Les derniers avis (7510 avis)

Par Florent
Note: 5/5
Couverture de la série La Révolte sans précédent
La Révolte sans précédent

Enfin ! Les vérités qu'on pense sont dites de manière drôle et subtile. Une part de rêve dans cette révolte de celles et ceux qu'on n'entend pas crier lorsqu'ils et elles souffrent. Pas de fausses vérités non plus, on sent que la science a été consultée avant de faire dire n'importe quoi aux animaux, notamment l'exemple des interactions orques/bateaux. Cela fait du bien à lire, on rit et on sent que le récit va déranger ceux et celles qui "aiment" les animaux mais les mangent, ou les régulent.

13/12/2024 (modifier)
Par PAco
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Fannie la renoueuse
Fannie la renoueuse

Ahhhh !!! Quel bonheur de retrouver ce petit univers si singulier mais tellement attachant que celui de la Pieuvre ! Chaque nouveau tome vient compléter ce petit Paris de la fin XIXe développé par Gess de façon subtile et intelligente. Avec "Fanny la Renoueuse" c'est une grosse pièce du puzzle qui s'agence, même si chaque tome reste indépendant... J'aime cette période historique tellement riche en innovations politiques, artistiques, scientifiques. Et Gess s'empare de tout cela à merveille pour nous restituer un Paris transcendé par cette touche de fantastique où la Pieuvre règne en maîtresse depuis des lustres. Et c'est qu'on en apprend beaucoup dans ce tome sur les origines de cette entité mafieuse ! Et c'est par l'intermédiaire du passé de certains de ses protagonistes que la lumière se fait petit à petit ; et quel passé ! Et quelles révélations ! On a aussi le plaisir de retrouver la Bête que nous avions découvert dans le premier tome de cette série La Malédiction de Gustave Babel. Tout commence à s'interpénétrer en nous révélant l'étendue spectatentaculaire de la Pieuvre et de sa mainmise. C'était déjà riche et dense, cela en devient magnifique et hallucinant quand la mythologie vient en plus s'en mêler ! Du côté de l'objet et du dessin, la maquette est toujours aussi bien travaillée avec ce dos toilé, ces fonds de planche faussement jaunis, qui assoient cette ambiance fin XIXe tout en valorisant pleinement de dessin de Gess et sa colorisation si personnelle. Bref, avec ce 4e opus, je passe ma note à 5 (culte !), tant je suis conquis par l'univers qu'aura su nous proposer et développer l'auteur. J'en REVEUX ! A quand un prochain tome ???

13/12/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Les Cinq Vies de Lee Miller
Les Cinq Vies de Lee Miller

Je ne peux pas fourrer mon pied dans une pantoufle de verre. - Ce tome contient une biographie de Lee Miller (1907-1977), modèle, photographe, reporter, égérie du surréalisme. La première édition date de 2013 pour la version originale en italien, et de 2024 pour la version française. Il a été réalisé par Eleonora Antonioni pour le scénario et les dessinés, et traduits par Laurent Lombard. Il comprend cent-cinquante-et-une pages de bande dessinée. Il se termine avec la présentation succincte de six des hommes de la vie de Lee (Theodore Miller, Man Ray, Erik Miller, Aziz Eloui Bey, David E. Scherman, Roland Penrose), et un lexique de toutes les autres personnes citées, chacune présentée avec ses dates de naissance et de mort, et un court paragraphe d’une phrase, au nombre de trente-cinq de George Antheil (1900-1959, pianiste, compositeur, écrivain) à Elizabeth Audrey Whithers (1905-2001, journaliste). Le tome s’achève avec une bibliographie minimale, des pages web intéressantes et des recherches iconographiques. En 1928, l’atelier de Neysa McMein, à New York, Elizabeth Miller, vingt-et-un ans, rejoint une tablée qui l’accueille avec les honneurs. Un homme fait observer qu’il paraît que les hommes se souviennent toujours des blondes. Une jeune femme fait remarquer que le visage de Lee est l’un des plus connus des revues de M. Condé Nast. Un autre note qu’il lui manque juste un joli pseudonyme pour se lancer. Elle répond : Lee Miller. Enfance et adolescence. Originaire de Pennsylvanie, déterminé, curieux et tenance, Theodore Miller a fait carrière dans le domaine technique jusqu’à devenir directeur des établissements De Laval à Poughkeepsie dans l’état de New York. Productrice d’équipements pour traire et traiter le lait, De Laval était la plus grande et la plus importante entreprise de Poughkeepsie. Lors de son précédent emploi à Utica, Theodore fit la connaissance d’une jeune infirmière : Florence Mac Donald. Les fiançailles furent longues, car il ne voulait pas se marier avant d’avoir trouvé une stabilité financière et professionnelle. C’est donc après son recrutement chez De Laval que le couple se marie et que Florence s’installe à Poughkeepsie. Florence Mac Donald, la jeune épouse, attire d’emblée l’attention des Daughters of the American Revolution qui l’invitent à faire partie de leur prestigieuse association patriotique. Invitation aussitôt retirée lorsqu’elles découvrent les origines canadiennes de Florence. En tout cas, cette anecdote n’empêche pas Florence de devenir une parfaite dame de la haute bourgeoisie comme l’exige la mode de l’époque. Outre sa passion pour la technologie, Theodore cultive un grand intérêt pour les arts, jusqu’à en faire un élément central de la vie familiale. Féru de photographie qu’il se plait à pratiquer en dilettante, il a recours à son épouse Florence comme modèle parmi ses sujets préférés, les nus féminins, selon lui, l’une des plus hautes expressions de l’art. Bien vite, Theodore et Florence ont des enfants : John naît en 1905, Ellizabeth en 1907, Erik en 1910. La petite et toute blonde Elizabeth, appelée Lili, conquiert Theodore au premier regard devenant, sans qu’il s’en cache trop, sa préférée. Peut-être que le lecteur a une vague conscience de l’existence de Lee Miller et de ses œuvres, ou qu’il n’en a jamais entendu parler : cette bande dessinée constitue l’occasion d’en apprendre plus sur elle. De fait, l’autrice réalise une biographie chronologique, à l’exception de la scène d’introduction. Elle raconte les différentes phases de la vie de cette femme, en cinq chapitres : Enfance et adolescence d’Elizabeth Miller, Surréalisme, Nuage, Barbelés, Coupure. En fonction de sa familiarité avec ladite biographie, le lecteur peut parfois se retrouver décontenancé. Par exemple, le récit montre bien les rencontres entre Lee Miller et différents artistes de l’époque comme Man Ray (Emmanuel Radnitsky, 1890-1976) ou Pablo Picasso (1881-1973), sans pour autant la mettre en scène comme étant l’égérie du surréalisme. Pour autant, il retrouve bien sa carrière de modèle, puis son apprentissage de la photographie et ses fréquentations avec les surréalistes, son engagement comme photographe de guerre, et sa carrière d’autrice de recettes culinaires. La personnalité de la narration visuelle apparaît tout de suite : des traits encrés très fins et solides, un noir & blanc rehaussé de jaune, la plupart du temps en une seule nuance, parfois deux. Une approche réaliste avec un degré de simplification allant vers l’élégance, avec un sens très sûr de la gestion de densité d’information par case, soit un luxe de détails, ou une focalisation sur les personnages en train de parler, ou des effets de texture. L’autrice insère son personnage dans le contexte historique à la fois par les événements évoqués, à la fois par les dessins. D’une certaine manière, le lecteur peut interpréter les caractéristiques graphiques comme une touche féminine délicate et élégante ; d’un autre côté, cela n’obère en rien l’investissement de la dessinatrice dans les représentations. La séquence introductive montre des jeunes gens de la haute bourgeoisie, bien habillés à l’occasion d’un rendez-vous mondain. Le lecteur remarque de suite l’attention portée aux tenues vestimentaires que ce soit la coupe des costumes pour les messieurs, ou les différentes robes avec leurs accessoires pour ces dames, y compris les bibis et les colliers. La présentation de Theodore Miller s’effectue par un dessin le représentant assis sur une chaise : belle veste avec un motif jaune, une paire de bottines à bouton. La présentation de Florence Mac Donald se déroule en deux temps : d’abord en robe simple avec tablier (et un petit chapeau), puis en robe habillée avec un chapeau plus sophistiqué et plus décoratif. L’artiste fait preuve du même degré d’implication tout du long de l’ouvrage pour les tenues vestimentaires : les habits plus simples des enfants, les robes de soirée ou pour faire la fête, les manteaux, les accessoires divers et variés, les uniformes militaires, jusqu’à la robe noire et simple avec tablier dans laquelle Lee Miller reçoit le journaliste à Farley’s Farm, à Chiddingly, Muddles Green, dans la dernière période de sa vie. De la même manière, la reconstitution historique se trouve dans chaque lieu, chaque environnement. Les lampes avec leur abat-jour dans l’atelier de Neysa McMein, les meubles et les pots de fleurs chez les Miller, le modèle du landau, les différentes voitures, les évocations d’œuvres artistiques de l’époque (dont celles de Man Ray et de Picasso), l’appartement d’Adolf Hitler à Berlin, et bien d’autres encore. Progressivement, le lecteur prend conscience que la bédéiste utilise de nombreuses possibilités offertes par la bande dessinée : case avec bordure ou sans, éléments de décor devenant une ornementation pour les autres cases, cases en trapèze ou en losange pour accentuer un mouvement, cases de la hauteur ou de la largeur de la page, dessins en pleine page, cases en insert, carte de la région pour accompagner les voyages de la photographe, etc. Elle joue également avec les phylactères et la typographie : écriture blanche sur fond noir, titres en barbelés quand Miller accompagne l’armée libératrice vers l’Est, etc. Si dans un premier temps, les personnages peuvent apparaître un peu simplifiés, en particulier pour les traits de visage, le lecteur se rend vite compte que la direction d’acteurs et les expressions de visage relèvent d’adultes aux émotions complexes, certains silences ou certaines pauses fugaces attestant de l’impact d’une situation ou d’un constat. Le lecteur mesure mieux les choix de l’autrice lorsqu’un médecin indique que : Elizabeth Lee a contracté une méchante maladie vénérienne, et que malheureusement le traitement sera long, que les parents devront surtout essayer de lui faire surmonter le traumatisme psychologique. Les deux pages suivantes montrent que la fillette se sent sale en permanence, puis elle se montre insupportable dans les différents établissements scolaires où elle est inscrite. En allant chercher plus d’informations, il apparaît qu’il s’agit d’un viol perpétré sur la fillette alors qu’elle avait sept ans, une façon déconcertante de présenter un tel crime et ses conséquences dévastatrices. Pour autant, lorsque Lee Miller accompagne l’armée américaine à Torgau, puis Dachau, puis Berlin, toute l’horreur de la guerre impacte de plein fouet la jeune femme. Le lecteur en déduit que cette biographie est racontée avec le point de vue de Lee Miller, en fonction de ce qu’elle ressent et de ce qu’elle peut exprimer, sa façon de se représenter le monde à chaque moment de sa vie. Il constate alors que l’autrice montre l’impact des événements, des expériences, des découvertes, de la manière dont l’artiste le ressent. Au fur et à mesure, le lecteur découvre la vie de cette femme, ou plutôt ses vies, de modèle pour photographes, à photographe de mode elle-même, photoreporter de guerre, autrice de recettes. En fonction de ses centres d’intérêt, il aurait pu souhaiter que telle ou telle facette de sa vie soit plus développée, tout en ayant conscience que cette biographie regorge d’informations et de moments sortant de l’ordinaire, qu’elle est riche et dense. Réaliser une biographie constitue un exercice compliqué entre hagiographie et enfilade aride de faits avérés. Celle-ci combine les éléments factuels avec la vision que Lee Miller a pu en avoir au moment de leur survenance dans le contexte de sa vie, et dans celui historique. L’autrice se livre à une reconstitution extraordinaire de références et de détails pertinents et opportuns, en sachant montrer l’environnement correspondant. Le lecteur accompagne une jeune femme séduisante et libérée, menant sa vie comme elle l’entend, connectée au monde, réussissant aussi bien une carrière de modèle que de photoreporter de guerre (jusque dans la baignoire d’Hitler), tout en en faisant l’expérience de son point de vue, moments de plaisir comme traumatismes. Une réussite exemplaire.

12/12/2024 (modifier)
Couverture de la série Les 5 Terres
Les 5 Terres

Une série ambitieuse et qui n’est même pas encore à la moitié de ses tomes annoncés … et pourtant déjà culte pour moi. Je m’emballe peut être un peu mais en 2-3 tomes, cette série m’a littéralement conquis et depuis la suite ne vient pas ternir cette excellente impression. Un peu comme avec Donjon, je suis complètement addict. La partie graphique est agréable mais ce n’est pas sur ce point que l’œuvre marquera véritablement. Designs, couleurs et dessins sont efficaces, toujours fluides et lisibles. Cependant à mon goût, c’est limite un peu trop sobre parfois, mais il faut tenir la cadence de parution et ça accompagne sans fioriture le récit. Amateur de GoT & co, j’ai retrouvé tout ce que j’aimais dans le genre et surtout le plaisir de découvrir un monde cohérent, intelligemment mis en œuvre. C’est faussement complexe avec les Très nombreux personnages et des intrigues à tiroirs, mais tout paraît cohérent et est passionnant à suivre. J’aime le coté adulte, l’incertitude constante sur le destin des personnages et la façon d’explorer cet univers. Chaque tome amène sa petite pierre et se termine systématiquement par une soif de découvrir la suite. Chaque cycle dépeindra un continent et ses habitants avec en toile de fond le pouvoir sous toutes ses formes (Royal, politique, mafieux …). Chaque parution, je fonce chez mon libraire. Une parfaite et rare alchimie entre les auteurs, alors que je me méfiais un peu du côté « atelier ou artificiel », je suis vraiment ravi du résultat. Je suis archi confiant pour la suite. Bravo à eux.

11/12/2024 (modifier)
Par Ju
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Majo No Michi
Majo No Michi

Quel vent de fraîcheur ! J'ai adoré Majo No Michi qui mêle à la fois : - de belles illustrations de Strasbourg et de l'Alsace - une histoire avec des personnages principaux féminins - un récit sur l'écologie, l'amitié, le vélo et le changement climatique - de la sorcellerie ! Les illustrations sont très réussies et obnubilée par les détails des vélos ou de la cathédrale jamais je n'ai pris le temps de regarder des oreilles (wtf). J'ai apprécié les visages expressifs, le détail des décors et les scènes de vitesse avec des lignes rapides. Concernant l'assistanat dont certain parle... Remettons le livre dans son contexte : les personnages sont jeunes et sortent d'école, elles ne sont pas encore pleinement dans la vie active. Le livre parle également de culpabilité de toucher des aides, de la volonté d'indépendance et de la nécessité de faire le bien autour de soit (écologie, société et du coup sorcellerie). Je conseille cette ouvrage à toutes les personnes qui considèrent que participer à la société, contribuer à ralentir le changement climatique et défendre l'envrionnement sont des notions importantes. De même concernant l'amitié. Ce livre est destiné à un public jeune optimiste et joyeux ! Ne l'offrez pas à votre oncle aigri ou à un étudiant en école de commerce qui souhaite travailler dans une banque ou un cabinet de conseil, ils risquent de passer à côté de la beauté des images et des messages. Hâte de lire la suite !

11/12/2024 (modifier)
Couverture de la série Jean Doux et le Mystère de la Disquette Molle
Jean Doux et le Mystère de la Disquette Molle

Je suis désolé de casser le consensus mais j'ai trop apprécié cette lecture pour me contenter d'un 4. Pourtant en découvrant cet improbable graphisme et l'épaisseur de la BD j'ai craint le pire. Que nenni, je suis immédiatement tombé sous le charme de cet humour absurde très présent dans le début du récit. Il faut dire que l'entrée en scène de Jean Doux ne manque pas d'originalité dans sa construction et son déroulé. Cette introduction permet à Valette de créer une ambiance de bureau 90's avec ses codes, son langage et sa technologie ( le minitel!) aux allures historico nostalgiques pleines de dérisions . C'est presque tout le temps très drôle avec un enchaînement de scènes qui donne une grande dynamique au récit. Ensuite Valette glisse doucement sur un polar industriel qui met au devant de la scène un outil reléguer dans un coin : le broyeur à papier. Au détour d'une petite anecdote signifiante, Valette rappelle que ce banal outil peut se montrer d'une importance vitale. Alors où veut nous conduire ce scénario loufoque mais si bien construit? Valette retombe sur ses pieds grâce à un final fantastique à la H.G Wells. Impossible d'en dire plus tellement le récit mérite la fraicheur de la découverte. Je veux mettre en exergue certaines trouvailles presque d'anthologie comme cette poursuite en chaises de bureau. Pour compléter l'ambiance, Valette pioche dans le vieux graphismes des premiers jeux vidéos aux personnages sans relief et à l'allure saccadée. Mais l'auteur transforme le vintage en moderne. Ses personnages deviennent réellement dynamiques et expressifs. Une excellente lecture qui exploite une idée originale avec beaucoup d'humour et de créativité.

10/12/2024 (modifier)
Couverture de la série La Quête de l'Oiseau du Temps
La Quête de l'Oiseau du Temps

Ah la Quête … inutile de vous dire que je ne serai pas des plus objectif (même si j’essaierai), les 3ers tomes m’ont toujours accompagné et la conclusion découverte plus tard en B.U. (un comble) reste un souvenir émouvant. C’est le finish récent de son préquel qui m’a donné envie de me replonger dans cette série, histoire de voir et comparer … et il y a pas à tortiller du cul, la Quête c’est la Quête, un monument du 9eme art. J’ai pris un pied absolu à relire cette série. Tout est là, ça ne vieillit pas et ça reste une référence dans le domaine. Cerise sur le gâteau et malgré son bel âge, mon édition bd sent bon, elle possède un parfum suranné des plus exquis. Bref je m’égare mais qu’en était-il vraiment ? 2 jeunes auteurs, alors quasi inconnus, qui marqueront le paysage de la Fantasy. Loisel impose sa patte d’office et son trait ne cessera de s’améliorer au fil des parutions. On critique pas mal les couleurs et son dessin dans les 2ers tomes mais je trouve le tout toujours très bon. J’aime la construction de ses planches et Akbar apparaît des plus vivantes, on y croit et on peut plonger totalement dans cet univers. Univers que l’on va se faire une joie d’explorer sous les récits de Le Tendre. Chaque album monte en puissance et en maturité. J’ai bien mes préférences mais je les aime vraiment tous. Le premier, bien sûr, lance l’aventure de belle façon. Un peu classique dans son déroulé mais il pose les bases d’un monde et d’une quête que l’on a soif de découvrir. L’ADN de la série est déjà là et tout est intelligemment amené pour les amateurs : les personnages, les marches, le bestiaire, la dangerosité de ce monde … un résultat fluide, équilibré et d’une belle richesse. Le deuxième continue sur les mêmes bases mais n’oublie de voyager et d’amener d’autres peuples. Toujours aussi classique dans son déroulé mais c’est exécuté de main de maître, il n’y a rien à jeter, je ne vois pas comment il aurait pu être mieux. J’aime le lieu, Bodias, les péripéties et ce côté sombre qui plane. Le troisième est une tuerie absolue, la quête se fait moins présente, nos héros rencontreront en chemin Le Rige … Ce tome est un vrai travail d’orfèvre niveau ambiance et émotions. Tout est parfaitement orchestré et millimétré, on saisit à travers des silences et non dits, le ressenti des personnages comme jamais. Un album magique qui m’attrape à chaque fois. Le quatrième, enfin (ou à regret), conclue magistralement cette épopée. Nous quitterons nos héros avec ce sentiment de ah ouais ! on a lu un chouette truc là ! Une série loin d’être fade et qui vous marquera. Pour moi c’est plus que culte, ça m’a évidemment marqué mais avec un peu de recul et l’âge, c’est franchement toujours aussi bon. Une réalisation de haute volée qui s’affranchit des décennies, pour une histoire divertissante où le lecteur n’est pas pris pour un idiot. Un incontournable du genre.

10/12/2024 (modifier)
Couverture de la série Innovation 67
Innovation 67

"Innovation 67" fait partie d'une série dessinée de mains de Maître par un grand de la BD belge, Baudouin Deville. Ce très sympathique auteur, secondé par un superbe scénariste Patrick Weber, nous présente ici un quatrième Opus très bien ficelé. Un événement tragique, qui aurait très bien pu être oublié ou ne pas être connu à l'extérieur de la Belgique. Deville et Weber nous présentent ici le magnifique magasin "Innovation" à Bruxelles à une époque où ces grandes surfaces étaient des lieux de rencontre de toute une ville. Le travail de ce duo fantastique est tout simplement magnifique! Là où de nombreuses personnes ont perdu la vie, tous les détails qui ont mené à ce drame épouvantable sont décrits avec grande habileté tant par la ligne claire de Baudouin Deville que par le fil conducteur de Patrick Weber. Ce tome 4 de la série, dont Kathleen est la protagoniste, est un petit bijou à lire absolument!

09/12/2024 (modifier)
Couverture de la série Un printemps à Tchernobyl
Un printemps à Tchernobyl

J'ai beaucoup aimé cette lecture. Emmanuel Lepage a été mandaté par un collectif écolo et anti nucléaire pour nous faire frémir sur les conséquences de la catastrophe de 1986. Lepage ,dans ses documentaires, à la volonté d'être autant acteur que témoin. Cela explique à mes yeux cette première partie où il est au centre de la narration. J'ai trouvé cela un peu lourd dans d'autres séries mais pas ici. En effet une grande partie de la série m'a replongé dans l'ambiance Covid. Le choix que doit faire Lepage et ses compagnons face au Césium m'a rappelé le choix que certains professionnels ou bénévoles ont du faire au début de l'épidémie. Comment gérer une angoisse face à un ennemi invisible qui peut détruire votre relation aux autres et surtout peut dangereusement affecter votre environnement affectif. Prendre un risque pour soi c'est être courageux, ramener ce risque à la maison , c'est un autre questionnement. La partie ukrainienne possède une construction très intelligente. On commence classiquement par une vision dystopique d'espaces vides, d'hommes en armes, de friches industrielles pleines de fantômes qui dansent sur la musique des crépitements des compteurs radioactifs. Mais en même temps que la neige fond un vent nouveau pousse l'auteur dans la rencontre avec les survivants qui ont décidé de rester sur place. Ces rencontres permettent à Lepage de rendre hommage à ces centaines de milliers de volontaires soviétiques devenus des "liquidateurs" pour minimiser les effets de la catastrophe au péril de leurs vies pour sauver les nôtres. Pas de cannibales à la Mc Carthy ici, mais des hommes simples et marqués à qui Lepage donnent un visage avec beaucoup de respect. Le récit prend alors une direction inattendue pour l'œil de l'artiste qui découvre une vie nouvelle colorée, riante et amicale dans cette zone bannie. L'excellence du graphisme de Lepage n'est plus à démontrer. L'auteur abandonne le monde de la mer pour peindre avec le même bonheur trains, villages ou villes abandonnées. Il réussit à se mettre en scène d'une façon crédible comme personnage qui s'approprie petit à petit son environnement au milieu d'un danger invisible. Ses portraits nombreux donnent beaucoup de vie à un espace que l'on n'imagine pas ainsi. D'un témoignage descriptif et technique , Lepage passe petit à petit à un témoignage qui met l'humain au premier plan avec la multiplication des réunions enjouées de son groupe avec les habitants de la région. Une lecture importante pour se faire une idée non fantasmée des conséquences d'un accident nucléaire de première importance. Lecture servie et soutenue par un très beau graphisme.

08/12/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Les Idolâtres
Les Idolâtres

Le dessin, c'est la vie. - Ce tome est de nature autobiographique et peut être lu sans rien connaître de l’auteur. Thématiquement, il constitue un second volet après La Synagogue paru en 2022. La première édition date de 2024. Il a été réalisé par Joann Sfar pour le scénario et les dessins. La mise en couleurs a été réalisée par Brigitte Findakly. La station s’appelle Auron. L’immeuble que le père de Joann a fait construire a pour nom L’étoile polaire. La mère de l’auteur est morte au chalet Le Megève. Joann apprend la mort de Serge Gainsbourg le 2 mars 1991, dans un téléphérique. Il est à Auron, la station de sports d’hiver où sa mère est morte dix-sept ans plus tôt. Il n’a pas su la mort de sa mère donc il pleure pour Serge Gainsbourg. De la même façon qu’on découvrira ses larmes pour Claude François. De l’un et l’autre il ne connaissait que des images filmées ou photographiées. C’est ça l’idolâtrie ? Il les dessine. Cap de Nice, allée Maeterlick, la famille Sfar vit au deuxième étage de cet immeuble, au-dessus de la mer, construit par son père. Joann croit que c’est sa mère qui a baptisé cette maison Le Chante Soleil. Le tout jeune Joann fait l’apprentissage de la propreté : il se trouve nu sur un pot sur le balcon, avec sa mère et une jeune fille au pair. Sa première œuvre ne fut ni un dessin ni une peinture mais plutôt une installation. Au sens où l’entend l’art moderne. L’artiste est nu sur un pot en train de pousser. Il tient à la main une coquillette crue. L’artiste, c’est lui. Maman le félicite, ainsi que la jeune fille au pair qui s’occupe de lui. On l’applaudit au sujet de cette capacité nouvelle à faire ses besoins sur commandes. Il se rappelle durant ce moment n’avoir d’intérêt que pour la pâte crue, ses courbes et son orifice. On s’en fout du caca. Ce qui est essentiel, c’est la coquillette. À quarante ans, Joann Sfar se rend à des consultations dans le cabinet d’une pédopsychiatre. Il s’épanche au milieu de jouets sur un fauteuil d’enfant. Il évoque le souvenir du pot et de la coquillette : Ce fut la première où il éprouvait une joie semblable à celle qu’il ressent dans le dessin. C’est également, son premier souvenir conscient. Sa mère est morte quand il avait trois ans et demi. On lui a beaucoup répété que selon la science, il ne pouvait pas avoir de vrais souvenirs d’elle. Témoigner de l’événement de la coquillette, c’est affirmer que la science a tort et qu’il se rappelle très bien. Qu’il ne dessine pas, comme on lui a dit un jour, pour remplir des cases vides. Le manque et le vide, ce n’est pas pareil. Par association d’idées, il poursuit : Quand il mange, c’est sans fin, il n’est jamais rempli. Comme s’il ne s’apercevait pas qu’il existe un autre trou au bout de la coquillette. Le remplissage de cases blanches, il effectue parfois même les à-plats noirs à la plume fine. C’est satisfaisant. Mais c’est sans fin. Les images du monde provoquent sa fascination sidérée. Celles dont il est créateur sont un mouvement d’âme. Une tapisserie jamais finie par laquelle parfois il atteint l’épuisement qui l’apaise momentanément. S’il a lu La Synagogue, le lecteur sait qu’il va plonger dans un ouvrage dense, très personnel, pouvant donner la sensation d’éparpillement par moment, ou d’improvisation. Dans La synagogue, l’auteur expliquait qu’il compose et structure ses ouvrages, que le résultat final est bâti sur un plan détaillé, par opposition à une suite de réflexions se succédant par une association d’idées momentanée. En page cent-huit, il explicite la thématique du récit : Je dois m’en tenir à mon projet de récit thématique, par opposition aux autobiographies chronologiques. Il continue : Le premier album s’appelait La synagogue, et parlait de combat, de justice impossible et du modèle paternel. Si celui-là s’intitule Les idolâtres, Sfar doit rester sur l’image, la mère et l’absence. En gros, le dessin, son chemin, les mirages. S’il part sur Michel Gaudo, il faudrait faire un autre volume sur la magie, les sciences occultes et le jeu. S’il continue avec Clément Rosset, il dévoile ce qui pourrait constituer un album sur les philosophes. Le scénariste a conçu une structure narrative très sophistiquée : en fil directeur sa vocation de bédéiste racontée de manière chronologique jusqu’à la rencontre avec les camarades de son atelier. Dans ce tome, il reprend également les caractéristiques graphiques du précédent : en particulier l’attention portée aux décors, une réelle implication pour les représenter, pour ancrer son récit dans la réalité physique des différents environnements évoqués, à Nice, à Paris, à Auron en ouverture. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut nourrir différents a priori sur un tel ouvrage, et mêmes certains contradictoires entre eux. Trop nombriliste car l’auteur ne parle que de lui, trop intellectuel parce qu’il évoque la notion d’idolâtrie d’un point de vue religieux et philosophique. Trop éclaté dans sa structure et en même temps trop interconnecté entre les différents fils et les différentes anecdotes. Trop spontané dans ses dessins, et en même temps trop d’informations visuelles. Pour autant, dès les premières pages, la lecture s’avère facile, totalement personnelle et en même temps universelle. La forme du récit construit en réseaux de fils narratifs, avec des bourgeons d’anecdote s’avère savoureuse et très vivante, générant une sensation similaire à celles des dessins : une conversation à bâton rompu et en même temps une exploration thématique qui se ressent comme une discussion. Le lecteur pourrait trouver que l’auteur se montre parfois impudique, tout en ayant pleinement conscience qu’il s’agit d’une œuvre littéraire dont le créateur maîtrise parfaitement son mode d’expression qu’est la bande dessinée, pour produire les effets d’un discours vivant et articulé, sans se restreindre à un reportage factuel et véridique. D’ailleurs en page cent-quarante-quatre, le jeune Joann déclare que c’est important de mentir (en disant qu’il travaille pour Casterman, alors qu’il n’a aucun contrat avec eux, juste des rendez-vous avec un des éditeurs). En prenant du recul, le lecteur se dit qu’il peut appliquer cette déclaration à ce qui est raconté, et que comme le dit l’auteur cinq pages plus loin : il y a une vérité dans cette mise en scène. À la lecture, l’architecture du récit se comprend aisément : la colonne vertébrale constituée par les différentes étapes de l’apprentissage du dessin, des études, et de la recherche d’un éditeur, avec une prise de recul par le biais des séances chez une pédopsychiatre, et des rapprochements thématiques avec d’autres moments ultérieurs de sa vie, ou des rencontres avec des amis, des relations professionnelles, d’autres dessinateurs, d’autres créations comme le film Gainsbourg (vie héroïque) sorti en 2010. Au bout de quelques dizaines de pages, le lecteur se dit que l’auteur a déjà vécu plusieurs vies au vu de tout ce qu’il a pu accomplir, de toutes les personnes qu’il a rencontrées. Sfar a travaillé ou établit des liens avec Guillermo del Toro, Laetitia Casta (qui joue le rôle de Brigitte Bardot dans le film sur Gainsbourg), Mylène Jampanoï (qui incarne Bambou dans le même film), Farrid Boudjellal (à qui il rend hommage pour lui avoir cédé sa chambre lors d’un festival BD à Toulon), Jean-Jacques Sempé (1932-2022), Jacques Rouxel (1931-2004, créateur des Shadoks), Edmond Baudoin et son fils Hughes, Pierre Dubois (scénariste, écrivain, conteur, et elficologue), Doug Headline, etc. Pour autant, le récit reste accessible, même sans connaitre toutes ces personnes. L’auteur évoque également plusieurs créateurs comme Serge Gainsbourg (1928-1991), Claude François (1939-1978), John Boorman et son film Excalibur (1981), Marc Chagall (1887-1937), ainsi que trois dessinateurs de comics John Buscema (1927-2002), Kevin Nowlan et le maître Alex Raymond (1909-1956), sans oublier les frères Cresli et leurs pizzas, et aussi des héros comme Rahan et Conan. De temps à autre, le lecteur peut identifier une de ses propres créations comme le chat du rabbin, ou son adaptation du Roman (chanson) de Renart. Dans le même temps, le lecteur ressent bien que l’auteur garde le cap tout du long de sa biographique thématique. La narration visuelle conserve cette apparence qui n’appartient qu’à lui : une impression de dessins réalisés rapidement, sous l’inspiration du moment, ou dans le flux de la création, sans correction ni reprise, et sans finition pour rendre les traits plus assurés, leur donner une apparence finalisée. Outre les explications données par l’auteur lui-même, le lecteur voit bien que ces planches exigent plus de travail qu’elles n’en donnent l’air. La direction des acteurs permet de faire passer des émotions et des états d’esprit adultes et nuancés. Les tenues vestimentaires correspondent à l’époque, à l’âge des différents individus et à leur statut social. La représentation des environnements a nécessité un important travail de recherche pour correspondre à la réalité des lieux représentés, situés de manière précise, de Nice à Paris, en passant par Toulon, Auron, le musée Message biblique de Nice à Cimiez, sur la plage, dans une église, dans un cinéma, dans un train, dans le cabinet d’une pédopsychiatre, etc. L’artiste semble porté par son entrain, faisant usage des possibilités de la bande dessinée de passer en mode historique ou métaphorique d’une case à l’autre. Ainsi le lecteur se retrouve aussi bien au moyen-âge avec des moines copistes ou en Europe Centrale aux côtés d’un golem, que voir apparaître des animaux comme un éléphant (visualisation littérale de l’expression : l’éléphant dans la pièce) ou un loup (expression : il y a un loup), etc. Sans oublier la métaphore de la coquillette crue. L’idolâtrie : cette notion est abordée sous bien des angles, au travers des trois composants que sont l’image, la mère et l’absence, comme indiqué par l’auteur. La religion juive condamne l’idolâtrie, l’adoration des idoles, ou plutôt ici le report de l’amour ou de l’intérêt de la personne aimée ou d’un être humain, vers sa représentation. Joann Sfar met en scène le fait que sa vocation va à l’encontre de cet interdit religieux et culturel de son milieu, qu’il peut consacrer une quinzaine d’heures par jour à la pratique du dessin (cette représentation de l’individu ou de l’objet), que cette pratique l’apaise sans qu’il ne puisse être réellement rassasié. Il s’interroge sur la genèse de cette envie, en particulier le lien qu’il peut y avoir avec le fait d’avoir perdu sa mère alors qu’il était encore un jeune enfant. À plusieurs reprises, un personnage établit le danger de l’idolâtrie : Si on aime davantage une image que le réel, on est fichu, on ne se prosternera pas devant les idoles. Et aussi : Ce qui n’est pas permis, c’est de tomber en adoration face à une image. Ou encore un rabbin qui dit : Ils applaudissent tous Johnny Halliday, pendant ce temps-là, leur vie, elle file. Deuxième tome d’une autobiographie thématique : l’auteur continue d’enchanter le lecteur. Son investissement dans la narration visuelle est remarquable de bout en bout, à la fois pour cette sensation de spontanéité, à la fois pour la richesse visuelle et la qualité des reconstitutions. Comme la forme, le fond n’appartient qu’à l’auteur, sa vie personnelle dans toute sa richesse, ses expériences, ses amis et ses relations, sa culture et sa famille, tout ce qui en fait un être humain unique, avec une dimension universelle comme une évidence. Une belle humanité.

07/12/2024 (modifier)