Gilbert Shelton est un des principaux tenants de l’underground américain des années 1960-80 (même s’il a publié après cette période).
Super-Phacochère a sans doute été l’une de ses premières publications, à l’origine dans un journal étudiant. Et on sent bien en lisant cet album que l’auteur en était à ses débuts, et qu’on était dans une publication proche du fanzinat.
En effet, je pense que l’auteur naviguait à vue, improvisant pas mal les intrigues, c’est clairement foutraque.
L’album est présenté comme un tome 1, il y a sans doute eu d’autres histoires publiées aux États-Unis, mais il est resté orphelin. En l’état, il ne m’a pas forcément convaincu.
Certes, il y a le côté n’importe quoi jouissif de ce type d’underground. Il y a aussi des critiques de la société de consommation américaine. On a aussi une quasi parodie de Superman (comme lui Super Phacochère déambule sous une fausse identité, celle d’un journaliste, Philbert Desanex – qui a aussi donné lieu à un petit album, que j’avais trouvé sympathique – Le 100.000e Rêve de Philbert Desanex).
Mais, globalement, ces aventures, qui mélangent une SF du pauvre, à un underground années 60/70, m’ont laissé sur ma faim. Shelton a fait mieux ensuite et ailleurs, et dans la même veine, d’autres auteurs (comme Rand Holmes par exemple) ont produit des choses qui passent mieux la barrière des années.
Un album probablement à réserver aux amateurs de l’auteur, et à ceux que l’underground américain de cette époque intéresse.
Je suis un peu circonspect après lecture des deux premiers tomes.
Sur le simple premier tome j’aurais sans doute été un peu plus généreux, mais le deuxième m’a laissé de côté.
Le premier tome est dynamique, très rythmé, et on suit avec plaisir l’enquête de Bertillon dans une communauté de forains. Les divers rebondissements permettent de rencontrer des personnalités en marge, et notre Bertillon, se fait ballotter, tout en gardant un certain contrôle sur les événements. Par contre la fin, avec un fantastique qui prend trop le pas sur l’intrigue ordinaire, m’a moins plu.
Le deuxième album ne m’a pas vraiment intéressé. D’abord parce que l’intrigue est moins rythmée et prenante, avec des personnages moins attachants.
Ensuite parce que j’ai trouvé le dessin plus brouillon, moins réussi que dans le tome précédent.
Je pense que je vais m’arrêter là avec cette série.
Note réelle 2,5/5.
Entre quelques rares moments très violents (les massacres de soldats « coloniaux – Noirs donc – par des soldats allemands), le premier tome nous fait entrer de plain-pied dans une guerre et une occupation presque bon enfant, avec des soldats allemands éloignés des SS tortionnaires, des prisonniers de guerre presque en semi-liberté au milieu de la population bretonne (le « Stalag » est ici franchement peu contraignant !). D’autres facilités encore, certaines pointées par bamiléké.
Si je comprends que cela puisse surprendre et/ou énerver, je pense qu’il ne s’agit pas ici de faire une série totalement réaliste et véridique. Je suis prêt à accepter certaines distances prises avec la réalité par Kris, pour développer son récit, avec un côté sans doute bien plus sucré et gentil que la réalité (et le dessin de Fournier, lui aussi tout en rondeurs, ne fait qu’accentuer cet état d’esprit), mais en tout cas l’histoire se laisse lire plaisamment.
En effet, si certains aspects peuvent paraître édulcorés (la France pétainiste est quasi absente – seul le retour du fils haineux l’incarne, les soldats et officiers allemands sont loin d’être des salauds), l’histoire nous amène quand même à une certaine noirceur. D’abord parce que Kris évite le happy end que je voyais poindre un moment. Ensuite parce qu’il dénonce clairement le scandaleux et hypocrite traitement infligé par la France aux anciens combattants africains – jusqu’aux massacres de ceux qui réclamaient un égal traitement (financier autant que moral) avec les Français de souche.
Un diptyque agréable à lire, et finalement plus noir qu’on pourrait le penser.
Note réelle 3,5/5.
Angela Davis fait partie des personnes qui méritent largement qu’on s’y intéresse, tant elle a incarné une certaine idée de la révolte. Mais aussi parce que son parcours éclaire bien pas mal de maux de la société américaine moderne : le sexisme, les inégalités sociales, et le racisme viscéral, tous ces travers qu’elle a combattu toute sa vie. Marxiste (influencée par Herbert Marcuse entre autres), elle illustre aussi l’hypocrisie d’une société prétendument permissive et démocratique, mais qui n’a jamais accepter les idées marxistes – ou toutes celles qui visaient à l’émancipation des minorités et/ou classes « laborieuses ». C’est l’anti Hoover par excellence.
Un personnage intéressant donc, qui peut être « expliqué » avec plusieurs angles d’attaque. Mais, si j’ai été moins déçu de ma lecture que Ro, j’ai quand même trouvé que les auteurs avaient privilégié la forme par rapport au fond. La construction narrative est ainsi relativement originale, en mélangeant plusieurs styles graphiques et narratifs. Mais je n’ai pas trouvé le procédé heureux, cela gêne plutôt la lecture, et nous fait perdre le fil rouge (l’entame est ainsi bizarre, je me suis demandé assez longtemps qui était cette narratrice, et j’ai trouvé qu’elle nous éloignait d’Angela, même si elle sert à « planter le décor »).
Reste que, même haché par une narration parfois chaotique, cet album permet quand même de faire découvrir une époque et une personne (elle épouse la plupart des luttes sociales et politiques des trente années d’après-guerre, l’arrivée au pouvoir de Reagan et de l’ultra libéralisme décomplexé achevant ce qui pouvait s’apparenter à une parenthèse politique que Davis aura marqué de son empreinte).
Clairement pas idéale comme biographique, mais je suis plus indulgent que Ro, c’est une porte d’entrée vers le personnage qui n’est pas inintéressante (une petite biblio/filmographie complète l’album.).
Note réelle 2,5/5.
Assez décevant au final. Décevant car sur le papier j’apprécie les intervenants : Nicolas Siner je le suis depuis Horacio d’Alba et sur les illustrations il fait plus que le taf ; Scarlett Smulkowski toujours une valeur sûre sur les couleurs ; Benoît Dellac n’est pas aussi tranchant et impactant que sur ses dernières parutions mais l’essence de son dessin est bien présent, on peut trouver à y redire sur certains détails ou composition mais c’est néanmoins plaisant à regarder. Reste Jean-Pierre Pécau que je connais surtout de nom, malheureusement c’est le maillon faible dans cette histoire, pas de bol c’est pour le scénario, pas le boulot le moins important donc.
Non mais l’idée de base est intéressante : un français s’exile dans l’ouest américain après l’échec de la révolution de 1848. Le far west vécu du point de vue d’un frenchy donc, j’ai trouvé l’idée cocasse. Problème : scénario pas intriguant, direct on nous révèle qu’il s’agit d’une « bête » histoire de vengeance, alors le premier tome se focalise sur cette intrigue, puis ensuite notre héros digresse dans ses aventures avant que cette histoire de dette de sang ne soit remise sur le tapis dans le dernier tome. Problème : le lecteur que je suis a essayé vaguement de s’intéresser aux sous intrigues qui jalonne la quête principale du héros, mais on s’en fout de ces histoires de « placers », de général français à la mord-moi-le-nœud et ses plans pourris qui capotent à chaque coup, à cette péripatéticienne qui n’apporte absolument rien au scénario, j’ai nommé Lola Montez, dont le tome 2 porte son nom on se demande encore pourquoi… D’ailleurs la donzelle est tellement intéressante qu’elle disparaît au tome 3, à part montrer son cul sous tous les angles elle n’avait rien à dire.
Donc résumons : l’intrigue principale manque d’étoffe, bien que le contexte historique lui soit diablement intéressant (les noms de penseurs proto-communistes tels que Charles Fourier, Etienne Cabet, Saint-Simon ou Robert Owen, fondateurs de l’utopie socialiste, m’étaient totalement inconnus avant ce jour) ; les personnages sont nuls (mon Dieu je pense encore au gamin Mace, véritable tête à claque qui subitement passe de gros simplet idiot du village à shotgun principal porte-flingue de l’armée française) ; les dialogues peuvent se lire en diagonal, le découpage, la construction du récit a un problème de « fluidité » à mon sens : on n’est souvent paumé en terme de temps et de lieu.
Bref, il y a de bonnes idées mais ça manque de solidité dans les bases, l’exécution et les finitions.
La Flandre va proclamer unilatéralement son indépendance.
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Cet ouvrage présente des fragments de vie de chacun des sept rois des Belges. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Jean-Philippe Thivet & Arnaud de la Croix pour le scénario, par Vicente Cifuentes pour les dessins, par Davide De La Cal pour les couleurs. Il compte cinquante-cinq pages de bande dessinée. Il se divise en sept chapitres, chacun consacré à un roi différent, par ordre chronologique, chacun s’ouvrant avec un portrait dessiné, et se terminant avec un texte de deux pages, illustré de photographies sur des points remarquables de chaque règne. Il se termine avec une page hybride, bande dessiné et texte, consacrée à Élisabeth de Saxe-Cobourg et Gotha.
Léopold 1er, le mercato des princes – Cette histoire commence au moment où Napoléon abat ses dernières cartes. L’Empereur, qui a mis l’Europe à feu et à sang, a dressé contre lui une puissante coalition d’alliés britanniques, allemands, néerlandais et prussiens. Aux portes de Bruxelles, il va jouer son va-tout. À Paris en 1808, il a croisé Léopold de Saxe-Cobourg-Saalfeld, prince désargenté, né en 1790, qui servait dans les rangs du tsar de Russie. Napoléon dira que : S’il se souvient bien, c’est le plus beau jeune homme qu’il ait pu voir aux Tuileries. Juin 1815, tandis que Napoléon s’est lancé dans une ultime campagne, les envoyés des grandes puissances se sont réunis à Vienne. Klemens Wenzel von Metternich annonce que l’ogre n’en a plus pour longtemps : il a été écrasé à Waterloo, non loin de Bruxelles. Un autre officiel intervient pour dire qu’il s’agit d’une bonne nouvelle, et qu’il faut décider de l’après. Le premier orateur reprend la parole pour dire que la solution est toute trouvée : exiler l’empereur déchu au loin, et confier au roi des Pays-Bas dont le fils s’est battu à Waterloo, la gestion d’un état tampon entre la France et ses voisins. Il reste à choisir qui en sera le roi.
Léopold II, le roi secret. Le 16 décembre 1865, le cortège funèbre qui conduit Léopold 1er à sa dernière demeure est suivi par une foule compacte. Les fils du roi suivent en carrosse. L’aîné Léopold a trente ans. Il mesure 1,90m. L’héritier du trône se souvient que son père l’appelait le sournois, il le surnommait le renard… et s’il avait raison ? Le lendemain Léopold II prête serment : il jure d’observer la constitution et les lois du peuple belge. Enfant, il passait les vacances d’été à Ostende. Une fois couronné, il y déambule sur la plage, considérant que le voilà roi d’un pays minuscule… mais après tout, un pays n’est jamais petit quand il est baigné par la mer. Il décide que sur le modèle de Nice ou de Biarritz, il fera de cette plage la reine des plages. Il tiendra parole… lorsqu’il se sera considérablement enrichi. À Bruxelles coule la Senne. Au moyen-âge, la cité est née de la rivière, qui alimente moulins et industries. Mais en 1866, c’est un égout à ciel ouvert. Une épidémie de choléra tue 3.647 Bruxellois ! Chirurgien du roi, Louis Deroubaix remet son rapport sur la situation : il est urgent d’assainir la ville. Dès l’année suivante, on entreprend de voûter la Senne. Le roi va encourager de nombreux autres chantiers dans la capitale.
Pour un novice en la matière, il peut être intimidant de s’intéresser à l’histoire séculaire de la royauté dans un pays, au vu de la longue chronologie à affronter, des différentes branches qui s’entrecroisent, et s’entredéchirent au gré de complexes unions. Au début du XXIe siècle, il existe six monarchies en Europe : au Danemark, en Espagne, au Luxembourg, au Pays-Bas, en Suède et en Belgique. Pour cette dernière comme le montre la couverture, la lignée compte sept monarques, ce qui la rend très accessible aux néophytes. Le lecteur découvre donc un chapitre pour chacun des sept rois, de neuf pages pour les cinq premiers, et de cinq pages pour les deux derniers. Il s’agit donc d’un ouvrage de vulgarisation, à destination de novices en la matière. Par exemple un lecteur qui ne saurait pas identifier le monument figurant sur la couverture (réponse : il s’agit des Arcades du Cinquantenaire, érigé à l’initiative du roi Léopold II, à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance de la Belgique, sa construction a commencé en janvier pour s’achever en septembre 1905). Le lecteur peut également évaluer l’intérêt de cette lecture pour lui en consultant la page d’ouverture d’un roi dont il a déjà entendu parler, pour se faire une idée de la nature du développement, par exemple pour Léopold II : Roi bâtisseur pour les uns, Roi massacreur pour les autres, il va marquer durablement le pays et demeure un personnage controversé.
Les auteurs ont confié la narration visuelle de chaque chapitre au même artiste, afin d’établir une continuité d’un roi au suivant. De fait, le dessinateur a fort à faire puisqu’il doit assurer une reconstitution visuelle historique depuis 1808 jusqu’à l’époque contemporaine. Le lecteur découvre des dessins propres sur eux : tracés de contour bien nets, dessins dans un registre descriptif et réaliste, nombre de cases variant de quatre à sept, cases majoritairement sagement disposées en bande, et bien sûr une attention particulière portée à la ressemblance des rois successifs. Le lecteur apprécie immédiatement l’équilibre de chaque page : la qualité de la reconstitution historique, le soin apporté aux détails. Cela commence avec la décoration intérieure de ce grand salon à Vienne au début du XIXème siècle et son ameublement, la tenue vestimentaire de chaque officiel présent, jusqu’à leur épée d’apparat, et les motifs de la tapisserie au mur. Le lecteur peut ainsi suivre l’évolution de la mode vestimentaire d’un chapitre à l’autre, et aussi celle des modes de déplacement, de l’urbanisme de Bruxelles, ou encore des moyens de communication, attestant du degré de rigueur du travail de recherches effectué.
Le lecteur se rend compte que l’artiste sait doser la densité d’informations visuelles sur chaque page pour éviter de produire une sensation d’étouffement, en intercalant des cases de discussions, ou plus aérées. Il se trouve également vite impressionné par l’effet d’intégrer des variations de tableaux célèbres, d’images d’archive ou de photographies. C’est une évidence en ce qui concerne tous les bâtiments, et c’est ce qui est attendu : le château de Laeken, la place royale de Bruxelles, les galeries royales d’Ostende, la gare royale de Laeken, la plage de Knokke-le-Zoute, le grand magasin L’Innovation, l’université de Gand, le Berhof à Obersalzberg dans les Alpes bavaroises, et d’autres paysages naturels, en particulier pour une escalade sur les rochers de Marche-les-Dames, dans la vallée de la Meuse, près de Namur. Incidemment, le lecteur se rend également compte que le dessinateur varie les mises en page avec discrétion et efficacité : cases de la largeur de la page, disposition en drapeau avec une case de la hauteur de la page et les autres comme y étant accrochées les unes en dessous des autres, cases en insert comme des cartes postales posées sur un fond qui est une carte géographique, une illustration panoramique de paysage de montagne sur une double page avec des cases en inserts par-dessus, cases aux bords arrondis pour un écran de télévision, etc.
De manière plus inattendue, les scénaristes jouent également avec la structure de plusieurs chapitres. Le premier respecte un ordre chronologique et une exposition explicative pour établir le début de l’existence du royaume de Belgique comme état indépendant, et les aléas menant au choix définitif de son premier souverain. Le second passe d’une grande réalisation à une autre pour établir comment Léopold II peut être à la fois un roi bâtisseur et un roi massacreur. Initialement, le troisième déroute car il se déroule dans l’ordre inverse à la chronologie, c’est-à-dire des titres de l’annonce du décès d’Albert Ier en remontant le temps jusqu’à sa première ascension. Le quatrième débute par la découverte en Égypte dans la vallée des Rois de la tombe intacte, d’un pharaon, et le suivant débute par un assassinat à bout portant. Le sixième débute par une (mémorable) fiction dans la fiction. Conscient des limites découlant de la pagination, les auteurs ont choisi de les tourner à leur avantage en se focalisant sur certains aspects de chaque règne, plutôt que de tout survoler, ou de provoquer une surcharge informative avec des pavés de texte indigestes, mangeant les images. Le lecteur apprécie de lire une vraie bande dessinée, plutôt qu’une suite d’articles encyclopédiques vaguement illustrés par des images redondantes. Restant un peu sur sa faim, il goûte d’autant mieux aux deux pages qui viennent compléter chaque chapitre, développant certains aspects de la royauté, des lieux, ou des personnages clé de chaque règne.
Bien sûr, le lecteur peut se montrer critique des choix opérés par les auteurs, et en particulier de ce qu’ils ont laissé de côté : la conception de la Constitution de la Belgique, la réalité de l’exploitation du Congo belge et de sa population, Blanche Delacroix évoquée en une case, les accomplissements politiques d’Albert Ier, l’opposition entre les partisans du retour de Léopold III et les opposants, l’absence de chapitre consacré à la régence de Charles Théodore Antoine Meinrad (1903-1983), les quatre cases consacrés à un assassinat dont la victime n’est même pas nommée (Julien Lahaut, 1884-1950), etc. Dans le même temps, il découvre de nombreuses mentions d’événements s’étant inscrit dans la mémoire culturelle belge, comme l’incendie du grand magasin L’Innovation. Chaque chapitre atteint son but : initier la curiosité du lecteur qui le termine avec l’envie d’en apprendre plus.
Un ouvrage d’initiation à la royauté belge en passant en revue les sept rois des Belges. Une vraie bande dessinée didactique, sans être encyclopédique, avec une narration visuelle impeccable et agréable. Une approche diversifiée, adaptée à la personnalité de chaque roi, avec des surprises dans la structure de certains chapitres. Une lecture très agréable, enrichissante, accessible, divertissante et instructive. Une grande réussite.
Je précise que je n’ai pas lu le roman original de Richard Adams avant cette lecture. Mon premier contact avec Watership Down s’est donc fait par ce roman graphique, et l’expérience a été immédiatement marquante. L’œuvre impose un univers dense, sombre et profondément adulte, bien loin d’un simple récit animalier, et réussit à captiver du début à la fin malgré son exigence.
Visuellement, le roman graphique est impressionnant. Le dessin, très naturaliste, donne aux lapins une vraie crédibilité animale sans jamais tomber dans l’anthropomorphisme excessif. Les ambiances sont magnifiques, parfois apaisantes, parfois oppressantes, et certaines scènes dégagent une violence sèche et brutale qui renforce la gravité du récit. Les décors et les couleurs participent pleinement à l’immersion et donnent une véritable identité à l’album.
Il est vrai que, sur certaines scènes, il peut être un peu difficile de reconnaître les différents lapins, notamment lors des passages de groupe. Les designs sont volontairement proches, ce qui peut entraîner une légère confusion. Cela dit, ce point n’est pas réellement dérangeant au final : il faut simplement rester attentif et concentré pendant la lecture, ce qui correspond bien au ton sérieux et à la densité de l’histoire.
La qualité de l’ouvrage mérite une mention toute particulière, notamment parce qu’il est édité par Monsieur Toussaint Louverture. Comme souvent avec cet éditeur, le travail éditorial est remarquable : fabrication solide, impression soignée, très beau papier, et une couverture sublimée par un vernis sélectif qui met parfaitement en valeur l’illustration. On sent un vrai respect de l’œuvre et du lecteur, avec un livre pensé comme un objet à part entière.
L’édition propose également de très bons compléments, notamment la carte fournie avec l’ouvrage, indispensable pour suivre les déplacements et comprendre la géographie des différentes garennes. Cette carte inclut aussi un vocabulaire propre à l’univers, ce qui aide à mieux saisir certains termes spécifiques au monde des lapins sans alourdir la lecture. Ce sont des ajouts discrets mais extrêmement appréciables.
Je suis d’ailleurs particulièrement content que ce soit Monsieur Toussaint Louverture qui édite cet album. C’est un éditeur qui propose régulièrement de magnifiques ouvrages, exigeants et soignés, comme le roman La Maison des feuilles ou d’autres titres marquants de leur catalogue. Leur identité éditoriale, très forte, correspond parfaitement à une œuvre aussi singulière et ambitieuse que Watership Down.
Sur le fond, le récit impressionne par sa maturité. Les thèmes de la survie, du pouvoir, de la peur, de la communauté et de la mort sont traités avec profondeur. La mythologie interne et les croyances des lapins donnent une richesse étonnante à l’univers et renforcent l’impact émotionnel de l’ensemble, même sans connaître le roman original.
Après la lecture, j’ai regardé le film d’animation de 1978, qui m’a paru très complémentaire et tout aussi marquant dans son approche plus brute. Je sais également qu’il existe une série Netflix, que je n’ai pas encore regardé.
En conclusion, ce roman graphique est une réussite totale. Une œuvre forte, sombre, ambitieuse, magnifiquement éditée, qui mérite pleinement son 5/5 et laisse une impression durable.
Je suis plutôt client de Mathieu Sapin et c'est son nom qui a attiré mon regard sur cet album au rayon jeunesse. Je ne connaissais pas le roman de Pennac dont c'est adapté et avec sa participation active comme souligné dans le dossier en fin d'ouvrage. Une oeuvre de 1984 soit 40 ans passés et déjà très affutée sur les relations entre le monde animal et l'humain qui le détruit à une époque où on parlait beaucoup moins d'écologie. C'est un regard croisé entre un loup enfermé dans un zoo et un enfant qui le fixe à travers les grilles. On vit alors l'histoire du loup bleu et comment il est arrivé là alors qu'il vivait tranquillement dans sa meute, puis on a l'histoire de l'enfant africain. Celui-ci est malin et arrive sans parler et par son simple regard à baisser la garde du loup qui a été blessé à un oeil. Bien vu.
2.5
Mouais bof....J'aime bien le travail de Julien Hervieux sur les anecdotes surprenantes sur les guerres, mais la j'ai un peu l'impression qu'il est en train de tirer sur la corde avec cette série qui parle d'autres sujets.
Déjà, il y a le fait que le dessinateur change à chaque histoire. Dans le lot, il y en a plusieurs que j'aime et c'est toujours un bonheur de voir leur trait, même si c'est pour une histoire courte, mais en même temps ça fait un peu usine à BD où on change toujours de dessinateur pour que les choses aient vites. Chaque album parle d'un sujet différent et les deux albums sont inégaux.
Le premier qui parle de sport est pas mal avec des anecdotes que je ne connaissais pas, mais le second sur le paranormal est vraiment pas terrible. C'est peut-être parce que le paranormal est un sujet qui m'intéresse et donc j'en connais un rayon, mais la plupart des histoires m'ont semblé être du déjà vu avec ses arnaques très connus comme les photos des fées de Cottingley. Dans cet album, il y a deux histoires qui m'ont divertit. Et après avoir refermé cet album je me suis dit que les albums de cette série vont être inégales basé sur si Hervieux a assez d'anecdotes peu connus et non du réchauffés et si cela peut tenir un album complet.
À emprunter à la bibliothèque.
J'ai découvert il y a peu qu'il y avait eu une hype sur ce titre ici-même. J'avoue que c'est fort drôle, a fortiori si on a connu les années 1990 et qu'en plus on a un travail de bureau. Le summum serait de disposer d'une broyeuse à papier et c'est une vérité qu'il en existe plusieurs types, tout un art la réduction en confettis. Mais on imprime moins de nos jours, on a moins de trucs à broyer. On a donc un bouquin épais au format à l'italienne et au titre improbable. On se prend au jeu de l'enquête labyrinthique de Jean Doux et ses acolytes autour de cette valise trouvée dans le faux plafond. J'ai eu peur de la lassitude vu le nombre de pages mais pas du tout, pour autant pas certain que j'y aurai mis 30 balles. Bien joué (Jean) Philippe Valette.
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Super Phacochère
Gilbert Shelton est un des principaux tenants de l’underground américain des années 1960-80 (même s’il a publié après cette période). Super-Phacochère a sans doute été l’une de ses premières publications, à l’origine dans un journal étudiant. Et on sent bien en lisant cet album que l’auteur en était à ses débuts, et qu’on était dans une publication proche du fanzinat. En effet, je pense que l’auteur naviguait à vue, improvisant pas mal les intrigues, c’est clairement foutraque. L’album est présenté comme un tome 1, il y a sans doute eu d’autres histoires publiées aux États-Unis, mais il est resté orphelin. En l’état, il ne m’a pas forcément convaincu. Certes, il y a le côté n’importe quoi jouissif de ce type d’underground. Il y a aussi des critiques de la société de consommation américaine. On a aussi une quasi parodie de Superman (comme lui Super Phacochère déambule sous une fausse identité, celle d’un journaliste, Philbert Desanex – qui a aussi donné lieu à un petit album, que j’avais trouvé sympathique – Le 100.000e Rêve de Philbert Desanex). Mais, globalement, ces aventures, qui mélangent une SF du pauvre, à un underground années 60/70, m’ont laissé sur ma faim. Shelton a fait mieux ensuite et ailleurs, et dans la même veine, d’autres auteurs (comme Rand Holmes par exemple) ont produit des choses qui passent mieux la barrière des années. Un album probablement à réserver aux amateurs de l’auteur, et à ceux que l’underground américain de cette époque intéresse.
Lieutenant Bertillon
Je suis un peu circonspect après lecture des deux premiers tomes. Sur le simple premier tome j’aurais sans doute été un peu plus généreux, mais le deuxième m’a laissé de côté. Le premier tome est dynamique, très rythmé, et on suit avec plaisir l’enquête de Bertillon dans une communauté de forains. Les divers rebondissements permettent de rencontrer des personnalités en marge, et notre Bertillon, se fait ballotter, tout en gardant un certain contrôle sur les événements. Par contre la fin, avec un fantastique qui prend trop le pas sur l’intrigue ordinaire, m’a moins plu. Le deuxième album ne m’a pas vraiment intéressé. D’abord parce que l’intrigue est moins rythmée et prenante, avec des personnages moins attachants. Ensuite parce que j’ai trouvé le dessin plus brouillon, moins réussi que dans le tome précédent. Je pense que je vais m’arrêter là avec cette série. Note réelle 2,5/5.
Plus près de toi
Entre quelques rares moments très violents (les massacres de soldats « coloniaux – Noirs donc – par des soldats allemands), le premier tome nous fait entrer de plain-pied dans une guerre et une occupation presque bon enfant, avec des soldats allemands éloignés des SS tortionnaires, des prisonniers de guerre presque en semi-liberté au milieu de la population bretonne (le « Stalag » est ici franchement peu contraignant !). D’autres facilités encore, certaines pointées par bamiléké. Si je comprends que cela puisse surprendre et/ou énerver, je pense qu’il ne s’agit pas ici de faire une série totalement réaliste et véridique. Je suis prêt à accepter certaines distances prises avec la réalité par Kris, pour développer son récit, avec un côté sans doute bien plus sucré et gentil que la réalité (et le dessin de Fournier, lui aussi tout en rondeurs, ne fait qu’accentuer cet état d’esprit), mais en tout cas l’histoire se laisse lire plaisamment. En effet, si certains aspects peuvent paraître édulcorés (la France pétainiste est quasi absente – seul le retour du fils haineux l’incarne, les soldats et officiers allemands sont loin d’être des salauds), l’histoire nous amène quand même à une certaine noirceur. D’abord parce que Kris évite le happy end que je voyais poindre un moment. Ensuite parce qu’il dénonce clairement le scandaleux et hypocrite traitement infligé par la France aux anciens combattants africains – jusqu’aux massacres de ceux qui réclamaient un égal traitement (financier autant que moral) avec les Français de souche. Un diptyque agréable à lire, et finalement plus noir qu’on pourrait le penser. Note réelle 3,5/5.
Miss Davis - La vie et les combats de Angela Davis
Angela Davis fait partie des personnes qui méritent largement qu’on s’y intéresse, tant elle a incarné une certaine idée de la révolte. Mais aussi parce que son parcours éclaire bien pas mal de maux de la société américaine moderne : le sexisme, les inégalités sociales, et le racisme viscéral, tous ces travers qu’elle a combattu toute sa vie. Marxiste (influencée par Herbert Marcuse entre autres), elle illustre aussi l’hypocrisie d’une société prétendument permissive et démocratique, mais qui n’a jamais accepter les idées marxistes – ou toutes celles qui visaient à l’émancipation des minorités et/ou classes « laborieuses ». C’est l’anti Hoover par excellence. Un personnage intéressant donc, qui peut être « expliqué » avec plusieurs angles d’attaque. Mais, si j’ai été moins déçu de ma lecture que Ro, j’ai quand même trouvé que les auteurs avaient privilégié la forme par rapport au fond. La construction narrative est ainsi relativement originale, en mélangeant plusieurs styles graphiques et narratifs. Mais je n’ai pas trouvé le procédé heureux, cela gêne plutôt la lecture, et nous fait perdre le fil rouge (l’entame est ainsi bizarre, je me suis demandé assez longtemps qui était cette narratrice, et j’ai trouvé qu’elle nous éloignait d’Angela, même si elle sert à « planter le décor »). Reste que, même haché par une narration parfois chaotique, cet album permet quand même de faire découvrir une époque et une personne (elle épouse la plupart des luttes sociales et politiques des trente années d’après-guerre, l’arrivée au pouvoir de Reagan et de l’ultra libéralisme décomplexé achevant ce qui pouvait s’apparenter à une parenthèse politique que Davis aura marqué de son empreinte). Clairement pas idéale comme biographique, mais je suis plus indulgent que Ro, c’est une porte d’entrée vers le personnage qui n’est pas inintéressante (une petite biblio/filmographie complète l’album.). Note réelle 2,5/5.
Sonora
Assez décevant au final. Décevant car sur le papier j’apprécie les intervenants : Nicolas Siner je le suis depuis Horacio d’Alba et sur les illustrations il fait plus que le taf ; Scarlett Smulkowski toujours une valeur sûre sur les couleurs ; Benoît Dellac n’est pas aussi tranchant et impactant que sur ses dernières parutions mais l’essence de son dessin est bien présent, on peut trouver à y redire sur certains détails ou composition mais c’est néanmoins plaisant à regarder. Reste Jean-Pierre Pécau que je connais surtout de nom, malheureusement c’est le maillon faible dans cette histoire, pas de bol c’est pour le scénario, pas le boulot le moins important donc. Non mais l’idée de base est intéressante : un français s’exile dans l’ouest américain après l’échec de la révolution de 1848. Le far west vécu du point de vue d’un frenchy donc, j’ai trouvé l’idée cocasse. Problème : scénario pas intriguant, direct on nous révèle qu’il s’agit d’une « bête » histoire de vengeance, alors le premier tome se focalise sur cette intrigue, puis ensuite notre héros digresse dans ses aventures avant que cette histoire de dette de sang ne soit remise sur le tapis dans le dernier tome. Problème : le lecteur que je suis a essayé vaguement de s’intéresser aux sous intrigues qui jalonne la quête principale du héros, mais on s’en fout de ces histoires de « placers », de général français à la mord-moi-le-nœud et ses plans pourris qui capotent à chaque coup, à cette péripatéticienne qui n’apporte absolument rien au scénario, j’ai nommé Lola Montez, dont le tome 2 porte son nom on se demande encore pourquoi… D’ailleurs la donzelle est tellement intéressante qu’elle disparaît au tome 3, à part montrer son cul sous tous les angles elle n’avait rien à dire. Donc résumons : l’intrigue principale manque d’étoffe, bien que le contexte historique lui soit diablement intéressant (les noms de penseurs proto-communistes tels que Charles Fourier, Etienne Cabet, Saint-Simon ou Robert Owen, fondateurs de l’utopie socialiste, m’étaient totalement inconnus avant ce jour) ; les personnages sont nuls (mon Dieu je pense encore au gamin Mace, véritable tête à claque qui subitement passe de gros simplet idiot du village à shotgun principal porte-flingue de l’armée française) ; les dialogues peuvent se lire en diagonal, le découpage, la construction du récit a un problème de « fluidité » à mon sens : on n’est souvent paumé en terme de temps et de lieu. Bref, il y a de bonnes idées mais ça manque de solidité dans les bases, l’exécution et les finitions.
Les Rois des Belges
La Flandre va proclamer unilatéralement son indépendance. - Cet ouvrage présente des fragments de vie de chacun des sept rois des Belges. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Jean-Philippe Thivet & Arnaud de la Croix pour le scénario, par Vicente Cifuentes pour les dessins, par Davide De La Cal pour les couleurs. Il compte cinquante-cinq pages de bande dessinée. Il se divise en sept chapitres, chacun consacré à un roi différent, par ordre chronologique, chacun s’ouvrant avec un portrait dessiné, et se terminant avec un texte de deux pages, illustré de photographies sur des points remarquables de chaque règne. Il se termine avec une page hybride, bande dessiné et texte, consacrée à Élisabeth de Saxe-Cobourg et Gotha. Léopold 1er, le mercato des princes – Cette histoire commence au moment où Napoléon abat ses dernières cartes. L’Empereur, qui a mis l’Europe à feu et à sang, a dressé contre lui une puissante coalition d’alliés britanniques, allemands, néerlandais et prussiens. Aux portes de Bruxelles, il va jouer son va-tout. À Paris en 1808, il a croisé Léopold de Saxe-Cobourg-Saalfeld, prince désargenté, né en 1790, qui servait dans les rangs du tsar de Russie. Napoléon dira que : S’il se souvient bien, c’est le plus beau jeune homme qu’il ait pu voir aux Tuileries. Juin 1815, tandis que Napoléon s’est lancé dans une ultime campagne, les envoyés des grandes puissances se sont réunis à Vienne. Klemens Wenzel von Metternich annonce que l’ogre n’en a plus pour longtemps : il a été écrasé à Waterloo, non loin de Bruxelles. Un autre officiel intervient pour dire qu’il s’agit d’une bonne nouvelle, et qu’il faut décider de l’après. Le premier orateur reprend la parole pour dire que la solution est toute trouvée : exiler l’empereur déchu au loin, et confier au roi des Pays-Bas dont le fils s’est battu à Waterloo, la gestion d’un état tampon entre la France et ses voisins. Il reste à choisir qui en sera le roi. Léopold II, le roi secret. Le 16 décembre 1865, le cortège funèbre qui conduit Léopold 1er à sa dernière demeure est suivi par une foule compacte. Les fils du roi suivent en carrosse. L’aîné Léopold a trente ans. Il mesure 1,90m. L’héritier du trône se souvient que son père l’appelait le sournois, il le surnommait le renard… et s’il avait raison ? Le lendemain Léopold II prête serment : il jure d’observer la constitution et les lois du peuple belge. Enfant, il passait les vacances d’été à Ostende. Une fois couronné, il y déambule sur la plage, considérant que le voilà roi d’un pays minuscule… mais après tout, un pays n’est jamais petit quand il est baigné par la mer. Il décide que sur le modèle de Nice ou de Biarritz, il fera de cette plage la reine des plages. Il tiendra parole… lorsqu’il se sera considérablement enrichi. À Bruxelles coule la Senne. Au moyen-âge, la cité est née de la rivière, qui alimente moulins et industries. Mais en 1866, c’est un égout à ciel ouvert. Une épidémie de choléra tue 3.647 Bruxellois ! Chirurgien du roi, Louis Deroubaix remet son rapport sur la situation : il est urgent d’assainir la ville. Dès l’année suivante, on entreprend de voûter la Senne. Le roi va encourager de nombreux autres chantiers dans la capitale. Pour un novice en la matière, il peut être intimidant de s’intéresser à l’histoire séculaire de la royauté dans un pays, au vu de la longue chronologie à affronter, des différentes branches qui s’entrecroisent, et s’entredéchirent au gré de complexes unions. Au début du XXIe siècle, il existe six monarchies en Europe : au Danemark, en Espagne, au Luxembourg, au Pays-Bas, en Suède et en Belgique. Pour cette dernière comme le montre la couverture, la lignée compte sept monarques, ce qui la rend très accessible aux néophytes. Le lecteur découvre donc un chapitre pour chacun des sept rois, de neuf pages pour les cinq premiers, et de cinq pages pour les deux derniers. Il s’agit donc d’un ouvrage de vulgarisation, à destination de novices en la matière. Par exemple un lecteur qui ne saurait pas identifier le monument figurant sur la couverture (réponse : il s’agit des Arcades du Cinquantenaire, érigé à l’initiative du roi Léopold II, à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance de la Belgique, sa construction a commencé en janvier pour s’achever en septembre 1905). Le lecteur peut également évaluer l’intérêt de cette lecture pour lui en consultant la page d’ouverture d’un roi dont il a déjà entendu parler, pour se faire une idée de la nature du développement, par exemple pour Léopold II : Roi bâtisseur pour les uns, Roi massacreur pour les autres, il va marquer durablement le pays et demeure un personnage controversé. Les auteurs ont confié la narration visuelle de chaque chapitre au même artiste, afin d’établir une continuité d’un roi au suivant. De fait, le dessinateur a fort à faire puisqu’il doit assurer une reconstitution visuelle historique depuis 1808 jusqu’à l’époque contemporaine. Le lecteur découvre des dessins propres sur eux : tracés de contour bien nets, dessins dans un registre descriptif et réaliste, nombre de cases variant de quatre à sept, cases majoritairement sagement disposées en bande, et bien sûr une attention particulière portée à la ressemblance des rois successifs. Le lecteur apprécie immédiatement l’équilibre de chaque page : la qualité de la reconstitution historique, le soin apporté aux détails. Cela commence avec la décoration intérieure de ce grand salon à Vienne au début du XIXème siècle et son ameublement, la tenue vestimentaire de chaque officiel présent, jusqu’à leur épée d’apparat, et les motifs de la tapisserie au mur. Le lecteur peut ainsi suivre l’évolution de la mode vestimentaire d’un chapitre à l’autre, et aussi celle des modes de déplacement, de l’urbanisme de Bruxelles, ou encore des moyens de communication, attestant du degré de rigueur du travail de recherches effectué. Le lecteur se rend compte que l’artiste sait doser la densité d’informations visuelles sur chaque page pour éviter de produire une sensation d’étouffement, en intercalant des cases de discussions, ou plus aérées. Il se trouve également vite impressionné par l’effet d’intégrer des variations de tableaux célèbres, d’images d’archive ou de photographies. C’est une évidence en ce qui concerne tous les bâtiments, et c’est ce qui est attendu : le château de Laeken, la place royale de Bruxelles, les galeries royales d’Ostende, la gare royale de Laeken, la plage de Knokke-le-Zoute, le grand magasin L’Innovation, l’université de Gand, le Berhof à Obersalzberg dans les Alpes bavaroises, et d’autres paysages naturels, en particulier pour une escalade sur les rochers de Marche-les-Dames, dans la vallée de la Meuse, près de Namur. Incidemment, le lecteur se rend également compte que le dessinateur varie les mises en page avec discrétion et efficacité : cases de la largeur de la page, disposition en drapeau avec une case de la hauteur de la page et les autres comme y étant accrochées les unes en dessous des autres, cases en insert comme des cartes postales posées sur un fond qui est une carte géographique, une illustration panoramique de paysage de montagne sur une double page avec des cases en inserts par-dessus, cases aux bords arrondis pour un écran de télévision, etc. De manière plus inattendue, les scénaristes jouent également avec la structure de plusieurs chapitres. Le premier respecte un ordre chronologique et une exposition explicative pour établir le début de l’existence du royaume de Belgique comme état indépendant, et les aléas menant au choix définitif de son premier souverain. Le second passe d’une grande réalisation à une autre pour établir comment Léopold II peut être à la fois un roi bâtisseur et un roi massacreur. Initialement, le troisième déroute car il se déroule dans l’ordre inverse à la chronologie, c’est-à-dire des titres de l’annonce du décès d’Albert Ier en remontant le temps jusqu’à sa première ascension. Le quatrième débute par la découverte en Égypte dans la vallée des Rois de la tombe intacte, d’un pharaon, et le suivant débute par un assassinat à bout portant. Le sixième débute par une (mémorable) fiction dans la fiction. Conscient des limites découlant de la pagination, les auteurs ont choisi de les tourner à leur avantage en se focalisant sur certains aspects de chaque règne, plutôt que de tout survoler, ou de provoquer une surcharge informative avec des pavés de texte indigestes, mangeant les images. Le lecteur apprécie de lire une vraie bande dessinée, plutôt qu’une suite d’articles encyclopédiques vaguement illustrés par des images redondantes. Restant un peu sur sa faim, il goûte d’autant mieux aux deux pages qui viennent compléter chaque chapitre, développant certains aspects de la royauté, des lieux, ou des personnages clé de chaque règne. Bien sûr, le lecteur peut se montrer critique des choix opérés par les auteurs, et en particulier de ce qu’ils ont laissé de côté : la conception de la Constitution de la Belgique, la réalité de l’exploitation du Congo belge et de sa population, Blanche Delacroix évoquée en une case, les accomplissements politiques d’Albert Ier, l’opposition entre les partisans du retour de Léopold III et les opposants, l’absence de chapitre consacré à la régence de Charles Théodore Antoine Meinrad (1903-1983), les quatre cases consacrés à un assassinat dont la victime n’est même pas nommée (Julien Lahaut, 1884-1950), etc. Dans le même temps, il découvre de nombreuses mentions d’événements s’étant inscrit dans la mémoire culturelle belge, comme l’incendie du grand magasin L’Innovation. Chaque chapitre atteint son but : initier la curiosité du lecteur qui le termine avec l’envie d’en apprendre plus. Un ouvrage d’initiation à la royauté belge en passant en revue les sept rois des Belges. Une vraie bande dessinée didactique, sans être encyclopédique, avec une narration visuelle impeccable et agréable. Une approche diversifiée, adaptée à la personnalité de chaque roi, avec des surprises dans la structure de certains chapitres. Une lecture très agréable, enrichissante, accessible, divertissante et instructive. Une grande réussite.
Watership Down
Je précise que je n’ai pas lu le roman original de Richard Adams avant cette lecture. Mon premier contact avec Watership Down s’est donc fait par ce roman graphique, et l’expérience a été immédiatement marquante. L’œuvre impose un univers dense, sombre et profondément adulte, bien loin d’un simple récit animalier, et réussit à captiver du début à la fin malgré son exigence. Visuellement, le roman graphique est impressionnant. Le dessin, très naturaliste, donne aux lapins une vraie crédibilité animale sans jamais tomber dans l’anthropomorphisme excessif. Les ambiances sont magnifiques, parfois apaisantes, parfois oppressantes, et certaines scènes dégagent une violence sèche et brutale qui renforce la gravité du récit. Les décors et les couleurs participent pleinement à l’immersion et donnent une véritable identité à l’album. Il est vrai que, sur certaines scènes, il peut être un peu difficile de reconnaître les différents lapins, notamment lors des passages de groupe. Les designs sont volontairement proches, ce qui peut entraîner une légère confusion. Cela dit, ce point n’est pas réellement dérangeant au final : il faut simplement rester attentif et concentré pendant la lecture, ce qui correspond bien au ton sérieux et à la densité de l’histoire. La qualité de l’ouvrage mérite une mention toute particulière, notamment parce qu’il est édité par Monsieur Toussaint Louverture. Comme souvent avec cet éditeur, le travail éditorial est remarquable : fabrication solide, impression soignée, très beau papier, et une couverture sublimée par un vernis sélectif qui met parfaitement en valeur l’illustration. On sent un vrai respect de l’œuvre et du lecteur, avec un livre pensé comme un objet à part entière. L’édition propose également de très bons compléments, notamment la carte fournie avec l’ouvrage, indispensable pour suivre les déplacements et comprendre la géographie des différentes garennes. Cette carte inclut aussi un vocabulaire propre à l’univers, ce qui aide à mieux saisir certains termes spécifiques au monde des lapins sans alourdir la lecture. Ce sont des ajouts discrets mais extrêmement appréciables. Je suis d’ailleurs particulièrement content que ce soit Monsieur Toussaint Louverture qui édite cet album. C’est un éditeur qui propose régulièrement de magnifiques ouvrages, exigeants et soignés, comme le roman La Maison des feuilles ou d’autres titres marquants de leur catalogue. Leur identité éditoriale, très forte, correspond parfaitement à une œuvre aussi singulière et ambitieuse que Watership Down. Sur le fond, le récit impressionne par sa maturité. Les thèmes de la survie, du pouvoir, de la peur, de la communauté et de la mort sont traités avec profondeur. La mythologie interne et les croyances des lapins donnent une richesse étonnante à l’univers et renforcent l’impact émotionnel de l’ensemble, même sans connaître le roman original. Après la lecture, j’ai regardé le film d’animation de 1978, qui m’a paru très complémentaire et tout aussi marquant dans son approche plus brute. Je sais également qu’il existe une série Netflix, que je n’ai pas encore regardé. En conclusion, ce roman graphique est une réussite totale. Une œuvre forte, sombre, ambitieuse, magnifiquement éditée, qui mérite pleinement son 5/5 et laisse une impression durable.
L'Oeil du loup
Je suis plutôt client de Mathieu Sapin et c'est son nom qui a attiré mon regard sur cet album au rayon jeunesse. Je ne connaissais pas le roman de Pennac dont c'est adapté et avec sa participation active comme souligné dans le dossier en fin d'ouvrage. Une oeuvre de 1984 soit 40 ans passés et déjà très affutée sur les relations entre le monde animal et l'humain qui le détruit à une époque où on parlait beaucoup moins d'écologie. C'est un regard croisé entre un loup enfermé dans un zoo et un enfant qui le fixe à travers les grilles. On vit alors l'histoire du loup bleu et comment il est arrivé là alors qu'il vivait tranquillement dans sa meute, puis on a l'histoire de l'enfant africain. Celui-ci est malin et arrive sans parler et par son simple regard à baisser la garde du loup qui a été blessé à un oeil. Bien vu.
Les Folles Anecdotes de l'Histoire
2.5 Mouais bof....J'aime bien le travail de Julien Hervieux sur les anecdotes surprenantes sur les guerres, mais la j'ai un peu l'impression qu'il est en train de tirer sur la corde avec cette série qui parle d'autres sujets. Déjà, il y a le fait que le dessinateur change à chaque histoire. Dans le lot, il y en a plusieurs que j'aime et c'est toujours un bonheur de voir leur trait, même si c'est pour une histoire courte, mais en même temps ça fait un peu usine à BD où on change toujours de dessinateur pour que les choses aient vites. Chaque album parle d'un sujet différent et les deux albums sont inégaux. Le premier qui parle de sport est pas mal avec des anecdotes que je ne connaissais pas, mais le second sur le paranormal est vraiment pas terrible. C'est peut-être parce que le paranormal est un sujet qui m'intéresse et donc j'en connais un rayon, mais la plupart des histoires m'ont semblé être du déjà vu avec ses arnaques très connus comme les photos des fées de Cottingley. Dans cet album, il y a deux histoires qui m'ont divertit. Et après avoir refermé cet album je me suis dit que les albums de cette série vont être inégales basé sur si Hervieux a assez d'anecdotes peu connus et non du réchauffés et si cela peut tenir un album complet. À emprunter à la bibliothèque.
Jean Doux et le Mystère de la Disquette Molle
J'ai découvert il y a peu qu'il y avait eu une hype sur ce titre ici-même. J'avoue que c'est fort drôle, a fortiori si on a connu les années 1990 et qu'en plus on a un travail de bureau. Le summum serait de disposer d'une broyeuse à papier et c'est une vérité qu'il en existe plusieurs types, tout un art la réduction en confettis. Mais on imprime moins de nos jours, on a moins de trucs à broyer. On a donc un bouquin épais au format à l'italienne et au titre improbable. On se prend au jeu de l'enquête labyrinthique de Jean Doux et ses acolytes autour de cette valise trouvée dans le faux plafond. J'ai eu peur de la lassitude vu le nombre de pages mais pas du tout, pour autant pas certain que j'y aurai mis 30 balles. Bien joué (Jean) Philippe Valette.