L’Inde. Pas celle du Mahabharata, pas celle des Maharadjas non plus, ni celle de Bollywood.
Non, l’Inde de tous les jours, des gens ordinaires, des ouvriers sur un chantier de construction.
Un immeuble de logements sort de terre à Bangalore, et c’est le ballet des ouvriers. Ils sont recrutés (sans contrat) par le contremaître, sans forcément d’expérience et apprennent le métier de manœuvre sur le tas. Ils vivent sur place, le chantier avancera plus vite. Et puis il y a les différents corps de métiers, l’architecte, le donneur d’ordre, les futurs acheteurs d’un appartement dans l’immeuble…
On a la vie quotidienne, avec ses conflits entre ouvriers de confessions différentes, ses rebellions contre le patron qui essaie de payer moins et le contremaître qui retient les salaires à son profit, les ennuis quand le chantier prend du retard ou ne se passe pas comme prévu…
Ça pourrait être d’un ennui mortel, mais pas du tout, au contraire. Il est facile de s’attacher à tout ce petit monde, même les pas trop honnêtes. On voit bien qu’ils ont tous leurs motivations et puis finalement il se passe plein de choses sur ce chantier...
Le rendu graphique est intéressant, avec de beaux contrastes de couleurs, bleus et orangés se répondent pour une belle luminosité. Et les pleines pages sur l’avancement de l’immeuble sont magnifiques. On voit que l’auteur était sur place et a tout suivi sur le vif.
Bel ouvrage éditorial également. Je recommande.
Bien servi par le trait tout en finesse de Nancy Peña, ce récit propose une revisite du mythe de Jason et de ses argonautes. Le point de vue change radicalement puisque nous découvrons cette histoire au travers du regard de Médée.
Et non seulement l’idée était audacieuse mais, de plus, le pari est pleinement réussi. Médée nous y apparaît profondément humaine, jeune fille aux allures de garçon manqué puis femme déterminée mais fragile à la fois, amoureuse et libre, manipulatrice et manipulée, inventive, moderne. C’est réellement un très beau portrait de femme qui nous est offert ici.
Et si l’aventure se centre sur Médée, le récit demeure profondément ancré dans la mythologie grecque. Il s’agit « seulement » (si j’ose dire) d’un changement d’angle de vue, mais sans perte de l’essence dramatique, sans fantaisie malvenue. En lui retirant tout son aspect fantastique, les auteures recréent le mythe, lui apportant leur vision réaliste du destin tragique de Médée. Et celui-ci n'en a que plus d'impact encore !
Aujourd'hui, la série est terminée, avec une vraie fin conclusive. On peut lui reprocher çà et là quelques longueurs, une petite baisse de rythme durant de courts passages. Il n’empêche que, dans son ensemble, elle a réussi à demeurer passionnante, intelligente et joliment illustrée.
A découvrir si vous êtes attiré par les mythes et légendes de la Grèce antique.
A découvrir si vous aimez les portraits de femmes fragiles et fortes à la fois.
A découvrir si vous aimez le trait fin, fragile, délicat de Nancy Peña.
A découvrir… même si vous ne faites pas partie des catégories susmentionnées.
Je découvre cette série avec la parution du tome deux, qui vient conclure l'histoire... une histoire remarquablement construite et parfaitement maîtrisée d'un point de vue narratif, et ce malgré la complexité des thèmes abordés : voyage dans le temps, physique quantique et univers parallèles.
L'auteur a selon moi trouvé l'équilibre parfait : il s’est clairement documenté sur les sujets suscités, mais ne noie pas son scénario dans de la physique compliquée et inaccessible. Il a su prendre des libertés, sans pour autant trahir la théorie. De plus il parvient à contenir son scénario sur la longueur, et apporte des réponses logiques et satisfaisantes à toutes les questions posées lors du récit, ce qui n'était pas gagné ! Un fois toutes les clés en main, une relecture permet d'apprécier tous les détails du scenario.
Côté graphisme on remarque tout de suite les influences d’Otomo et Akira, notamment sur les superbes paysages de villes dévastées. Les planches sont magnifiques et l'utilisation des couleurs judicieuses.
Un diptyque remarquable, et immanquable pour les amateurs du genre.
Lupano m'avait fait rire avec Traquemage , la plume de Chemineau m'a séduit avec Le Travailleur de la nuit et La Bibliomule de Cordoue me faisait de l'œil.
La ville de Cordoue est la capitale administrative et culturelle de l'Etat d'Ibérie musulmane. Le contexte historique est clairement posée: la région est gouvernée par la dynastie des Omeyyades de Cordoue depuis la fin du VIIIè siècle, c'est à dire très peu de temps après la conquête arabe en Espagne. Mais l'histoire se déroule plus tard, à la fin du Xème siècle, au milieu d'un pan historique pour le monde arabe et l'Europe: Cordoue, alors califat indépendant et uni, rayonnant et reconnu à travers le monde pour sa soif de connaissances scientifiques et culturelles, menace de s'éclater en morceaux sous le règne de Hicham II, calife jeune et fragile intronisé à 11 ans, déléguant son pouvoir l'ambitieux vizir al-Mansur. Ce dernier, d'esprit autoritaire et guerrier, décide l'organisation d'autodafés pour réduire en cendres les innombrables documents rédigés et stockés dans la Bilbiothèque de Cordoue.
C'est donc le crépuscule d'une époque culturelle rayonnante et l'aube d'une période sombre, où les guerres domineront le territoire et les livres scientifiques seront perçus comme une hérésie à combattre.
Mais les personnages de cette fiction apportent une grande lumière d'espoir face à ce sombre destin. L'eunuque, l'homme de lettres le plus cultivé de la Bibliothèque, met en place un plan de fuite de la ville en emportant avec lui le maximum de livres possibles. Aidé par une esclave, il sera amené à partager également sa quête avec un vaurien voleur, avec la mule qui l'accompagne. Quelle bande de joyeux lurons ! J'ai passé du bon temps à suivre leur parcours, même si le scénario a quelque chose de redondant puisque nous les regardons marcher tout du long. La mule est assez géniale et vraiment j'adore le dessin, dont la rondeur apporte une joie pétillante. Les couleurs sont tout aussi réussi et puis les pages sont épaisses, c'est très plaisant.
Une BD qui peut vraiment plaire à tous lecteurs, on prend du bon temps, l'aventure est prenante, on apprends plein d'anecdotes, on apprend l'histoire, on peut très bien s'étendre aussi sur une réflexion plus philosophique... Par-dessus tout, j'ai adoré comment les auteurs ont exploité l'histoire pour mettre en place cette fiction, et les idées qui s'en dégagent : ne jamais rien prendre pour acquis, ce qui est arrivé dans l'Histoire peut arriver de nouveau, la connaissance ouvre à la liberté, et l'éducation c'est la base. Et puis j'adore ce rappel de l'Histoire qui montre toute la diversité, la complexité et la richesse du monde arabe. Une histoire arabe que l'on se doit de lier avec celle de la civilisation européenne. Une histoire qui montre :
- l'ignorance (la mienne en tout cas) sur ce que nous devons à la civilisation arabe;
- l'ouverture d'esprit, la curiosité et la connaissance qui émane de n'importe qui, religieux ou non.
C'est aussi un pan de l'histoire qui fait écho avec les actualités, ne rien prendre pour acquis :
- il y a 1 ou 2 ans au Canada, autodafés de BD de Lucky Luke et de Tintin parce-qu'elles étaient jugés mauvaises pour les autochtones.
- associations ukrainiennes qui "recyclent" des livres russophones ou pro-soviétiques dans son pays pour soutenir financièrement l'Ukraine (?)
Un super moment à lire et à partager
Je suis tombé par hasard sur cet album qui m'a fait une excellente impression. Il s'agit d'un survival en pleine jungle, et il ne m'en fallait pas plus pour apprécier ce récit, étant passionné depuis longtemps par les Bd de jungle (tout comme au cinéma d'ailleurs, les films de jungle m'ont toujours apporté de bonnes sensations). Il y a dans cet environnement quelque chose de fascinant, de mystérieux, ça grouille toujours de dangers potentiels, et ici j'ai l'impression que c'est décuplé.
Pourquoi est-ce que mon film préféré est Predator ? je ne l'ai jamais trop su, j'ai vu ce film une bonne soixantaine de fois, j'en connais toutes les répliques par coeur, et je le revois encore sans me lasser... il y a une sorte d'ambiance spécifique que je ne peux décrire qui me fascine dans ce film, on s'attend à une banale mission militaire, le groupe de mercenaires commandés par Schwarzenegger vient à bout sans mal d'un camp de guerilleros, et puis ensuite, ils se retrouvent confrontés à l'inconnu, à une créature extraterrestre très douée et à l'instinct de chasseur.
J'ai ressenti exactement la même impression en lisant cet album, car ça m'a fait énormément penser à Predator pendant toute une partie, mais ça s'en écarte, car ici il y a un côté surnaturel avec le Latah, cependant, le récit conserve son aspect réaliste, en cela, Legrain a réussi à mixer ces 2 aspects de façon virtuose, sans que l'un déborde sur l'autre. C'est ce qui m'a fait hésiter à ranger la Bd en fantastique, et finalement j'ai opté pour l'aventure.
La bande rappelle aussi plusieurs films sur le Vietnam comme l'inévitable Platoon ou même Hamburger Hill, et aussi la superbe série des années 80, l'Enfer du devoir (Tour of duty), les progressions de GI's dans la jungle étant un des éléments qu'on retrouve dans ces oeuvres. Ici, la progression est remarquable, on ressent une oppression latente, une ambiance inquiétante bien rendue, une ambiance de jungle bien retranscrite. La mécanique scénaristique est extrêmement bien développée, avec des rebondissements qui entretiennent un suspense bien dosé, rendant ce survival prenant et captivant. L'originalité vient aussi qu'on ne s'attend pas à ce genre d'évolution, car le récit évite les histoires de guerre déja vues situées sur le front avec des scènes de combat ; les personnages sont plongés dans un autre enfer, inconnu. De plus, les nerfs des hommes sont mis à rude épreuve dans une ambiance tendue, car chacun cache un obscur vécu commun.
Seule la fin semble un peu légère, peut-être pas tout à fait au même niveau de la qualité narrative et de la densité du récit. Mais ceci n'est qu'accessoire.
Au niveau graphique, Legrain offre un dessin superbe, soigné, détaillé, j'aimais déja son style graphique sur Sisco, et ici, il réussit de belles images de jungle, avec une mise en page dynamique et très cinématographique ; le rendu des couleurs est aussi d'excellente qualité.
Voila donc une Bd qui m'a offert un très bon moment de lecture en cochant toutes les cases : scénario bien travaillé, dessin maîtrisé, cadrages étudiés, colorisation bien adaptée. J'en redemande !
Nicolas Juncker a déjà produit quelques belles réussites dans lesquelles il jouait déjà très bien de l’histoire, s’immisçant dans certaines périodes à la fois charnières et méconnues, pour livrer une version crédible et loufoque de la grande Histoire, sans pour autant négliger les ressorts de la petite. Je trouve qu’il a ici une nouvelle fois réussi son pari.
Ici, nous nous concentrons sur la période mai-juin 1958, en pleine guerre d’Algérie, alors que la quatrième République agonise, que les magouilles politiques et les ambitions militaires se télescopent, et que Charles de Gaulle tire les marrons du feu, en enfumant tout ce petit monde, tout en ne disant rien (en tout cas en public), si ce n’est des sommets de vide (l’inénarrable « Je vous ai compris » clôt de façon grandiose cet album, les malentendus qui le sous-tendent, accentués par les malentendants et les grandes gueules sans cerveaux).
La narration est très rythmée, les protagonistes très typés et bien présentés, et les dialogues sont souvent savoureux.
Pour cette vision des derniers instants de la quatrième République, Juncker s’est adjoint un très bon compagnon avec Boucq, dont le trait semi-caricatural convient parfaitement au sujet et au ton employé par Juncker pour le traiter. Il accentue juste ce qu’il faut certaines expressions, les trognes de ces militaires et de quelques hommes politiques perdant certes du côté solennel, mais gagnant en potentiel de dérision.
Un album épais, très bien complété par une mise au point d’un historien, et que j’ai vraiment bien aimé.
Je me suis bien amusé à lire cette série. Tout d'abord, j'apprécie l'humour de Lewis Trondheim. Cela se confirme encore avec ce personnage de Murphy/Drinkwater complètement improbable dans ce rôle de pied-tendre qui devient équipier du terrible Sam Bass en deux temps trois mouvements (de colt).
C'est d'ailleurs pour moi la relation entre les deux hommes qui fait tout le sel de la série. Trondheim s'amuse à respecter les codes du genre pour mieux les détourner au fil du récit. La gentille Betsy devient tueuse hystérique, Drinkwater se complait dans l'ambiguïté tout au long du récit et tous les autres sont des brutes vénales quel que soit leur position officielle par rapport à la loi.
Comme le dit le rédac-chef de Boston (sorte de Jonah Jameson), l'intrigue principale bourrée d'extravagances n'a que peu d'importance puisqu'il s'agit de captiver le lecteur naïf à coup de rebondissements qui tiendront le lectorat addict.
La présentation sous forme de publications feuilletons renforce cette lecture.
Cela permet à Matthieu Bonhomme de proposer un dessin simplifié (mais bon et dynamique) pour le corps du récit et de réserver son soin des détails et de la composition sur les belles couvertures de sa feuille de chou de "Texas Cow boys". Je trouve que le rendu d'un faux graphisme d'époque est bien réussi. Cela m'a installé dans une ambiance riche en second degré assez drôle.
J'ai trouvé cette lecture divertissante et qui ne se prend pas trop au sérieux. 3.5
Oui un 4/5 bien mérité pour une histoire sans fausse note. Matz a de la bouteille et sait écrire de bons scénarios. Le personnage principal est un tueur repenti qui doit témoigner contre d'autres, qui bien sûr veulent le dessouder pour qu'il la boucle. Notre homme au lieu de soliloquer tout seul comme dans Le Tueur parle à son chien, ou plutôt un petit coyote qu'il a adopté.
Ajoutons à cela un dessin qui fait mouche et nous promène dans les beaux paysages américains. Un ensemble de bonne facture pour un one shot qui ne déroge pas à la très bonne qualité générale de la collection Signé.
Je n'avais jamais trop accroché aux polars de Matz, mais ici j'ai bien aimé.
Pourtant, au final le récit est classique en dehors du fait que pour une fois on met bien en avant le programme de protection des témoins. Le personnage principal est du déjà vu: le vieux gangster malin qui se fait poursuivre par d'autres truands qui veulent le tuer, le vieux gangster qui déjoue les pièges parce qu'il est trop fort, le vieux gangster qui a une fille qui bien sûr veut pas lui parler parce qu'elle est honnête, le vieux gangster qui couche avec une femme sexy plus jeune que lui....
Bref notre personnage principal n'est pas original autant dans sa personnalité que dans ses actions et pourtant j'ai trouvé que c'était captivant de le voir survivre dans le désert. Il faut dire que les dialogues sont excellents et ça tombe bien notre vieux gangster aime bien parler à un coyote qu'il a trouvé par hasard. Le récit est bien maitrisé, la narration est fluide et ça se lit sans problème. Je ne suis pas fan de ce style de dessin que je trouve trop froid, mais ça va bien pour ce style de récit.
Donc voilà c'est pas un polar très original, mais au moins c'est prenant à lire !
Pierre-Henry Gomont est décidément un auteur à suivre. Ses œuvres sont globalement très bonnes et en plus il se renouvelle tout le temps et propose toujours des sujets différents, cela change des auteurs qui brassent les mêmes thèmes encore et encore.
On retrouve les qualités des œuvres de Gomont à savoir des personnages humains et attachants (j'aime particulièrement le magouilleur cynique), une histoire captivante se passant dans un contexte intéressant qu'on ne voit pas beaucoup dans une BD, des dialogues savoureux, une narration fluide et un très bon dessin. Ce premier tome est excellent et j'ai bien hâte de lire la suite.
J'ai rien d'autres à ajouter, d'autres posteurs ayant déjà beaucoup développé sur les qualités de l'album. J’avoue juste un 4 étoiles de plus pour cette série qui le mérite amplement. C'est à lire si on est fan de Gomont et c'est aussi à lire si on ne connait pas Gomont. Un des meilleurs auteurs modernes.
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L'Alcazar
L’Inde. Pas celle du Mahabharata, pas celle des Maharadjas non plus, ni celle de Bollywood. Non, l’Inde de tous les jours, des gens ordinaires, des ouvriers sur un chantier de construction. Un immeuble de logements sort de terre à Bangalore, et c’est le ballet des ouvriers. Ils sont recrutés (sans contrat) par le contremaître, sans forcément d’expérience et apprennent le métier de manœuvre sur le tas. Ils vivent sur place, le chantier avancera plus vite. Et puis il y a les différents corps de métiers, l’architecte, le donneur d’ordre, les futurs acheteurs d’un appartement dans l’immeuble… On a la vie quotidienne, avec ses conflits entre ouvriers de confessions différentes, ses rebellions contre le patron qui essaie de payer moins et le contremaître qui retient les salaires à son profit, les ennuis quand le chantier prend du retard ou ne se passe pas comme prévu… Ça pourrait être d’un ennui mortel, mais pas du tout, au contraire. Il est facile de s’attacher à tout ce petit monde, même les pas trop honnêtes. On voit bien qu’ils ont tous leurs motivations et puis finalement il se passe plein de choses sur ce chantier... Le rendu graphique est intéressant, avec de beaux contrastes de couleurs, bleus et orangés se répondent pour une belle luminosité. Et les pleines pages sur l’avancement de l’immeuble sont magnifiques. On voit que l’auteur était sur place et a tout suivi sur le vif. Bel ouvrage éditorial également. Je recommande.
Médée (Le Callet / Peña)
Bien servi par le trait tout en finesse de Nancy Peña, ce récit propose une revisite du mythe de Jason et de ses argonautes. Le point de vue change radicalement puisque nous découvrons cette histoire au travers du regard de Médée. Et non seulement l’idée était audacieuse mais, de plus, le pari est pleinement réussi. Médée nous y apparaît profondément humaine, jeune fille aux allures de garçon manqué puis femme déterminée mais fragile à la fois, amoureuse et libre, manipulatrice et manipulée, inventive, moderne. C’est réellement un très beau portrait de femme qui nous est offert ici. Et si l’aventure se centre sur Médée, le récit demeure profondément ancré dans la mythologie grecque. Il s’agit « seulement » (si j’ose dire) d’un changement d’angle de vue, mais sans perte de l’essence dramatique, sans fantaisie malvenue. En lui retirant tout son aspect fantastique, les auteures recréent le mythe, lui apportant leur vision réaliste du destin tragique de Médée. Et celui-ci n'en a que plus d'impact encore ! Aujourd'hui, la série est terminée, avec une vraie fin conclusive. On peut lui reprocher çà et là quelques longueurs, une petite baisse de rythme durant de courts passages. Il n’empêche que, dans son ensemble, elle a réussi à demeurer passionnante, intelligente et joliment illustrée. A découvrir si vous êtes attiré par les mythes et légendes de la Grèce antique. A découvrir si vous aimez les portraits de femmes fragiles et fortes à la fois. A découvrir si vous aimez le trait fin, fragile, délicat de Nancy Peña. A découvrir… même si vous ne faites pas partie des catégories susmentionnées.
Brane zéro
Je découvre cette série avec la parution du tome deux, qui vient conclure l'histoire... une histoire remarquablement construite et parfaitement maîtrisée d'un point de vue narratif, et ce malgré la complexité des thèmes abordés : voyage dans le temps, physique quantique et univers parallèles. L'auteur a selon moi trouvé l'équilibre parfait : il s’est clairement documenté sur les sujets suscités, mais ne noie pas son scénario dans de la physique compliquée et inaccessible. Il a su prendre des libertés, sans pour autant trahir la théorie. De plus il parvient à contenir son scénario sur la longueur, et apporte des réponses logiques et satisfaisantes à toutes les questions posées lors du récit, ce qui n'était pas gagné ! Un fois toutes les clés en main, une relecture permet d'apprécier tous les détails du scenario. Côté graphisme on remarque tout de suite les influences d’Otomo et Akira, notamment sur les superbes paysages de villes dévastées. Les planches sont magnifiques et l'utilisation des couleurs judicieuses. Un diptyque remarquable, et immanquable pour les amateurs du genre.
La Bibliomule de Cordoue
Lupano m'avait fait rire avec Traquemage , la plume de Chemineau m'a séduit avec Le Travailleur de la nuit et La Bibliomule de Cordoue me faisait de l'œil. La ville de Cordoue est la capitale administrative et culturelle de l'Etat d'Ibérie musulmane. Le contexte historique est clairement posée: la région est gouvernée par la dynastie des Omeyyades de Cordoue depuis la fin du VIIIè siècle, c'est à dire très peu de temps après la conquête arabe en Espagne. Mais l'histoire se déroule plus tard, à la fin du Xème siècle, au milieu d'un pan historique pour le monde arabe et l'Europe: Cordoue, alors califat indépendant et uni, rayonnant et reconnu à travers le monde pour sa soif de connaissances scientifiques et culturelles, menace de s'éclater en morceaux sous le règne de Hicham II, calife jeune et fragile intronisé à 11 ans, déléguant son pouvoir l'ambitieux vizir al-Mansur. Ce dernier, d'esprit autoritaire et guerrier, décide l'organisation d'autodafés pour réduire en cendres les innombrables documents rédigés et stockés dans la Bilbiothèque de Cordoue. C'est donc le crépuscule d'une époque culturelle rayonnante et l'aube d'une période sombre, où les guerres domineront le territoire et les livres scientifiques seront perçus comme une hérésie à combattre. Mais les personnages de cette fiction apportent une grande lumière d'espoir face à ce sombre destin. L'eunuque, l'homme de lettres le plus cultivé de la Bibliothèque, met en place un plan de fuite de la ville en emportant avec lui le maximum de livres possibles. Aidé par une esclave, il sera amené à partager également sa quête avec un vaurien voleur, avec la mule qui l'accompagne. Quelle bande de joyeux lurons ! J'ai passé du bon temps à suivre leur parcours, même si le scénario a quelque chose de redondant puisque nous les regardons marcher tout du long. La mule est assez géniale et vraiment j'adore le dessin, dont la rondeur apporte une joie pétillante. Les couleurs sont tout aussi réussi et puis les pages sont épaisses, c'est très plaisant. Une BD qui peut vraiment plaire à tous lecteurs, on prend du bon temps, l'aventure est prenante, on apprends plein d'anecdotes, on apprend l'histoire, on peut très bien s'étendre aussi sur une réflexion plus philosophique... Par-dessus tout, j'ai adoré comment les auteurs ont exploité l'histoire pour mettre en place cette fiction, et les idées qui s'en dégagent : ne jamais rien prendre pour acquis, ce qui est arrivé dans l'Histoire peut arriver de nouveau, la connaissance ouvre à la liberté, et l'éducation c'est la base. Et puis j'adore ce rappel de l'Histoire qui montre toute la diversité, la complexité et la richesse du monde arabe. Une histoire arabe que l'on se doit de lier avec celle de la civilisation européenne. Une histoire qui montre : - l'ignorance (la mienne en tout cas) sur ce que nous devons à la civilisation arabe; - l'ouverture d'esprit, la curiosité et la connaissance qui émane de n'importe qui, religieux ou non. C'est aussi un pan de l'histoire qui fait écho avec les actualités, ne rien prendre pour acquis : - il y a 1 ou 2 ans au Canada, autodafés de BD de Lucky Luke et de Tintin parce-qu'elles étaient jugés mauvaises pour les autochtones. - associations ukrainiennes qui "recyclent" des livres russophones ou pro-soviétiques dans son pays pour soutenir financièrement l'Ukraine (?) Un super moment à lire et à partager
Latah
Je suis tombé par hasard sur cet album qui m'a fait une excellente impression. Il s'agit d'un survival en pleine jungle, et il ne m'en fallait pas plus pour apprécier ce récit, étant passionné depuis longtemps par les Bd de jungle (tout comme au cinéma d'ailleurs, les films de jungle m'ont toujours apporté de bonnes sensations). Il y a dans cet environnement quelque chose de fascinant, de mystérieux, ça grouille toujours de dangers potentiels, et ici j'ai l'impression que c'est décuplé. Pourquoi est-ce que mon film préféré est Predator ? je ne l'ai jamais trop su, j'ai vu ce film une bonne soixantaine de fois, j'en connais toutes les répliques par coeur, et je le revois encore sans me lasser... il y a une sorte d'ambiance spécifique que je ne peux décrire qui me fascine dans ce film, on s'attend à une banale mission militaire, le groupe de mercenaires commandés par Schwarzenegger vient à bout sans mal d'un camp de guerilleros, et puis ensuite, ils se retrouvent confrontés à l'inconnu, à une créature extraterrestre très douée et à l'instinct de chasseur. J'ai ressenti exactement la même impression en lisant cet album, car ça m'a fait énormément penser à Predator pendant toute une partie, mais ça s'en écarte, car ici il y a un côté surnaturel avec le Latah, cependant, le récit conserve son aspect réaliste, en cela, Legrain a réussi à mixer ces 2 aspects de façon virtuose, sans que l'un déborde sur l'autre. C'est ce qui m'a fait hésiter à ranger la Bd en fantastique, et finalement j'ai opté pour l'aventure. La bande rappelle aussi plusieurs films sur le Vietnam comme l'inévitable Platoon ou même Hamburger Hill, et aussi la superbe série des années 80, l'Enfer du devoir (Tour of duty), les progressions de GI's dans la jungle étant un des éléments qu'on retrouve dans ces oeuvres. Ici, la progression est remarquable, on ressent une oppression latente, une ambiance inquiétante bien rendue, une ambiance de jungle bien retranscrite. La mécanique scénaristique est extrêmement bien développée, avec des rebondissements qui entretiennent un suspense bien dosé, rendant ce survival prenant et captivant. L'originalité vient aussi qu'on ne s'attend pas à ce genre d'évolution, car le récit évite les histoires de guerre déja vues situées sur le front avec des scènes de combat ; les personnages sont plongés dans un autre enfer, inconnu. De plus, les nerfs des hommes sont mis à rude épreuve dans une ambiance tendue, car chacun cache un obscur vécu commun. Seule la fin semble un peu légère, peut-être pas tout à fait au même niveau de la qualité narrative et de la densité du récit. Mais ceci n'est qu'accessoire. Au niveau graphique, Legrain offre un dessin superbe, soigné, détaillé, j'aimais déja son style graphique sur Sisco, et ici, il réussit de belles images de jungle, avec une mise en page dynamique et très cinématographique ; le rendu des couleurs est aussi d'excellente qualité. Voila donc une Bd qui m'a offert un très bon moment de lecture en cochant toutes les cases : scénario bien travaillé, dessin maîtrisé, cadrages étudiés, colorisation bien adaptée. J'en redemande !
Un général, des généraux
Nicolas Juncker a déjà produit quelques belles réussites dans lesquelles il jouait déjà très bien de l’histoire, s’immisçant dans certaines périodes à la fois charnières et méconnues, pour livrer une version crédible et loufoque de la grande Histoire, sans pour autant négliger les ressorts de la petite. Je trouve qu’il a ici une nouvelle fois réussi son pari. Ici, nous nous concentrons sur la période mai-juin 1958, en pleine guerre d’Algérie, alors que la quatrième République agonise, que les magouilles politiques et les ambitions militaires se télescopent, et que Charles de Gaulle tire les marrons du feu, en enfumant tout ce petit monde, tout en ne disant rien (en tout cas en public), si ce n’est des sommets de vide (l’inénarrable « Je vous ai compris » clôt de façon grandiose cet album, les malentendus qui le sous-tendent, accentués par les malentendants et les grandes gueules sans cerveaux). La narration est très rythmée, les protagonistes très typés et bien présentés, et les dialogues sont souvent savoureux. Pour cette vision des derniers instants de la quatrième République, Juncker s’est adjoint un très bon compagnon avec Boucq, dont le trait semi-caricatural convient parfaitement au sujet et au ton employé par Juncker pour le traiter. Il accentue juste ce qu’il faut certaines expressions, les trognes de ces militaires et de quelques hommes politiques perdant certes du côté solennel, mais gagnant en potentiel de dérision. Un album épais, très bien complété par une mise au point d’un historien, et que j’ai vraiment bien aimé.
Texas Cowboys
Je me suis bien amusé à lire cette série. Tout d'abord, j'apprécie l'humour de Lewis Trondheim. Cela se confirme encore avec ce personnage de Murphy/Drinkwater complètement improbable dans ce rôle de pied-tendre qui devient équipier du terrible Sam Bass en deux temps trois mouvements (de colt). C'est d'ailleurs pour moi la relation entre les deux hommes qui fait tout le sel de la série. Trondheim s'amuse à respecter les codes du genre pour mieux les détourner au fil du récit. La gentille Betsy devient tueuse hystérique, Drinkwater se complait dans l'ambiguïté tout au long du récit et tous les autres sont des brutes vénales quel que soit leur position officielle par rapport à la loi. Comme le dit le rédac-chef de Boston (sorte de Jonah Jameson), l'intrigue principale bourrée d'extravagances n'a que peu d'importance puisqu'il s'agit de captiver le lecteur naïf à coup de rebondissements qui tiendront le lectorat addict. La présentation sous forme de publications feuilletons renforce cette lecture. Cela permet à Matthieu Bonhomme de proposer un dessin simplifié (mais bon et dynamique) pour le corps du récit et de réserver son soin des détails et de la composition sur les belles couvertures de sa feuille de chou de "Texas Cow boys". Je trouve que le rendu d'un faux graphisme d'époque est bien réussi. Cela m'a installé dans une ambiance riche en second degré assez drôle. J'ai trouvé cette lecture divertissante et qui ne se prend pas trop au sérieux. 3.5
Le Serpent et le Coyote
Oui un 4/5 bien mérité pour une histoire sans fausse note. Matz a de la bouteille et sait écrire de bons scénarios. Le personnage principal est un tueur repenti qui doit témoigner contre d'autres, qui bien sûr veulent le dessouder pour qu'il la boucle. Notre homme au lieu de soliloquer tout seul comme dans Le Tueur parle à son chien, ou plutôt un petit coyote qu'il a adopté. Ajoutons à cela un dessin qui fait mouche et nous promène dans les beaux paysages américains. Un ensemble de bonne facture pour un one shot qui ne déroge pas à la très bonne qualité générale de la collection Signé.
Le Serpent et le Coyote
Je n'avais jamais trop accroché aux polars de Matz, mais ici j'ai bien aimé. Pourtant, au final le récit est classique en dehors du fait que pour une fois on met bien en avant le programme de protection des témoins. Le personnage principal est du déjà vu: le vieux gangster malin qui se fait poursuivre par d'autres truands qui veulent le tuer, le vieux gangster qui déjoue les pièges parce qu'il est trop fort, le vieux gangster qui a une fille qui bien sûr veut pas lui parler parce qu'elle est honnête, le vieux gangster qui couche avec une femme sexy plus jeune que lui.... Bref notre personnage principal n'est pas original autant dans sa personnalité que dans ses actions et pourtant j'ai trouvé que c'était captivant de le voir survivre dans le désert. Il faut dire que les dialogues sont excellents et ça tombe bien notre vieux gangster aime bien parler à un coyote qu'il a trouvé par hasard. Le récit est bien maitrisé, la narration est fluide et ça se lit sans problème. Je ne suis pas fan de ce style de dessin que je trouve trop froid, mais ça va bien pour ce style de récit. Donc voilà c'est pas un polar très original, mais au moins c'est prenant à lire !
Slava
Pierre-Henry Gomont est décidément un auteur à suivre. Ses œuvres sont globalement très bonnes et en plus il se renouvelle tout le temps et propose toujours des sujets différents, cela change des auteurs qui brassent les mêmes thèmes encore et encore. On retrouve les qualités des œuvres de Gomont à savoir des personnages humains et attachants (j'aime particulièrement le magouilleur cynique), une histoire captivante se passant dans un contexte intéressant qu'on ne voit pas beaucoup dans une BD, des dialogues savoureux, une narration fluide et un très bon dessin. Ce premier tome est excellent et j'ai bien hâte de lire la suite. J'ai rien d'autres à ajouter, d'autres posteurs ayant déjà beaucoup développé sur les qualités de l'album. J’avoue juste un 4 étoiles de plus pour cette série qui le mérite amplement. C'est à lire si on est fan de Gomont et c'est aussi à lire si on ne connait pas Gomont. Un des meilleurs auteurs modernes.