J'avais déjà découvert un pan de la vie d'Isadora Duncan en lisant Il était une fois dans l'Est des mêmes auteurs. Mais alors que ce dernier se concentrait surtout sur sa relation amoureuse avec le poète Essenine, Isadora propose une biographie plus classique et plus complète, que j'ai préférée car elle m'a permis de mieux appréhender la vie et la carrière de cette danseuse étonnante.
La mise en scène choisit de représenter Isadora comme une éternelle jeune femme, les yeux grands ouverts sur le monde. Dévouée à son art, mais aussi à une vision libre et un peu idéalisée de la vie, elle semble en permanence émerveillée, à la fois très attentive et un peu ailleurs. La BD ne permet pas vraiment de comprendre à quoi ressemblait sa danse puisqu'il y manque le mouvement, et je reste incapable de me faire une idée de son talent réel, mais les auteurs parviennent à faire sentir en quoi, par sa démarche comme par sa forme, elle rompait avec les canons classiques de l’époque, en apportant un souffle de liberté, de grâce et de nouveauté. Malgré son allure un peu perchée, le personnage devient attachant et intéressant pendant une bonne moitié de l’album.
Et puis Essenine entre en scène, et là j’ai décroché. Il est dépeint de manière si antipathique, avec son amour fait de reproches, d’humiliations, de sarcasmes et d’ivresses errantes, qu’il devient rapidement insupportable. Et rien dans le récit ne permet de comprendre ce qu’Isadora peut bien lui trouver. Par ricochet, elle perd elle aussi de son charme et devient une figure un peu pathétique, fantasque, collée aux basques d’un amant abusif. Le rythme, par ailleurs, est assez rapide, survolant ce qui a fait le succès de sa danse et la spécificité de son art, laissant au lecteur le soin de se documenter ailleurs s’il veut en savoir plus.
Bref, c’est une biographie plutôt agréable sur la forme et la narration, mais j’ai eu du mal à m’attacher aux personnages, surtout dans la seconde moitié.
Furioso est la transposition dans un cadre d'heroic-fantasy du poème épique de l'italien L'Arioste, Orlando furioso. Celui-ci prend pour cadre la guerre entre Charlemagne et les Sarrasins et imagine un chevalier Roland rendu furieux par la fuite de la femme dont il s'est épris et qui exerce sa vengeance sur les Maures et tous ceux qui ne s'allient pas à lui. En parallèle se déroule le récit du chevalier Roger, au service des Maures, mais amoureux de la guerrière chrétienne Bradamante qui est dans l'autre camp.
Philippe Paelez n'en fait pas une adaptation rigoureuse mais il met en place un récit de fantasy qui en reprend les éléments principaux. Les Maures sont ici remplacés par l'armée des Morts. Et le chevalier Roger, ici renommé Garalt, a lui-même été ressuscité alors qu'il avait été tué par Roland et il revient non pas vraiment pour se venger mais plutôt pour revoir son amour perdu.
L'histoire mêle plusieurs mythologies, un peu de grecque par-ci, un peu de celtique par-là, et on retrouve également sous l'aspect de la fameuse île des Morts du peintre Böcklin une version de l'île d'Avallon avec Morgane et Merlin/Myrddin. Ajouté à cela cette transposition du Royaume de Charlemagne et de la Chanson de Roland et on obtient une univers épique complexe dans lequel le lecteur est directement plongé sans explication et dont il doit démêler les fils en cours de lecture. C'est un peu compliqué et la première lecture est assez laborieuse. Mais c'est bien plus clair en seconde lecture.
Le dessin est de très belle facture, avec une vraie personnalité et une beauté certaine, mais lui aussi est souvent assez confus. Son abondance de traits, aussi souples et maîtrisés soient-ils, manque de contraste et même en relecture, il y a certaines scènes que je ne comprends que par les dialogues car l'image elle-même est difficilement lisible. C'est le cas par exemple d'une portion de la scène d'introduction du premier tome. Ceci étant dit, le graphisme a un véritable charme et je trouve que c'est une belle BD.
Du fait de la complexité de l'intrigue et de ses nombreux personnages, ce n'est pas un ouvrage facile à appréhender, mais il séduit par la force évocatrice de son dessin et par la poésie épique qui se dégage de son intrigue en forme de tragédie mythique.
Numéro Invalide est, à l’origine, un webtoon lancé en 2014 par l’autrice, qui y racontait ses déboires médicaux après une opération ayant mal tourné lorsqu’elle était adolescente. À 15 ans, on lui diagnostique une absence d’utérus et une malformation du vagin. Elle ne pourra pas avoir d’enfant, mais il lui est possible de corriger le second point pour avoir une sexualité normale. La solution proposée consiste en une opération encore expérimentale : remplacer l’intérieur du vagin par une portion du gros intestin. Effrayée, résignée mais surtout mal informée, la jeune fille accepte. Après quelques jours qui semblent normaux, l’opération échoue, apparemment à cause d’une erreur médicale. Ce sera le début d’un calvaire : interventions à répétition, douleurs chroniques, complications multiples, le tout aggravé par des comportements abusifs du corps médical, qui refuse d’assumer toute responsabilité.
Après des années de publication en ligne, le webtoon a été adapté en manga cette année. Il a été entièrement redessiné, et tant mieux : le webtoon avait un charme visuel certain, mais restait très amateur. Le manga, plus propre et un peu plus pro dans l’encrage, reste encore hésitant techniquement, mais l’effort est notable. Le format n'est pas la même et les images sont agencées différemment pour tenir sur des pages en papier. Au-delà de quelques pages inédites d'introduction, ce sont peu ou prou les mêmes scènes et le même découpage que le webtoon, avec quelques corrections amenées par un peu plus de recul sur l'œuvre avec les années. On perd la couleur, mais ce n’est pas un mal, et la mise en page s’en sort bien, avec quelques tentatives de mise en scène réussies.
Quant à l’histoire, elle est à la fois bouleversante et difficile à juger.
Bouleversante, parce que ce qui arrive à cette adolescente est atroce. Sa vie est fracassée par les conséquences d’une opération qu’elle aurait préféré éviter et aurait sans doute refusé si elle avait été mieux informée. Erreur médicale, douleurs ignorées, négligences dans son suivi, comportement injuste voire maltraitant des soignants, jusqu’à l’abandonner handicapée en rejetant la faute sur elle ainsi que sur sa relation trop fusionnelle avec sa mère. Si tout est vrai, c’est accablant. Difficile de ne pas imaginer un procès finissant par lui donner raison et condamner les responsables.
Mais le problème, c’est dans la mise en scène qui est tellement à charge qu'elle instille instinctivement le doute sur son impartialité.
Après prise d'un peu de renseignements sur Internet, il y a bien eu procès et son jugement accrédite une partie des accusations de l'autrice (faute de l'hôpital sur l’obtention de son consentement libre et éclairé), mais il ne semble rien dire des maltraitances et des conséquences qu'elle raconte ensuite, ou du moins le manga ne me permet pas d'en juger. Du coup, on n'a que la vision de l'autrice et c'est difficile de se faire sa propre opinion. Les premières pages, pourtant cruciales évacuent très vite la présentation préalable des solutions médicales alors que la clé du problème réside là, le fait qu'on n'ait pas ou mal expliqué les tenants et aboutissants de ce qui était proposé. Et de fait en deux pages à peine, l’héroïne rejette catégoriquement une autre solution, certes pénible mais bien moins risquée, ce qui donne déjà une impression de victimisation. Et ensuite, c’est un enchaînement de figures hostiles : médecins, infirmières, administratifs, anciennes amies, beau-père (dépeint comme un salaud), tous sont montrés comme des ordures. Tous, sauf la mère (et encore, son rôle est flou), quelques ambulanciers et un kiné brièvement rencontrés qui vont dans le sens de l’héroïne. C’est le souci : on n’a que son point de vue, celui de la victime, et jamais la version des autres. Les dialogues laissent entendre qu’ils mentent ou se dédouanent, mais on n’a aucune contradiction impartiale. Et la mise en scène n’aide pas : la mère, censée être fusionnelle, paraît souvent absente, ne facilite pas la communication avec les médecins, se contente de râler en marge et semble tolérer le comportement inacceptable du beau-père. Et l'héroïne elle-même s'enfonce régulièrement dans le dégoût d'elle-même et la peur d'exprimer à l'oral ce qu'elle pense vraiment, ce qui est certes crédible mais rend l’ensemble encore plus confus.
Bref, ce genre de témoignage, très orienté, me met mal à l’aise. Surtout que dans un tel ouvrage autobiographique, on a toujours peur qu'une critique de l'ouvrage soit considérée comme une critique de l'auteur en tant que personne. Je ne remets absolument pas en question le traumatisme vécu ni ses conséquences durables, mais la façon dont tout cela est raconté, avec une telle lourdeur accusatrice, fait douter instinctivement de l’impartialité du propos ce qui est terrible au vu de ce qu'elle a subi. Je le précise à nouveau, je parle là de la manière dont les choses sont racontées et mises en scène, je ne conteste pas la véracité des faits. Je pense que pour un meilleur impact, l'ouvrage aurait bénéficié d'un avis tiers qui aurait permis de mieux situer la réalité des faits. En l’état, c’est difficile à encaisser, et ça ne donne franchement pas envie de se faire opérer en Belgique.
Album autobiographique de Tronchet assez touchant, mais quelque peu décousu.
L'auteur y évoque sa famille et notamment sa maman, sans amertume malgré un passif quelque peu chargé en maladresses, avec surtout le regret de n'avoir pu comprendre et connaître véritablement ceux qui auraient dû être des proches. Cette évocation du contexte familial est l'occasion de revenir sur la bibliographie de l'auteur, de constater combien cette thématique de la famille a influencé et profondément nourri son œuvre, aussi bien les titres humoristiques des débuts, que les romans graphiques plus intimistes d'aujourd'hui.
BD indéniablement agréable à lire (les chaleureuses illustrations y sont pour beaucoup), mais trop ambitieuse et en même temps superficielle, pour ne pas laisser un goût d'inachevé. Tronchet a la sympathique modestie de l'admettre en mettant en scène un personnage fictif d'éditeur apeuré par ce projet faiblement structuré, mais se contenter de douter à propos du sens global et de la direction à donner au récit, tout comme simplement évoquer ses anciennes œuvres, ne permet pas de mettre véritablement en perspective l'ensemble ou de tenir un propos pertinent.
Pas la BD de Tronchet à lire prioritairement, mais un projet inabouti sympathique et fort honorable malgré d'évidentes réserves.
Un documentaire qui montre l'évolution de la nation française depuis la troisième République et particulièrement tout ce qui touche l'immigration.
On va donc voir que le beau rêve d'une France pure est un mythe, vu qu'il y a toujours eu des vagues d'immigration et comment les immigrants d'hier sont devenus les Français de demain avec des vagues d'immigration venant de différents pays au fil des périodes historiques. C'est pas trop mal, mais la narration manque vraiment de dynamisme. Il y a aussi le fait qu'on a surtout droit à un résumé d'histoire de la France depuis 1870 et plusieurs éléments qui auraient mérité d'être un peu plus approfondis. Lorsqu'on connait l'histoire de France, on ne va pas apprendre grand chose de nouveau. Je pense que les seules grosses surprises que j'ai eues dans l'album ont été d'apprendre que les Auvergnats étaient aussi pointés du doigt à une époque, que les Bretons et que la grosse vague d'immigration portugaise étaient plus récentes que je le pensais.
Il y a un coté politique orienté et je pense que cet album va surtout parler aux convertis. Dans notre époque de plus en plus divisée, j'ai pas l'impression que plus grand monde veut changer d'idées après avoir lu une BD. Il y a quelques détails qui m'ont fait un peu sourciller (pourquoi tout le monde trouve ça normal que les immigrants de première génération ont des emplois de merde ?!), mais pas trop. Les meilleurs moments sont les mini-témoignages qui montrent la diversité des habitants de la France et à quel point il y a des personnages qui ont marqué la France qui étaient immigrants on enfants d'immigrants.
Un triptyque sympathique.
J’ai un temps cru que le côté ésotérique – autour d’un manuscrit prouvant que le christ a survécu à la croix et qu’il s’est ensuite rendu au Tibet – allait prendre le pas sur l’intrigue, dans quelque chose de déjà pas mal vu, et que je n’aime généralement pas trop.
Heureusement cet aspect reste en sourdine, certes présent jusqu’à la fin, avec l’intervention des autorités catholiques, mais, après un premier tome qui en avait fait son enjeu central, c’est en retrait, justifiant juste quelques montées en tension.
On est donc là sur du polar, plutôt bien fichu. Si le conflit sino-tibétain occupait le premier tome, c’est par la suite aux États-Unis que ça se passe, à Los Angeles, avec une bonne utilisation du Maccarthysme.
L’inévitable privé, qui navigue entre deux eaux, ajoute à quelques clichés (c’est aussi le personnage le plus intéressant).
La narration est fluide, et l’histoire se lit agréablement. Je regrette juste quelques longueurs, et une certaine mollesse parfois, ainsi qu’une fin un peu facile.
Mais ce qui garantit d’un bon moment de lecture, c’est aussi le dessin de Grella, vraiment intéressant – et beau.
L'histoire se déroule dans l'Empire russe du début du XXe siècle, à une époque où de jeunes officiers pouvaient encore partir chercher l'aventure et la gloire aux confins d’un territoire immense, comme le faisaient leurs homologues des armées coloniales occidentales, à ceci près que leurs campagnes se jouaient dans les steppes et les montagnes de l’Asie centrale. Le lieutenant Vassili, mû par le besoin de s'accomplir et de prouver sa valeur, a lui-même demandé à servir dans ces zones reculées. Et c'est lui, toujours, qui réclame les missions les plus risquées. Stratège habile, peu enclin à fuir le danger, il s’illustre rapidement… mais se durcit tout autant, gagnant en autorité ce qu’il perd peut-être en humanité.
Ce récit, à la fois dépaysant et parfois envoûtant, avance à bon rythme, usant de plusieurs ellipses conséquentes pour accompagner l’évolution de son protagoniste sans s’enliser. Le dessin, d’une sobriété maîtrisée, restitue avec efficacité les paysages rudes et dépouillés de ces régions, tout comme les dynamiques entre les hommes, rendues avec justesse et retenue. L’ensemble fonctionne, tient l’attention, et accompagne le lecteur jusqu’à une fin d’une brutalité inattendue, presque déroutante, tant elle donne l’impression qu’il manque un épilogue, voire un deuxième tome. Cette coupure soudaine laisse un goût d’inachevé, une frustration qui contraste avec la richesse du parcours proposé jusque-là.
Malgré cette sortie de route un peu sèche, le voyage reste marquant, porté par une atmosphère singulière et un personnage principal dont l’ascension a quelque chose d’à la fois admirable et inquiétant.
C’est une série qui a bien sa place dans cette collection des éditions Paquet dédiée aux avions. En effet, avions et combats aériens occupent une bonne partie des cinq albums (c’est même encore plus flagrant dans le dernier !).
C’est un récit de guerre, qui se déroule dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, du côté allemand, alors que la débâcle ne laisse plus trop de doute sur l’issue du conflit : les derniers aviateurs – dont Nikolaus, le héros – ne peuvent mener que des combats d’arrière-garde désespérés. Et autour, la série montre bien l’écroulement du Reich – ses villes, ses valeurs, etc.
Nous suivons donc Nikolaus, dont le frère, lui-même as de l’aviation, s’est suicidé après avoir trempé dans le dernier attentat visant Hitler. Une épée de Damoclès supplémentaire – en l’occurrence la Gestapo – menace notre pilote, en sus des aviateurs soviétiques.
Pinard a placé une touche fantastique dans son récit, avec ce chien qui dialogue avec Nikolaus. Même si en fin du dernier album une petite explication est donnée pour lier ce chien avec le frère du héros, je n’ai pas été convaincu de l’utilité de cette touche fantastique. Je pense que la partie « historique », militaire se suffisait, à condition de l’élaguer quelque peu.
En effet, il y a quelques longueurs. Longueurs accentuées par des textes extrêmement présents. Ajoutons à ça une foule de détails techniques (pas inutiles, et qui donnent une touche sérieuse au récit – et devraient contenter les amateurs du genre) : c’est parfois un chouia indigeste.
Une partie du récit – le ton employé, les textes abondants et souvent « explicatifs » (mais pas que) – mais surtout le dessin, donnent à cette série une patine un peu vieillotte. En effet, Dauger use d’une ligne claire ultra classique. C’est très réussi pour tout ce qui concerne décors et surtout avions (donc là les amateurs des avions soviétiques et allemands – en particulier le Messerschmitt 262, premier avion de combat à réaction - y trouveront leur compte), plus inégal concernant les visages, même si les traits sont plus détaillés et précis au fil des albums.
Au final, malgré les longueurs et des textes un peu trop dense parfois, c’est une série qui se laisse lire (la fin m’a par contre un peu déçu, un peu trop facile).
Un documentaire intéressant, fruit d’une enquête au long cours, menée par une architecte qui se posait des questions sur l’utilisation à outrance du béton (le départ de son questionnement : voir que l’on fait venir de plusieurs centaines de kilomètres du sable pour un projet de construction au Sahara !?).
Cette enquête, prépubliée dans sur un site suisse du même type que Médiapart je pense, est intéressante et jamais rébarbative. D’abord parce que ça part à chaque fois de cas concret avant de nous donner des chiffres, et surtout parce que la narration est aérée et fluide.
En tout cas voilà un sujet qui passe sous les radars de l’actualité – et même souvent sous les radars de ceux que les enjeux écologiques mobilisent – et qui mérite d’être mis en lumière, étant donnés les conséquences économiques et surtout écologiques du suremploi du béton et du ciment – et donc du sable.
Évidemment au cœur de cette enquête apparaissent des multinationales du secteur (Lafarge en tête), mais aussi d’autres requins qui gagnent des sommes énormes en exploitant la crédulité ou la méconnaissance de ceux à qui ils achètent des terrains (voir les exemples édifiants en Suisse). On voit aussi apparaitre le scandale de certaines installations que je connais bien pour avoir vécu tout près, le long de la Seine, à Paris.
A noter que les auteurs ne se contentent pas de dénoncer une hérésie écologique, mais de nombreuses pistes sont présentées, qui sont de bonnes alternatives au tout béton.
Un sujet important mais méconnu – ou plutôt maltraité et mal traité – que cet album permet de mieux appréhender (une bonne bibliographie complète l’enquête en fin de volume).
Le dessin d’Homs est fluide et agréable, et sa colorisation est elle aussi réussie. Les décors du Prague des années 1930 sont bien reconstitués, et les alternances entre gros plans et plans larges, entre parties plus sombres (beau rendu de l’enfer) et plus lumineuses, lui permettent de nous montrer son talent. Une mise en images plaisante donc.
J’ai parlé du Prague des années 1930 (1938 plus précisément), mais je m’attendais à ce que l’intrigue utilise encore davantage le climat angoissant de l’Anschluss (et la menace ressentie par les Tchèques des Sudètes ou d’ailleurs par la suite) – même si Hitler apparait, et si l’on voit à plusieurs reprises des Juifs persécutés par des Nazis. Mais tout ceci ne sert finalement qu’à ajouter de la noirceur à l’ambiance générale.
Dans cette atmosphère où l’enfer semble vouloir déborder sur la vie réelle, nous suivons Coral, une jeune fille (juive – ce qui n’est pas anodin ici) et ses relations plus ou moins tendues avec le diable (au passage, le diable peine – y compris dans des joutes verbales – à dominer Coral). Le père de la fille est un rabbin exorciste, spécialiste des luttes contre le diable. Au passage certaines scènes font penser au film « L’Exorciste » (en particulier lorsqu’un gamin exorcisé vomit).
Un récit relativement original, qui use de thèmes ésotériques et fantastiques (enfer/diable, golem, exorcisme), tout en nous racontant aussi en parallèle une relation distante entre une gamine et son père.
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Isadora
J'avais déjà découvert un pan de la vie d'Isadora Duncan en lisant Il était une fois dans l'Est des mêmes auteurs. Mais alors que ce dernier se concentrait surtout sur sa relation amoureuse avec le poète Essenine, Isadora propose une biographie plus classique et plus complète, que j'ai préférée car elle m'a permis de mieux appréhender la vie et la carrière de cette danseuse étonnante. La mise en scène choisit de représenter Isadora comme une éternelle jeune femme, les yeux grands ouverts sur le monde. Dévouée à son art, mais aussi à une vision libre et un peu idéalisée de la vie, elle semble en permanence émerveillée, à la fois très attentive et un peu ailleurs. La BD ne permet pas vraiment de comprendre à quoi ressemblait sa danse puisqu'il y manque le mouvement, et je reste incapable de me faire une idée de son talent réel, mais les auteurs parviennent à faire sentir en quoi, par sa démarche comme par sa forme, elle rompait avec les canons classiques de l’époque, en apportant un souffle de liberté, de grâce et de nouveauté. Malgré son allure un peu perchée, le personnage devient attachant et intéressant pendant une bonne moitié de l’album. Et puis Essenine entre en scène, et là j’ai décroché. Il est dépeint de manière si antipathique, avec son amour fait de reproches, d’humiliations, de sarcasmes et d’ivresses errantes, qu’il devient rapidement insupportable. Et rien dans le récit ne permet de comprendre ce qu’Isadora peut bien lui trouver. Par ricochet, elle perd elle aussi de son charme et devient une figure un peu pathétique, fantasque, collée aux basques d’un amant abusif. Le rythme, par ailleurs, est assez rapide, survolant ce qui a fait le succès de sa danse et la spécificité de son art, laissant au lecteur le soin de se documenter ailleurs s’il veut en savoir plus. Bref, c’est une biographie plutôt agréable sur la forme et la narration, mais j’ai eu du mal à m’attacher aux personnages, surtout dans la seconde moitié.
Furioso (Drakoo)
Furioso est la transposition dans un cadre d'heroic-fantasy du poème épique de l'italien L'Arioste, Orlando furioso. Celui-ci prend pour cadre la guerre entre Charlemagne et les Sarrasins et imagine un chevalier Roland rendu furieux par la fuite de la femme dont il s'est épris et qui exerce sa vengeance sur les Maures et tous ceux qui ne s'allient pas à lui. En parallèle se déroule le récit du chevalier Roger, au service des Maures, mais amoureux de la guerrière chrétienne Bradamante qui est dans l'autre camp. Philippe Paelez n'en fait pas une adaptation rigoureuse mais il met en place un récit de fantasy qui en reprend les éléments principaux. Les Maures sont ici remplacés par l'armée des Morts. Et le chevalier Roger, ici renommé Garalt, a lui-même été ressuscité alors qu'il avait été tué par Roland et il revient non pas vraiment pour se venger mais plutôt pour revoir son amour perdu. L'histoire mêle plusieurs mythologies, un peu de grecque par-ci, un peu de celtique par-là, et on retrouve également sous l'aspect de la fameuse île des Morts du peintre Böcklin une version de l'île d'Avallon avec Morgane et Merlin/Myrddin. Ajouté à cela cette transposition du Royaume de Charlemagne et de la Chanson de Roland et on obtient une univers épique complexe dans lequel le lecteur est directement plongé sans explication et dont il doit démêler les fils en cours de lecture. C'est un peu compliqué et la première lecture est assez laborieuse. Mais c'est bien plus clair en seconde lecture. Le dessin est de très belle facture, avec une vraie personnalité et une beauté certaine, mais lui aussi est souvent assez confus. Son abondance de traits, aussi souples et maîtrisés soient-ils, manque de contraste et même en relecture, il y a certaines scènes que je ne comprends que par les dialogues car l'image elle-même est difficilement lisible. C'est le cas par exemple d'une portion de la scène d'introduction du premier tome. Ceci étant dit, le graphisme a un véritable charme et je trouve que c'est une belle BD. Du fait de la complexité de l'intrigue et de ses nombreux personnages, ce n'est pas un ouvrage facile à appréhender, mais il séduit par la force évocatrice de son dessin et par la poésie épique qui se dégage de son intrigue en forme de tragédie mythique.
Numéro Invalide
Numéro Invalide est, à l’origine, un webtoon lancé en 2014 par l’autrice, qui y racontait ses déboires médicaux après une opération ayant mal tourné lorsqu’elle était adolescente. À 15 ans, on lui diagnostique une absence d’utérus et une malformation du vagin. Elle ne pourra pas avoir d’enfant, mais il lui est possible de corriger le second point pour avoir une sexualité normale. La solution proposée consiste en une opération encore expérimentale : remplacer l’intérieur du vagin par une portion du gros intestin. Effrayée, résignée mais surtout mal informée, la jeune fille accepte. Après quelques jours qui semblent normaux, l’opération échoue, apparemment à cause d’une erreur médicale. Ce sera le début d’un calvaire : interventions à répétition, douleurs chroniques, complications multiples, le tout aggravé par des comportements abusifs du corps médical, qui refuse d’assumer toute responsabilité. Après des années de publication en ligne, le webtoon a été adapté en manga cette année. Il a été entièrement redessiné, et tant mieux : le webtoon avait un charme visuel certain, mais restait très amateur. Le manga, plus propre et un peu plus pro dans l’encrage, reste encore hésitant techniquement, mais l’effort est notable. Le format n'est pas la même et les images sont agencées différemment pour tenir sur des pages en papier. Au-delà de quelques pages inédites d'introduction, ce sont peu ou prou les mêmes scènes et le même découpage que le webtoon, avec quelques corrections amenées par un peu plus de recul sur l'œuvre avec les années. On perd la couleur, mais ce n’est pas un mal, et la mise en page s’en sort bien, avec quelques tentatives de mise en scène réussies. Quant à l’histoire, elle est à la fois bouleversante et difficile à juger. Bouleversante, parce que ce qui arrive à cette adolescente est atroce. Sa vie est fracassée par les conséquences d’une opération qu’elle aurait préféré éviter et aurait sans doute refusé si elle avait été mieux informée. Erreur médicale, douleurs ignorées, négligences dans son suivi, comportement injuste voire maltraitant des soignants, jusqu’à l’abandonner handicapée en rejetant la faute sur elle ainsi que sur sa relation trop fusionnelle avec sa mère. Si tout est vrai, c’est accablant. Difficile de ne pas imaginer un procès finissant par lui donner raison et condamner les responsables. Mais le problème, c’est dans la mise en scène qui est tellement à charge qu'elle instille instinctivement le doute sur son impartialité. Après prise d'un peu de renseignements sur Internet, il y a bien eu procès et son jugement accrédite une partie des accusations de l'autrice (faute de l'hôpital sur l’obtention de son consentement libre et éclairé), mais il ne semble rien dire des maltraitances et des conséquences qu'elle raconte ensuite, ou du moins le manga ne me permet pas d'en juger. Du coup, on n'a que la vision de l'autrice et c'est difficile de se faire sa propre opinion. Les premières pages, pourtant cruciales évacuent très vite la présentation préalable des solutions médicales alors que la clé du problème réside là, le fait qu'on n'ait pas ou mal expliqué les tenants et aboutissants de ce qui était proposé. Et de fait en deux pages à peine, l’héroïne rejette catégoriquement une autre solution, certes pénible mais bien moins risquée, ce qui donne déjà une impression de victimisation. Et ensuite, c’est un enchaînement de figures hostiles : médecins, infirmières, administratifs, anciennes amies, beau-père (dépeint comme un salaud), tous sont montrés comme des ordures. Tous, sauf la mère (et encore, son rôle est flou), quelques ambulanciers et un kiné brièvement rencontrés qui vont dans le sens de l’héroïne. C’est le souci : on n’a que son point de vue, celui de la victime, et jamais la version des autres. Les dialogues laissent entendre qu’ils mentent ou se dédouanent, mais on n’a aucune contradiction impartiale. Et la mise en scène n’aide pas : la mère, censée être fusionnelle, paraît souvent absente, ne facilite pas la communication avec les médecins, se contente de râler en marge et semble tolérer le comportement inacceptable du beau-père. Et l'héroïne elle-même s'enfonce régulièrement dans le dégoût d'elle-même et la peur d'exprimer à l'oral ce qu'elle pense vraiment, ce qui est certes crédible mais rend l’ensemble encore plus confus. Bref, ce genre de témoignage, très orienté, me met mal à l’aise. Surtout que dans un tel ouvrage autobiographique, on a toujours peur qu'une critique de l'ouvrage soit considérée comme une critique de l'auteur en tant que personne. Je ne remets absolument pas en question le traumatisme vécu ni ses conséquences durables, mais la façon dont tout cela est raconté, avec une telle lourdeur accusatrice, fait douter instinctivement de l’impartialité du propos ce qui est terrible au vu de ce qu'elle a subi. Je le précise à nouveau, je parle là de la manière dont les choses sont racontées et mises en scène, je ne conteste pas la véracité des faits. Je pense que pour un meilleur impact, l'ouvrage aurait bénéficié d'un avis tiers qui aurait permis de mieux situer la réalité des faits. En l’état, c’est difficile à encaisser, et ça ne donne franchement pas envie de se faire opérer en Belgique.
Le Cahier à spirale
Album autobiographique de Tronchet assez touchant, mais quelque peu décousu. L'auteur y évoque sa famille et notamment sa maman, sans amertume malgré un passif quelque peu chargé en maladresses, avec surtout le regret de n'avoir pu comprendre et connaître véritablement ceux qui auraient dû être des proches. Cette évocation du contexte familial est l'occasion de revenir sur la bibliographie de l'auteur, de constater combien cette thématique de la famille a influencé et profondément nourri son œuvre, aussi bien les titres humoristiques des débuts, que les romans graphiques plus intimistes d'aujourd'hui. BD indéniablement agréable à lire (les chaleureuses illustrations y sont pour beaucoup), mais trop ambitieuse et en même temps superficielle, pour ne pas laisser un goût d'inachevé. Tronchet a la sympathique modestie de l'admettre en mettant en scène un personnage fictif d'éditeur apeuré par ce projet faiblement structuré, mais se contenter de douter à propos du sens global et de la direction à donner au récit, tout comme simplement évoquer ses anciennes œuvres, ne permet pas de mettre véritablement en perspective l'ensemble ou de tenir un propos pertinent. Pas la BD de Tronchet à lire prioritairement, mais un projet inabouti sympathique et fort honorable malgré d'évidentes réserves.
La Fabrique des Français - Histoire d’un peuple et d’une nation de 1870 à nos jours
Un documentaire qui montre l'évolution de la nation française depuis la troisième République et particulièrement tout ce qui touche l'immigration. On va donc voir que le beau rêve d'une France pure est un mythe, vu qu'il y a toujours eu des vagues d'immigration et comment les immigrants d'hier sont devenus les Français de demain avec des vagues d'immigration venant de différents pays au fil des périodes historiques. C'est pas trop mal, mais la narration manque vraiment de dynamisme. Il y a aussi le fait qu'on a surtout droit à un résumé d'histoire de la France depuis 1870 et plusieurs éléments qui auraient mérité d'être un peu plus approfondis. Lorsqu'on connait l'histoire de France, on ne va pas apprendre grand chose de nouveau. Je pense que les seules grosses surprises que j'ai eues dans l'album ont été d'apprendre que les Auvergnats étaient aussi pointés du doigt à une époque, que les Bretons et que la grosse vague d'immigration portugaise étaient plus récentes que je le pensais. Il y a un coté politique orienté et je pense que cet album va surtout parler aux convertis. Dans notre époque de plus en plus divisée, j'ai pas l'impression que plus grand monde veut changer d'idées après avoir lu une BD. Il y a quelques détails qui m'ont fait un peu sourciller (pourquoi tout le monde trouve ça normal que les immigrants de première génération ont des emplois de merde ?!), mais pas trop. Les meilleurs moments sont les mini-témoignages qui montrent la diversité des habitants de la France et à quel point il y a des personnages qui ont marqué la France qui étaient immigrants on enfants d'immigrants.
Le Manuscrit Interdit
Un triptyque sympathique. J’ai un temps cru que le côté ésotérique – autour d’un manuscrit prouvant que le christ a survécu à la croix et qu’il s’est ensuite rendu au Tibet – allait prendre le pas sur l’intrigue, dans quelque chose de déjà pas mal vu, et que je n’aime généralement pas trop. Heureusement cet aspect reste en sourdine, certes présent jusqu’à la fin, avec l’intervention des autorités catholiques, mais, après un premier tome qui en avait fait son enjeu central, c’est en retrait, justifiant juste quelques montées en tension. On est donc là sur du polar, plutôt bien fichu. Si le conflit sino-tibétain occupait le premier tome, c’est par la suite aux États-Unis que ça se passe, à Los Angeles, avec une bonne utilisation du Maccarthysme. L’inévitable privé, qui navigue entre deux eaux, ajoute à quelques clichés (c’est aussi le personnage le plus intéressant). La narration est fluide, et l’histoire se lit agréablement. Je regrette juste quelques longueurs, et une certaine mollesse parfois, ainsi qu’une fin un peu facile. Mais ce qui garantit d’un bon moment de lecture, c’est aussi le dessin de Grella, vraiment intéressant – et beau.
Kizilkum
L'histoire se déroule dans l'Empire russe du début du XXe siècle, à une époque où de jeunes officiers pouvaient encore partir chercher l'aventure et la gloire aux confins d’un territoire immense, comme le faisaient leurs homologues des armées coloniales occidentales, à ceci près que leurs campagnes se jouaient dans les steppes et les montagnes de l’Asie centrale. Le lieutenant Vassili, mû par le besoin de s'accomplir et de prouver sa valeur, a lui-même demandé à servir dans ces zones reculées. Et c'est lui, toujours, qui réclame les missions les plus risquées. Stratège habile, peu enclin à fuir le danger, il s’illustre rapidement… mais se durcit tout autant, gagnant en autorité ce qu’il perd peut-être en humanité. Ce récit, à la fois dépaysant et parfois envoûtant, avance à bon rythme, usant de plusieurs ellipses conséquentes pour accompagner l’évolution de son protagoniste sans s’enliser. Le dessin, d’une sobriété maîtrisée, restitue avec efficacité les paysages rudes et dépouillés de ces régions, tout comme les dynamiques entre les hommes, rendues avec justesse et retenue. L’ensemble fonctionne, tient l’attention, et accompagne le lecteur jusqu’à une fin d’une brutalité inattendue, presque déroutante, tant elle donne l’impression qu’il manque un épilogue, voire un deuxième tome. Cette coupure soudaine laisse un goût d’inachevé, une frustration qui contraste avec la richesse du parcours proposé jusque-là. Malgré cette sortie de route un peu sèche, le voyage reste marquant, porté par une atmosphère singulière et un personnage principal dont l’ascension a quelque chose d’à la fois admirable et inquiétant.
Ciel en ruine
C’est une série qui a bien sa place dans cette collection des éditions Paquet dédiée aux avions. En effet, avions et combats aériens occupent une bonne partie des cinq albums (c’est même encore plus flagrant dans le dernier !). C’est un récit de guerre, qui se déroule dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, du côté allemand, alors que la débâcle ne laisse plus trop de doute sur l’issue du conflit : les derniers aviateurs – dont Nikolaus, le héros – ne peuvent mener que des combats d’arrière-garde désespérés. Et autour, la série montre bien l’écroulement du Reich – ses villes, ses valeurs, etc. Nous suivons donc Nikolaus, dont le frère, lui-même as de l’aviation, s’est suicidé après avoir trempé dans le dernier attentat visant Hitler. Une épée de Damoclès supplémentaire – en l’occurrence la Gestapo – menace notre pilote, en sus des aviateurs soviétiques. Pinard a placé une touche fantastique dans son récit, avec ce chien qui dialogue avec Nikolaus. Même si en fin du dernier album une petite explication est donnée pour lier ce chien avec le frère du héros, je n’ai pas été convaincu de l’utilité de cette touche fantastique. Je pense que la partie « historique », militaire se suffisait, à condition de l’élaguer quelque peu. En effet, il y a quelques longueurs. Longueurs accentuées par des textes extrêmement présents. Ajoutons à ça une foule de détails techniques (pas inutiles, et qui donnent une touche sérieuse au récit – et devraient contenter les amateurs du genre) : c’est parfois un chouia indigeste. Une partie du récit – le ton employé, les textes abondants et souvent « explicatifs » (mais pas que) – mais surtout le dessin, donnent à cette série une patine un peu vieillotte. En effet, Dauger use d’une ligne claire ultra classique. C’est très réussi pour tout ce qui concerne décors et surtout avions (donc là les amateurs des avions soviétiques et allemands – en particulier le Messerschmitt 262, premier avion de combat à réaction - y trouveront leur compte), plus inégal concernant les visages, même si les traits sont plus détaillés et précis au fil des albums. Au final, malgré les longueurs et des textes un peu trop dense parfois, c’est une série qui se laisse lire (la fin m’a par contre un peu déçu, un peu trop facile).
Béton - Enquête en sables mouvants
Un documentaire intéressant, fruit d’une enquête au long cours, menée par une architecte qui se posait des questions sur l’utilisation à outrance du béton (le départ de son questionnement : voir que l’on fait venir de plusieurs centaines de kilomètres du sable pour un projet de construction au Sahara !?). Cette enquête, prépubliée dans sur un site suisse du même type que Médiapart je pense, est intéressante et jamais rébarbative. D’abord parce que ça part à chaque fois de cas concret avant de nous donner des chiffres, et surtout parce que la narration est aérée et fluide. En tout cas voilà un sujet qui passe sous les radars de l’actualité – et même souvent sous les radars de ceux que les enjeux écologiques mobilisent – et qui mérite d’être mis en lumière, étant donnés les conséquences économiques et surtout écologiques du suremploi du béton et du ciment – et donc du sable. Évidemment au cœur de cette enquête apparaissent des multinationales du secteur (Lafarge en tête), mais aussi d’autres requins qui gagnent des sommes énormes en exploitant la crédulité ou la méconnaissance de ceux à qui ils achètent des terrains (voir les exemples édifiants en Suisse). On voit aussi apparaitre le scandale de certaines installations que je connais bien pour avoir vécu tout près, le long de la Seine, à Paris. A noter que les auteurs ne se contentent pas de dénoncer une hérésie écologique, mais de nombreuses pistes sont présentées, qui sont de bonnes alternatives au tout béton. Un sujet important mais méconnu – ou plutôt maltraité et mal traité – que cet album permet de mieux appréhender (une bonne bibliographie complète l’enquête en fin de volume).
Le Diable et Coral
Le dessin d’Homs est fluide et agréable, et sa colorisation est elle aussi réussie. Les décors du Prague des années 1930 sont bien reconstitués, et les alternances entre gros plans et plans larges, entre parties plus sombres (beau rendu de l’enfer) et plus lumineuses, lui permettent de nous montrer son talent. Une mise en images plaisante donc. J’ai parlé du Prague des années 1930 (1938 plus précisément), mais je m’attendais à ce que l’intrigue utilise encore davantage le climat angoissant de l’Anschluss (et la menace ressentie par les Tchèques des Sudètes ou d’ailleurs par la suite) – même si Hitler apparait, et si l’on voit à plusieurs reprises des Juifs persécutés par des Nazis. Mais tout ceci ne sert finalement qu’à ajouter de la noirceur à l’ambiance générale. Dans cette atmosphère où l’enfer semble vouloir déborder sur la vie réelle, nous suivons Coral, une jeune fille (juive – ce qui n’est pas anodin ici) et ses relations plus ou moins tendues avec le diable (au passage, le diable peine – y compris dans des joutes verbales – à dominer Coral). Le père de la fille est un rabbin exorciste, spécialiste des luttes contre le diable. Au passage certaines scènes font penser au film « L’Exorciste » (en particulier lorsqu’un gamin exorcisé vomit). Un récit relativement original, qui use de thèmes ésotériques et fantastiques (enfer/diable, golem, exorcisme), tout en nous racontant aussi en parallèle une relation distante entre une gamine et son père.