Les derniers avis (7459 avis)

Par Emka
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Zaï Zaï Zaï Zaï
Zaï Zaï Zaï Zaï

Voici un véritable bijou d'humour absurde. Je suis déjà fan de Fabcaro, il m'arrive au final assez peu de relire des BD, mais là je dois être au moins à ma 3e ou 4e lecture et je n'avais toujours rien avisé. Tout part d'un incident déclencheur : un auteur de BD (tiens tiens) oublie sa carte de fidélité en faisant ses courses. Cet oubli déclenche une chasse à l'homme délirante, une véritable traque policière qui prend des proportions surréalistes. Ce qui frappe d'emblée, c'est la manière dont Fabcaro parvient à tirer du comique de l'absurde tout en gardant une critique subtile et acerbe de notre société. À travers des situations loufoques et des dialogues à la fois minimalistes et percutants, il expose les travers de notre quotidien, nos petites lâchetés, nos hypocrisies, et la manière dont la société peut s’emballer autour de rien. Les personnages, volontairement stéréotypés, sont autant de miroirs déformants de nos comportements. Que ce soit le vigile zélé, la caissière dépassée, ou encore les journalistes avides de sensationnel, tous sont pris dans cette spirale qui ne fait que renforcer l’humour du récit. Fabcaro joue avec les clichés, les détourne, et les pousse à l’extrême, créant ainsi un univers où le ridicule devient la norme. Le dessin, d’une sobriété apparente, sert parfaitement ce propos. Le trait est simple, presque dépouillé, ce qui laisse toute la place à l’humour des situations et des dialogues. Ce minimalisme graphique, loin d’affaiblir le récit, lui donne au contraire une force supplémentaire. Chaque case, chaque expression, même réduite à l’essentiel, participe à l’effet comique. Cette simplicité renforce le décalage entre la gravité apparente de la situation et l’absurdité de ce qui est raconté. Le rythme est également une des grandes forces de cet album. Fabcaro enchaîne les gags avec une fluidité déconcertante. Chaque page apporte son lot de surprises, et le lecteur est constamment tenu en haleine, à la fois par le fil conducteur de la traque et par les digressions humoristiques qui jalonnent le récit. Loin de s’essouffler, l’histoire gagne en intensité au fil des pages, avec des rebondissements toujours plus farfelus. Et puis, il y a ce ton unique, à la fois pince-sans-rire et désinvolte, qui caractérise l’écriture de Fabcaro. L’humour de Zaï Zaï Zaï Zaï est un savant mélange de non-sens et de satire sociale. On rit, souvent aux éclats, mais on ne peut s’empêcher de réfléchir aux petites absurdités de notre propre quotidien, aux contradictions de la société de consommation, aux dérives médiatiques. En fin de compte, c’est une œuvre qui, sous ses airs légers, porte un regard sur le monde moderne. C’est une BD qui se lit d’une traite, mais qui mérite d’être relue pour en savourer toute la profondeur. Fabcaro prouve ici qu’il est un maître dans l’art de l’humour absurde, capable de transformer le moindre détail du quotidien en une aventure hilarante et pleine de sens. C’est un album à recommander sans hésitation, que l’on soit fan du genre ou non, car il touche à quelque chose d’universel dans sa manière de capter l’essence du ridicule humain. J'ai hésité entre le 4 et le 5 mais c'est pour moi un incontestable album culte de ce genre que je double d'un coup de coeur.

31/08/2024 (modifier)
Couverture de la série Le Ciel dans la tête
Le Ciel dans la tête

Voilà un album qui traite de sujets terribles (enfants soldats, misère, néocolonialisme, migrations illégales, etc.) et qui le fait très bien, tout en proposant un travail graphique très original, et franchement très beau. Nous suivons le terrible et triste parcours de Nivek, gamin pauvre qui cherche à fuir les mines où il est employé en République démocratique du Congo, qui se retrouve enfant soldat commettant une foule de crimes, puis qui traverse toute l’Afrique, pour traverser la Méditerranée, pour finir dans une prison française comme un criminel. Cette fin est « parfaite » pour boucler la boucle, puisqu’au début nous voyons des occidentaux négocier avec les chefs de milices employant Nivek un prix dérisoire pour le coltan : s’il n’y avait pas ça, il n’y aurait pas autant de migrants prenant tous les risques pour venir en Europe, où le migrant, comme Nivek, n’est présenté que comme une menace et un délinquant. Une histoire dramatique et triste donc. Mais très bien narrée. Et surtout, la lecture est rendue encore plus agréable par dessin et colorisation, que j’ai beaucoup appréciées. Un dessin qui s’écarte souvent du réalisme, pour se rapprocher d’une forme stylisée, faisant penser à de l’art naïf et populaire. Beaucoup de très belles planches en tout cas ! Une très belle œuvre, Altarriba est vraiment un auteur très intéressant (et engagé), et il est ici très bien accompagné !

31/08/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Les Pistes Invisibles
Les Pistes Invisibles

Il ne faut avoir aucune idée en tête pour découvrir ce dont on ignore l'existence. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de tout autre. Il s'agit d'une bande dessinée en couleurs publiée en 2023. Elle a intégralement été réalisée par Xavier Mussat, scénario, dessins et couleurs. Elle comprend cent-soixante-dix pages de bande dessinée. Un paragraphe en fin de tome précise la technique de dessin : Ce livre a été dessiné avec un usage strict de formes pleines au pinceau et à l'encre de Chine, sans recours au trait de contour. Les formes pleines ont été numériquement traduites en deux couches de couleurs superposées et retravaillées à la palette graphique afin d'obtenir une impression en deux passages de tons directs Pantone (bleu 2206 U et orange 1655 U). La troisième couleur et obtenue par leur superposition. Des nuages dans le ciel. Un tronc d'arbre, des racines, un petit cours d'eau. de la végétation dans un sous-bois. Une fois qu'ils l'ont attrapé, tout s'est arrêté. Même après qu'ils l'ont eu relâché, il n'a jamais pu retourner dans sa forêt. S'il y retournait, ils sauraient qu'il faudrait l'y rechercher. Les efforts d'immobilité, de silence, les stratégies de camouflage deviendraient inutiles. Pour bien disparaître, il ne fait pas être cherché. Devenir invisible, ça n'est pas disparaître, c'est se mélanger au reste. C'est participer à l'illusion du silence. Ne pas briser l‘équilibre visuel de la forêt qui donne à toute chose une présence similaire. le silence est une impression. Parce que le vent dans les feuilles, les craquements d'arbre, les bruits d'insecte, le murmure des ruisseaux, tous les sons de ce monde se manifestent à volume égal. Et alors cette orchestration, c'est comme un brouhaha en arrière-plan, inaudible parce que sans relief. Il y a dans presque toutes les forêts une légende d'homme sauvage couvert de poils, improbable vestige vivant ou chaînon manquant que de nombreuses personnes jurent avoir vu de leurs propres yeux. Plus de trois mille témoignages et aucune preuve, aucun ossement ni corps ni dent, rien d'autre que des empreintes de pas. Trois mille… Ça en fait des promeneurs, des chasseurs, des campeurs. Ils ont vu ce qu'ils voulaient voir. En vingt-cinq ans, il n'a été vu de personne. Il a vécu caché dans cette forêt, mais pas comme un homme des bois. Ils sont passés souvent très près de lui, mais dupes du silence, ils l'ignoraient. Ils traquaient autre chose : une idée déjà en tête, une représentation à laquelle il échappait. Un son plus fort que les autres. Un géant primitif aux proportions et à l'aspect si différents du décor qu'on ne saurait le manquer. Il ne faut avoir aucune idée en tête pour découvrir ce dont on ignore l'existence. Il aurait suffi qu'ils essaient de le trouver. Il entend souvent la même question : comment expliquer son imprévisible disparition ? Il n'aurait pu en aucun cas l'imaginer, la planifier. Il n'aurait pas disparu s'il en avait fabriqué l'idée dans sa tête. Trop vertigineuse. Souvent ceux qui pensent à partir ne dépassent pas l'idée fantasmée du départ. Ils réfléchissent, tentent de prévoir, d'anticiper les obstacles qu'ils se fabriquent, et ça les paralyse. Les projections, ça les décourage. Non, il faut de fil en aiguille s'en aller malgré soi, se surprendre. Assurément une bande dessinée qui sort des sentiers battus, et ce dès la couverture. L'œil du lecteur se retrouve attiré par cette étrange alliance de couleurs : cet orange très vif, quasiment fluo, et ce bleu très plat, terne. S'il ne s'en est pas rendu compte, il découvre donc que la troisième couleur est le résultat de la superposition des deux autres, et l'artiste joue également avec le blanc. L'artiste s'en tient à ces couleurs tout du long de son ouvrage, avec cet effet de contraste entre l'orange pétant et le bleu neutre, ce marron agissant comme une couleur plus foncée mais pas nette comme du noir. L'effet peut s'avérer étrange : l'orange ressort sur le marron comme si c'était du noir, alors que le bleu est atténué du fait du faible contraste avec le marron. L'artiste joue également avec le principe de superposition : celle du bleu et de l'orange pour obtenir du marron, mais aussi la superposition de l'image d'un insecte sur une forme de schéma électrique ou électronique pour contraster, et même opposer la nature irréconciliable de ces deux éléments. La page d'après, il s'agit d'un hélicoptère contre une montagne, l'esprit du lecteur établissant automatiquement le lien avec l'opposition entre l'insecte et le circuit. En page vingt-neuf, Mussat inverse le contraste, pour une séquence onirique aérienne, lorsqu'une jeune femme s'envole dans le ciel alors qu'elle tombe dans l'eau. le choix de se départir d'une approche naturaliste pour les couleurs indique au lecteur que la narration visuelle ne se limite pas à des dessins descriptifs, et qu'elle comprend une part de sensations et de vie spirituelle. A priori, l'histoire offre peu de possibilités : un individu qui quitte la société pour vivre en état de solitude pendant vingt-cinq ans. Soit il est en mode survivaliste, soit il vit de rapines modestes et pathétiques. Les premières pages posent rapidement le point de départ : un abandon de voiture non prévu dans une zone boisée sauvage, un métier dans l'électronique, la décision aussi naturelle qu'irrévocable de ne pas retourner sur ses pas. L'individu (il n'est jamais nommé) essuie quelques déboires, puis trouve un mode de vie en harmonie avec la nature, en décalage avec les clichés de l'homme des bois : il est parvenu à effacer son existence, à se rendre invisible aux autres êtres humains. En fin de tome, l'auteur indique laconiquement qu'il s'est inspiré librement de l'histoire de Christopher Thomas Knight qui a disparu vingt-sept dans les forêts du Maine, entre 1986 et 2013. Il a commis environ un millier de cambriolages dans des maisons de la région, soit environ une quarantaine par an et a survécu aux rigoureux hivers du Maine. À la découverte des premières pages, le lecteur comprend que ces dessins sont autant dans le descriptif que dans l'impression, et qu'ils donnent à voir le récit en vue subjective, par les yeux du personnage. Il apprécie le jeu sur les contrastes de couleurs de cette palette très limitée. En page neuf, il voit la silhouette de l'homme sauvage couvert de poils, cette légende, improbable vestige vivant ou chaînon manquant, c'est-à-dire une projection de ce à quoi pense le personnage. À partir de la page dix, il note l'apparition de formes purement géométriques venant se surimposer à ce qui est représenté. En page treize, il y a une forme de circuit électrique en fond de case, puis un graphe assez simple avec uniquement des points et des segments. En page seize, une silhouette humaine donne l'impression d'une peinture rupestre, en orange sur fond blanc. Page suivante, c'est un motif géométrique évoquant les nations premières. En page vingt-et-un, l'artiste effectue un rapprochement purement visuel : le plan de coupe d'un tronc d'arbre, puis la toile d'une araignée, avec des motifs très similaires. En page quarante-cinq, la représentation de type art primitif d'un serpent devient un serpent réaliste dans la case suivante. En page cinquante-et-un, le lecteur éprouve l'impression de contempler des courbes de niveau du relief montagneux, avec une randonnée et ses points de pause tracée dessus. Dans les pages quatre-vingt-dix, l'artiste joue avec les motifs des nervures d'une feuille, avec ceux formés par les tuiles d'un toit, puis avec d'une tenue camouflage. Il met ainsi à profit les possibilités de offertes par les dessins pour rapprocher des formes, ce qui rapproche, dans l'esprit du lecteur, des éléments de natures hétérogènes. Le lecteur assimile rapidement que la narration visuelle sort d'un cadre descriptif, en vue subjective, et même d'une transcription d'impression et de sensation, pour une interaction entre le descriptif, le sensoriel et le monde des idées. Dans la première page, le solitaire indique qu'il ne pourra plus retourner dans la forêt : il a donc déjà été attrapé et ramené à la vie en société. Il évoque également le fait que les recherches ont été infructueuses pendant toutes ces années parce que les personnes qui se sont mis à la recherche de l'individu qui cambriolait les chalets environnants pour commettre de petits larcins (petits mais réguliers) s'en étaient fait une idée sans rapport avec la réalité. de son côté, le lecteur, toujours en vue subjective, fait l'expérience de cet éloignement de la société des hommes également par les remarques du narrateur. Il suit le fil logique de cette vie à l'écart, et les réflexions générées par cet état insolite. On ne meurt pas si facilement. le constat de l'empreinte dévastatrice de ses déplacements. Et puis des stridulations d'insecte, un chant polyphonique de grésillements. Sifflet à roulette, roulement d'une bille dans une assiette, escadrille d'avions miniatures. Il y avait des martèlements dans chacun des sons. La répétition plus ou moins espacées de motifs uniques. Un langage sonore archaïque, rythmique, un concert cacophonique de frottements, de souffles, de percussions sans aucune coordination. La persistance rétinienne. La prise de conscience de son mode de schémas comportementaux avec les autres, après coup. L'incroyable concours de circonstances qui a été nécessaire pour la formation du système solaire et de la planète Terre telle qu'elle existe. Etc. Le lecteur ne peut pas faire autrement que d'avoir l'œil attiré par cette couverture à l'orange criard, à la graphie du titre qui commence à s'effacer, à devenir invisible. S'il le feuillète, il peut être repoussé par cette esthétique peu conventionnelle, un peu pétante. S'il commence sa lecture, il constate immédiatement que la narration visuelle dépasse la description pour embrasser plusieurs autres domaines, grâce à l'utilisation de plusieurs registres dessinés. Au fil des pages, il éprouve la sensation de faire l'expérience de cette vie en marge de la société, comme le fait le narrateur, tout en se retrouvant à se plonger dans des pensées inattendues, à effectuer des associations, des rapprochements visuels riches de sens. Une expérience de lecture peu commune.

31/08/2024 (modifier)
Couverture de la série L'Orfèvre (Lozes)
L'Orfèvre (Lozes)

Eh bien, pour une première incursion dans la BD, Aurélien Lozes réalise un coup de maître ! C’est un album vraiment surprenant, et je remercie Jetjet de m’y avoir fait penser (encore un qui me coûte cher !). Si l’on résume l’intrigue, on peut arriver à un polar relativement classique, avec les fausses pistes qui vont bien pour égarer le lecteur et étirer le suspens (j’ai commencé côté « bouquetin » de la couverture). J’avoue avoir assez tôt repéré les personnages jouant le « mauvais rôle. Du polar classique ? Oui, mais alors déjà on serait sur du haut de gamme en matière de construction. Mais surtout, il y a beaucoup d’autres choses qui rendent cet album remarquable, qui le font clairement sortir du lot. D’abord ce dessin vraiment très joli, très chouette, d’une précision et d’une clarté impressionnantes. Lozes a donné à son polar des aspects cinématographiques, avec gros effets, il multiplie les points de vue, les contre-plongées, les plans divers. Surtout, tous ses personnages ont des corps et des comportements humains, mais des têtes d’animaux. Fait remarquable, non seulement les très nombreux personnages sont faciles à différencier, mais en plus Lozes réalise l’exploit – à moins que je me sois trompé – de n’avoir pas deux personnages de la même espèce ! Et du coup ça confirme ses aptitudes au dessin, il a du talent le bougre. Ses personnages à tête d’animaux, dans des décors historiques plus ou moins anciens m’ont fait penser, plus qu’à Blacksad, aux romans collages de Max Ernst, Une semaine de bonté en tête. Il faut dire que Lozes use d’un beau Noir et Blanc fin et pur, qui fait penser aux gravures justement utilisées par Ernst dans ses collages. J’ai parlé de décors historiques, et là, Lozes se révèle encore original. L’intrigue se déroule dans Paris. Un Paris en permanence secoué par une agitation insurrectionnelle, que les protagonistes traversent à leurs risques et périls. Surtout, cela se passe dans un espace contemporain, avec manifestations violentes, puis, au fur et à mesure que nos héros traversent Paris, durant Mai 1968, puis l’insurrection de la résistance contre l’occupant allemand fin août 1944, la semaine sanglante de la fin de la Commune, et enfin les violences de septembre 1792 en pleine terreur (ou l’inverse selon votre choix de lecture). Lozes, qui s’est documenté et connait bien Paris et son histoire agitée, a su faire en sorte qu’on ne se pose pas de questions, et cela ne nuit jamais à la fluidité et à la crédibilité de l’histoire. Incroyable mais vrai – y compris lorsque l’on attaque le « verso ». Car l’album est une sorte d’upside-down. Après avoir fini la première partie (la moitié supérieure), on retourne l’album pour prendre la suite – peu importe le sens de départ. Lozes parvient même à plusieurs reprises, lors de pleines pages ou de grandes cases, à rendre raccords les deux « étages ». Au final, on a un polar noir et violent. En plus des différentes violences révolutionnaires qui font du décor un champ de bataille permanent, Lozes use de violence dans l’intrigue fil rouge, les morts s’empilent, et il n’hésite pas à se débarrasser de certains personnages principaux. Quelques rares bémols : le papier glacé (j’aurais préféré – affaire de goût – un papier plus épais) et quelques petites questions sans réponse (ou alors j’ai raté quelques détails), même si je ne veux pas spoiler. Mais bon, ça reste des réserves mineures, car on a là un album qui mérite plus qu’un coup d’œil. Un des meilleurs albums de l’année assurément ! Un polar magnifié par des choix esthétiques et narratifs : un futur immanquable ?

30/08/2024 (modifier)
Par Cacal69
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série L'Orfèvre (Lozes)
L'Orfèvre (Lozes)

Du travail d'orfèvre ! Une BD qui se trouvait sur ma liste d'achat bien avant sa sortie en librairie. Difficile d'écrire un avis sans déflorer les nombreuses surprises qui vont vous surprendre. Bon, déjà une narration singulière qui est un délicieux mélange de Dessus-dessous et de Tremblez enfance Z46. En effet, la BD propose deux couvertures différentes et deux sens de lecture, mais vous ne pourrez lire que le haut des planches puisqu'il vous faudra retourner le livre pour lire le second récit en dessous. Pas d'ordre imposé dans le choix de la lecture, vous pouvez commencer par l'une ou l'autre histoire sans que cela soit gênant. Des personnages charismatiques pour un polar noir et violent, captivant et surprenant, très bien construit et aux rebondissements bien amenés. Un scénario diabolique qui m'a transporté à différentes époques pour une histoire sans fin. Diabolique ! La partie graphique est somptueuse dans un noir et blanc de toute beauté, il est réalisé au bic. Des personnages représentés avec des têtes d'animaux où l'expression des "visages" est stupéfiante de réalisme. De superbes nuances de gris, des effets miroirs époustouflants pour un résultat qui m'a laissé bouche bée. Pour une première BD, Aurelien Lozes a fait très très fort ! Un indispensable pour les aficionados de polars. Culte et gros coup de cœur.

30/08/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Corps vivante
Corps vivante

C'est la norme d'être affecté, tout le monde l'est. - Ce tome contient un témoignage d'une artiste ayant découvert tardivement son homosexualité, une bande dessinée qui se suffit à elle-même. Sa parution date de 2023. Elle a été réalisée par Julie Delporte, pour le texte et les dessins. Il s'agit d'un texte illustré, plutôt que d'une bande dessinée. Il comprend cent-quarante-sept pages de récit. Il se termine avec quatre pages de notes revenant sur les sources d'inspiration de certains dessins. L'autrice se fait la réflexion suivante : ce qui ne l'a pas tuée ne l'a pas rendue plus forte. le temps n'a pas guéri toutes ses blessures. Mais elle peut constater que, malgré tout, elle est encore vivante. Sachet de sucre avec une cuillère : la première fois qu'elle a fait l'amour avec une femme, elle n'avait pour références que des dessins et des films réalisés par des hommes. Deux femmes nues allongées et enlacées dans un lit : pour remédier à cette situation, elle a regardé deux ou trois fois de suite la scène finale de Je tu il elle, de Chantal Akerman. Deux femmes nues allongées et enlacées dans un lit : elle était fière de sa nouvelle orientation, mais elle mourait de honte qu'elle lui arrive si tard. Elle avait peur d'être une femme hétérosexuelle qui expérimente et s'enfuit aussitôt. Les lesbiennes autour d'elle semblaient se plaindre d'un tel scénario. Les deux femmes se caressent tendrement : elle a attendu longtemps avant de se lancer. Il y avait eu une première fois, maladroite, en partie parce qu'elle avait trop bu. Puis une deuxième où tout était joyeux et léger. de petite taille, d'apparence douce mais masculine, Anna ne ressemblait à aucune des lesbiennes fantasmées par les hommes. Elle disait que Julie avait l'air plutôt gay, ce qui faisait rire cette dernière. Ce jour-là, Julie était presque étonnée de se sentir normale. C'était toute sa vie d'avant qui était anormale. Des roches avec des veines de couleur : son amie Kate lui a demandé si la pénétration n'allait pas lui manquer. Julie a répondu que c'était une affaire de reproduction, non ? Luc a pensé qu'elle était bisexuelle, mais à vrai dire, elle était épuisée d'aimer les hommes. Elle voulait qu'ils soient amis rien de plus. Guillaume lui a demandé si elle avait toujours été comme ça, ou si elle avait changé. C'était une très bonne question. Presque tous les témoignages de lesbiennes tardives qu'elle avait pu entendre se résumaient par : Un jour, je suis tombée amoureuse d'une femme. Est-ce une manière de simplifier ? Un jour, Julie est tombée amoureuse d'une femme, mais son histoire ne commence pas là. Elle ne commence pas non plus avec l'apparition d'un désir physique. Les papillons dans le ventre étaient là bien avant qu'elle désire une femme. Images d'insecte dans un bocal : Elle s'en souvient, à douze ans, avec son cousin. Ils la paralysent et l'empêchent de quitter la pièce. Puis à quatorze ans, quand un garçon plus vieux qui lui répugne se colle à elle sous la table, faisant réagir son corps. C'est ce qu'on appelle un fantasme. Elle a mis du temps à comprendre le geste de Jeanne Dielman. En découvrant les premières pages, le lecteur se rend compte de la nature de l'ouvrage. Il s'agit de l'histoire personnelle de l'autrice qui a pris conscience de son homosexualité à trente-cinq ans et qui évoque son entrée dans le pays qu'on appelle Gouinistan, avec des questions sur ses relations sexuelles avec les hommes, son caractère, sa façon de se comporter, ce qui relève de sa nature intrinsèque et la part d'elle qui a été modelée par la société, soit de manière explicite (les modèles de féminité), soit ce qui est implicite ou même inexistant (l'absence de représentation de femmes lesbiennes à son époque). Cela se présente sous la forme d'une ou deux phrases par double page, avec une écriture cursive manuscrite très agréable à l’œil. En vis-à-vis dans cette double page se trouve un dessin, parfois sur la page de gauche, parfois sur celle de droite, de temps à autre sous le texte sur la même page. Pour le chapitre introductif, il s'agit de huit dessins à l'encre de Chine inspirés du film Je tu il elle (1974) réalisé par Chantal Akerman (1950-2015, réalisatrice). Dans les notes en fin de volume, Delporte précise que la même année, Barbara Hammer (1939-1919) réalisait Dyketactics, un court métrage mettant lui aussi en scène un érotisme lesbien, mais de manière plus expérimentale. Avant cette date, elle ne connait pas de scène érotique lesbienne tournée par une réalisatrice lesbienne (ni même tourné par une femme hétérosexuelle) qui ait été retenue dans l'histoire du cinéma. De fait, le lecteur s'attache plus au texte qu'aux dessins, car l'autrice raconte son histoire, et les dessins viennent au mieux présenter une mise en situation de la relation lesbienne, pour le chapitre introductif, ou souvent accoler des représentations de la nature (roches, coquillages, fleurs, végétaux) et de rares fois un objet manufacturé ou une personne. le texte est rédigé dans un français très accessible, avec des phrases courtes, sans vocabulaire spécialisé ou complexe, très agréable à lire avec sa graphie. La construction de ce témoignage se révèle simple et naturelle. Julie expose sa son parcours de vie sous l'angle de sa préférence sexuelle. Sa première expérience homosexuelle l'a amenée à s'interroger sur la normalité imprégnant la société. Une fois sa prise de conscience opérée, elle s'est demandé si elle avait toujours été comme ça, c'est-à-dire homosexuelle. Elle est passée par différentes phases : la culpabilité de ne pas avoir d'activité sexuelle, comment érotiser le corps d'une femme (et sa vulve en particulier), le fait que personne ne l'a jamais forcée mais qu'elle se forçait elle-même pour se conformer, les contraintes sociales à l'hétérosexualité et l'absence d'images positives de lesbiennes, les contraintes de la perfection des normes sociales imposées à des êtres humains qui sont intrinsèquement imparfaits (deux états irréconciliables), la question de Judith Butler (Comment vivre une vie bonne dans un monde mauvais ?), et un regard en arrière sur ses relations avec les femmes avant de se reconnaître lesbienne. L'autrice se montre honnête, réfléchie, dans une réflexion sans acrimonie, sans volonté de vengeance ou d'accusations, sans militantisme ou agressivité, avec un ou deux points d'amertume, ce qui rend la lecture aussi intéressante qu'agréable. Dans le fil des pages, le lecteur jette un coup d’œil aux dessins : agréables à l’œil, réalisés avec des crayons de couleur, parfois pastel, avec des traits de contour en couleur quand il y en a. Une fois passée l'introduction, il n'est pas toujours très sûr de ce qu'il est en train de regarder. de temps à autre, un dessin apparaît en relation direct avec le texte : un portrait de Monique Wittig en vis-à-vis d'une citation d'elle, des dessins de robe et de tissu quand Julie évoque ce qu'elle a fait de ses robes après avoir assumé sa nouvelle identité sexuelle, un facsimilé de Tofslan & Vifslan regardant leur pierre secrète en provenance d'une histoire des Moomins, de Tove Janssen (1914-2001), un appareil photographique argentique, la couverture du livre Peau (1999, À propos de sexe, de classe et de littérature) de Dorothy Allison (1949-), etc. Puis arrive la page quatre-vingt-huit dans laquelle l'autrice dit que cette forme est maintenant sa préférée, elle la voit partout, en parlant de la forme de la vulve. le lecteur comprend alors que chaque dessin porte en lui le regard sexualisé de l'artiste, une façon de regarder le monde en ayant à l'esprit le sexe féminin. Cette tournure d'esprit ne saute pas au visage du lecteur ; elle reste sous-jacente. Si son esprit fonctionne de manière plus cartésienne que poétique, il apprécie de pouvoir découvrir dans les notes, la nature de ce qui est représenté pour les dessins qui l'ont laissé perplexe : des roches photographiées sur la côte de l'île Verte dans le fleuve Saint-Laurent, des scènes du film Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975) de Chantal Akerman, des agates tranchées, des algues et roches photographiées à Maria en Gaspésie, des fleurs du Jardin botanique de Montréal et un colibri venu les visiter, des lichens accrochés aux roches dans le parc régional du Poisson Blanc, l'érosion des falaises aux îles de la Madeleine, et plusieurs créatrices lesbiennes ou personnages dans des films. La lectrice ou le lecteur ressent les émotions et les interrogations de Julie Delporte, avec son point de vue qu'elle expose sans l'imposer. Il effectue le constat des références culturelles féministes ou lesbiennes : Adrienne Rich (1929-2012), Chantal Akerman (1950-2015), Lauren Beerlant (1957-2021), Annie Ernaux (1940-), Tove Janssen (1914-2001), Monique Wittig (1935-2003), Courtney Barnett (1987-), Dorothy Allison (1949-), Adèle Haenel (1989-), Judith Butler (1956-), sans se sentir exclue ou exclu. Elle ou il ressent que ces interrogations prennent comme point de départ la prise de conscience (que l'autrice qualifie de tardive) d'être lesbienne, et qu'elles s'appliquent également à chaque être humain quelle que soit sa condition. La pression de se conformer aux injonctions et normes sociales explicites ou implicites, le syndrome de l'imposteur, le besoin de se sentir normal, l'impossibilité pour l'être humain d'être parfait, l'impulsion de faire plaisir pour éviter le rejet par l'autre, la façon inconsciente de considérer le monde avec un point de vue sexualisé, l'habitude de se forcer, la démarche de consoler l'enfant qu'on a été, etc. En page cent-vingt-sept, l'autrice déclare qu'elle a voulu être une lesbienne avant d'avoir du désir pour des femmes, une sorte d'essence qui précède l'existence, pour reprendre la formule de Jean-Paul Sartre (1905-1980). Une lesbienne tardive s'interroge sur son parcours de vie, son orientation sexuelle, ses relations hétérosexuelles passées, les obstacles pour prendre conscience de ses préférences, la manière dont elle s'est forcée inconsciemment à être normale, en agrémentant chaque page d'un dessin sur la manière dont elle perçoit la nature, mais aussi les autrices ou créatrices qui lui ont permis de comprendre sa situation, son chemin. Outre le témoignage d'un cas particulier, il s'agit également d'un regard sur son environnement aussi bien naturel que mental. Un partage bienveillant d'expérience de vie.

30/08/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Fantastic Four - La Fin
Fantastic Four - La Fin

Chaque fin est un commencement. - Ce tome comprend une histoire complète qui s'apprécie mieux en ayant une connaissance de base des Fantastic Four. Il reprend les 6 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2007, écrits et dessinés par Alan Davis, encrés par Mark Farmer, mis en couleurs par John Kalisz. Dans un lointain futur, l'humanité connaît un âge d'or à la fois grâce à un sérum de longévité mis au point par Reed Richards et par l'instauration d'une zone de neutralité dans le système solaire garantissant l'absence d'expansion de la race humaine tant qu'elle n'aura pas atteint un degré de maturité jugé suffisant pour rejoindre le conseil intergalactique. Mais cette utopie a été chèrement acquise, en particulier après un combat terrible entre les Fantastic Four et Doctor Doom, au cours duquel Valeria et Alexia ont trouvé la mort. Quelques années ont passé. Jennifer Walters (sous sa forme de She-Hulk) rend visite à Reed Richards qui vit seul dans une station orbitale où il recherche un moyen de voyager plus vite que la lumière, avec une source d'énergie illimitée. Aux abords de Pluton, Johnny Storm (Human Torch) mène une équipe des Avengers (Thor, Vision, Iron Man, Captain Marvel et Silver Surfer) pour affronter un groupe de supercriminels composé de Enchanteress, Sandman, Psycho-Man, Wizard, Klaw et encore un ou deux autres. Ils ont la surprise de les voir se décomposer sous leurs yeux quand Nick Fury arrive en scaphandre à la tête d'une équipe du SHIELD. Sur Mars, The Thing se bat contre deux petits monstres Jacob & Daniel, ses enfants. Ces derniers gagnent à la partie de chat, et The Thing s'étale de tout son long aux pieds des inhumains qui viennent d'arriver, à savoir Gorgon, Medusa et Karnak. Alicia Masters arrivent sur ces entrefaites et ramènent un peu de calme. Ben Grimm reprend sa forme humaine. Sur Terre, au fond de l'océan Atlantique, Sue Richards se livre à des fouilles archéologiques en solitaire. Alors qu'elle est en train d'inspecter les ruines d'un palais sous-marin, elle est interrompue par l'arrivée de Namor qui lui demande ce qu'elle fait dans son royaume sans l'avoir averti. Toujours en compagnie de She-Hulk, Reed Richards reçoit un appel de Wyatt Winfoot et de sa compagne Thundra. Dans une lamaserie au Tibet, Stephen Strange observe les événements se déroulant dans la station orbitale de Richards, dans un globe magique, en compagnie de sa nouvelle apprentie. Dans les années 2000, l'éditeur Marvel décide de lancer des récits sous la bannière The End, évoquant la dernière aventure d'une partie de ses personnages. Le lecteur découvre ainsi Hulk: The end (2002) de Peter David & Dale Keown, Marvel Universe: The End (2003) de Jim Starlin & Al Milgrom, ou encore X-Men: The End (2004-2006) de Chris Claremont & Sean Chen. En 2007, c'est au tour d'Alan Davis de faire subir le même sort aux Fantastic Four. Le lecteur découvre qu'il joue le jeu : il a placé son récit dans le futur et effectivement l'équipe des Fantastic Four n'est plus, chacun s'en étant allé poursuivre sa vie de son côté, après la mort des enfants de Sue & Reed Richards. Le scénariste se montre assez cruel et original puisque la race humaine en passe d'atteindre son plein potentiel, grâce à des avancées scientifiques et médicales extraordinaires, accompagnées par une période paix sans précédent, et de croissance constructive, mais le prix à payer pour les Fantastic Four a été trop élevé. En entamant ce genre de récit, le lecteur s'attend à ce que le scénariste s'oriente soit vers une histoire évoquant la fin des temps ou le déclin d'une institution telle que les superhéros de l'histoire, ou alors un dernier tour de piste permettant de revisiter les principaux éléments constitutifs de la mythologie des personnages. Il se rend rapidement compte qu'Alan Davis a choisi la deuxième option, à partir du moment où Namor est intégré au récit. Avec l'apparition d'Uatu le gardien et des Inhumains, il en a la confirmation. Il profite alors de voir un futur potentiel dans lequel les personnages ont évolué, sortant de la stase imposée par les règles de gestion de personnages dont la propriété intellectuelle est détenue par une entreprise de média. Le scénariste joue astucieusement avec la possibilité de montrer ce que peuvent devenir certains personnages débarrassés de cette contrainte de conserver à jamais les mêmes caractéristiques, tout en en mettant en scène d'autres qui n'ont pas bougé, comme par les exemples les Inhumains, à une exception bien trouvée et assez émouvante. De la même manière, il pioche dans la riche continuité Marvel pour mettre en scène des personnages emblématiques de la série Fantastic Four, mais aussi pour réimaginer une poignée de personnages, comme la nouvelle Captain Marvel, évoquant la version Mar-vell. Ainsi le lecteur peut à la fois profiter de voir des personnages classiques dessinés par Alan Davis (Thor par exemple) et des personnages repensés. Alan Davis a commencé sa carrière de dessinateur de comics vers 1985, en travaillant sur des séries Marvel publiées au Royaume Uni, puis il a été embauché aux États-Unis où il a aussi bien travaillé pour Marvel que pour DC Comics, avant de voler de ses propres ailes et de devenir également scénariste. Il y a quelque chose d'immédiatement plaisant à l'œil dans les dessins d'Alan Davis, à la fois grâce à des contours arrondis et des angles de vue qui dramatisent les scènes d'action. D'une certaine manière, le lecteur éprouve la sensation de découvrir un croisement entre le dynamisme de Neal Adams et l'approche un peu plus plausible de John Byrne. C'est à la fois un compliment pour les dessins, mais aussi une forme de jugement réducteur comme s'ils n'avaient pas une personnalité assez affirmée, encore trop dérivative. D'un autre côté, il s'agit de comparaison assez flatteuse. Pour ces 6 épisodes, Alan Davis bénéficie de son encreur attitré Mark Farmer, qui a succédé dans ce poste à Paul Neary. La précision de l'encrage est remarquable à la fois dans sa capacité à faire ressortir tous les traits, mais aussi par la discrétion avec laquelle il sait faire varier leur épaisseur ou leur poli avec de courts traits qui apportent une texture fine, sans supplanter l'impression générale d'arrondi. Dans les trois premiers épisodes, Alan Davis s'investit pour donner à voir ce monde utopique, à commencer par le dessin en double page montrant la station orbitale de Reed Richards en vue extérieure au-dessus de la Terre, mais aussi la luxuriance de la végétation de Mars qui a été terraformée, et les ruines sous-marines. le lecteur se délecte de la visite au musée en compagnie de Ben Grimm, ou encore de la tenue du Conseil Galactique. Le lecteur prend également plaisir à regarder les différentes formes de races extraterrestres, même si elles sont toutes basées sur un modèle anthropoïde. Le dessinateur s'amuse bien à créer un monstre marin des plus impressionnants. Le lecteur ressent le plaisir que l'artiste a à créer ces personnages et ces lieux exotiques, dignes descendants de décennies de comics de superhéros et de science-fiction. Il remarque également qu'arrivé à la moitié du récit, Alan Davis s'implique plus dans la mise en scène des conflits que dans les environnements. John Kalisz effectue un gros travail de camaïeu dans les arrière-plans pour les nourrir, alors que l'artiste se concentre tout entier dans la vivacité des gestes, et dans les cadrages fortement penchés pour donner plus de force aux coups portés. Alors même qu'il note ce glissement vers une narration de plus en plus spécifique aux comics de superhéros, le lecteur ressent tout le plaisir qu'il a à retrouver les membres des Fantastic Four, et à anticiper le fait qu'ils vont à nouveau se réunir pour une nouvelle mission. Alan Davis a conçu une intrigue qui mêlent trois fils narratifs (la mission de Sue Richards, les attaques sur des satellites terriens, la réapparition de supercriminels), ce qui lui donne une certaine consistance. Mais rapidement c'est la certitude que les Fantastic Four vont enfin retrouver une forme de complétude en reformant l'équipe qui l'emporte sur le reste. Alan Davis ne joue pas sur la fibre de la nostalgie, ne se lamente pas sur la perte d'un âge d'or révolu. Sans avoir l'air de trop y toucher, il fait preuve de justesse dans la sensibilité pour montrer en quoi Reed, Susan, Johnny et Ben sont plus forts quand ils forment une famille ensemble. Il ne s'agit pas d'un retour à un état antérieur, mais plutôt de la redécouverte de la dynamique constructive qui existe au sein de ce noyau familial. Mine de rien, sous couvert d'un récit estampillé La fin, Alan Davis fait la preuve de la spécificité de cette équipe, et de sa capacité à capturer son esprit et à en faire le moteur du récit. Dans un premier temps, le lecteur apprécie surtout une forme de retour à des comics de superhéros plus tranchée et honnête. Les Fantastic Four sont là pour améliorer le sort de l'humanité et lutter contre des supercriminels. Il voit bien que l'équipe est séparée, et malgré tout Alan Davis réussit à faire exister les personnages et à mettre en lumière qu'il faut compter sur eux, même pris séparément. Il a construit son histoire en deux parties, la première dans laquelle ses dessins enchantent le lecteur avec une utopie simple et séduisante, la deuxième dans laquelle le temps du conflit est advenu. Logiquement ses dessins se concentrent sur la relation des personnages à leur environnement dans la première partie, et dans l'expression des superpouvoirs au cours des affrontements physiques dans la deuxième partie. Le lecteur peut éprouver une forme de condescendance à la découverte d'un récit à l'ancienne pour les caractères des personnages, mais dans le même temps il sent son cynisme fondre à a chaleur humaine qui se dégage du récit.

29/08/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Bravo pour l'aventure - Les Aventures de Jesse Bravo
Bravo pour l'aventure - Les Aventures de Jesse Bravo

Leçons de narration - Ce tome regroupe toutes les histoires écrites, dessinées et encrées par Alex Toth (25 juin 1928 – 27 mai 2006), mettant en scène le personnage de Jesse Bravo, réalisées entre 1982 et 1984. Il se présente sous un format de bande dessinée européenne et les histoires sont en couleurs. Who is Jesse Bravo ? (1982, 4 pages) – Sous forme de dessins accolés à des textes, Alex Toth présente la vie de son personnage. Bravo for adventure (1984, 54 pages) – Dans les années 1930, Jesse Bravo (un pilote d'avion, installé à son compte) accepte des commandes de fret, ou de réalisation d'acrobaties pour Hollywood. Alors que les finances sont en chute libre, il refuse de chercher un autre pilote qui doit de l'argent à un propriétaire de casino, et il accepte de réaliser des acrobaties pour un film qui doit se tourner à Lone Pine (même s'il refuse d'y emmener la fille du réalisateur). Coming (1982, 17 pages) – À Burbank en 1937, assommé par une pale d'hélice, Jesse Bravo hallucine. Il s'imagine dans une sorte de course-poursuite sans queue ni tête, de nature psychédélique. Le premier constat qui s'impose est que le travail d'édition est irréprochable, d'une très grande qualité, avec des pages parfaitement reprographiées permettant d'apprécier chaque trait, chaque aplat de noir. L'introduction de Dean Mulaney (dans l'édition VO) permet d'apprendre (ou de se remémorer) qu'Alex Toth a connu plusieurs vies professionnelles, comme dessinateur, mais aussi dans l'animation. IDW a d'ailleurs publié 3 tomes retraçant ses carrières : Genius, animated: The cartoon art of Alex Toth, Genius, illustrated: The life and art of Alex Toth, Genius, isolated: The life and art of Alex Toth. Ladite introduction permet également d'apprécier le sens de l'expression Un artiste pour les artistes, puisque Toth a été un modèle pour des dessinateurs comme Darwin Cooke, Bruce Timm, Howard Chaykin ou Paul Pope. Un feuilletage un peu rapide ne permet pas d'appréhender les qualités d'Alex Toth qui rendent ses comics si remarquables. Malgré le grand format, le lecteur ne voit au départ qu'une apparence datée, évoquant fortement les comic-strip des journaux américain. Mullaney indique d'ailleurs qu'Alex Toth admirait des créateurs de comic-strip comme Milton Caniff (Male Call ou Terry and the Pirates) et Noel Sickles (Scorchy Smith). Le lecteur se lance donc ce tome et il remarque immédiatement des traits épurés et des cases évoquant un peu Hugo Pratt. Il est également saisi par le lettrage fait main, sans cette impression répétitive des lettrages informatiques. Ce lettrage un peu irrégulier dans l'espacement des lettres et leur forme transmet une impression organique vivante, très agréable, un peu artisanale. D'ailleurs page 8, le lecteur découvre une case constituée de mots qui se chevauchent les uns les autres, sans forme humaine ou autre. La dernière case de cette page montre un vaisseau spatial en train de s'éloigner laissant une trace composée de gros carrés arrondis dont le lecteur se demande s'ils représentent les restes d'échappement d'un moteur à énergie inconnue, ou le son du même moteur retranscrit dans un alphabet extraterrestre (ou peut-être les deux à la fois). Cela peut paraître dérisoire d'aborder les qualités graphiques d'Alex Toth par le lettrage, mais pourtant cet aspect est partie intégrante de la page, et montre que cet artiste brise le mur qui sépare le dessin, des lettres d'un mot. À plusieurs reprises, Alex Toth rapatrie les lettres de l'alphabet dans le domaine du dessin en jouant sur leur graphie (une leçon dont se souviendront Howard Chaykin, et Ken Bruzenak, son lettreur attitré). Dès ces premières pages, le lecteur peut aussi constater l'incroyable travail d'épuration que Toth effectue sur les traits et les aplats de noir. En détaillant la manière dont est dessiné l'avion en train de voler (en haut à droite de la page 5), le lecteur constate un faible nombre de traits et une grosse masse noire pour la carlingue de l'avion. En prenant du recul, il constate qu'il peut quasiment identifier le modèle de l'avion, voir la fragilité des ailes de ce biplan, imaginer les contraintes qui tiraillent les câbles qui rigidifient la structure de l'avion, etc. C'est incroyable tout ce qu'expriment ces quelques lignes ! Tout au long de ce tome, le lecteur pourra ainsi observer à loisir la façon dont Alex Toth recherche jusqu'où il peut simplifier un contour, ou l'intérieur d'une surface, sans rien perdre de sens, pour atteindre une élégance raffinée. Il ne faut pas croire que cette épuration va de pair avec une forme de vide, ni d'économie. La gestion des aplats de noir et les variations d'épaisseur des traits de contour ont aussi pour effet de ne jamais donner l'impression d'une case creuse, ou superficielle. Lorsque la narration visuelle le nécessite, Alex Toth réalise des dessins comprenant plus de détails, comme l'intérieur d'un bar, les cadrans d'une radio, ou encore la carrosserie d'une Rolls Royce. Ce qui est également saisissant à la lecture de ces pages, c'est qu'il n'y a pas de cases statiques. Sans donner l'impression de rythme effréné ou de mouvement incessant, Alex Toth compose des images toujours pleines de vie, allant d'un simple haussement de sourcil, à un bolide lancé à toute allure. Il y a là une science de la composition proprement habitée par le flux de la vie. Cette vie émane également des personnages croqués par Alex Toth. Ils disposent tous d'une morphologie et d'une physionomie distinctes, facilement mémorisables, sans qu'ils n'en deviennent des caricatures. Sans aller concevoir des tenues extravagantes, Toth prend soin que chaque costume soit adapté à la personne, à son activité, et aux conditions météorologiques. Alex Toth sait dessiner avec une rare conviction les évolutions des avions en vol, malgré l'absence de repère fixe dans le ciel pour indiquer leur position ou leur trajectoire. La reconstitution historique est des plus convaincantes. le lecteur écoutera même la chanson When the deep purple falls over garden walls de Peter DeRose, sortir d'un jukebox (cette même chanson qui inspira Ritchie Blackmore pour le nom du groupe Deep Purple). Dans l'introduction, Dean Mullaney précise qu'il s'agissait pour Alex Toth de rendre hommage aux comic-strips, avec une histoire d'aviateur proche de la parodie. À la lecture, il s'avère que Toth a bien conçu une intrigue très cohérente, avec une habileté certaine pour utiliser les conventions de ce type de récit, sans pour autant se limiter à une enfilade de clichés, ou se reposer sur des mécaniques invraisemblables. Jesse Bravo est bien le personnage principal du récit (et même le héros), mais de nombreux rebondissements surviennent sans qu'il en soit le moteur. Ce tome se termine donc avec une dernière histoire (17 pages) pendant laquelle le lecteur voit les hallucinations de Jesse Bravo, ayant perdu connaissance. C'est une leçon de narration phénoménale. Alex Toth n'est pas tenu par une intrigue, il peut donc imaginer sa narration uniquement du point de vue visuel, passant d'une case à l'autre par le biais d'associations d'idée ou d'image. le lecteur se retrouve donc devant des cases de plus en plus épurée, où l'image tire vers l'abstraction, voire devient abstraite (une simple courbe, ou ligne brisée, ou encore une petite silhouette noire sur fond blanc (cette approche évoque fortement l'épure de Gilbert Hernandez). Soit le lecteur sera rebuté par ce délire insensé, soit il se rend compte que sur cette trame conceptuelle, Alex Toth réalise un travail narratif exceptionnel. Pourtant sans intrigue, cette suite de 17 pages constitue bien une narration inventive, avec un mouvement fluide, même s'il s'agit d'une case blanche ou noire, vierge de tout trait. Prise une par une, chaque case peut sembler incongrue ou même dépourvue de sens littéral. Remise dans le flux de la narration, à côté d'une autre case, ou dans le contexte de la planche, elle participe à un récit visuellement compréhensible, et pourtant impossible à mettre en mots. A priori, le lecteur attiré par ce tome y vient surtout pour découvrir l'art d'Alex Toth. Il est comblé au-delà de toute espérance par une maestria au service de la narration, par une leçon de narration à chaque page, et il bénéficie même d'une histoire à la construction intelligente, pleine de suspense. Il est alors possible de découvrir des travaux plus anciens comme Creepy presents Alex Toth ou Zorro: The complete Alex Toth.

29/08/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Stumptown
Stumptown

Une disparue - Ce tome est le premier d'une série d'une série de 4 à ce jour (en 2017) mettant en scène la détective privée Dex (Dexedrine) Parios. Il comprend les 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2009/2010, écrits par Greg Rucka, dessinés et encrés par Matthew Southworth, avec une mise en couleurs réalisée par Lee Loughridge & Rico Renzi. L'histoire se déroule à Portland dans l'Oregon. Au temps présent, Raymond Dillon (surnommé Dill) fait ouvrir le coffre de sa voiture par Whale (une grande baraque à l'air peu amène, et peu causant). À l'intérieur se trouve Dex (Dexedrine) Parios, ligotée, mais pas bâillonnée. Elle demande à Dill s'il est encore temps de négocier. Faute de réponse, elle comprend qu'il ne sert à rien de discuter. Elle s'éloigne à reculons vers la berge de la rivière Willamette. Dill lui tire dessus à deux reprises en plein ventre. 27 heures plutôt, Dex Parios était en train de parier à une table de jeu au Casino Wispering Winds, où elle a tout perdu aux dés. Elle est écartée de la table de jeu par Hollis, l'un des employés. Il s'enquiert de la santé d'Ansel, le frère de Dex, et la conduit dans le bureau de Sue-Lynne Suppa, la propriétaire du casino. Cette dernière lui indique clairement qu'elle ne doit pas s'attendre à un crédit supplémentaire car elle doit déjà 17.616 dollars. Sue-Lynne Suppa lui explique qu'elle la charge de retrouver sa petite fille Charlotte Suppa, âgée de 18 ans et ayant disparu de son domicile depuis quatre jours sans laisser de trace, peut-être avec un garçon. Dex Parios a vite fait de comprendre qu'elle n'a pas trop le choix et qu'elle tient là la possibilité d'éponger ses dettes. Elle rentre chez elle un peu tard et se rend compte que son frère Ansel, trisomique 21, n'est pas encore couché. Elle l'envoie se coucher et descend une bière en s'allongeant sur le canapé. le lendemain, elle se rend au domicile de Charlotte Suppa et se rend compte qu'elle a emporté son shampoing, mais qu'elle n'a pas pris sa voiture. Elle appelle Tracy Hoffman, un officier de police, pour lui demander de regarder s'il n'y a pas eu des signalements d'activité à l'adresse de Charotee Suppa. Elle quitte l'appartement et s'approche de sa propre voiture. Deux individus patibulaires l'attendent : Raymond Dillon et Whale. Le premier crève la capote de sa voiture avec un couteau, le second la malmène et la plaque contre son capot. Dill lui demande où se trouve Charlotte. Après s'être assurée qu'elle ne sait rien, il fait signe à Whale de la passer à tabac. À peine est elle en train de se relever, que deux autres individus en costard s'emparent d'elle et la font monter de force dans une autre voiture. Greg Rucka jouit d'une bonne réputation en tant que scénariste de polar, acquise à la fois sur la série Batman, et sur des créations indépendantes. Il a également montré qu'il sait écrire des personnages féminins qui sortent des stéréotypes habituels des comics. le lecteur est donc plutôt tenté de lui faire confiance quand il propose une histoire complète d'une détective privée, pour une enquête sur une disparition. Il découvre une jeune femme (peut-être trente ans) qui progresse sans trop s'inquiéter des risques qu'elle prend. Elle fait preuve d'un comportement autodestructeur léger, mais bien réel. Elle ne sait pas gérer son argent, dans la mesure où elle le dépense au jeu, sans trop se soucier des conséquences. Elle se met dans des situations où elle sait qu'elle risque de prendre des coups, sans pouvoir les parer. Elle est bien sûr obstinée, et elle sait additionner deux plus deux, même si elle n'arrive pas à anticiper les coups suivants, à la fois littéralement, à la fois de manière imagée. Le lecteur constate également qu'elle sait s'y prendre pour demander des services à quelques personnes de son entourage, sans pour autant exagérer. Elle s'occupe de son frère de bonne grâce, l'aidant pour retrouver ses affaires, pour manger, pour trouver quelqu'un qui s'occupe de lui quand elle ne peut pas être présente. Dex Parios progresse son enquête de manière très pragmatique, par essais et erreurs, en posant des questions directes et basiques, sans trop se préoccuper de la réaction de ses interlocuteurs, tout en se rendant bien compte qu'elle met parfois sa vie en danger. Elle dispose d'assez de jugeotte pour se rendre compte quand les réponses ne sont pas franches, quand il s'agit d'un mensonge par omission, ou d'une réponse trompeuse. Greg Rucka déroule donc une enquête de type réaliste, avec un enjeu très local (retrouver une fugueuse), sans rien de spectaculaire, et une détective pragmatique qui ne lâche pas le morceau. Le lecteur se rend vite compte que la narration est fluide, qu'elle évite les longs dialogues artificiels, les scènes d'explication avec exposé ou soliloque. Effectivement la narration visuelle n'est pas pesante, ne s'enlise pas des enfilades de têtes en train de parler. Le lecteur y voit là l'art de conteur du scénariste qui a pensé et conçu son récit en fonction des caractéristiques de ce média. Matthew Southworth est un artiste qui avait réalisé quelques épisodes de séries de superhéros pour DC et Marvel, et qui signe là son travail le plus conséquent. En première approche les dessins de Matthew Southworth évoquent un croisement entre ceux de Michael Gaydos et de Sean Phillips. Le lecteur détecte leur influence dans sa manière d'utiliser des aplats de noir aux contours irréguliers, pas bien lissés, ce qui rend compte à la fois du côté rugueux de la réalité, et de la difficulté de la percevoir de façon nette. Cette façon de dessiner n'est pas synonyme d'à peu près. de séquence en séquence, le lecteur peut apprécier la capacité de l'artiste à représenter les différents endroits. Ça commence donc avec une berge de la rivière Willamette, avec les herbes folles, un canard hébété en train d'observer la scène, les branches d'arbre en ombre chinoise, la silhouette du tablier du pont en haut dans le lointain, et l'eau noire. le lecteur peut ensuite observer l'affluence autour des tables du casino, l'ameublement du bureau de Sue-Lynne Suppa, celui de la grande pièce de l'appartement de Dex Parios, la façade de celui de Charlotte Suppa, l'aménagement luxueux de la villa d'Hector Marenco, avec vue sur le fleuve, etc. Chaque scène se déroule dans un endroit bien décrit, avec suffisamment de particularités pour être unique, et pour être plausible. En outre les cases comprennent des arrière-plans à plus de 80% ce qui assure un bon niveau d'immersion du lecteur. Matthew Southworth utilise la même approche réaliste pour les personnages. Ils disposent de morphologies normales, sans exagération anatomique, sans mise en avant de leurs attributs sexuels. Les différents mouvements s'inscrivent également dans un registre ordinaire, sans exagération, des postures normales d'adulte. Même si dans un premier temps, le lecteur peut trouver que les visages sont un peu rêches, pas peaufinés, il se rend compte que comme Dex Parios, il guette les réactions sur les visages. Il se demande ce que peut penser tel ou tel personnage pendant un dialogue, s'il cache quelque chose, s'il calcule chacune de ses réponses. Il éprouve facilement de l'empathie quand il voit apparaître une émotion non feinte sur un visage. Chaque prise de vue est adaptée à la nature de la séquence, variant les plans sur les environnements, sur les visages, ou sur les actions de personnages, apportant de la variété de la lecture, avec des cadrages larges ou resserrés, comme si le lecteur ajustait sa vision pour regarder ce qui importe le plus. Après une première impression un peu rêche, l'opinion du lecteur sur les dessins évolue pour en apprécier le naturel et le pragmatisme, au point que la narration visuelle devient une évidence et s'efface pour laisser le premier plan à l'intrigue. Greg Rucka a concocté une enquête, sur une disparition d'une jeune femme, peut-être une fugue, peut-être un enlèvement. Dès que Dex Parios commence à s'intéresser à son affaire (simplement en se rendant à l'appartement de Charlotte Suppa), elle déclenche une série de réactions imprévues. Il y a des individus qui la tabassent, visiblement des gros bras employés par quelqu'un, habitués à intimider les civils par la force mais pas des professionnels. Au contraire, les suivants à s'en prendre à Dex Parios ont des méthodes plus professionnelles. Elle se retrouve vite devant un individu au compte en banque bien garni et l'influence importante, avec une fille au comportement étrange. le naturalisme des dessins de Matthew Southworth évite que les réactions des uns et des autres ne basculent dans la comédie de situation avec des mauvais acteurs. Le naturalisme de l'écriture de Greg Rucka évite que l'histoire ne bascule dans le thriller aux grosses ficelles, ou dans le polar d'action avec des personnages aux capacités physiques extraordinaires. de même, il évite de faire jouer le rôle d'otage à Ansel, ou de faire jouer le rôle de deus ex machina à l'officier Tracy Hoffman qui ne dispose pas d'informations toutes prêtes pour son amie. Le scénariste sait rendre la progression de l'enquête crédible et plausible. le lecteur découvre les indices en même temps que Dex Parios et sert les dents quand elle encaisse des coups. Les motifs se dévoilent progressivement et ils sont directement issus du milieu dans lequel se déroule le récit. Greg Rucka applique à la lettre les règles du polar pour faire apparaître les caractéristiques d'un milieu. Il le fait en creux, laissant le soin au lecteur de prendre du recul pour constater ce que décrit le récit, essentiellement les conditions de vie de Dex Parios, avec leurs particularités qui en font une personne à part entière, s'incarnant de page en page. Cette première enquête de Dex Parios est une vraie réussite, un polar réaliste. le lecteur ressent rapidement la fluidité et le naturel de la narration visuelle et des situations, utilisant les conventions du polar, sans jamais tomber dans les clichés ou les stéréotypes. En refermant ce tome, il lui semble avoir vécu aux côtés de Dex Parios, l'ayant admirée pour sa ténacité, son opiniâtreté, sa capacité à commettre des erreurs et à toujours se relever. Il lui tarde de la retrouver pour une nouvelle enquête.

28/08/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Secret Empire
Secret Empire

La quadrature du cercle - Ce tome comprend les épisodes qui forment l'événement de l'été 2017 dans l'univers partagé Marvel. Il fait également suite aux 2 séries consacrées à Captain America écrites par Nick Spencer qu'il est conseillé d'avoir lues avant (même si ce n'est indispensable), à savoir Captain America: Sam Wilson & Captain America: Steve Rogers. Enfin il est recommandé de lire en parallèle le tome Captain America: Secret Empire (épisodes 22 à 24 de la série Sam Wilson, et 17 à 19 de la série Steve Rogers ) qui se déroule concomitamment à celui-ci et qui apporte des informations complémentaires sur les actions menées par Steve Rogers et par Sam Wilson. L'intégralité du récit a été écrite par Nick Spencer. Ce tome comprend les épisodes 0 à 10 de la série Secret Empire, ainsi que l'épisode Omega, le numéro 25 de la série Captain America et le Free Comic Book Day 2017 (en abrégé FCBD). Les dessinateurs sont les suivants : Daniel Acuña (épisodes 0 et 8), Andrea Sorretino (FCBD, 2, 3, 5, 7 et Omega), Steve McNiven (épisodes 1 & 10, avec un encrage de Jay Leisten), Leinil Francis Yu (épisodes 4, 6 et 9, avec un encrage de Gerry Alanguilan, et l'aide de Joe Bennett pour le 9), Jesús Saiz (Captain America 25). Enfin, Rod Reis a dessiné les pages (entre 3 et 5 par épisode) d'un fil narratif spécifique dans chaque épisode, et d'autres artistes sont venus prêter main-forte pour terminer les épisodes 9 et 10. Chaque épisode comporte plus d'une trentaine de page, ce qui aboutit à un récit de près de 400 pages. Ce tome comprend également l'ensemble des couvertures variantes réalisées, soit près d'une cinquantaine. En 1945 au Japon, Captain America (Steve Rogers) rejoint Kraken à l'entrée d'une caverne sur la pente enneigée d'une montagne. À l'intérieur l'attend un oracle qui lui prédit qu'il va oublier qu'il est un agent d'Hydra, que ce savoir lui reviendra des années plus tard et qu'alors il saura qu'il est temps de rétablir la grandeur d'Hydra. Au temps présent, tout part en sucette. Les supercriminels évadés de Pleasant Hill (voir Standoff) envahissent New York, détruisant tout sur leur passage. Les forces armées d'Hydra envahissent la capitale de l'état souverain Sokovia. Dans l'espace juste à proximité de la Terre, les Ultimates de Captain Marvel et les Gardiens de la Galaxie repoussent vague après vague d'extraterrestres Chitauri. À New York, Nitro se fait exploser, détruisant un bloc d'immeubles, rappelant la tragédie de Stanford (Civil War). Comme le prévoit la Loi, le président des États-Unis décide de confier les pleins pouvoirs au directeur du SHIELD, c'est-à-dire à Captain America (Steve Rogers). Captain America prend des décisions rapides et efficaces, à commencer par activer le bouclier protecteur autour de la Terre. Cela a pour effet d'empêcher les Chitauri de pénétrer dans l'atmosphère, mais aussi d'enfermer les superhéros cosmiques à l'extérieur de la Terre. Suite à l'emploi du pouvoir de Blackout (Marcus Daniels), New York se retrouve enserrée dans les ténèbres d'une énergie inconnue. Une fois que Steve Rogers dispose des pleins pouvoirs, une flotte de vaisseau aux couleurs de l'Hydra se stationne au-dessus de la Maison Blanche. Certains superhéros s'organisent en un mouvement de résistance contre Hydra, sans perdre espoir de réussir à libérer Steve Rogers de l'emprise mentale sous l'influence de laquelle il est certainement pour agir comme ça. D'autres acceptent ce nouvel ordre social comme porteur de sécurité. Les 2 camps se retrouvent fortement impressionnés par le fait que Steve Rogers soit capable de soulever Mjolnir, le marteau de Thor, abandonné sur un champ de bataille : Steve Rogers est digne. Pour peu qu'il ait déjà lu un ou deux événements de ce genre, le lecteur sait exactement à quoi s'attendre. le scénariste a mis conçu et mis en chantier une menace à l'échelle de la planète, de l'univers ou de de la réalité (cochez la bonne réponse) et les superhéros vont devoir subir quelques défaites significatives, avant de se liguer et de reprendre le dessus. Il y a forcément des affrontements physiques homériques prenant de plus en plus d'ampleur, avec des utilisations de superpouvoirs en masse, pour des effets pyrotechniques qui en mettent plein les mirettes. Les bons gagnent à la fin et le statu quo est rétabli, en attendant le prochain crossover. Pour peu que le scénariste ait bien fait son travail, le lecteur retrouve de nombreux superhéros de premier plan, et quelques superhéros méconnus ou oubliés. Au vu des enjeux, peu de personnages bénéficient d'une réelle exploration de leur personnalité, cela se limite au grand maximum à une demi-douzaine, et encore. Il y a fort à parier que l'auteur doive intégrer de nombreuses exigences éditoriales, que ce soit pour apporter une résolution à des intrigues secondaires ou à des situations conflictuelles en suspens, et qu'il doive intégrer des modifications pour plusieurs personnages, dictés par les responsables éditoriaux, et arrivant comme un cheveu sur la soupe. C'est dire si l'exercice de style est contraint, et effectivement il y a tout ça dans Secret Empire (2017). Depuis quelques années, les responsables éditoriaux imposent en plus un calendrier de production très contraint, à la fois pour le scénariste qui se retrouve à intégrer une myriade de modifications de dernière minute, pour une coordination fine avec les séries mensuelles en cours qui ont dû toutes interrompre leur intrigue, à la fois pour les dessinateurs devant produire un nombre de pages plus élevé que d'habitude en un temps plus court. En découvrant qui a dessiné quel épisode, lecteur a la preuve immédiate de ce dernier point. Il est étonné par l'ampleur de cet événement : 13 épisodes, auquel il faut rajouter le dernier de la série Captain America, et on peut encore rajouter les 3 derniers des séries Steve Rogers et Sam Wilson, soit 20 épisodes au total, une entreprise titanesque. Il n'y a donc pas moins de 5 dessinateurs principaux : Daniel Acuña, Andrea Sorrentino, Steve McNiven, Leinil Francis Yu et Rod Reis. Il convient d'y ajouter encore un dessinateur secondaire Joe Bennett qui réalise les planches que le dessinateur principal n'a pas eu le temps de réaliser. Il s'agit donc d'un énorme dispositif industriel pour tenir les délais de production, assez éloigné de toute considération artistique. de fait tous les dessinateurs ne se valent pas. Si le lecteur a suivi la carrière de Leinil Francis Yu, il sait qu'il s'agit d'un dessinateur plus préoccupé de faire poser les personnages, que de s'occuper des arrière-plans, ou même de concevoir des mises en scène et des placements de superhéros intelligents par rapport aux mouvements et aux déplacements. Effectivement il en est ainsi dans les 3 épisodes qu'il dessine avec des combattants prêts à bondir, avec des silhouettes agressives. le lecteur se souvient que Leinil Yu avait également dessiné un précédent événement : Secret Invasion (2008) écrit par Michael Brian Bendis. Les 2 épisodes dessinés par Steve McNiven sont plus intéressants et plus riches visuellement, surtout le premier avec une myriade de personnages immédiatement reconnaissables, et une narration visuelle plus solide et plus fluide. Par contre, il est visible qu'il a souffert des délais pour l'épisode 10 car les dessins sont moins aboutis. Le lecteur se souvient que McNiven avait également dessiné un précédent événement : Civil War (2006/2007) écrit par Mark Millar. Daniel Acuña a pu bénéficier du temps nécessaire pour soigner ses pages, et le lecteur retrouve avec plaisir ses dessins réalisés à l'infographie, avec une apparence de couleur directe. Il sait installer l'ambiance d'un endroit à l'aide d'une couleur principale. Il s'en sort pour représenter l'importante quantité de personnages différents. Il sait faire resplendir les utilisations de superpouvoirs sans qu'elles n'en deviennent clinquantes. Il réalise des dessins en pleine page qui en imposent, que ce soit le cœur de New York enténébré, ou l'arrivée de la flottille de vaisseaux d'Hydra se positionnant au-dessus de la maison Blanche, ou encore Sam Wilson abattu en plein vol. Jesús Saiz est de retour pour le dernier épisode de la série Captain America, avec des dessins descriptifs léchés, très agréables à l'œil dans leur précision. Lui aussi a pu réaliser son épisode dans des délais raisonnables, et livrer des planches finies qui ne donnent pas l'impression d'avoir été terminées à toute allure. Lors de l'annonce des artistes affectés à cette histoire, le lecteur se faisait un plaisir de voir Andrea Sorrentino appliquer son mode de représentation caractéristique à une entreprise d'une telle envergure. le FCBD commence de belle manière, avec des cases dont la forme épouse celle d'une étoile centrale. L'apparition de Captain America à la tête du Cercle Intérieur d'Hydra jette un froid glacial, à la fois par leur pose de vainqueur, mais aussi par le choix d'une couleur rouge sombre. Dans l'avant dernière page, il découvre une composition de page typique de cet artiste : 25 cases (en 5*5), avec des réactions à une image principale, une structure épatante, mais une finition de chaque case un peu trop rapide. Au cours des 6 épisodes mis en images par Andrea Sorrentino, le lecteur va ainsi passer de cases un peu expédiées, à des structures de disposition de cases à couper le souffle, parsemées d'images saisissantes, souvent glaçantes dans leur contraste très tranché entre les surfaces noires déchiquetées et les couleurs cafardeuses. D'un côté, cet artiste a du mérite à réussir ainsi à imprimer une ambiance si marquée dans un récit si codifié ; de l'autre le lecteur aurait bien aimé qu'il dispose de plus de temps pour peaufiner certaines cases et certaines pages. Au final, l'artiste le plus constant s'avère être Rod Reis à qui il échoit d'illustrer un fil narratif très déconcertant, avec des tonalités de conte, ce qu'il fait avec une sensibilité remarquable, renforcée un choix de couleurs adaptées. Dès le départ, Nick Spencer respecte dans le moindre détail les spécifications de sa lettre de mission. Au lieu de la Terre ou de l'univers, c'est la démocratie qui est en péril, avec la prise de pouvoir de Captain America, sous influence totale de l'Hydra. Il y a des tas de superhéros dans tous les sens, et, parfois, même le lecteur chevronné peut éprouver un doute sur l'identité d'une silhouette apparaissant le temps d'une case. Avec un peu de chance, il l'apercevra une deuxième fois 3 épisodes plus loin et pourra enfin comprendre quelle est cette superhéroïne avec un X rouge sur l'épaule (Bon sang, mais c'est bien sûr : Illiyana Raspoutine). En bon élève, le scénariste cite d'autres crossovers, récents comme Civil War II (2016) par Brian Michael Bendis & David Marquez, ou plus ancien comme The Infinity Gauntlet (1991) par Jim Starlin, George Perez et Ron Lim. le lecteur prend petit à petit conscience du degré élevé de préparation de cet événement pour l'intégrer dans l'univers partagé Marvel. La vision d'Ulysses Cain relative à Spider-Man (Miles Morales) causant la mort de Captain America (Steve Rogers) trouve enfin sa résolution, ainsi que l'invasion des Chitauri référencée dans plusieurs séries. Bien sûr, Spencer effectue les placements produits exigés par les responsables éditoriaux, avec une page consacrée à Jean Grey (version jeune), et une case gratuite dédiée à Shang-Chi (l'indication d'une nouvelle série à venir). Nick Spencer ne se contente pas de placer les personnages imposés ; il n'hésite pas non plus à placer ceux qu'il a écrits dans des séries précédentes comme Ant-Man (Scott Lang) et Giant Man (Ras Malhotra), pour le plus grand plaisir des lecteurs qui ont suivi la carrière du scénariste chez Marvel. Pour le reste, cette histoire se déroule comme prévu. le lecteur reste le bec dans l'eau pour une ou deux intrigues très secondaires qui restent sans explication, comme la manière dont Steve Rogers a bien pu faire revenir Bruce Banner. Plus surprenant encore, l'intrigue principale suit très exactement ce que peut prévoir le lecteur. Captain America et Hydra d'un côté, les rebelles de l'autre sont à la recherche des fragments du cube cosmique (Kobik) et tout reviendra dans l'ordre à la fin grâce à l'utilisation du cube, même pas besoin de lire ce tome pour le savoir. Sans surprise non plus, le parcours de Steve Rogers en tant que commandeur suprême des États-Unis vérifie la maxime de John Emerich Edward Dalberg-Acton, le Baron Acton : le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument. Pourtant il se passe quelque chose d'inattendu dès l'épisode 1. le lecteur découvre une page dans laquelle Carol Danvers s'adresse à un interlocuteur et confie ses craintes. Soudainement un personnage exprime ses convictions et acquiert de l'épaisseur. le lecteur se dit que Spencer se fait plaisir, et il n'a qu'une hâte, c'est de retourner à son blockbuster. Mais ça se reproduit un peu plus loin. Alors qu'il se conformait rigoureusement aux diktats du sous-sous-genre événement, Nick Spencer se permet de faire entendre sa voix d'auteur. À plusieurs reprises, des personnages de premier plan expriment leur point de vue qui dépasse la prochaine étape de la bataille, qui donne un éclairage sur leur état d'esprit, et même sur leurs valeurs. C'est vrai que le lecteur s'attendait à une scène de ce genre entre Steve Rogers et Tony Stark, et que ce dernier se fait un plaisir d'ironiser sur le fait que pour une fois il est du côté des bons. Mais bien vite, Natasha Romanova a droit à ce même traitement de faveur, et même Clint Barton. Ce n'est donc pas un accident de parcours, et en plus Nick Spencer sait les montrer sous une facette personnelle. Mais ce n'est pas tout, il ose se montrer encore plus réflexif. Dans la série Captain America: Steve Rogers, Nick Spencer avait eu la lourde tâche de remodeler l'histoire de Steve Rogers depuis sa naissance pour montrer quelles modifications l'utilisation du cube cosmique avait apportées à sa vie. Mais en filigrane, il y avait aussi une réflexion sur le besoin de sécurité, au prix de la liberté, et le besoin de gouvernance par un meneur assuré. Au fur et à mesure, Captain America incarnait un chef autoritaire, avec une vision claire sur les décisions à prendre, et une volonté de les faire appliquer, avec les moyens de les faire appliquer. Sous couvert d'un récit de superhéros, Nick Spencer mettait en scène la soif des citoyens pour un responsable fort et charismatique. Secret Empire continue de développer ce thème jusqu'à le pousser dans ses derniers retranchements. La position de l'auteur est claire dès le départ, puisque Steve Rogers endosse un uniforme vert de gris, pour un parti dont le nom commence par un H (comme Hitler) et qui trouve ses racines dans le nazisme de la seconde guerre mondiale. Il y a effectivement apparition de camps de concentration, et une traque des Inhumains parce qu'ils sont impurs par rapport à la race humaine. Mais dans le même temps, il y a bel et bien une augmentation de la sécurité dans les rues, une baisse du chômage, et une conviction renforcée d'appartenir à une nation qui va de l'avant. Ce thème culmine dans le numéro Omega qui s'avère être une longue discussion entre Steve Rogers et une autre personne, et un credo pénétrant sur la responsabilité qui accompagne la délégation de pouvoir à un individu élu. Non seulement, Nick Spencer s'est permis d'insuffler une personnalité à plusieurs superhéros au cours du récit, mais en plus il mène à son terme une réflexion sur la démocratie et sur la délégation de pouvoir de manière décillée et honnête. Cet événement dans l'univers Marvel est conforme en tout point à ce que l'on peut attendre de ce genre de produit fabriqué sur mesure : des tonnes de superhéros, des combats homériques, et un retour au statu quo à la fin du récit. Les artistes se succèdent pour soutenir un rythme de parution effréné, avec comme pour conséquence une qualité de dessins très fluctuantes, malgré leur alternance. Nick Spencer écrit exactement l'histoire qu'imagine le lecteur, jusqu'au final où tout rentre dans l'ordre grâce au cube cosmique. Pourtant il écrit une histoire personnelle sur une question politique fondamentale, en exposant son point de vue avec franchise et honnêteté, en réussissant à donner sa vision tout aussi personnelle de plusieurs superhéros Marvel, la quadrature du cercle.

28/08/2024 (modifier)