tome 1
La première chose que l'on remarque avec cette bd, c'est sa qualité éditoriale, une couverture remarquable, et un album de 135 pages qui pèse plus d'un kilo !
Certes, le prix est assez élevé, et un choix éditorial autre à un moindre coût aurait pu l'emporter mais c'est vrai que cette option, assez luxueuse, est discutable mais passons...
Ce qui frappe en ouvrant cet album, c'est le dessin de Thimothée Montaigne. J'avais découvert cet auteur avec la série Le Troisième Testament - Julius qu'il avait repris au pied levé avec un certain brio, il faut l'avouer. Certes son dessin lorgne sans ambiguïté aucune, vers celui de Mathieu Lauffray, avec lequel il avait collaboré sur Long John Silver.
Il n’y a rien à dire sur le dessin, c'est superbe, on en prend plein la vue avec quelques pleines pages ou doubles pages incroyables (je pense notamment à la découverte du Jakata, pages 22 et 23.)
En débutant la lecture, j'ai immédiatement songé au personnage de Lady Hasting de Long John Silver avec Lucretia Hans, qui veut rejoindre son époux, au delà des mers.
Je reste subjugué par la beauté des planches, malgré la noirceur de l'intrigue, au fil des pages.
Le scénario de Xavier Dorison n'est pas en reste, l'intrigue est très sombre, les personnages très tourmentés, et ce premier volume retrace avec une efficacité remarquable, l'atmosphère qui règne sur un navire où une mutinerie couve....
Parti d'un choix éditorial très discutable sur le coût, cet album rejoint, à mes yeux, un des meilleurs albums que j'ai lus cette année, bref un incontournable de cette année.
tome 2
La lecture du premier volume fut , pour moi, jubilatoire. Je ne connaissais pas du tout ce fait maritime, et je me suis fait souffrance pour ne pas aller en découvrir davantage , pour mieux appréhender ce second volume.
Je dois dire que cet album est époustouflant à tout point de vue. Un dessin de Thimothée Montaigne magnifique voire exceptionnel, les pleines pages sont d'une beauté à couper le souffle.
Mais c'est surtout le rythme du récit qui tient en haleine le lecteur, d'ailleurs je n'ai pas réussi à lâcher ce livre avant d'en connaitre le dénouement. On a du mal à imaginer tant d'atrocités dans ce récit, bien qu'il soit très fortement inspiré de faits réels. Le travail de Xavier Dorison est, une de fois de plus, remarquable dans cette adaptation.
J'ai bien évidement relu le premier volume de ce diptyque avant de me lancer dans cet album, et à mon avis, ce second tome dépasse encore le précédent, c'est dire!
Une de mes meilleures lectures de cette année.
Et je passe sous silence la qualité éditoriale de l'album,et son prix, certes élevé, mais lorsque le scénario et le dessin sont d'une telle qualité, on ne peut passer à côté d'un tel chef d’œuvre.
Si l'on pouvait résumer le professeur Stratus et ses aventures par un seul mot, ce serait nostalgie.
Le professeur Stratus est né en 1989 dans le journal de Tintin (version flamande), et a fait ses débuts dans Hello BD un an plus tard en France.
Nous sommes face à un trio de héros: le professeur Stratus, un de ses amis, et son majordome. Ces trois personnages vont parcourir le monde d'abord par dirigeable, puis par sous-marin, tous inspirés d'un univers très "Vernien".
Ce sont des récits d'aventure à l'ancienne, tout "hurle" les années 80, mais dans le bon sens du terme: graphisme, mais aussi scénario. Les héros sont très manichéens, à savoir sans vrai défauts, du côté du bien. Stratus se révèle être davantage un humaniste et enquêteur qu'un brillant savant (ses rares inventions servent davantage à transporter les personnages qu'autre chose), son ami fait office de Dr Watson, tandis que le majordome évoque irrésistiblement passe-partout par son à-propos, tout en plaçant son devoir au-dessus de tout.
C'est un peu basique, et pourtant cela marche. On prend beaucoup de plaisir à lire ces aventures. Une histoire se déroule en France, traitant des préjugés d'autrui, mais au lieu de briser la continuité Vernienne, elle apporte une parenthèse bienvenue.
Je lui met 4 étoiles, même si objectivement elle ne mérite que trois: cette série conviendra effectivement davantage à des plus jeunes...Ou des jeunes nés dans les années 70 et 80 qui sont devenus vieux. Les autres auront du mal. Mais faisant partie de la seconde catégorie, je ne boude pas mon plaisir
Nous sommes dans un royaume anthropomorphique où le roi vieillissant (un lion, pas très original) du royaume sans nom en question se prépare à accueillir l'ambassadeur d'une alliance regroupant 2 royaumes et un empire afin d'établir de nouveaux liens commerciaux et diplomatiques.
L'analogie avec les 5 terres est évidente, et certains personnages ressemblent énormément à ceux du long-métrage Disney Zootopia.
Mais la comparaison s'arrête là: Zootopia est une fable sur la tolérance, les 5 terres une œuvre titanesque s'attachant à décrire en profondeur chacun des 5 royaumes en question à travers 6 tomes/royaume qui s'étirent en longueur avec un nombre incalculable de personnages, pas tous liés les uns aux autres.
Ici, en tout cas pour les deux premiers tomes, on se concentre sur le Royaume sans nom, il y a de nombreux personnages, mais tous bien construits, posés bien plus rapidement, et dont les destins sont encroisés de manière étroite.
L'histoire joue la part belle aux intrigues politiques et guerrières, c'est très bien construit, et surtout beaucoup plus direct. Après un tome introductif permettant de poser le cadre, le second opus va dans le vif du sujet à 100 à l'heures, petit à petit on découvre les éléments d'un grand jeu d'échec, sans aucun temps mort.
Et paradoxalement, cela réussit extrêmement bien à l'intrigue, très prenante, jouant sur les faux-semblants de manière efficace. Autant j'ai très vite fatigué avec les 5 terres qui s'étire jusqu'à plus soif, autant ce Royaume sans nom réussit à parfaitement conserver son équilibre et à maintenir mon intérêt éveillé. On pourrait reprocher à la série de nous montrer assez peu de choses des peuples de l'alliance, tout en ayant une ou deux faiblesse: on ne sait pas, par exemple, par quel moyen les carnivores se nourrissent en viande rouge, alors que le royaume se pose en opposition à un rival politique qui mange ses sujets sans vergogne (mais il faut aussi dire que les 5 terres lui fait carrément totalement l'impasse sur ce sujet!!! Au moins c'est évoqué), je considère malgré tout que le plus est l'ennemi du bien.
Pour le moment une très franche réussite pour moi.
Zanzim, qui a souvent collaboré avec le regretté et talentueux Hubert, revient tout seul aux manettes avec un ouvrage très réussi ! Difficile de classer cet album tant les genres abordés sont variés : conte moral, récit d'aventure, d'apprentissage, chronique sociale, tantôt comique, tantôt mélancolique, " Grand petit Homme ", c'est tout cela à la fois !
Employé modèle et consciencieux, Stanislas Rétif est un vendeur de chaussures qui a un coup d'oeil à nul autre pareil pour aider les jeunes femmes à trouver la paire de chaussures idéale. Hélas, sa petite taille et sa discrétion le desservent et ses collègues, jolies créatures à la silhouette élancée, l'ignorent superbement ou à l'occasion le manipulent. Sa patronne ne lui accorde que peu d'intérêt et le pauvre petit homme n'a d'autre choix que de mener une vie terne en compagnie de son chat. Jusqu'au jour où un événement va venir bouleverser la routine du petit vendeur...
Zanzim nous offre pour cette fin d'année une histoire malicieuse, un récit vif et et réconfortant. En refermant l'ouvrage, j'ai pensé à des films de Noël à la Franck Capra, le côté comédie sociale attendrissante sans doute. L'auteur évoque lui l'influence de Truffaut notamment et s'inspire des traits de Charles Denner, l'acteur de " L'homme qui aimait les femmes " pour donner vie à son personnage. L'écriture soignée, les dialogues brefs mais percutants, les jeux de mots employés avec parcimonie au début du récit participent au style alerte qui plonge rapidement le lecteur dans l'univers de Stanislas.
Le dessin dynamique et coloré est un régal, Les silhouettes féminines des années 60 sont ravissantes et certaines planches pleine page viennent ponctuer l'histoire et souligner l'habileté d'une narration enlevée et enjouée. Les aventures que va vivre Stanislas évoquent des scènes cultes du septième art et s'imbriquent parfaitement. Elles jalonnent le parcours de ce grand petit homme qui, sous les yeux du lecteur amusé, va mûrir, évoluer et comprendre ce qui fait la véritable grandeur de l'homme.
La fin pourra peut-être paraître un peu abrupte, mais pour ma part, la conclusion logique de ce tome est également une réussite.
Un coup de coeur pour l'esthétique, le plaisir de lecture à chaque page, les genres multiples. Bref, chaudement recommandé !
« Pour moi, l’art est comme une recherche continuelle, mais ce que je cherche n’est ni le réel, ni l’irréel, c’est l’inconscient… C’est comme si avec un œil je cherchais dans le monde extérieur, et qu’avec l’autre je regardais à l’intérieur des gens. » Cette citation de Modigliani résume parfaitement l’approche artistique du personnage, dont Ernesto Anderle a mis en image la biographie dans cet album homonyme à travers les yeux de la fille de « Modi » et du peintre Maurice Utrillo. L’artiste, qui avait quitté son Italie natale pour Paris, désirait vivre pleinement son art, et la ville des lumières était le seul endroit où il pensait pouvoir le faire. Mais Paris, ville des plaisirs et des excès, , où la fine fleur de la peinture moderne venait s’encanailler au début du XXe siècle, a également été le témoin de sa déchéance dans la misère et l’alcoolisme, déchéance accentuée par sa santé fragile et la guerre qui avait précipité l’Europe dans les ténèbres. Dans ce contexte difficile, le peintre connut heureusement l’amour, notamment avec Jeanne Hébuterne qui fut sa muse jusqu’à ses derniers jours. Leur amour était si fusionnel que la jeune femme se suicida deux jours après la mort de son compagnon.
Ernesto Anderle nous livre ici un bel hommage à un artiste dont on connaît surtout les œuvres centrées sur les nus féminins et les portraits. Il dresse lui-même le portrait passionnant d’un homme authentique qui ne vivait que pour son art, lequel constituait le moteur principal dans sa quête d'absolu, mais dont le talent ne fut reconnu qu’après sa mort. Jeanne fut en quelque sorte la « récompense », le « graal » de cette quête, qu’Anderle restitue ici avec poésie et émotion.
Ainsi, il apparaîtrait presque déplacé d’émettre des objections quant au dessin, car si celui-ci apparaît à première vue mal ficelé voire bâclé, il est parfaitement raccord avec le style de Modigliani. Proportions non respectées, mains à trois doigts, trait tremblotant au bord de l’esquisse, négligence des détails… Ernesto Anderle se contrefiche des codes du neuvième art. Réputé pour faire dialoguer la peinture et la bande dessinée (avec notamment « Caravage, l’ombre du peintre », publié également cette année chez l’éditeur Petit à petit), l’auteur multicasquette dessine d’abord comme un peintre (car en effet il est aussi sculpteur, vidéaste, et expose dans des galeries d’art), et quoiqu’on en pense, on ne peut pas le nier, il est plutôt stylé ! Sa mise en page est vivante, sa façon de cadrer parlante, les visages sont expressifs et il sait insuffler une belle poésie dans ses cases. Cas de figure typique où le fond est trop imposant pour se faire éclipser par la forme.
Ce « Modigliani » raconte avant tout une très belle histoire, celle d’un amour fusionnel et tragique qui avait vu Jeanne et « Modi » devenir « une seule et même chose », un amour si fort que même les parents de la jeune femme ne purent s’opposer à ce qu’ils soient réunis dans la mort. On ne tiendra pas rigueur à l’auteur du décalage chronologique (délibéré ?) concernant la date où la dépouille de Jeanne rejoignit celle de son amant au cimetière du Père Lachaise. Ernesto Anderle a produit une biographie poignante via le regard de leur propre fille, prénommée Jeanne comme sa mère, qui donne envie d’approfondir sa connaissance de l’œuvre du peintre-sculpteur mais aussi de découvrir celle, moins connue, de « Noix de coco », le surnom de Jeanne Hébuterne, qu'elle tenait de son teint blanc laiteux contrastant avec ses cheveux châtain aux reflets roux.
Écraser les autres pour se retrouver sur la plus haute marche du podium ?
-
Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, racontée sous la forme d’un roman-photo. Sa parution date de 2023. Il a été réalisé par Nicole Augereau pour le scénario, la direction d’acteurs, le montage. Elle joue le rôle principal, celui d’Amélie. La page de crédit fait état de vingt-six acteurs, et de sept personnes ayant accepté de prendre l’appareil photo que l’autrice leur tendait. Elle remercie également tous les participants et organisateurs-rices de La croisière de l’art, qui ont accepté de poser sous son objectif. Enfin, une page est dédiée à lister les œuvres présentes dans ce livre, c’est-à-dire des œuvres d’art contemporain.
Amélie se tient au beau milieu d’une zone totalement dégagée d’une forêt, tous les arbres étant couchés à même le sol. Elle se lance dans un long monologue, commençant par enjoindre à regarder ce désastre ! Depuis qu’une météorite est venue s’écraser dans la forêt, les habitants sont tous témoins d’étranges phénomènes. Elle ne parle pas de l’internet coupé et de tous les accès bloqués, elle parle des gens ! Une voisine employée de hot line qui plaque tout pour apprendre l’opéra. Un ami conseiller bancaire qui démissionne brutalement pour faire des sculptures en fil de fer. Le rapport avec la météorite ? Elle ramasse un morceau d’écorce à même le sol et elle le brandit à bout de bras. Et ça c’est quoi peut-être ? Ce bout d’écorce déchiqueté est complètement infesté. Elle s’écrit : Oh non, ils me montent sur le bras ! Saleté d’aliens ! Ils vont transformer tout le monde ! Yeeeerk ! Elle va prouver au monde entier qu’en plus du réchauffement climatique, de l’arrivée des fascistes au pouvoir, des virus mortels et des guerres nucléaires, un nouveau péril menace ! Elle est une lanceuse d’alerte ! Ils ne l’auront pas !
Amélie se tient sur un pont en pierre, avec un village derrière elle. Elle explique : Ici, on est dans son petit village si typique, avec sa forêt, son lac et son château. Typique ? Plus pour longtemps. Elle emmène le lecteur dans un rassemblement d’individus qui se sont fait retourner la cervelle par les amis venus de l’espace. À juger par soi-même… Un homme est assis à une table en extérieur, sous un parasol avec une demi-douzaine de personnes assises sur des chaises, en train de l’écouter. Il se présente : avant, il était ingénieur électronicien dans l’armée. Tout était secret défense, il ne devait rien dévoiler de ses activités, même à sa femme. Il travaillait sur des appareils qui permettaient de repérer un type armé d’un couteau à huit kilomètres de distance. À cinquante-neuf ans, il a tout arrêté et il s’est mis au dessin. Il continue : On peut se mettre à dessiner à n’importe quel âge et n’importe où, sur des bouts de carnets, des boîtes, des pots de yaourt. Il faut être décomplexé, spontané. Ne pas se juger, accepter les imperfections. Le dessin, c’est une interprétation du réel, il faut dessiner ce qui vous inspire, n’importe quoi. Le dessin qu’on faîtes ne plaît pas, le voisin l’aimera peut-être.
L’éditeur FLBLB continue de publier régulièrement des romans-photos, dans des genres différents : ici, le lecteur découvre une histoire d’anticipation. Une femme, Amélie, est persuadée d’avoir détectée une invasion extraterrestre sournoise : des sortes de micro-organismes dont elle est la seule à avoir conscience de la présence. Les personnes dont le cerveau est infecté abandonnent leur travail pour se consacrer à la création artistique. C’est une catastrophe : une vague de démissions impacte tous les domaines de l’activité économique et administrative. Le personnage effectue ses remarques à haute voix sur ce qu’elle observe, comme si elle s’adressait en direct au lecteur. Ce dernier l’accompagne alors qu’elle rencontre des individus s’étant reconverti : un ingénieur électronicien en dessinateur, une femme et un homme ayant dessiné une faille dans un mur qui part d’en haut et qui descend jusqu’en bas, si on la fixe, on finit par ne voir plus qu’elle, la responsable du planning à l’agence d’intérim en personne écoutant les plantes et consignant leur histoire sur un carton, la dame qui fait visiter les maisons à l’agence immobilière en créatrice de toile faite avec le suc des plantes, l’employée au garage Renault en artiste dans une démarche artistico-médico-globale, etc. L’intrigue prend la forme d’une enquête au cours de laquelle Amélie rencontre des habitants qu’elle a l’habitude de côtoyer, avec des séquences oniriques, la visite d’une exposition d’art contemporain, et une sortie en kayak.
Ce roman-photo met en œuvre les formes narratives d’une bande dessinée : chaque photographie correspond à une case, celles-ci sont disposées en bande. Majoritairement, les pages comprennent deux bandes, avec régulièrement une disposition de deux bandes de deux cases chacune. L’autrice utilise une fois une photographie en double page ; elle a recours à une photographie en pleine page à onze occasions. Elle a conservé la forme carrée ou rectangulaire de chaque photographie, avec des bordures ondulées lors des séquences de rêve. Elle ne semble pas avoir usage d’effet spéciaux pour modifier les photographies, sauf pour l’éclairage bleuté d’une séquence. Le lecteur suit Amélie dans différents lieux du village : tout d’abord dans la forêt en extérieur, puis sur cette terrasse publique ombragée, dans un grand parc, dans une chambre à l’étage, devant une maison sur pieux, à l’intérieur d’un bâtiment public abritant une exposition d’art contemporain, dans une zone ombragée au bord d’un lac, et enfin sur le lac lui-même en kayak. Le lecteur apprécie la belle lumière de l’été, la douce chaleur qu’il ressent en regardant les tenues estivales des personnages. Il se rend compte qu’il rencontre beaucoup de monde, vingt-six personnes recensées dans les crédits, tout cela donnant une sensation de grande liberté, à l’opposé d’une impression de production étriquée faute d’un budget riquiqui.
Dans cette narration naturaliste, le lecteur voit Amélie brandir un morceau d’écorce en page cinq et s’alarmer du fait qu’ils lui montent sur le bras. En prenant le temps d’examiner la photographie, il constate qu’il ne distingue rien qui pourrait le renseigner sur ces Ils. En page huit, l’ingénieur reconverti en dessinateur expose ses convictions : On peut se mettre à dessiner à n’importe quel âge et n’importe où, sur des bouts de carnets, des boîtes, des pots de yaourt. Il continue : Il faut être décomplexé, spontané, ne pas se juger, accepter les imperfections, le dessin, c’est une interprétation du réel, il faut dessiner ce qui vous inspire, n’importe quoi. Le lecteur ne détecte pas de manipulation mentale d’un organisme extraterrestre qui ferait dire n’importe quoi à cet être humain. Il se rend compte qu’il a mordu à l’hameçon : par pur automatisme, il a adopté le point de vue d’Amélie, la réalité d’une menace venue du cosmos, et il essaye d’identifier des schémas, de détecter ce qui cloche, ce qui confirme cette hypothèse. Il se retrouve hésitant car les images ne montrent rien que de très normal. Tout au plus, il peut exprimer des doutes sur les qualités artistiques des productions qui sont montrées à Amélie : le dessin d’une faille dans un mur, une dame qui écrit ce que lui raconte des plantes, des feuilles imbibées par le suc de plantes pressées et tapotées avec un marteau, un brownie décoré avec des fleurs de géranium, ou encore une sculpture inspirée de coraux marins.
Dans le même temps, il fait la visite de l’exposition intitulée Nous sommes des extraterrestres, hésitant également entre le canular inventé de toute pièce, et la possibilité de son authenticité. La liste d’œuvres d’art moderne en fin d’ouvrage explicite le titre et l’artiste de chacune, ainsi que la page où elle se trouve dans le roman-photo. Il apprend qu’il s’agit de la collection du musée d’art contemporain de la Haute-Vienne, dans le château de Rochechouart. Finalement, l’intrigue n’est peut-être pas aussi fantaisiste que ça, ou bien sa fantaisie s’exprime dans d’autres facettes. Alors que l’enquête progresse, le lecteur se sent balloté entre loufoque (la dame qui repère des plantes avec un cornet de papier, qui s’en approche, la saisit délicatement, entend sa petite voix si douce qui lui raconte une histoire, qu’elle consigne sur un carton qu’elle plante juste à côté), et entre remarques anodines en passant. Il y a le discours de l’ex-ingénieur sur le dessin : une forme de profession de foi sur la puissance de cette expression. Il y a cette femme qui écoute les plantes, en ayant quitté un emploi sans âme. Il écoute la sculptrice évoquer son précédent métier : Avant, elle était semi-marathonienne professionnelle, elle visait le titre de championne de France. Elle a fini par se poser des questions : Mais courir, courir, tout ça pour quoi ? Être la meilleure ? Écraser les autres pour se retrouver sur la plus haute marche du podium ? Il relève également le terme de Démissionnaire, terme apparu après les confinements conséquences de la pandémie de COVID-19, appliqué aux personnes quittant des emplois professionnels alimentaires. En pages cinquante-quatre à cinquante-neuf, Amélie discute avec l’œuvre d’art Hades (2014) de Martin Kersels, évoquant la fonction des hémisphères gauche et droit du cerveau, orientant l’interprétation de la menace venue du cosmos vers une dichotomie analytique et motrice. La fin suggère que la fonction analytique du cerveau mène vers la folie, alors que les individus étant dans l’expression de leurs émotions, de leur ressenti sont plus équilibrés.
De publication en publication, les éditions FLBLB prouvent que le roman-photo peut rivaliser avec d’autres moyens d’expression dans différents genres littéraires, et peut aborder des thèmes très complexes avec nuance et subtilité. Nicole Augereau raconte une histoire d’anticipation, avec un personnage principal qui enquête sur cette menace venue du cosmos. Le mode narratif se calque sur celui de la bande dessinée, tout en mettant à profit les possibilités d’un reportage photographique dans un village et ses environs pour aboutir à une grande variété de lieux et de situations, ayant ainsi dépassé les limites inhérentes à la question de budget. Le lecteur plonge dans une intrigue à la dynamique classique, étant sûr de son interprétation, et faisant progressivement l’expérience de la réflexion sous-jacente, adulte et sophistiquée, sur l’importance relative à donner au train-train professionnel, en partie grâce à un jeu avec des créations d’art contemporain. Élégant et ambitieux.
Franchement je trouve given est quand même une pépite du genre (sachant que le bl sont généralement assez cliché ou avec des scènes de … omniprésente). A première vu le manga paraît assez « cute », mais au fur à mesure découvre un côté assez réaliste abordé sans filtre (je parle par exemple du cas de passer de Mafuyu ou de du mec aux percings dont j’ai oublié le nom). En plus chaque couples nous amène dans une dimension bien à elle, naïve ou parfois très compliqué ou le Hiiragi mix. Les personnages ne sont pas vides et ne sont pas clichés comme cela peut paraître superficiellement . Franchement je conseille de continuer toute la lecture (au moins jusqu’au tome 3) avant de se faire un avis.
"Plus jamais la vie ne séparera ce que la mort peut unir."
Percy Bysshe Shelley.
L'Adaptation du roman du même nom de Richard Malka (avocat, romancier et scénariste de BD) par Yannick Corboz.
Cette BD est une longue lettre, celle qu'Adrian van Gott écrit pour Anna, l'amour de sa vie. Une lettre d'adieu où il lui raconte sa vie et leur première rencontre, il y a plus de deux cents ans, elle s'appelait alors Clélia.
Un récit qui commence à Venise vers la fin du XVIIIe siècle pour se terminer au début des années 2000 à New-York.
Adrian était un enfant chétif et souvent malade, mais il va découvrir qu'il possède une particularité, il est une sorte de vampire, il lui suffit d'embrasser une personne pour la déposséder de son amour et en connaître les souvenirs. Cela a pour conséquence d'insuffler une force physique hors du commun au corps d'Adrian, mais aussi d'en vider la substance à la personne embrassée jusqu'à la tuer suivant la durée du baiser. Un don qui se transforme en malédiction avec la mort de Clélia. Il va apprivoiser ce pouvoir et en tirer de nombreux avantages.
Un récit qui m'a aspiré dès les premières pages par la qualité des textes, par l'ambiance gothique qui s'en dégage, par la complexité du personnage d'Adrian. Une existence de tourments dans sa quête d'amour et de connaissance, il est un prédateur qui doit se nourrir des autres pour sa propre survie.
Il va connaître plusieurs vies sur différents continents, vivre des histoires d'amour plus ou moins longues, connaître la débauche, la lassitude, la culpabilité et traverser plusieurs guerres, mais vivre longtemps c'est accumuler les tragédies.
Une narration dominée par la voix off d'Adrian, elle donne ce ton si mélancolique et poétique qui m'a beaucoup touché. Lisez la galerie pour vous faire votre opinion.
Une lecture qui m'a rappelé en mémoire "Entretien avec un vampire".
Graphiquement, c'est somptueux. Les couleurs ocres et pastel rehaussent le magnifique crayonné tout en volupté de Corboz. Les émotions sont perceptibles sur chaque case.
La superbe couverture est énigmatique et elle se prolonge sur le verso de l'album.
Gros coup de cœur.
"L'amour peut se décider, jamais le désir."
Je vais utiliser cet avis pour déclarer mon amour pour les créations d’Emile Bravo.
Tout d'abord parce que je trouve son dessin magnifique, simple, propre et expressif, mais aussi parce que je trouve qu’il sait parfaitement manier les récits jeunesse, les rendre agréables et intéressants à tout âge, sans avoir recours aux doubles sens de lecture.
Bref, je trouve ses récits frais et inventifs.
Ici c’est même très inventif car monsieur Bravo nous propose de la réécriture de conte. Pas forcément une relecture afin d’étayer un propos. Non, non : du gros délire, tout simplement.
Les aventures des sept ours nains, c’est un gros gloubi-boulga de contes de fées, un mic-mac de références et de jeux de mots, bref, comme dit précédemment, un gros délire.
C’était jouissif à lire quand j’étais enfant, cela le reste tout autant aujourd’hui.
A faire découvrir aux enfants comme aux adultes.
Les attentes : le démon caché dans toute âme enthousiaste.
-
Ce tome contient une approche biographique de la vie de la sculptrice Camille Claudel (1864-1943), également sœur du dramaturge Paul Claudel (1868-1955), et collaboratrice du sculpteur Auguste Rodin (1840-1917). Son édition originale date de 2022 en Italie, et de 2023 en France. Il a été réalisé par Monica Foggia pour le scénario et Martina Marzadori pour les dessins et la mise en couleurs, traduit de l’italien par Jérôme Nicolas. Il comporte cent-dix pages de bandes dessinées. Il se termine avec une postface de cinq pages, rédigée par la scénariste, revenant sur la relation entre la sculptrice et Rodin, sur son internement et la notion d’hystérie à l’époque, sur le fait qu’elle était considérée inadaptée pour exercer un métier réservé aux hommes, et sur l’inspiration de l’écoute de La mer de Claude Debussy pour son écriture. Viennent ensuite une page de remerciements, et une dernière page avec la bibliographie recensant sept ouvrages, le film de Bruno Nuytten dans lequel Sophie Marceau incarne la sculptrice, et deux sites internet.
Une petite fille de bonne famille. La souffrance de la beauté qui déchire la roche, la met en pièces pour dominer sa forme. En 1876, dans la campagne de Montfavet, devant un rocher appelé géant de Montpreux, Camille Claudel est en train de façonné une petite statue de terre, son petit frère posant devant elle et commençant à fatiguer. Il finit par s’allonger dans l’herbe. Louise-Athanaïse, leur mère, les appelle, exigeant qu’ils viennent ici tout de suite. Elle admoneste sa fille qui devrait avoir honte : les demoiselles de bonne famille ne se salissent pas, et la robe de Camille est maculée de terre. Cette dernière répond que pour créer, il faut se salir, Dieu l’a fait. Montfavet en 1921 : Camille regarde par la fenêtre, elle observe un oiseau donner la becquée à ses oisillons. Une dame l’appelle : un paquet est arrivé pour elle. Il contient de la terre à modeler.
À Villeneuve-sur-Fère en 1878, dans la maison familiale des Claudel, la jeune Camille indique à sa mère qu’elle a une grande envie de faire son portrait, elle ajoute que papa serait content. Après un mouvement de refus, sa mère accepte à condition que sa fille essaye de la mettre en valeur. La fille emmène la mère dans le jardin et cette dernière s’assied dans un fauteuil, sous l’ombre d’un feuillage. Camille se met au dessin en pensant que pour mettre sa mère en valeur, elle a dû déchirer le voile que sa mère avait elle-même tissé. Des grands yeux de sa mère, Camille a saisi la douleur secrète. De son corps, l’esprit de la résignation. De ses mains l’abnégation complète. Camille a toujours pensé que sa mère la détestait parce que sa fille n’avait pas voulu se soumettre comme sa mère l’avait fait. Mais avec le temps, elle a compris qu’au fond sa mère l’enviait parce que Camille n’était pas comme elle. Au temps présent de 1921, Camille se demande où est ce portrait à présent. Il doit être perdu, comme sa mère. Elle se rappelle comme sa mère détestait ses outils d’artiste, elle les aurait volontiers jetés au feu, et sa fille avec.
Les autrices ont choisi d’adopter le point de vue de Camille Claudel (1864-1943) du début jusqu’à la fin, présente dans chaque page. Il s’agit donc d’une histoire de femme, avec son point de vue, l’accès de temps à autre à ses pensées. Dans sa postface, la scénariste explicite son choix de ne pas insister dans ce roman graphique sur la maladie mentale qui affligea Camille : il est dicté par la nécessité de rendre justice à la femme, à la sculptrice, à la personne et à sa grandeur artistique. Elle évoque également le comportement de sa mère à son égard : froide et bigote, ne cessant de la rabaisser, et de tenter de brider sa vocation artistique. Elle indique que son père, à l’inverse, était parfaitement conscient du talent de sa fille aînée : il la soutint jusqu’à la fin de ses jours. Le sculpteur Alfred Boucher (1850-1934) a évalué et reconnu son talent. Son frère Paul Claudel (1868-1955) l’a également soutenue. Auguste Rodin l’a encouragée : elle est devenue sa plus proche collaboratrice, sa modèle et sa maîtresse. Elle dû vivre avec son infidélité, la possible appropriation de ses œuvres par Rodin, un avortement, la réaction d’une société patriarcale contre le mouvement d’émancipation des femmes, en particulier le recours abusif au diagnostic d’hystérie. Pour autant, ces faits sont évoqués comme les autres événements de sa vie, sans que la bande dessinée ne prenne les formes d’un pamphlet féministe ou anti-patriarcat, les autrices se focalisant sur les moments essentiels dans la vie artistique de cette créatrice.
Le lecteur découvre Camille Claudel avant l’adolescence en train de modeler la terre pour sculpter son petit frère. Les cases sont dépourvues de bordure tracée, alignées en bande, quelques-unes biseautées en trapèze. L’absence de bordure introduit une forme de douceur, confortée par la mise en couleurs, comme réalisée au crayon, et estompée. De prime abord, la narration visuelle dégage une impression d’art naïf avec des visages simplifiés, des expressions parfois un peu enfantines, un regard qui s’attache plus à certains éléments de l’environnement qu’à d’autres. Dans le même temps, la composition des pages et la variété des découpages correspondent à une narration adulte, avec une quinzaine d’illustrations en pleine page, trois en double page, des pages où un personnage est représenté à plusieurs reprises dans des positions diverses dans une seule image, des cases avec uniquement un personnage et des accessoires sans arrière-plan, quelques magnifiques paysages ou intérieurs. Par exemple, le très bel effet de la lumière du soleil dans le feuillage à la fenêtre de la chambre de Camille à Montfavet, les motifs abstraits des tapis, une double page consacrée à une vue d’une rue de Paris avec son animation nocturne, les étudiants en train de s’affairer sur leur sculpture dans l’atelier de l’Académie Colarossi, la grande salle d’un théâtre parisien, les falaises de l’ile Wight, un quai en bord de Seine à Paris, une vue en extérieur du bâtiment de l’asile de Montfavet, etc.
À plusieurs reprises, la narration visuelle saisit un moment fugace ou complexe, avec une grande sensibilité. Le lecteur ressent pleinement ce qui se joue entre la mère et la fille quand cette dernière demande à la dessiner, par les expressions de visages, les mouvements. Dans la scène suivante quand la mère fait obstacle à la volonté du père d’emmener leur fille à Paris pour qu’elle puisse étudier dans un atelier, le lecteur éprouve l’impression que le jeu des acteurs est forcé : il se dit que l’artiste représente les réactions du père et de la mère comme vues par les yeux d’enfants de Camille, ce qui explique ces émotions plus brutes. Il en a la confirmation en voyant l’entrain avec lequel la demoiselle prépare sa valise, tellement heureuse que son père ait emporté la décision. Lorsqu’elle rencontre Rodin pour la première fois, le lecteur voit qu’elle est devenue une jeune femme, consciente du désir. Plus tard, il peut comparer le comportement de Camille avec Claude Debussy (1862-1918), à son comportement avec Rodin : les deux jeunes gens apparaissent plus insouciants, plus gais, sans le poids de l’âge de Rodin, de vingt-quatre ans l’aîné de Camille. En page cent-onze, la sculptrice se retrouve devant un peloton d’exécution, une métaphore de la condamnation que la société fait peser sur elle, du fait de sa vie émancipée, que ce soit pour l’exercice d’un métier d’homme, ou pour la liberté de sa vie amoureuse.
Du fait du mode narratif, le lecteur éprouve une empathie pleine et entière pour Camille Claudel, voyant sa vie par ses yeux, au travers de ses émotions. Il ressent le besoin de créer, la vocation sans doute possible pour sculpter. Il ressent son élan de bonheur quand elle apprend que son père a pu faire en sorte qu’elle étudie dans un atelier. Il ressent son assurance quand elle répond à Filippo Colarossi (1841-1906) qui estime qu’elle a un style viril, sans rien de mièvre, ni de décoratif, car l’œuvre qu’il contemple à un style incisif. Elle le reprend devant tous les autres étudiants et étudiantes, en lui enjoignant de ne pas confondre ce qui est masculin avec ce qui est expressif et profond, une femme aussi est capable d’exprimer cela. Il s’enthousiasme avec elle quand elle accueille Jessie Lipscomb (1861-1952). Il apprécie une deuxième fois sa confiance quand elle répond à Auguste Rodin que le style de ce dernier n’est pas celui à elle. Les autrices savent faire vivre Camille Claudel, par ses envies, ses convictions, ses émotions, son travail. Elles évoquent la nature de son talent, sans aller jusqu’à se livrer à une analyse de son apport à la sculpture. Elles dressent le portrait d’un être humain grandissant en faisant avec les caractéristiques de la société de l’époque, ballotée entre sa vocation, ses amours, la manière dont elle est traitée par son amant.
En entamant la biographie d’une artiste, le lecteur ne sait pas toujours qu’elle en sera la nature, plutôt biographique axée sur les moments de vie personnelle, ou avec un accent plus important sur la carrière avec une analyse de l’œuvre. Ici, les autrices ont choisi la première approche, montrant avant tout un être humain faisant tout son possible pour exercer sa vocation, pour faire aboutir sa vision artistique, tout en composant avec les contraintes imposées par la société. La narration visuelle s’avère formidable par sa douceur, et par sa sensibilité, très adulte même si l’apparence des dessins peut évoquer certains aspects de l’art naïf.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
Indépendante depuis sa création en 1998, Cultura se donne pour mission de faire vivre et aimer la culture.
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
1629 ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta
tome 1 La première chose que l'on remarque avec cette bd, c'est sa qualité éditoriale, une couverture remarquable, et un album de 135 pages qui pèse plus d'un kilo ! Certes, le prix est assez élevé, et un choix éditorial autre à un moindre coût aurait pu l'emporter mais c'est vrai que cette option, assez luxueuse, est discutable mais passons... Ce qui frappe en ouvrant cet album, c'est le dessin de Thimothée Montaigne. J'avais découvert cet auteur avec la série Le Troisième Testament - Julius qu'il avait repris au pied levé avec un certain brio, il faut l'avouer. Certes son dessin lorgne sans ambiguïté aucune, vers celui de Mathieu Lauffray, avec lequel il avait collaboré sur Long John Silver. Il n’y a rien à dire sur le dessin, c'est superbe, on en prend plein la vue avec quelques pleines pages ou doubles pages incroyables (je pense notamment à la découverte du Jakata, pages 22 et 23.) En débutant la lecture, j'ai immédiatement songé au personnage de Lady Hasting de Long John Silver avec Lucretia Hans, qui veut rejoindre son époux, au delà des mers. Je reste subjugué par la beauté des planches, malgré la noirceur de l'intrigue, au fil des pages. Le scénario de Xavier Dorison n'est pas en reste, l'intrigue est très sombre, les personnages très tourmentés, et ce premier volume retrace avec une efficacité remarquable, l'atmosphère qui règne sur un navire où une mutinerie couve.... Parti d'un choix éditorial très discutable sur le coût, cet album rejoint, à mes yeux, un des meilleurs albums que j'ai lus cette année, bref un incontournable de cette année. tome 2 La lecture du premier volume fut , pour moi, jubilatoire. Je ne connaissais pas du tout ce fait maritime, et je me suis fait souffrance pour ne pas aller en découvrir davantage , pour mieux appréhender ce second volume. Je dois dire que cet album est époustouflant à tout point de vue. Un dessin de Thimothée Montaigne magnifique voire exceptionnel, les pleines pages sont d'une beauté à couper le souffle. Mais c'est surtout le rythme du récit qui tient en haleine le lecteur, d'ailleurs je n'ai pas réussi à lâcher ce livre avant d'en connaitre le dénouement. On a du mal à imaginer tant d'atrocités dans ce récit, bien qu'il soit très fortement inspiré de faits réels. Le travail de Xavier Dorison est, une de fois de plus, remarquable dans cette adaptation. J'ai bien évidement relu le premier volume de ce diptyque avant de me lancer dans cet album, et à mon avis, ce second tome dépasse encore le précédent, c'est dire! Une de mes meilleures lectures de cette année. Et je passe sous silence la qualité éditoriale de l'album,et son prix, certes élevé, mais lorsque le scénario et le dessin sont d'une telle qualité, on ne peut passer à côté d'un tel chef d’œuvre.
Professeur Stratus
Si l'on pouvait résumer le professeur Stratus et ses aventures par un seul mot, ce serait nostalgie. Le professeur Stratus est né en 1989 dans le journal de Tintin (version flamande), et a fait ses débuts dans Hello BD un an plus tard en France. Nous sommes face à un trio de héros: le professeur Stratus, un de ses amis, et son majordome. Ces trois personnages vont parcourir le monde d'abord par dirigeable, puis par sous-marin, tous inspirés d'un univers très "Vernien". Ce sont des récits d'aventure à l'ancienne, tout "hurle" les années 80, mais dans le bon sens du terme: graphisme, mais aussi scénario. Les héros sont très manichéens, à savoir sans vrai défauts, du côté du bien. Stratus se révèle être davantage un humaniste et enquêteur qu'un brillant savant (ses rares inventions servent davantage à transporter les personnages qu'autre chose), son ami fait office de Dr Watson, tandis que le majordome évoque irrésistiblement passe-partout par son à-propos, tout en plaçant son devoir au-dessus de tout. C'est un peu basique, et pourtant cela marche. On prend beaucoup de plaisir à lire ces aventures. Une histoire se déroule en France, traitant des préjugés d'autrui, mais au lieu de briser la continuité Vernienne, elle apporte une parenthèse bienvenue. Je lui met 4 étoiles, même si objectivement elle ne mérite que trois: cette série conviendra effectivement davantage à des plus jeunes...Ou des jeunes nés dans les années 70 et 80 qui sont devenus vieux. Les autres auront du mal. Mais faisant partie de la seconde catégorie, je ne boude pas mon plaisir
Le Royaume sans nom
Nous sommes dans un royaume anthropomorphique où le roi vieillissant (un lion, pas très original) du royaume sans nom en question se prépare à accueillir l'ambassadeur d'une alliance regroupant 2 royaumes et un empire afin d'établir de nouveaux liens commerciaux et diplomatiques. L'analogie avec les 5 terres est évidente, et certains personnages ressemblent énormément à ceux du long-métrage Disney Zootopia. Mais la comparaison s'arrête là: Zootopia est une fable sur la tolérance, les 5 terres une œuvre titanesque s'attachant à décrire en profondeur chacun des 5 royaumes en question à travers 6 tomes/royaume qui s'étirent en longueur avec un nombre incalculable de personnages, pas tous liés les uns aux autres. Ici, en tout cas pour les deux premiers tomes, on se concentre sur le Royaume sans nom, il y a de nombreux personnages, mais tous bien construits, posés bien plus rapidement, et dont les destins sont encroisés de manière étroite. L'histoire joue la part belle aux intrigues politiques et guerrières, c'est très bien construit, et surtout beaucoup plus direct. Après un tome introductif permettant de poser le cadre, le second opus va dans le vif du sujet à 100 à l'heures, petit à petit on découvre les éléments d'un grand jeu d'échec, sans aucun temps mort. Et paradoxalement, cela réussit extrêmement bien à l'intrigue, très prenante, jouant sur les faux-semblants de manière efficace. Autant j'ai très vite fatigué avec les 5 terres qui s'étire jusqu'à plus soif, autant ce Royaume sans nom réussit à parfaitement conserver son équilibre et à maintenir mon intérêt éveillé. On pourrait reprocher à la série de nous montrer assez peu de choses des peuples de l'alliance, tout en ayant une ou deux faiblesse: on ne sait pas, par exemple, par quel moyen les carnivores se nourrissent en viande rouge, alors que le royaume se pose en opposition à un rival politique qui mange ses sujets sans vergogne (mais il faut aussi dire que les 5 terres lui fait carrément totalement l'impasse sur ce sujet!!! Au moins c'est évoqué), je considère malgré tout que le plus est l'ennemi du bien. Pour le moment une très franche réussite pour moi.
Grand petit homme
Zanzim, qui a souvent collaboré avec le regretté et talentueux Hubert, revient tout seul aux manettes avec un ouvrage très réussi ! Difficile de classer cet album tant les genres abordés sont variés : conte moral, récit d'aventure, d'apprentissage, chronique sociale, tantôt comique, tantôt mélancolique, " Grand petit Homme ", c'est tout cela à la fois ! Employé modèle et consciencieux, Stanislas Rétif est un vendeur de chaussures qui a un coup d'oeil à nul autre pareil pour aider les jeunes femmes à trouver la paire de chaussures idéale. Hélas, sa petite taille et sa discrétion le desservent et ses collègues, jolies créatures à la silhouette élancée, l'ignorent superbement ou à l'occasion le manipulent. Sa patronne ne lui accorde que peu d'intérêt et le pauvre petit homme n'a d'autre choix que de mener une vie terne en compagnie de son chat. Jusqu'au jour où un événement va venir bouleverser la routine du petit vendeur... Zanzim nous offre pour cette fin d'année une histoire malicieuse, un récit vif et et réconfortant. En refermant l'ouvrage, j'ai pensé à des films de Noël à la Franck Capra, le côté comédie sociale attendrissante sans doute. L'auteur évoque lui l'influence de Truffaut notamment et s'inspire des traits de Charles Denner, l'acteur de " L'homme qui aimait les femmes " pour donner vie à son personnage. L'écriture soignée, les dialogues brefs mais percutants, les jeux de mots employés avec parcimonie au début du récit participent au style alerte qui plonge rapidement le lecteur dans l'univers de Stanislas. Le dessin dynamique et coloré est un régal, Les silhouettes féminines des années 60 sont ravissantes et certaines planches pleine page viennent ponctuer l'histoire et souligner l'habileté d'une narration enlevée et enjouée. Les aventures que va vivre Stanislas évoquent des scènes cultes du septième art et s'imbriquent parfaitement. Elles jalonnent le parcours de ce grand petit homme qui, sous les yeux du lecteur amusé, va mûrir, évoluer et comprendre ce qui fait la véritable grandeur de l'homme. La fin pourra peut-être paraître un peu abrupte, mais pour ma part, la conclusion logique de ce tome est également une réussite. Un coup de coeur pour l'esthétique, le plaisir de lecture à chaque page, les genres multiples. Bref, chaudement recommandé !
Modigliani (Anderle)
« Pour moi, l’art est comme une recherche continuelle, mais ce que je cherche n’est ni le réel, ni l’irréel, c’est l’inconscient… C’est comme si avec un œil je cherchais dans le monde extérieur, et qu’avec l’autre je regardais à l’intérieur des gens. » Cette citation de Modigliani résume parfaitement l’approche artistique du personnage, dont Ernesto Anderle a mis en image la biographie dans cet album homonyme à travers les yeux de la fille de « Modi » et du peintre Maurice Utrillo. L’artiste, qui avait quitté son Italie natale pour Paris, désirait vivre pleinement son art, et la ville des lumières était le seul endroit où il pensait pouvoir le faire. Mais Paris, ville des plaisirs et des excès, , où la fine fleur de la peinture moderne venait s’encanailler au début du XXe siècle, a également été le témoin de sa déchéance dans la misère et l’alcoolisme, déchéance accentuée par sa santé fragile et la guerre qui avait précipité l’Europe dans les ténèbres. Dans ce contexte difficile, le peintre connut heureusement l’amour, notamment avec Jeanne Hébuterne qui fut sa muse jusqu’à ses derniers jours. Leur amour était si fusionnel que la jeune femme se suicida deux jours après la mort de son compagnon. Ernesto Anderle nous livre ici un bel hommage à un artiste dont on connaît surtout les œuvres centrées sur les nus féminins et les portraits. Il dresse lui-même le portrait passionnant d’un homme authentique qui ne vivait que pour son art, lequel constituait le moteur principal dans sa quête d'absolu, mais dont le talent ne fut reconnu qu’après sa mort. Jeanne fut en quelque sorte la « récompense », le « graal » de cette quête, qu’Anderle restitue ici avec poésie et émotion. Ainsi, il apparaîtrait presque déplacé d’émettre des objections quant au dessin, car si celui-ci apparaît à première vue mal ficelé voire bâclé, il est parfaitement raccord avec le style de Modigliani. Proportions non respectées, mains à trois doigts, trait tremblotant au bord de l’esquisse, négligence des détails… Ernesto Anderle se contrefiche des codes du neuvième art. Réputé pour faire dialoguer la peinture et la bande dessinée (avec notamment « Caravage, l’ombre du peintre », publié également cette année chez l’éditeur Petit à petit), l’auteur multicasquette dessine d’abord comme un peintre (car en effet il est aussi sculpteur, vidéaste, et expose dans des galeries d’art), et quoiqu’on en pense, on ne peut pas le nier, il est plutôt stylé ! Sa mise en page est vivante, sa façon de cadrer parlante, les visages sont expressifs et il sait insuffler une belle poésie dans ses cases. Cas de figure typique où le fond est trop imposant pour se faire éclipser par la forme. Ce « Modigliani » raconte avant tout une très belle histoire, celle d’un amour fusionnel et tragique qui avait vu Jeanne et « Modi » devenir « une seule et même chose », un amour si fort que même les parents de la jeune femme ne purent s’opposer à ce qu’ils soient réunis dans la mort. On ne tiendra pas rigueur à l’auteur du décalage chronologique (délibéré ?) concernant la date où la dépouille de Jeanne rejoignit celle de son amant au cimetière du Père Lachaise. Ernesto Anderle a produit une biographie poignante via le regard de leur propre fille, prénommée Jeanne comme sa mère, qui donne envie d’approfondir sa connaissance de l’œuvre du peintre-sculpteur mais aussi de découvrir celle, moins connue, de « Noix de coco », le surnom de Jeanne Hébuterne, qu'elle tenait de son teint blanc laiteux contrastant avec ses cheveux châtain aux reflets roux.
La Menace venue du cosmos - La Croisière de l'art
Écraser les autres pour se retrouver sur la plus haute marche du podium ? - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, racontée sous la forme d’un roman-photo. Sa parution date de 2023. Il a été réalisé par Nicole Augereau pour le scénario, la direction d’acteurs, le montage. Elle joue le rôle principal, celui d’Amélie. La page de crédit fait état de vingt-six acteurs, et de sept personnes ayant accepté de prendre l’appareil photo que l’autrice leur tendait. Elle remercie également tous les participants et organisateurs-rices de La croisière de l’art, qui ont accepté de poser sous son objectif. Enfin, une page est dédiée à lister les œuvres présentes dans ce livre, c’est-à-dire des œuvres d’art contemporain. Amélie se tient au beau milieu d’une zone totalement dégagée d’une forêt, tous les arbres étant couchés à même le sol. Elle se lance dans un long monologue, commençant par enjoindre à regarder ce désastre ! Depuis qu’une météorite est venue s’écraser dans la forêt, les habitants sont tous témoins d’étranges phénomènes. Elle ne parle pas de l’internet coupé et de tous les accès bloqués, elle parle des gens ! Une voisine employée de hot line qui plaque tout pour apprendre l’opéra. Un ami conseiller bancaire qui démissionne brutalement pour faire des sculptures en fil de fer. Le rapport avec la météorite ? Elle ramasse un morceau d’écorce à même le sol et elle le brandit à bout de bras. Et ça c’est quoi peut-être ? Ce bout d’écorce déchiqueté est complètement infesté. Elle s’écrit : Oh non, ils me montent sur le bras ! Saleté d’aliens ! Ils vont transformer tout le monde ! Yeeeerk ! Elle va prouver au monde entier qu’en plus du réchauffement climatique, de l’arrivée des fascistes au pouvoir, des virus mortels et des guerres nucléaires, un nouveau péril menace ! Elle est une lanceuse d’alerte ! Ils ne l’auront pas ! Amélie se tient sur un pont en pierre, avec un village derrière elle. Elle explique : Ici, on est dans son petit village si typique, avec sa forêt, son lac et son château. Typique ? Plus pour longtemps. Elle emmène le lecteur dans un rassemblement d’individus qui se sont fait retourner la cervelle par les amis venus de l’espace. À juger par soi-même… Un homme est assis à une table en extérieur, sous un parasol avec une demi-douzaine de personnes assises sur des chaises, en train de l’écouter. Il se présente : avant, il était ingénieur électronicien dans l’armée. Tout était secret défense, il ne devait rien dévoiler de ses activités, même à sa femme. Il travaillait sur des appareils qui permettaient de repérer un type armé d’un couteau à huit kilomètres de distance. À cinquante-neuf ans, il a tout arrêté et il s’est mis au dessin. Il continue : On peut se mettre à dessiner à n’importe quel âge et n’importe où, sur des bouts de carnets, des boîtes, des pots de yaourt. Il faut être décomplexé, spontané. Ne pas se juger, accepter les imperfections. Le dessin, c’est une interprétation du réel, il faut dessiner ce qui vous inspire, n’importe quoi. Le dessin qu’on faîtes ne plaît pas, le voisin l’aimera peut-être. L’éditeur FLBLB continue de publier régulièrement des romans-photos, dans des genres différents : ici, le lecteur découvre une histoire d’anticipation. Une femme, Amélie, est persuadée d’avoir détectée une invasion extraterrestre sournoise : des sortes de micro-organismes dont elle est la seule à avoir conscience de la présence. Les personnes dont le cerveau est infecté abandonnent leur travail pour se consacrer à la création artistique. C’est une catastrophe : une vague de démissions impacte tous les domaines de l’activité économique et administrative. Le personnage effectue ses remarques à haute voix sur ce qu’elle observe, comme si elle s’adressait en direct au lecteur. Ce dernier l’accompagne alors qu’elle rencontre des individus s’étant reconverti : un ingénieur électronicien en dessinateur, une femme et un homme ayant dessiné une faille dans un mur qui part d’en haut et qui descend jusqu’en bas, si on la fixe, on finit par ne voir plus qu’elle, la responsable du planning à l’agence d’intérim en personne écoutant les plantes et consignant leur histoire sur un carton, la dame qui fait visiter les maisons à l’agence immobilière en créatrice de toile faite avec le suc des plantes, l’employée au garage Renault en artiste dans une démarche artistico-médico-globale, etc. L’intrigue prend la forme d’une enquête au cours de laquelle Amélie rencontre des habitants qu’elle a l’habitude de côtoyer, avec des séquences oniriques, la visite d’une exposition d’art contemporain, et une sortie en kayak. Ce roman-photo met en œuvre les formes narratives d’une bande dessinée : chaque photographie correspond à une case, celles-ci sont disposées en bande. Majoritairement, les pages comprennent deux bandes, avec régulièrement une disposition de deux bandes de deux cases chacune. L’autrice utilise une fois une photographie en double page ; elle a recours à une photographie en pleine page à onze occasions. Elle a conservé la forme carrée ou rectangulaire de chaque photographie, avec des bordures ondulées lors des séquences de rêve. Elle ne semble pas avoir usage d’effet spéciaux pour modifier les photographies, sauf pour l’éclairage bleuté d’une séquence. Le lecteur suit Amélie dans différents lieux du village : tout d’abord dans la forêt en extérieur, puis sur cette terrasse publique ombragée, dans un grand parc, dans une chambre à l’étage, devant une maison sur pieux, à l’intérieur d’un bâtiment public abritant une exposition d’art contemporain, dans une zone ombragée au bord d’un lac, et enfin sur le lac lui-même en kayak. Le lecteur apprécie la belle lumière de l’été, la douce chaleur qu’il ressent en regardant les tenues estivales des personnages. Il se rend compte qu’il rencontre beaucoup de monde, vingt-six personnes recensées dans les crédits, tout cela donnant une sensation de grande liberté, à l’opposé d’une impression de production étriquée faute d’un budget riquiqui. Dans cette narration naturaliste, le lecteur voit Amélie brandir un morceau d’écorce en page cinq et s’alarmer du fait qu’ils lui montent sur le bras. En prenant le temps d’examiner la photographie, il constate qu’il ne distingue rien qui pourrait le renseigner sur ces Ils. En page huit, l’ingénieur reconverti en dessinateur expose ses convictions : On peut se mettre à dessiner à n’importe quel âge et n’importe où, sur des bouts de carnets, des boîtes, des pots de yaourt. Il continue : Il faut être décomplexé, spontané, ne pas se juger, accepter les imperfections, le dessin, c’est une interprétation du réel, il faut dessiner ce qui vous inspire, n’importe quoi. Le lecteur ne détecte pas de manipulation mentale d’un organisme extraterrestre qui ferait dire n’importe quoi à cet être humain. Il se rend compte qu’il a mordu à l’hameçon : par pur automatisme, il a adopté le point de vue d’Amélie, la réalité d’une menace venue du cosmos, et il essaye d’identifier des schémas, de détecter ce qui cloche, ce qui confirme cette hypothèse. Il se retrouve hésitant car les images ne montrent rien que de très normal. Tout au plus, il peut exprimer des doutes sur les qualités artistiques des productions qui sont montrées à Amélie : le dessin d’une faille dans un mur, une dame qui écrit ce que lui raconte des plantes, des feuilles imbibées par le suc de plantes pressées et tapotées avec un marteau, un brownie décoré avec des fleurs de géranium, ou encore une sculpture inspirée de coraux marins. Dans le même temps, il fait la visite de l’exposition intitulée Nous sommes des extraterrestres, hésitant également entre le canular inventé de toute pièce, et la possibilité de son authenticité. La liste d’œuvres d’art moderne en fin d’ouvrage explicite le titre et l’artiste de chacune, ainsi que la page où elle se trouve dans le roman-photo. Il apprend qu’il s’agit de la collection du musée d’art contemporain de la Haute-Vienne, dans le château de Rochechouart. Finalement, l’intrigue n’est peut-être pas aussi fantaisiste que ça, ou bien sa fantaisie s’exprime dans d’autres facettes. Alors que l’enquête progresse, le lecteur se sent balloté entre loufoque (la dame qui repère des plantes avec un cornet de papier, qui s’en approche, la saisit délicatement, entend sa petite voix si douce qui lui raconte une histoire, qu’elle consigne sur un carton qu’elle plante juste à côté), et entre remarques anodines en passant. Il y a le discours de l’ex-ingénieur sur le dessin : une forme de profession de foi sur la puissance de cette expression. Il y a cette femme qui écoute les plantes, en ayant quitté un emploi sans âme. Il écoute la sculptrice évoquer son précédent métier : Avant, elle était semi-marathonienne professionnelle, elle visait le titre de championne de France. Elle a fini par se poser des questions : Mais courir, courir, tout ça pour quoi ? Être la meilleure ? Écraser les autres pour se retrouver sur la plus haute marche du podium ? Il relève également le terme de Démissionnaire, terme apparu après les confinements conséquences de la pandémie de COVID-19, appliqué aux personnes quittant des emplois professionnels alimentaires. En pages cinquante-quatre à cinquante-neuf, Amélie discute avec l’œuvre d’art Hades (2014) de Martin Kersels, évoquant la fonction des hémisphères gauche et droit du cerveau, orientant l’interprétation de la menace venue du cosmos vers une dichotomie analytique et motrice. La fin suggère que la fonction analytique du cerveau mène vers la folie, alors que les individus étant dans l’expression de leurs émotions, de leur ressenti sont plus équilibrés. De publication en publication, les éditions FLBLB prouvent que le roman-photo peut rivaliser avec d’autres moyens d’expression dans différents genres littéraires, et peut aborder des thèmes très complexes avec nuance et subtilité. Nicole Augereau raconte une histoire d’anticipation, avec un personnage principal qui enquête sur cette menace venue du cosmos. Le mode narratif se calque sur celui de la bande dessinée, tout en mettant à profit les possibilités d’un reportage photographique dans un village et ses environs pour aboutir à une grande variété de lieux et de situations, ayant ainsi dépassé les limites inhérentes à la question de budget. Le lecteur plonge dans une intrigue à la dynamique classique, étant sûr de son interprétation, et faisant progressivement l’expérience de la réflexion sous-jacente, adulte et sophistiquée, sur l’importance relative à donner au train-train professionnel, en partie grâce à un jeu avec des créations d’art contemporain. Élégant et ambitieux.
Given
Franchement je trouve given est quand même une pépite du genre (sachant que le bl sont généralement assez cliché ou avec des scènes de … omniprésente). A première vu le manga paraît assez « cute », mais au fur à mesure découvre un côté assez réaliste abordé sans filtre (je parle par exemple du cas de passer de Mafuyu ou de du mec aux percings dont j’ai oublié le nom). En plus chaque couples nous amène dans une dimension bien à elle, naïve ou parfois très compliqué ou le Hiiragi mix. Les personnages ne sont pas vides et ne sont pas clichés comme cela peut paraître superficiellement . Franchement je conseille de continuer toute la lecture (au moins jusqu’au tome 3) avant de se faire un avis.
Le Voleur d'amour
"Plus jamais la vie ne séparera ce que la mort peut unir." Percy Bysshe Shelley. L'Adaptation du roman du même nom de Richard Malka (avocat, romancier et scénariste de BD) par Yannick Corboz. Cette BD est une longue lettre, celle qu'Adrian van Gott écrit pour Anna, l'amour de sa vie. Une lettre d'adieu où il lui raconte sa vie et leur première rencontre, il y a plus de deux cents ans, elle s'appelait alors Clélia. Un récit qui commence à Venise vers la fin du XVIIIe siècle pour se terminer au début des années 2000 à New-York. Adrian était un enfant chétif et souvent malade, mais il va découvrir qu'il possède une particularité, il est une sorte de vampire, il lui suffit d'embrasser une personne pour la déposséder de son amour et en connaître les souvenirs. Cela a pour conséquence d'insuffler une force physique hors du commun au corps d'Adrian, mais aussi d'en vider la substance à la personne embrassée jusqu'à la tuer suivant la durée du baiser. Un don qui se transforme en malédiction avec la mort de Clélia. Il va apprivoiser ce pouvoir et en tirer de nombreux avantages. Un récit qui m'a aspiré dès les premières pages par la qualité des textes, par l'ambiance gothique qui s'en dégage, par la complexité du personnage d'Adrian. Une existence de tourments dans sa quête d'amour et de connaissance, il est un prédateur qui doit se nourrir des autres pour sa propre survie. Il va connaître plusieurs vies sur différents continents, vivre des histoires d'amour plus ou moins longues, connaître la débauche, la lassitude, la culpabilité et traverser plusieurs guerres, mais vivre longtemps c'est accumuler les tragédies. Une narration dominée par la voix off d'Adrian, elle donne ce ton si mélancolique et poétique qui m'a beaucoup touché. Lisez la galerie pour vous faire votre opinion. Une lecture qui m'a rappelé en mémoire "Entretien avec un vampire". Graphiquement, c'est somptueux. Les couleurs ocres et pastel rehaussent le magnifique crayonné tout en volupté de Corboz. Les émotions sont perceptibles sur chaque case. La superbe couverture est énigmatique et elle se prolonge sur le verso de l'album. Gros coup de cœur. "L'amour peut se décider, jamais le désir."
Les Sept Ours Nains
Je vais utiliser cet avis pour déclarer mon amour pour les créations d’Emile Bravo. Tout d'abord parce que je trouve son dessin magnifique, simple, propre et expressif, mais aussi parce que je trouve qu’il sait parfaitement manier les récits jeunesse, les rendre agréables et intéressants à tout âge, sans avoir recours aux doubles sens de lecture. Bref, je trouve ses récits frais et inventifs. Ici c’est même très inventif car monsieur Bravo nous propose de la réécriture de conte. Pas forcément une relecture afin d’étayer un propos. Non, non : du gros délire, tout simplement. Les aventures des sept ours nains, c’est un gros gloubi-boulga de contes de fées, un mic-mac de références et de jeux de mots, bref, comme dit précédemment, un gros délire. C’était jouissif à lire quand j’étais enfant, cela le reste tout autant aujourd’hui. A faire découvrir aux enfants comme aux adultes.
Camille Claudel - La création comme espace de liberté
Les attentes : le démon caché dans toute âme enthousiaste. - Ce tome contient une approche biographique de la vie de la sculptrice Camille Claudel (1864-1943), également sœur du dramaturge Paul Claudel (1868-1955), et collaboratrice du sculpteur Auguste Rodin (1840-1917). Son édition originale date de 2022 en Italie, et de 2023 en France. Il a été réalisé par Monica Foggia pour le scénario et Martina Marzadori pour les dessins et la mise en couleurs, traduit de l’italien par Jérôme Nicolas. Il comporte cent-dix pages de bandes dessinées. Il se termine avec une postface de cinq pages, rédigée par la scénariste, revenant sur la relation entre la sculptrice et Rodin, sur son internement et la notion d’hystérie à l’époque, sur le fait qu’elle était considérée inadaptée pour exercer un métier réservé aux hommes, et sur l’inspiration de l’écoute de La mer de Claude Debussy pour son écriture. Viennent ensuite une page de remerciements, et une dernière page avec la bibliographie recensant sept ouvrages, le film de Bruno Nuytten dans lequel Sophie Marceau incarne la sculptrice, et deux sites internet. Une petite fille de bonne famille. La souffrance de la beauté qui déchire la roche, la met en pièces pour dominer sa forme. En 1876, dans la campagne de Montfavet, devant un rocher appelé géant de Montpreux, Camille Claudel est en train de façonné une petite statue de terre, son petit frère posant devant elle et commençant à fatiguer. Il finit par s’allonger dans l’herbe. Louise-Athanaïse, leur mère, les appelle, exigeant qu’ils viennent ici tout de suite. Elle admoneste sa fille qui devrait avoir honte : les demoiselles de bonne famille ne se salissent pas, et la robe de Camille est maculée de terre. Cette dernière répond que pour créer, il faut se salir, Dieu l’a fait. Montfavet en 1921 : Camille regarde par la fenêtre, elle observe un oiseau donner la becquée à ses oisillons. Une dame l’appelle : un paquet est arrivé pour elle. Il contient de la terre à modeler. À Villeneuve-sur-Fère en 1878, dans la maison familiale des Claudel, la jeune Camille indique à sa mère qu’elle a une grande envie de faire son portrait, elle ajoute que papa serait content. Après un mouvement de refus, sa mère accepte à condition que sa fille essaye de la mettre en valeur. La fille emmène la mère dans le jardin et cette dernière s’assied dans un fauteuil, sous l’ombre d’un feuillage. Camille se met au dessin en pensant que pour mettre sa mère en valeur, elle a dû déchirer le voile que sa mère avait elle-même tissé. Des grands yeux de sa mère, Camille a saisi la douleur secrète. De son corps, l’esprit de la résignation. De ses mains l’abnégation complète. Camille a toujours pensé que sa mère la détestait parce que sa fille n’avait pas voulu se soumettre comme sa mère l’avait fait. Mais avec le temps, elle a compris qu’au fond sa mère l’enviait parce que Camille n’était pas comme elle. Au temps présent de 1921, Camille se demande où est ce portrait à présent. Il doit être perdu, comme sa mère. Elle se rappelle comme sa mère détestait ses outils d’artiste, elle les aurait volontiers jetés au feu, et sa fille avec. Les autrices ont choisi d’adopter le point de vue de Camille Claudel (1864-1943) du début jusqu’à la fin, présente dans chaque page. Il s’agit donc d’une histoire de femme, avec son point de vue, l’accès de temps à autre à ses pensées. Dans sa postface, la scénariste explicite son choix de ne pas insister dans ce roman graphique sur la maladie mentale qui affligea Camille : il est dicté par la nécessité de rendre justice à la femme, à la sculptrice, à la personne et à sa grandeur artistique. Elle évoque également le comportement de sa mère à son égard : froide et bigote, ne cessant de la rabaisser, et de tenter de brider sa vocation artistique. Elle indique que son père, à l’inverse, était parfaitement conscient du talent de sa fille aînée : il la soutint jusqu’à la fin de ses jours. Le sculpteur Alfred Boucher (1850-1934) a évalué et reconnu son talent. Son frère Paul Claudel (1868-1955) l’a également soutenue. Auguste Rodin l’a encouragée : elle est devenue sa plus proche collaboratrice, sa modèle et sa maîtresse. Elle dû vivre avec son infidélité, la possible appropriation de ses œuvres par Rodin, un avortement, la réaction d’une société patriarcale contre le mouvement d’émancipation des femmes, en particulier le recours abusif au diagnostic d’hystérie. Pour autant, ces faits sont évoqués comme les autres événements de sa vie, sans que la bande dessinée ne prenne les formes d’un pamphlet féministe ou anti-patriarcat, les autrices se focalisant sur les moments essentiels dans la vie artistique de cette créatrice. Le lecteur découvre Camille Claudel avant l’adolescence en train de modeler la terre pour sculpter son petit frère. Les cases sont dépourvues de bordure tracée, alignées en bande, quelques-unes biseautées en trapèze. L’absence de bordure introduit une forme de douceur, confortée par la mise en couleurs, comme réalisée au crayon, et estompée. De prime abord, la narration visuelle dégage une impression d’art naïf avec des visages simplifiés, des expressions parfois un peu enfantines, un regard qui s’attache plus à certains éléments de l’environnement qu’à d’autres. Dans le même temps, la composition des pages et la variété des découpages correspondent à une narration adulte, avec une quinzaine d’illustrations en pleine page, trois en double page, des pages où un personnage est représenté à plusieurs reprises dans des positions diverses dans une seule image, des cases avec uniquement un personnage et des accessoires sans arrière-plan, quelques magnifiques paysages ou intérieurs. Par exemple, le très bel effet de la lumière du soleil dans le feuillage à la fenêtre de la chambre de Camille à Montfavet, les motifs abstraits des tapis, une double page consacrée à une vue d’une rue de Paris avec son animation nocturne, les étudiants en train de s’affairer sur leur sculpture dans l’atelier de l’Académie Colarossi, la grande salle d’un théâtre parisien, les falaises de l’ile Wight, un quai en bord de Seine à Paris, une vue en extérieur du bâtiment de l’asile de Montfavet, etc. À plusieurs reprises, la narration visuelle saisit un moment fugace ou complexe, avec une grande sensibilité. Le lecteur ressent pleinement ce qui se joue entre la mère et la fille quand cette dernière demande à la dessiner, par les expressions de visages, les mouvements. Dans la scène suivante quand la mère fait obstacle à la volonté du père d’emmener leur fille à Paris pour qu’elle puisse étudier dans un atelier, le lecteur éprouve l’impression que le jeu des acteurs est forcé : il se dit que l’artiste représente les réactions du père et de la mère comme vues par les yeux d’enfants de Camille, ce qui explique ces émotions plus brutes. Il en a la confirmation en voyant l’entrain avec lequel la demoiselle prépare sa valise, tellement heureuse que son père ait emporté la décision. Lorsqu’elle rencontre Rodin pour la première fois, le lecteur voit qu’elle est devenue une jeune femme, consciente du désir. Plus tard, il peut comparer le comportement de Camille avec Claude Debussy (1862-1918), à son comportement avec Rodin : les deux jeunes gens apparaissent plus insouciants, plus gais, sans le poids de l’âge de Rodin, de vingt-quatre ans l’aîné de Camille. En page cent-onze, la sculptrice se retrouve devant un peloton d’exécution, une métaphore de la condamnation que la société fait peser sur elle, du fait de sa vie émancipée, que ce soit pour l’exercice d’un métier d’homme, ou pour la liberté de sa vie amoureuse. Du fait du mode narratif, le lecteur éprouve une empathie pleine et entière pour Camille Claudel, voyant sa vie par ses yeux, au travers de ses émotions. Il ressent le besoin de créer, la vocation sans doute possible pour sculpter. Il ressent son élan de bonheur quand elle apprend que son père a pu faire en sorte qu’elle étudie dans un atelier. Il ressent son assurance quand elle répond à Filippo Colarossi (1841-1906) qui estime qu’elle a un style viril, sans rien de mièvre, ni de décoratif, car l’œuvre qu’il contemple à un style incisif. Elle le reprend devant tous les autres étudiants et étudiantes, en lui enjoignant de ne pas confondre ce qui est masculin avec ce qui est expressif et profond, une femme aussi est capable d’exprimer cela. Il s’enthousiasme avec elle quand elle accueille Jessie Lipscomb (1861-1952). Il apprécie une deuxième fois sa confiance quand elle répond à Auguste Rodin que le style de ce dernier n’est pas celui à elle. Les autrices savent faire vivre Camille Claudel, par ses envies, ses convictions, ses émotions, son travail. Elles évoquent la nature de son talent, sans aller jusqu’à se livrer à une analyse de son apport à la sculpture. Elles dressent le portrait d’un être humain grandissant en faisant avec les caractéristiques de la société de l’époque, ballotée entre sa vocation, ses amours, la manière dont elle est traitée par son amant. En entamant la biographie d’une artiste, le lecteur ne sait pas toujours qu’elle en sera la nature, plutôt biographique axée sur les moments de vie personnelle, ou avec un accent plus important sur la carrière avec une analyse de l’œuvre. Ici, les autrices ont choisi la première approche, montrant avant tout un être humain faisant tout son possible pour exercer sa vocation, pour faire aboutir sa vision artistique, tout en composant avec les contraintes imposées par la société. La narration visuelle s’avère formidable par sa douceur, et par sa sensibilité, très adulte même si l’apparence des dessins peut évoquer certains aspects de l’art naïf.