La Synagogue

Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)

Joann Sfar cherche depuis trente ans à inviter son lecteur dans le monde juif. Tous ses récits sont des appels désespérés à la fraternité. "La Synagogue" marque sans doute le début de son épopée la plus intime. Cette fois, il va moins loin que l'Algérie du Chat du Rabbin ou que l'Ukraine de Klezmer. Il a fallu qu'il se trouve sur un lit d'hôpital en 2021 pour que le dessinateur ose enfin raconter ses vraies aventures d'adolescence.


1961 - 1989 : Jusqu'à la fin de la Guerre Froide Autobiographie Communauté juive En Provence... La BD au féminin Racisme, fascisme Sfar

C'est une génération qui se sent coupable d'être née après Hitler et de ne pouvoir le combattre. Des gosses poings serrés qui se disent que les fils de bourgeois déguisés en skinheads qui croisent leur route ne seront pas des ennemis à la hauteur de leur chagrin. C'est l'histoire des Juifs de France qui rêvent d'être comme tout le monde mais qui ne savent pas comment se rendre utiles lorsque des bombes commencent à exploser dans les synagogues. Derrière le plaisir du dessin et des bagarres, un récit salutaire pour rappeler aux jeunes ce que fut le Front National quand il ne faisait pas semblant d'être un parti comme les autres. "La Synagogue" est un récit qui rappelle la permanence des extrémismes politiques et la nécessité de les combattre, même si cette lutte doit être recommencée à chaque génération.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 30 Septembre 2022
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série La Synagogue © Dargaud 2022
Les notes
Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)
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31/01/2023 | Ro
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Par Gaston
Note: 4/5
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3.5 Cela faisait longtemps qu'un album de Sfar en solo m’avait autant captivé ! Depuis son film sur Gainsbourg, j'ai eu l'impression qu'il avait déconné en alignant des albums sans grand intérêt où on dirait qu'il se parlait tout seul ou du moins à un public élitiste dont je ne fais pas partie, avec un dessin de moins en moins travaillé. Ici, c'est vraiment un album du style de la meilleure époque de Sfar, sans doute parce que le sujet lui tient à cœur, tout le contraire de plusieurs de ses albums semblant avoir été faits à la va-vite juste pour s'amuser. Bon, on retrouve tout de même des défauts récurrents de l'auteur. Le ton est décousu et c'est clair que Sfar a fait l'album sans plan et dessine les scènes de sa jeunesse selon l'ordre où les souvenirs lui viennent en tête, mais cela ne m'a pas trop dérangé parce cela reste tout de même facile à lire et le propos est intéressant. Sfar raconte sa jeunesse dans le Nice des années 80-90. On va voir comment il a vécu la montée de l'antisémitisme des années 80, avec la montée du FN et l'apparition des skinheads. Il y aura beaucoup de réflexions au cours de l'album (normal pour du Sfar). Ce qui m'a surtout marqué est que l'auteur va finir par devoir faire un choix entre suivre les pensées de son grand-père pacifiste ou celles de son père qui n'a pas peur de sortir les poings. J'ai aussi aimé voir comment était le Nice de l'époque, la situation socio-politique de cette ville étant bien différente de ce que j'ai personnellement toujours connu. Bref, un album à lire si on a aimé Sfar à un moment dans sa vie.

25/06/2023 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
L'avatar du posteur Ro

Une fois n'est pas coutume, Joann Sfar pose un thème bien précis pour cette BD et, malgré les nombreuses digressions dont il fait forcément preuve, il s'y tient du début à la fin. Le thème, c'est sa propre jeunesse à Nice, comment il a été confronté tout au long à l'antisémitisme et comment cela aurait pu endurcir son cœur. A travers ses Carnets, Sfar s'est déjà beaucoup livré au jour le jour. Mais à ma connaissance, il n'avait jamais jusque là livré à l'œil public un autre Joann que celui de l'instant présent, il n'avait jamais raconté le Joann de son adolescence, plus de trente ans dans le passé, et il n'avait jamais vraiment parlé de son père. En cela, cet album sort des productions habituelles de l'auteur et se révèle aussi plus intime, plus réfléchi et plus structuré que nombre d'entre elles. Graphiquement, il fait le choix d'utiliser ici le même style que dans Le Chat du Rabbin, un style heureusement moins lâché et brouillon que pas mal de ses albums les plus récents qui m'ont fortement déçu. Ce n'est toujours pas ma tasse de thé mais au moins je ne trouve pas ça repoussant. La structure narrative reste propre à Sfar : elle n'est pas linéaire et suit davantage le fil de sa pensée, comme une conversation avec son lecteur. Comme à son habitude, il parle avant tout du monde juif et de sa propre personne, mais il mène ici plus intensément une réflexion sur son propre rapport à ce fameux monde juif et sur la période durant laquelle il a fait le choix de le défendre par une forme de violence plutôt que par les simples mots et images qu'il utilisera durant sa carrière d'artiste. Par le biais de nombreuses digressions sur sa famille, sur la ville de Nice et sur la politique, il nous présente le contexte de sa jeunesse niçoise dans les années 80 et début 90, et dresse un bilan assez rude de l'antisémitisme qu'il a côtoyé à l'époque, avec une quantité de skins et de racistes assez impressionnante pour quelqu'un qui n'a pas vécu ça. Et ce qui va devenir une forme de combat ou du moins d'endurcissement de sa part prend alors la forme d'une suite logique d'évènements, de rencontres et de dialogues, avec toujours le doute en toile de fond sur la bonne méthode à suivre et sur sa propre propension à la violence, quelque part entre la voie pacifique de son grand-père et celle bien plus hargneuse de son père, avocat célèbre mais aussi prompt à l'affrontement physique. Il y a toujours ces petits tics narratifs et graphiques qui m'agacent chez Joann Sfar mais j'ai trouvé cet album sincère et intéressant. C'est en tout cas l'un des albums personnels de cet auteur qui m'a le plus touché depuis pas mal d'années.

31/01/2023 (modifier)