A chaque fois qu’une catastrophe naturelle touche un grand nombre de population et fait d’innombrables victimes, il se pose une question essentielle. Pouvez t’on éviter cela ? On ne parle pas des prédicateurs religieux qui nous assènent de moralité concernant notre débauche qui entraine automatiquement la fin du monde. On parle surtout des scientifiques, des vulcanologues qui étudient les éléments de la nature et qui sont le plus à même de donner leur avis.
La ville de Saint-Pierre était la perle des Antilles françaises. C’était la capitale culturelle et économique de la Martinique. Le 8 mai 1902 à savoir le jour de l’Ascension, une nuée ardente d’origine volcanique a tout balayé sur son passage en exterminant tous des habitants soit près de 30.000 personnes. Si une telle chose arrivait actuellement en France, on pleurerait à chaude larme et commémorerait pendant des années car cela serait la catastrophe du siècle. On parle ici de milliers de victimes et non d’une dizaine.
Là encore, les politiciens étaient plus soucieux de l’organisation d’une élection législative que de sauver des milliers de vies alors que cela paraissait évident tant les signes avant-coureurs étaient nombreux. A noter le refus du gouverneur de la Martinique soutenu par son ministère de faire évacuer la ville en assignant des messages rassurants « tout va bien, circulez, il n’y a rien à voir ! ».
Cette bd va se concentrer sur un survivant peu ordinaire à savoir Cyparis (un ouvrier de 27 ans) qui a survécu douloureusement grâce à sa prison cachot. J’avais entendu parler de cette célèbre histoire mais le temps a fait que les souvenirs se sont peu à peu effacés. Cette bd est là pour rappeler les faits. Il y aura également d’autres personnages avec des destins qui ne seront pas les mêmes. Je pense notamment à la narratrice de ce récit fort bien détaillé mais qui reste très agréable à la lecture. On plonge très facilement dans la Martinique de la belle époque.
A noter que cela a servi de leçons puisque dans les éruptions ultérieures, il y a eu très peu de victimes car on avait pris soin d’évacuer les populations concernées. Il aura fallu payer chèrement le prix. Fort-de-France a également renforcé son statut suite à la disparition de sa rivale. Saint-Pierre est devenu un gros village agricole.
Encore un mot pour féliciter l’auteur dont c’est la première bande dessinée. Réaliser une bd longue aussi bien faite, c’est assez rare de nos jours surtout pour une première. C’est réellement du bon travail avec de très beaux dessins. Il faut encourager ceux qui font de bonnes choses car c’est la promesse de lendemain encore meilleur.
Si l'idée d'un récit mettant en scène un homme qui se réveille sans savoir ce qu'il a fait de sa journée précédente, comme si quelqu'un d'autre avait vécu dans son corps à sa place, n'est pas foncièrement originale, elle a été poussée jusqu'au bout de la réflexion dans cette bande dessinée belle et assez forte en émotions.
En effet, le héros y est confronté à un phénomène fantastique étonnant : quelqu'un prend possession de son corps un jour sur deux. Et ce quelqu'un est prêt au dialogue avec lui, par l'interposition de vidéos enregistrées sur ordinateur, car il ne sait pas plus que le héros pourquoi ce phénomène a lieu, et surtout il n'a pas lui-même de souvenir d'une vie antérieure donc il ne sait pas s'il est une sorte de parasite ou quoi. Le héros est un acrobate, artiste dans l'âme et vivant avec des amis qui lui ressemblent. L'autre, celui qui vit dans son corps la moitié du temps, est bien plus matérialiste et rigoureux. Leurs ambitions sont presque à l'opposée l'un de l'autre. Comment vivre ainsi avec un autre qui vit une vie allant à l'inverse de la sienne un jour sur deux et ce sans que rien ne promette que ça s'arrête un jour ? Quelle vie professionnelle, de famille ou amoureuse peut-on avoir dans ces conditions ? Et que se passerait-il si les choses empiraient avec le temps ?
L'histoire est bien menée, intéressante et soutenue par un dessin très agréable. Les planches sont belles et épurées. Le trait est clair, dynamique et maîtrisé, avec parfois de petites touches qui rappellent les influences du manga, notamment par exemple dans le visage de l'ami magicien du héros. Le travail sur les couleurs est également très réussi et donne une ambiance visuelle bien personnelle à l'album.
Si le scénario rappelle un peu le concept du film animé Your Name, il s'en détache à partir de la moitié de l'album. Et ce qui ressemblait à une routine étrange mais monotone commence à tourner au drame psychologique. L'intrigue amène alors à la réflexion sur des concepts tels que le temps qui passe, l'identité, la notion d'amitié et d'amour, et surtout sur la valeur de la vie et de sa perte quand on ne peut pas la vivre en même temps que ceux qu'on aime.
Sur la fin de l'album arrive une révélation qui fait assez mal quand on s'est finalement attaché au héros. Elle a su me toucher car j'appréhendais avec lui la perte de ces jours et finalement de sa vie quasiment entière. Et quand on ne voit sa vie que par ses yeux à lui, apprendre ce qu'il apprend à ce moment là fait de la peine.
Plus le temps de son récit passait et plus j'ai été ému par cette bande dessinée qui finit par mêler beauté et tristesse, jusqu'à une conclusion qui rappellera un peu celle d'un certain film de Terry Gilliam, avec à peine moins d'amertume et de fatalisme.
Contrairement à d’autres, c’est le travail d’Hérenguel qui m’intéresse davantage que celui de Dorison.
Ma réserve quant à son achat dénote de mon appréciation globale mais s’explique de la manière suivante : On se trouve devant un premier cycle qui doit en appeler d’autres. Comme la suite se fait attendre, je n’en conseille pas l’acquisition pour le moment. Par contre, l’ancrage de l’odyssée d’Ulysse à une période charnière de l’histoire naissante des USA est une idée intéressante et plutôt bien exploitée finalement. Le travail narratif, de qualité, souffre peu la critique. Le suspense et l’action sont au rendez-vous et mis en images par le trait nerveux et expressif d’Hérenguel. Malgré un petit côté brouillon, je trouve la lisibilité des planches satisfaisante.
Bref, une bonne entrée en la matière mais qui, en l’état, reste un peu vaine.
A noter que si suite il y a, elle se fera sans Herenguel.
3.5
Je précise que Ditko a dessiné toutes les histoires de ce recueil et qu'il s'occupait des scénarios, mais pas des dialogues ce qui explique le collectif sur la fiche (j'étais trop paresseux pour inclure tous les dialoguistes).
Commençons cet avis avec un peu d'histoire: Charlton Comics était un éditeur de comics américain qui a duré quelques décennies avant d'être racheté dans les années 80 par DC Comics qui a intégré les super-héros de Charlton dans leurs univers (tout d'abord en indiquant qu'ils vivaient sur Terre-4 et ensuite en faisant fusionner cet terre avec celle des super-héros DC Comics durant Crisis on Infinite Earths).
D'ailleurs ces super-héros étaient censés être les vedettes d'une histoire écrite par Alan Moore, mais DC a préféré que cette histoire mette en vedettes des nouveaux personnages après qu'ils aient vu ce qu'Alan Moore avait prévu de faire avec les personnages de Charlton Comics. Du coup on a eu droit à 'Watchmen' où les personnages sont basés sur ceux de Charlton Comics. Ici on retrouve Captain Atom, Nightshade, Blue Beetle et la Question qui ont servi de bases pour Dr Manhattan, Spectre Soyeux, le Hibou et Rorschach et si on adore Watchmen comme moi, c'est assez rigolo de comparer les personnages avec leurs modèles.
Cette intégrale reprend le travail de Steve Ditko chez cet éditeur durant les années 60-70 (quoique je suis pratiquement certains que toutes les histoires publiées dans les années 70 étaient produites dans les années 60 et n'ont juste pas été publiées parce que les séries de super-héros de Charlton n'avaient pas trop marché à l'époque). Il continue les aventures de Captain Atom, crée un second Blue Beetle, crée la Question et Nightshade ainsi que des personnages secondaires et des méchants.
J'aime bien le dessin de Ditko et j'étais impatient de lire cet album. Après lecture, je trouve que globalement c'est bon, mais certaines histoires sont moyennes. Je préviens que pour aimer il faut comme moi ne pas trop être allergique aux vieux comics. On retrouve la naïveté de l'époque et des tics comme le héros parle tout seul (mention spécial pour lorsque Captain Atom dit qu'il a perdu ses pouvoirs et du coup les méchants l’apprennent et le capture....Il est un peu con Atom).
Les meilleures histoires sont celles de Blue Beetle. On a des intrigues qui se suivent à chaque histoire et la situation évolue rapidement pour une série qui n'a connu que quelques histoires. De plus Ditko fait des trucs qui étaient révolutionnaires pour l'époque. Par exemple, un truc chiant dans les comics c'est lorsque le méchant capture le héros et ne pense même pas à le démasquer. Et ben ici les méchants essaient de démasquer Blue Beetle et il a fait en sorte que son masque reste coller sauf si on fait une certaine action que lui seul connait. Dommage que la série s'est arrêté avant que Ditko finisse une des sous-intrigues de la série.
Les histoires de Captain Atom sont pas mal non plus même si le personnage lui même n'est pas intéressant. J'ai préféré les autres personnages dont un duo de clowns méchants qui m'a fait penser au Joker et à Harley Quinn (personnage qui n'a été introduite que des décennies plus tard).
Les histoires de la Question sont les moins intéressantes de la série. Déjà hormis une histoire les récits le mettant en vedette sont courtes, mais aussi parce que le héros sert de propagande politique pour Ditko qui était fan d'objectivisme, la philosophie développée par Ayn Rand. Déjà que je ne suis pas fan d'elle, mais en plus il n'y a aucune subtilité dans le scénario. Ainsi la Question est un être droit dans un monde de corrompus et les gens sont des moutons qui ne font que suivre la majorité alors que la Question ne suit que son jugement et il a toujours raison. Franchement sa seule histoire longue est pratiquement 25 pages sur pourquoi l'objectivisme c'est bien. Et encore le personnage reste soft comparé à un autre personnage de Ditko créé ensuite, Mr A qui a aussi servi de base pour Rorschach (il y a tout de même un récit qui se termine avec la Question qui laisse des vilains mourir). Le personnage sera beaucoup plus intéressant par la suite lorsqu'il sera utilisé par d'autres auteurs.
A noter que la seule histoire de Blue Beetle que je n'ai pas aimée est aussi à cause des opinions politiques peu subtiles de Ditko (d'ailleurs la Question apparaît) sur l'art contemporain. Je n'ai aucun problème à ce qu'un auteur mette ses opinions politiques dans ses histoires, mais là non seulement je n’adhère pas au discours, mais c'est totalement manichéen et ça m'énerve ! D'ailleurs on peut retrouver de l'objectivisme dans Spider-Man et c'est fait de manière plus subtile.
Bref, tout ça pour dire que c'est un album à lire pour les fans de Steve Ditko et de vieux comics, mais il y a quelques défauts.
Voilà un ouvrage comme seuls les éditeurs « indés » peuvent nous en proposer : une histoire sans histoire où il ne se passe pour ainsi dire rien, aucun événement notable, aucun rebondissement, que tchi vous dis-je… L’action (si l’on peut dire) se déroule dans une sorte de banlieue anglaise sans intérêt, faite d’entrepôts hideux et de petits pavillons grisâtres collés les uns aux autres, l’environnement parfait pour susciter la joie de vivre ! Et pour compléter le tableau, Sam, le personnage principal, qui a échoué dans ses trois cursus universitaires et sort de dépression, vient trouver refuge chez sa mère. Affublé d’un physique de grande courge apathique qui semble accablée par ses bras et jambes interminables, Sam n’a qu’un projet : trouver un travail « dont il ignore tout et qui ne lui dit rien », toutes ses tentatives pour obtenir un job passionnant et/ou lucratif s’étant soldées par des échecs retentissants… C’est ainsi qu’il va trouver le « salut » en étant recruté par le lointain cousin d’un père qui a déserté le foyer lorsqu’il n’avait que quinze ans. L’entreprise, on ne sait pas bien ce qu’elle vend au juste, peut-être des tuyaux ou des ventilos pour assainir l’air des boîtes environnantes. D’ailleurs Keith Nutt, le boss, ne semble pas en savoir beaucoup plus, mais là n’est pas l’important… notre quinquagénaire bedonnant passe le plus clair de son temps dans son Audi A4 « left-hand drive »…
Quant à Sam, la partie essentielle de son boulot consiste à écouter Keith lui raconter sa vie, et ses responsabilités accrues le verront successivement prendre le volant de la berline allemande de son boss et s’occuper de son toutou au regard tout doux, un « Cavalier King Charles Spaniel »… c’est ce qu’on appelle du challenge !
Dessin atypique, narration atypique… si ce roman graphique hyper-réaliste peut au premier abord laisser dubitatif, il finit par embarquer le lecteur à son insu dans ses méandres, ceux d’une réalité des plus ordinaires. Car sous l’œil de Joff Winterhart, ces arrêts sur image des vains va-et-vient de Keith Nutt, accompagné de son confident malgré lui, le jeune Sam, prennent une dimension intrigante et subtilement cocasse, parfois incongrue. Le dessin, pas forcément abouti, reste pourtant détaillé et fait ressortir chez son auteur un sens de l’observation pour le moins développé, avec un trait semi-réaliste au crayonné, axé sur les personnages et leurs aspérités physiques, rarement rendus sous un jour avantageux il faut bien le dire. On n’est pas sur du noir et blanc mais plutôt sur un bleu foncé monochrome, et les couleurs existent même si elles sont rares, comme cela semble aller de soi dans une région de l’Angleterre minée par la crise.
Ce qui importe, chez Joff Winterhart, ce sont visiblement les gens et rien d’autre, le scénario et ses enjeux largement relégués au second plan. Toute l’« histoire » tourne in fine autour de ces deux êtres que tout sépare et dont rien ne pouvait laisser présager qu’ils partageraient un jour des moments communs. Et pourtant, de ce malentendu naît une sorte de connivence, tandis que Sam, dans le rôle du narrateur empathique, comprend de mieux en mieux son patron à force d’être à ses côtés, un homme rondouillard et court sur pattes qui s’efforce de garder son masque de virilité, mais se révèle finalement assez faible et n’en devient que plus touchant, égaré dans sa routine insipide et ses « courtes distances », ses blessures et ses petites névroses…
Elu meilleur roman graphique de l’année 2017 par The Guardian, cet album révèle chez son auteur un talent certain de portraitiste. Un moment de lecture sympathique à l’humour discret et inattendu, empreint d’une ironie douce-amère dépourvue de méchanceté, car il ne fait guère de doute que Joff Winterhart est un vrai altruiste possédant cet art de transformer les infimes détails d’un quotidien en tranches de vie singulières…
3.5
C'est le premier manga de cette mangaka que je ne connaissais pas que je lis et j'ai bien envie de mieux connaitre son oeuvre.
On a droit à une jeune femme qui se fait engager comme secrétaire et son supérieur se trouve être son ancien domestique du temps où sa famille était riche et il veut encore être son serviteur ! C'est vraiment le genre de série romantique que je peux lire avec amusement parce que j'aime bien le couple et j'ai bien envie de voir ce qu'il va leur arriver. Évidemment, il y a des clichés (on dirait qu'un nouveau rival arrive de nulle part pratiquement à chaque tome), mais c'est tellement bien fait que cela ne me dérange pas.
Un truc que j'ai trouvé intéressant c'est que même si Dômoto veut être le serviteur de Chôko, il y a plusieurs fois où il est dominant. Il y a un genre de jeu de rôle entre les deux où le rapport dominant/dominé varie selon les scènes et c'est un truc que j'aime bien. Leurs relations évoluent au fil des tomes et comme c'est un manga pour jeunes femmes, on retrouve un peu d'érotisme et on est loin des mangas pour public adolescent où les couples ont de la difficulté à s'avouer leurs sentiments et à s'embrasser durant des dizaines de tomes.
Il y a un bon mélange d'humour et de drame même si parfois il y a un peu trop d'humour dans certaines situations. Parfois on dirait que c'est pas grave que l’héroïne se fait harceler sexuellement. Le dessin est pas mal.
J’ai beaucoup aimé cette BD qui nous plonge bien dans l’ambiance médiévale. Outre l’utilisation d’une langue française qui semble d’époque, cette BD reflète bien les mœurs du moment où la force régnait en maître. On se plaint parfois de la justice et de la violence actuelles mais cela n’a rien à voir avec ce qui se passait au Moyen-Âge.
Jean-Charles Kraehn nous raconte une histoire dure mais très plausible. Cependant, il n’est pas étonnant que cela ait été un échec commercial car la violence des situations et les scènes sexuelles ne permettent pas de mettre ces albums dans toutes les mains alors que les amateurs d’érotisme se tourneront vraisemblablement vers des histoires moins réalistes et plus explicites.
Ce travail d’une très grande qualité n’a donc pas pu être un succès faute d’un public suffisant. Dommage car on aurait aimé connaître la suite des aventures du chevalier Foulques, de Petitus, de dame Aurimonde et du jeune Angebault dont les destins semblent prendre des chemins si différents que l’on se demande comment l’auteur aurait fait pour qu’ils convergent à nouveau.
Je mets 4/5 et non la note maximale parce que la série est abandonnée.
Aviser cette série n’a rien d’évident.
D’un côté une base scénaristique incroyablement fouillée et un dessin riche et précis.
De l’autre, un format bd pas forcément adapté à une fresque aussi ambitieuse...
On pourrait reprocher aux auteurs : l’absence d’un véritable héros, une histoire non linéaire entre chaque tome, une colorisation « sépia » donnant des planches belles individuellement mais une ambiance monotone entre les différents lieux, différentes cultures...
La présence de multiples bonus m’a plutôt ravi mais cela renforce le fait que le média bd n’est pas adapté à une histoire aussi fourmillante de détails.
Il y a un côté Tolkien dans la subcréation... mais celui-ci était écrivain et illustrateur, il n’a jamais fait de bd.
Je mets 4* car il est évident que tant le scénario que le dessin font l’objet d’un énorme travail de la part des auteurs, j’ai été plus d’une fois émerveillé par certaines scènes... mais je comprends tout autant le raisonnement de dire que pour une bd ça manque de fluidité.
Je suis conquis par cette BD, et je lui discerne un coup de cœur sans la moindre hésitation. Et dire que je me tâtais à lire cette BD, refroidis par cette couverture annonçant un énieme carnet de voyage de la part d'un auteur type "jeune paumé" en route vers un endroit qu'il ne connait pas.
Quelle image faussé n'avais-je alors pas ! Si la couverture ne laisse rien présager de l'ensemble, nous avons le droit à un récit documentaire de qualité et servi avec un certain brio !
Autant le dire, il faut s'accrocher un peu pour rentrer dans cette histoire et arriver à suivre l'auteur, qui a une petite tendance à l'épanchement verbeux, mais également avec le dessin et la construction des pages. Mais une fois passé quelques pages, on rentre dans le style et l'histoire. Attention cependant, ça reste une BD qu'il faut prendre le temps de lire. Prévoyez de la disponibilité cérébrale, il y a de quoi faire !
Ce qui m'a captivé, c'est à la fois le ton de l'auteur, à mi-chemin entre l'humour de son personnage et le documentaire précis de ce qu'il a vu. C'est particulièrement prenant car on se sent transporté avec lui dans ces péripéties en territoire kurde. Le dessin aide particulièrement, avec un dynamisme et une lisibilité parfaite. Tout est très reconnaissable, avec plusieurs petites touches d'humour dans les personnages.
Mais ce ton rendu léger reste très grave. Là-bas, c'est la guerre, et c'est pas rigolo. Zerocalcare arrive à nous faire passer tout la gravité de ce qui se trame dans cette région du monde. Il y a plusieurs moments poignants voir même émouvants, bien que l'auteur ne se prenne jamais toute l'horreur d'une guerre en face. Cependant il fait comprendre ce qui se joue, ce qui se passe et également ce qu'il ressent.
Là où l'auteur m'a réellement convaincu, c'est que souvent ce genre de documentaire se limite à ce que le dessinateur à vécu dans le pays, ou alors tente maladroitement de faire un petit topo sur la situation. Ici, Zerocalcare arrive à faire à la fois un carnet de voyage, mais également un état des lieux bien complet. Les interviews sont très diverses et rendent assez bien compte de toute la complexité des choses, idées renforcée par ce que dit l'auteur (notamment les fois où il précise que ce qu'il a vu n'est pas la réalité objective de tout ce qui existe). Plusieurs fois il prend le temps d'expliquer les points de détails ou de rajouter des précisions importantes. Le nombre de pages et l'abondance de textes permettent de bien développer les différents points. Et de nous sortir des phrases bien senties.
J'ai bien senti à travers la BD la charge que l'auteur a contre la Turquie d'Erdogan (et comme il le souligne à la fin, les Turques ne sont pas leur gouvernement), tout autant que toute la réserve qu'il a envers les Kurdes malgré l'accumulation de points en leur faveur. On pourrait y voir un développement très (trop) favorables à ces derniers, mais je dois reconnaitre que dans toute la complexité de cette situation géopolitique, ils représentent une bonne partie des valeurs morales qu'on voudrait défendre.
Cette BD est vraiment le genre de documentaire que j'aime lire. Déjà parce qu'elle est extrêmement instructive, mais également parce qu'elle met en lumière beaucoup de ce qui se passe dans notre monde actuel. Et qu'elle ne nous épargne pas, nous autres européens qui regardons le moyen-orient de loin. Il y a des cases (voir des pages) qui prennent à la gorge lorsqu'on se rend compte de ce qu'il se passe. Et se rappeler que c'est la guerre, et ce que c'est que la guerre, c'est parfois une bonne chose. On rigole un peu en lisant cette BD, et pour une fois je trouve ça salutaire. Parce que cette BD est très dure, mais très bien faite. Un gros coup de cœur pour cette découverte qui a vraiment toutes les qualités.
Le Baron noir, c'est simple et efficace : des gags courts, des dessins et décors efficaces, et une satyre de la société croustillante et finalement très fine. Le baron noir, aigle de son état, surplombe et dominé les moutons, soutenus (passivement) par les autres animaux moins vulnérables, comme l'éléphant. Et que dire des rhinocéros policiers, grands adeptes de la "bavure".
Bref, de l'humour noir et acéré qui fait mouche à tous les coups. Le type d'album à avoir chez soi et à feuilleter de temps en temps pour retrouver (ou pas) le moral. Car c'est pas optimiste de fou quand même.
Un peu difficile à trouver, mais pas impossible, il existe une compilation que j'ai personnellement trouvée d'occasion.
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Cyparis - Le Prisonnier de Saint-Pierre
A chaque fois qu’une catastrophe naturelle touche un grand nombre de population et fait d’innombrables victimes, il se pose une question essentielle. Pouvez t’on éviter cela ? On ne parle pas des prédicateurs religieux qui nous assènent de moralité concernant notre débauche qui entraine automatiquement la fin du monde. On parle surtout des scientifiques, des vulcanologues qui étudient les éléments de la nature et qui sont le plus à même de donner leur avis. La ville de Saint-Pierre était la perle des Antilles françaises. C’était la capitale culturelle et économique de la Martinique. Le 8 mai 1902 à savoir le jour de l’Ascension, une nuée ardente d’origine volcanique a tout balayé sur son passage en exterminant tous des habitants soit près de 30.000 personnes. Si une telle chose arrivait actuellement en France, on pleurerait à chaude larme et commémorerait pendant des années car cela serait la catastrophe du siècle. On parle ici de milliers de victimes et non d’une dizaine. Là encore, les politiciens étaient plus soucieux de l’organisation d’une élection législative que de sauver des milliers de vies alors que cela paraissait évident tant les signes avant-coureurs étaient nombreux. A noter le refus du gouverneur de la Martinique soutenu par son ministère de faire évacuer la ville en assignant des messages rassurants « tout va bien, circulez, il n’y a rien à voir ! ». Cette bd va se concentrer sur un survivant peu ordinaire à savoir Cyparis (un ouvrier de 27 ans) qui a survécu douloureusement grâce à sa prison cachot. J’avais entendu parler de cette célèbre histoire mais le temps a fait que les souvenirs se sont peu à peu effacés. Cette bd est là pour rappeler les faits. Il y aura également d’autres personnages avec des destins qui ne seront pas les mêmes. Je pense notamment à la narratrice de ce récit fort bien détaillé mais qui reste très agréable à la lecture. On plonge très facilement dans la Martinique de la belle époque. A noter que cela a servi de leçons puisque dans les éruptions ultérieures, il y a eu très peu de victimes car on avait pris soin d’évacuer les populations concernées. Il aura fallu payer chèrement le prix. Fort-de-France a également renforcé son statut suite à la disparition de sa rivale. Saint-Pierre est devenu un gros village agricole. Encore un mot pour féliciter l’auteur dont c’est la première bande dessinée. Réaliser une bd longue aussi bien faite, c’est assez rare de nos jours surtout pour une première. C’est réellement du bon travail avec de très beaux dessins. Il faut encourager ceux qui font de bonnes choses car c’est la promesse de lendemain encore meilleur.
Ces jours qui disparaissent
Si l'idée d'un récit mettant en scène un homme qui se réveille sans savoir ce qu'il a fait de sa journée précédente, comme si quelqu'un d'autre avait vécu dans son corps à sa place, n'est pas foncièrement originale, elle a été poussée jusqu'au bout de la réflexion dans cette bande dessinée belle et assez forte en émotions. En effet, le héros y est confronté à un phénomène fantastique étonnant : quelqu'un prend possession de son corps un jour sur deux. Et ce quelqu'un est prêt au dialogue avec lui, par l'interposition de vidéos enregistrées sur ordinateur, car il ne sait pas plus que le héros pourquoi ce phénomène a lieu, et surtout il n'a pas lui-même de souvenir d'une vie antérieure donc il ne sait pas s'il est une sorte de parasite ou quoi. Le héros est un acrobate, artiste dans l'âme et vivant avec des amis qui lui ressemblent. L'autre, celui qui vit dans son corps la moitié du temps, est bien plus matérialiste et rigoureux. Leurs ambitions sont presque à l'opposée l'un de l'autre. Comment vivre ainsi avec un autre qui vit une vie allant à l'inverse de la sienne un jour sur deux et ce sans que rien ne promette que ça s'arrête un jour ? Quelle vie professionnelle, de famille ou amoureuse peut-on avoir dans ces conditions ? Et que se passerait-il si les choses empiraient avec le temps ? L'histoire est bien menée, intéressante et soutenue par un dessin très agréable. Les planches sont belles et épurées. Le trait est clair, dynamique et maîtrisé, avec parfois de petites touches qui rappellent les influences du manga, notamment par exemple dans le visage de l'ami magicien du héros. Le travail sur les couleurs est également très réussi et donne une ambiance visuelle bien personnelle à l'album. Si le scénario rappelle un peu le concept du film animé Your Name, il s'en détache à partir de la moitié de l'album. Et ce qui ressemblait à une routine étrange mais monotone commence à tourner au drame psychologique. L'intrigue amène alors à la réflexion sur des concepts tels que le temps qui passe, l'identité, la notion d'amitié et d'amour, et surtout sur la valeur de la vie et de sa perte quand on ne peut pas la vivre en même temps que ceux qu'on aime. Sur la fin de l'album arrive une révélation qui fait assez mal quand on s'est finalement attaché au héros. Elle a su me toucher car j'appréhendais avec lui la perte de ces jours et finalement de sa vie quasiment entière. Et quand on ne voit sa vie que par ses yeux à lui, apprendre ce qu'il apprend à ce moment là fait de la peine. Plus le temps de son récit passait et plus j'ai été ému par cette bande dessinée qui finit par mêler beauté et tristesse, jusqu'à une conclusion qui rappellera un peu celle d'un certain film de Terry Gilliam, avec à peine moins d'amertume et de fatalisme.
Ulysse 1781
Contrairement à d’autres, c’est le travail d’Hérenguel qui m’intéresse davantage que celui de Dorison. Ma réserve quant à son achat dénote de mon appréciation globale mais s’explique de la manière suivante : On se trouve devant un premier cycle qui doit en appeler d’autres. Comme la suite se fait attendre, je n’en conseille pas l’acquisition pour le moment. Par contre, l’ancrage de l’odyssée d’Ulysse à une période charnière de l’histoire naissante des USA est une idée intéressante et plutôt bien exploitée finalement. Le travail narratif, de qualité, souffre peu la critique. Le suspense et l’action sont au rendez-vous et mis en images par le trait nerveux et expressif d’Hérenguel. Malgré un petit côté brouillon, je trouve la lisibilité des planches satisfaisante. Bref, une bonne entrée en la matière mais qui, en l’état, reste un peu vaine. A noter que si suite il y a, elle se fera sans Herenguel.
Les Gardiens de Terre-4
3.5 Je précise que Ditko a dessiné toutes les histoires de ce recueil et qu'il s'occupait des scénarios, mais pas des dialogues ce qui explique le collectif sur la fiche (j'étais trop paresseux pour inclure tous les dialoguistes). Commençons cet avis avec un peu d'histoire: Charlton Comics était un éditeur de comics américain qui a duré quelques décennies avant d'être racheté dans les années 80 par DC Comics qui a intégré les super-héros de Charlton dans leurs univers (tout d'abord en indiquant qu'ils vivaient sur Terre-4 et ensuite en faisant fusionner cet terre avec celle des super-héros DC Comics durant Crisis on Infinite Earths). D'ailleurs ces super-héros étaient censés être les vedettes d'une histoire écrite par Alan Moore, mais DC a préféré que cette histoire mette en vedettes des nouveaux personnages après qu'ils aient vu ce qu'Alan Moore avait prévu de faire avec les personnages de Charlton Comics. Du coup on a eu droit à 'Watchmen' où les personnages sont basés sur ceux de Charlton Comics. Ici on retrouve Captain Atom, Nightshade, Blue Beetle et la Question qui ont servi de bases pour Dr Manhattan, Spectre Soyeux, le Hibou et Rorschach et si on adore Watchmen comme moi, c'est assez rigolo de comparer les personnages avec leurs modèles. Cette intégrale reprend le travail de Steve Ditko chez cet éditeur durant les années 60-70 (quoique je suis pratiquement certains que toutes les histoires publiées dans les années 70 étaient produites dans les années 60 et n'ont juste pas été publiées parce que les séries de super-héros de Charlton n'avaient pas trop marché à l'époque). Il continue les aventures de Captain Atom, crée un second Blue Beetle, crée la Question et Nightshade ainsi que des personnages secondaires et des méchants. J'aime bien le dessin de Ditko et j'étais impatient de lire cet album. Après lecture, je trouve que globalement c'est bon, mais certaines histoires sont moyennes. Je préviens que pour aimer il faut comme moi ne pas trop être allergique aux vieux comics. On retrouve la naïveté de l'époque et des tics comme le héros parle tout seul (mention spécial pour lorsque Captain Atom dit qu'il a perdu ses pouvoirs et du coup les méchants l’apprennent et le capture....Il est un peu con Atom). Les meilleures histoires sont celles de Blue Beetle. On a des intrigues qui se suivent à chaque histoire et la situation évolue rapidement pour une série qui n'a connu que quelques histoires. De plus Ditko fait des trucs qui étaient révolutionnaires pour l'époque. Par exemple, un truc chiant dans les comics c'est lorsque le méchant capture le héros et ne pense même pas à le démasquer. Et ben ici les méchants essaient de démasquer Blue Beetle et il a fait en sorte que son masque reste coller sauf si on fait une certaine action que lui seul connait. Dommage que la série s'est arrêté avant que Ditko finisse une des sous-intrigues de la série. Les histoires de Captain Atom sont pas mal non plus même si le personnage lui même n'est pas intéressant. J'ai préféré les autres personnages dont un duo de clowns méchants qui m'a fait penser au Joker et à Harley Quinn (personnage qui n'a été introduite que des décennies plus tard). Les histoires de la Question sont les moins intéressantes de la série. Déjà hormis une histoire les récits le mettant en vedette sont courtes, mais aussi parce que le héros sert de propagande politique pour Ditko qui était fan d'objectivisme, la philosophie développée par Ayn Rand. Déjà que je ne suis pas fan d'elle, mais en plus il n'y a aucune subtilité dans le scénario. Ainsi la Question est un être droit dans un monde de corrompus et les gens sont des moutons qui ne font que suivre la majorité alors que la Question ne suit que son jugement et il a toujours raison. Franchement sa seule histoire longue est pratiquement 25 pages sur pourquoi l'objectivisme c'est bien. Et encore le personnage reste soft comparé à un autre personnage de Ditko créé ensuite, Mr A qui a aussi servi de base pour Rorschach (il y a tout de même un récit qui se termine avec la Question qui laisse des vilains mourir). Le personnage sera beaucoup plus intéressant par la suite lorsqu'il sera utilisé par d'autres auteurs. A noter que la seule histoire de Blue Beetle que je n'ai pas aimée est aussi à cause des opinions politiques peu subtiles de Ditko (d'ailleurs la Question apparaît) sur l'art contemporain. Je n'ai aucun problème à ce qu'un auteur mette ses opinions politiques dans ses histoires, mais là non seulement je n’adhère pas au discours, mais c'est totalement manichéen et ça m'énerve ! D'ailleurs on peut retrouver de l'objectivisme dans Spider-Man et c'est fait de manière plus subtile. Bref, tout ça pour dire que c'est un album à lire pour les fans de Steve Ditko et de vieux comics, mais il y a quelques défauts.
Courtes Distances
Voilà un ouvrage comme seuls les éditeurs « indés » peuvent nous en proposer : une histoire sans histoire où il ne se passe pour ainsi dire rien, aucun événement notable, aucun rebondissement, que tchi vous dis-je… L’action (si l’on peut dire) se déroule dans une sorte de banlieue anglaise sans intérêt, faite d’entrepôts hideux et de petits pavillons grisâtres collés les uns aux autres, l’environnement parfait pour susciter la joie de vivre ! Et pour compléter le tableau, Sam, le personnage principal, qui a échoué dans ses trois cursus universitaires et sort de dépression, vient trouver refuge chez sa mère. Affublé d’un physique de grande courge apathique qui semble accablée par ses bras et jambes interminables, Sam n’a qu’un projet : trouver un travail « dont il ignore tout et qui ne lui dit rien », toutes ses tentatives pour obtenir un job passionnant et/ou lucratif s’étant soldées par des échecs retentissants… C’est ainsi qu’il va trouver le « salut » en étant recruté par le lointain cousin d’un père qui a déserté le foyer lorsqu’il n’avait que quinze ans. L’entreprise, on ne sait pas bien ce qu’elle vend au juste, peut-être des tuyaux ou des ventilos pour assainir l’air des boîtes environnantes. D’ailleurs Keith Nutt, le boss, ne semble pas en savoir beaucoup plus, mais là n’est pas l’important… notre quinquagénaire bedonnant passe le plus clair de son temps dans son Audi A4 « left-hand drive »… Quant à Sam, la partie essentielle de son boulot consiste à écouter Keith lui raconter sa vie, et ses responsabilités accrues le verront successivement prendre le volant de la berline allemande de son boss et s’occuper de son toutou au regard tout doux, un « Cavalier King Charles Spaniel »… c’est ce qu’on appelle du challenge ! Dessin atypique, narration atypique… si ce roman graphique hyper-réaliste peut au premier abord laisser dubitatif, il finit par embarquer le lecteur à son insu dans ses méandres, ceux d’une réalité des plus ordinaires. Car sous l’œil de Joff Winterhart, ces arrêts sur image des vains va-et-vient de Keith Nutt, accompagné de son confident malgré lui, le jeune Sam, prennent une dimension intrigante et subtilement cocasse, parfois incongrue. Le dessin, pas forcément abouti, reste pourtant détaillé et fait ressortir chez son auteur un sens de l’observation pour le moins développé, avec un trait semi-réaliste au crayonné, axé sur les personnages et leurs aspérités physiques, rarement rendus sous un jour avantageux il faut bien le dire. On n’est pas sur du noir et blanc mais plutôt sur un bleu foncé monochrome, et les couleurs existent même si elles sont rares, comme cela semble aller de soi dans une région de l’Angleterre minée par la crise. Ce qui importe, chez Joff Winterhart, ce sont visiblement les gens et rien d’autre, le scénario et ses enjeux largement relégués au second plan. Toute l’« histoire » tourne in fine autour de ces deux êtres que tout sépare et dont rien ne pouvait laisser présager qu’ils partageraient un jour des moments communs. Et pourtant, de ce malentendu naît une sorte de connivence, tandis que Sam, dans le rôle du narrateur empathique, comprend de mieux en mieux son patron à force d’être à ses côtés, un homme rondouillard et court sur pattes qui s’efforce de garder son masque de virilité, mais se révèle finalement assez faible et n’en devient que plus touchant, égaré dans sa routine insipide et ses « courtes distances », ses blessures et ses petites névroses… Elu meilleur roman graphique de l’année 2017 par The Guardian, cet album révèle chez son auteur un talent certain de portraitiste. Un moment de lecture sympathique à l’humour discret et inattendu, empreint d’une ironie douce-amère dépourvue de méchanceté, car il ne fait guère de doute que Joff Winterhart est un vrai altruiste possédant cet art de transformer les infimes détails d’un quotidien en tranches de vie singulières…
Ma Petite Maîtresse
3.5 C'est le premier manga de cette mangaka que je ne connaissais pas que je lis et j'ai bien envie de mieux connaitre son oeuvre. On a droit à une jeune femme qui se fait engager comme secrétaire et son supérieur se trouve être son ancien domestique du temps où sa famille était riche et il veut encore être son serviteur ! C'est vraiment le genre de série romantique que je peux lire avec amusement parce que j'aime bien le couple et j'ai bien envie de voir ce qu'il va leur arriver. Évidemment, il y a des clichés (on dirait qu'un nouveau rival arrive de nulle part pratiquement à chaque tome), mais c'est tellement bien fait que cela ne me dérange pas. Un truc que j'ai trouvé intéressant c'est que même si Dômoto veut être le serviteur de Chôko, il y a plusieurs fois où il est dominant. Il y a un genre de jeu de rôle entre les deux où le rapport dominant/dominé varie selon les scènes et c'est un truc que j'aime bien. Leurs relations évoluent au fil des tomes et comme c'est un manga pour jeunes femmes, on retrouve un peu d'érotisme et on est loin des mangas pour public adolescent où les couples ont de la difficulté à s'avouer leurs sentiments et à s'embrasser durant des dizaines de tomes. Il y a un bon mélange d'humour et de drame même si parfois il y a un peu trop d'humour dans certaines situations. Parfois on dirait que c'est pas grave que l’héroïne se fait harceler sexuellement. Le dessin est pas mal.
Le Ruistre
J’ai beaucoup aimé cette BD qui nous plonge bien dans l’ambiance médiévale. Outre l’utilisation d’une langue française qui semble d’époque, cette BD reflète bien les mœurs du moment où la force régnait en maître. On se plaint parfois de la justice et de la violence actuelles mais cela n’a rien à voir avec ce qui se passait au Moyen-Âge. Jean-Charles Kraehn nous raconte une histoire dure mais très plausible. Cependant, il n’est pas étonnant que cela ait été un échec commercial car la violence des situations et les scènes sexuelles ne permettent pas de mettre ces albums dans toutes les mains alors que les amateurs d’érotisme se tourneront vraisemblablement vers des histoires moins réalistes et plus explicites. Ce travail d’une très grande qualité n’a donc pas pu être un succès faute d’un public suffisant. Dommage car on aurait aimé connaître la suite des aventures du chevalier Foulques, de Petitus, de dame Aurimonde et du jeune Angebault dont les destins semblent prendre des chemins si différents que l’on se demande comment l’auteur aurait fait pour qu’ils convergent à nouveau. Je mets 4/5 et non la note maximale parce que la série est abandonnée.
Servitude
Aviser cette série n’a rien d’évident. D’un côté une base scénaristique incroyablement fouillée et un dessin riche et précis. De l’autre, un format bd pas forcément adapté à une fresque aussi ambitieuse... On pourrait reprocher aux auteurs : l’absence d’un véritable héros, une histoire non linéaire entre chaque tome, une colorisation « sépia » donnant des planches belles individuellement mais une ambiance monotone entre les différents lieux, différentes cultures... La présence de multiples bonus m’a plutôt ravi mais cela renforce le fait que le média bd n’est pas adapté à une histoire aussi fourmillante de détails. Il y a un côté Tolkien dans la subcréation... mais celui-ci était écrivain et illustrateur, il n’a jamais fait de bd. Je mets 4* car il est évident que tant le scénario que le dessin font l’objet d’un énorme travail de la part des auteurs, j’ai été plus d’une fois émerveillé par certaines scènes... mais je comprends tout autant le raisonnement de dire que pour une bd ça manque de fluidité.
Kobane Calling
Je suis conquis par cette BD, et je lui discerne un coup de cœur sans la moindre hésitation. Et dire que je me tâtais à lire cette BD, refroidis par cette couverture annonçant un énieme carnet de voyage de la part d'un auteur type "jeune paumé" en route vers un endroit qu'il ne connait pas. Quelle image faussé n'avais-je alors pas ! Si la couverture ne laisse rien présager de l'ensemble, nous avons le droit à un récit documentaire de qualité et servi avec un certain brio ! Autant le dire, il faut s'accrocher un peu pour rentrer dans cette histoire et arriver à suivre l'auteur, qui a une petite tendance à l'épanchement verbeux, mais également avec le dessin et la construction des pages. Mais une fois passé quelques pages, on rentre dans le style et l'histoire. Attention cependant, ça reste une BD qu'il faut prendre le temps de lire. Prévoyez de la disponibilité cérébrale, il y a de quoi faire ! Ce qui m'a captivé, c'est à la fois le ton de l'auteur, à mi-chemin entre l'humour de son personnage et le documentaire précis de ce qu'il a vu. C'est particulièrement prenant car on se sent transporté avec lui dans ces péripéties en territoire kurde. Le dessin aide particulièrement, avec un dynamisme et une lisibilité parfaite. Tout est très reconnaissable, avec plusieurs petites touches d'humour dans les personnages. Mais ce ton rendu léger reste très grave. Là-bas, c'est la guerre, et c'est pas rigolo. Zerocalcare arrive à nous faire passer tout la gravité de ce qui se trame dans cette région du monde. Il y a plusieurs moments poignants voir même émouvants, bien que l'auteur ne se prenne jamais toute l'horreur d'une guerre en face. Cependant il fait comprendre ce qui se joue, ce qui se passe et également ce qu'il ressent. Là où l'auteur m'a réellement convaincu, c'est que souvent ce genre de documentaire se limite à ce que le dessinateur à vécu dans le pays, ou alors tente maladroitement de faire un petit topo sur la situation. Ici, Zerocalcare arrive à faire à la fois un carnet de voyage, mais également un état des lieux bien complet. Les interviews sont très diverses et rendent assez bien compte de toute la complexité des choses, idées renforcée par ce que dit l'auteur (notamment les fois où il précise que ce qu'il a vu n'est pas la réalité objective de tout ce qui existe). Plusieurs fois il prend le temps d'expliquer les points de détails ou de rajouter des précisions importantes. Le nombre de pages et l'abondance de textes permettent de bien développer les différents points. Et de nous sortir des phrases bien senties. J'ai bien senti à travers la BD la charge que l'auteur a contre la Turquie d'Erdogan (et comme il le souligne à la fin, les Turques ne sont pas leur gouvernement), tout autant que toute la réserve qu'il a envers les Kurdes malgré l'accumulation de points en leur faveur. On pourrait y voir un développement très (trop) favorables à ces derniers, mais je dois reconnaitre que dans toute la complexité de cette situation géopolitique, ils représentent une bonne partie des valeurs morales qu'on voudrait défendre. Cette BD est vraiment le genre de documentaire que j'aime lire. Déjà parce qu'elle est extrêmement instructive, mais également parce qu'elle met en lumière beaucoup de ce qui se passe dans notre monde actuel. Et qu'elle ne nous épargne pas, nous autres européens qui regardons le moyen-orient de loin. Il y a des cases (voir des pages) qui prennent à la gorge lorsqu'on se rend compte de ce qu'il se passe. Et se rappeler que c'est la guerre, et ce que c'est que la guerre, c'est parfois une bonne chose. On rigole un peu en lisant cette BD, et pour une fois je trouve ça salutaire. Parce que cette BD est très dure, mais très bien faite. Un gros coup de cœur pour cette découverte qui a vraiment toutes les qualités.
Le Baron Noir
Le Baron noir, c'est simple et efficace : des gags courts, des dessins et décors efficaces, et une satyre de la société croustillante et finalement très fine. Le baron noir, aigle de son état, surplombe et dominé les moutons, soutenus (passivement) par les autres animaux moins vulnérables, comme l'éléphant. Et que dire des rhinocéros policiers, grands adeptes de la "bavure". Bref, de l'humour noir et acéré qui fait mouche à tous les coups. Le type d'album à avoir chez soi et à feuilleter de temps en temps pour retrouver (ou pas) le moral. Car c'est pas optimiste de fou quand même. Un peu difficile à trouver, mais pas impossible, il existe une compilation que j'ai personnellement trouvée d'occasion.