3.5
Un ouvrage très intéressant où des iraniens racontent leurs vies quotidiennes et on apprend plein de choses dans ce pays où la liberté est limitée.
Si comme moi on a déjà lu des ouvrages sur l'Iran, plusieurs situations ne sont pas nouvelles, mais cela reste une série de témoignages intéressants et de plus la narration est assez fluide et on a pas le droit à trop de texte narratif. Les témoignages sont surtout axés sur l'amour, notamment les relations entre les couples et leurs familles, mais on aborde aussi d'autres sujets comme la révolte des jeunes face au régime des mollahs.
C'est un excellent album si on veut découvrir la vie en Iran de manière simple si on a peur de lire des gros livres 'sérieux' de plusieurs centaines de pages. Le dessin est correct.
Même si on n’a pas lu le résumé avant, on se doute dès les premières pages que quelque chose ne tourne pas rond sur cette Terre des fils. Ces deux garçons sales et loqueteux, à l’air dégénéré, transportent trop de folie et de primitivité pour être de simples idiots d’un village bien de chez nous… et le malaise, déjà prégnant, ira croissant à partir du moment où l’un deux tue sauvagement un chien. S’ajoute à cela une atmosphère crasseuse et menaçante dans un cadre désolé, envahi par des eaux boueuses, où pullulent rapaces et mouches attirés par quelque cadavre pourrissant.
Et peu à peu le lecteur va devoir réunir lui-même les pièces du puzzle car Gipi ne dévoile rien du contexte, se contentant de livrer des éléments au compte-goutte. On devine qu’une grave catastrophe d’ampleur mondiale est survenue dans un futur très proche, mais sans jamais savoir quelle en est l’origine ou la conséquence, ni dans quel pays se situe l’action. Mais au final, ce n’est pas tant cela qui est important. Ce que l’auteur a voulu mettre en avant ici, c’est cette faible distance, bien plus faible qu’on ne le pense, séparant notre civilisation prétendument avancée de la barbarie la plus primitive. Désormais, les hommes sont livrés à eux-mêmes, affaiblis, sans repères. Les infrastructures du monde civilisé se sont effondrées, il n’y a plus d’électricité, plus d’agriculture, plus d’eau courante, plus rien… seules les ruines d’un passé industriel tiennent encore debout. Les livres semblent avoir été enfouis sous les décombres de l’ancien monde. Le langage est rudimentaire, mélange de français déstructuré et d’onomatopées. Les gourous belliqueux ont émergé sur les résidus encore fumants d’Internet, et le jargon utilisé fait écho de manière frappante à la vacuité de nos réseaux sociaux, où la réflexion philosophique cède trop souvent le terrain à l’égocentrisme et la médiocrité. Dans un tel contexte, le père a choisi d’élever ses enfants à la dure, dans le seul but de les protéger. Car tel est le constat : non seulement l’amour n’a pas sauvé le monde, mais c’est la haine bestiale qui l’a emporté, et pour longtemps semble-t-il...
Le cahier noir du père, dans lequel ce dernier semble confier ses états d’âme, est un élément central de l’histoire, dernier emblème de la Connaissance. Symbole fort d’un monde révolu, il apparaît comme une relique mystérieuse suscitant la fascination de ses enfants qui aimeraient bien se l’approprier, comme si la vérité, leur vérité peut-être, était contenue dans ce cahier.
Gipi a recouru ici au noir et blanc, un choix fort à propos pour décrire un univers de grisaille, dépourvue de joie. Son trait fluet et imprécis, tout en hachures fébriles, traduit bien la fragilité d’un monde en déshérence, tout en restituant parfaitement l’expressivité des personnages.
Comme dans un « Mad Max » où la testostérone aurait fait place à la dégénérescence, Gipi dépeint un monde au climat de plomb, bien plus terrifiant que le film précité, notamment par son absence d’humanité quasi-totale, imposant « La Terre des fils » comme une des bandes dessinées les plus puissantes et les plus perturbantes de ces derniers mois.
Alors que je croyais que cet album serait une histoire d'aventure simplement inspirée de l'Île au Trésor de Stevenson, avec des personnages animaliers et beaucoup de libertés prises par le scénariste, il s'agit en réalité d'une adaptation très fidèle du roman. Et c'est à mes yeux une adaptation très réussie.
La couverture ne paie pas de mine. Je dirais même que je la trouve moche et qu'elle donne un aspect amateur à l'album qui pourrait rebuter. Ce serait dommage car les planches sont au contraire de très belle facture. Je ne suis pas très fan des couleurs ternes et sombres de ces dernières, mais le trait lui-même est très chouette.
Les personnages sont animaliers, avec un peu trop des habituels visages de chiens ou encore celui du jeune lion courageux mais banal pour le héros, mais aussi des choix d'animaux bien plus originaux et bien trouvés comme le morse pour le vieux Billy Bones, la rascasse pour une diseuse de bonne aventure ou encore le gorille pour le fameux Long/Kong John Silver. L'aspect animal des personnages entre en outre en jeu dans la mise en scène et dans leurs actions et c'est plutôt bien vu. Le personnage du vautour marche très bien par exemple.
Outre les personnages, l'auteur apporte son imaginaire dans les décors qui ne se contentent pas d'être de simples représentations historiques réalistes. La taverne où cuisine Kong John Silver notamment est pleine d'imagination.
Au-delà de ces originalités graphiques, le reste du récit est l'adaptation pure et simple du roman de Stevenson. Mais je trouve que c'est une très bonne adaptation car l'ambiance du livre est bien rendue. Inquiétante par moment, pleine de promesses d'aventure à d'autres moments, je me suis laissé bercé par sa bonne narration et son ton sobre et prenant à la fois.
Cet album reprend une dizaine d'histoires courtes publiées par l'ancien grand prix du festival d'Angouleme. Des histoires d'une à quinze pages, mettant en scène des événements historiques ou culturels parues dans diverses publications Françaises ou Italiennes. Des histoires tout en contraste, ou le banal côtoie le tragique. En lisant certaines d'entre elles on s'aperçoit très bien que certaines d'entre elles ont inspiré des albums de Manuele Fior. On peut ainsi suivre l'évolution de son trait et de sa mise en couleur. Cet album peut donc constituer une bonne introduction a l'œuvre de cet auteur.
Je ne suis pas un grand amateur d’histoires de pirates mais je dois reconnaitre que je me suis facilement laissé embarquer par Barracuda. J’ai été enchanté par l’univers graphique de Jérémy qui se place en digne successeur du regretté Philippe Delaby. En plus d’un trait magnifique, on sent que le dessinateur s’est beaucoup documenté pour bien « coller » à cette époque souvent fantasmée.
Le scénario est par contre plus classique. Dufaux s’est largement inspiré de la littérature du genre pour pondre une histoire prenante et divertissante, à la narration maitrisée, mais qui peine malgré tout à surprendre. Agréable à lire, en dépit de quelques petites longueurs, l’intrigue très romanesque de Barracuda, tient bien la route du début à la fin de la série.
Cocktail d’aventure et d’action, plutôt grand public, est incontestablement une bonne série de pirates qui séduira un lectorat bien plus vaste que les simples amateurs du genre.
3,5/5
Je comprends qu'on puisse crier au chef d'oeuvre s'agissant d'une telle oeuvre qui revisite le mythe des voyages d'Ulysse. Il faut dire qu'Emmanuel Lepage jouit d'une excellente réputation qui a été confirmée par ses récentes productions.
Au niveau graphique, ce sont des planches de toute beauté. C'est presque comme une invitation à un long voyage sur les mers du globe. Rien à redire sur une telle somptuosité. On atteint véritablement des sommets. Il convient juste de préciser qu'Emmanuel Lepage est également accompagné de René Follet et qu'ils forment un beau tandem.
C'est plutôt au niveau du scénario que cela coince un peu par moment. Il y a des longueurs mais il y a également certains passages très prenants et très intéressants. On aurait sans doute aimé une véritable histoire d'amour entre les deux protagonistes qui sont à la recherche d'un être mais pour différentes raisons. On notera que les personnages sont plutôt réussis et par conséquent crédibles.
Au final, on a une quête de grande qualité.
Il est vrai que j'aime beaucoup cette collection qui permet par le biais du manga de faire découvrir à un large public pas forcément intéressé par le sujet des théories scientifiques ou philosophiques assez complexes. La théorie de l'évolution en fait désormais partie. Il ne s'agit ni plus ni moins que de remettre en cause le fait que l'homme n'est pas né de la main de Dieu. Les religieux de tous bords risquent de faire de sérieuses crises d'apoplexie. Mais bon, c'est cela le progrès de la pensée. La logique a enfin toute sa place.
Cette théorie est à l'origine de 150 ans de guerre entre science et religion. Darwin, à travers un voyage autour du globe et l'observation de vie des différentes espèces, renversa totalement la vision divine des choses. Pour moi, il mérite plus que du respect. C'est lui qu'on devrait aduler à travers le monde.
Le côté très pédagogique de cet ouvrage nous fera passer un excellent moment non seulement de détente pas également sur le sens du monde qui nous entoure. Des dessins simples mais qui passent bien également. Une réussite de cette collection.
Super-sourde est une autobiographie, celle de l'auteure qui est devenue sourde alors qu'elle était toute petite à la suite d'une méningite. Elle nous invite à découvrir avec la petite fille qu'elle était les effets d'une telle surdité sur sa vie de tous les jours, sur le déroulement de son enfance et comment elle a appris à gérer son handicap et à trouver le bonheur.
C'est très intéressant car elle nous explique pas à pas, en même temps qu'elle même les découvrait, les émotions qu'elle ressentait et les effets de sa surdité : ce qu'elle entendait ou pas, ce qu'elle comprenait, et du coup l'impact de cela sur sa relation avec les autres enfants, les adultes et sur son état d'esprit en général.
J'ai eu un peu de mal au départ car j'avoue que le dessin assez simpliste ne me plaisait pas. Il est clair et efficace mais les personnages aux têtes de lapin et l'aspect physique de l'héroïne ne m'attiraient pas.
Mais comme la narration est limpide, je me suis laissé embarqué et j'ai trouvé ça assez prenant. Les émotions sont bien transmises et les explications sont claires et instructives.
Vraiment une bonne lecture pour découvrir ce handicap et comment faire en sorte qu'il se fasse oublier.
Voici un auteur qui a dessiné des séries à succès tel que Châteaux Bordeaux et qui devient un auteur complet par rapport à cette triste auto-biographie où il nous dévoile son secret de famille. On pourrait dire que c'est comme pour expurger une profonde douleur mais cela va au-delà à mesure que la lecture avance.
Le trait est un peu enfantin mais le récit est dramatique. Pour autant, il y a toute cette perception d'un enfant qui atténue un peu les choses. J'ai été bouleversé au final car c'est triste de vivre avec une personne psychologiquement malade surtout lorsqu'il s'agit de sa maman. Elle souffre de troubles bipolaires à tendances schizophréniques.
Certes, encore une lecture qui risque de plomber l'ambiance mais rien n'est jamais tout beau en ce monde. Il y a une réelle montée en puissance au fil de la lecture. L'objectif est atteint avec le final. On saura ce que représente ce perroquet. C'est certainement le meilleur album d'Espé d'où ma notation qui ne fait pas dans la complaisance.
Boum Boum Pan Pan ! Voici Tyler Cross !
Dargaud épaissit son catalogue d'oeuvres de qualité avec cette pure bombe signée Fabien Nury et Brüno (qui avaient déjà collaboré avec Atar Gull ou le destin d'un esclave modèle), dont le premier tome paru en 2013 fit l'effet d'un séisme de magnitude 10 sur l'échelle de Richter, à tel point que les critiques s'époumonaient d'éloges et rangeaient déjà ce petit joyau classieux et bien énervé parmi les classiques.
Je rajouterais ma petite voix fluette à ce concert de dithyrambes, tellement on ne peut nier avoir là affaire à de la grande bande dessinée. Ce provisoire diptyque (Black Rock et Angola, en attendant les tomes suivants) se distingue d'emblée par son protagoniste. Une carrure de boxeur, une gueule carrée et anguleuse, ce bad boy coiffé d'un stetson et traînant son fusil à pompe rappelle immédiatement certains monstres sacrés du cinéma tels que Jack Palance, Clint Eastwood voire Humphrey Bogart.
Mais non content d'être pourvu d'un charisme insolent, notre anti-héros ne manque pas de répondant : cynique et caustique, ses prises de parole sont très souvent savoureuses. Le ton dur, le verbe haut, à travers lui on aperçoit tout le génie de Fabien Nury dans la construction des dialogues.
Mais Tyler Cross c'est aussi des intrigues et une atmosphère, très empreinte des films noirs d'après-guerre ; on peut considérer d'ailleurs cette BD comme une déclaration d'amour nostalgique au cinéma hollywoodien des années 50/60. En effet elle revisite certains grands classiques du 7ème art d'Outre-Atlantique, je pense aux films de gangsters dans le premier tome ( avec le narcotrafic, les braquages à main armée, les milieux mafieux...) et aux films de bagnards dans Angola. Derrière des scénarios que l'on peut considérer comme assez classiques se cachent en réalité une maîtrise impressionnante de son sujet, on sent des auteurs qui se sont exhaustivement documenté pour ne rien laisser au hasard. Dans cette série au dessin minimaliste qui renvoie à une esthétique expressionniste, tout se coordonne comme dans une machine parfaitement huilé, on est happé de la première à la dernière page dans les remugles de cet univers sordide où règne le vice et le crime.
Non, clairement, ce polar-thriller, truffé de références (des films hard boiled à la James Ellroy au western façon Sergio Leone sans oublier la petite touche pulp de Tarantino) est un merveilleux hommage rendu à Hollywood, et un charmant petit nouveau dans le monde la BD franco-belge. Pour tout dire il a frôlé la note maximale, mais je préfère d'abord attendre de voir comment la série évolue avant de m'emballer.
En tout cas , un peu comme Blacksad de Guarnido et Diaz Canalès (avec qui il partage le même cadre géographique et historique), le potentiel est là pour que le Petit Poucet devienne Gargantua.
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Love story à l'iranienne
3.5 Un ouvrage très intéressant où des iraniens racontent leurs vies quotidiennes et on apprend plein de choses dans ce pays où la liberté est limitée. Si comme moi on a déjà lu des ouvrages sur l'Iran, plusieurs situations ne sont pas nouvelles, mais cela reste une série de témoignages intéressants et de plus la narration est assez fluide et on a pas le droit à trop de texte narratif. Les témoignages sont surtout axés sur l'amour, notamment les relations entre les couples et leurs familles, mais on aborde aussi d'autres sujets comme la révolte des jeunes face au régime des mollahs. C'est un excellent album si on veut découvrir la vie en Iran de manière simple si on a peur de lire des gros livres 'sérieux' de plusieurs centaines de pages. Le dessin est correct.
La Terre des fils
Même si on n’a pas lu le résumé avant, on se doute dès les premières pages que quelque chose ne tourne pas rond sur cette Terre des fils. Ces deux garçons sales et loqueteux, à l’air dégénéré, transportent trop de folie et de primitivité pour être de simples idiots d’un village bien de chez nous… et le malaise, déjà prégnant, ira croissant à partir du moment où l’un deux tue sauvagement un chien. S’ajoute à cela une atmosphère crasseuse et menaçante dans un cadre désolé, envahi par des eaux boueuses, où pullulent rapaces et mouches attirés par quelque cadavre pourrissant. Et peu à peu le lecteur va devoir réunir lui-même les pièces du puzzle car Gipi ne dévoile rien du contexte, se contentant de livrer des éléments au compte-goutte. On devine qu’une grave catastrophe d’ampleur mondiale est survenue dans un futur très proche, mais sans jamais savoir quelle en est l’origine ou la conséquence, ni dans quel pays se situe l’action. Mais au final, ce n’est pas tant cela qui est important. Ce que l’auteur a voulu mettre en avant ici, c’est cette faible distance, bien plus faible qu’on ne le pense, séparant notre civilisation prétendument avancée de la barbarie la plus primitive. Désormais, les hommes sont livrés à eux-mêmes, affaiblis, sans repères. Les infrastructures du monde civilisé se sont effondrées, il n’y a plus d’électricité, plus d’agriculture, plus d’eau courante, plus rien… seules les ruines d’un passé industriel tiennent encore debout. Les livres semblent avoir été enfouis sous les décombres de l’ancien monde. Le langage est rudimentaire, mélange de français déstructuré et d’onomatopées. Les gourous belliqueux ont émergé sur les résidus encore fumants d’Internet, et le jargon utilisé fait écho de manière frappante à la vacuité de nos réseaux sociaux, où la réflexion philosophique cède trop souvent le terrain à l’égocentrisme et la médiocrité. Dans un tel contexte, le père a choisi d’élever ses enfants à la dure, dans le seul but de les protéger. Car tel est le constat : non seulement l’amour n’a pas sauvé le monde, mais c’est la haine bestiale qui l’a emporté, et pour longtemps semble-t-il... Le cahier noir du père, dans lequel ce dernier semble confier ses états d’âme, est un élément central de l’histoire, dernier emblème de la Connaissance. Symbole fort d’un monde révolu, il apparaît comme une relique mystérieuse suscitant la fascination de ses enfants qui aimeraient bien se l’approprier, comme si la vérité, leur vérité peut-être, était contenue dans ce cahier. Gipi a recouru ici au noir et blanc, un choix fort à propos pour décrire un univers de grisaille, dépourvue de joie. Son trait fluet et imprécis, tout en hachures fébriles, traduit bien la fragilité d’un monde en déshérence, tout en restituant parfaitement l’expressivité des personnages. Comme dans un « Mad Max » où la testostérone aurait fait place à la dégénérescence, Gipi dépeint un monde au climat de plomb, bien plus terrifiant que le film précité, notamment par son absence d’humanité quasi-totale, imposant « La Terre des fils » comme une des bandes dessinées les plus puissantes et les plus perturbantes de ces derniers mois.
Jim Hawkins
Alors que je croyais que cet album serait une histoire d'aventure simplement inspirée de l'Île au Trésor de Stevenson, avec des personnages animaliers et beaucoup de libertés prises par le scénariste, il s'agit en réalité d'une adaptation très fidèle du roman. Et c'est à mes yeux une adaptation très réussie. La couverture ne paie pas de mine. Je dirais même que je la trouve moche et qu'elle donne un aspect amateur à l'album qui pourrait rebuter. Ce serait dommage car les planches sont au contraire de très belle facture. Je ne suis pas très fan des couleurs ternes et sombres de ces dernières, mais le trait lui-même est très chouette. Les personnages sont animaliers, avec un peu trop des habituels visages de chiens ou encore celui du jeune lion courageux mais banal pour le héros, mais aussi des choix d'animaux bien plus originaux et bien trouvés comme le morse pour le vieux Billy Bones, la rascasse pour une diseuse de bonne aventure ou encore le gorille pour le fameux Long/Kong John Silver. L'aspect animal des personnages entre en outre en jeu dans la mise en scène et dans leurs actions et c'est plutôt bien vu. Le personnage du vautour marche très bien par exemple. Outre les personnages, l'auteur apporte son imaginaire dans les décors qui ne se contentent pas d'être de simples représentations historiques réalistes. La taverne où cuisine Kong John Silver notamment est pleine d'imagination. Au-delà de ces originalités graphiques, le reste du récit est l'adaptation pure et simple du roman de Stevenson. Mais je trouve que c'est une très bonne adaptation car l'ambiance du livre est bien rendue. Inquiétante par moment, pleine de promesses d'aventure à d'autres moments, je me suis laissé bercé par sa bonne narration et son ton sobre et prenant à la fois.
Les Jours de la Merlette
Cet album reprend une dizaine d'histoires courtes publiées par l'ancien grand prix du festival d'Angouleme. Des histoires d'une à quinze pages, mettant en scène des événements historiques ou culturels parues dans diverses publications Françaises ou Italiennes. Des histoires tout en contraste, ou le banal côtoie le tragique. En lisant certaines d'entre elles on s'aperçoit très bien que certaines d'entre elles ont inspiré des albums de Manuele Fior. On peut ainsi suivre l'évolution de son trait et de sa mise en couleur. Cet album peut donc constituer une bonne introduction a l'œuvre de cet auteur.
Barracuda
Je ne suis pas un grand amateur d’histoires de pirates mais je dois reconnaitre que je me suis facilement laissé embarquer par Barracuda. J’ai été enchanté par l’univers graphique de Jérémy qui se place en digne successeur du regretté Philippe Delaby. En plus d’un trait magnifique, on sent que le dessinateur s’est beaucoup documenté pour bien « coller » à cette époque souvent fantasmée. Le scénario est par contre plus classique. Dufaux s’est largement inspiré de la littérature du genre pour pondre une histoire prenante et divertissante, à la narration maitrisée, mais qui peine malgré tout à surprendre. Agréable à lire, en dépit de quelques petites longueurs, l’intrigue très romanesque de Barracuda, tient bien la route du début à la fin de la série. Cocktail d’aventure et d’action, plutôt grand public, est incontestablement une bonne série de pirates qui séduira un lectorat bien plus vaste que les simples amateurs du genre. 3,5/5
Les Voyages d'Ulysse
Je comprends qu'on puisse crier au chef d'oeuvre s'agissant d'une telle oeuvre qui revisite le mythe des voyages d'Ulysse. Il faut dire qu'Emmanuel Lepage jouit d'une excellente réputation qui a été confirmée par ses récentes productions. Au niveau graphique, ce sont des planches de toute beauté. C'est presque comme une invitation à un long voyage sur les mers du globe. Rien à redire sur une telle somptuosité. On atteint véritablement des sommets. Il convient juste de préciser qu'Emmanuel Lepage est également accompagné de René Follet et qu'ils forment un beau tandem. C'est plutôt au niveau du scénario que cela coince un peu par moment. Il y a des longueurs mais il y a également certains passages très prenants et très intéressants. On aurait sans doute aimé une véritable histoire d'amour entre les deux protagonistes qui sont à la recherche d'un être mais pour différentes raisons. On notera que les personnages sont plutôt réussis et par conséquent crédibles. Au final, on a une quête de grande qualité.
Charles Darwin - Théorie de l'évolution
Il est vrai que j'aime beaucoup cette collection qui permet par le biais du manga de faire découvrir à un large public pas forcément intéressé par le sujet des théories scientifiques ou philosophiques assez complexes. La théorie de l'évolution en fait désormais partie. Il ne s'agit ni plus ni moins que de remettre en cause le fait que l'homme n'est pas né de la main de Dieu. Les religieux de tous bords risquent de faire de sérieuses crises d'apoplexie. Mais bon, c'est cela le progrès de la pensée. La logique a enfin toute sa place. Cette théorie est à l'origine de 150 ans de guerre entre science et religion. Darwin, à travers un voyage autour du globe et l'observation de vie des différentes espèces, renversa totalement la vision divine des choses. Pour moi, il mérite plus que du respect. C'est lui qu'on devrait aduler à travers le monde. Le côté très pédagogique de cet ouvrage nous fera passer un excellent moment non seulement de détente pas également sur le sens du monde qui nous entoure. Des dessins simples mais qui passent bien également. Une réussite de cette collection.
Super Sourde
Super-sourde est une autobiographie, celle de l'auteure qui est devenue sourde alors qu'elle était toute petite à la suite d'une méningite. Elle nous invite à découvrir avec la petite fille qu'elle était les effets d'une telle surdité sur sa vie de tous les jours, sur le déroulement de son enfance et comment elle a appris à gérer son handicap et à trouver le bonheur. C'est très intéressant car elle nous explique pas à pas, en même temps qu'elle même les découvrait, les émotions qu'elle ressentait et les effets de sa surdité : ce qu'elle entendait ou pas, ce qu'elle comprenait, et du coup l'impact de cela sur sa relation avec les autres enfants, les adultes et sur son état d'esprit en général. J'ai eu un peu de mal au départ car j'avoue que le dessin assez simpliste ne me plaisait pas. Il est clair et efficace mais les personnages aux têtes de lapin et l'aspect physique de l'héroïne ne m'attiraient pas. Mais comme la narration est limpide, je me suis laissé embarqué et j'ai trouvé ça assez prenant. Les émotions sont bien transmises et les explications sont claires et instructives. Vraiment une bonne lecture pour découvrir ce handicap et comment faire en sorte qu'il se fasse oublier.
Le Perroquet
Voici un auteur qui a dessiné des séries à succès tel que Châteaux Bordeaux et qui devient un auteur complet par rapport à cette triste auto-biographie où il nous dévoile son secret de famille. On pourrait dire que c'est comme pour expurger une profonde douleur mais cela va au-delà à mesure que la lecture avance. Le trait est un peu enfantin mais le récit est dramatique. Pour autant, il y a toute cette perception d'un enfant qui atténue un peu les choses. J'ai été bouleversé au final car c'est triste de vivre avec une personne psychologiquement malade surtout lorsqu'il s'agit de sa maman. Elle souffre de troubles bipolaires à tendances schizophréniques. Certes, encore une lecture qui risque de plomber l'ambiance mais rien n'est jamais tout beau en ce monde. Il y a une réelle montée en puissance au fil de la lecture. L'objectif est atteint avec le final. On saura ce que représente ce perroquet. C'est certainement le meilleur album d'Espé d'où ma notation qui ne fait pas dans la complaisance.
Tyler Cross
Boum Boum Pan Pan ! Voici Tyler Cross ! Dargaud épaissit son catalogue d'oeuvres de qualité avec cette pure bombe signée Fabien Nury et Brüno (qui avaient déjà collaboré avec Atar Gull ou le destin d'un esclave modèle), dont le premier tome paru en 2013 fit l'effet d'un séisme de magnitude 10 sur l'échelle de Richter, à tel point que les critiques s'époumonaient d'éloges et rangeaient déjà ce petit joyau classieux et bien énervé parmi les classiques. Je rajouterais ma petite voix fluette à ce concert de dithyrambes, tellement on ne peut nier avoir là affaire à de la grande bande dessinée. Ce provisoire diptyque (Black Rock et Angola, en attendant les tomes suivants) se distingue d'emblée par son protagoniste. Une carrure de boxeur, une gueule carrée et anguleuse, ce bad boy coiffé d'un stetson et traînant son fusil à pompe rappelle immédiatement certains monstres sacrés du cinéma tels que Jack Palance, Clint Eastwood voire Humphrey Bogart. Mais non content d'être pourvu d'un charisme insolent, notre anti-héros ne manque pas de répondant : cynique et caustique, ses prises de parole sont très souvent savoureuses. Le ton dur, le verbe haut, à travers lui on aperçoit tout le génie de Fabien Nury dans la construction des dialogues. Mais Tyler Cross c'est aussi des intrigues et une atmosphère, très empreinte des films noirs d'après-guerre ; on peut considérer d'ailleurs cette BD comme une déclaration d'amour nostalgique au cinéma hollywoodien des années 50/60. En effet elle revisite certains grands classiques du 7ème art d'Outre-Atlantique, je pense aux films de gangsters dans le premier tome ( avec le narcotrafic, les braquages à main armée, les milieux mafieux...) et aux films de bagnards dans Angola. Derrière des scénarios que l'on peut considérer comme assez classiques se cachent en réalité une maîtrise impressionnante de son sujet, on sent des auteurs qui se sont exhaustivement documenté pour ne rien laisser au hasard. Dans cette série au dessin minimaliste qui renvoie à une esthétique expressionniste, tout se coordonne comme dans une machine parfaitement huilé, on est happé de la première à la dernière page dans les remugles de cet univers sordide où règne le vice et le crime. Non, clairement, ce polar-thriller, truffé de références (des films hard boiled à la James Ellroy au western façon Sergio Leone sans oublier la petite touche pulp de Tarantino) est un merveilleux hommage rendu à Hollywood, et un charmant petit nouveau dans le monde la BD franco-belge. Pour tout dire il a frôlé la note maximale, mais je préfère d'abord attendre de voir comment la série évolue avant de m'emballer. En tout cas , un peu comme Blacksad de Guarnido et Diaz Canalès (avec qui il partage le même cadre géographique et historique), le potentiel est là pour que le Petit Poucet devienne Gargantua.