoire qui tient le haut du pavé. Bien que le canevas narratif soit connu d’avance, les héros surgissent, sont malmenés et réagissent, l’histoire ne supporte aucun temps mort. Au contraire, les fils se tendent à mesure que l’aventure avance. Elle est crédible et cohérente. Aucune intervention surnaturelle inexpliquée ne vient gâter la mise de départ. Les dialogues sont enlevés et parfois très drôles. Le dessin est travaillé et les couleurs directes apportent une atmosphère particulière en jouant sur une gamme restreinte de gris et de marron. Finalement, après cette lecture enthousiasmante, on peut penser qu’Hermann dispose encore de plus d’un tour dans son sac. Elsie et la rue (T. 27, 2007) [3/5] La vie post-apocalyptique qui ouvre la première aventure de Jeremiah apparaît, après 28 ans et 27 albums, bien conforme à notre époque. Rien ne dénote dans la ville de Langton. On se croirait dans une bourgade américaine près de la frontière mexicaine. Le malfrat de l'histoire est un poussah gominé à fines moustaches. Il commande un mafieux, Blitz, qui dirige violemment une bande de loqueteux. Il s'enrichit à partir des menus larcins, vols et extorsions diverses. Afin de rappeler les règles à ses ouailles, Blitz plonge les "dissimulateurs de gains" dans une baignoire glacée, long tube vertical transparent à la vue de toute la bande, pour leur édification. Elsie se rebelle. Elle veut faire bande à part. Les protagonistes, Kurdy, Jeremiah et Milova, rescapée de l'album précédent, jeune oie blanche bientôt mise au parfum par Elsie, vont croiser leurs chemins avec tout ce petit monde pourri. Tante Martha sermonne, admoneste, voit le mâle partout. Kurdy s'amuse. C'est lui qui va tirer... les ficelles même si le bain bouillant va le refroidir un peu. Les méchants sont curieusement emperruqués. En dépit de dialogues décalés : "Ecoute minable. Ou tu sors tout de suite par la porte qui est derrière toi ou par la fenêtre qui est derrière moi ! - Oh, je suis déçu. Je vous croyais plus poli. - Bon ! J'vois que t'as choisi la fenêtre !", les coups sont accompagnés de jets d'hémoglobine : un coup de crosse par-ci, un coup de poing par là. La morale de l'histoire est qu'il ne faut pas se fier aux apparences : Blitz, le faux dur est un vrai mou ; l'homme de main, Tico, est un penseur. Il aime les prises de tête ; Kurdy se gondole dans la baignoire bouillante en pensant aux petits seins d'Elsie ; Jeremiah est assommant (avec ses poings aussi) ; Milova dissimule un corps de Vénus sous sa robe de bure ; même si Elsie, lesbienne, se laisse bien entreprendre par Kurdy, est-ce bien convenu ? Le gros président véreux reste intouchable mais là les apparences sont pour lui. Hermann réussit son histoire. Il enfonce un peu moins le clou que d'habitude. Les couleurs directes sont bien appliquées et le trait est lisible. La mise en page est nerveuse. Les cadrages sont efficaces. Il manque évidemment un liant à la série. Peut-être que l'aspect décousu de l’ensemble cherche à montrer la vacuité et l'incohérence du monde ? Les personnages vont et viennent d'une histoire à l'autre, en âne, à cheval, en moto, sans but. Les récits s'accumulent. Où tout cela va-t-il mener ? Esra va bien (T. 28, 2008) [2,5/5] Dans un bled posé dans le désert, sur l’ancienne frontière américano-mexicaine, les contrôles de routine sont la règle depuis qu’une série de meurtres et de décapitations se multiplient. Des scientifiques retraités tremblent et craignent les retombées d’anciennes manipulations génétiques dont ils seraient les artisans car les défunts faisaient partie de leur cénacle. Kurdy et Jeremiah, de passage, sont jetés en prison le temps de se faire des ennemis des deux gorilles à la solde du maire, Bart et Marvin, violents, vaniteux et vains. Afin de se venger de l’altercation et de la honte subies à la prison, ils prennent en chasse les deux amis libérés qui ont repris la piste. Leurs motos sabotées vont les laisser à la merci des sinistres mercenaires mais un saurien humain veille. Hermann rabâche ses thématiques jamais développées et assez peu convaincantes. L’homme est un pourri pour l’homme, la nature, les animaux et pour lui-même. Rien à redire mais c’est un peu court, vieil homme ! Tout l’album consiste en une traque dans le désert et là le « sanglier des Ardennes » y excelle : découpage, cadrage, dessin souple et délié, couleurs directes, paysages parfois somptueux. Si les raisons et l’intrigue échappent au lecteur, le comportement de Kurdy et de Jeremiah, redresseurs de torts malgré eux, fait toujours plaisir à voir mais là s’arrête l’intérêt et c’est trop peu pour un aussi talentueux dessinateur et un aussi piètre scénariste. Le bât blesse là. Hermann Huppen (né en 1938) est sans conteste un dessinateur belge d’une envergure exceptionnelle. Fou de travail, il accumule les séries et les one-shots avec une régularité qui force l’admiration. Son graphisme a évolué depuis les pinceaux des débuts et le rotring et ses mises en couleurs directes. Quand les ambiances sont suffisamment travaillées, elles frappent et bluffent le lecteur le plus blasé. Lorsqu’Hermann accepte le joug d’un bon scénariste (Duval, Greg, Van Hamme, à leurs époques), l’œuvre qui surgit fait mouche sans tache. Dès lors où il travaille sur les histoires de son fils ou sur les siennes, le récit part souvent à vau-l’eau et l’attention du lecteur se délite. Jeremiah est dans cette mouvance décousue et avortée. C’est un mal qui touche les plus grands dessinateurs de bédé. Rares sont ceux qui ont pu imaginer et dessiner une œuvre forte, cohérente et durable à l’instar d’Hergé. Maintenant, si les intégrales parues chez Dupuis sont rafraîchies et complétées d’un dossier comme pour Spirou, elles justifient leur place. Dans le cas de Jeremiah, elles réunissent les albums à l’identique sans rien ajouter d’autre. Quatre aventures pour le prix de trois mais à quoi bon ?