Les différentes relectures n’ont pas entaché mon ressenti initial … bien sympa cette trilogie.
Pourtant je suis partagé sur le sujet, si j’aime bien Pacific Rim et les Kaijus (type Godzilla), je fuis les trucs à la Evengelion, Gundam qui ne m’ont jamais vraiment captivé.
En gros, je suis un peu exigeant dans le genre, il faut le petit truc en plus …
Bah la présente série le possède carrément.
Alors c’est sûr ça va pas révolutionner grand chose, on aura bien droit à des fights : monstres vs robots géants. Cependant ça amène tellement de trucs novateurs ou originaux que ça passe super bien ici. Je trouve ça rondement mené et le place comme une petite référence dans le genre.
La partie graphique assure et possède vraiment sa patte, j’ai surtout adhéré à l’esthétisme de nos combattants (les monstres sont vraiment cool) mais le reste suit, bon découpage, couleurs réussies …
Niveau histoire, ça déroule bien tout en laissant place à quelques passages contemplatifs et j’ai aimé le côté un peu sombre. Les personnages sont bien typés et l’univers m’a accroché de suite. On arrive au bout sans difficultés, et sans ce sentiment de trop ou peu.
Franchement petit moment plaisir.
Alicia Jaraba nous présente ici la biographie d’un personnage clé de l’Histoire, en comblant de façon relativement crédible les lacunes de nos connaissances la concernant – en particulier pour tout ce qui se rapporte à la période ayant précédé l’arrivée de l’expédition de Cortez.
L’auteure a pris le parti de ne montrer que l’intermédiaire, le pont entre les langues – et les cultures – alors que la Malinche, qui maitrisait plusieurs langues de la région, est devenue l’interprète de Cortez. Plus que ça même, puisqu’elle lui permet de comprendre la société aztèque, et d’en connaitre les faiblesses. On aurait tout aussi bien pu ne voir en elle qu’une traitresse ayant trahit les « siens » et étant à la base du cataclysme qui va frapper la région. Singulièrement, l’album s’arrête juste au moment de l’arrivée des Espagnols à Tenochtitlan…
La narration est agréable, comme l’est le dessin d’ailleurs, la lecture est plaisante. Le sujet m’intéresse a priori, et je suis sorti satisfait de cet album, qui met en lumière un de ces « seconds rôles » majeurs, que l’Histoire a relégués dans l’ombre.
Note réelle 3,5/5.
Cette BD est solide comme un coup de poing dans la gueule qu'il faut lire en encaissant comme un boxeur. En l'encaissant comme Ali !
J'avais cette BD dans la pile à lire mais sans avoir aucune idée de pourquoi si ce n'était la note. C'est le genre de surprises que j'adore avoir, parce qu'elle est franchement formidable. Cette BD, comme le dis si bien McArthur, c'est celle qui te fait comprendre le mythe derrière la personnage. Qui permet aussi de l'appréhender, dans toute la complexité du personnage. Et je dois le dire, Muhammad Ali est une personnalité que je trouve incroyable maintenant. Parce que la BD parle de son parcours de vie non pas tant comme boxeur, mais dans sa totalité ! Et c'est sans doute ce qui est autour de la boxe qui est le plus fou et sans doute le plus méconnu : la partie politique. Que ce soit le combat pour les droits des noirs, la question religieuse, la répression politique, parfois à l'internationale, son engagement social prononcé, ses discours... Derrière le boxeur grande gueule, je découvre une personne pleinement engagée dans les droits civiques et dont certains discours seraient aujourd'hui parfaitement entendables. Georges Floyd n'est pas si loin que ça...
La Bd a donc un sujet intéressant, vivant et fort, mais elle le traite intelligemment. Le dessin, volontairement réaliste, joue sur les périodes (notamment lors d'interview retranscrites par des télévisions qui changent selon la période) mais aussi sur les cadrages, très étirés qui ne sont pas sans rappeler un cadrage cinématographique. J'ai personnellement trouvé que ça rappelait la volonté d'un film documentaire. D'autre part la voix off est présente tout au long comme un long discours envers Cassius Clay, renforçant la narration en créant un lien direct entre lui et le narrateur. Enfin, j'apprécie tout particulièrement les combats de boxe, les images faisant penser à des clichés pris sur le fait, tandis que la voix off et les rounds défilent. C'est une technique simple mais rudement efficace pour parler d'une personne qui fut présente en photo et à la télé comme une super-star. D'ailleurs les grandes pages pleines faisant presque penser à des arrêts sur image captant le moment-clé, cette image qui reste en tête longtemps après. Que ce soit les discours, les victoires, on sent que les auteurs ont voulu retranscrire tout le jeu scénique de Muhammad Ali.
La BD est excellente à mes yeux parce qu'elle est une biographie qui dépasse son sujet en offrant plus, peignant une société américaine raciste et un personnage solidaire des siens, parce qu'elle évoque la boxe comme le sport extraordinaire qu'il est, capable de soulever des foules. Mais aussi parce qu'elle fait toucher du doigt pourquoi cet homme est aujourd'hui encore une icône, une inspiration de tant de personnes. Muhammad Ali s'est créé lui-même, s'est fabriqué comme mythe et encore aujourd'hui il peut nous inspirer. Franchement, je suis à deux doigts du culte !
Qu'ouis-je ? Qu'entends-je ? Un album dessiné par Stéphane Fert que je n'aurais pas encore lu ? Vite, corrigeons le tir !
C'est une histoire très simple, très courte aussi, représentant de manière enfantine et colorée une question sociétale ayant souvent tendance à revenir sur le devant de la scène : doit-on brider nos libertés pour la satisfaction égoïste de petit-e-s mégalomanes aux tendances totalitaristes ?
Mine de rien la question mérite encore d'être posée car le problème des libertés (et tout particulièrement celle d'expression) devant être sacrifier au nom de décisions politiques reste un sujet récurrent dans le monde.
Ici, tout est exagéré, imagé pour rendre le propos le plus universel possible. C'est un album qui se veut conte, en somme (comme souvent avec Stéphane Fert au dessin).
Le général contrôle tout, le général n'aime pas le désordre et voit tout ce qui sort de sa vision du monde étriquée comme une attaque contre sa propre personne. Alors quand un cirque, symbole de liberté et d'expression artistique populaire, débarque en ville, c'est la panique ! Il parait même qu'iels n'ont pas de chef, c'est insensé !
L'album est bon, l'album est beau, l'album est simple (peut-être trop simple pour certain-e-s), l'album est gros (ou plutôt grand), l'album est recommandé.
Tiens, je n'ai toujours pas avisé cette série ! Réparons cet affront !
"Calvin et Hobbes", c'est l'une de mes séries du cœur, l'une de celle que j'avais découverte étant encore enfant (bon, grande enfant pour le coup) et qui non seulement m'avaient donné une vraie claque mais avait surtout réussi à me marquer pour la vie. C'est simple, fut un temps, mon rituel quand je tombais malade était d'envoyer mon père me chercher les Calvin et Hobbes à la bibliothèque pour les relire. C'est vraiment pour moi une BD du réconfort.
Pour celleux ne connaissant pas la série, il s'agit de strips humoristiques mettant en scène Calvin, enfant extrêmement turbulant ayant tendance à vivre dans son monde. Son acolyte est Hobbes, son tigre en peluche qui prend vie dès lors qu'ils sont seuls et avec qui il fait de grandes réflexions et de petites piques sur la vie. Calvin et Hobbes, c'est l'histoire du sale gamin par excellence, attachant dans son imagination enfantine et ses réflexions poussées, contrebalancé par son ami imaginaire plus terre à terre jouant plus ou moins le rôle de la "voix de la raison".
Bon, voilà, le fond est profond et touchant dans son humanité, mais quid de l'humour ? Cela reste une série humoristique, après tout ! Il est drôle. Cela reste subjectif, mais pour quiconque aime l'humour de répartie, les répliques pince-sans-rire et le sarcasme, "Calvin et Hobbes" reste une référence du genre, encore parfaitement lisible et appréciable par des enfants aujourd'hui. Et toujours bon à l'âge adulte, d'ailleurs !
J'en profite pour féliciter l'intégrité artistique de Bill Watterson qui a su arrêter sa série phare quand il a senti que l'inspiration lui manquait et qui a tenu à s'assurer que la reprise mercantile de ses personnages soient plus compliquée. Cela reste suffisamment rare pour mériter un applaudissement.
Elle est censée être en capacité d’interpréter les désirs d’autrui.
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Baptiste Chaubard pour le scénario, et par Thomas Hayman pour les dessins et la couleur. Il compte deux-cent-quarante-neuf pages de bande dessinée.
De nombreuses personnes montent le long escalier menant à un temple. Edo Nishimarru effectue la même ascension, tout en fumant tranquillement une cigarette, avec un petit paquet cadeau à la main. Il observe le mont Fuji dans le lointain. Il voit un couple se tenir serré l’un contre l’autre en admirant la vue. Il voit un groupe de trois collégiennes ayant posé leur sac sur les marches et papotant en admirant la vue. Il regarde une jeune femme se faire photographier devant un buste commémoratif, celui de Hideo Nishimaru, 2095-2155. Il commence à redescendre ; sur un palier il croise une femme en habit traditionnel, kimono, ombrelle, geta. Il apprécie cette vision. Arrivé en bas, il prend un taxi, son regard se perd dans le paysage qui défile. La route en corniche l’amène jusqu’au portail imposant d’une grande propriété. Il se fait déposer, et il marche sur les pas japonais jusqu’à sa luxueuse demeure. Il dépose son paquet cadeau sur la table basse et s’assoit sur le canapé. Sur leur terrasse, son épouse Hélène Ishimaru contemple également le mont Fuji. Elle observe un oiseau perché sur une branche. Elle quitte sa robe transparente et elle rentre doucement dans l’eau de la piscine. L’oiseau s’est envolé et il vient se cogner à la baie vitre, tombant assommé. Hélène le ramasse et le met dans une cage : il n’est pas encore capable de voler de ses propres ailes. En passant devant la baie vitrée, elle regarde sa silhouette, plutôt satisfaite, même si les marques de l’âge sont bien présentes.
Hélène décide de rentrer dans la maison. Elle monte l’escalier jusqu’à l’étage. Elle passe devant le piano dont elle caresse le bois. Elle traverse l’immense chambre, et jette un coup d’œil dans sa grande penderie pour choisir une robe. Elle se rend dans la magnifique salle de bain, où elle profite de la grande baignoire carrée. À l’extérieure, Osachi simplement vêtue d’un short de bain plonge en apnée pour aller pêcher un ormeau, qu’elle détache avec son couteau, et elle remonte. Elle met sa prise dans le seau en bois qui flotte. Elle prend le seau et le dépose dans sa barque, dans laquelle elle monte. Elle rame jusqu’à la petite crique. Elle hale la barque sur le sable. Elle s’habille avec une jupe et un corsage stricts, et met son tablier. Tenant le seau de bois de la main droite, elle avance vers l’escalier de pierre qu’elle monte. Elle rentre dans les communs de la villa, et elle offre un ormeau au chat qui l’attend. Elle passe à côté de la piscine et elle rentre à l’intérieur. Elle entame les tâches domestiques : laver le sol avec un balai, faire les carreaux, rincer le chiffon, faire tourner la machine à laver le linge, briser quelques coquilles et découper les coquillages pour préparer de délicats nigiris dans une cuisine étincelante.
Quelle puissance de séduction ! Tout commence avec cette couverture énigmatique : une femme qui regarde le mont Fuji depuis une terrasse avec piscine, avec une belle baie à ses pieds, un transat en bois assez classique, un pied-table design pour le parasol, un dallage soigné, un bel arbre. Le lecteur ouvre ce tome épais avec un beau dos toilé : les pages intérieures bénéficient de la même minutie que l’image de couverture, même trait de contour fin et souple, mêmes textures à l’apparence mécanographiée, des couleurs majoritairement en aplat, quelques dégradés organiques, même sensibilité pour les compositions travaillées. L’amateur d’aménagement est aux anges : le portail arrondi dans le mur d’enceinte de la propriété, l’entrée avec son meuble métallique à chaussures, la table évidée avec les beaux vases, les bonsaïs, les panneaux glissants, les grandes baies vitrées assurant une grande transparence à la construction, l’arbre intérieur dans une énorme pièce, le beau piano à queue, les tableaux de paysage aux murs, la baignoire avec une vasque débordante pour la remplir, le futon et les tatamis dans la chambre à coucher à l’ameublement minimaliste, la pièce à vivre plus encombrée de la bonne avec un petit autel et son bâtonnet d’encens en mémoire de son défunt mari, la maison plus traditionnelle de l’oncle Nishimaru Ueda, l’architecture plus moderne du Philharmonique, la magnifique vue de dessus de la propriété pour la réception avec son petit pavillon du jardin, etc.
D’un côté, le phénomène d’exotisme joue à plein pour le lecteur occidental ; de l’autre côté, il ressent une vraie sensibilité pour ce Japon traditionnel, avec un degré d’authenticité qui dépasse la carte postale sans âme. Le choix du Japon va au-delà d’un simple artifice de dépaysement : l’Histoire de ce pays joue un rôle important dans l’intrigue. En effet, le gouvernement a décidé que voilà trop longtemps que le Japon est à l’école de l’occident qu’il est temps, et plus que temps, que le pays ferme ses portes à ce monde extérieur qui sombre et s’éteint. Ainsi s’est exprimé lundi soir le député Takizawa Bakin, du groupe majoritaire à la chambre des représentants, lors de la présentation du projet de loi sur la fermeture. Il est vraisemblable qu’en quelques mois, le pays se refermera comme sous le règne des Tokugawa, il y a six cents ans. Cette décision a une incidence directe sur la situation d’Hélène, une occidentale, l’épouse d’Edo Nishimaru. La mise en scène de la demeure traditionnelle, des quelques concessions d’aménagement moderne constitue autant d’éléments narratifs indispensables à l’intrigue, indissociables de l’histoire. Régulièrement, le lecteur prend conscience qu’un élément visuel vu quelques pages avant acquiert une autre dimension à la lecture d’une nouvelle information. Par exemple, le personnage principal masculin se tient devant le buste commémoratif d’Hideo Nishimaru en page dix. Le lecteur suppose que cette marque de respect sert surtout à donner une indication de l’époque (l’homme est décédé en 2155, il s’agit donc d’un récit entre anticipation et science-fiction), et un peu à donner une idée de l’importance du passé pour Edo. Ce n’est qu’en page cent-vingt qu’un autre personnage salue Edo par son nom de famille, et que le lecteur fait le lien avec le buste.
Dans un premier temps, le lecteur se laisse porter par la douceur de la narration. Le récit s’ouvre avec une séquence de trente pages, dépourvue de tout mot. Les personnages se conduisent comme des adultes, calmement et posément. Il n’y a qu’à regarder les cases : les enchaînements sont évidents de l’une à l’autre, ne nécessitant aucun effort de compréhension. Le lecteur fait tranquillement connaissance avec l’un, puis avec l’autre : le mari Edo Shinimaru, son épouse Hélène et Osachi la bonne. Il effectue des déductions basiques : la situation financière très aisée du couple, l’activité de pêche traditionnelle aux ormeaux de l’employée de maison en plus de son travail, la sollicitude d’Hélène pour l’oiseau, celle d’Osachi pour le chat. La première discussion intervient en page trente-neuf, entre les époux. De temps à autre, le lecteur passe dans un autre mode de lecture, reliant un élément à un autre. Ainsi il remarque les mouvements réflexes d’Hélène se frottant le poignet, le piano, l’image d’elle-même dans un lit d’hôpital. À d’autres moments, il relève une forme de métaphore : cet oiseau qui se cogne contre une barrière qu’il n’a pas vu, et Hélène qui se heurte aux conséquences d’être une étrangère, une occidentale au Japon et qui se heurte à des barrières sociales dont elle ne soupçonnait pas l’existence.
Au cours du récit, le lecteur relève plusieurs thèmes qui se nourrissent les uns les autres. L’intrigue principale correspond à la relation de couple entre les époux Nishimaru : les conséquences de l’accident d’Hélène, sa décision de faire entrer une Intelligence Artificielle Humanisée (IAH) dans leur demeure, le risque de perdre son poste au Philharmonique. Il s’agit d’un drame : la pianiste sait que : Personne ne se rend compte de tout ce qu’elle a dû sacrifier, pour devenir une artiste exceptionnelle. De tout ce que ça lui a coûté. Des milliers d’heures… Sans aucune distraction… Toute son enfance… Toute son adolescence… Les concours… Les représentations… C’est toute sa vie. Jouer… C’est la seule chose qu’elle sache vraiment faire. Le lecteur se rend compte que le comportement de l’oiseau en cage évoque une facette de la situation d’Hélène. C’est également l’histoire d’une relation de couple : Hélène a fait le constat du temps qui passe, des décennies qui s’accumulent et que le temps est loin de la beauté et de la passion de la jeunesse. En pleine crise existentielle, elle décide d’offrir un cadeau à son mari, une sorte de robot de substitution. Son époux se retrouve ainsi soumis à une tentation cornélienne : rester fidèle à son épouse, ou rester fidèle à ce qu’a été son épouse.
La réaction politique du gouvernement du Japon de refermer les frontières incarne également la réaction face à l’étranger, or Hélène est une étrangère. Cela a induit des changements dans son époux qui a accepté d’intégrer des éléments modernes dans la maison traditionnelle de son père. Cette union maritale devient à son tour une métaphore de toute union, des conséquences de l’apport d’éléments exogène dans l’environnement de vie d’un individu, la capacité de l’être humain à accepter, ou plutôt à s’adapter au changement. Capacité qui semble décroître avec les années qui passent, voire qui peut évoluer en rejet. Le récit va encore plus loin avec Kai, l’IAH : elle dispose de la capacité d’interpréter les désirs d’autrui. Hélène explique : Son fonctionnement repose principalement sur une capacité d’analyse comportementale. Elle étudie aussi les changements de température chez son interlocuteur, et le type de phéromones qu’il dégage. Avec tout ça, elle calcule une forte probabilité d’une catégorie de désir ou d’humeur. Dès qu’elle sent un désir assez fort pour retenir son attention, elle va chercher à le satisfaire par le moyen le plus efficace. Elle agit comme un écho à ce que désire le plus ardemment le cœur d’un individu, d’un être vivant. Cela induit un questionnement à deux niveaux. Comment va se comporter Kai confrontée à deux désirs inconciliables : celui de l’oiseau qui veut être libre, et celui du chat qui veut manger l’oiseau ? À un autre niveau, l’androïde Kai incarne également un être humain qui serait guidé par l’empathie, et qui se mettrait en devoir d’aider son prochain. Comment l’individu peut-il adapter son comportement pour répondre aux attentes intimes et parfois inconscientes d’un autre ? Une forme d’amour inconditionnel. Les auteurs montrent l’effet de la démarche de Kai sur Edo et sur Hélène, mais aussi sur Osachi pour qui la présence de Kai s’avère bénéfique. Le lecteur en vient à s’interroger sur ce qui dans la personnalité d’Osachi fait que le contentement de ses désirs constitue une amélioration ce qui n’est pas le cas pour les époux Nishimaru. Il pense aux pulsions du chat et de l’oiseau, aux lectures possibles de cette métaphore des désirs des personnages humains.
Une copieuse bande dessinée, avec de beaux dessins un peu maniérés et une narration éthérée ? Oui, il y a de cela… Et beaucoup plus. Un récit d’anticipation avec un androïde dédié au contentement des aspirations profondes des individus ? Aussi, et c’est une intrigue poignante amenant à s’interroger sur sa propre relation à autrui. Un drame tragique ? Certes, générant une prise de conscience et une réflexion sur la nostalgie, sur le temps qui passe, les évolutions et les changements inéluctables, la capacité de s’y adapter, l’altérité, l’attachement à la tradition, la distance émotionnelle et les expériences de vie qui éloignent et qui séparent, les circonstances qui remettent en question des choix de vie, des investissements personnels et sacrifices réalisés pendant des décennies. Bouleversant.
3.5
Un manhua très intéressant parce que c'est la biographie de Kunlin Tsai, un taiwanais qui a fait divers métiers dans sa vie incluant éditeurs de manhua et traducteur de mangas.
Ce qui est passionnant dans cette série est qu'au travers la vie de Kunlin on voit aussi l'évolution de la société taiwanais durant le 20ème siècle. Il est né en 1930 et a donc vécu sa jeunesse sous l'occupation japonaise de l'ile. Ensuite, le Japon perd la guerre et Taiwan redevient chinois. La guerre civile a lieu en Chine, les communistes gagnent les nationalistes se replient sur l'ile transformé en dictateur. C'est durant une période de terreur que le pauvre Kunlin va se retrouver prisonnier politique pendant une décennie entière pour des crimes qu'il n'a pas commis (le seul truc qu'il a fait s'est....participé au club de lecture de son école). Lorsqu'il sort il va continuer a subir un régime autoritaire jusqu'à ce que tout change dans les années 80 et que le pays devient démocratique même si cela va prendre du temps pour que le gouvernement reconnaisse les crimes du régime dictatorial et la génération de Kunlin a apprit toute sa vie à se la fermer et subir les événements. On a aussi droit au début de chaque volume à des textes qui expliquent la situation de Taiwan, notamment les changements dans les langues parlés qui ont fait en sorte que la génération de Kunlin est facilement devenue trilingue.
Taiwan était un pays dont je ne connaissais que les grandes lignes de son histoire et aussi un peu de sa situation actuelle. Cette série m'a donc appris beaucoup de choses. Même si la situation de Taiwan est particulière, il y a malheureusement des éléments que l'on retrouve dans tous les régimes autoritaires. Le pauvre Kunlin a quand même perdu 10 ans de sa jeunesse pour des crimes qu'il n'a pas commis. J'ai bien aimé aussi voir comment était l'industrie du manhuas dans les années 60 et dommage qu'il n'a pas pu persévérer dans cette activité parce que j'aurais bien aimé voir l'évolution de cette industrie. Un truc qui m'a semblé bizarre est que dans les trois premiers tomes l'action se passe entièrement dans le passé alors que le dernier tome on faisait des allers-retours entre le passé et le présent et ce changement de ton est un peu déstabilisant au début. Le dessin est sympathique quoique les personnages secondaires se ressemblent souvent un peu trop.
J'ai aimé le choix que fait cette BD d'aborder le sujet du harcèlement scolaire en adoptant un format de gags en une planche. Cela permet une lecture simple, que l'on peut picorer ici et là sans forcément s'obliger à lire une histoire complète. Je trouve que cela amène le lecteur à rentrer plus vite dans le récit sans prendre le risque qu'il lâche l'affaire avant de vraiment commencer. Et par extension, je pense que cela permet de s'adresser plus facilement à des jeunes lecteurs éventuellement concernés sans qu'ils aient l'impression qu'on les force à lire quelque chose qui pourrait les barber.
L'histoire d'Emma, harcelée par Clarisse, est racontée avec humour, tendresse et relativement peu de manichéisme. Cela peut laisser un peu perplexe par moments, notamment quand certains gags semblent minimiser la gravité des situations, comme les violences physiques, mais on comprend que l’intention est de dédramatiser le sujet pour un jeune public. Ce ton léger peut contraster avec réalité des expériences vécues par les victimes de harcèlement mais j'ai le sentiment qu'il aide à rentrer dans l'histoire et à s'attacher à l'héroïne. En outre, le dossier en fin de livre, qui propose des solutions et des explications sur le harcèlement, permet de compenser cette légèreté en offrant de vraies solutions. Si le style graphique de Bloz est très accessible, l'album manque parfois de profondeur, notamment dans sa façon d’aborder les personnages adultes, trop souvent dépeints comme incompétents ou indifférents.
J'ai le sentiment que c’est un livre plutôt utile pour sensibiliser les jeunes au fléau du harcèlement, et je l'ai trouvé touchant dans sa manière de mettre en scène des sujets graves avec humour ou du moins légèreté.
Boule de feu est un album de grand format que j'ai emprunté car j'aime particulièrement ce que propose Anouk Ricard. Quant à Etienne Chaize je ne connaissais pas donc j'imagine que c'est l'artiste des décors plutôt réalistes sur lesquels les personnages au dessin "enfantin" d'Anouk Ricard sont plaqués. Le mélange des 2 auteurs fonctionne bien mais ce sont surtout les traits d'humour qui font passer une lecture agréable dans un monde Fantasy rempli de clins d'oeil, à Astérix entre autres. On jurerait voir Animan dans ces personnages, ou plutôt c'est Animan publié par la suite qui s'est inspiré du Patrix malgré lui qui est tout l'enjeu de la quête de cette histoire.
Les éditions iLatina m'ont permis de découvrir le grandiose La Grande Arnaque, ce dont je ne les remercierai jamais assez ! Avec "Comme une pierre", l'on découvre un Brésil ancestral, austère, silencieux. Pas exactement celui idéalisé, festif et coloré, chaleureux et exubérant, associé au carnaval de Rio, aux plages, à la samba, au football champagne... Mais pas non plus celui des favelas, jeune, violent, mais tout aussi exubérant et lumineux.
L'auteur nous dépeint le quotidien de pauvres fermiers, en proie à une sécheresse infernale. La survie de la famille est en jeu, la folie guette, la foi est interrogée jusqu'à l'impensable.
Cette BD est une véritable tragédie, les excès magnifiquement orchestrés : la pauvreté extrême qui fait tourner les têtes, le mutisme des personnages interdisant toute résolution raisonnable, le conservatisme glaçant le lecteur même, la foi désespérée sinon désespérante... ; et puis ce formalisme génial dans la mise en page : les contrastes poussés à l'extrême, le jeu grandiose avec les pleins et les vides, le développement quasiment muet de l'intrigue...
On ne sort pas indemne de cette lecture : on s'implique, on vit ce cauchemar et l'on craint l'infernale fatalité. Véritablement magnifique !
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R.U.S.T.
Les différentes relectures n’ont pas entaché mon ressenti initial … bien sympa cette trilogie. Pourtant je suis partagé sur le sujet, si j’aime bien Pacific Rim et les Kaijus (type Godzilla), je fuis les trucs à la Evengelion, Gundam qui ne m’ont jamais vraiment captivé. En gros, je suis un peu exigeant dans le genre, il faut le petit truc en plus … Bah la présente série le possède carrément. Alors c’est sûr ça va pas révolutionner grand chose, on aura bien droit à des fights : monstres vs robots géants. Cependant ça amène tellement de trucs novateurs ou originaux que ça passe super bien ici. Je trouve ça rondement mené et le place comme une petite référence dans le genre. La partie graphique assure et possède vraiment sa patte, j’ai surtout adhéré à l’esthétisme de nos combattants (les monstres sont vraiment cool) mais le reste suit, bon découpage, couleurs réussies … Niveau histoire, ça déroule bien tout en laissant place à quelques passages contemplatifs et j’ai aimé le côté un peu sombre. Les personnages sont bien typés et l’univers m’a accroché de suite. On arrive au bout sans difficultés, et sans ce sentiment de trop ou peu. Franchement petit moment plaisir.
Celle qui parle
Alicia Jaraba nous présente ici la biographie d’un personnage clé de l’Histoire, en comblant de façon relativement crédible les lacunes de nos connaissances la concernant – en particulier pour tout ce qui se rapporte à la période ayant précédé l’arrivée de l’expédition de Cortez. L’auteure a pris le parti de ne montrer que l’intermédiaire, le pont entre les langues – et les cultures – alors que la Malinche, qui maitrisait plusieurs langues de la région, est devenue l’interprète de Cortez. Plus que ça même, puisqu’elle lui permet de comprendre la société aztèque, et d’en connaitre les faiblesses. On aurait tout aussi bien pu ne voir en elle qu’une traitresse ayant trahit les « siens » et étant à la base du cataclysme qui va frapper la région. Singulièrement, l’album s’arrête juste au moment de l’arrivée des Espagnols à Tenochtitlan… La narration est agréable, comme l’est le dessin d’ailleurs, la lecture est plaisante. Le sujet m’intéresse a priori, et je suis sorti satisfait de cet album, qui met en lumière un de ces « seconds rôles » majeurs, que l’Histoire a relégués dans l’ombre. Note réelle 3,5/5.
Muhammad Ali
Cette BD est solide comme un coup de poing dans la gueule qu'il faut lire en encaissant comme un boxeur. En l'encaissant comme Ali ! J'avais cette BD dans la pile à lire mais sans avoir aucune idée de pourquoi si ce n'était la note. C'est le genre de surprises que j'adore avoir, parce qu'elle est franchement formidable. Cette BD, comme le dis si bien McArthur, c'est celle qui te fait comprendre le mythe derrière la personnage. Qui permet aussi de l'appréhender, dans toute la complexité du personnage. Et je dois le dire, Muhammad Ali est une personnalité que je trouve incroyable maintenant. Parce que la BD parle de son parcours de vie non pas tant comme boxeur, mais dans sa totalité ! Et c'est sans doute ce qui est autour de la boxe qui est le plus fou et sans doute le plus méconnu : la partie politique. Que ce soit le combat pour les droits des noirs, la question religieuse, la répression politique, parfois à l'internationale, son engagement social prononcé, ses discours... Derrière le boxeur grande gueule, je découvre une personne pleinement engagée dans les droits civiques et dont certains discours seraient aujourd'hui parfaitement entendables. Georges Floyd n'est pas si loin que ça... La Bd a donc un sujet intéressant, vivant et fort, mais elle le traite intelligemment. Le dessin, volontairement réaliste, joue sur les périodes (notamment lors d'interview retranscrites par des télévisions qui changent selon la période) mais aussi sur les cadrages, très étirés qui ne sont pas sans rappeler un cadrage cinématographique. J'ai personnellement trouvé que ça rappelait la volonté d'un film documentaire. D'autre part la voix off est présente tout au long comme un long discours envers Cassius Clay, renforçant la narration en créant un lien direct entre lui et le narrateur. Enfin, j'apprécie tout particulièrement les combats de boxe, les images faisant penser à des clichés pris sur le fait, tandis que la voix off et les rounds défilent. C'est une technique simple mais rudement efficace pour parler d'une personne qui fut présente en photo et à la télé comme une super-star. D'ailleurs les grandes pages pleines faisant presque penser à des arrêts sur image captant le moment-clé, cette image qui reste en tête longtemps après. Que ce soit les discours, les victoires, on sent que les auteurs ont voulu retranscrire tout le jeu scénique de Muhammad Ali. La BD est excellente à mes yeux parce qu'elle est une biographie qui dépasse son sujet en offrant plus, peignant une société américaine raciste et un personnage solidaire des siens, parce qu'elle évoque la boxe comme le sport extraordinaire qu'il est, capable de soulever des foules. Mais aussi parce qu'elle fait toucher du doigt pourquoi cet homme est aujourd'hui encore une icône, une inspiration de tant de personnes. Muhammad Ali s'est créé lui-même, s'est fabriqué comme mythe et encore aujourd'hui il peut nous inspirer. Franchement, je suis à deux doigts du culte !
Quand le cirque est venu
Qu'ouis-je ? Qu'entends-je ? Un album dessiné par Stéphane Fert que je n'aurais pas encore lu ? Vite, corrigeons le tir ! C'est une histoire très simple, très courte aussi, représentant de manière enfantine et colorée une question sociétale ayant souvent tendance à revenir sur le devant de la scène : doit-on brider nos libertés pour la satisfaction égoïste de petit-e-s mégalomanes aux tendances totalitaristes ? Mine de rien la question mérite encore d'être posée car le problème des libertés (et tout particulièrement celle d'expression) devant être sacrifier au nom de décisions politiques reste un sujet récurrent dans le monde. Ici, tout est exagéré, imagé pour rendre le propos le plus universel possible. C'est un album qui se veut conte, en somme (comme souvent avec Stéphane Fert au dessin). Le général contrôle tout, le général n'aime pas le désordre et voit tout ce qui sort de sa vision du monde étriquée comme une attaque contre sa propre personne. Alors quand un cirque, symbole de liberté et d'expression artistique populaire, débarque en ville, c'est la panique ! Il parait même qu'iels n'ont pas de chef, c'est insensé ! L'album est bon, l'album est beau, l'album est simple (peut-être trop simple pour certain-e-s), l'album est gros (ou plutôt grand), l'album est recommandé.
Calvin et Hobbes
Tiens, je n'ai toujours pas avisé cette série ! Réparons cet affront ! "Calvin et Hobbes", c'est l'une de mes séries du cœur, l'une de celle que j'avais découverte étant encore enfant (bon, grande enfant pour le coup) et qui non seulement m'avaient donné une vraie claque mais avait surtout réussi à me marquer pour la vie. C'est simple, fut un temps, mon rituel quand je tombais malade était d'envoyer mon père me chercher les Calvin et Hobbes à la bibliothèque pour les relire. C'est vraiment pour moi une BD du réconfort. Pour celleux ne connaissant pas la série, il s'agit de strips humoristiques mettant en scène Calvin, enfant extrêmement turbulant ayant tendance à vivre dans son monde. Son acolyte est Hobbes, son tigre en peluche qui prend vie dès lors qu'ils sont seuls et avec qui il fait de grandes réflexions et de petites piques sur la vie. Calvin et Hobbes, c'est l'histoire du sale gamin par excellence, attachant dans son imagination enfantine et ses réflexions poussées, contrebalancé par son ami imaginaire plus terre à terre jouant plus ou moins le rôle de la "voix de la raison". Bon, voilà, le fond est profond et touchant dans son humanité, mais quid de l'humour ? Cela reste une série humoristique, après tout ! Il est drôle. Cela reste subjectif, mais pour quiconque aime l'humour de répartie, les répliques pince-sans-rire et le sarcasme, "Calvin et Hobbes" reste une référence du genre, encore parfaitement lisible et appréciable par des enfants aujourd'hui. Et toujours bon à l'âge adulte, d'ailleurs ! J'en profite pour féliciter l'intégrité artistique de Bill Watterson qui a su arrêter sa série phare quand il a senti que l'inspiration lui manquait et qui a tenu à s'assurer que la reprise mercantile de ses personnages soient plus compliquée. Cela reste suffisamment rare pour mériter un applaudissement.
Idéal
Elle est censée être en capacité d’interpréter les désirs d’autrui. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Baptiste Chaubard pour le scénario, et par Thomas Hayman pour les dessins et la couleur. Il compte deux-cent-quarante-neuf pages de bande dessinée. De nombreuses personnes montent le long escalier menant à un temple. Edo Nishimarru effectue la même ascension, tout en fumant tranquillement une cigarette, avec un petit paquet cadeau à la main. Il observe le mont Fuji dans le lointain. Il voit un couple se tenir serré l’un contre l’autre en admirant la vue. Il voit un groupe de trois collégiennes ayant posé leur sac sur les marches et papotant en admirant la vue. Il regarde une jeune femme se faire photographier devant un buste commémoratif, celui de Hideo Nishimaru, 2095-2155. Il commence à redescendre ; sur un palier il croise une femme en habit traditionnel, kimono, ombrelle, geta. Il apprécie cette vision. Arrivé en bas, il prend un taxi, son regard se perd dans le paysage qui défile. La route en corniche l’amène jusqu’au portail imposant d’une grande propriété. Il se fait déposer, et il marche sur les pas japonais jusqu’à sa luxueuse demeure. Il dépose son paquet cadeau sur la table basse et s’assoit sur le canapé. Sur leur terrasse, son épouse Hélène Ishimaru contemple également le mont Fuji. Elle observe un oiseau perché sur une branche. Elle quitte sa robe transparente et elle rentre doucement dans l’eau de la piscine. L’oiseau s’est envolé et il vient se cogner à la baie vitre, tombant assommé. Hélène le ramasse et le met dans une cage : il n’est pas encore capable de voler de ses propres ailes. En passant devant la baie vitrée, elle regarde sa silhouette, plutôt satisfaite, même si les marques de l’âge sont bien présentes. Hélène décide de rentrer dans la maison. Elle monte l’escalier jusqu’à l’étage. Elle passe devant le piano dont elle caresse le bois. Elle traverse l’immense chambre, et jette un coup d’œil dans sa grande penderie pour choisir une robe. Elle se rend dans la magnifique salle de bain, où elle profite de la grande baignoire carrée. À l’extérieure, Osachi simplement vêtue d’un short de bain plonge en apnée pour aller pêcher un ormeau, qu’elle détache avec son couteau, et elle remonte. Elle met sa prise dans le seau en bois qui flotte. Elle prend le seau et le dépose dans sa barque, dans laquelle elle monte. Elle rame jusqu’à la petite crique. Elle hale la barque sur le sable. Elle s’habille avec une jupe et un corsage stricts, et met son tablier. Tenant le seau de bois de la main droite, elle avance vers l’escalier de pierre qu’elle monte. Elle rentre dans les communs de la villa, et elle offre un ormeau au chat qui l’attend. Elle passe à côté de la piscine et elle rentre à l’intérieur. Elle entame les tâches domestiques : laver le sol avec un balai, faire les carreaux, rincer le chiffon, faire tourner la machine à laver le linge, briser quelques coquilles et découper les coquillages pour préparer de délicats nigiris dans une cuisine étincelante. Quelle puissance de séduction ! Tout commence avec cette couverture énigmatique : une femme qui regarde le mont Fuji depuis une terrasse avec piscine, avec une belle baie à ses pieds, un transat en bois assez classique, un pied-table design pour le parasol, un dallage soigné, un bel arbre. Le lecteur ouvre ce tome épais avec un beau dos toilé : les pages intérieures bénéficient de la même minutie que l’image de couverture, même trait de contour fin et souple, mêmes textures à l’apparence mécanographiée, des couleurs majoritairement en aplat, quelques dégradés organiques, même sensibilité pour les compositions travaillées. L’amateur d’aménagement est aux anges : le portail arrondi dans le mur d’enceinte de la propriété, l’entrée avec son meuble métallique à chaussures, la table évidée avec les beaux vases, les bonsaïs, les panneaux glissants, les grandes baies vitrées assurant une grande transparence à la construction, l’arbre intérieur dans une énorme pièce, le beau piano à queue, les tableaux de paysage aux murs, la baignoire avec une vasque débordante pour la remplir, le futon et les tatamis dans la chambre à coucher à l’ameublement minimaliste, la pièce à vivre plus encombrée de la bonne avec un petit autel et son bâtonnet d’encens en mémoire de son défunt mari, la maison plus traditionnelle de l’oncle Nishimaru Ueda, l’architecture plus moderne du Philharmonique, la magnifique vue de dessus de la propriété pour la réception avec son petit pavillon du jardin, etc. D’un côté, le phénomène d’exotisme joue à plein pour le lecteur occidental ; de l’autre côté, il ressent une vraie sensibilité pour ce Japon traditionnel, avec un degré d’authenticité qui dépasse la carte postale sans âme. Le choix du Japon va au-delà d’un simple artifice de dépaysement : l’Histoire de ce pays joue un rôle important dans l’intrigue. En effet, le gouvernement a décidé que voilà trop longtemps que le Japon est à l’école de l’occident qu’il est temps, et plus que temps, que le pays ferme ses portes à ce monde extérieur qui sombre et s’éteint. Ainsi s’est exprimé lundi soir le député Takizawa Bakin, du groupe majoritaire à la chambre des représentants, lors de la présentation du projet de loi sur la fermeture. Il est vraisemblable qu’en quelques mois, le pays se refermera comme sous le règne des Tokugawa, il y a six cents ans. Cette décision a une incidence directe sur la situation d’Hélène, une occidentale, l’épouse d’Edo Nishimaru. La mise en scène de la demeure traditionnelle, des quelques concessions d’aménagement moderne constitue autant d’éléments narratifs indispensables à l’intrigue, indissociables de l’histoire. Régulièrement, le lecteur prend conscience qu’un élément visuel vu quelques pages avant acquiert une autre dimension à la lecture d’une nouvelle information. Par exemple, le personnage principal masculin se tient devant le buste commémoratif d’Hideo Nishimaru en page dix. Le lecteur suppose que cette marque de respect sert surtout à donner une indication de l’époque (l’homme est décédé en 2155, il s’agit donc d’un récit entre anticipation et science-fiction), et un peu à donner une idée de l’importance du passé pour Edo. Ce n’est qu’en page cent-vingt qu’un autre personnage salue Edo par son nom de famille, et que le lecteur fait le lien avec le buste. Dans un premier temps, le lecteur se laisse porter par la douceur de la narration. Le récit s’ouvre avec une séquence de trente pages, dépourvue de tout mot. Les personnages se conduisent comme des adultes, calmement et posément. Il n’y a qu’à regarder les cases : les enchaînements sont évidents de l’une à l’autre, ne nécessitant aucun effort de compréhension. Le lecteur fait tranquillement connaissance avec l’un, puis avec l’autre : le mari Edo Shinimaru, son épouse Hélène et Osachi la bonne. Il effectue des déductions basiques : la situation financière très aisée du couple, l’activité de pêche traditionnelle aux ormeaux de l’employée de maison en plus de son travail, la sollicitude d’Hélène pour l’oiseau, celle d’Osachi pour le chat. La première discussion intervient en page trente-neuf, entre les époux. De temps à autre, le lecteur passe dans un autre mode de lecture, reliant un élément à un autre. Ainsi il remarque les mouvements réflexes d’Hélène se frottant le poignet, le piano, l’image d’elle-même dans un lit d’hôpital. À d’autres moments, il relève une forme de métaphore : cet oiseau qui se cogne contre une barrière qu’il n’a pas vu, et Hélène qui se heurte aux conséquences d’être une étrangère, une occidentale au Japon et qui se heurte à des barrières sociales dont elle ne soupçonnait pas l’existence. Au cours du récit, le lecteur relève plusieurs thèmes qui se nourrissent les uns les autres. L’intrigue principale correspond à la relation de couple entre les époux Nishimaru : les conséquences de l’accident d’Hélène, sa décision de faire entrer une Intelligence Artificielle Humanisée (IAH) dans leur demeure, le risque de perdre son poste au Philharmonique. Il s’agit d’un drame : la pianiste sait que : Personne ne se rend compte de tout ce qu’elle a dû sacrifier, pour devenir une artiste exceptionnelle. De tout ce que ça lui a coûté. Des milliers d’heures… Sans aucune distraction… Toute son enfance… Toute son adolescence… Les concours… Les représentations… C’est toute sa vie. Jouer… C’est la seule chose qu’elle sache vraiment faire. Le lecteur se rend compte que le comportement de l’oiseau en cage évoque une facette de la situation d’Hélène. C’est également l’histoire d’une relation de couple : Hélène a fait le constat du temps qui passe, des décennies qui s’accumulent et que le temps est loin de la beauté et de la passion de la jeunesse. En pleine crise existentielle, elle décide d’offrir un cadeau à son mari, une sorte de robot de substitution. Son époux se retrouve ainsi soumis à une tentation cornélienne : rester fidèle à son épouse, ou rester fidèle à ce qu’a été son épouse. La réaction politique du gouvernement du Japon de refermer les frontières incarne également la réaction face à l’étranger, or Hélène est une étrangère. Cela a induit des changements dans son époux qui a accepté d’intégrer des éléments modernes dans la maison traditionnelle de son père. Cette union maritale devient à son tour une métaphore de toute union, des conséquences de l’apport d’éléments exogène dans l’environnement de vie d’un individu, la capacité de l’être humain à accepter, ou plutôt à s’adapter au changement. Capacité qui semble décroître avec les années qui passent, voire qui peut évoluer en rejet. Le récit va encore plus loin avec Kai, l’IAH : elle dispose de la capacité d’interpréter les désirs d’autrui. Hélène explique : Son fonctionnement repose principalement sur une capacité d’analyse comportementale. Elle étudie aussi les changements de température chez son interlocuteur, et le type de phéromones qu’il dégage. Avec tout ça, elle calcule une forte probabilité d’une catégorie de désir ou d’humeur. Dès qu’elle sent un désir assez fort pour retenir son attention, elle va chercher à le satisfaire par le moyen le plus efficace. Elle agit comme un écho à ce que désire le plus ardemment le cœur d’un individu, d’un être vivant. Cela induit un questionnement à deux niveaux. Comment va se comporter Kai confrontée à deux désirs inconciliables : celui de l’oiseau qui veut être libre, et celui du chat qui veut manger l’oiseau ? À un autre niveau, l’androïde Kai incarne également un être humain qui serait guidé par l’empathie, et qui se mettrait en devoir d’aider son prochain. Comment l’individu peut-il adapter son comportement pour répondre aux attentes intimes et parfois inconscientes d’un autre ? Une forme d’amour inconditionnel. Les auteurs montrent l’effet de la démarche de Kai sur Edo et sur Hélène, mais aussi sur Osachi pour qui la présence de Kai s’avère bénéfique. Le lecteur en vient à s’interroger sur ce qui dans la personnalité d’Osachi fait que le contentement de ses désirs constitue une amélioration ce qui n’est pas le cas pour les époux Nishimaru. Il pense aux pulsions du chat et de l’oiseau, aux lectures possibles de cette métaphore des désirs des personnages humains. Une copieuse bande dessinée, avec de beaux dessins un peu maniérés et une narration éthérée ? Oui, il y a de cela… Et beaucoup plus. Un récit d’anticipation avec un androïde dédié au contentement des aspirations profondes des individus ? Aussi, et c’est une intrigue poignante amenant à s’interroger sur sa propre relation à autrui. Un drame tragique ? Certes, générant une prise de conscience et une réflexion sur la nostalgie, sur le temps qui passe, les évolutions et les changements inéluctables, la capacité de s’y adapter, l’altérité, l’attachement à la tradition, la distance émotionnelle et les expériences de vie qui éloignent et qui séparent, les circonstances qui remettent en question des choix de vie, des investissements personnels et sacrifices réalisés pendant des décennies. Bouleversant.
Le Fils de Taïwan
3.5 Un manhua très intéressant parce que c'est la biographie de Kunlin Tsai, un taiwanais qui a fait divers métiers dans sa vie incluant éditeurs de manhua et traducteur de mangas. Ce qui est passionnant dans cette série est qu'au travers la vie de Kunlin on voit aussi l'évolution de la société taiwanais durant le 20ème siècle. Il est né en 1930 et a donc vécu sa jeunesse sous l'occupation japonaise de l'ile. Ensuite, le Japon perd la guerre et Taiwan redevient chinois. La guerre civile a lieu en Chine, les communistes gagnent les nationalistes se replient sur l'ile transformé en dictateur. C'est durant une période de terreur que le pauvre Kunlin va se retrouver prisonnier politique pendant une décennie entière pour des crimes qu'il n'a pas commis (le seul truc qu'il a fait s'est....participé au club de lecture de son école). Lorsqu'il sort il va continuer a subir un régime autoritaire jusqu'à ce que tout change dans les années 80 et que le pays devient démocratique même si cela va prendre du temps pour que le gouvernement reconnaisse les crimes du régime dictatorial et la génération de Kunlin a apprit toute sa vie à se la fermer et subir les événements. On a aussi droit au début de chaque volume à des textes qui expliquent la situation de Taiwan, notamment les changements dans les langues parlés qui ont fait en sorte que la génération de Kunlin est facilement devenue trilingue. Taiwan était un pays dont je ne connaissais que les grandes lignes de son histoire et aussi un peu de sa situation actuelle. Cette série m'a donc appris beaucoup de choses. Même si la situation de Taiwan est particulière, il y a malheureusement des éléments que l'on retrouve dans tous les régimes autoritaires. Le pauvre Kunlin a quand même perdu 10 ans de sa jeunesse pour des crimes qu'il n'a pas commis. J'ai bien aimé aussi voir comment était l'industrie du manhuas dans les années 60 et dommage qu'il n'a pas pu persévérer dans cette activité parce que j'aurais bien aimé voir l'évolution de cette industrie. Un truc qui m'a semblé bizarre est que dans les trois premiers tomes l'action se passe entièrement dans le passé alors que le dernier tome on faisait des allers-retours entre le passé et le présent et ce changement de ton est un peu déstabilisant au début. Le dessin est sympathique quoique les personnages secondaires se ressemblent souvent un peu trop.
Seule à la récré
J'ai aimé le choix que fait cette BD d'aborder le sujet du harcèlement scolaire en adoptant un format de gags en une planche. Cela permet une lecture simple, que l'on peut picorer ici et là sans forcément s'obliger à lire une histoire complète. Je trouve que cela amène le lecteur à rentrer plus vite dans le récit sans prendre le risque qu'il lâche l'affaire avant de vraiment commencer. Et par extension, je pense que cela permet de s'adresser plus facilement à des jeunes lecteurs éventuellement concernés sans qu'ils aient l'impression qu'on les force à lire quelque chose qui pourrait les barber. L'histoire d'Emma, harcelée par Clarisse, est racontée avec humour, tendresse et relativement peu de manichéisme. Cela peut laisser un peu perplexe par moments, notamment quand certains gags semblent minimiser la gravité des situations, comme les violences physiques, mais on comprend que l’intention est de dédramatiser le sujet pour un jeune public. Ce ton léger peut contraster avec réalité des expériences vécues par les victimes de harcèlement mais j'ai le sentiment qu'il aide à rentrer dans l'histoire et à s'attacher à l'héroïne. En outre, le dossier en fin de livre, qui propose des solutions et des explications sur le harcèlement, permet de compenser cette légèreté en offrant de vraies solutions. Si le style graphique de Bloz est très accessible, l'album manque parfois de profondeur, notamment dans sa façon d’aborder les personnages adultes, trop souvent dépeints comme incompétents ou indifférents. J'ai le sentiment que c’est un livre plutôt utile pour sensibiliser les jeunes au fléau du harcèlement, et je l'ai trouvé touchant dans sa manière de mettre en scène des sujets graves avec humour ou du moins légèreté.
Boule de Feu
Boule de feu est un album de grand format que j'ai emprunté car j'aime particulièrement ce que propose Anouk Ricard. Quant à Etienne Chaize je ne connaissais pas donc j'imagine que c'est l'artiste des décors plutôt réalistes sur lesquels les personnages au dessin "enfantin" d'Anouk Ricard sont plaqués. Le mélange des 2 auteurs fonctionne bien mais ce sont surtout les traits d'humour qui font passer une lecture agréable dans un monde Fantasy rempli de clins d'oeil, à Astérix entre autres. On jurerait voir Animan dans ces personnages, ou plutôt c'est Animan publié par la suite qui s'est inspiré du Patrix malgré lui qui est tout l'enjeu de la quête de cette histoire.
Comme une pierre
Les éditions iLatina m'ont permis de découvrir le grandiose La Grande Arnaque, ce dont je ne les remercierai jamais assez ! Avec "Comme une pierre", l'on découvre un Brésil ancestral, austère, silencieux. Pas exactement celui idéalisé, festif et coloré, chaleureux et exubérant, associé au carnaval de Rio, aux plages, à la samba, au football champagne... Mais pas non plus celui des favelas, jeune, violent, mais tout aussi exubérant et lumineux. L'auteur nous dépeint le quotidien de pauvres fermiers, en proie à une sécheresse infernale. La survie de la famille est en jeu, la folie guette, la foi est interrogée jusqu'à l'impensable. Cette BD est une véritable tragédie, les excès magnifiquement orchestrés : la pauvreté extrême qui fait tourner les têtes, le mutisme des personnages interdisant toute résolution raisonnable, le conservatisme glaçant le lecteur même, la foi désespérée sinon désespérante... ; et puis ce formalisme génial dans la mise en page : les contrastes poussés à l'extrême, le jeu grandiose avec les pleins et les vides, le développement quasiment muet de l'intrigue... On ne sort pas indemne de cette lecture : on s'implique, on vit ce cauchemar et l'on craint l'infernale fatalité. Véritablement magnifique !