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Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Le Cas David Zimmerman
Le Cas David Zimmerman

Que peut-on deviner de quelqu’un par la seule observation de son appartement ? - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Lucas Harari pour le scénario, les dessins et les couleurs, coécrit avec Arthur Harari, et une aide à la couleur de Roman Gigou. Il comprend trois cent cinquante pages de bande dessinée. Lucas Harari est également l’auteur de L’Aimant (2017) et La dernière rose de l’été (2020). Une photographie prise depuis une chambre à l’étage du pavillon : le père avec son fils d’une demi-douzaine d’années dans les bras en contrebas dans le jardin. Ce cadre est accroché au mur, à côté d’un meuble à rayonnage rempli de livres. Celui-ci est situé dans un angle, avec une fenêtre de part et d’autre. Sur le manteau de cheminée se trouvent une menora, un Rubik’s cube, une balle de baseball et deux autres bibelots. Sur la table de travail, un appareil photographique avec quelques bandes de négatifs. De la vaisselle sale dans l’évier, une platine de disques, un ordinateur avec, à côté, une assiette contenant un maigre relief de repas et une fourchette. David Zimmerman vient de finir de prendre sa douche, il essuie la buée sur le miroir, et se regarde, l’œil terne. Ici vit David Zimmerman, trente-quatre ans, photographe. Soudain, il sursaute, une grande silhouette habillée est apparue dans le miroir. C’est Harry Faugier, son meilleur mai, trente-six ans, peintre, qui a pris grand plaisir à lui faire peur. David le rabroue trouvant la blague de mauvais goût. Harry prend la bouteille de vodka dans le frigo et se sert un verre, en lui souhaitant : Lehaïm ! Il demande à son ami de se presser, ils vont être à la bourre. En attendant, il regarde les négatifs : le visage d’une jeune femme. Il demande à David si la jeune femme savait qu’il la prenait en photo. Puis il le complimente de manière ironique sur ses nouvelles chaussures. Ils sortent. David et Harry se rendent à une soirée du nouvel an. Ils passent devant un sans domicile fixe assis par terre, et David lui donne une pièce. Ils remontent une avenue dans un quartier asiatique, jusqu’au métro. Pendant le trajet, ils papotent de tout et de rien : le progrès technique déprimant, la bouteille à acheter, le fait que David devrait porter des cravates. Ils arrivent au pied de l’immeuble et se rendent compte qu’ils n’ont pas le code. David appelle Alice pur qu’elle le lui donne. Ils montent au dernier étage pour accéder à un loft qui sert d’atelier au père d’Alexandre. Une fois à l’intérieur de la pièce aux grandes dimensions, bondée d’invités, ils croisent Judicaëlle que Harry salue, pendant que David va voir plus loin. Il retrouve Alice qu’il salue, et il lui fait remarquer qu’elle s’est coupé les cheveux. Harry les rejoint et il emprunte le portable de David pour passer une commande. Alice a apporté le cadeau de Noël de David, offert par la mère de celle-ci qui ne sait pas encore qu’ils se sont séparés. Un peu plus tard, Harry a été livré et il propose un cachet à l’un et l’autre, qui l’avalent. Un épais volume, une lecture facile grâce à des dessins propres sur eux, de nature réaliste et descriptive, un peu simplifiés, avec des nuances plus sombres pour figurer l’ombre portée sur quelques surfaces. Le lecteur se rend compte qu’il tourne les pages assez rapidement, ne prenant pas forcément le temps de regarder chaque élément visuel, emporté par la compréhension immédiate de chaque case, par le flux régulier et doux de la narration. Il ne s’attarde pas trop sur la question qui ouvre le récit : Que peut-on deviner de quelqu’un par la seule observation de son appartement ? Dans le même temps, il voit bien que les deux premières planches montrent l’appartement de David, et il se demande si les auteurs mettent en doute ses capacités intellectuelles : oui, bon, d’accord, il faut qu’il regarde chaque endroit de l’appartement pour se faire une idée de qui est David Zimmerman. D’accord, il faut qu’il prête attention au visage sur le négatif. D’accord, le modèle de la nouvelle paire de chaussures de David doit être important. Visiblement les auteurs sont adeptes du principe dramaturgique de loi de conservation des détails, aussi appelée fusil de Tchekhov. Le lecteur doit faire une note mentale de chaque détail sortant de l’ordinaire sur lequel les auteurs attirent son attention, parce qu’il sera amené à jouer un rôle dans une scène ultérieure. Ça ne rate pas : David sera reconnu dans une scène d’émeute grâce à ses chaussures, l’emprunt de son téléphone par Harry va amener une visite de cet ami, etc. Bon, d’accord, le lecteur fait attention à ces détails mis en avant par les auteurs, mais quand même il aurait pu le faire tout seul sans qu’ils soient ainsi pointés du doigt, comme s’il allait passer à côté… Sauf que le lecteur vient de se faire manipuler en beauté, ou en tout cas les auteurs se révèlent être d’élégants prestidigitateurs maîtrisant l’art de la diversion et de l’indice secret affiché au premier plan. D’un côté, le lecteur se fait des films dans sa tête avec un élément dont il suppute qu’il va jouer un rôle primordial par la suite, alors qu’il n’en sera rien. Ou bien il passe à côté d’un autre objet qu’il écarte comme purement décoratif, parce que trop éloigné de l’intrigue ou des situations précédentes. Alors, oui, la bouteille de vodka revient par la suite, toutefois la nature de l’alcool ne revêt pas d’importance particulière. Bon d’accord, le patronyme du personnage principal le qualifie comme juif, ce qui lui vaut d’être embauché pour réaliser les photographies d’un mariage de cette confession, une sorte de service rendu pour un autre. Et puis le lecteur oublie cette caractéristique… Du coup, il se dit que le discours de Gaby, la mère de David, plus de cent-cinquante pages plus loin, sort de nulle part. et il se souvient alors de la menora présente dans la première planche, au centre d’une case. Il s’installe ainsi une dimension ludique, le lecteur ayant conscience que les auteurs jouent avec lui, en lui faisant comprendre qu’ils jouent avec lui. Quoi qu’il en soit, le plaisir de lecture est présent dès le début, avec cette promesse vite concrétisée d’une situation extraordinaire, riche de possibilité : David Zimmerman se réveille chez lui le premier janvier dans le corps d’une femme qu’il ne connaît pas, et sans souvenir de ce qu’il lui est arrivé. Le récit s’inscrit ainsi dans une forme de merveilleux fantastique, de conte. Le ton de la narration reste dans une forme de plausibilité concrète : pas d’humour graveleux sur la situation, mais un personnage principal désemparé, ne sachant pas comment réagir, se rendant compte qu’il lui sera impossible d’être cru par qui que ce soit. Le lecteur comprend qu’il va lui falloir un moment pour que David admette la situation. Il sent une forme d’impatience liée à l’anticipation, le désir de savoir ce qui va se passer, ce qui l’incite à conserver un rythme de lecture soutenu. Il lui faut un peu de temps pour se rendre compte que cela crée une forme de dissonance en lui : les dessins continuent de conserver une densité appréciable d’informations visuelles dans chaque case. Au point qu’arrive un moment où il se dit qu’il devrait consacrer plus de temps à la lecture des images, ralentir son rythme. Chaque action s’inscrit dans un environnement bien spécifique. Déjà, les auteurs lui avaient dit explicitement de prêter attention à l’aménagement de l’appartement, dès la première planche. Ensuite, David Zimmerman habite à Paris : il est possible d’identifier certains quartiers comme le quartier asiatique, la rame de métro typiquement parisienne sur une ligne automatisée, les toitures en zinc, l’avenue de France, le boulevard Vincent Auriol au niveau de la station quai de la Gare, la rue de Belleville, le parc des Buttes-Chaumont, la gare de l’Est, la place de la Bastille et la colonne de Juillet avec le génie de la Liberté à son sommet, etc. Le lecteur peut également relever quelques inscriptions sur les murs comme Free Gaza, ou Plus jamais silencieuse. Il se rend compte que les environnements dans lesquels évoluent les personnages ont une incidence sur leur mode de vie, sur leurs activités, sur leurs déplacements. Cela devient patent quand David sort de Paris pour se rendre en proche ou moyenne banlieue, l’ambiance devient alors fort différente. Du coup, cela a pour effet de ramener le lecteur aux dessins, de consacrer un peu plus de temps à leur lecture. Il se produit un phénomène analogue avec le récit lui-même : il se laisse bercer dans un rythme agréable et facile, l’histoire de cet homme qui se retrouve perdu, sans savoir comment s’y prendre, tout en conservant l’objectif de retrouver son corps d’homme. Les séquences se suivent, accessibles, avec des enjeux très relatifs, des échanges très ordinaires entre les personnages. Et puis David retrouve Rachel Bluemen, cette jeune femme, serveuse au mariage juif qu’il avait photographiée. Le récit semble alors prendre une direction plus affirmée, l’attention de David se trouvant plus focalisée, et ses recherches devenant plus structurées, grâce à l’aide de Samia Hamza-Chauvet. Et tout s’achemine vers un dénouement en huit pages silencieuses, étrangement insatisfaisant et plat. À ceci près que les auteurs n’ont pas promis un thriller avec une chute révélatrice pétrie de justice immanente : le rythme de lecture relève plus du roman naturaliste avec une touche de fantastique, cet échange de corps inexpliqué. Le lecteur relève bien le développement succinct de quelques thèmes en passant : le trouble de l’identité à l’évidence (et pas seulement sexuelle), la forme de solitude typiquement parisienne, les souvenirs qui font un individu et la limite de l’identité, l’altérité irréductible, le lien familial (par exemple entre mère et fils), l’étrangeté effrayante de l’autre (le cas de Christophe Karo et de sa relation avec sa sœur Sophie). Et le judaïsme. Page 204, Gaby, la mère de David, discute avec Samia pour lui expliquer l’origine du mot Hébreu. Cela fait sens dans le contexte, tout en surprenant un peu comme sujet de conversation. Elle explique qu’au départ, le mot Hébreu, ça veut dire Passer, Traverser… parce que c’était le peuple qui venait de l’autre côté du fleuve Jourdain. Donc, ce sont ceux d’en face : les autres. À l’origine, il s’agit sans doute d’un terme exogène mais par la suite les Hébreux l’ont aussi adopté. Ils se sont désignés eux-mêmes comme Ceux d’en face, Ceux qui viennent de l’autre côté. C’est très profond parce que ça induit que le Juif lui-même se définit comme un autre, qu’il porte son altérité en lui. Or ce récit parle exactement de ça : David est passé de l’autre côté (en devenant une femme), il est devenu autre, un étranger pour ses amis et sa famille, son propre corps lui est étranger, et il est un étranger dans ce corps. Ce dispositif narratif le place dans une situation où il porte littéralement son altérité en lui. Une couverture des plus cryptiques, qui ne dit pas grand-chose : juste la silhouette d’un profil en ombre chinoise. Un récit qui commence par un événement fantastique : le personnage principal, un homme, se réveille dans le corps d’une femme. Une narration facile et fluide, grâce à des dessins très accessibles, et des scènes assez brèves très linéaires. Des auteurs qui jouent avec l’anticipation du lecteur et qui lui font savoir qu’ils jouent à ça. Un lecteur mis en confiance, sûr de lui car il a bien identifié ce dispositif. Une enquête prosaïque pour retrouver son corps originel, et quelques rencontres. Une mise en scène de l’altérité très pragmatique et factuelle, charriant des questionnements fondamentaux sur l’identité et la capacité d’adaptation. Troublant et fascinant.

26/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Parker 1969
Parker 1969

Un polar de Donald E. Westlake adapté par Doug Headline avec les dessins de Kieran, qui inaugure la nouvelle collection Aire Noire chez Dupuis. Doug Headline (bon sang ne saurait mentir, c'est le fils de JP. Manchette !) n'en est pas à sa première adaptation de polar en bandes dessinées. Il a déjà adapté quelques romans de son père et même d'autres bouquins de Donald Westlake (alias Richard Stark, décédé en 2008) tout comme son confrère Matz. Avec "Parker 1969 : La proie", il adapte un roman de 1969, The sour lemon score, paru chez nous sous le titre Un petit coup de vinaigre. C'est l'un des nombreux épisodes qui mettent en scène notre ami Parker, un clone littéraire d'acteurs comme Lee Marvin ou Richard Widmark : élégant, taciturne, froid et menaçant, c'est le parangon du braqueur professionnel (Westlake voulait gommer tout sentiment de son récit). « [...] - Bon Dieu, essayer de te faire causer, c'est plus difficile que d'arracher une dent à un môme. Parle-moi Parker bon sang ! » Une histoire de braquage comme souvent avec l'ami Parker ! « [...] Parker ne croyait pas à la chance, bonne ou mauvaise. Il ne croyait qu'aux types qui connaissaient leur boulot et le faisait bien. » Parker et ses comparses sont effectivement des pros et ils réussissent brillamment le braquage d'une banque, le plan était parfait. Hélas, le butin est un peu maigre. « [...] - Trente-trois mille. Huit mille malheureux dollars chacun. - On savait que ça ne serait pas lourd. Huit mille, c'est déjà pas si mal pour une matinée de boulot. » Mais cela ne suffit pas à l'un des gars de la bande qui file avec le magot. « [...] - Vous n'êtes pas du genre à vous venger, Parker. Pas s'il n'y a rien à la clé. Que lui voulez-vous à ce garçon ? - Il nous trahis. Il a tiré une balle dans la tête de votre mari. Il a tué l'autre gars de l'équipe, et il a essayé de me tuer moi aussi ... Et puis il s'est enfui avec l'argent. » Parker se met donc en chasse à la poursuite du traître ... et du magot. « [...] Parker se disait que beaucoup de temps s'était écoulé et qu'il n'était arrivé à rien. Ils avaient braqué la banque le lundi, et ce n'est que le jeudi qu'il avait trouvé Brock. Et maintenant on était vendredi. Quatre jours passés à courir en tous sens, et [l'autre] était toujours là-dehors, quelque part, assis sur le fric. » Le personnage de Parker (il n'a pas de prénom) est l'une des grandes réussites de D. Westlake et il se prête parfaitement aux adaptations en BD. C'est du polar à l'ancienne, façon hard-boiled. Quand il s'agit de bâtir le scénario d'un polar pour une BD, Doug Headline n'en est pas à son coup d'essai, on l'a dit, et il a su trouver le ton juste pour dérouler ce récit en comblant les silences de Parker, personnage taciturne, par de brefs encarts de texte, une sorte de voix off. Les graphismes de Kieran évoquent les comics US avec un beau noir & blanc, dur et violent, dynamique et moderne. Ces dessins sont un bel hommage à ceux du canadien Darwyn Cooke (décédé en 2016) qui avait déjà adapté plusieurs polars de Westlake en BD dont notamment le casse en 2012 (traduit par Matz en 2013). Cet album inaugure chez Dupuis, la collection Aire Noire dédiée au roman noir graphique (par analogie avec la collection Aire Libre) : Doug Headline et Olivier Jalabert sont aux commandes de cette ligne éditoriale. Les éditions Dupuis nous promettent déjà plusieurs beaux albums pour cette année et, de plus, ont signé avec les héritiers de Westlake pour adapter plusieurs de ses romans.

26/03/2025 (modifier)
Par Chartreux
Note: 5/5
Couverture de la série Le Grand Pouvoir du Chninkel
Le Grand Pouvoir du Chninkel

J'avais trouvé cette BD sur une braderie à l'époque sans savoir à quoi m'attendre. Appréciant l'heroïc fantasy sans autant en être un fan inconditionnel.. Je suis resté subjugué par cette histoire. De son trait jusqu'à la trame, cet anti héro attachant, l'ambiance apocalyptique, l'alliance et la trahison.. Franchement, quelque chose de grand !

26/03/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 5/5
Couverture de la série Le Grand Pouvoir du Chninkel
Le Grand Pouvoir du Chninkel

Qu'on se rassure, je ne serai pas long car tout à déjà été dit sur le Chninkel. Le Chninkel, que j'ai lu jeune ado, m'a littéralement transporté. J'aimais ce personnage tout à fait insignifiant qui se retrouve embarqué dans une aventure qui le dépasse. C'est basique, solide, et ça évolue dans un univers bien ancré. Les références à Tolkien, que j'ai découvert plus tard, sont nombreuses (et Van Hamme lui-même ne le cachait pas), tout comme les références bibliques. Le mélange est réussi, la sauce prend vite, tout cela agrémenté du puissant dessin de Rosinski. Oui, je crois qu'on peut raisonnablement qualifier cette BD de Culte !

26/03/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 5/5
Couverture de la série Gaston Lagaffe
Gaston Lagaffe

Gaston Lagaffe, c'est mon héros. Gamin déjà, j'aimais bien, mais à ce moment-là, j'étais totalement incapable de comprendre pourquoi ce personnage me plaisait. Aujourd'hui, je suis un cinquantenaire (fringant !), et je sais. Gaston est inutile, inefficace, lent, incompétent. Il contient en lui toutes ces qualités de résilience ! GASTON PRESIDENT !

26/03/2025 (modifier)
Par karibou79
Note: 4/5
Couverture de la série La Trilogie Nikopol
La Trilogie Nikopol

Je viens de relire cette série m'ayant marqué il y a plus de 25 ans, comme tout lecteur je pense (en bien ou en mal). Un dessin unique, un univers immersif (je ne connaissais pas encore la bande de Métal Hurlant), tant de codes de BD brisés... Wow! Et pourtant, plus j'avançais dans les albums et moins j'y comprenais. En effet, j'avais lu les 3 albums d'une traite, une oeuvre s'étalant sur 10 ans et reflétant l'évolution de l'auteur qui passe de dessinateur BD pur à celui d'artiste complet, à la manière de Giraud devenu Moebius. Du tome 1 purement SF et dystopique, on passe à un tome 2 plus romancé et un tome 3 onirique. Point de vue graphique, un découpage en gaufrier fait place à des cases de plus en plus grandes, les planches devenant des tableaux, les coups de fusain se faisant de plus en plus voyants. Même en lisant les albums l'un après l'autre, l'oeuvre demande une acceptation à suivre Bilal qui tantôt nous tient par la main et tantôt nous abandonne dans sa forêt mentale, remplie de névroses de toutes sortes. C'est fou de voir que ces 3 albums laissent voir ce que Bilal avait fait avant (par exemple Mémoires d'outre-espace) ou fera ensuite (Bug me vient de suite à l'esprit), un artiste toujours en doute de lui et de notre monde. L'oeuvre est dépressive mais offre de beaux moments de répits comiques ou d'action. Comment prendre au sérieux ces Dieux égyptiens en quête de carburant pour leur pyramide ? Pourtant gare à Horus narguant ses pairs comme nous autres simples mortels insignifiants (pourtant, à bien y regarder, qui souhaiterait vivre dans leur Olympe dépeuplé, condamné à des séances de sauna éternelles ?). Vraiment une oeuvre marquante que j'aurai noté différemment suivant la date de lecture ou la découverte tome par tome. Dans tous les cas, une série qui mérite une belle place dans l'histoire de la BD.

26/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Fun Home - Une tragicomédie familiale
Fun Home - Une tragicomédie familiale

Je viens de lire pour la première fois une œuvre de Bechdel, autrice que je ne connaissais jusque là que le nom et la célèbre planche ayant donné naissance malgré elle à l'éponyme "test de Bechdel" (test étant tout sauf infaillible pour déterminer si une œuvre est féministe ou ne l'est pas). L'album est une autobiographie. L'autrice nous raconte sa vie, de son enfance jusqu'à l'évènement central de cet album : le décès de son père. Les évènements ne nous sont pas racontés dans un ordre chronologique mais thématique, on revient régulièrement sur des moments précis, on rajoute des détails à chaque fois, le tableau s'assemble progressivement. Du point de vue de la construction narrative, l'album est exemplaire. Le texte, lui-aussi, brille. Alison Bechdel emploi de nombreuses métaphores et comparaisons littéraires pour parler de sa vie familiale (dû en grande partie à l'amour littéraire de son père, justement). Le caractère étouffant, morbide et paradoxalement quotidien de sa famille, avec les parents ne s'aimant pas et les secrets gangrénant progressivement tout le monde, m'a beaucoup parlé. Sans avoir vécu une situation familiale parfaitement similaire, je me retrouve quand-même un peu dans cette histoire de famille dysfonctionnelle, de jeunesse queer ayant du mal à se définir, dans ce besoin de retranscrire les évènements de sa vie dans un journal puis de progressivement rendre ses écrits illisibles, ou même dans ces tocs qui se développent pour contrebalancer le stress ambiant (personnellement je compte mes pas et je dois toujours m'arrêter sur une dizaine, avec le pied gauche frappant les paires et le pied droit les impaires). Je me sens obligée de le mentionner, car cela a indéniablement joué dans le fait que cette biographie m'ai autant touchée. L'album est bon, je m'essaierai sans doute au reste des créations de l'autrice.

25/03/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5
Couverture de la série Dans ses yeux
Dans ses yeux

Marc Cuadrado, essentiellement connu pour sa série Parker et Badger, quitte complètement le registre de l'humour gros nez pour raconter sa vie de couple, celle d'un jeune grand-père auteur de BD et motard dont la femme, déjà aveugle d'un œil depuis sa jeunesse, perd de plus en plus la vue de l'autre. Tanie est désormais malvoyante, ne voyant à peine que ce qui se trouve à quelques centimètres devant ses yeux, mais elle refuse de laisser le handicap lui dicter sa vie. Marc, son mari, est en permanence à ses côtés pour la soutenir au quotidien, l'observant avec des yeux pleins d'amour, d'admiration pour la force mentale qui l'anime mais aussi parfois de surprise face aux décisions qu'elle peut prendre. C'est un album empli de sincérité. Le dessin de l'auteur y est rigoureusement différent de celui de ses BD d'humour. Il a choisi ici un style que je qualifierai de cool, un dessin au feutre fin au trait légèrement lâché, à la bichromie élégante et dont la narration coule tout fluidement. Le genre de dessin qui invite à la lecture comme on rencontrerait un ami avec qui on aime passer du bon temps. Seuls les yeux tout ronds, presque hypnotisés, des personnages parfois surprend, mais je m'y suis fait. Il met en scène sa vie quotidienne avec un léger soupçon d'autodérision derrière l'authenticité des faits, se moquant très légèrement de lui-même et de certains réactions de sa femme ou de conséquences de sa maladie, mais c'est avant tout l'admiration et l'amour qui en ressortent. C'est une situation terrible, surtout pour une historienne de l'art comme sa femme, et c'est avec une volonté incroyable qu'elle arrive à passer outre et à faire presque comme si de rien était, malgré les doutes et les craintes. En parallèle d'un récit au présent, l'auteur raconte aussi le passé de sa femme et de leur couple, expliquant comment les choses en sont arrivés là, comment de simple myope on peut devenir malvoyante. C'est instructif mais jamais ennuyeux, sérieux mais jamais larmoyant, et ici et là réhaussé d'une part d'humour qui permet de ne pas sombrer dans la tristesse ou le fatalisme. Bref c'est très bien.

25/03/2025 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5
Couverture de la série Archer & Armstrong (Barry Windsor-Smith)
Archer & Armstrong (Barry Windsor-Smith)

Ce pavé de 400 pages reprend les numéros 0 à 12 de la série Archer & Armstrong volume 1, ceux où Barry Windsor-Smith intervient. Une série publiée de 1992 à 1994 et n'ayant pas dépassé le numéro 27. Au début des années 90, Barry Windsor-Smith quitte Marvel, il ne se reconnaît plus dans ce qu'on lui propose de réaliser, il veut faire autre chose (Marvel lui a refusé la réalisation d'un projet sur Hulk, tant mieux pour nous, il peaufinera ce projet qui donnera des années plus tard Monstres, son chef-d’œuvre). Il va passer deux ans chez Valiant où il va collaborer sur plusieurs comics dont ce Archer & Armstrong avec l'aide de Jim Shooter et Bob Layton au scénario pour les deux premiers épisodes. Un pavé qui va vous trimballer dans les histoires foutraques d'un duo d'aventuriers, deux personnages aux tempéraments très différents. Archer est un jeune homme un peu naïf, après être passé par une expérience de mort imminente, il va se réfugier dans un monastère bouddhiste pour y apprendre les arts martiaux. Le bedonnant Armstrong est un immortel avec des superpouvoirs, il aime profiter de la vie, surtout des boissons alcoolisées. Il est considéré comme le diable par une conspiration religieuse (La Secte) qui n'a de cesse de vouloir l'éliminer. Un album qui se veut une parodie du genre super-héros, l'humour et les situations cocasses sont omniprésents. Un album aux nombreuses références à la pop culture, je vous invite à regarder la galerie. Un album qui fait voyager, on va partir pour un monde inconnu via un portail temporel, on va faire un petit tour au XVIIe siècle où l'œuvre d'Alexandre Dumas est revisitée et enfin un road Trip de l'Italie à l'Angleterre en passant par la France. Et pendant ces tribulations, on fera la connaissance d'une déesse grecque, d'un dinosaure en guise d'animal de compagnie et de personnages connus. L'humour et la dérision sont les moteurs de ce comics, sauf pour le passage sur la religion et ses prédateurs sexuels. Une lecture singulière, les dialogues font un peu datés, des facilités scénaristiques (choix assumés par BWS), les péripéties se suivent sans véritables liens (hormis la sacoche perdue d'Armstrong), mais j'ai pris plaisir à suivre notre ascète et notre sac à vin. A part les numéros 7 (Art Nichols) et 9 (Bernard Chang), c'est BWS qui est à la manœuvre pour le dessin et le résultat est dans l'ensemble de très bonne facture, malgré les différents encreurs. Ils n'écrasent pas les crayonnés du maître, on reconnaît son style inimitable. Sa mise en page est toujours d'une précision chirurgicale. Un ensemble harmonieux, mais le meilleur reste le numéro 0 où BWS réalise l'encrage. Pour ceux qui ont lu Freebooters, la ressemblance entre Armstrong et Axus est frappante. Je suis orphelin de la colorisation de BWS, celle de Maurice Fontenot est plus classique mais le résultat est vraiment pas mal. En cadeau, les couvertures VO de BWS avant chaque chapitre. Superbe. En marge d'Archer et Armstrong, en bonus les numéros 6 et 7 d'Éternal Warrior réalisés par BWS dans un univers plus violent. Très sympathique. Une œuvre surprenante. Barry Windsor-Smith est une mine d'or et ce comics une jolie pépite.

24/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Islander
Islander

Premier épisode d'une trilogie dystopique qui nous emporte avec d'autres réfugiés climatiques jusqu'en Islande. Avec les dessins magnifiques de Corentin Rouge et un scénario post-apocalyptique signé Caryl Férey. On avait déjà bien aimé Sangoma, un polar en Afrique du Sud aux parfums exotiques de sorcellerie et nous retrouvons ici ce duo très efficace : Caryl Férey au scénario, Corentin Rouge au dessin. Les revoici avec Islander, premier tome (intitulé : L'exil) d'une trilogie. Dans un futur proche, l'Europe est à feu et à sang et les réfugiés affluent dans les ports pour gagner "les îles épargnées". Le port du Havre est un nouveau Calais où trop de migrants se pressent pour embarquer sur de trop rares bateaux et tenter de gagner l'Écosse, dernier refuge. Il y a là un homme âgé que l'on appelle le Prof, deux jeunes femmes (des sœurs semble-t-il) et Raph, un passeur. Un autre migrant mystérieux, sans passeport. Tout comme en Méditerranée aujourd'hui, la traversée ne sera pas de tout repos et tous n'arriveront pas ... en Islande. Une Islande curieusement séparée en deux avec, au nord, un état sécessionniste de Reykjavík. Pourquoi le prof voulait se rendre coûte que coûte en Islande ? Pourquoi cette île est-elle coupée en deux ? Et quel est donc ce mystérieux projet Islander ? Même si Reykjavík n'a rien à voir avec Le Cap, les échos sont nombreux avec Sangoma : magnifiques dessins, regard inquiétant sur la couverture de l'album, discussions houleuses au parlement, contexte sociopolitique à la base même de l'intrigue, liens complexes entre les personnages, histoires de famille au sombre passé, ... Après Sangoma, on retrouve avec beaucoup de plaisir les dessins très réalistes de Corentin Rouge qui flirtent parfois avec la précision photo. Les traits des visages et les regards sont esquissés avec une grande expressivité et une précision méticuleuse pour donner vie aux personnages. La mise en page est dynamique, du vrai cinéma, ce qui est idéal pour les thrillers de Caryl Férey. Mais Corentin Rouge ne se limite pas à des portraits serrés, il excelle également à capturer la splendeur des paysages islandais, nous offrant des fresques grandioses, certaines s'étalant sur deux pages. Côté scénario, ce premier volume nous laisse forcément un peu sur notre faim, c'est naturel : Caryl Férey met en place les décors et les bases de son histoire en trois épisodes et ce n'est que le premier. Il y a peu d'explications (elles viendront plus tard !) mais le contexte semble propice à une bonne histoire où plusieurs personnages aux passés mystérieux et aux liens complexes vont s'entrecroiser. On attend la suite avec impatience ! (Une suite qui n'est pas prévue pour cette année ... hélas). Et puis il y a ce contexte d'Europe dévastée, affamée (sans doute par des catastrophes climatiques), que fuient les migrants en quête de terres plus accueillantes : une inversion des rôles plutôt bien vue mais qui nous fait grimacer et nous oblige à ouvrir les yeux sur une réalité qui, même si aujourd'hui n'est pas "la nôtre", pourrait bien le devenir (morale : on est toujours le migrant de quelqu'un). [...] - Nous avons fermé nos frontières face à l'afflux de réfugiés européens. Mais des navires continuent d'arriver malgré nos lois !!! Les illégaux sont trop nombreux ! [...] Nous devons faire face à la grogne de nos administrés, qui se crispent sous la menace démographique des réfugiés. Il faut être drastiques !

24/03/2025 (modifier)